Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                
Aller au contenu

Berty Albrecht

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Berty Albrecht
Berty Albrecht.
Biographie
Naissance
Décès
(à 50 ans)
Fresnes (Seine, France)
Sépulture
Nom de naissance
Berthe Pauline Mariette Wild
Surnom
Victoria
Nationalité
Activité
Famille
Conjoint
Frédéric Albrecht (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfant
Autres informations
Conflit
Lieux de détention
Distinctions
Archives conservées par

Berthe Pauline Mariette Wild, dite Berty Albrecht, née le à Marseille et morte le à la prison de Fresnes (Seine), est une militante de gauche, féministe, antifasciste et résistante française.

Berty Albrecht participe jusqu'à son arrestation à la direction de Combat, l'un des principaux mouvements de résistance intérieure. Elle est l'une des six femmes Compagnons de la Libération et l'une des deux femmes inhumées dans la crypte du mémorial de la France combattante au mont Valérien.

Berthe[1] Wild est issue d'une famille protestante d'origine suisse de la bourgeoisie marseillaise. Elle fait ses études à Marseille au lycée Montgrand, puis à Lausanne, et obtient son diplôme d'infirmière en [2]. Elle part alors pour Londres, où elle travaille comme surveillante dans une pension de jeunes filles. Au début de la Première Guerre mondiale, elle retourne à Marseille où elle travaille pour la Croix-Rouge dans plusieurs hôpitaux militaires.

En 1918, elle épouse à Rotterdam le banquier néerlandais[3] Frédéric Albrecht ; ils ont ensemble deux enfants, Frédéric ( - 1998) et Mireille ( - 2007). Le couple vit aux Pays-Bas, puis s'installe à Londres en 1924. C'est là qu'elle rencontre les féministes anglaises et se passionne pour la condition féminine. Les historiennes Christine Bard et Corinne Bouchoux écrivent qu'« elle découvre le féminisme à travers Sylvia Pankhurst »[4].

Séparée de son époux, elle s'installe à Paris en 1931 et se lie d'amitié avec Victor Basch, professeur à la Sorbonne et président de la Ligue des droits de l'homme, dont elle est membre. Dans un pays où les femmes n'ont pas le droit de voter, où la contraception est rudimentaire, inefficace, peu accessible, l'avortement lourdement sanctionné, elle crée en 1933 une revue féministe, Le Problème sexuel. Financée par son époux, cette revue publie cinq numéros, de à . Elle y défend le droit à l'avortement[5] et à la contraception[6]. À l'automne 1934, Berty Albrecht visite l'URSS d'où elle revient déçue par les inégalités et le gaspillage, malgré les réussites du régime (écoles, universités, crèches, jardins d'enfants). Elle participe à la création du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme[4]. En 1935, elle contribue à la fondation du Comité d'aide à l'Éthiopie (pays alors attaqué par l'Italie fasciste).

En 1933, consciente des dangers du nazisme (et plus tard hostile aux accords de Munich), Albrecht accueille des réfugiés allemands (principalement des juifs et des dissidents politiques fuyant le fascisme) dans sa maison de Sainte-Maxime, où elle rencontre le capitaine Henri Frenay, qui devait survivre à la guerre et devenir l'un des plus célèbres représentants vivants des résistants français. Malgré leurs divergences politiques (il appartenait alors à la droite nationaliste, alors qu'elle était activement associée à des causes de gauche), Albrecht et Frenay devinrent amants, puis coorganisèrent un grand mouvement de résistance, baptisé Combat[2]. Dans le cadre de son engagement antifasciste, Berty Albrecht participe également à l'aide aux républicains espagnols.

En 1937, Berty suit la formation de l'école des surintendantes d'usine dont la directrice est Jane Sivadon. Assistante sociale, elle travaille dans une fabrique d'instruments d'optique.

Résistance

[modifier | modifier le code]
Plaque du bureau clandestin de Berty Albrecht à Lyon, quais de Saône.

En 1940, Berty est surintendante aux usines Fulmen de Clichy et de Vierzon[7].

À Vichy et à Lyon, Berty Albrecht participe à toutes les initiatives résistantes de Frenay. Elle cofonde en août 1940 le Mouvement de libération nationale qui devient, grâce à la fusion avec Liberté en , Mouvement de libération française, avant d'être rebaptisé Combat en [4].

En , elle se charge de la dactylographie du Bulletin[8], bi-hebdomadaire du capitaine. Grâce aux contacts de Berty, Pierre de Froment et Robert Guédon peuvent développer leur action en zone occupée et en zone interdite.

Albrecht et Frenay reconnaissent le général de Gaulle en tant que symbole de la Résistance, mais renâclent à accepter son autorité. Frenay se détache peu à peu de la Révolution nationale, qu'Albrecht a toujours rejetée. Ensemble, ils lancent successivement trois journaux : Les Petites Ailes de France, puis Vérités et enfin en 1941 Combat[4].

Plaque apposée au no 16 de la rue de l'Université (7e arrondissement de Paris), où habita Berty Albrecht.

En 1941, elle est engagée comme « inspectrice du chômage féminin »[4] de la ville de Lyon par Henri Maux. Berty, fonctionnaire de l'État français, militante connue d'avant-guerre, est surveillée de près par la police française et, sans doute, par les services allemands. Elle organise le service social qui, en zone libre, aide les militants emprisonnés et leur famille. Elle est arrêtée une première fois par la police française, en . Libérée au bout de trois jours, elle est contrainte de démissionner.

Arrestation, internement et mort

[modifier | modifier le code]

Arrêtée en par la Surveillance du territoire, elle est mise en internement administratif à Vals-les-Bains en . Elle fait une grève de la faim afin d'être jugée[4]. Elle obtient gain de cause au bout de 13 jours. Transférée à la prison Saint-Joseph de Lyon, puis finalement jugée, elle est condamnée à six mois de prison ferme.

Le , les Allemands envahissent la zone Libre. Craignant la déportation, elle profite du trouble ambiant pour simuler la folie et est internée dans un hôpital psychiatrique (Le Vinatier à Bron) d'où elle s'évade le [9] grâce à une opération d'un commando des Groupes Francs de Combat, préparée avec sa fille Mireille.

Refusant de quitter la France pour l'Angleterre, Berty Albrecht entre dans la clandestinité, d'abord dans les Cévennes, à Durfort, puis près de Toulouse. Elle prend un pseudonyme : Victoria. Début , elle rejoint Frenay à Cluny, trouve refuge chez Jeannine Frèze-Milhaud. En , Berty Albrecht se rend à Marseille pour assister à une réunion, à laquelle participent Maurice Chevance, Marcelle Bidault, Jeannine Frèze-Milhaud et Jean Multon. Lors de cette rencontre, elle a le tort de révéler un contact sur la région lyonnaise, l'hôtel de Bourgogne à Mâcon[10].

L'invasion de la zone libre ayant changé la situation, elle est contrainte de changer fréquemment de lieu de résidence. La Gestapo intervient désormais sur tout le territoire et plusieurs arrestations ont lieu. C'est ainsi, que quelques membres du réseau Gilbert tombent entre les mains du SIPO-SD de Lyon, parmi lesquels Edmée Delétraz. C'est l'appât principal de Klaus Barbie, pour atteindre Henri Frenay, par l'intermédiaire de Berty Albrecht. Un faux message est envoyé à cette dernière, lui précisant la venue d'une personne de Marseille qu'elle connaît (Jean Multon, qui semble être la personne qui l'a trahie[2]) et qui souhaite lui donner des nouvelles de Maurice Chevance, un associé de Henri Frenay. Berty se rend au rendez-vous d'Edmée Delétraz… et elle est arrêtée par l'Abwehr et la Gestapo de Lyon le à Mâcon[11], en présence de Klaus Barbie, Robert Auguste Moog et Jean Multon — non sans crier à haute voix : « Attention, les amis, la Gestapo est là ! ».

Dans son sac, Barbie trouve une enveloppe à l'adresse de la famille Gouze à Cluny où Berty Albrecht a passé la nuit[12]. Revenu bredouille, Barbie l'enferme et la torture à l'hôtel Terminus, au siège du SIPO-SD de Mâcon.

Le 1943, elle est transférée à la prison de Fresnes[4], dans le quartier des prisonniers de droit commun. Après une nouvelle séance de torture, elle est retrouvée pendue le même jour[13],[14], probablement un suicide afin d'éviter de parler. Elle aurait dit : « La vie ne vaut pas cher, mourir n'est pas grave. Le tout, c'est de vivre conformément à l'honneur et à l'idéal que l'on se fait[15]. » Albrecht a été enterrée dans le potager de la prison, tombe numéro 347[2].

Le , elle est faite Compagnon de la Libération. Dans son hommage le 6 octobre 1943 au micro de la BBC, Frenay déclare : « Je ne peux pas dire tout ce que la France lui doit, car si elle est morte, la résistance est encore bien vivante »[16].

En , sa dépouille est retrouvée dans le jardin-potager de la prison[4].

C'est en son honneur que le groupe de la Résistance du travail organisé par André Moosmann prend le nom de groupe Berty Albrecht[17].

Après-guerre

[modifier | modifier le code]
Mémorial de la France combattante à la forteresse du Mont-Valérien.

Après la guerre, le gouvernement décide d'ériger un Mémorial de la France combattante à ceux qui sont morts au combat. Quinze héros de la guerre devaient être enterrés à la forteresse du Mont-Valérien, à Suresnes, près de Paris. Parmi les quinze devaient figurer un homme et une femme morts au combat dans la Résistance. Le , le nom de Berty Albrecht est tiré au sort pour inhumation au Mont-Valérien, dans le Mémorial, avec quinze autres noms, dont celui de Renée Lévy. La cérémonie a lieu le [18].

Le musée d'histoire de Marseille lui consacre un espace thématique et expose du courrier qu'elle a écrit au cours de son emprisonnement, divers effets personnels dont son bureau qui lui a été offert par ses parents et qui l'a suivie toute sa vie.

Distinctions et honneurs

[modifier | modifier le code]

Décorations nationales

[modifier | modifier le code]
Plaque de rue dans le 8e arrondissement à Paris.
Plaque commémorative du square de la Paix à Mâcon.
Hommage rendu pour la Journée internationale des droits des femmes au lycée Montgrand de Marseille.
Monument en hommage à Berty Albrecht, par Michèle Forgeois, 1988, place du Bataillon-du-Pacifique dans le 12e arrondissement de Paris.

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. parfois orthographié Bertie ou Berthie.
  2. a b c et d Missika 2005, [lire en ligne (page consultée le 10 décembre 2020)].
  3. Union des femmes françaises Auteur du texte, « Femmes françaises / édité par France d'abord », sur Gallica, (consulté le )
  4. a b c d e f g et h Christine Bard et Corinne Bouchoux, « Berty Albrecht », Dictionnaire des féministes, PUF,‎ , p. 19-21.
  5. « Berty Albrecht, héroïne clandestine », Libération, 19 juillet 2018.
  6. ALBRECHT Berthie (née WILD Berty, Pauline, Mariette, épouse ALBRECHT, dite) (Pseudonyme dans la Résistance : Victoria), dans Le Maitron
  7. Usine de batteries Fulmen à Vierzon. Voir Mireille Albrecht, Les Oubliés de l'Ombre, Éditions du Rocher, 2007.
  8. « Musée de la résistance en ligne », sur museedelaresistanceenligne.org (consulté le )
  9. « Le , Berty Albrecht s’évade du Vinatier », sur rebellyon.info, .
  10. Balique et Biaggi, Ernst Dunker et la Gestapo de Marseille, éditions Vendémiaire, 2016, p. 69.
  11. Au square de la Paix (une plaque commémorative y rappelle son arrestation). Source : Michel Debost et Simone Mariotte, « Un mémorial à Buxy pour les compagnons de la Libération originaires de Saône-et-Loire », revue Images de Saône-et-Loire, no 211, , pages 2 à 4.
  12. Biaggi, Ernst Dunker, la Gestapo de Marseille, éditions Vendémiaire, 2016, p. 89.
  13. Renée Dray-Bensousan, « Albrecht Berthie » dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français de Jean Maitron, T. 1 à 5, en ligne, consulté le 22 septembre 2011.
  14. a et b « Berty ALBRECHT », sur Musée de l'Ordre de la Libération (consulté le )
  15. Berty Albrecht, 15 mai 1943 (Missika 2005, p. 266).
  16. Sebastien Albertelli, Julien Blanc et Laurent Douzou, La lutte clandestine en France, Seuil, , p. 242
  17. Boris Dänzer-Kantof, Véronique Lefebvre, Félix Torres, Un siècle de réformes sociales : Une histoire du ministère du Travail 1906-2006, p. 126-127, éd. Documentation française, 2006, (ISBN 2110062649).
  18. Article réalisé avec le concours de la Société d'histoire de Suresnes, « Suresnes, une histoire au féminin », Suresnes Mag n°305,‎ , p. 38-39 (lire en ligne).
  19. « La Poste », sur La Poste (consulté le )

Bibliographie

[modifier | modifier le code]

Évocation dans la littérature

[modifier | modifier le code]

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]