Jeu 4X
Le jeu 4X est un type de jeu vidéo de stratégie dans lequel le joueur contrôle un empire et dont le gameplay est basé sur quatre principes : exploration, expansion, exploitation et extermination (« eXplore, eXpand, eXploit and eXterminate » en anglais). Les jeux 4X sont aussi parfois considérés comme des jeux de gestion. Le terme a été pour la première fois utilisé par le journaliste Alan Emrich en dans son aperçu du jeu Master of Orion pour le magazine Computer Gaming World.
Les jeux 4X sont réputés pour leur profondeur et leur système de jeu complexe. L'accent est mis sur le développement économique et technologique d'un empire virtuel que le joueur doit mener à la suprématie. Jouer une partie complète dure en général très longtemps car la gestion d'un empire étendu demande beaucoup de micromanagement. Les jeux 4X ont d'ailleurs été souvent critiqués à cause de cet aspect très détaillé même si de nombreuses tâches peuvent être automatisées.
Les premiers jeux 4X étaient inspirés des jeux de plateau, de jeux vidéo en textes et des jeux de guerre sur ordinateur des années 1970. Ceux-ci étaient alors exclusivement au tour par tour. Les jeux 4X en temps réel sont apparus par la suite. Ce type de jeu a surtout eu du succès au milieu des années 1990 puis fut dépassé par les autres genres de jeux de stratégie. Civilization de Sid Meier est certainement l'exemple le plus célèbre de cette époque, il est depuis le mètre-étalon du genre. Les années 2000 connurent quelques sorties de jeux 4X ayant eu un succès critique et commercial. Initialement réservés aux ordinateurs personnels, le genre se porte peu à peu sur consoles.
Définition
Les quatre X
Le terme « 4X » provient d'un aperçu de Master of Orion rédigé par Alan Emrich pour Computer Gaming World, dans lequel il classa le jeu « XXXX », un jeu de mot avec la classification XXX de la pornographie. Il avait entendu ce terme pour la première fois par Tom Hughes avec qui il a écrit le guide stratégique de Master of Orion[1]
Les quatre X sont des abréviations pour explore, expand, exploit, exterminate (exploration, expansion, exploitation et extermination)[2]. D'autres chroniqueurs de jeu vidéo ont adopté par la suite ce nom pour décrire un genre de jeu ayant un système de jeu possédant certaines spécificités[3],[4] :
- Exploration - Le joueur doit envoyer des éclaireurs dans les territoires non découverts environnants le lieu de départ du jeu.
- Expansion - Le joueur doit agrandir son territoire en établissant de nouvelles colonies ou en étendant son influence sur des colonies existantes.
- Exploitation - Le joueur doit récolter les ressources des zones qu'il contrôle et maximiser leur utilisation.
- Extermination - Le joueur doit attaquer et éliminer ses rivaux que ce soit militairement ou par un autre moyen.
Ces quatre éléments représentent les quatre phases de jeu majeures d'un jeu 4X[5]. Ces phases ne sont généralement pas délimitées et se recouvrent, leur durée varie selon le game design du jeu. Par exemple, la série Space Empires ou Galactic Civilizations II: Dark Avatar proposent de longues phases d'expansion car il faut que le joueur investisse énormément dans la recherche pour pouvoir trouver de nouveaux territoires[6],[7],[8].
Limites
Malgré cette définition, d'autres jeux de stratégie « classiques » utilisent un cycle similaire[9]. Ainsi, les spécialistes du jeu vidéo ont essayé de préciser la définition du jeu 4X au-delà de ses quatre X. Ils ajoutent par exemple que les jeux 4X se distinguent par la grande complexité et la taille de leur terrain de jeu ainsi que leur usage de la diplomatie par opposition à la dualité classique « ami / ennemi » des jeux de stratégie classiques[9],[10],[11],[12]. Certains pointent également la gestion de l'économie, bien plus poussée, au détriment des combats militaires, plus simples dans les jeux 4X[10].
Un cinquième X ?
En 2002, à l'occasion de la sortie de Master of Orion III, Alan Emrich propose l'ajout d'un cinquième X à sa définition : expérience (eXperience). C'est-à-dire qu'à partir d'un certain stade d'avancement de la partie, le joueur peut déléguer une partie de son autorité à des subordonnés virtuels gérés par des intelligences artificielles[1]. À chaque tour de jeu, le joueur doit utiliser de manière judicieuse son pouvoir impérial et déterminer quels sont les aspects de son empire requérant son intervention directe[13]. Néanmoins, Master of Orion III a reçu des critiques mitigées notamment sur ce principe, qui limite les possibilités de gestion données au joueur[14].
C'est lors de cette « phase d'expérience » que peuvent se manifester les insurrections populaires si le joueur ne parvient pas à combler les aspirations des citoyens de son empire[1]. Ceci reste propre à Master of Orion III même si la possibilité de révolte était déjà présente dans les autres phases et dans certains autres jeux 4X comme ceux de la série Civilization. Dans Galactic Civilizations, au fur et à mesure que l'empire du joueur évolue vers plus de démocratie, les colonies obtiennent plus de souveraineté et le joueur peut se retrouver en minorité dans le sénat galactique[15].
Game design
Le game design des jeux 4X est conçu sur la base d'un jeu de stratégie en temps réel, au tour par tour ou en mettant en place un système de phases de jeu de manière à alterner phases en temps réel et phases au tour par tour.
Les jeux 4X se distinguent des jeux de stratégie classiques notamment par un système d'évolution des unités et des bâtiments par la progression du joueur dans un arbre des technologies, par des combats qui se déroulent dans une interface séparée de l'interface de gestion de l'empire et par une complexité des mécanismes de jeu plus importante.
Recherche et technologie
Les jeux 4X utilisent généralement un arbre des technologies qui représente une série d'avancées que le joueur peut débloquer pour obtenir de nouvelles unités, de nouveaux bâtiments ou de nouvelles possibilités. Les arbres des technologies des jeux 4X sont généralement beaucoup plus développés que dans les autres jeux de stratégie, proposant une large palette de choix à faire au joueur[9],[16]. Les joueurs doivent allouer une part des richesses qu'ils amassent à la recherche technologique pour pouvoir débloquer les nouvelles découvertes[17]. Dans les jeux 4X, le pré-requis à la découverte d'une nouvelle technologie est la connaissance préalable d'une ou plusieurs technologies antérieures.
La recherche occupe également une place importante dans les jeux 4X parce que le progrès technologique est le moteur permettant les conquêtes[18]. L'issue des batailles est en partie déterminée par la supériorité technologique et par le nombre d'unités ; la tactique joue dans certains jeux 4X un rôle moindre que dans les jeux de stratégie classiques[19],[20]. Dans les jeux de stratégie, les unités de base peuvent dans la plupart des jeux être utilisées durant toute la durée d'une partie alors que dans les jeux 4X, les unités de base peuvent devenir obsolètes et ne peuvent alors plus être produites[21]. Dans certains jeux 4X comme Civilization, un joueur peut voler des technologies à un autre ou alors négocier avec lui pour en obtenir. Ceci permet de maintenir un relatif équilibre technologique entre les joueurs.
Combat
Le combat est une composante importante des jeux 4X. En effet, il est possible de remporter la partie en exterminant tous les joueurs adverses, ou en conquérant une fraction cible de l’univers du jeu[22]. Dans certains jeux 4X, comme Galactic Civilizations, l’issue du combat est décidée automatiquement, dès que deux unités de camps adverses se rencontrent[23]. D’autres, tel Master of Orion, permettent au joueur de diriger la bataille sur un écran de combat tactique[23],[24]. Les jeux 4X se distinguent des jeux de stratégie davantage orientés sur le combat en insistant sur la recherche et l’économie[2],[10]. La recherche de nouvelles technologies donne accès à de nouvelles unités de combat. Certains jeux 4X permettent de plus de rechercher des composants d’unités. Ceci est plutôt typique des jeux 4X se déroulant dans l’espace, où le joueur assemble des vaisseaux spatiaux en sélectionnant des moteurs, boucliers et armements[23].
Compétition pacifique
Les jeux 4X proposent des systèmes de diplomatie entre les différents empires. Les jeux de stratégie classiques permettent de faire des alliances entre joueurs. Les relations diplomatiques y sont globalement limitées à un choix binaire entre allié ou ennemi. Les jeux 4X proposent des relations plus complexes entre les rivaux ne faisant pas partie de la même équipe[9],[11]. Les joueurs peuvent par exemple faire de l'échange de ressources et d'informations avec leurs rivaux.
Il est possible de gagner une partie sans conquête, de manière pacifique[10]. Par exemple, des jeux 4X offrent la victoire au joueur ayant atteint un score élevé ou un high score au bout d'un certain nombre de tours de jeu ou d'un certain temps de jeu[25]. D'autres jeux offrent la victoire au premier joueur maîtrisant une technologie ultime, ayant accumulé une culture substantielle ou ayant accompli un fait grandiose[23]. Dans certains jeux, il est aussi possible de gagner en étant élu par ses rivaux ou en maintenant la paix pendant un nombre de tours ou un temps donné[25],[26],[27].
Complexité
Les jeux 4X sont connus pour leur jouabilité complexe et leur profondeur stratégique[12],[28],[29]. Il est communément accepté que la jouabilité est prioritaire par rapport à l'aspect graphique[1],[16]. Là où les jeux de stratégie classiques s'intéressent surtout aux combats, la complexité des jeux 4X réside principalement dans la diplomatie, la gestion économique et la recherche[2],[10]. Cela force le joueur à mettre en pratique diverses stratégies simultanément et de planifier des objectifs à long terme[30].
Pour décrire le fonctionnement d'un empire étendu, les jeux 4X utilisent une gamme complexe de règles[12]. La productivité du camp du joueur est modulée par de nombreux aspects comme par exemple, la pollution[31],[32]. Le budget du joueur est modulé par des aspects réalistes comme la gestion des dettes[33] ou la gestion de coûts d'entretien des bâtiments ou unités[34]. Les jeux 4X modélisent également des challenges politiques comme la gestion des guerres civiles[22],[32] ou le contrôle de chambres des représentants[35],[32].
Une telle complexité implique que le joueur doit manier de nombreuses informations notamment pour les opérations de micromanagement (gestion interne des bases, batailles...)[24],[23],[36]. Ces informations sont séparées dans différents écrans accessibles depuis l'environnement graphique ou via un basculement entre différents modes de visualisation[10]. La complexité de chaque écran peut être élevée au point qu'on peut les assimiler à des mini-jeux[30],[37]. Les jeux 4X en temps réel, par exemple, sont donc particulièrement différents de leurs homologues classiques. En effet, Dune II, qui a posé une bonne partie des conventions du jeu de stratégie en temps réel moderne a été conçu sur la base d'une « interface plate », sans écrans additionnels[38].
Micromanagement et durée des parties
Comme un jeu 4X permet la gestion d’un large empire, les parties sont généralement plus longues que celles d’autres jeux de stratégie[10]. Elles peuvent demander plusieurs heures de jeu, ce qui peut poser problème pour des parties en multijoueur[39]. Par exemple, une courte campagne de Sins of a Solar Empire peut durer douze heures[12]. Cependant, les adeptes du genre s’attendent et adhèrent à de telles durées[40]. Les jeux 4X au tour par tour divisent souvent une partie en centaines de tours de jeu[30],[41].
En raison du côté répétitif des actions et de la durée des parties, les jeux 4X ont été critiqués pour leurs demandes trop importantes en micromanagement. Cet aspect ne pose généralement pas de problème en début de partie. Mais plus tard, gérer un empire implanté en plusieurs endroits peut demander au joueur plusieurs minutes par tour de jeu. Cela accroît la durée des parties, ce qui est particulièrement problématique pour le multijoueur[10]. Les jeux 4X ont proposé des gouverneurs gérés par intelligence artificielle pour automatiser le micromanagement d’une colonie. Toutefois, les joueurs ont critiqué ces gouverneurs pour leurs erreurs de décision. En réaction, les développeurs ont tenté de nouvelles approches pour diminuer les besoins en micromanagement[42]. Certaines ont été mieux appréciées que d’autres. Les critiques s’accordent à dire que Galactic Civilizations est une réussite sur ce point, ce qui est notamment attribué à la possibilité d’avoir des gouverneurs programmables par le joueur[43]. Sins of a Solar Empire a été conçu dans l’idée de rendre le micromanagement plus dispensable[44], et les critiques ont généralement trouvé que l’interface de jeu rend la gestion de l’empire plus élégante[36],[45]. D’un autre côté, Master of Orion III a réduit le micromanagement en limitant le contrôle du joueur sur son empire[13], aspect qui a rencontré des critiques partagées[46],[47].
Histoire
Origine
Les premiers jeux 4X sont nés sous l'influence des jeux de société et les jeux vidéo textuels des années 1970[48]. Parmi les précurseurs des jeux 4X figurent Empire, le premier jeu de gestion d'empire, Andromeda Conquest, le premier jeu d'expansion d'empire, et Reach for the Stars, le premier à avoir créer une relation entre la croissance économique, le progrès technologique et la conquête militaire[18].
En 1990, Sid Meier crée Civilization et popularise la profondeur de jeu qui deviendra une base des jeux 4X[49]. Le jeu était inspiré de jeux de plateau comme Risk où le jeu éponyme d'Avalon Hill Civilization, notamment pour ce qui est de l'importance de la diplomatie et du progrès technologique. Il était également influencé par les city-builders comme SimCity et les jeux vidéo de guerre comme Empire[50]. Civilization eut un grand succès et influença de manière significative les futurs jeux 4X[49].
En 1991, deux jeux 4X permettant de gérer un empire à l'échelle spatiale furent sortis, VGA Planets sous DOS et Spaceward Ho! sous Mac OS. Si les jeux 4X spatiaux auront finalement été plus influencés par la complexité de VGA Planets, Spaceward Ho! rencontra un certain succès pour son système de jeu plus simple mais efficace[51],[24]. Ce dernier influença également un jeu majeur du genre 4X sorti en 1993, Master of Orion[2],[52]. Master of Orion était également inspiré par Reach for the Stars[2],[53]. Il devint un classique qui posa un nouveau standard pour les jeux 4X[24],[39]. C'est d'ailleurs à sa sortie qu'Alan Emrich inventa le terme 4X pour décrire le genre émergent[2]. Le terme fut adopté par l'industrie et certains jeux furent qualifiés rétrospectivement de 4X[54].
Âge d'or et déclin
Suite au succès de Civilization et de Master of Orion, d'autres développeurs ont commencé à travailler sur des jeux 4X. En 1994, Stardock lance l'ébauche de Galactic Civilizations sur OS/2[55] et la série Space Empires commence sous forme de shareware. Ascendancy et Stars! sortent en 1995 et reprennent à leur compte le thème de la gestion d'empire et la profondeur stratégique des jeux 4X[54]. Pendant ce temps, les séries Civilization et Master of Orion s'enrichissent de nouveaux opus (Civilization II et Master of Orion II: Battle at Antares) et sont adaptées sur Macintosh. Sid Meier et son équipe produisent un spin-off de Civilization, Colonization et Simtex Software, qui a réalisé Master of Orion, adapte son jeu dans un monde de fantasy avec Master of Magic.
La fin des années 1990 voit le marché dominé par les jeux de stratégie en temps réel, au détriment des jeux de stratégie au tour par tour[56]. Les développeurs de jeux 4X commencent à connaître des difficultés. Firaxis Games et Sid Meier sortent en 1999 Alpha Centauri, un spin-off de Civilization dans un univers de science-fiction. L'accueil critique est positif mais le jeu ne se vend pas bien[57]. Civilization III connaît des difficultés de développement et sort précipitamment en 2001[58]. Master of Orion III, sorti en 2003, reçoit des critiques très moyennes de la presse spécialisée[14]. Les éditeurs de jeux vidéo ne s'engagent plus dans le développement de jeux 4X, devenu trop risqué[28].
Histoire moderne
L'histoire moderne des jeux 4X concerne principalement des jeux 4X en temps réel, leur précurseur majeur étant Imperium Galactica sorti en 1997[29]. En 2003, Stardock sort la version finale de Galactic Civilizations accompagnée en 2006 par sa suite Galactic Civilizations II: Dread Lords, qui reçurent tous deux un excellent accueil critique[59],[60]. En 2008, Ironclad sort Sins of a Solar Empire qui rencontra un grand succès critique et commercial[61].
Les jeux 4X ne se sont pour autant pas éloignés de leur origine, à savoir les jeux de société. Master of Orion III s'est inspiré par certains aspects de Twilight Imperium[62]. Sins of a Solar Empire est lui inspiré du jeu de société Buck Rogers: Battle for the 25th Century[61]. Ce qui a changé, c'est que l'on voit aujourd'hui des jeux vidéo 4X adaptés en jeux de société à l'instar de Sid Meier's Civilization, transposé en 2002[61].
Parallèlement aux jeux en temps réel, des jeux 4X au tour par tour ont continué à sortir régulièrement notamment Civilization IV en 2005 qui a reçu un excellent accueil aussi bien critique[63] que public, marquant en 2009 avec la sortie d'une édition spéciale les plus de 8 millions de jeux vendus par la série[64]. En 2008, Firaxis Games sort Civilization Revolution, une version spécialement adaptée pour de nouveaux marchés : les consoles et les casual gamers.
Ces récents succès marquent pour Brad Wardell du studio Stardock un retour en force du genre 4X[65], resté notamment très suivi par une communauté de fan ayant créé des jeux vidéo libres adaptés des grands succès du genre : Freeciv, FreeCol, FreeOrion ou C-evo.
Chronologie
Annexes
Articles connexes
Notes et références
- (en) « Master of Orion III Developer Chat » de Dan Quick, GameSpy, février 2002.
- (en) « MicroProse' Strategic Space Opera is Rated XXXX » d'Alan Emrich, Computer Gaming World n°110, septembre 2009, pages 92-93.
- (en) « Civilization IV: Warlords Guide » de J. "PyroFalkon" Habib, IGN, 17 août 2006.
- (en) « Ironclad Games - Sins of a Solar Empire Gameplay », site officiel d'Ironclad.
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