Books / Livres by Cécile Vaissié
Les Russes qui ont attaqué l’Ukraine le 24 février 2022 ont bombardé et détruit le théâtre de Mar... more Les Russes qui ont attaqué l’Ukraine le 24 février 2022 ont bombardé et détruit le théâtre de Marioupol, alors que deux messages, visibles du ciel, indiquaient que des enfants y avaient trouvé refuge. Des sources évoquent près de six cents tués : pour la plupart des femmes et des enfants. Quelques mois plus tard, les Russes ont dressé, autour des ruines du théâtre, des bâches sur lesquelles figuraient des portraits. Dont ceux, présents dans tant de salles d’écoles et de bibliothèques, de trois célèbres auteurs russophones du XIXe siècle : Pouchkine, Tolstoï et Gogol, et celui du poète ukrainien Taras Chevtchenko.
Certains Ukrainiens ont écrit y voir là « toute l’essence de la culture russe ».
Pourtant, la littérature russe – une partie d’entre elle, au moins – nous aide à comprendre, un tant soit peu, ce qu’est cette Russie qui, aujourd’hui, tue, viole et détruit en Ukraine. Et qui le fait, non pas à cause de cette littérature, mais malgré elle.
Les « années soviétiques » de Sartre s’amorcent en 1952 et se concrétisent à partir de 1954 par ... more Les « années soviétiques » de Sartre s’amorcent en 1952 et se concrétisent à partir de 1954 par des voyages. Elles s’interrompent en 1956, après l’écrasement du soulèvement de Budapest, reprennent en 1962 et se terminent, en ce qui concerne les voyages, en 1966 et, dans les discours, en 1968, lorsque les troupes du Pacte de Varsovie envahissent la Tchécoslovaquie. Pendant cette période, Sartre s’est rendu onze fois en URSS pour des séjours allant de quelques heures à plus d’un mois, et il y a développé de nombreux liens personnels.
Sa relation à l’URSS a donc été tumultueuse : il s’est souvent enthousiasmé publiquement pour ce qui s’y passait, mais a aussi rompu les ponts avec ce pays à deux reprises. Néanmoins, l’URSS est longtemps restée pour lui un espoir et une utopie, alors que les relations du philosophe avec le PCF s’avéraient complexes, variables, mais souvent mauvaises.
Or, si la fascination que l’URSS a suscitée chez certains intellectuels occidentaux dans les années 1920 et 1930 a déjà été bien étudiée, elle demeure peu analysée pour la période d’après-guerre. Ainsi, la question des rapports de Sartre à l’URSS et aux cercles culturels soviétiques, chargés de le convaincre de la primauté de leur pays, n’a été que survolée dans les très nombreux ouvrages consacrés au philosophe, et cela malgré l’ouverture des archives soviétiques.
C’est ce manque que ce livre cherche à combler, ce qui permet de dessiner une histoire un peu ratée des transferts culturels Est-Ouest, mais aussi d’approfondir, par une approche originale, l’étude des cercles culturels soviétiques, encore très méconnus aujourd’hui.
Cette recherche a impliqué de lire, en français et en russe, les œuvres des auteurs concernés, des souvenirs, des journaux intimes, des correspondances, d’innombrables quotidiens et revues, mais aussi de se plonger dans des archives soviétiques, publiées ou encore inédites, et, en particulier, dans les rapports détaillant les rencontres du philosophe français avec ses interlocuteurs soviétiques.
Les Mikhalkov-Kontchalovski constituent sans doute la plus célèbre dynastie dans la culture sovié... more Les Mikhalkov-Kontchalovski constituent sans doute la plus célèbre dynastie dans la culture soviétique, puis russe, des dernières décennies. Le père, Sergueï Mikhalkov (1913-2009), ex-président de l’Union des écrivains de la Russie soviétique, a écrit des pièces et des poésies que tous les enfants ont lues et apprises en URSS. Il est aussi l’auteur des paroles des trois hymnes nationaux : le stalinien de 1943, le brejnévien de 1977 et le poutinien de 2000, ce qui témoigne d’une continuité souhaitée par certains dirigeants politiques. Les fils, Andreï Kontchalovski (1937-) et Nikita Mikhalkov (1945-), actuel président de l’Union du cinéma russe, ont tourné des films qui ont impressionné les cinéphiles, y compris en Occident. Le plus jeune s’est engagé aux côtés de Boris Eltsine et, surtout, de Vladimir Poutine, alors que l’aîné, parti à Hollywood à la fin des années 1970, se partage entre la Russie, l’Europe occidentale et les États-Unis. Leur mère aussi écrivait, tandis que leur grand-père et leur arrière-grand-père étaient des peintres reconnus dont les toiles se trouvent dans de nombreux musées.
Or, lorsque Sergueï Mikhalkov est mort, de nombreux Russes ont déclaré que son destin « reflétait celui de tout le pays et de plusieurs époques du pays ». De façon comparable, l’hebdomadaire Koultoura a titré en 2012 : « Nikita Mikhalkov, miroir de l’évolution russe », ce qui renvoyait implicitement à un article de Lénine sur Léon Tolstoï. Malgré son caractère extra-ordinaire ou, peut-être, grâce à lui, ce clan familial agirait comme une sorte de révélateur de ce que la Russie traverse, y compris par le si séduisant conte qu’il semble incarner. Explorer les parcours des Mikhalkov-Kontchalovski implique donc d’étudier l’histoire de la Russie, soviétique et postsoviétique, et d’approfondir les raisons et justifications des artistes qui ont servi le pouvoir en Russie et s’en sont servis. Cette recherche sur une famille est ainsi au croisement des histoires politique, sociale, intellectuelle et culturelle de la Russie, de 1917 à 2017.
Depuis quelques années, le Kremlin mène des campagnes de « séduction » très offensives dans l’Uni... more Depuis quelques années, le Kremlin mène des campagnes de « séduction » très offensives dans l’Union européenne pour tenter d’influer sur les affaires intérieures de plusieurs pays membres. Dans ce but, il mélange sa conception du soft power avec des méthodes traditionnelles de ce KGB qui a formé beaucoup des dirigeants actuels. Alors que l’économie russe traverse une grave crise structurelle et qu’elle est sapée par une corruption de grande ampleur, le pouvoir finance, à l’étranger, des associations et des think tanks, des médias de propagande ainsi que des « usines à trolls » et des réseaux d’influence – voire des partis, comme le laissent supposer les millions d’euros perçus par le Front national.
En France, les représentants du Kremlin développent activement leurs relations avec des descendants de la diaspora russe, des politiciens français de divers bords, des journalistes, des hommes d’affaires et tous ceux que fascine, pour des différentes raisons, la personnalité de Vladimir Poutine.
Dès lors, une grave question se pose : cette politique intrusive représente-t-elle un danger pour la sécurité nationale française et l’intégrité européenne ? En mettant au jour la formidable machine mise en place par les idéologues du Kremlin, cette enquête de fond amène à croiser d’ex-officiers du KGB, des milliardaires orthodoxes, des princes nostalgiques d’une grandeur perdue, des agents d’influence, de nombreux « idiots utiles » et beaucoup, beaucoup d’argent…
Il s’agit du livre "Pour votre liberté et pour la nôtre. Le combat des dissidents de Russie", tra... more Il s’agit du livre "Pour votre liberté et pour la nôtre. Le combat des dissidents de Russie", traduit en russe et actualisé.
Traduction en slovaque du livre "Une femme en dissidence - Larissa Bogoraz".
Direction de revues et/ou de livres collectifs by Cécile Vaissié
Dès ses débuts, l'État soviétique entend remplacer le Russe du passé par un « homme nouveau », in... more Dès ses débuts, l'État soviétique entend remplacer le Russe du passé par un « homme nouveau », indispensable pour que se concrétise le projet bolchevik : créer un « monde nouveau », avec des rapports politiques, économiques, sociaux et même humains, fondamentalement modifiés.
L’Homme nouveau est donc censé être, à la fois, le moyen, la condition, le résultat et le témoignage des changements entrepris. Or, c’est aux arts et à la culture que sont confiées les tâches de représenter cet Homme nouveau et, surtout, de le créer en « rééduquant » – tel était le terme employé – les ex-citoyens de l’Empire qui pouvaient l’être, les autres étant écartés d’une manière ou d’une autre.
Après la mort de Staline (1953), le discours officiel reste inchangé pour l’essentiel, mais l’image du Soviétique dans les œuvres littéraires et artistiques, y compris celles autorisées par la censure, se modifie très nettement. En outre, de plus en plus de Soviétiques tentent, par l’art et la culture, d’échapper aux règles trop strictes encadrant la vie sociale.
La culture se fait double, voire triple ; plus que jamais, elle multiplie les codes, les doubles sens, l’implicite. Les œuvres d’art et leur réception, des convictions et des goûts évoluent et se complexifient, derrière les slogans officiels rabâchés et les affiches de propagande auxquelles plus grand-monde ne prête attention.
Un processus de déconstruction de l’Homme nouveau s’observe, tandis que des mythes s’effritent. Et ces évolutions expliquent aussi pourquoi l’URSS n’a pas survécu à cinq années de Perestroïka.
Papers / Articles by Cécile Vaissié
Politique internationale, , 2024
Retour sur le texte d'Alexeï Navalny, "Ma peur et ma haine"
La lecture complète des articles et... more Retour sur le texte d'Alexeï Navalny, "Ma peur et ma haine"
La lecture complète des articles et entretiens nécessite d'avoir un compte sur notre site La lecture complète des articles et entretiens nécessite d'avoir un compte sur notre site Politique Internationale... Politique Internationale...
Revue d'Histoire culturelle, 2023
Ernest Hemingway (1899-1961) est l’un des auteurs occidentaux ayant le plus marqué certaines caté... more Ernest Hemingway (1899-1961) est l’un des auteurs occidentaux ayant le plus marqué certaines catégories de Soviétiques, en particulier la génération des chestidesiatniki, les « hommes des années 1960 ». Le poète David Samoïlov a comparé la fascination soviétique pour cet écrivain américain au « byronisme », si présent dans la Russie du XIXe siècle . Hemingway ne s’est pourtant jamais rendu en URSS où il était publié et invité. Les étapes et causes de son influence – qui ne semble pas avoir existé, à une telle ampleur, ailleurs dans le « bloc de l’Est » – méritent donc d’être analysées, d’autant que cette influence n’était pas que littéraire : comme le « byronisme », elle impliquait aussi un rapport au monde, un style de vie, voire une apparence physique.
Elle a connu deux vagues : la plus connue, qui démarre après la mort de Staline, et celle, un peu oubliée, amorcée dès la première moitié des années 1930.
La guerre d’Espagne se situe entre ces deux vagues et elle est essentielle dans l’histoire des rapports entre Hemingway et l’URSS – ses lecteurs et ses écrivains, mais aussi ses services secrets et ses dirigeants. En effet, c’est juste avant, pendant et juste après cette guerre que les tentatives soviétiques pour instrumentaliser l’écrivain ont été les plus fortes, et le NKVD a même considéré avoir recruté Hemingway. Celui-ci n’a toutefois pas justifié les espoirs, et Pour qui sonne le glas (For Whom the Bell Tolls), son roman sur cette guerre, a déplu aux autorités soviétiques.
HOURMANT François & SOMMERER Erwan (dir.), Vêtements, modes et résistance, 2023
Connexe, 2022
Vassili Grossman, auteur soviétique des romans Vie et destin et Tout passe, se rend en Arménie en... more Vassili Grossman, auteur soviétique des romans Vie et destin et Tout passe, se rend en Arménie en novembre et décembre 1961, pour y retravailler la traduction en russe du roman de l'un des dirigeants de l'Union des écrivains arméniens, Hratchia Kotchar. Moins de deux ans plus tard, en septembre 1963, les intellectuels français Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, constamment entourés par les autorités locales, dont Hratchia Kotchar, passent deux ou trois jours dans cette république soviétique, à la toute fin d'un séjour de six semaines en URSS. Grossman et Beauvoir - mais pas Sartre - écriront des textes à la première personne du singulier sur leur séjour en Arménie, et, si ces textes sont de longueurs très différentes, ils ont le mérite de figer deux regards en partie complémentaires sur l'Arménie, sa société et son monde littéraire à une époque précise : celle du Dégel et de la déstalinisation. En outre, Grossman développe dans le sien une comparaison explicite entre Arméniens et Juifs, deux peuples victimes de massacres de masse au XX e siècle, et il poursuit ainsi sa réflexion sur les totalitarismes du siècle. Ces deux textes sont donc aussi révélateurs des perceptions et des attentes de leurs auteurs : un Soviétique, désormais très critique du stalinisme et du léninisme, marqué par les meurtres collectifs du XX e siècle et séduit par les gens simples d'Arménie, et une Française qui demeure fascinée par le communisme et les révolutions, et ne parle ni russe ni arménien.
Depuis une dizaine d’années, le KnAM – dont le nom est l’acronyme de « Komsomolsk-sur-l’Amour » –... more Depuis une dizaine d’années, le KnAM – dont le nom est l’acronyme de « Komsomolsk-sur-l’Amour » – présente régulièrement ses créations en France et dans le monde. En revanche, il ne les joue pas dans les principales villes de son propre pays, car il aborde des thèmes sensibles en Russie. Ainsi, quatre des six pièces montrées par le KnAM à Sens interdits – Je suis (2013), Je n’ai pas encore commencé à vivre (2017), Ma petite Antarctique (2019) et Le Bonheur (2021) – forment une tétralogie qui a pour sujet la mémoire des crimes commis par le pouvoir soviétique contre ses citoyens. Elles s’articulent autour de trois axes thématiques liés : l’opposition entre, d’une part, les mémoires individuelles et familiales, et, d’autre part, l’histoire officielle, ses mythes, ses mensonges et ses silences ; le lien entre les violences subies une, deux ou trois générations plus tôt, et la difficulté de l’individu à s’épanouir aujourd’hui ; la relation entre la prise de conscience mémorielle et l’engagement citoyen. Or ces questions sont actuellement au cœur d’un conflit aigu entre le pouvoir poutinien et une partie de la société russe.
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Books / Livres by Cécile Vaissié
Certains Ukrainiens ont écrit y voir là « toute l’essence de la culture russe ».
Pourtant, la littérature russe – une partie d’entre elle, au moins – nous aide à comprendre, un tant soit peu, ce qu’est cette Russie qui, aujourd’hui, tue, viole et détruit en Ukraine. Et qui le fait, non pas à cause de cette littérature, mais malgré elle.
Sa relation à l’URSS a donc été tumultueuse : il s’est souvent enthousiasmé publiquement pour ce qui s’y passait, mais a aussi rompu les ponts avec ce pays à deux reprises. Néanmoins, l’URSS est longtemps restée pour lui un espoir et une utopie, alors que les relations du philosophe avec le PCF s’avéraient complexes, variables, mais souvent mauvaises.
Or, si la fascination que l’URSS a suscitée chez certains intellectuels occidentaux dans les années 1920 et 1930 a déjà été bien étudiée, elle demeure peu analysée pour la période d’après-guerre. Ainsi, la question des rapports de Sartre à l’URSS et aux cercles culturels soviétiques, chargés de le convaincre de la primauté de leur pays, n’a été que survolée dans les très nombreux ouvrages consacrés au philosophe, et cela malgré l’ouverture des archives soviétiques.
C’est ce manque que ce livre cherche à combler, ce qui permet de dessiner une histoire un peu ratée des transferts culturels Est-Ouest, mais aussi d’approfondir, par une approche originale, l’étude des cercles culturels soviétiques, encore très méconnus aujourd’hui.
Cette recherche a impliqué de lire, en français et en russe, les œuvres des auteurs concernés, des souvenirs, des journaux intimes, des correspondances, d’innombrables quotidiens et revues, mais aussi de se plonger dans des archives soviétiques, publiées ou encore inédites, et, en particulier, dans les rapports détaillant les rencontres du philosophe français avec ses interlocuteurs soviétiques.
Or, lorsque Sergueï Mikhalkov est mort, de nombreux Russes ont déclaré que son destin « reflétait celui de tout le pays et de plusieurs époques du pays ». De façon comparable, l’hebdomadaire Koultoura a titré en 2012 : « Nikita Mikhalkov, miroir de l’évolution russe », ce qui renvoyait implicitement à un article de Lénine sur Léon Tolstoï. Malgré son caractère extra-ordinaire ou, peut-être, grâce à lui, ce clan familial agirait comme une sorte de révélateur de ce que la Russie traverse, y compris par le si séduisant conte qu’il semble incarner. Explorer les parcours des Mikhalkov-Kontchalovski implique donc d’étudier l’histoire de la Russie, soviétique et postsoviétique, et d’approfondir les raisons et justifications des artistes qui ont servi le pouvoir en Russie et s’en sont servis. Cette recherche sur une famille est ainsi au croisement des histoires politique, sociale, intellectuelle et culturelle de la Russie, de 1917 à 2017.
En France, les représentants du Kremlin développent activement leurs relations avec des descendants de la diaspora russe, des politiciens français de divers bords, des journalistes, des hommes d’affaires et tous ceux que fascine, pour des différentes raisons, la personnalité de Vladimir Poutine.
Dès lors, une grave question se pose : cette politique intrusive représente-t-elle un danger pour la sécurité nationale française et l’intégrité européenne ? En mettant au jour la formidable machine mise en place par les idéologues du Kremlin, cette enquête de fond amène à croiser d’ex-officiers du KGB, des milliardaires orthodoxes, des princes nostalgiques d’une grandeur perdue, des agents d’influence, de nombreux « idiots utiles » et beaucoup, beaucoup d’argent…
Direction de revues et/ou de livres collectifs by Cécile Vaissié
L’Homme nouveau est donc censé être, à la fois, le moyen, la condition, le résultat et le témoignage des changements entrepris. Or, c’est aux arts et à la culture que sont confiées les tâches de représenter cet Homme nouveau et, surtout, de le créer en « rééduquant » – tel était le terme employé – les ex-citoyens de l’Empire qui pouvaient l’être, les autres étant écartés d’une manière ou d’une autre.
Après la mort de Staline (1953), le discours officiel reste inchangé pour l’essentiel, mais l’image du Soviétique dans les œuvres littéraires et artistiques, y compris celles autorisées par la censure, se modifie très nettement. En outre, de plus en plus de Soviétiques tentent, par l’art et la culture, d’échapper aux règles trop strictes encadrant la vie sociale.
La culture se fait double, voire triple ; plus que jamais, elle multiplie les codes, les doubles sens, l’implicite. Les œuvres d’art et leur réception, des convictions et des goûts évoluent et se complexifient, derrière les slogans officiels rabâchés et les affiches de propagande auxquelles plus grand-monde ne prête attention.
Un processus de déconstruction de l’Homme nouveau s’observe, tandis que des mythes s’effritent. Et ces évolutions expliquent aussi pourquoi l’URSS n’a pas survécu à cinq années de Perestroïka.
Papers / Articles by Cécile Vaissié
La lecture complète des articles et entretiens nécessite d'avoir un compte sur notre site La lecture complète des articles et entretiens nécessite d'avoir un compte sur notre site Politique Internationale... Politique Internationale...
Elle a connu deux vagues : la plus connue, qui démarre après la mort de Staline, et celle, un peu oubliée, amorcée dès la première moitié des années 1930.
La guerre d’Espagne se situe entre ces deux vagues et elle est essentielle dans l’histoire des rapports entre Hemingway et l’URSS – ses lecteurs et ses écrivains, mais aussi ses services secrets et ses dirigeants. En effet, c’est juste avant, pendant et juste après cette guerre que les tentatives soviétiques pour instrumentaliser l’écrivain ont été les plus fortes, et le NKVD a même considéré avoir recruté Hemingway. Celui-ci n’a toutefois pas justifié les espoirs, et Pour qui sonne le glas (For Whom the Bell Tolls), son roman sur cette guerre, a déplu aux autorités soviétiques.
Certains Ukrainiens ont écrit y voir là « toute l’essence de la culture russe ».
Pourtant, la littérature russe – une partie d’entre elle, au moins – nous aide à comprendre, un tant soit peu, ce qu’est cette Russie qui, aujourd’hui, tue, viole et détruit en Ukraine. Et qui le fait, non pas à cause de cette littérature, mais malgré elle.
Sa relation à l’URSS a donc été tumultueuse : il s’est souvent enthousiasmé publiquement pour ce qui s’y passait, mais a aussi rompu les ponts avec ce pays à deux reprises. Néanmoins, l’URSS est longtemps restée pour lui un espoir et une utopie, alors que les relations du philosophe avec le PCF s’avéraient complexes, variables, mais souvent mauvaises.
Or, si la fascination que l’URSS a suscitée chez certains intellectuels occidentaux dans les années 1920 et 1930 a déjà été bien étudiée, elle demeure peu analysée pour la période d’après-guerre. Ainsi, la question des rapports de Sartre à l’URSS et aux cercles culturels soviétiques, chargés de le convaincre de la primauté de leur pays, n’a été que survolée dans les très nombreux ouvrages consacrés au philosophe, et cela malgré l’ouverture des archives soviétiques.
C’est ce manque que ce livre cherche à combler, ce qui permet de dessiner une histoire un peu ratée des transferts culturels Est-Ouest, mais aussi d’approfondir, par une approche originale, l’étude des cercles culturels soviétiques, encore très méconnus aujourd’hui.
Cette recherche a impliqué de lire, en français et en russe, les œuvres des auteurs concernés, des souvenirs, des journaux intimes, des correspondances, d’innombrables quotidiens et revues, mais aussi de se plonger dans des archives soviétiques, publiées ou encore inédites, et, en particulier, dans les rapports détaillant les rencontres du philosophe français avec ses interlocuteurs soviétiques.
Or, lorsque Sergueï Mikhalkov est mort, de nombreux Russes ont déclaré que son destin « reflétait celui de tout le pays et de plusieurs époques du pays ». De façon comparable, l’hebdomadaire Koultoura a titré en 2012 : « Nikita Mikhalkov, miroir de l’évolution russe », ce qui renvoyait implicitement à un article de Lénine sur Léon Tolstoï. Malgré son caractère extra-ordinaire ou, peut-être, grâce à lui, ce clan familial agirait comme une sorte de révélateur de ce que la Russie traverse, y compris par le si séduisant conte qu’il semble incarner. Explorer les parcours des Mikhalkov-Kontchalovski implique donc d’étudier l’histoire de la Russie, soviétique et postsoviétique, et d’approfondir les raisons et justifications des artistes qui ont servi le pouvoir en Russie et s’en sont servis. Cette recherche sur une famille est ainsi au croisement des histoires politique, sociale, intellectuelle et culturelle de la Russie, de 1917 à 2017.
En France, les représentants du Kremlin développent activement leurs relations avec des descendants de la diaspora russe, des politiciens français de divers bords, des journalistes, des hommes d’affaires et tous ceux que fascine, pour des différentes raisons, la personnalité de Vladimir Poutine.
Dès lors, une grave question se pose : cette politique intrusive représente-t-elle un danger pour la sécurité nationale française et l’intégrité européenne ? En mettant au jour la formidable machine mise en place par les idéologues du Kremlin, cette enquête de fond amène à croiser d’ex-officiers du KGB, des milliardaires orthodoxes, des princes nostalgiques d’une grandeur perdue, des agents d’influence, de nombreux « idiots utiles » et beaucoup, beaucoup d’argent…
L’Homme nouveau est donc censé être, à la fois, le moyen, la condition, le résultat et le témoignage des changements entrepris. Or, c’est aux arts et à la culture que sont confiées les tâches de représenter cet Homme nouveau et, surtout, de le créer en « rééduquant » – tel était le terme employé – les ex-citoyens de l’Empire qui pouvaient l’être, les autres étant écartés d’une manière ou d’une autre.
Après la mort de Staline (1953), le discours officiel reste inchangé pour l’essentiel, mais l’image du Soviétique dans les œuvres littéraires et artistiques, y compris celles autorisées par la censure, se modifie très nettement. En outre, de plus en plus de Soviétiques tentent, par l’art et la culture, d’échapper aux règles trop strictes encadrant la vie sociale.
La culture se fait double, voire triple ; plus que jamais, elle multiplie les codes, les doubles sens, l’implicite. Les œuvres d’art et leur réception, des convictions et des goûts évoluent et se complexifient, derrière les slogans officiels rabâchés et les affiches de propagande auxquelles plus grand-monde ne prête attention.
Un processus de déconstruction de l’Homme nouveau s’observe, tandis que des mythes s’effritent. Et ces évolutions expliquent aussi pourquoi l’URSS n’a pas survécu à cinq années de Perestroïka.
La lecture complète des articles et entretiens nécessite d'avoir un compte sur notre site La lecture complète des articles et entretiens nécessite d'avoir un compte sur notre site Politique Internationale... Politique Internationale...
Elle a connu deux vagues : la plus connue, qui démarre après la mort de Staline, et celle, un peu oubliée, amorcée dès la première moitié des années 1930.
La guerre d’Espagne se situe entre ces deux vagues et elle est essentielle dans l’histoire des rapports entre Hemingway et l’URSS – ses lecteurs et ses écrivains, mais aussi ses services secrets et ses dirigeants. En effet, c’est juste avant, pendant et juste après cette guerre que les tentatives soviétiques pour instrumentaliser l’écrivain ont été les plus fortes, et le NKVD a même considéré avoir recruté Hemingway. Celui-ci n’a toutefois pas justifié les espoirs, et Pour qui sonne le glas (For Whom the Bell Tolls), son roman sur cette guerre, a déplu aux autorités soviétiques.
Artsvi Bakhchinyan
A Concise History of Armenian Theatre and Cinema
Narine Sargsyan
Становление армянской советской режиссуры (1920-ые годы)
Sara Nalbandyan
От свободы к системе: армянская режиссура первой половины XX-го века
Anush Aslibekyan
Воспоминания об утерянной стране в драмах Уильяма Сарояна
Artsvi Bakhchinyan
Armenia’s Love for Shakespeare
Nazenik Sargsyan
Шекспир в творчестве армянских хореографов
Anahit Bekaryan
Shakespearean Library after R. Zaryan at National Academy of Sciences Republic Armenia Institute of Art
BIAŁORUŚ
Maria Polakowa
Образ поколения „Лу” в драматургии Павла Пряжко
Dmitry Ermalovich-Dashchynski
Жанровый синтез в драматическом театре Беларуси второй половины 10-х годов XXI века
Andriej Moskwin
Teatr „Kryły Chałopa” w obronie pamięci i kobiet
ESTONIA
Heili Einasto
Rahel Olbrei and her legacy in the Estonian National Ballet
GRUZJA
Lasha Chkartishvili
Contemporary Georgian drama
MOŁDAWIA
Ana Ghilaş
Values of intermediality in Ion Druţă’s dramaturgy
Dorina Khalil-Butucioc
„Индетерманентности” молдавской драматургии: 90-е годы XX века
POLSKA
Maria Jolanta Olszewska
Fenomen Ponad śnieg bielszym się stanę Stefana Żeromskiego. Rzecz o spotkaniu pisarza i reżysera
ROSJA
Kristina Vorontsova
Священные игрушки Елены Шварц театрика „Элизий”: к проблеме сценического воплощения стихотворных текстов
TADŻYKISTAN
Muhamadullo Tavarov
Театральное искусствo Таджикистана: конец XX – начало XXI века
UZBEKISTAN
Muhabbat Tulyahodjayeva
Узбекский театр 10–30 годов ХХ века
RECENZJE / WYWIADY / INFORMACJE
ARMENIA
Andriej Moskwin – Artur Ghukasyan
„High Fest – это флагманский фестиваль исполнительских искусств в Армении
Yerevan International Shakespeare Theatre Festival
International Theatrical Festival “Armmono”
Karine Khodikyan
Драматургия третьей Республики Армения
Sona Meloyan
SHAKEspeareSHAKE – армянская почва и судьба
Roger Smith
International Contemporary Dance Festival “Summeet”
Lista państwowych teatrów w Armenii
AZERBEJDŻAN
Elchin Jafarov
Я, есьм в театре „Йуг”
BIAŁORUŚ
Andriej Moskwin
Miesiąc białoruskiej dramaturgii w warszawskim Teatrze Dramatycznym
John Freedman
The worldwide readings project: Andrei Kureichik’s Insulted.Belarus in numbers
BUŁGARIA
Maya Pramatarova
Мастер и Маргарита. Гео/биография времени
GRUZJA
Lasha Chkhartishvili
Georgian Theatre in quarantine
LITWA
Andriej Moskwin
Klaipeda Festival – nowe miejsce na teatralnej mapie Europy
MACEDONIA PÓŁNOCNA
Ivanka Apostolova
An essayistic mapping on the situation with contemporary dramatic art in R.N. Macedonia (2010-2020)
POLSKA
Daiwa Maksimowicz – Andriej Moskwin
Odkrywamy nazwiska
Maria Polakowa
„Новая” драматургия Беларуси (рецензия)
ROSJA
Boris Tuch
Отражение власти в страшных зеркалах смеха
Natalia Jakubowa
„Апрельские тезисы”. Онлайн–театр 2021
Cécile Vaissié
A few thoughts on a roud table devoted to censorship
Ljubiša Matić
Russian case 2021
Addie Aronoff
Russian case 2021
Kitija Balcare
Stories, clay and blurred borders
RUMUNIA
A. Moskwin – Cristina Modreanu
“…The past empowers us for the future”
SŁOWACJA
Andriej Moskwin
„2020 rok – rok (bez) słowackiego teatru”
UKRAINA
Wiktoria Kotionok
Время Богдана Ступки (рецензия)
Presque aussitôt, sa gloire immense et sa promotion d’un existentialisme qui détournerait du marxisme lui valent des attaques, d’intellectuels du PCF, mais aussi de personnalités soviétiques (dont David Zaslavski, Alexandre Fadeïev, secrétaire général de l’Union des écrivains d’URSS, et Ilya Ehrenbourg). La pièce Les Mains sales est particulièrement critiquée, car elle impose de réfléchir au rapport entre la fin et les moyens dans un mouvement communiste. Sartre ne manifeste pourtant aucune hostilité à l’URSS et estime même que les répressions y ont pour but de construire une société révolutionnaire et anti-bourgeoise.
Entre 1954 et 1966, il se rendra onze fois en URSS, et certains de ses proches, ainsi que le sort des dissidents soviétiques, lui ouvriront les yeux sur quelques réalités soviétiques. C’est cette évolution qui est ici racontée. Finalement, lorsque Andreï Sakharov est arrêté en janvier 1980, pour avoir dénoncé l’intervention militaire de l’URSS en Afghanistan et appelé à un boycott des Jeux olympiques qui doivent se tenir à Moscou cet été-là, Sartre, Beauvoir et quelques autres intellectuels signent une déclaration dans laquelle, à leur tour, ils « condamnent fermement l'agression militaire délibérée à laquelle s'est livrée l'URSS vis-à-vis de l'Afghanistan ». Ils soulignent que « les droits de l'homme sont de plus en plus bafoués en URSS » et appellent à boycotter les Jeux.
Dans les jours qui suivent, Sartre confirme sa position dans une longue interview qui, accordée à la radio Europe 1, sera ensuite reprise par le quotidien Matin de Paris. Le journaliste l’y interpelle : « Jean-Paul Sartre, selon vous, qui a les mains sales aujourd’hui ? » Le philosophe répond sans ciller : « C’est le gouvernement d’URSS, ça me paraît certain. » Dans l’histoire des intellectuels français, une page se tourne, même si, quelques jours plus tard, Sartre déclare à l’un de ses proches ne rien regretter de ses « rapports avec le communisme et avec les communistes » : « On ne pouvait faire autrement. »
Keywords: URSS, Union of Writers, literature, propaganda, communism.
Pour les Français, le cinéaste Léonid Gaïdaï n’existe pour ainsi dire pas. En effet, dans les années 1960 et 1970, alors qu’il était au pic de sa productivité et que ses films faisaient rire des millions de spectateurs en URSS, les autorités soviétiques du cinéma n’ont pas jugé bon exporter ces films en France, ni même les y présenter dans des festivals – à une exception près. Sans doute n’y avait-il pas non plus beaucoup de demande, en France, pour de telles comédies, ne serait-ce que parce que le genre de la comédie soviétique y était très mal connu et ne s’inscrivait pas dans certains stéréotypes : l’Union soviétique restait vue, avant tout, comme la concrétisation d’un projet révolutionnaire, éventuellement comme la continuation de la culture classique russe, et elle se devait donc d’avoir un cinéma « sérieux ».
Ce type d’humour était-il d’ailleurs accessible à des non-Soviétiques ? La question se pose, mais que les films de Gaïdaï soient désormais disponibles en France, et promus par des structures russes officielles, semble indiquer, parmi d’autres indices, qu’ils peuvent plaire au public local, même quelques décennies après leur tournage. Pourtant, à l’époque soviétique, ils n’ont pratiquement pas fait l’objet d’articles dans la presse française ni d’analyses par des slavistes ou des universitaires spécialistes du cinéma, et ils demeurent aujourd’hui encore largement absents des livres et sites francophones consacrés au cinéma soviétique, même si quelques changements récents se constatent. Dès lors, les Français n’ont pas su que les Soviétiques riaient aussi, ni, encore moins, ce qui les faisait rire. Plus généralement, ils n’ont guère connu la culture populaire soviétique qui les aurait pourtant aidés à dépasser certains clichés et stéréotypes. Des gouffres d’incompréhension entre l’Est et l’Ouest s’expliquent aussi ainsi.
Dans les années 70, Grigori Svirski, un émigré soviétique, rédige un livre, Écrivains de la liberté, dans lequel il évoque les gens de lettres qui ont su maintenir leur « liberté intérieure » dans la littérature soviétique d'après-guerre. L'introduction à l'édition française de cet ouvrage est rédigée par Efim Etkind, universitaire et, lui aussi, émigré soviétique. Pour ce dernier, Grigori Svirski démontre qu'une « littérature véritable » a toujours existé en URSS, ce que nierait Alexandre Soljénitsyne. Etkind justifie cette interprétation en reprenant une citation de Soljénitsyne, donnée par Svirski dans son livre, mais il la tronque : « (…) Dans les années 30, 40 et 50, nous n'avions pas de littérature. Car sans toute la vérité, il n'y a point de littérature. » Etkind y voit un « maximalisme » qui serait « impressionnant, mais injuste ». Mais lui-même est ici caricatural. Cette citation se trouve, en effet, à la fin de la quatrième partie de L'Archipel du Goulag, alors que l'écrivain vient de révéler l'existence, l'ampleur et le fonctionnement du système concentrationnaire soviétique et de dénoncer les « poisons » qui, secrétés par cet Archipel, ont « intoxiqué » le pays tout entier. Soljénitsyne lance un défi à ses contemporains et à lui-même, et il apporte une réponse qui le concerne au premier plan : « Saurons-nous, oserons-nous décrire toute l'ignominie dans laquelle nous avons vécu (…) ? Mais dès lors que nous ne dévoilons pas cette ignominie avec force, nous donnons dans le mensonge. C'est pourquoi, à mon avis, nous n'avons pas eu de littérature dans les années 30, 40 et 50. Car il n'y a pas de littérature sans vérité totale. Aujourd'hui, on ne nous montre cette ignominie que dans la mesure où le permet la mode, par un sous-entendu, une incise, un ajout, une nuance, et l'on retombe dans le mensonge. » Le « mensonge » dénoncé est donc, très concrètement, celui qui consiste à taire ou à dissimuler les répressions et, si l'écrivain parle de « vérité totale », c'est parce qu'il sait que celle-ci n'existe alors que par bribes. De son côté, Grigori Svirski confirme que les années 40 étaient une « époque de falsifications sanglantes ». Les deux hommes portent, en fait, des jugements très similaires sur la littérature stalinienne, et les désaccords qui existent entre eux ne viennent pas de cette question. La polémique, soulignée par Etkind, est largement factice, mais elle n'est pourtant pas anecdotique. En effet, elle contribue à relativiser le désastre traversé par cette littérature et, surtout, le rôle déterminant, joué par l'oeuvre de Soljénitsyne au début des années 60. Les auteurs « libéraux »-dont Svirski faisait partie-ont, en effet, immédiatement compris que la publication d'Une Journée d'Ivan Dénissovitch marquait une rupture fondamentale : c'était un « miracle littéraire », a ainsi proclamé Korneï Tchoukovski. Or, pour prendre la mesure, à la fois de ce désastre et de cette rupture, il convient de réfléchir aux spécificités de la littérature soviétique et à son évolution, ainsi qu'au rôle qu'y jouent les normes, les mensonges et les miracles.
Section thématique « Vêtements, Modes et Résistances », organisée par le Professeur François Hourmant et par Erwan Sommerer, Maître de conférences en science politique.