Dans son œuvre Alberto Burri met en scène une matière traumatisée par la rencontre d’un événement... more Dans son œuvre Alberto Burri met en scène une matière traumatisée par la rencontre d’un événement qui y a laissé son empreinte. La thèse consiste à repérer dans cette œuvre une dialectique absentification-présentification qui contribue à mettre en évidence le caractère linguistique de l’opération sublimatoire, ainsi que l’analogie de fond entre psychanalyse et art en tant que traitement symbolique-imaginaire du réel, tout en fournissant un éclairage original des notions classiques de « travail de deuil » et de « sublimation ».
"Alberto Burri se rendit à Gibellina pour la première fois en 1985, plusieurs années après le séisme qui, dans la nuit du 14 au 15 janvier 1968, rasa complètement cette commune d'environ 4500 habitants, située à 63 km de Trapani, en Sicile. Entre-temps, l'administration avait décidé de reconstruire la nouvelle ville de Gibellina à environ 20 km de l'emplacement d'origine. Le maire de l'époque, Ludovico Corrao, qui souhaitait impliquer dans le projet des artistes de renommée internationale, proposa à Burri d’y accueillir l’une de ses œuvres. Cependant, Burri ne s’associa pas au projet, l'idée de réaliser une œuvre dans ce nouveau contexte architectural le laissait perplexe, et il demanda à pouvoir visiter les lieux de l’ancienne ville réduite désormais à un tas de décombres. Une fois sur place, très ému, Burri se rendit compte qu’il aurait pu donner sa contribution seulement ici, où l'expérience de l'horreur s'était manifestée dans toute sa violence1. Le projet de la nouvelle ville devait sans doute paraître à Burri comme une prise de distance – géographique mais pas seulement – à l’égard du drame qui s’était produit, alors que sur les lieux de l’ancienne ville les décombres à ciel ouvert n’arrêtaient pas d’en évoquer le spectre et demandaient d’être accueillis et écoutés. Burri décida alors de construire un grand « cretto » qui recouvre entièrement, sous une immense chape de ciment blanc, en la décalquant presque, l'ancienne planimétrie de la ville. C’est la rencontre renouvelée avec le vieux Gibellina désert qui l’intéresse, avec son corps tuméfié et sa blessure encore ouverte, que la nouvelle ville ne pourra certes suturer."
Le Coq-héron, vol. 249, no. 2, 2022, pp. 90-100. , 2022
En faisant de l’ombre, de la cendre et de la poussière ses matériaux de prédilection, Claudio Par... more En faisant de l’ombre, de la cendre et de la poussière ses matériaux de prédilection, Claudio Parmiggiani fournit un éclaircissement tout à fait original du rapport entre répétition traumatique et création, dont le message revient aujourd’hui de manière puissante. La thèse de cet article consiste à dégager de son œuvre écrite et picturale un paradigme non clinique mais processuel de la figure théorique de la reprise, comme version affirmative et non stérilement reproductive de la répétition.
La storia di Des Journees entieres dans les arbres e quella di una madre che ritorna a Parigi per... more La storia di Des Journees entieres dans les arbres e quella di una madre che ritorna a Parigi per rivedere il figlio prediletto, Jacques, quello che, da bambino, nella grande proprieta di famiglia in un luogo non meglio specificato dall’altra parte del mondo, passava appunto «des journees entieres dans les arbres a contempler les oiseaux» (p. 93), invece che andare a scuola. La donna e ricca (dice), e ritorna con gioielli d’oro e mazzi di banconote. Il figlio invece e un giocatore, perde sist...
C’e una frase al cuore del progetto di Joelle Pages-Pindon, un appunto in forma lapidaria, piu ch... more C’e una frase al cuore del progetto di Joelle Pages-Pindon, un appunto in forma lapidaria, piu che un commento, una di quelle formule che ai frequentatori dell’opera di Marguerite Duras sembra di riconoscere all’istante, pur leggendola per la prima volta, perche in essa entrano immediatamente in risonanza frammenti di altri testi, dialoghi, altre formule altrettanto incisive e altrettanto misteriosamente familiari, che sembrano dire anch’esse, tra le righe: «le reel porte en lui-meme sa propr...
Da piu di trent’anni il nome di Madeleine Borgomano e associato a quello di Marguerite Duras, del... more Da piu di trent’anni il nome di Madeleine Borgomano e associato a quello di Marguerite Duras, della quale e stata la prima, molto presto, a misurare e a trasmettere l’opera. I suoi libri e articoli, di valore pionieristico nell’esplorazione della materia durassiana, sono da sempre riferimenti sicuri e di raro vigore e ricchezza. Attraverso l’analisi che negli anni ha dedicato agli scritti e ai film di Marguerite Duras, M. Borgomano colloca l’una di fronte all’altro la produzione della scrittr...
Lorsqu'elle presente son livre « La douleur », Marguerite Duras ne parle pas comme un auteur ... more Lorsqu'elle presente son livre « La douleur », Marguerite Duras ne parle pas comme un auteur de romans, elle avoue avoir perdu toute conscience relative a l'ecriture de ce texte, et sa position par rapport a son livre est, paradoxalement, celle d'une lectrice. L'image de deux cahiers retrouves condense en quelques mots toutes la dialectique de la verite et de la fiction, de la memoire et de l'oubli, en ce qui concerne notamment le debat portant encore aujourd’hui sur la question fondamentale du temoignage en litterature. Par ses glissement et les contradictions dynamiques entre lecture et ecriture desormais indissociables, le prologue de La douleur touche en effet a une experience qui s'inscrit sous le signe des grandes formes d’experimentation litteraire du XXeme siecle. La lecture des « cahiers » dont le prologue annonce la decouverte, leur existence meme, tiendra ainsi entierement dans le redoublement de cette experience, et dans l'engagement notamment...
La continuité pédagogique voluta dal ministro Jean-Michel Blanquer, con le critiche che suscita s... more La continuité pédagogique voluta dal ministro Jean-Michel Blanquer, con le critiche che suscita sempre di più, rappresenta certamente uno dei controsensi più significativi di questa “gestione” del confino in Francia. Una restituzione “dal basso”, a partire da testimonianze raccolte sul campo, permette infatti di osservare fino a che punto questo dispositivo di continuità pedagogica, che è un dispositivo aleatorio messo in atto in periodo di crisi sanitaria, amplifichi paradossalmente le falle strutturali nel sistema educativo francese, tanto sul piano sociale quanto su quello propriamente didattico.
La « continuité pédagogique » voulue par le ministre Jean-Michel Blanquer, représente certainemen... more La « continuité pédagogique » voulue par le ministre Jean-Michel Blanquer, représente certainement l’un des contresens les plus significatifs de la « gestion » de l’état de confinement en France. Une restitution par le « bas », à partir de témoignages de terrain, permet en effet de montrer à quel point ce dispositif amplifie paradoxalement des failles structurelles dans le système éducatif, tant sur le plan social que sur le plan proprement pédagogique.
Dans son œuvre Alberto Burri met en scène une matière traumatisée par la rencontre d’un événement... more Dans son œuvre Alberto Burri met en scène une matière traumatisée par la rencontre d’un événement qui y a laissé son empreinte. La thèse consiste à repérer dans cette œuvre une dialectique absentification-présentification qui contribue à mettre en évidence le caractère linguistique de l’opération sublimatoire, ainsi que l’analogie de fond entre psychanalyse et art en tant que traitement symbolique-imaginaire du réel, tout en fournissant un éclairage original des notions classiques de « travail de deuil » et de « sublimation ».
"Alberto Burri se rendit à Gibellina pour la première fois en 1985, plusieurs années après le séisme qui, dans la nuit du 14 au 15 janvier 1968, rasa complètement cette commune d'environ 4500 habitants, située à 63 km de Trapani, en Sicile. Entre-temps, l'administration avait décidé de reconstruire la nouvelle ville de Gibellina à environ 20 km de l'emplacement d'origine. Le maire de l'époque, Ludovico Corrao, qui souhaitait impliquer dans le projet des artistes de renommée internationale, proposa à Burri d’y accueillir l’une de ses œuvres. Cependant, Burri ne s’associa pas au projet, l'idée de réaliser une œuvre dans ce nouveau contexte architectural le laissait perplexe, et il demanda à pouvoir visiter les lieux de l’ancienne ville réduite désormais à un tas de décombres. Une fois sur place, très ému, Burri se rendit compte qu’il aurait pu donner sa contribution seulement ici, où l'expérience de l'horreur s'était manifestée dans toute sa violence1. Le projet de la nouvelle ville devait sans doute paraître à Burri comme une prise de distance – géographique mais pas seulement – à l’égard du drame qui s’était produit, alors que sur les lieux de l’ancienne ville les décombres à ciel ouvert n’arrêtaient pas d’en évoquer le spectre et demandaient d’être accueillis et écoutés. Burri décida alors de construire un grand « cretto » qui recouvre entièrement, sous une immense chape de ciment blanc, en la décalquant presque, l'ancienne planimétrie de la ville. C’est la rencontre renouvelée avec le vieux Gibellina désert qui l’intéresse, avec son corps tuméfié et sa blessure encore ouverte, que la nouvelle ville ne pourra certes suturer."
Le Coq-héron, vol. 249, no. 2, 2022, pp. 90-100. , 2022
En faisant de l’ombre, de la cendre et de la poussière ses matériaux de prédilection, Claudio Par... more En faisant de l’ombre, de la cendre et de la poussière ses matériaux de prédilection, Claudio Parmiggiani fournit un éclaircissement tout à fait original du rapport entre répétition traumatique et création, dont le message revient aujourd’hui de manière puissante. La thèse de cet article consiste à dégager de son œuvre écrite et picturale un paradigme non clinique mais processuel de la figure théorique de la reprise, comme version affirmative et non stérilement reproductive de la répétition.
La storia di Des Journees entieres dans les arbres e quella di una madre che ritorna a Parigi per... more La storia di Des Journees entieres dans les arbres e quella di una madre che ritorna a Parigi per rivedere il figlio prediletto, Jacques, quello che, da bambino, nella grande proprieta di famiglia in un luogo non meglio specificato dall’altra parte del mondo, passava appunto «des journees entieres dans les arbres a contempler les oiseaux» (p. 93), invece che andare a scuola. La donna e ricca (dice), e ritorna con gioielli d’oro e mazzi di banconote. Il figlio invece e un giocatore, perde sist...
C’e una frase al cuore del progetto di Joelle Pages-Pindon, un appunto in forma lapidaria, piu ch... more C’e una frase al cuore del progetto di Joelle Pages-Pindon, un appunto in forma lapidaria, piu che un commento, una di quelle formule che ai frequentatori dell’opera di Marguerite Duras sembra di riconoscere all’istante, pur leggendola per la prima volta, perche in essa entrano immediatamente in risonanza frammenti di altri testi, dialoghi, altre formule altrettanto incisive e altrettanto misteriosamente familiari, che sembrano dire anch’esse, tra le righe: «le reel porte en lui-meme sa propr...
Da piu di trent’anni il nome di Madeleine Borgomano e associato a quello di Marguerite Duras, del... more Da piu di trent’anni il nome di Madeleine Borgomano e associato a quello di Marguerite Duras, della quale e stata la prima, molto presto, a misurare e a trasmettere l’opera. I suoi libri e articoli, di valore pionieristico nell’esplorazione della materia durassiana, sono da sempre riferimenti sicuri e di raro vigore e ricchezza. Attraverso l’analisi che negli anni ha dedicato agli scritti e ai film di Marguerite Duras, M. Borgomano colloca l’una di fronte all’altro la produzione della scrittr...
Lorsqu'elle presente son livre « La douleur », Marguerite Duras ne parle pas comme un auteur ... more Lorsqu'elle presente son livre « La douleur », Marguerite Duras ne parle pas comme un auteur de romans, elle avoue avoir perdu toute conscience relative a l'ecriture de ce texte, et sa position par rapport a son livre est, paradoxalement, celle d'une lectrice. L'image de deux cahiers retrouves condense en quelques mots toutes la dialectique de la verite et de la fiction, de la memoire et de l'oubli, en ce qui concerne notamment le debat portant encore aujourd’hui sur la question fondamentale du temoignage en litterature. Par ses glissement et les contradictions dynamiques entre lecture et ecriture desormais indissociables, le prologue de La douleur touche en effet a une experience qui s'inscrit sous le signe des grandes formes d’experimentation litteraire du XXeme siecle. La lecture des « cahiers » dont le prologue annonce la decouverte, leur existence meme, tiendra ainsi entierement dans le redoublement de cette experience, et dans l'engagement notamment...
La continuité pédagogique voluta dal ministro Jean-Michel Blanquer, con le critiche che suscita s... more La continuité pédagogique voluta dal ministro Jean-Michel Blanquer, con le critiche che suscita sempre di più, rappresenta certamente uno dei controsensi più significativi di questa “gestione” del confino in Francia. Una restituzione “dal basso”, a partire da testimonianze raccolte sul campo, permette infatti di osservare fino a che punto questo dispositivo di continuità pedagogica, che è un dispositivo aleatorio messo in atto in periodo di crisi sanitaria, amplifichi paradossalmente le falle strutturali nel sistema educativo francese, tanto sul piano sociale quanto su quello propriamente didattico.
La « continuité pédagogique » voulue par le ministre Jean-Michel Blanquer, représente certainemen... more La « continuité pédagogique » voulue par le ministre Jean-Michel Blanquer, représente certainement l’un des contresens les plus significatifs de la « gestion » de l’état de confinement en France. Une restitution par le « bas », à partir de témoignages de terrain, permet en effet de montrer à quel point ce dispositif amplifie paradoxalement des failles structurelles dans le système éducatif, tant sur le plan social que sur le plan proprement pédagogique.
Uploads
"Alberto Burri se rendit à Gibellina pour la première fois en 1985, plusieurs années après le séisme qui, dans la nuit du 14 au 15 janvier 1968, rasa complètement cette commune d'environ 4500 habitants, située à 63 km de Trapani, en Sicile. Entre-temps, l'administration avait décidé de reconstruire la nouvelle ville de Gibellina à environ 20 km de l'emplacement d'origine. Le maire de l'époque, Ludovico Corrao, qui souhaitait impliquer dans le projet des artistes de renommée internationale, proposa à Burri d’y accueillir l’une de ses œuvres. Cependant, Burri ne s’associa pas au projet, l'idée de réaliser une œuvre dans ce nouveau contexte architectural le laissait perplexe, et il demanda à pouvoir visiter les lieux de l’ancienne ville réduite désormais à un tas de décombres. Une fois sur place, très ému, Burri se rendit compte qu’il aurait pu donner sa contribution seulement ici, où l'expérience de l'horreur s'était manifestée dans toute sa violence1. Le projet de la nouvelle ville devait sans doute paraître à Burri comme une prise de distance – géographique mais pas seulement – à l’égard du drame qui s’était produit, alors que sur les lieux de l’ancienne ville les décombres à ciel ouvert n’arrêtaient pas d’en évoquer le spectre et demandaient d’être accueillis et écoutés. Burri décida alors de construire un grand « cretto » qui recouvre entièrement, sous une immense chape de ciment blanc, en la décalquant presque, l'ancienne planimétrie de la ville. C’est la rencontre renouvelée avec le vieux Gibellina désert qui l’intéresse, avec son corps tuméfié et sa blessure encore ouverte, que la nouvelle ville ne pourra certes suturer."
https://radicidigitali.eu/2020/05/18/discontinuita-pedagogiche-della-didattica-a-distanza-in-francia-durante-il-confino-da-covid-19/
https://diacritik.com/2020/04/20/tribune-discontinuites-pedagogiques/?fbclid=IwAR2c0YQPdibg0Q-6o-kayyTUJCTZIxsr5BP3q9y_wV4FO5UKBSP-lhrs3vA
"Alberto Burri se rendit à Gibellina pour la première fois en 1985, plusieurs années après le séisme qui, dans la nuit du 14 au 15 janvier 1968, rasa complètement cette commune d'environ 4500 habitants, située à 63 km de Trapani, en Sicile. Entre-temps, l'administration avait décidé de reconstruire la nouvelle ville de Gibellina à environ 20 km de l'emplacement d'origine. Le maire de l'époque, Ludovico Corrao, qui souhaitait impliquer dans le projet des artistes de renommée internationale, proposa à Burri d’y accueillir l’une de ses œuvres. Cependant, Burri ne s’associa pas au projet, l'idée de réaliser une œuvre dans ce nouveau contexte architectural le laissait perplexe, et il demanda à pouvoir visiter les lieux de l’ancienne ville réduite désormais à un tas de décombres. Une fois sur place, très ému, Burri se rendit compte qu’il aurait pu donner sa contribution seulement ici, où l'expérience de l'horreur s'était manifestée dans toute sa violence1. Le projet de la nouvelle ville devait sans doute paraître à Burri comme une prise de distance – géographique mais pas seulement – à l’égard du drame qui s’était produit, alors que sur les lieux de l’ancienne ville les décombres à ciel ouvert n’arrêtaient pas d’en évoquer le spectre et demandaient d’être accueillis et écoutés. Burri décida alors de construire un grand « cretto » qui recouvre entièrement, sous une immense chape de ciment blanc, en la décalquant presque, l'ancienne planimétrie de la ville. C’est la rencontre renouvelée avec le vieux Gibellina désert qui l’intéresse, avec son corps tuméfié et sa blessure encore ouverte, que la nouvelle ville ne pourra certes suturer."
https://radicidigitali.eu/2020/05/18/discontinuita-pedagogiche-della-didattica-a-distanza-in-francia-durante-il-confino-da-covid-19/
https://diacritik.com/2020/04/20/tribune-discontinuites-pedagogiques/?fbclid=IwAR2c0YQPdibg0Q-6o-kayyTUJCTZIxsr5BP3q9y_wV4FO5UKBSP-lhrs3vA