Articles by Isabelle Bouchard
Revue d’histoire de l’Amérique française, 2023
Cet article porte sur les transformations de la capacité juridique des communautés autochtones au... more Cet article porte sur les transformations de la capacité juridique des communautés autochtones au sein de l’ordre juridique colonial canadien entre la fin du 18e siècle et l’adoption des premières lois concernant les Premières Nations en 1850. Il montre comment la tendance grandissante au 19e siècle à envisager le statut corporatif comme découlant seulement de l’État a contribué à l’effacement de la capacité juridique des collectivités autochtones. S’étant d’abord vu accorder une capacité juridique comme corps religieux (missions) dans les années 1830, les communautés autochtones ont ensuite été assimilées à des corps de nature politique, dépourvus du statut de corporation. La personnalité juridique apparaît ainsi comme un instrument juridique ayant facilité la dépossession des peuples autochtones. La démonstration s’appuie sur le cas de la communauté abénakise d’Odanak (Québec).
Revue de la Société historique du Canada, 2016
La concession de censives dans les terres du Sault-Saint-Louis et de Saint-François, octroyées po... more La concession de censives dans les terres du Sault-Saint-Louis et de Saint-François, octroyées pour l’usufruit des Iroquois (Mohawks) de Kahnawake et des Abénakis d’Odanak, intègre de facto ces terres dans le régime seigneurial, malgré l’ambiguïté de leur statut foncier. Son langage administratif et juridique est alors utilisé pour définir et administrer ces terres, qui sont divisées entre « domaine » et « mouvance » après la Conquête. Dans l’espace que les Autochtones se réservent pour leur propre usage (le « domaine »), des tensions se développent entre le caractère communal de ces terres et l’appropriation individuelle de parcelles de terre, dont les mutations sont enregistrées dans des greffes de notaires. Certains membres de la communauté remettent en effet en cause la légitimité des prérogatives des chefs concernant la gestion des terres et des ressources, reposant sur leur caractère communal de ces terres. Le développement d’une forme de « propriété privée » dans les terres concédées pour les Autochtones pose également la question des influences légales régissant le patrimoine foncier dans les terres « domaniales » des Iroquois (Mohawks) et des Abénakis.
Empreintes, Revue d’histoire de la Mauricie et du Centre-du-Québec, 2020
Développement comparé des littoraux du golfe du Saint-Laurent et du Centre-Ouest français, d'hier à aujourd'hui, 2012
Sociétés, populations et territorialité. Actes des 15e et 16e colloques étudiants du Centre interuniversitaire d’études québécoises, 2012
Actes du 9e colloque étudiant du Département d’histoire. Colloque de l’Association étudiante de 2e et 3e cycle du Département d’histoire tenu à l’Université Laval du 5 au 7 février 2009, 2010
Chapitres de livre by Isabelle Bouchard
Québécois et Autochtones. Histoire commune, histoires croisées, ou histoires parallèles ?, 2023
Family and Justice in the Archives : Historical Perspectives on Intimacy and the Law, 2024
Benoît Grenier et Michel Morissette, dir., Nouveaux regards en histoire seigneuriale au Québec, 2016
Master and doctoral these by Isabelle Bouchard
Cette thèse de doctorat porte sur la manière dont s’exerce localement le pouvoir politique au sei... more Cette thèse de doctorat porte sur la manière dont s’exerce localement le pouvoir politique au sein de deux communautés autochtones de la vallée du Saint-Laurent (Kahnawake et Odanak) entre la Conquête (1760) et le transfert de Londres vers l’administration coloniale de la pleine responsabilité dans la gestion des Affaires indiennes (1860). Délaissant la question traditionnelle du rôle diplomatique des chefs auprès des autorités coloniales, cette thèse se concentre plutôt sur leurs prérogatives liées à la gestion des terres et des ressources dans les terres « seigneuriales » du Sault-Saint-Louis (Kahnawake) et de Saint-François (Odanak). À partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, les chefs font en effet de la gestion des terres et des ressources possédées communalement l’une des principales assises de leur autorité.
Après la Conquête et le départ de leurs anciens tuteurs officieux (les jésuites), les chefs autochtones de Kahnawake et d’Odanak agissent comme « seigneurs », sans l’intervention des autorités coloniales. À ce titre, ils concèdent des censives à des Canadiens, gèrent le moulin banal, nomment des intermédiaires et déterminent de l’utilisation des redevances « seigneuriales ». Dans la même foulée, les chefs cherchent à affermir leur autorité sur leur « domaine », soit sur les terres que les membres de ces communautés se réservent pour leur propre usage. Les prérogatives revendiquées par les chefs, notamment celles de réglementer l’usage des terres et des ressources, sont toutefois contestées par certains membres de leur communauté. Au cœur de notre problématique se situe donc la manière dont les Autochtones conçoivent et contestent la légitimité de l’autorité exercée par leurs chefs et les modalités de la réponse de ces derniers qui tentent de maîtriser ces contestations.
Cette thèse met également en lumière la manière dont le gouvernement colonial entend asseoir son autorité sur les terres des Autochtones de la vallée du Saint-Laurent à partir des années 1820. Les autorités coloniales nomment alors des agents pour récolter les redevances « seigneuriales » à la place des intermédiaires nommés par les chefs. Tirant profit des conflits intracommunautaires, les officiers des Affaires indiennes accroissent, dans la décennie suivante, leur contrôle sur la gestion des fonds publics des communautés autochtones dans le but que ces revenus soient utilisés en vertu des visées de la nouvelle politique de civilisation. L’autorité des chefs autochtones se trouve dès lors fragilisée, car ceux-ci doivent désormais rendre compte de la manière dont ils emploient les fonds publics aux officiers des Affaires indiennes. Des membres des communautés autochtones réclament en outre de plus en plus d’avoir un mot à dire à cet égard.
Finalement, cette thèse démontre comment les transformations de l’État bas-canadien dans les années 1840 et 1850 influencent le pouvoir des chefs autochtones ainsi que le statut de leurs terres. Pour se distinguer des nouvelles structures de pouvoir local que sont les corporations municipales, les Autochtones revendiquent un statut de pupille de la Couronne britannique et favorisent également l’uniformisation du statut de leurs terres. La mise en évidence de l’absence de personnalité juridique des communautés autochtones permet également aux Affaires indiennes d’accroître leur contrôle sur les terres des Autochtones au détriment de l’autorité des chefs, qui apparaît alors de plus en plus précarisée au milieu du XIXe siècle.
Ce mémoire porte sur la manière dont les jésuites, premiers missionnaires du Pays des Illinois, c... more Ce mémoire porte sur la manière dont les jésuites, premiers missionnaires du Pays des Illinois, conçoivent leur rôle au sein de l’alliance franco-amérindienne entre 1673, date de la « découverte » du fleuve Mississippi, et 1717, date de rattachement de cette région à la Louisiane. Durant cette période marquée par l’augmentation de la présence française dans l’Ouest, cette conception s’inscrit principalement dans les relations que ces pères entretiennent avec les autorités coloniales, les commandants de poste et les autres ordres religieux qui tentent de s’y établir. En effet, des rapports que ces missionnaires entretiennent avec ces autres acteurs de l’alliance ressortent les justifications qu’ils ont développées sur la manière de conduire leur apostolat auprès des Illinois. De par leur longue expérience dans l’inculcation des valeurs chrétiennes aux populations païennes, les jésuites estiment être le plus à même d’assurer l’intégration de la nation illinoise dans l’empire français. Ils défendent donc âprement le droit de mener à leur guise l’évangélisation des Illinois, et ce, sans aucune ingérence extérieure qu’elle provienne des autorités coloniales ou de l’autorité épiscopale qui se met en place dans la seconde moitié du XVIIe siècle.
Conférences et communications by Isabelle Bouchard
Continuité et transformations des études autochtones. Les 50 ans de Recherches amérindiennes au Québec, Montréal, 2021
Les archives judiciaires du Québec, de la Nouvelle-France à aujourd’hui : historique, usages et enjeux, Journées d’étude sur les archives judiciaires, BANQ Vieux-Montréal, Montréal, 2021
Entre les années 1790 et le milieu du XIXe siècle, les Abénakis d’Odanak interviennent régulièrem... more Entre les années 1790 et le milieu du XIXe siècle, les Abénakis d’Odanak interviennent régulièrement devant les cours de juridiction civile. Ils participent notamment comme tierce partie dans des litiges concernant le bornage des seigneuries de Saint-François et de Pierreville, dont ils se sont fait concéder des parties pour leur « mission ». Par le biais d’un syndic, les chefs intentent également des actions au nom de leur « nation », s’affirmant comme un corps politique exerçant une autorité sur la communauté. Enfin, à titre de seigneurs, ils poursuivent collectivement des censitaires de la « seigneurie de la mission ».
À travers les procès impliquant collectivement les Abénakis devant la cour du Banc du Roi, ainsi que les archives notariales produites par leur syndic, nous analyserons l’évolution de la capacité juridique de cette communauté. À l’instar des seigneurs ecclésiastiques, la « nation abénaquise de Saint-François » est un justiciable au statut ambigu : faute d’être une personne physique concrète, elle doit, en tant que collectivité, être reconnue comme une personne morale. Or, l’absence de cette reconnaissance a été soulignée dès la fin du XVIIIe siècle par des juristes, sans que ce constat entrave concrètement la capacité d’agir en justice des Abénakis. Mais à partir du milieu des années 1840, alors que l’incorporation s’impose comme fondement de la capacité d’agir des collectivités, les juristes ne peuvent plus faire abstraction de cette lacune. Celle-ci devient alors un frein pour l’affirmation des droits seigneuriaux et territoriaux des Abénakis, ainsi que pour l’exercice de l’autorité de leurs chefs.
Table-ronde organisée par le Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité et la démocratie (CRIDAQ), Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), 2020
Société généalogique canadienne-française, Montréal, 2021
En février 1704, quelque 200 guerriers autochtones et 50 Français et Canadiens attaquent le villa... more En février 1704, quelque 200 guerriers autochtones et 50 Français et Canadiens attaquent le village de Deerfield, dans la vallée de la rivière Connecticut (Massachusetts). Le raid de Deerfield est l’un des exemples les plus connus des nombreux raids franco-autochtones effectués contre la Nouvelle-Angleterre entre 1688 et 1760. Ces raids suscitent la terreur, car ils sont l’occasion de faire des captifs. L’objectif de cette conférence est de replacer ces raids dans le contexte culturel des Premières Nations et d’aborder, à partir de quelques exemples, le sort des captifs ramenés dans la colonie canadienne.
72e Congrès de l’Institut d’histoire de l’Amérique française, Université d’Ottawa, Ottawa, 2019
Dans la première moitié du XIXe siècle, les Abénakis d’Odanak administrent leurs terres (portions... more Dans la première moitié du XIXe siècle, les Abénakis d’Odanak administrent leurs terres (portions des seigneuries de Saint-François et de Pierreville) comme une « seigneurie ». En théorie, la division entre « domaine » et « mouvance » permet d’établir une distinction, par le biais du foncier, entre les membres de la communauté, qui ne payent pas de droits seigneuriaux, et les Canadiens, devant payer des cens et rentes pour occuper des terres concédées en censives. Cette frontière physique entre « Indiens » et « Blancs » au sein du territoire seigneurial n’est toutefois pas étanche. Des membres de la communauté acquièrent des censives, pour lesquelles ils reçoivent des modalités plus avantageuses tant que ces terres ne passent pas entre des mains « étrangères ». Dans cette communication, nous entendons analyser les modalités différenciées de concessions de censives entre Abénakis et Canadiens. Ces dernières seront étudiées à la lumière de la transformation des critères d’appartenance, alors que la fluidité laisse la place à des critères identitaires plus rigides, qui vont se traduire, à partir de 1850, par des critères légaux restrictifs.
Société d’histoire et de généalogie de l’Île Jésus, Laval, 2019
Instauré dans la vallée laurentienne au début du XVIe siècle, le régime seigneurial persiste jusq... more Instauré dans la vallée laurentienne au début du XVIe siècle, le régime seigneurial persiste jusqu’à son abolition en 1854. Dans ce mode de propriété foncière, la terre est possédée par des seigneurs. Ces derniers peuvent être des individus, ainsi que des institutions, comme des communautés religieuses. En dépit de la diversité caractérisant le groupe des seigneurs, le fait que des communautés autochtones, plus particulièrement les Iroquois de Kahnawake et les Abénaquis d’Odanak, aient agi comme « seigneurs » après la Conquête militaire du Canada (1760) demeure largement méconnu. Cette conférence présentera le statut particulier des terres des Autochtones intégrées dans l’espace seigneurial, les prérogatives que les chefs autochtones exercent à titre de « seigneurs » ainsi que les relations qu’ils entretiennent avec leurs censitaires canadiens.
Rendez-vous d’histoire de Québec, Musée de la Civilisation, Québec, 2019
Instauré dans la vallée laurentienne au début du XVIe siècle, le régime seigneurial persiste jusq... more Instauré dans la vallée laurentienne au début du XVIe siècle, le régime seigneurial persiste jusqu’à son abolition en 1854. Dans ce mode de propriété foncière, la terre est possédée par des seigneurs. En dépit de la diversité caractérisant le groupe des seigneurs, le fait que des communautés autochtones, plus particulièrement les Iroquois de Kahnawake et les Abénakis d’Odanak, aient agi comme « seigneurs » après la Conquête militaire du Canada (1760) demeure largement méconnu. Cette conférence présentera le statut particulier des terres des Autochtones intégrées dans l’espace seigneurial ainsi que les prérogatives que les chefs autochtones exercent à titre de « seigneurs ».
Colloque Histoire et Patrimoine seigneurial, La Seigneurie des Aulnaies, Saint-Roch-des-Aulnaies (Québec), 2019
Société de généalogie Saint-Hubert, Saint-Hubert, 2021
Uploads
Articles by Isabelle Bouchard
Chapitres de livre by Isabelle Bouchard
Master and doctoral these by Isabelle Bouchard
Après la Conquête et le départ de leurs anciens tuteurs officieux (les jésuites), les chefs autochtones de Kahnawake et d’Odanak agissent comme « seigneurs », sans l’intervention des autorités coloniales. À ce titre, ils concèdent des censives à des Canadiens, gèrent le moulin banal, nomment des intermédiaires et déterminent de l’utilisation des redevances « seigneuriales ». Dans la même foulée, les chefs cherchent à affermir leur autorité sur leur « domaine », soit sur les terres que les membres de ces communautés se réservent pour leur propre usage. Les prérogatives revendiquées par les chefs, notamment celles de réglementer l’usage des terres et des ressources, sont toutefois contestées par certains membres de leur communauté. Au cœur de notre problématique se situe donc la manière dont les Autochtones conçoivent et contestent la légitimité de l’autorité exercée par leurs chefs et les modalités de la réponse de ces derniers qui tentent de maîtriser ces contestations.
Cette thèse met également en lumière la manière dont le gouvernement colonial entend asseoir son autorité sur les terres des Autochtones de la vallée du Saint-Laurent à partir des années 1820. Les autorités coloniales nomment alors des agents pour récolter les redevances « seigneuriales » à la place des intermédiaires nommés par les chefs. Tirant profit des conflits intracommunautaires, les officiers des Affaires indiennes accroissent, dans la décennie suivante, leur contrôle sur la gestion des fonds publics des communautés autochtones dans le but que ces revenus soient utilisés en vertu des visées de la nouvelle politique de civilisation. L’autorité des chefs autochtones se trouve dès lors fragilisée, car ceux-ci doivent désormais rendre compte de la manière dont ils emploient les fonds publics aux officiers des Affaires indiennes. Des membres des communautés autochtones réclament en outre de plus en plus d’avoir un mot à dire à cet égard.
Finalement, cette thèse démontre comment les transformations de l’État bas-canadien dans les années 1840 et 1850 influencent le pouvoir des chefs autochtones ainsi que le statut de leurs terres. Pour se distinguer des nouvelles structures de pouvoir local que sont les corporations municipales, les Autochtones revendiquent un statut de pupille de la Couronne britannique et favorisent également l’uniformisation du statut de leurs terres. La mise en évidence de l’absence de personnalité juridique des communautés autochtones permet également aux Affaires indiennes d’accroître leur contrôle sur les terres des Autochtones au détriment de l’autorité des chefs, qui apparaît alors de plus en plus précarisée au milieu du XIXe siècle.
Conférences et communications by Isabelle Bouchard
À travers les procès impliquant collectivement les Abénakis devant la cour du Banc du Roi, ainsi que les archives notariales produites par leur syndic, nous analyserons l’évolution de la capacité juridique de cette communauté. À l’instar des seigneurs ecclésiastiques, la « nation abénaquise de Saint-François » est un justiciable au statut ambigu : faute d’être une personne physique concrète, elle doit, en tant que collectivité, être reconnue comme une personne morale. Or, l’absence de cette reconnaissance a été soulignée dès la fin du XVIIIe siècle par des juristes, sans que ce constat entrave concrètement la capacité d’agir en justice des Abénakis. Mais à partir du milieu des années 1840, alors que l’incorporation s’impose comme fondement de la capacité d’agir des collectivités, les juristes ne peuvent plus faire abstraction de cette lacune. Celle-ci devient alors un frein pour l’affirmation des droits seigneuriaux et territoriaux des Abénakis, ainsi que pour l’exercice de l’autorité de leurs chefs.
Après la Conquête et le départ de leurs anciens tuteurs officieux (les jésuites), les chefs autochtones de Kahnawake et d’Odanak agissent comme « seigneurs », sans l’intervention des autorités coloniales. À ce titre, ils concèdent des censives à des Canadiens, gèrent le moulin banal, nomment des intermédiaires et déterminent de l’utilisation des redevances « seigneuriales ». Dans la même foulée, les chefs cherchent à affermir leur autorité sur leur « domaine », soit sur les terres que les membres de ces communautés se réservent pour leur propre usage. Les prérogatives revendiquées par les chefs, notamment celles de réglementer l’usage des terres et des ressources, sont toutefois contestées par certains membres de leur communauté. Au cœur de notre problématique se situe donc la manière dont les Autochtones conçoivent et contestent la légitimité de l’autorité exercée par leurs chefs et les modalités de la réponse de ces derniers qui tentent de maîtriser ces contestations.
Cette thèse met également en lumière la manière dont le gouvernement colonial entend asseoir son autorité sur les terres des Autochtones de la vallée du Saint-Laurent à partir des années 1820. Les autorités coloniales nomment alors des agents pour récolter les redevances « seigneuriales » à la place des intermédiaires nommés par les chefs. Tirant profit des conflits intracommunautaires, les officiers des Affaires indiennes accroissent, dans la décennie suivante, leur contrôle sur la gestion des fonds publics des communautés autochtones dans le but que ces revenus soient utilisés en vertu des visées de la nouvelle politique de civilisation. L’autorité des chefs autochtones se trouve dès lors fragilisée, car ceux-ci doivent désormais rendre compte de la manière dont ils emploient les fonds publics aux officiers des Affaires indiennes. Des membres des communautés autochtones réclament en outre de plus en plus d’avoir un mot à dire à cet égard.
Finalement, cette thèse démontre comment les transformations de l’État bas-canadien dans les années 1840 et 1850 influencent le pouvoir des chefs autochtones ainsi que le statut de leurs terres. Pour se distinguer des nouvelles structures de pouvoir local que sont les corporations municipales, les Autochtones revendiquent un statut de pupille de la Couronne britannique et favorisent également l’uniformisation du statut de leurs terres. La mise en évidence de l’absence de personnalité juridique des communautés autochtones permet également aux Affaires indiennes d’accroître leur contrôle sur les terres des Autochtones au détriment de l’autorité des chefs, qui apparaît alors de plus en plus précarisée au milieu du XIXe siècle.
À travers les procès impliquant collectivement les Abénakis devant la cour du Banc du Roi, ainsi que les archives notariales produites par leur syndic, nous analyserons l’évolution de la capacité juridique de cette communauté. À l’instar des seigneurs ecclésiastiques, la « nation abénaquise de Saint-François » est un justiciable au statut ambigu : faute d’être une personne physique concrète, elle doit, en tant que collectivité, être reconnue comme une personne morale. Or, l’absence de cette reconnaissance a été soulignée dès la fin du XVIIIe siècle par des juristes, sans que ce constat entrave concrètement la capacité d’agir en justice des Abénakis. Mais à partir du milieu des années 1840, alors que l’incorporation s’impose comme fondement de la capacité d’agir des collectivités, les juristes ne peuvent plus faire abstraction de cette lacune. Celle-ci devient alors un frein pour l’affirmation des droits seigneuriaux et territoriaux des Abénakis, ainsi que pour l’exercice de l’autorité de leurs chefs.
Grâce aux archives notariales, nous allons examiner le patrimoine foncier accumulé par le couple ainsi que les procédures par lesquelles ils ont transmis ces biens à leurs sept enfants. Nous voulons ainsi déterminer le rôle et le poids de la propriété foncière dans l’influence considérable que la famille Gill exerce au sein de cette communauté. En effet, l’un de ses fils, Louis Gill, reprendra la fonction de procureur jusqu’en 1855; plaçant ainsi les Gill au cœur de la gestion des biens fonciers des Abénakis d’Odanak (les portions des « seigneuries » de Saint-François et de Pierreville concédées pour l’usage des Abénakis) pendant près d’un demi-siècle.