Les communautés non autorisées vivant au sein de la Réserve de la biosphère Montes Azules (REBIMA... more Les communautés non autorisées vivant au sein de la Réserve de la biosphère Montes Azules (REBIMA) sont au coeur d’enjeux éthiques et politiques qui nous mènent à interroger un certain nombre de présupposés quant à la place possible des peuples autochtones dans les projets de conservation. À partir d’un travail ethnographique mené dans la région depuis une vingtaine d’années, l’auteur identifie et explore trois de ces questions. La première concerne l’usage qui peut être fait d’une aire protégée comme réserve de virtualités tout autant que de ressources et comme espace où peuvent s’inscrire non seulement des pratiques traditionnelles, mais aussi des projets encore indéfinis. Il examine ensuite comment la mobilisation de l’idée d’une « écologie productive » par les membres de ces communautés est une manière d’entrer dans un rapport dialectique, mais ultimement déstabilisant, avec l’imaginaire du bon sujet autochtone de la conservation, omniprésent dans les mises en récit dominantes de la REBIMA. Finalement, l’auteur souligne que les projets productifs dont il est question dans cet article ne peuvent être confinés à des aspirations locales : ils s’inscrivent plutôt dans un dialogue plus large, notamment avec l’État mexicain, sur les droits aux ressources et la gestion des territoires.
Les rapports perçus entre l'utopisme et l'anthropologie sont complexes, contestés et souv... more Les rapports perçus entre l'utopisme et l'anthropologie sont complexes, contestés et souvent davantage révélateurs du regard qui est posé sur ces deux formes de discours que d'une parenté évidente entre elles. Le sens même à donner à ces termes est ambigu. Nous commencerons ici par examiner des conceptions plutôt restrictives et formalistes de ces types de discours. Elles tracent une frontière relativement claire et rigide, que les anthropologues ont longtemps tenté de renforcer pour assoir l'autorité de leurs propres productions. Dans un deuxième temps, nous aborderons la manière dont cette frontière est devenue de plus en plus poreuse au XXe siècle, reflétant diverses appropriations anthropologiques de l'utopisme. Selon ses définitions les plus restrictives, le genre utopique serait constitué d'un corpus littéraire dont les codes ont été fixés dans l'Utopie de Thomas More (1516). Ses matériaux seraient le voyage imaginaire et il aurait pour finalité de produire le « plan » d'une société dans laquelle les contradictions que perçoit l'auteur-e dans sa propre société sont résolues. Cette même approche définitionnelle appliquée à l'ethnographie en fait un discours qui tire son autorité de l'expérience directe du terrain, dont le ton est ostensiblement descriptif avant d'être normatif et dont l'objectif ultime réside dans l'appréciation et la théorisation de la diversité des sociétés humaines. Même quand l'ethnographie est critique des rapports de pouvoir qu'elle met en récits, sa prétention typique est généralement de « découvrir » les réponses des personnes rencontrées sur le terrain face à ces systèmes de domination, plutôt que d'inventer des solutions pour contrer ces derniers. La distinction entre « découvrir » et « inventer » renvoie au vocabulaire utilisé à l'un des moments charnières dans la différentiation générique entre l'utopie et le discours des sciences sociales naissantes à la fin du XIXe siècle. Dans une brochure intitulée Socialisme utopique et socialisme scientifique (1880), Engels parlait de l [...]
Les communautés non autorisées vivant au sein de la Réserve de la biosphère Montes Azules (REBIMA... more Les communautés non autorisées vivant au sein de la Réserve de la biosphère Montes Azules (REBIMA) sont au coeur d’enjeux éthiques et politiques qui nous mènent à interroger un certain nombre de présupposés quant à la place possible des peuples autochtones dans les projets de conservation. À partir d’un travail ethnographique mené dans la région depuis une vingtaine d’années, l’auteur identifie et explore trois de ces questions. La première concerne l’usage qui peut être fait d’une aire protégée comme réserve de virtualités tout autant que de ressources et comme espace où peuvent s’inscrire non seulement des pratiques traditionnelles, mais aussi des projets encore indéfinis. Il examine ensuite comment la mobilisation de l’idée d’une « écologie productive » par les membres de ces communautés est une manière d’entrer dans un rapport dialectique, mais ultimement déstabilisant, avec l’imaginaire du bon sujet autochtone de la conservation, omniprésent dans les mises en récit dominantes de la REBIMA. Finalement, l’auteur souligne que les projets productifs dont il est question dans cet article ne peuvent être confinés à des aspirations locales : ils s’inscrivent plutôt dans un dialogue plus large, notamment avec l’État mexicain, sur les droits aux ressources et la gestion des territoires.
Les rapports perçus entre l'utopisme et l'anthropologie sont complexes, contestés et souv... more Les rapports perçus entre l'utopisme et l'anthropologie sont complexes, contestés et souvent davantage révélateurs du regard qui est posé sur ces deux formes de discours que d'une parenté évidente entre elles. Le sens même à donner à ces termes est ambigu. Nous commencerons ici par examiner des conceptions plutôt restrictives et formalistes de ces types de discours. Elles tracent une frontière relativement claire et rigide, que les anthropologues ont longtemps tenté de renforcer pour assoir l'autorité de leurs propres productions. Dans un deuxième temps, nous aborderons la manière dont cette frontière est devenue de plus en plus poreuse au XXe siècle, reflétant diverses appropriations anthropologiques de l'utopisme. Selon ses définitions les plus restrictives, le genre utopique serait constitué d'un corpus littéraire dont les codes ont été fixés dans l'Utopie de Thomas More (1516). Ses matériaux seraient le voyage imaginaire et il aurait pour finalité de produire le « plan » d'une société dans laquelle les contradictions que perçoit l'auteur-e dans sa propre société sont résolues. Cette même approche définitionnelle appliquée à l'ethnographie en fait un discours qui tire son autorité de l'expérience directe du terrain, dont le ton est ostensiblement descriptif avant d'être normatif et dont l'objectif ultime réside dans l'appréciation et la théorisation de la diversité des sociétés humaines. Même quand l'ethnographie est critique des rapports de pouvoir qu'elle met en récits, sa prétention typique est généralement de « découvrir » les réponses des personnes rencontrées sur le terrain face à ces systèmes de domination, plutôt que d'inventer des solutions pour contrer ces derniers. La distinction entre « découvrir » et « inventer » renvoie au vocabulaire utilisé à l'un des moments charnières dans la différentiation générique entre l'utopie et le discours des sciences sociales naissantes à la fin du XIXe siècle. Dans une brochure intitulée Socialisme utopique et socialisme scientifique (1880), Engels parlait de l [...]
Les termes vérité , justice et réconciliation occupent aujourd’hui une place importante dans le v... more Les termes vérité , justice et réconciliation occupent aujourd’hui une place importante dans le vocabulaire mobilisé pour cadrer les rapports entre les États des Amériques et les populations qu’ils ont historiquement marginalisées. Enjeu de luttes politiques, la définition de ces mots a une portée juridique et des incidences sur les mesures de réparation envisagées, mais elle soulève aussi, fondamentalement, la question de la manière dont est construit le récit d’une histoire commune capable de dire la violence d’une société. Fruit d’un dialogue entre des chercheurs et chercheuses, des défenseurs et défenseuses des droits de la personne et des membres d’organisations de femmes et d’Autochtones de plusieurs pays des Amériques, cet ouvrage fait état des débats sur les politiques de vérités sur les crimes et violations des droits dans le contexte des dictatures du Cône Sud, des guerres civiles en Amérique latine et des pensionnats autochtones en Amérique du Nord. Les différentes contributions analysent en particulier les enjeux liés aux politiques de mémoire des exactions, la manière dont sont comprises les conditions de non-répétition de ces violences et des mesures visant le rétablissement de la dignité des victimes.
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Papers by Martin Hebert