Méthodologie Q
La méthodologie Q est une méthode de recherche utilisée en sciences humaines et sociales pour étudier les points de vue subjectifs des individus. Elle a été développée par William Stephenson [1],[2]. La méthodologie Q associe une approche qualitative et quantitative[3]. Elle comporte deux volets : 1) le Q-Sort, une technique de recueil de données ; et 2) l'analyse factorielle de type Q, qui permet de dégager des profils, ou archétypes, de points de vue [4],[5].
Historique
[modifier | modifier le code]La méthode Q a été créée par William Stephenson[6], ancien physicien devenu psychologue et ayant suivi les cours de Charles Spearman et Cyril Burt, deux psychologues connus pour leurs travaux en psychométrie et, en particulier, pour leurs apports aux techniques d'analyse factorielle.
L'emploi des lettres r, p et q a donné lieu à des interprétations[7] faisant découler le terme de Q Methodology du passé de physicien de Stephenson, à une époque où la physique quantique prenait son essor. Le « Q » du Q-sort ne signifie pas plus Qualitative, ni Quotation, ni Qualities[4]. Plus probablement, la méthodologie Q tire son nom des notations habituelles de Charles Spearman dans ses articles séminaux[8] sur l'analyse factorielle.
Dans ces techniques, le tableau de données à analyser comporte des individus en lignes et des variables en colonnes. Si ces dernières sont continues, on calcule des corrélations ou des covariances et l'analyse consiste à résumer ces corrélations ou covariances sous forme d'un modèle décrivant les variables comme une combinaison linéaire d'un ou plusieurs facteurs communs et de termes d'erreur.
Tout en restant fidèle au concept d'analyse factorielle avec les techniques de l'époque, Stephenson[2] propose de permuter les rôles des variables et des individus, soit donc de travailler sur la transposée du tableau d'origine, ce que Spearman dénommait analyse Q, sans l'avoir détaillée. On vise alors la mise au jour de facteurs communs à différents points de vue (des tris qui se ressemblent partageront le même facteur). En cela, la méthodologie Q s’apparente plutôt aux approches typologiques de la psychologie différentielle qu’aux travaux classiques de psychométrie.
Concepts et pratiques
[modifier | modifier le code]Une étude en méthodologie Q se déroule en plusieurs étapes : 1) définition de la population Q, c'est-à-dire l'ensemble des idées ou des stimuli desquelles seront extraits ceux qui seront présentés aux participants; 2) construction de l'échantillon Q, le Q sample, qui sera constitué des énoncés ou du matériel proposé aux participants; 3) construction du matériel à trier, le Q-deck, le plus souvent sous forme de cartes à trier sur une table; 4) administration du Q-sort aux participants; 5) transcription numérique des choix des participants; 6) analyse factorielle Q et, le cas échéant, analyse qualitative des entretiens; 7) sélection des profils de tri les plus marqués, c'est-à-dire les tris les plus différents entre eux.
Précisions
[modifier | modifier le code]Dans le Q-sort, un ensemble d'énoncés ou des stimuli (odeurs, images, etc.) est présenté à des sujets. Ces individus sont choisis plutôt es-qualités[9] qu'aléatoirement dans une population plus large.
Il leur est demandé de comparer et de classer ces stimuli entre eux selon un critère prédéfini (préférence personnelle, adhésion à l'énoncé ou autre), dans une distribution forcée des réponses. Cette distribution des réponses, discrétionnaire, est définie habituellement comme une loi normale grossière, avec peu de choix aux extrêmes et beaucoup de choix au centre[10].
Pour faciliter la tâche des répondants, on insère souvent une phase intermédiaire dans laquelle ces derniers doivent grouper les énoncés apparaissant aléatoirement en trois paquets. Dans le logiciel HtmlQ[11], cela donne :
In fine, on complète généralement le tri par une interrogation des sujets sur les motivations de leurs choix, ce qui apparente la méthode à un entretien de recherche.
Variantes
[modifier | modifier le code]On trouve parfois en psychologie clinique des cas[12] où un seul individu (le malade) est à l'étude et où le P-sample est constitué de spécialistes statuant sur son cas.
La technique du Q-sort, mais sans l’analyse factorielle, est aussi utilisée en évaluation ou comme support de discussion de groupe, en recherche, en thérapie, en formation ou en intervention sociale. C'est aussi une technique permettant de faire une première sélection entre des énoncés destinés à définir ultérieurement des échelles psychométriques, comme des échelles de Likert, en affectant ces énoncés à des dimensions théoriques existantes ou postulées[13],[14].
Références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- McKeown et Thomas 2013.
- Stephenson 1935a.
- Brown 1996.
- Kühne 2014.
- Gauzente 2005.
- Stephenson 1935b.
- Brown 1980.
- Spearman 1935.
- Cuppen et al. 2016.
- Van Exel et de Graaf 2005.
- htmlq: Q-method surveys in pure HTML5, aproxima Gesellschaft für Markt- und Sozialforschung Weimar, (lire en ligne)
- Block 1978.
- Moore et Benbasat 1991.
- Liang et al. 2019.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Jack Block, The Q-sort method in personality assessment and psychiatric research, Consulting Psychologists Press, (ISBN 978-0-89106-000-0, OCLC 5943032, lire en ligne)
- (en) Steven R. Brown, Political Subjectivity : Applications of Q Methodology in Political Science, New Haven, CT, Yale University Press,
- (en) Steven R. Brown, « Q Methodology and Qualitative Research », Qualitative Health Research, vol. 6, no 4, , p. 561–567 (ISSN 1049-7323 et 1552-7557, DOI 10.1177/104973239600600408, lire en ligne, consulté le )
- (en) Eefje Cuppen, Marian G.C. Bosch-Rekveldt, Ewout Pikaar et Donna C. Mehos, « Stakeholder engagement in large-scale energy infrastructure projects: Revealing perspectives using Q methodology », International Journal of Project Management, vol. 34, no 7, , p. 1347–1359 (DOI 10.1016/j.ijproman.2016.01.003, lire en ligne)
- Claire Gauzente, « La méthodologie Q et l’étude de la subjectivité », dans P. Roussel et F. Wacheux (dir.), Management des ressources humaines. Méthodes de recherche en sciences humaines et sociales, Bruxelles, De Boeck, , p. 177‑206
- Claire Gauzente, « Une invitation illustrée à utiliser la Q-method dans les Recherches en Systèmes d'Information », Systèmes d'information & management, vol. me 18, no 2, , p. 69–109 (ISSN 1260-4984, DOI 10.3917/sim.132.0069, lire en ligne, consulté le )
- Nicolas Kühne, « La méthodologie Q », dans S. Tétreault et P. Guillet (dir.), Guide pratique de recherche en réadaptation, Bruxelles, De Boeck - Solal, (lire en ligne), p. 445‑463
- Huigang Liang, Yajiong Xue, Alain Pinsonneault et Yu "Andy" Wu, « What Users Do Besides Problem-Focused Coping When Facing IT Security Threats: An Emotion-Focused Coping Perspective », MIS Quarterly, vol. 43, no 2, , p. 373–394 (ISSN 0276-7783 et 2162-9730, DOI 10.25300/misq/2019/14360, lire en ligne)
- Bruce McKeown et Dan B. Thomas, Q Methodology, London, UK, Sage Publications, , 96 p. (ISBN 978-1-4522-4219-4)
- Gary C. Moore et Izak Benbasat, « Development of an Instrument to Measure the Perceptions of Adopting an Information Technology Innovation », Information Systems Research, vol. 2, no 3, , p. 192–222 (ISSN 1047-7047 et 1526-5536, DOI 10.1287/isre.2.3.192, lire en ligne)
- Charles E. Spearman, « General Intelligence, Objectively Determined and Measured », American Journal of Psychology, vol. 15, , p. 201–292 (DOI http://dx.doi.org/10.2307/1412107)
- (en) William Stephenson, « Technique of Factor Analysis », Nature, vol. 136, 1935a, p. 297–297 (lire en ligne)
- (en) William Stephenson, « Correlating persons instead of tests », Journal of Personality, vol. 4, no 1, 1935b, p. 17-24
- N. Job A. Van Exel et Gjalt de Graaf, « Q methodology: A sneak preview », (version du sur Internet Archive)
- (en) William Stephenson, « Protoconcursus: The concourse theory of communication », Operant Subjectivity, vol. 9, no 2, , p. 37-58
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Pages connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- Site de la revue de référence : (en) « Operant Subjectivity », sur www.operantsubjectivity.org (consulté le )