Annomination
L’annomination (substantif féminin) — du latin ad (« vers ») et nominatio (« nom ») est une figure de style fondée sur la répétition d'un mot pris à la fois dans son sens premier et dans son sens figuré. À l'origine, la figure ne concernait que les noms propres, pris dans un sens commun[1].
En rhétorique latine, le mot est équivalent à la paronomase d'origine grecque (paronomasia). Cette figure consistait à rapprocher dans un discours des paronymes, c'est-à-dire des mots presque homonymes, dont la sonorité diffère peu entre eux, de même famille ou non. En art poétique ou oratoire, elle apporte un effet d'assonance ; mais, plus généralement, elle sert à des jeux de mots. Elle est proche de la syllepse de sens et a pour effet de provoquer une symétrie du discours et un sentiment de solennité.
Exemples
[modifier | modifier le code]- « Je suis un homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger. »[2] (Térence)
- Jeux de mots latins : carmen, crimen ; amantes, amentes ; orator, arator…
- « Ton bras est invaincu, mais non pas invincible » (Corneille dans Le Cid)
- « Je te dis que tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Évangile selon Matthieu).
- « Ah ! qu’il est malin le Malin » (Paul Valéry, Mon Faust).
Définition
[modifier | modifier le code]Définition linguistique
[modifier | modifier le code]L'annomination est une figure de transformation morpho-syntaxique de paronymes répétés à l'identique ou quasi semblables : les mots répétés peuvent être de nature grammaticale différente (humain et homme dans l'exemple précédent). La figure se fonde sur une paronymie morpho-syntaxique des deux termes dont l'un est dans son acception propre, l'autre dans une acception soit plus imagée (pierre dans l'exemple tiré de l'Évangile de Saint Mathieu) soit de sens proche mais syntaxiquement et morphologiquement différent du premier.
Définition stylistique
[modifier | modifier le code]La figure vise un effet de redondance, de jeux de mots, de circularité du discours également (effet de fermeture).
L'annomination peut aussi tendre vers des effets analogiques (exemple : « Je te dis que tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église », Évangile selon Mathieu). En général elle permet de créer une atmosphère solennelle.
La publicité peut utiliser les ressources de l'annomination afin de générer une redondance du propos.
Genres concernés
[modifier | modifier le code]L'annomination concerne tous les genres littéraires. On peut la retrouver préférentiellement dans les oraisons ou dans les tirades dramatiques en raison de la solennité qu'elle génère.
Historique de la notion
[modifier | modifier le code]Pierre Fontanier reprend met sous la définition d'annomination : d’une part, « paronomase » quand les mots sont des homonymes ou paronymes, d’autre part, « dérivation » quand les mots sont « dérivés » de la même famille.
La définition d'Henri Morier, répertoriée dans son Dictionnaire de rhétorique et de poésie, apporte une nuance qui n’existait pas auparavant et qui s’avère intéressante et bien adaptée à la langue française moderne : c'est-à-dire un procédé littéraire qui consiste à suggérer peu à peu un nom, à le faire venir à la conscience du lecteur, parfois, surtout en poésie, à l’envoûter par l’emploi répété de paronymes et/ou d’assonances :
« Car ils se trouvent en mer, mais tout leur vient d’aimer »,
« Et amer est le mal qui les tient. » (Chrétien de Troyes, Cligès)
« O Roméo !
Tu te tais, mais si je criais son nom d’amour
Comme l’on jette
Dans l’eau muette[3]
Un caillou lourd… »
— Henri de Régnier, Vestigia flammae
Pour le groupe µ, cette figure opère une « remotivation du nom propre par métanalyse, étymologie ou traduction »[4].
Figures proches
[modifier | modifier le code]- Hyperonymes : paronomase
- Hyponymes : aucun
Débats
[modifier | modifier le code]En rhétorique française, elle est rarement évoquée, sinon pour la rapprocher soit de la paronomase soit de la polyptote[5]. Plusieurs noms de figures étant venus, depuis, différencier divers procédés, le nom « annomination » est tombé en désuétude. On lui préfère le nom de syllepse, figure à laquelle l'annomination est souvent associée.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- « Annomination - définition de annomination, citations, exemples et… », sur reverso.net (consulté le ).
- Homo sum, humani nil a me alienum puto.
- Les rimes sont identiques à celle du prénom dont l'appel a déjà été amorcé par « Roméo » : Juliette.
- « Administrative Quarantine », sur hku.hk (consulté le ).
- Par exemple, dans le Lexique des termes littéraires, de la collection M. Jarrety (LGF, 2001), d’où est tiré l’exemple.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Pierre Pellegrin (dir.) et Myriam Hecquet-Devienne, Aristote : Œuvres complètes, Éditions Flammarion, , 2923 p. (ISBN 978-2081273160), « Réfutations sophistiques », p. 457.
- Quintilien (trad. Jean Cousin), De l'Institution oratoire, t. I, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Budé Série Latine », , 392 p. (ISBN 2-2510-1202-8).
- Antoine Fouquelin, La Rhétorique françoise, Paris, A. Wechel, (ASIN B001C9C7IQ).
- César Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des différents sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue, Impr. de Delalain, (réimpr. Nouvelle édition augmentée de la Construction oratoire, par l’abbé Batteux), 362 p. (ASIN B001CAQJ52, lire en ligne).
- Pierre Fontanier, Les Figures du discours, Paris, Flammarion, (ISBN 2-0808-1015-4, lire en ligne).
- Patrick Bacry, Les Figures de style et autres procédés stylistiques, Paris, Belin, coll. « Collection Sujets », , 335 p. (ISBN 2-7011-1393-8).
- Bernard Dupriez, Gradus, les procédés littéraires, Paris, 10/18, coll. « Domaine français », , 540 p. (ISBN 2-2640-3709-1).
- Catherine Fromilhague, Les Figures de style, Paris, Armand Colin, coll. « 128 Lettres », 2010 (1re éd. nathan, 1995), 128 p. (ISBN 978-2-2003-5236-3).
- Georges Molinié et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, Paris, LGF - Livre de Poche, coll. « Encyclopédies d’aujourd’hui », , 350 p. (ISBN 2-2531-3017-6).
- Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique, Paris, Armand Colin, , 228 p., 16 cm × 24 cm (ISBN 978-2-2002-5239-7).
- Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Premier cycle », , 256 p., 15 cm × 22 cm (ISBN 2-1304-3917-9).
- Hendrik Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, Rainier Grutman et al., Dictionnaire des termes littéraires, Paris, Honoré Champion, , 533 p. (ISBN 978-2-7453-1325-6).
- Groupe µ, Rhétorique générale, Paris, Larousse, coll. « Langue et langage », .
- Nicole Ricalens-Pourchot, Dictionnaire des figures de style, Paris, Armand Colin, , 218 p. (ISBN 2-200-26457-7).
- Michel Jarrety (dir.), Lexique des termes littéraires, Paris, Le Livre de poche, , 475 p. (ISBN 978-2-253-06745-0).