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La structure narrative du fantastique dans La Vénus d’Ille de Mérimée et Premier innocent de Golchiri Abbasi, Mohammad Ebrahim* Doctorant à l’Université de Téhéran, Téhéran, Iran Shahverdiani, Nahid** Maître assistant, Université de Téhéran, Téhéran, Iran Reçu :07.01.2014 Accepté:10.05.2014 Résumé Ce qui distingue le genre fantastique des autres genres littéraires, c’est l’ambiguïté entre une causalité naturelle et une causalité surnaturelle dans le dénouement d’un récit, ce qui crée un sentiment d’hésitation chez le lecteur. Avant d’être liée à son contenu, la transmission de l’effet fantastique d’une œuvre connue pour telle, dépend de la forme et de la mise en écriture de l’événement fantastique raconté. Ainsi, le schéma syntaxique, la place du narrateur, la focalisation et le style adopté jouent un rôle de premier plan, auxquels il faut évidemment ajouter l’aspect thématique du récit. Dans cette étude comparée, nous avons tenté d’analyser la structure narrative de deux récits fantastiques des deux littératures française et persane : La Vénus d’Ille de Mérimée et Premier innocent de Golchiri, qui offrent une similitude remarquable sur le plan narratologique. Ce rapprochement, met au jour des interdépendances qui relient ces deux récits appartenant à deux espaces et époques différents mais à un même genre. Mots-clés: Fantastique, stratégies narratives, Mérimée, Golchiri, Vénus d’Ille, Premier innocent. Introduction « Le fantastique […] c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel » (Todorov, 1970: 29), c’est en ces termes que Todorov, reconnu comme le critique le plus célèbre du genre depuis la publication de son ouvrage, résume le genre fantastique d’une manière générale. Partant de cette définition, observant les thèmes, les principaux événements et les dénouements de La Vénus d’Ille de Prospère Mérimée (1837) et ceux du Premier innocent de Houchang Golchiri (1970), nous nous trouvons tout de suite face à deux récits fantastiques. L’histoire de La Vénus d’Ille est axée autour d’une statue de Vénus en bronze récemment découverte à Ille, localité du Roussillon où le narrateur, passionné d’archéologie et d’antiquités, se rend, invité _________________________________________ *meabbasi@ut.ac.ir **nshahver@ut.ac.ir par l’antiquaire M. Peyrehorade, tout fier de sa statue romaine. La Vénus sème l’inquiétude depuis son exhumation: elle provoque tour à tour des accidents difficilement explicables. Alphonse, le fils de l’antiquaire, participe le jour de son mariage à une partie de jeu de paume; au cours du jeu il place sa bague de fiançailles qui le gêne dans ses mouvements au doigt de la Vénus, sans pouvoir la récupérer après la partie. L´énigme qui plane autour de la statue arrive à son paroxysme pendant la nuit de noces. Le lendemain, on retrouve Alphonse mort sur son lit dans d´étranges circonstances, on le dirait étreint dans un cercle de fer et sur le tapis, on retrouve la bague. La mariée, devenue folle, donne pêlemêle certaines descriptions contradictoires de la scène du meurtre. Rentré à Paris, le 2/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 9, Automne-Hiver 2013 narrateur apprend quelques mois plus tard que M. Peyrehorade est mort lui aussi et que Mme de Peyrehorade a décidé de faire fondre la statue pour en faire une cloche, mais depuis que cette cloche sonne, les vignes d'Ille ont déjà gelé deux fois. La statue-monstre est remplacée dans le Premier innocent par un épouvantailmonstre et les événements surnaturels s’enchaînent presque de la même manière. L’histoire est narrée dans une lettre écrite par le narrateur, enseignant dans un village, à son frère qui habite loin depuis six ans. Il lui raconte entre autre qu’Abdoullah, le chauffeur, s’est amusé un jour à mettre une grosse moustache de laine à un épouvantail nommé Hassani, installé entre une ruine et un cimetière, devant un champ de blé. Il l’a coiffé de son propre chapeau, et lui a dessiné des sourcils et de gros yeux qui se voyaient même de loin. Ainsi déguisé, l’épouvantail, qui avait déjà une allure sinistre avec les deux dépouilles de corbeaux qui pendaient à ses bras, inquiète peu à peu les villageois. On attribut tour à tour certains accidents à Hassani: un gardien des fermes prétend être poursuivi par l’épouvantail armé, une femme avorte de son fils suite à cette scène terrible, une jeune fille retrouvée évanouie le matin auprès de l’épouvantail est soupçonnée d’être enceinte de lui et ne se sort plus pendant quelques mois. Les villageois aperçoivent enfin la sage femme discrète du village enterrer quelque chose (un embryon) juste au pied de l’épouvantail. Abdoullah, provoqué par ces amis, décide de creuser la tombe pendant la nuit pour découvrir la vérité au sujet de l’embryon, mais dans l’obscurité, il se fait coupé deux orteils sous le coup d’une pelle. Il meurt suite à l’infection de cette blessure invalidante. Les villageois l’enterrent au pied de l’épouvantail. Avec le temps, ce dernier perdra peut-être son allure effrayante mais le narrateur croit entendre toujours ses pas. Bien que communément reconnues comme critère de classification d’un récit dans la catégorie du fantastique, ni l’hésitation chère à Todorov, ni la seule présence d’un fantôme, monstre ou toute autre figure et événement en apparence surnaturel dans un récit, ne suffiraient pour en faire un récit fantastique. Cette conception réduirait ce genre à un répertoire de thèmes assez limités. Comme l’a souligné Bozzetto, il ne faut pas oublier que « le matériau, les thèmes, les images ne sont pas tout : la « mise en écriture », particulièrement dans le cas du fantastique, est essentielle » (Bozzetto, 1998: 41). Bellemin-Noël avait d’ailleurs bien précisé que dans le Fantastique « c’est une forme qu’on recherche, non un contenu » (Bellemin-Noël, 1972: 7), une forme destinée à produire l’effet fantastique : le but ultime de tout texte appartenant au genre. Pour Jean Fabre, un autre critique spécialiste du genre, le récit fantastique, « action avant tout, […] impose l’étude serrée de sa structure narrative » (Fabre, 1992: 190). À cet effet, s'inspirant de l'œuvre de Todorov 1, J. Fabre propose une grille d’analyse narratologique des récits fantastiques, fondée sur l'étude de trois aspects: l'aspect syntaxique (qui traite la logique des actions et le schéma narratif constituant l’intrigue), l'aspect verbal (qui aborde les modalités internes et le style du texte touchant à la 1 T. Todorov avait déjà proposé ces trois aspects pour l’étude de la structure narrative des récits fantastiques. (cf. Todorov, T. (1970). Introduction à la littérature fantastique. Paris: Seuil, pp. 81 et 97.) Narrative Structure of Fantasy in La Venus… / 3 manière dont le message est transmis), et l'aspect sémantique (qui prend en compte la thématique et la fonction de référence au réel). C’est cette grille, qui nous a semblé l'outil méthodologique le plus approprié à notre étude sur les deux récits français et persan de notre corpus. Ce choix se justifie par le remarquable parallélisme qui rapproche, sur le plan narratologique, ces deux récits appartenant à des espaces et époques différents. Par le biais de cette étude, nous espérons apporter un éclairage sur la mise en écriture du Fantastique, considéré comme « une catégorie à vocation universelle » (Molino, 1980: 41). Nous allons donc aborder les diverses stratégies narratives et les moyens techniques, formelles et sémantique dont se servent les deux écrivains pour créer leur univers fantastique. L’aspect syntaxique L’aspect syntaxique a affaire avec la logique des actions et le schéma narratif qui constitue l’intrigue d’un récit. On peut repérer pour ces deux récits un schéma identique, composé d’un ensemble cohérent de constructions, typique des textes fantastiques « classiques », mettant en jeu la logique des actions. Jean Fabre propose un schéma constitué de quatre éléments narratifs « montés en série » de manière suivante : « Normalité → Passion → Connaissance → Action » (Fabre, 1992: 192). « La phase normale ou plutôt normative correspond au réalisme initial » (Fabre, 1992: 192) : le discours critique sur le Fantastique s’intéresse avant tout au contexte réaliste, vraisemblable, référentiel sur lequel la fiction fantastique bâtit sa trame : « Intrusion brutale du mystère dans le cadre de la vie réelle » (Castex, 1951: 8); « rupture des constantes du monde réel »( Vax, 1987: 172) ; « rupture de l’ordre reconnu, irruption de l’inadmissible au sein de l’inaltérable légalité quotidienne»( Caillois, 1966: 10), « rupture dans le système des règles établies »( Todorov, 1970: 175) ; « le fantastique ne se donne à lire que selon un discours de la mimesis ; qu’il soit sa rupture, son renversement ou son envers, sa fiction est indéfectiblement indexée sur le réel » (Mellier, 1999: 44). Cette indexation réaliste fait donc l’unanimité des critiques et s’avère nécessaire pour la « déchirure » fantastique. L’écrivain doit donc être capable de donner l’illusion, par ses modalités d’écriture, de la réalité du monde naturel, car « structuralement, le réalisme est nécessaire parce qu’il ne peut y avoir de sentiment de rupture s’il n’y a déjà quelque chose à rompre. Il faut donc tisser le réel avant d’y provoquer la déchirure » (Fabre, 1992: 102). Plus la construction de la réalité est solide, plus son brouillage devient inquiétant. Pourtant ce réalisme ne veut pas dire que le fait raconté soit vérifiable, mais il suffit qu’il soit un vraisemblable commun, et justement plausible. À ce stade, l’incipit du récit joue le rôle le plus important pour constituer ce cadre vraisemblable qui est d’ailleurs présent tout au long du texte et la composante scripturale est donc essentielle pour mettre en conflit la surnature avec la réalité et produire le déchirement fantastique qui coïncide avec la construction d’un surnaturel qui se fait voir d’emblée ou se laisse deviner petit à petit. Le récit de La Vénus d’Ille se déroule dans un cadre campagnard et plus précisément dans un village où une statue 4/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 9, Automne-Hiver 2013 vient d’être découverte. Un archéologue s’y rend pour l’examiner. La description du trajet parcouru par ce dernier ainsi que sa discussion avec son guide, place d’emblée le lecteur dans une situation vraisemblable. De même, le récit du Premier innocent s’ouvre par de simples nouvelles à propos de la vie ordinaire du village : le mariage d’un proche, l’accouchement d’une femme, l’état de santé des membres de la famille, etc. Rien ne heurte donc la doxa sociale et réaliste du lecteur. Commence ensuite la phase de Passion, qui « en tant qu’opposition à l’action, marque la soumission du personnage à une force qui le dépasse, [qu'] il subit » (Fabre, 1992: 192-193). La statue de Vénus fascine dès le premier instant: le guide indique à l’archéologue que la statue de Vénus inquiète d’abord à cause de ses yeux blancs angoissants, mais aussi parce qu'elle a déjà provoqué un accident: elle est tombée sur Jean Coll, l'un des ouvriers ayant participé à son exhumation, et lui a brisé la jambe. Le narrateur et son hôte avouent que la statue a l’air mauvais, qu’elle n’a pas la beauté calme et sévère des sculptures grecques, que « dédain, ironie, cruauté se [lisent] sur ce visage d’une incroyable beauté cependant » (Mérimée, 1841: 300). Ses facultés humaines sont parfois même soulignées: « Ces yeux brillants produisaient une certaine illusion qui rappelait la réalité, la vie. Je me souvins de ce que m’avait dit mon guide, qu’elle faisait baisser les yeux à ceux qui la regardaient. Cela était presque vrai […] » (Mérimée, 1841: p.301). L’épouvantail du Premier innocent, avec le nouveau visage qu’Abdoullah lui a modelé, reprend vie et se fait remarquer par son allure grotesque et sa longue moustache « qu’on pouvait même distinguer depuis une centaine de mètres » (Golchiri, 2001: 189) 2. Il fait d’abord peur aux écoliers et ensuite à un certain nombre de villageois, au point de leur faire changer le trajet habituel qu’ils empruntaient pour aller travailler dans les champs. En ce qui concerne la phase de Connaissance, qui désigne celle du héros et non celle du lecteur, elle « peut revêtir plusieurs aspects : révélation (en dehors de tout sens mystique), elle s’apparente à la Passion par son côté douloureux et subi ; enquête, elle prend déjà figure active ; conceptualisation, elle joue un rôle soit réducteur (actif) soit augmentatif de l’angoisse (passif) » (Fabre, 1992: 193). Dans les deux récits de notre corpus, la Connaissance et la Passion s’interpénètrent sur un mode d’interaction. Les mésaventures que les paysans imputent à la statue peuvent être considérées comme les signes du fantastique qui s’avèrent dès le début négatifs et maléfiques. La passion de l’archéologue vis-à-vis de la Vénus a partie liée avec la connaissance qu’il se fait au fur et à mesure à propos des événements relatifs à cette mystérieuse statue. Une fois, le narrateur est témoin d’un incident où la statue se comporte « comme vivante » : une nuit, deux gamins jettent une pierre à la statue qui, à leur plus grande peur, semble la rejeter et ainsi les blesse. Le matin, le narrateur trouve une marque blanche audessus du sein de la Vénus, ce qu’il explique par le vandalisme dont il était témoin la veille. Mais il y a encore une trace semblable sur les doigts de la main droite : la Vénus, at-elle vraiment rejeté la pierre ? (révélation). 2 Toutes les citations extraites des œuvres persanes sont traduites par nous-mêmes. Narrative Structure of Fantasy in La Venus… / 5 Le narrateur essaie également, en compagnie de M. Peyrehorade, de déchiffrer les termes latines gravée sur la statue, dont le mot "TVRBUL: "Vénus turbulente ! » (Mérimée, 1841: 305) : (Enquête). Le narrateur du Premier innocent, fait connaissance des particularités du phénomène, à travers les quelques mésaventures narrées au sujet des villageois, (Soghra, une femme assez âgée, s’évanouit en voyant l’épouvantail, Taghi, le gardien des champs, se croit poursuivi par l’épouvantail muni d’un fusil, etc.) (révélation). Le narrateur oblige également son fils de s’approcher de Hassani pour s’assurer que celui-ci n’est qu’un épouvantail. Lui-même, après quelques jours, va vérifier la chose de plus près, mais n’ose contempler l’épouvantail que « de loin » (Golchiri, 2001: 191) (enquête). Cette distance prise, ainsi que les idées qu’il se fait pendant la nuit au sujet du bruit des pas de l’épouvantail qu’on entend dans les rues du village, vont dans le sens de la conceptualisation passive et donc angoissante du phénomène. Quant à l’Action, qui est « à proprement parler une réaction lorsque la Connaissance est venue éclairer le personnage » (Fabre, 1992: 193), s’il y en a acte, ce n’est qu’une fausse action de la part des protagonistes, car elle est aussitôt subvertie et retournée contre celui qui a tenté ce coup. Dans La Vénus d’Ille, l’acte inconscient d’Alphonse ne peut pas être conçu comme une action délibérée, ce qui est démontré par son indifférence apparente pour la statue. On peut quandmême noter que cette indifférence même et le fait de remplacer la bague de fiançailles, retenue par Vénus, par une autre qu’il détenait d’une femme qu’il avait jadis connue, et de la donner à sa future épouse, peut en quelque sorte être interprété comme un défi lancé involontairement. Néanmoins, il semble que l’intrigue fantastique ne finisse pas ici. Comme Action, on pourrait encore évoquer celle de Mme Peyrehorade qui fait fondre la statue en bronze pour en faire une cloche d’église afin d’échapper à la malédiction. Mais, la Vénus, même transformée en cloche, continue à porter malheur : « depuis que cette cloche sonne à Ille, les vignes ont gelé deux fois » (Mérimée, 1841: 340). Abdoullah du Premier innocent, agit de même qu’Alphonse dans La Vénus d’Ille. Il n’a en effet rien contre l’épouvantail, il le méprise même, mais lorsqu’il essaye de creuser la tombe, bien que conscient de son acte, il ignore totalement la finalité et le sens de son défi. Pour les deux récits, on conclut alors que quelle que soit l’action, elle s’avère vaine, et les protagonistes ne se débattent que pour mieux s’enferrer. Ils réveillent le monstre et trouvent la mort, comme dans tout récit fantastique canonique qui « se termin[e] presque inévitablement par un événement sinistre qui provoque la mort, la disparition ou la damnation du héros » (Caillois, 1966: 9). Et comme le dit bien Jean Fabre : « la contre-attaque n’est jamais qu’un leurre du Destin » (Fabre, 1992: 193). À ces quatre « phases à dominante » (normative, passive, cognitive, active), on pourrait également ajouter quelques sousschémas qui servent d’introduire sournoisement le surnaturel dans le cadre réaliste du récit. On en retient surtout les parties destinées à un des effets d'annonce, « un ensemble de tournures négatives subtilement prémonitoires » (Fabre, 1992: 197), infiltrées dans l’introduction du récit. Ainsi par exemple, la mort d'Alphonse est 6/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 9, Automne-Hiver 2013 présagée à plusieurs reprises dans le texte de La Vénus d'Ille: la traduction de la gravure comme : « cave amantem : méfie-toi, si elle t'aime» (Mérimée, 1841: 302). C'est souvent Monsieur Peyrehorade qui provoque, sans s'en rendre compte, la mort de son fils. Il se montre très maladroit : il répète des citations latines sans faire attention au contexte tragique dans lesquels ces vers sont situés. Il semble qu'il cherche à faire revivre la Vénus en lui faisant des offrandes, et cherchant à faire revivre un culte abandonné depuis longtemps (mariage du vendredi). Il compare souvent la Vénus à la jeune fiancée, alors que Vénus est une déesse connue pour sa jalousie. De même, dans le Premier innocent, le narrateur annonce imperceptiblement les actes débiles ou les gaucheries et même la situation critique d’Abdoullah après sa blessure, au sujet de qui il emploie, déjà dès le début du texte, les verbes au passé, insinuant ainsi sa mort prochaine : « il ne s’est pas guéri […]. Il n’était pas très sage, mais il était quandmême utile pour le village ». (Golchiri, 2001: 187) Le destinataire de la lettre est aussi désigné comme « angoissé » par les rumeurs qu’il a entendues. Parallèlement, on pourrait parler de la stratégie syntaxique propre à la situation finale des textes fantastiques. En effet, « le paradoxe du Fantastique est que l’aventure n’est jamais terminée puisqu’elle doit normalement se poursuivre dans la conscience du lecteur » (Fabre, 1992: 199). À cet effet, l’histoire de La Vénus d’Ille ne prend pas fin avec la mort d’Alphonse, mais avec une note sur les vignes d'Ille qui ont déjà gelé deux fois depuis que la cloche (construite avec le bronze fondu de Vénus) sonne, ce qui marque la continuité du malheur. L’épouvantail du Premier innocent, n’est pas démonté, mis en pièces ou transformé, mais c’est au fil du temps qu’il retrouve apparemment son caractère inoffensif initial. Mais en réalité, sa présence même est angoissante. Il pourra être réveillé un jour par une nouvelle gaucherie. L’aspect verbal Nous nous intéresserons ici aux modalités internes des textes, en particulier aux questions de « point de vue » et de « style », qui entrent en jeu dans l’écriture constitutive de l’effet fantastique. En ce qui concerne la vision, le récit fantastique privilégie le regard du héros ou du moins d’un personnage qui intervient dans le cours des événements. Par ailleurs, le fantastique est un genre qui requiert une nécessaire complicité entre le regard du narrateur et celui du lecteur : « Quand le regard n’adhère pas, le fantastique tombe, quelque étrange que puisse être l’événement […]. C’est donc le regard porté sur l’événement qui lui confère certaine densité, ce qui fait que la position du narrateur est capitale » (Tritter, 2001: 41). Et bien évidemment la technique privilégiée pour ce faire, c’est l’emploi du narrateur homodiégétique. En effet, selon la théorie de Rabatel, le narrateur homodiégétique ne dispose pas d’une omniscience moindre que celle du narrateur hétérodiégétique « sauf à considérer que ce dernier est omniscient en vertu des pouvoirs de la fiction, alors que le premier, en raison des mécanismes d’identification renforcés du fait de la première personne, serait plus "homme", donc plus faillible, en vertu de grilles de lecture "réalistes" » (Rabatel, 1997: 126). L’usage de la Première personne « semble authentifier le récit, le donner à Narrative Structure of Fantasy in La Venus… / 7 croire » (Fabre, 1992: 201). En principe, le lecteur ne soupçonne jamais le narrateur qui dit "je" de mentir car toute l'histoire repose sur son récit, mais c'est oublier que le narrateur qui dit "je suis" est aussi un personnage. Ce mode de narration permet l’insertion crédible de la surnature et /ou de son effet indispensable au genre fantastique. Cette première personne a également pour fonction de « faciliter la participation, une sorte d’authentification avec le narrateur » car « le Fantastique nous demande seulement d’être avec la victime, d’être la victime » (Fabre, 1992: 202). Cette authentification a pour conséquence, d’empêcher le lecteur de toute distanciation avec l’événement raconté, ce qui est toujours réducteur de l’effet fantastique. Outre l’emploi de cette première personne, une autre condition s’impose : c’est que le narrateur doit se présenter aussi crédible que son lecteur vis-à-vis de l’histoire qu’il raconte. Il doit être « ni superstitieux -plutôt moins peut-être ni hyper-intellectualisé –plutôt plus tout de même » (Fabre, 1992: 205) par rapport à son lecteur, sinon la demi-créance même du narrateur rendrait caduc l’efficacité fantasticante du narrateur homodiégétique. Dans les deux nouvelles que nous étudions, le récit est raconté à la première personne, par un narrateur/personnage (non pas héros) qui participe dans le récit. Témoins dignes de foi ou mieux, participants quelque peu victimes, l’archéologue et l’enseignant sont des narrateurs homodiégétiques, suffisamment instruits pour ne pas être superstitieux, fanatiques, hypersensibles, pré-angoissés, tourmentés ou névrotiques, car ces dernières qualifications pousseraient plutôt leurs récits dans le mythe, le conte ou le fantasmatique au détriment du Fantastique. Dans ces deux textes, on trouve en effet, un narrateur sain de corps et d’esprit qui facilite la nécessaire identification du lecteur avec les personnages. Le lecteur va d’ailleurs partager les interprétations de ce dernier qui, alternativement, met en doute l’évidence surnaturelle, l’accepte ou l’insinue. Ce que nous venons de souligner à propos de la prédominance du point de vue et de l’authentification-participation, nous aidera à comprendre pourquoi la confession, le journal intime (le cas de La Vénus d’Ille), le testament, le manuscrit et la lettre (le cas du Premier innocent) seront des modes d’expression privilégiés par les écrivains de ce genre. Caractéristique d’écriture, cette option de point de vue se complète par une autre caractéristique majeure de l’écriture : le style. « C’est en effet comme réaliste que le style peut fonctionner à l’intérieur du genre » (Fabre, 1992: 209) ou comme le souligne Irène Bessière « le récit fantastique est thétique ; il pose la réalité de ce qu’il représente » (Bessière, 1974: 36). Ainsi, l’écriture du fantastique s’oppose tout de suite à l’écriture poétique car celle-ci est d’une part atemporelle et éternisée et d’autre part, trop rhétorique. Elle engendre par conséquent la distanciation et de là même agit comme l’ennemi de l’effet fantastique. « Toute réflexion interne sur l’écriture est une rupture de l’effet, tout écart rhétorique risque de s’inscrire comme un dysfonctionnement » (Fabre, 1992: 212). « Quand l’attention des lecteurs se détourne des faits pour s’intéresser à l’art, le sentiment de l’étrange est près de se dissiper. En sorte que l’art fantastique doit tendre à se 8/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 9, Automne-Hiver 2013 faire oublier comme art » (Vax, 1987: 277) À en voir de plus près, on se trouve face à la dichotomie style réaliste et événement extravagant. Loin d’être nuisible, comme on a parlé du fond réel du récit, cette dichotomie fonctionne aussi comme constitutive du genre. Pourtant, il faut distinguer entre deux styles réalistes « gras » et « sec » (Fabre, 1992: 210-211). C’est en effet ce deuxième style qui s’avère plus efficace pour le Fantastique. Le premier, plus convenable normalement pour les romans, tire profit des modalités d’accumulations, de répétitions, de prétéritions, d’impressions et d’abstractions angoissantes pour imposer l’effet fantastique et devient par là même un amalgame des sensations et de l’interventions des sens, les plus directs et les plus immédiats. Tandis que selon les termes de Robbe-Grillet, « rien n’est plus fantastique que la précision » (Robbe-Grillet, cité par Fabre, 1992 : 211). Le style « sec » permet d’aller à l’essentiel, à dépouiller la réalité en se contentant de rester hors des choses. Certes, poussé à l’extrême, ce style peut risquer l’absurde (comme l’écriture du Nouveau roman ou celle de Beckett par exemple). Loin de tomber dans l’une ou l’autre extrémité, les auteurs de notre corpus, placent leur style dans une sorte d’équilibre entre ces deux tendances: chez l’un comme chez l’autre, on n’est pas face à une écriture sensationnelle ou sentimentale, les textes ne sont pas non plus réduits à de simples descriptions des faits. Les narrateurs comme les personnages communiquent leurs impressions sur les événements sans se noyer dans les détails. De manière générale, la nouvelle préfère et même exige le dépouillement et la précision. En effet, c’est la forme qui convient le mieux à la concentration des faits et par conséquent à celle des effets. « La loi est toujours de concentration, de netteté, l’art est toujours de ne dire que l’essentiel, de caractériser fortement et d'une manière sensible, de se faire croire, d’obtenir l’adhésion du lecteur et de la conserver à tout prix. Si loin qu'on s'avance sur les limites de l'extraordinaire et de l'impossible de se placer pour cela, acteur ou témoin, sur la ligne de force où l'événement, le conflit découvrent leur tranchant le plus vif » (Raymond, 1950: 17). Cette affirmation de Raymond au sujet de la nouvelle, correspond parfaitement aux exigences du fantastique. Cette description est autant valable pour le choix de style que le choix du sujet. La nouvelle, « c'est l'instant de vérité. Elle ne nous donne accès qu'à un tronçon de vie; mais ce tronçon doit contenir la particule inimitable, le noyau : quelque chose doit s'y trouver déposé qui est l'essence d'un destin » (Fauchery, 1948: 189). La nouvelle est aussi « la forme de récit qui permet au créateur de saisir un drame au moment où il atteint son point culminant » (Plisnier, 1954: 102). À cette fin, les nouvellistes choisiront souvent des instants de crise menés à leur paroxysme, ce qui est fortement significatif concernant l’intrigue du Fantastique. Les délimitations de la nouvelle deviennent surtout significatives lorsqu’on la compare avec le roman. « Avec des longueurs, des taches, des incohérences, un roman peut rester une œuvre admirable. Dans une nouvelle, une altération de la voix, un gauchissement de l'allure, un trait trop appuyé, une image trop vive ou trop gracieuse, peuvent tout détruire; Narrative Structure of Fantasy in La Venus… / 9 a nouvelle ne pardonne pas » (Arland, 1951: 88). Pour terminer cette partie, nous tenons également compte de ce que la structure de la nouvelle offre au Fantastique pour la phase finale du récit. Comme nous l’avons déjà mentionné, le genre fantastique préfère ne pas clore la situation évoquée, mais plutôt « l’ouvrir ». Rappelons qu’à la fin de nos deux récits, les cloches continueront de sonner et la malédiction perdurera ; l’épouvantail, calme dans son apparence, reste une menace pour le village. Ainsi, de même que le Fantastique dans son essence, « La nouvelle […] se passe de conclusion, de cette sorte de geste arbitraire, de mouvement de satisfaction morale sur quoi s'achève la narration de tant de bons romans. La fin de la nouvelle est à la fois plus incertaine et plus rapide. C'est souvent un vif éclair qui, au lieu de précéder le néant, nous lance dans une songerie infiniment créatrice. En réalité, la nouvelle ne doit pas finir » (Fougère, 1945: 303). Et par là s’explique le choix d’une forme courte, d’autant plus efficace, pour l’écriture de ces récits fantastiques. L’aspect sémantique Sans vouloir nous attarder sur les thèmes et les motifs propres du genre, à savoir l’espace de l’épouvante, le cimetière, la mort, le regard, etc., pareillement repris dans ces deux nouvelles, nous aborderons la spécificité de ces deux récits. Nous limiterons alors notre étude à l’analyse du thème de la statue animée en passant par le motif de la vengeance. Les discours mytho-socio-idéologicoculturels que l’Histoire inscrit dans une figure comme la statue animée, « constituent une sorte de "préformé culturel" dans lequel a cristallisé depuis longtemps une peur ancestrale. Le fantastiqueur va l’employer » (Fabre, 1992: 216). Cette « donnée immédiate de la conscience »3, bien que variée selon les civilisations, prend pourtant dans les deux textes de notre étude une allure identique à travers deux objets différents, mais du même registre. Il s’agit de deux statues animées. La séduction exercée par les statues antiques, liée à la réminiscence de la mythologie classique, est un motif littéraire assez répandu dans la littérature fantastique (citons entre autres : Arria Marcella de Théophile Gautier et Le Trône d’Abu-Nasr de Sadegh Hedayat). Certes, les rapports entre l’homme et la croyance à une surnature mythique ont évolué au cours de l'Histoire et surtout après le positivisme qui a créé un cadre rationnellement clair et artificiellement réduit à la logique. Les mythes, ces récits parlés, engendrant des rituels, avant d'être repris dans des mythologies, ont été recyclé par le folklore pour donner d’abord lieu au merveilleux féerique ou noir, passant par le gothique pour arriver au fantastique. « Le XIX° siècle occidental a produit un nombre important de récits fantastiques, et, pour un certain nombre, l'effet de fantastique qu'ils provoquent dérive directement du « retour » des dieux antiques. Ce retour, comme on le voit dans La Vénus d'Ille de Mérimée, est ici dû au premier abord à une trouvaille archéologique — ce qui est une façon métaphorique d'illustrer le retour de ce qui était enfoui » (Bozzetto, article en ligne). Dans le cas qui nous intéresse, par la figuration archéologique, sous forme 3 L'expression empruntée du titre de l’ouvrage du philosophe français Henri Bergson paru en 1889 à Paris chez F. Alcan. 10/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 9, Automne-Hiver 2013 d'anamnèse ou de découverte, des débris et d’anciennes strates de vieilles superstitions, se révèle la trame superficiellement cohérente de notre univers rationnalisé. Ainsi «La Vénus d’Ille », c’est l’histoire d’une déesse, d’une figure mythologique représentant la beauté, l’amour, la jalousie et la haine, qui a eu le pouvoir de « rendre tous les dieux amoureux ou de susciter chez eux une vive passion » (Grand & Hazel, 1981: 34), de pousser « les mortels à toutes les voluptés et à tous les vices » et d’inciter davantage « la fécondité des amours illégitimes » (Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, 1965: 42). Il faut noter pourtant que la Vénus romaine, n’était point diabolique tel qu’on voit dans l’histoire de Mérimée. « Très ancienne et modeste divinité italique, Vénus, avant d’être assimilée à l’Aphrodite grecque, présidait à la végétation et à la Fécondité » (Hacquard, 1990: 326). Sur cet aspect, elle favorise le passage vers l’autre figure mythique de notre étude : l’épouvantail. Généalogiquement, les épouvantails se lient aux dieux de la nature qui étaient les gardiens de la terre et surveillaient sa fécondité, tout comme Priape, fils de Dionysos et d’Aphrodite, qui était le dieu protecteurs des jardins, causait la pluie et le beau-temps, aidait les femmes enceintes à accoucher facilement et plus tard c’est lui qui, reconnu comme le symbole de virilité, rend les femmes enceintes. Dans la mythologie perse, c’étaient les Farvars qui assumaient ce rôle de gardiennage des jardins et de secours aux femmes enceintes et aux nouveau-nés. Passés à travers le folklore, et mélangés avec les superstitions zoroastriennes, ils ont progressivement pris le rôle d’un double mystérieux: « la croyance au double remonte aux anciennes croyances iraniennes aux Farvars et est en effet la suite de cette perception. Ainsi, un être nommé Â’al qui dans le folklore apparaît au moment de l’accouchement des femmes et qui emporte avec lui la femme et/ou le nouveau-né, prend sa source dans cette même croyance aux Farvars dont l’image a pris peu à peu un aspect effrayant, vu son caractère mystérieux » (Abâdiân, 1997: 13). En effet, depuis le temps où l’homme a commencé à cultiver les champs pour se procurer de la nourriture, il s’est vu obligé de surveiller sa ferme contre les oiseaux et les animaux. Ainsi, l’épouvantail représente le recours de l’homme aux forces magiques et artificielles. Il évoque par-là la figure atroce de la « mère archaïque », opposée à tout parasite qui perturberait la croissance des plantes. C’est dans cette ême perspective qu’on accrochait le corps d’un oiseau mort à ses bras pour avertir par avance le sort de tout ravisseur. Ce qui lui donnait un aspect encore plus effrayant. Statue et épouvantail, ce sont donc des objets venus d'un temps autre et d'un autre espace culturel, avec une efficacité qui leur est propre et que nous ne pouvons comprendre. L’homme moderne, s’il les réactive par mégarde, doit le payer cher parce qu’il les rend de nouveau capables d'action dans un univers qui n'est plus le leur. Mythe et superstition ouvrent tous les deux la voie à des contradictions, l’un par le recours à une totalité surhumaine et surnaturelle, l’autre par la prescription des rituels illogiques fautes de pouvoir mentionner certaines causes logiques : sources favorables aux récits fantastiques.«Surgi[e] brutalement dans le Narrative Structure of Fantasy in La Venus… / 11 présent du personnage » (Malrieu, 1992, 120),leur présence réactive d'anciennes croyances liées fortement à la surnature avalisant le temps de leur création, provoquant par là des réactions d’hésitation, d'angoisse ou de peur chez un lecteur qui ne vit plus dans l’univers mythique et n’y croit plus. Les deux nouvellistes ont retenu l’essentiel de ces mythes et ont tenté d’adapter l’histoire de façon à ce qu’elle paraisse vraisemblable aux lecteurs contemporains (Sur Mérimée, voir : Castex, 1951: 264-265).Ils n’ont d’ailleurs point besoin de faire un long discours sur les statues :Vénus et Hassani sont inséparables de leur cliché mythologique et culturel. Pour l’homme moderne, la présence de ces forces, et les effets qu'elles induisent, sont perçus comme impensables et donc monstrueux. Leur premier attribut est bel et bien de tuer. Le gel des oliviers au pied desquels on découvre la statue, le gel des vignes provoqué par le son des cloches et le triste sort d’Alphonse, sont l’œuvre de la Vénus. Quant à l’épouvantail, il est à l’origine de l’avortement d’une femme et d’une jeune fille, et de la mort d’Abdoullah. Ils tuent pour se venger : c’est la vengeance des actes gratuits commis contre la mère archaïque. Jean Coll frappe la Vénus au moment de son déterrement, sa rencontre avec la statue peut « s’assimiler implicitement à une lutte » (Chabot, 1983: 124), à une offense, les gamins lancent des pierres contre elle, Alphonse attise sa jalousie en la trahissant. Dans le Premier innocent, Taghi, le gardien des champs a implicitement ridiculisé l’épouvantail en occupant son poste, Abdoullah a dû payer le prix de sa moquerie première et de son offense ultime. En plus, la vengeance immorale et l’innocence des victimes, surtout dans le cas d’Alphonse et des deux avortements du Premier innocent semblent accroître l’intensité de l’émotion fantastique. Conclusion L’angoisse première, disait Derrida, « naît toujours d’une manière d’être impliqué dans le jeu, d’être pris au jeu, d’être comme être, d’entrée de jeu dans le jeu » (Derrida, 1967: 410). Faire entrer le lecteur dans ce jeu implique de son côté des stratégies narratives par lesquelles l’effet fantastique devient majoritaire. Autrement dit, l’aspect fantasticant d’un récit ne dépend pas seulement d’une thématique, mais implique plutôt le choix plus conscient d’une esthétique. D’autre part, le climat fantastique ne naît pas tant des êtres et des événements surnaturels eux-mêmes mais de la manière dont la présence de ces derniers est justifiée. Ainsi, en plaçant leur histoire dans des campagnes imprégnées d’une ruralité archaïque riche en superstitions obscures, en cultes secrets liés à des secrets encore plus lointains, Mérimée et Golchiri se servent d’une rhétorique, effort et art de persuasion quant à la « réalité » de la chose surnaturelle et construisent ainsi une charpente syntaxique et verbale remplie d’indications issues du monde réel. Quant à la thématique, faisant ressurgir, par l’intermédiaire d’un être inanimé, d’anciens pouvoirs, dans le quotidien des personnages, ils essaient de préparer le terrain pour la pénétration de la surnature dans l'univers du personnage, ce qui serait plus angoissante que la pénétration du héros dans le monde du surnaturel. Avant d’être liée à son contenu, la transmission de l’effet fantastique d’une œuvre connue pour 12/ Revue des Études de la Langue Française, Cinquième année, N° 9, Automne-Hiver 2013 telle, dépend de la forme et de la mise en écriture de l’événement fantastique raconté. L’ensemble de ces stratégies amènent le narrateur/personnage à devenir malgré lui l'authentificateur de faits qu'il était près de nier au départ. Tout comme ce narrateur, le lecteur qui lui a fait confiance et l’a suivi tout au long du récit, opte en quelque sorte pour une explication surnaturelle. La monstration sensorielle et explicite des figures et des événements surnaturels, fait de ces deux récits des exemples saillant de la catégorie classique du genre, par opposition au fantastique moderne de la démonstration intellectuelle et implicite. Le parallélisme remarquable entre ces deux récits, écrits à deux époques, dans deux espaces, deux cultures, bref dans deux littératures différentes, n'est-il pas une preuve solide du caractère universel de l'esprit fantastique? Bibliographie Abâdiân, F. (1997). « La fête de Farvardin et l’univers des Farvars » ( ‫ﺟﺸﻦ ﻓﺮﻭﺭﺩﻳﻦ ﻭ ﺟﻬﺎﻥ‬ ‫) ﻓﺮﻭﺭﻱ‬. Norvège : revue Aftâb, no 28. Arland, M. (1951). « La Nouvelle ». Lettres de France. Paris: A. Michel: 85-96. Bellemin-Noël, J. (1972). « Notes sur le fantastique ». Littérature n°8. Paris: La rousse. 3-23. Bessière, I. (1974). Le récit fantastique, La poétique de l'incertain. Paris: Larousse. Bozzetto, R. (1998). « Claude Seignolle, un fantastiqueur singulier ». Otrante n°10. Paris: Kimé, 41-54. 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