Books by Delphine Manetta
L'Harmattan, 2024
27 ans et 15 jours. La longévité de Blaise Compaoré au sommet de l’État burkinabé contraste avec ... more 27 ans et 15 jours. La longévité de Blaise Compaoré au sommet de l’État burkinabé contraste avec la fulgurance de sa chute en 2014. Ici se trouve le point de départ de cet ouvrage : comment décrire les transformations de l’État et du pouvoir au Burkina Faso, partant de villages jàana du sud- ouest du pays ?
Par sa richesse ethnographique et sa profondeur historique, cet ouvrage propose une analyse renouvelée des enjeux politiques contemporains en Afrique de l’Ouest, nés dans le sillage de la décentralisation. En étudiant la place de la parenté, des générations, de l’amitié, de l’origine, du genre et du don dans la transformation du pouvoir, il montre en quoi les circulations des personnes et des richesses façonnent les dynamiques politiques au Burkina Faso. En donnant alors à voir le pouvoir à l’image d’un carrefour, il rappelle que la ruralité ouest-africaine est, comme la ville, connectée au temps et au monde.
PAARI Éditions, 2020
Cet ouvrage s’intéresse à un cas particulier de contrôle social : celui vécu par l’anthropologue ... more Cet ouvrage s’intéresse à un cas particulier de contrôle social : celui vécu par l’anthropologue ou l’historien sur leurs terrains d’enquête (Algérie, Mali, Côte d’Ivoire, Congo-Brazzaville et Burkina Faso). La démarche présentée est originale en ce qu’elle aborde la démarche réflexive sous l’angle délibéré de la contrainte qui, vécue par le chercheur, s’arrime aux actes du quotidien les plus anodins en apparence. Il fait ainsi des négociations émotionnelles, matérielles et relationnelles inhérentes à l’expérience du chercheur « sous contrôle » un lieu privilégié d’interrogations : dans quelle mesure le contrôle social situe-t-il le chercheur au cœur de dynamiques dont il est l’objet comme l’observateur ? En quoi les épreuves auxquelles il se trouve confronté sont-elles révélatrices, au-delà des aléas propres à toute enquête, des manières complexes par lesquelles se nouent les rapports sociaux ? Cet ouvrage montre que la capacité ou l’incapacité d’agir du chercheur, ses stratégies d’enquête ou ses blocages, ses audaces ou ses silences renseignent parfois autant que les données elles-mêmes sur les dynamiques politiques à l’œuvre dans un groupe social donné.
Thèse, 2016
Cette thèse porte sur l’éligibilité dans des villages jàana du Sud-Ouest du Burkina Faso, partant... more Cette thèse porte sur l’éligibilité dans des villages jàana du Sud-Ouest du Burkina Faso, partant de l’étude des élections municipales et législatives de novembre 2012. Tout en retraçant l’histoire des chefferies, des pouvoirs et des institutions politiques qui se sont additionnés et imbriqués au niveau local et national au cours du temps, elle pense l’éligibilité par le prisme de deux formes socio-géographiques agencées dans une dyade : la maison et la route. Ces deux formes définissent le pouvoir à l’image d’un carrefour : il est fondé sur des pratiques interdépendantes d’ancrage et de circulation. Saisies à différentes échelles géographiques et temporelles, la maison et la route décrivent le processus de transformation politique, voire le devenir incertain pesant sur les rapports de pouvoir, en révélant une ruralité ouest-africaine loin d’être déconnectée du monde.
Articles by Delphine Manetta
in Manetta D. et Samson F. (dir.), Du contrôle social en Afrique. Réflexivités autour du genre et de l’origine « locale » du chercheur, Paris-Brazzaville, PAARI Éditions : 105-171, 2021
Ce texte repose sur une relecture rétrospective du terrain qui a été le mien pendant une décennie... more Ce texte repose sur une relecture rétrospective du terrain qui a été le mien pendant une décennie (2009-2019) : des villages jàana du sud-ouest du Burkina Faso. Il s’appuie sur le récit d’évènements et de situations exemplifiant le contrôle social auquel mes hôtes m’ont soumise, qu’ils justifiaient par la crainte que je ne sois ensorcelée, empoisonnée et envoûtée. Initialement liée à mon identité de "riche" blanche, qui me rapprochait du masculin, cette crainte s’est actualisée en s’arrimant par la suite à ma sexualité, lorsque des hommes ont voulu capter mes faveurs sexuelles et mon argent. Or ce revirement s’est opéré lorsque je me suis affranchie du huis clos domestique, en achetant une moto et en déménageant temporairement dans d’autres cours. La transformation des attaques dont on me disait victime et de mon identité s’est ainsi adossée à la chronologie même de mes mouvements, que des hommes, des femmes, des dieux et des sorciers ont cherché en tout temps à infléchir et à canaliser chacun à leur avantage.
in Dianteill E., Bindi S. et Lamote T. (dir.), La violence insidieuse. Anthropologie et psychologie de la sorcellerie et du harcèlement moral,Paris, Éditions Archives Karéline : 65-94., 2022
"Wuo a dasɛɲu" ("il/elle a des déchets") et "cibiɛ paare" ("monnaie gâtée") sont des expressions ... more "Wuo a dasɛɲu" ("il/elle a des déchets") et "cibiɛ paare" ("monnaie gâtée") sont des expressions qui apparentent monnaie ensorcelée, richesse mal acquise et déchets. Elles décrivent toutefois des types distincts de "pourrissemente de la monnaie et des richesses et, derrière eux, des registres originaux de sorcellerie. "Wuo a dasɛɲu" renvoie à une accumulation économique pour soi faisant peser sur les mauvais redistributeurs la sanction sorcellaire. Fondée sur des pratiques licites, comme des commerces sacrilèges « putréfiant » des richesses, elle dénonce la déviation de l’argent des dons destinés aux dépendants au profit de dépenses personnelles. La sorcellerie apparaît ici à la fois comme un moyen d’accroître sa fortune et une réaction punitive contre les accumulateurs. "Cibiɛ paare" désigne, quant à elle, un don sorcier effectué spontanément par un donateur inconnu ayant possiblement "putréfié" la monnaie transmise. Ces deux expressions définissent donc des actions sorcières variées s’opérant aux différents moments de la construction de l’échange, de la rupture de la réciprocité et de la réception d’un don. Ce texte invite à penser ces moments en s’appuyant sur l’analyse de rumeurs et de soupçons de sorcellerie qui, exprimés dans des familles jàana de Ouagadougou et des villages jàana du sud-ouest du Burkina Faso, érigent en sorciers en puissance des élites politiques et économiques, autant qu’un modeste boutiquier et des donateurs inconnus. Il montre que le don répond d’une logique de lieux qui, symbolisée dans les mouvements sorciers entre "brousse" et "village", est également sensible dans la perception et la gestion des ordures repoussées en lisière des habitations. En associant richesses, ordures et pouvoir, la sorcellerie révèle alors que le don doit être compris depuis des marges comparables à la "brousse" et aux lieux de dépôt des ordures. Or ces marges ambivalentes charriant puissance, sorciers et pollution ne renvoient pas tant à un interstice symbolique de la structure sociale et politique. Elles désignent plutôt des lieux empiriques situables dans l’espace géographique entre lesquels se meuvent, dans la contingence, personnes et richesses en expliquant les dynamiques du don.
Politique africaine, 2022
Cahiers d'études africaines, 2020
Cet article examine des chansons prononcées lors de meetings du CDP qui ont été organisés dans de... more Cet article examine des chansons prononcées lors de meetings du CDP qui ont été organisés dans des villages jàana lors de la campagne électorale de 2012. Ces chansons permettent de penser le don de multiples points de vue en situant, simultanément, les chanteurs et les candidats comme donateurs et donataires. Dons d’éloges, elles ont également déguisé des appels au don d’argent que les candidats ont dû satisfaire. Surtout, ces chansons montrent la façon dont la "foutaise" s’incruste dans le don en
dévoilant une lutte de pouvoir. La "foutaise" révèle, depuis les villages jàana, l’histoire du régime compaoriste jusqu’à sa chute. Elle exprime, en outre, une incertitude inhérente à l’acte de donner, qu’il s’agisse d’un chant ou d’argent, en invitant à penser le pouvoir en termes géographiques.
Émulations. Revue de sciences sociales, 2020
Fondé sur des recherches sur la mort dans des villages jàana du Sud-Ouest du Burkina Faso, cet ar... more Fondé sur des recherches sur la mort dans des villages jàana du Sud-Ouest du Burkina Faso, cet article envisage les frontières de la parenté en « termes spatiaux ». Il montre que ces frontières résultent de mobilités et d’immobilités féminines et masculines observables dans et depuis l’espace de la maison. Ces mobilités et ces immobilités font de la maison un lieu carrefour, qui se construit par des contacts et des mouvements questionnant la stabilité de l’alliance et, par-là même, la capacité de reproduction de la parenté dans l’espace et le temps. Elles ramifient l’intérieur de la maison à de multiples lieux extérieurs en situant la parenté dans un espace morcelé. La nature de ces lieux explique toutefois la localisation contingente des frontières spatiales de la parenté en dehors de l’enceinte domestique, mais aussi l’incertitude qui pèse toujours sur le devenir de la maison.
Journal des africanistes, 2018
Catalogue de l'exposition de Mélanie Matranga, Complexe ou compliqué, Palais de Tokyo, Les Presses du réel, 2015
Dianteill E. (ed), Marcel Mauss, en théorie et en pratique. Anthropologie, sociologie et philosophie, Paris, Éditions du Sandre/Archives Karéline
Communications by Delphine Manetta
Séminaire de recherche "Protéger ou habiter ? Dialectique de la maison : étude comparative" coordonné par Emmanuel Désveaux (Centre Georg Simmel, EHESS), 2022
Regards rétrospectifs : repenser/revoir autrement. Journée hommage à Juan Sebastiàn Elcano, Université de Picardie Jules Vernes, 2022
Sorcellerie et harcèlement moral : formes de la violence insidieuse, Université de Paris, 2021
Séminaire de recherche Anthropologie comparative du Sahel occidental musulman , 2019
Séminaire de formation à la recherche en Afrique (IMAF, EHESS-CNRS-IRD-Université Paris 1-AMU), 2019
Anthropologie de la menace. Journée du CANTHEL, Université Paris Descartes, 2018
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Books by Delphine Manetta
Par sa richesse ethnographique et sa profondeur historique, cet ouvrage propose une analyse renouvelée des enjeux politiques contemporains en Afrique de l’Ouest, nés dans le sillage de la décentralisation. En étudiant la place de la parenté, des générations, de l’amitié, de l’origine, du genre et du don dans la transformation du pouvoir, il montre en quoi les circulations des personnes et des richesses façonnent les dynamiques politiques au Burkina Faso. En donnant alors à voir le pouvoir à l’image d’un carrefour, il rappelle que la ruralité ouest-africaine est, comme la ville, connectée au temps et au monde.
Articles by Delphine Manetta
dévoilant une lutte de pouvoir. La "foutaise" révèle, depuis les villages jàana, l’histoire du régime compaoriste jusqu’à sa chute. Elle exprime, en outre, une incertitude inhérente à l’acte de donner, qu’il s’agisse d’un chant ou d’argent, en invitant à penser le pouvoir en termes géographiques.
Communications by Delphine Manetta
Par sa richesse ethnographique et sa profondeur historique, cet ouvrage propose une analyse renouvelée des enjeux politiques contemporains en Afrique de l’Ouest, nés dans le sillage de la décentralisation. En étudiant la place de la parenté, des générations, de l’amitié, de l’origine, du genre et du don dans la transformation du pouvoir, il montre en quoi les circulations des personnes et des richesses façonnent les dynamiques politiques au Burkina Faso. En donnant alors à voir le pouvoir à l’image d’un carrefour, il rappelle que la ruralité ouest-africaine est, comme la ville, connectée au temps et au monde.
dévoilant une lutte de pouvoir. La "foutaise" révèle, depuis les villages jàana, l’histoire du régime compaoriste jusqu’à sa chute. Elle exprime, en outre, une incertitude inhérente à l’acte de donner, qu’il s’agisse d’un chant ou d’argent, en invitant à penser le pouvoir en termes géographiques.
L’identification des relations de parenté qui se déploient autour de lui illustre la porosité entre l’appartenance à une parentèle et la participation aux institutions politiques et administratives. Elle conduit à raccorder ministères, mairies, parti politique, organisme public et chefferies coutumières. En ce sens, la pratique de la parenté résultant de la compétition électorale semble bien réguler l’éligibilité (Marc Abélès) des candidats en constituant un véritable capital social (Pierre Bourdieu). Néanmoins, par-delà l’exhaustivité de ces relations, la germanité et la filiation paternelle – définies à partir de la terminologie classificatoire de la parenté et des pratiques d’héritage – synthétisent les logiques de l’apparentement à l’oeuvre dans le cadre du processus électoral. Elles s’exercent en vertu d’une transmission agnatique du pouvoir qui, d’une part, gouverne l’héritage des initiations aux dieux du panthéon jàa et, d’autre part, contrevient structurellement aux règles coutumières de succession aux chefferies (de village, de clan et de société initiatique) résultant de l’organisation clanique matrilinéaire. Autrement dit, la politique coutumière et électorale se présente comme un espace concurrentiel de la parenté : la norme matrilinéaire régissant l’héritage des fonctions politiques et religieuses coutumières est contrariée par la logique d’apparentement par les hommes sensible dans les pratiques produites par la compétition électorale. C’est l’étude des représentations locales du prestige et de la notabilité, faisant prévaloir une identité masculine violente, qui permet de résoudre l’antagonisme formel opposant ces deux
modèles généalogiques. Ainsi, l’élaboration ad hoc d’une généalogie masculine originale doit être pensée au regard des représentations locales du pouvoir. Alors, la pratique d’une parenté agnatique dans le jeu électoral, bien que structurellement hétérogène à l’égard de la matrilinéarité, conduit à prolonger et compléter la lignée masculine des notables politiques du clan. Cette nouvelle généalogie reproduit effectivement l’imaginaire du chef viril et violent (guerrier mythique, Ancien combattant et garde-cercle, gendarme) tout en réaffirmant la puissance mythique créatrice des ancêtres claniques.
Dans un compte rendu du livre de Friedrich Ratzel, Anthropogéographie, Durkheim écrivait en effet : « Il n’y a pas de peuples qui soient vraiment autochtones » [1].
En effet, selon Durkheim, suivant en cela Ratzel, s’il n’y a pas d’autochtones, c’est parce que les hommes se sont toujours déplacés, ont conquis, ont reculé, ont occupé des terres inhabitées ou habitées, sont toujours entrés dans des relations conflictuelles et belliqueuses, se sont approprié des terres, les ont vendues, cédées ou achetées, ont contracté des alliances. Le droit de la guerre a toujours été perçu et pensé comme un droit universel parce que naturel, c’est-à-dire, un droit de poursuite et d’occupation. Il en va de même pour le droit d’échanger des personnes, des biens ou des signes.
Et le sociologue de poursuivre :
« Le mot d’autochtonie n’est qu’une figure et doit être rayé de la terminologie scientifique. L’état de perpétuelle mobilité où sont les sociétés est trop grand pour qu’aucune société se soit attardée à ce point au lieu de sa naissance » (Ibid.)
Par voie de conséquence, à lire Durkheim commentant Ratzel, on est en droit d’affirmer que ce n’est pas « la terre qui explique l’homme, mais l’homme qui explique la terre » (ibid. : 558)
Est-ce à dire pour autant que la notion (Durkheim emploie le terme de « mot ») d’autochtonie serait à jamais frappée d’inintelligibilité ou d’illégitimité ? Doit-on la proscrire du vocabulaire des sciences sociales ? En fait, il faut la prendre pour ce qu’elle est : une notion dont les usages sociaux et culturels sont à expliquer, et non un concept explicatif. Il est en effet certain que ce mot, tout comme celui de « race », est opérationnalisé à des fins politiques dont il faut comprendre les enjeux. Il est donc nécessaire – peut-être même salutaire dans un contexte de réification des identités portée par le populisme et la xénophobie – d’en faire la critique savante, tout en rendant compte de la façon dont la référence à l’« autochtonie » légitime certaines actions politiques. Que la conviction « autochtone » soit scientifiquement fausse n’empêche nullement qu’elle ait des adeptes. En d’autres termes, il faut être durkheimien et refuser à l’autochtonie une quelconque valeur explicative, mais aussi l’étudier comme Durkheim étudiait la religion, c’est-à-dire comme une croyance ayant des causes et des effets sociaux : telle est l’ambition des études présentées ici.
[1] L’Année sociologique, 3ème année, 1898-1899, Sixième section: morphologie sociale, I Les migrations humaines Paris, Felix Alcan , 1900 : 554
Ces monnaies naissent, vivent, se régénèrent et parfois meurent. Leur circulation est conditionnée non pas seulement par des impératifs financiers et économiques, mais aussi par les relations sociales entre vivants ou entre vivants et défunts. Signe par excellence de la relation sociale, la monnaie représente la société et en manifeste les valeurs. Et si « la richesse de la monnaie » existe, pour reprendre l’expression de Michel Aglietta et André Orléan, elle est avant tout à comprendre, comme nous le dévoilent les ethnographies présentées ici, dans la stricte dépendance des rituels, des relations, de la mémoire, du langage, des mutations qui lui donnent sens et la font vivre mais aussi qu’elle condense, chaque fois dans la cohérence de chaque société particulière, d’hier et d’aujourd’hui.
Ainsi, toutes ces contributions mettent en évidence le caractère universel de la monnaie et du phénomène monétaire qui expriment et confortent les valeurs globales de chaque société, garantissant la cohérence de leur organisation et de leur pérennité, quand bien même des mutations et de nouvelles logiques sont à l’oeuvre.
Dans les années 2000, Il est revenu dans cette île pour mesurer les transformations des rapports sociaux si particuliers de l’île antillaise. De ce point de vue, son œuvre constitue une contribution exceptionnelle, de par sa profondeur et sa durée, à la connaissance de la créolité et des identités transitives en Martinique. Mais, parallèlement à cette ethnologie, Francis Affergan a conduit une réflexion sur les conditions de possibilités de l’anthropologie aujourd’hui, dans un moment historique de pluralisation des mondes culturels. A la différence d’autres tentatives critiques de l’anthropologie, en particulier du textualisme des années 1980, ce travail est aussi constructif : il s’agit de construire une science de l’homme sur de nouvelles bases, correspondant au moment contemporain de modernité avancée. Jamais séparée de l’ethnologie, cette épistémologie n’est pas extérieure à la discipline dont elle entend explorer les fondements.
Praticien de l’anthropologie, Francis Affergan vise en effet à dégager la théorie de cette discipline à partir d’une expérience effective de recherche. La Martinique, lieu de confrontation et de métissage social, linguistique et culturel, constitue ainsi un laboratoire anthropologique pour qui veut penser le monde global dans sa diversité. Enfin, anthropologue et philosophe, Francis Affergan est aussi poète : trois livraisons de ses poèmes ont été publiés dans la revue Po&sie en 2009, 2012 et 2015. Un volume complet, Souffle accouru, est également paru en 2015 (Belin). C’est une autre façon de voir l’homme qui apparaît dans ces textes ; elle s’exprime dans une langue à la syntaxe complexe et au lexique savant, au service de métaphores terrestres, célestes et marines. Cette poésie, qui rappelle parfois le Gongora des Solitudes par son style et ses thèmes, est aussi une anthropologie fondamentale, car s’y manifeste une image de l’homme jeté dans le monde, perdu dans la nature.
La revue Cargo, dont Francis Affergan est le cofondateur, présente ici une série de contributions d’amis et de collègues en débat avec cette œuvre polymorphe. Le dialogue entre anthropologues, philosophes, historiens et sociologues à l’Institut d’Études Avancées de Paris et au Musée du quai Branly (11 et 12 mai 2015) a ainsi fait apparaître l’étendue de cette pensée profondément libre et fertile. Les textes qui suivent en témoignent avec vigueur.
La connaissance des mécanismes qui régissent les pratiques langagières est une condition essentielle pour une meilleure compréhension des enjeux culturels, mais aussi politiques et économiques, des situations contemporaines. L’utilisation de nouveaux médias permet des développements inédits de la parole patrimoniale, en investissant de nouveaux champs du discours (politiques, économiques…) ainsi qu’en élargissant l’audience jusqu’à toucher un public interethnique, tout en permettant aux communautés néo-urbaines de continuer à avoir un lien avec leur langue et leur culture d’origine, même si c’est sous une forme un peu différente de celle du contexte rural. Le deuxième axe de ce dossier est ainsi consacré à l’utilisation de la parole pour de nouvelles modalités et selon de nouveaux objectifs.
Toutes les contributions regroupées ici, de par la diversité de leurs terrains et des pratiques qu’elles décrivent, s’inscrivent bien dans la thématique commune de la transmission, mais chacune ne peut le faire qu’en s’engageant dans une direction particulière parmi la multiplicité des voies que cette thématique centrale ouvre en anthropologie.