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Le chantier comme projet urbain ? M thode d’e u te et p e i es p opositio s Septembre 2013 Lise Serra, architecte, doctorante en urbanisme et aménagement au CRH, Lavue UMR CNRS 7218 Résumé Questionner les chantiers de construction dans leurs conditions urbaine et projectuelle répond à un triple enjeu professionnel, universitaire et sociétal. Cet article présente les modalités d’e p i e tatio d’u e thode ois e, e p u ta t au dis ipli es de l’eth og aphie et de la so iologie les ases de l’o se vatio et de la pe s e pa as, et au dis ipli es de l’a hite tu e, de l’u a is e et de l’a age e t, le sujet e de la e he he. À t ave s l’e e ple du p ojet urbain de la Duchère, à Lyon, nous observons comment la recherche sur les chantiers en zones urbaines denses réunit des métiers très éloignés, qui, en tant qu'acteurs de la ville, se rencontrent peu. Le chantier devient un prisme pertinent d'analyse de la ville dans sa complexité d'acteurs et dans son épaisseur spatiale et temporelle, en transformation permanente. Il révèle l’évolution de la société, de ses valeurs et de la place de chacun dans la construction d'un espace commun : la ville. Title: The building site as an urban design project? Survey methods and first proposals Abstract Analysing the building sites in their urban and project dimensions answers a triple question: professional, university and societal. This article presents a crossed method, borrowing from ethnography and sociology the bases of observation and case method, and to architecture and town planning the research subject itself. Through the urban project of La Duchère, in Lyon, we observe how working on construction sites in dense urban areas gathers distant professions which, as actors of the city, do not often work together. The construction site becomes a relevant prism to analyse the city in its actors complexity and its spatial and temporal thickness, in constant transformation. It reveals the evolution of the society, its values and the place of everyone in the construction of a common space: the city. Biographie Lise Serra est architecte et doctorante en urbanisme et aménagement. Sa thèse Le chantier comme projet urbain ? est menée e o ve tio CIFRE ave l’Age e d’u a is e pou le d veloppe e t de l’agglo atio l o aise et e pa te a iat ave la SERL, So i t d’É uipe e t du Rhô e et de L o , au sei du laboratoire de recherche CRH - LAVUE - UMR CNRS 7218. Lise SERRA, « Le chantier comme projet urbain ? M thode d’e u te et p e i es p opositio s », 2013, page 1 sur 9 --Article complet Qu’est-ce que la recherche en architecture ? Comment faire de la recherche en architecture ? Cette dou le i te ogatio a do i les jou es do to ales o ga is es à l’ENSA Pa is-Belleville en septembre 2013. La première interrogation a donné lieu à des ateliers thématiques rassemblant les doctorants par le sujet de leur thèse. La deu i e i te ogatio e oupe l’e se le des communications à travers un retour réflexif sur les pratiques des doctorants et les enjeux méthodologiques des recherches en cours. Cette o u i atio , s’atta he à po d e à ette dou le i te ogatio e fo ulant, dans un p e ie te ps, le sujet de la th se et les e jeu p ofessio els, u ive sitai es et so i tau u’il soulève, dans un deuxième temps, en justifiant les méthodes employées pour le traiter dans le contexte actuel de la recherche en architecture et en urbanisme. Enfin, dans un troisième temps, je e e t e ai o a al se su le sujet de l’atelie : pe se l’u ai , sous la di e tio de Vi gi ie Picon-Lefebvre. Cette dernière partie me permettra de présenter les premiers résultats de mon enquête. --Un chantier peut-il être considéré comme un projet urbain ? La thèse vise à expliciter les relations qui existent entre deux réalités connexes mais en général pensées séparément : chantier et p ojet u ai . Ce sujet pa t d’u o stat : l’ tude de la ville, entendue ici comme un établissement humain groupé de taille variable1, est souvent basée sur une ville existante ou transformée, mais rarement en transformation. Nous proposons de travailler sur la ville et son évolution, la ville en train de se faire, à travers une entrée précise : le chantier. Ce sujet doit p is e t pe ett e de ieu o p e d e de uelle a i e la ville volue aujou d’hui. Quelles sont les relations entre ce qui est et ce qui est en devenir ? Quels sont les rapports des usage s, des p ofessio els de l’a age e t et des lus aux projets architecturaux et urbains ? La notion de projet urbain est un prisme pour analyser le temps du chantier dans la ville à travers un point de vue global, envisageant la ville comme un fait physique et social, politique, économique et culturel. En quoi la notion de projet urbain confrontée au chantier permet-elle de questionner les processus actuels de construction de la ville ? Cette question soulève de nouvelles interrogations : un chantier peut-il être considéré comme un projet urbain ? Quelles en sont les conditions ? Par qui, selon quels points de vue ? Qu’est-ce que cette question implique-t-elle en termes de modes de pe s es et de fo es d’a tio s de politi ue u ai e ? Les hypothèses principales s’appuie t su la p opositio u’au-delà du ha tie o sid o e u e uisa e il e iste d’aut es faço s de comprendre le chantier dans la ville ; u’o peut le o sid e o e u e a ifestatio de la ville en train de se faire. 1 Selo la d fi itio de la deu i ui s’est te ue à Ista ul e e Co f e e de l’U es o su les ta lisse e ts hu ai s P og a . Lise SERRA, « Le chantier comme projet urbain ? M thode d’e e su l’ha itat u te et p e i es p opositio s », 2013, page 2 sur 9 Ce sujet répond à un triple enjeu : professionnel, universitaire et sociétal. En termes professionnels, le chantier et le projet urbain correspondent à des ensembles de métiers, de compétences, de temporalités, de sphères économiques et politiques différentes, voire opposées. La recherche sur ces deux sujets représente un troisième domaine, considéré par les acteurs professionnels de la ville et de la construction comme très éloigné de leur pratique uotidie e. L’e jeu p ofessio el est do dou le : faire pénétrer la reche he au œu de l’e t ep ise et su u ode p ospe tif, d o t e ue l’ tude des ha tie s selo le poi t de vue p opos pa la th se pe et à des p ofessio els de l’a age e t et de l’u a is e de ieu anticiper les changements à venir. L’e jeu u iversitaire du sujet est déjà en partie présent à travers le premier enjeu professionnel identifié : relier recherche universitaire et pratique professionnelle. Au-delà de cette ambition, au sein même des disciplines universitaires, cette thèse vise à mettre en avant le chantier comme p is e pe ti e t d’a al se de la ville da s sa o ple it d’a teu s et da s so paisseu spatiale et temporelle, en transformation permanente. Elle fait appel à un croisement de disciplines, s’i s iva t p i ipale e t e a agement et urbanisme, elle aborde largement le champ de l’a hite tu e et s’appuie su la so iologie, l’eth ologie, la politi ue et l’histoi e. Le dernier enjeu majeur est sociétal et politi ue : le ha tie est v lateu d’u e volutio de la société à travers la notion de développement durable qui questionne le rapport à l’e vi o e e t ph si ue et so ial, la pla e des o -techniciens et non-décideurs dans la construction de la ville et le rapport au temps par la mise en mouvement conjointe des dynamiques p ofessio elles et u ive sitai es o e a t l’ tude o te po ai e des faits u ai s. --Pour aborder ce double sujet, je me suis appuyée sur une première recherche bibliographique qui présente une étonnante dissymétrie. De nombreux essais existent sur la notion de projet urbain, peu sur le chantier. Ce déséquilibre quantitatif des sources pousse à élargir la recherche i liog aphi ue à l’e se le des do u e ts o e a t les ha tie s : manuels techniques et professionnels, romans, films, photos afin de proposer la construction d’u o pus pe ti e t à l’a al se des chantiers urbains contemporains. Elle pousse ensuite, et ce sera le principal travail mené pendant la thèse, à construire des données de première main. Dans leur Guide de l’en uête de terrain, St pha e Beaud et Flo e e We e atti e t l’atte tio des jeunes chercheurs sur les difficultés de « prendre pour objet le monde des dominants (industriels, hauts fonctionnaires, gros commerçants, professions libérales, intellectuels) »2. Étudier les chantiers comme les projets urbains implique de se confronter à de grands groupes i dust iels ai si u’à des p ofessio s li ales, à des fo tio ai es et à des lus lo au . Le pa ti de ette e he he a do t de s’i e ge au sei de es a teu s dits « dominants » par le biais d’u e o ve tio CIFRE ave l’Age e d’u a is e pou le d veloppe e t de l’agglo atio 2 BEAUD Stéphane, WEBER Florence (2010), Guide de l’en uête de te ain, Paris, la Découverte, Guide Repères, 1ere éd. 1997, 328p. Lise SERRA, « Le chantier comme projet urbain ? M thode d’e u te et p e i es p opositio s », 2013, page 3 sur 9 l o aise et e pa te a iat ave la SERL, So i t d’É uipe e t du Rhô e et de L o . Éta t diplô e e a hite tu e de l’ENSAL, É ole Natio ale Sup ieu e d’A hite tu e de L o , et e ta a t u e th se ap s uel ues a es d’e e i e p ofessio el sala i et li al, j’i luais o p op e poi t de vue da s l’a al se du sujet. Par cette posture particulière de doctorante Cifre, intégrée physiquement et sur un temps long au sei des o ga is es tudi s, j’ai pu oise diff e tes thodes d’o se vatio et d’a al se. J’ai d’a o d e u e e u te de t pe eth og aphi ue as e su l’e gage e t du he heu au sein de son étude, participant et observant, complétée par des entretiens de type sociologique. Les a a t isti ues a hite tu ales et u ai es p op es au sujet de l’ tude so t analysées au travers de documents techniques spécifiques et par mes propres connaissances préalables en architecture et projet urbain. La méthode de pensée par cas a été fondamentale pour mener cette recherche sur les chantiers comme projets urbains au sein de ces deux organisations professionnelles. Cette thode est e effet issue d’u e e ise e uestio de la so iologie positiviste dont le postulat p i ipal est elui d’u e diff e iatio ette e t e le he heu et so tude. D velopp e e t e aut es pa l’ ole de Ma heste , fo d e pa Ma Glu k a 3, à la suite de Max Weber4 la pensée par cas se positionne sur u od le de so iologie dite fle ive, as su l’e gage e t du chercheur sur son terrain et le dialogue entre observateur et observés. Michael Burawoy, dans son article « The extended Case Method »5 décrit finement les fondements, la structuration, les co s ue es et les li ites de la pe s e pa as. Cette thode pe et d’a al se des as concrets : cinq chantiers lyonnais en cours et deux organisations professionnelles, dans leur contexte historique et géographique, administratif, professionnel et technique tout en incluant le he heu da s l’ tude. La o ple it i h e te à l’u ai e ta t u’o jet d’ tude peut t e ai si a o d e à t ave s l’a al se de as p is. Cha ue ha tie tudi , p is i dividuelle e t, est spécifique ; auta t ue l’ tude e elle-même, les observations et donc les résultats sont spécifiques, non transposables, pas complètement représentatifs ni entièrement falsifiables. Mais l’ tude de ha u de es ha tie s, o p is o e faisa t pa tie d’u e se le, fait esso ti que chaque ha tie pa tage ave les aut es ha tie s u g a d o e d’ l e ts o te tuels, de do es i te es et e te es o u es. Ai si, les le tio s u i ipales affe te t l’e se le des communes de France, à la même date. Les projets ANRU6 sont largement répartis sur le territoire national et dans presque chaque agglomération, on peut observer un ou plusieurs quartiers ANRU dans lesquels de nombreux chantiers de démolition, rénovation et construction ont lieu. Les cas étudiés sont choisis pour leur pluralité, aussi va i s ue possi le au sei d’u 3 Max Gluckman (1911-1975) est un anthropologue britannique, engagé pour la d olo isatio de l’Af i ue du Sud. Il fo de le d pa te e t d’a th opologie de l’U ive sit de Ma heste e 4 où les « case studies » sont particulièrement théorisées. 4 DANTIER Bernard (2004), Les « idéaltypes » de Max Weber, leurs constructions et usages dans la recherche sociologique, Textes de méthodologie en sciences sociales, version numérique, collection : "Les classiques des sciences sociales": http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html, consulté le 24/06/2013 5 BURAWOY Michael (1998), The extended case method [en ligne] consulté le 27/06/2013 6 L’Age e Natio ale de la R ovatio U ai e a t ee 4 pou ett e e œuv e le Pla Natio al de Rénovation Urbaine. Lise SERRA, « Le chantier comme projet urbain ? M thode d’e u te et p e i es p opositio s », 2013, page 4 sur 9 même périmètre de questionnement. Le travail rétrospectif proposé par les journées doctorales est i i fo da e tal. Reve i lo gue e t su les o ditio s de l’ tude, e pli ite le plus lai e e t possible comment les résultats ont été obtenus, sur quelles observations ils sont basés et quelles en sont les limites, représente la base scientifique de la pensée par cas. Ainsi, cinq chantiers en cours, dont le projet urbain de la Duchère, ont été définis comme terrains d'enquête ainsi que les deux organisations de l'agence d'urbanisme et de la SERL. Pour a al se es as, j’ai is e pla e u p o essus d’e u te utilisa t plusieu s app o hes. U e approche ethnographique matérialisée par un carnet de bord a visé principalement à observer les différents points de vue exprimés sur mes terrains d'étude. J'ai mené une observation longue à l’age e d’u a is e et à la SERL pe da t t ois a s, à aiso d'u à deu jou s pa se ai e. J'ai ainsi pu observer les professionnels au travail, participer à des discussions informelles et accompagner les chargés de projet dans leurs réunions de chantier. J'ai également effectué une o se vatio guli e des ha tie s depuis la ue ai si ue deu te ps d’o se vatio go i e d’u e se ai e e i e sio à l’i t ieu de deu ha tie s : celui du Musée des Confluences et celui de la Duchère. J'ai pu enfin observer des réunions de concertation et de présentations de projet. Cette approche ethnographique est complétée par une démarche sociologique basée sur u e i ua tai e d’e t etie s se i-directifs enregistrés. De plus, une démarche expérimentale d’o ga isatio d’u s i ai e p ofessio el, au p i te ps , ouve t au he heu s et au ha ita ts, a pe is à ha u de e o t e l’aut e, lo s de visites et débats organisées sur les ha tie s tudi s. J’ai pu ai si o se ve les i te a tio s e t e les a teu s su o sujet d’ tude. G â e à u e positio e o ue pa les a teu s offi iels du p ojet, j’ai pa ti ip à des u io s privées techniques, sp ifi ues au suivi de p ojet et de ha tie . Cette e positio ’a pa o t e e p h e d’avoi des lie s t oits ave les ha ita ts ou ave e tai s p ofessio els pou ui o atta he e t à l’ uipe de aît ise d’ouv age e e dait da ge euse ou suspecte7. Les études et articles publiés suite à la forte médiatisation de certains chantiers, notamment celui de la Du h e et elui du Mus e des Co flue es, ai si ue l’i t t u’ils o t sus it aup s des étudiants et chercheurs complètent mes propres données. --Je prendrai maintenant l'exemple de la rénovation urbaine de la Duchère pour développer mon a al se e t e su la th ati ue de l’atelie : penser l'urbain, sous la direction de Virginie PiconLefebvre. Dans un premier temps, faire le lien entre chantier et projet urbain nécessite de construire o joi te e t les deu o epts. Depuis u e t e tai e d’a es, le d veloppe e t de la otio de p ojet u ai est sig ifi atif d’u e se le de d pla e e ts da s les o epts et les p ati ues concerna t l’a age e t des villes. Tout d’a o d, il la git le ha p de l’u ai à de o eu acteurs : de l’a hite tu e, du pa sage, de l’u a is e, de l’ o o ie, de la politi ue, de la 7 François Régis Cottin, concepteur du projet urbain de la Duchère en 1960 a refusé de me rencontrer. Lise SERRA, « Le chantier comme projet urbain ? M thode d’e u te et p e i es p opositio s », 2013, page 5 sur 9 société. Il modifie les limites des professions, des compétences et des légitimités. En particulier, la otio de p ojet u ai pe et d’e p i e le t a sfe t de o p te e e u a is e, e à l’o asio de la loi de d e t alisatio , e t e l’État et les olle tivit s lo ales puis, e , ave la loi de solidarité et de renouvellement urbain entre les professionnels et les usagers. Pou les lus, la otio de p ojet u ai affi e leu volo t et leu pouvoi d’agi su la ville. Elle est aussi u e te tative pou d i e u ode d’ la o atio et de ise e œuv e ui veut se distinguer à la fois de la planification dans son acception centralisée et rigide et de la négation de l’e ista t su e pa la fo ule de la « table rase ». Cependant, ces déplacements ne sont pas uniformes. Employée à la fois par des architectes, des u a istes, des lus et des a ageu s, l’e p essio e ouv e des se s diff e ts. Le p ojet u ai est te du e t e des o eptio s plus te h i ues, fo alis es su l’a age e t des espa es et des o eptio s plus politi ues, au dou le se s d’e p essio des visées t a sfo at i es d’u lu et de p ise e o pte glo ale des e jeu u ai s, ota e t so iau . Que le projet soit réellement partagé ou non entre institutions et décideurs, concepteurs et te h i ie s, usage s et ha ita ts, il est suppo t d’e vies, il cristallise des déceptions, des rejets, il suscite des débats. À Lyon, le projet urbain de la Duchère a été initié par Gérard Collomb, alors maire du 9 e 8 a o disse e t de L o , à la suite d’ eutes u ai es e . Une première étude de faisabilité commandée à Alain Marguerit, architecte et urbaniste, a permis à Gérard Collomb, devenu maire de Lyon en 2001, de lancer le projet urbain dès 2002. Le site internet de présentation du projet urbain de la Duchère le présente ainsi : « Le projet urbain est la o pa l’ uipe des u a istes et a hite tes Alai Ma gue it, Bernard Paris et Pascal Gontier et répond à trois grands objectifs : Améliorer les liens entre La Duchère et les communes avoisinantes ; Renouveler la forme urbaine en renouant avec la ville ; Encourager la mobilité résidentielle des Duchérois et des lyonnais. » Seuls les maîtres d’œuv e so t p se t s. Les o je tifs d ive t u e t a sfo atio ph si ue de l’espa e visant une transformation sociale : « encourager la mobilité résidentielle. » Ici, le projet urbain devient « social » u i ue e t pa e u’il est situ da s u ua tie e difficulté ou reconnu comme prioritaire. Dans ce cadre, les enjeux du « projet urbain et social de la Duchère » concernent le cadre physique et social, économique, culturel, administratif et politique lo al. Ces e jeu appelle t u g a d o e d’a teu s à t availle e se le, d passa t la ge e t les trois architectes et urbanistes, auteurs présumés du projet urbain. Le projet urbain présente les caractéristi ues d’u e notion floue. Elle permet de rassembler autour de quelques idées ou principes partagés des acteurs aux intérêts différents. Le projet u ai affi e la volo t de ett e e œuv e u e ouvelle o eptio de la ville o e e tit spécifique, complexe, fragmentée et en réseau, comme un phénomène spatial et social global. Il 8 Liberation.fr, 20 décembre 1997 : « Deux jeunes abattus par la police en deux jours. Fabrice Fernandez, tué à 24 ans dans un commissariat de Lyon. Le jeune homme a été tué dans la nuit de jeudi à vendredi d'un coup de fusil à pompe tiré par un gardien de la paix qui l'interrogeait. Il habitait barre Chicago, cité de la Duchère. » Lise SERRA, « Le chantier comme projet urbain ? M thode d’e u te et p e i es p opositio s », 2013, page 6 sur 9 e d aussi possi le la p ise e o pte de s oli ues u ai es, la o ilisatio d’i ages. E ta t que projet, donc de ep se tatio s d’ave i , le p ojet u ai e oue sous de nouvelles formes avec un imaginaire positif. Il permet de faire rêver à la ville de demain. Le futur des premiers pe seu s du p ojet u ai , fo g da s les a es , ’est epe da t pas elui des th o i ie s d’aujou d’hui, o f o t s à de ouvelles alités économiques, sociales et environnementales o diales. Ai si, le p ojet u ai aujou d’hui, se ait de fai e ve à u e ville du a le et pa ti ipative, ave l’e se le des a teu s p ofessio els, lus, o o i ues et ha ita ts. Cet ensemble de questio s su le p ojet u ai o te po ai , lo s u’il est appli u au ha tie o e o jet d’ tude, pe et d’ouv i la fle io plus la ge e t : dépasser les questions techniques pour s'intéresser aux implications et répercussions politiques et sociales, spatiales, en termes de paysages et de transformations, aux usages étudiés et vécus, à la symbolique de la transformation de la ville en cours. De même, le chantier, comme espace-temps concret, visible dans la ville mais difficilement compréhensible, questionne le projet urbain dans son processus politique et professionnel invisible et étiré dans le temps et dans l'espace. Le projet urbain de la Duchère fut validé le 7 novembre 2002. Le chantier débuta ensuite de façon spectaculaire, le 29 octobre 2003, avec la d olitio pa foud o age d’u e p e i e a e d’i eu le. Les d olitio s se so t su d es pe da t plus de di a s, la de i e ta t p vue en 2014. Parallèlement aux démolitions-reconstructions de logements, des équipements scolaires et sportifs ont été construits et rénovés, les voiries ont été profondément modifiées et de ouveau espa es pu li s s. L’ uipe lo ale du g a d p ojet de ville, o stitu e de sala i s de la ville de Lyon et du Grand Lyon, en lien avec les élus locaux et les intervenants professionnels du projet, a fait évoluer ses relations avec les habitants. Dès 2003, un journal du projet était édité pou i fo e les ha ita ts. Des atelie s d’i fo atio fu e t p opos s à u e i ua tai e d’ha ita ts su 384 recensés en 2006). Les professionnels locaux furent également informés des projets en cours. En juin 2003, Gérard Collomb, expliqua le projet en réunion publique. Les lo atai es o e s pa les eloge e ts fu e t i vit s à des u io s d’i fo atio , ta dis ue des ateliers de o e tatio se ettaie t e pla e à l’o asio des p ojets d’espa es pu li s où les concepteurs échangeaient avec les habitants. Un comité de suivi participatif est opérationnel depuis septembre 2005. Les échanges avec les habitants sur les nouveaux p ojets s’a t e t pourtant dès que le projet fut défini. Lorsque le chantier commença, les habitants reçurent u i ue e t des lett es d’i fo atio o e a t la fe etu e des ues, les d viatio s des lig es de us, la fe etu e des agasi s… Les ha tiers de réalisation du projet urbain étaient ainsi considérés comme échappant aux modalités de conception et concertation du projet urbain. Cha tie et p ojet u ai so t li s l’u à l’aut e su u a e te po el li ai e do t seules les équipes professionnelles sont chargées de garantir la continuité. Chantier et projet urbain représentent des modèles politiques, spatiaux, temporels, économiques et culturels très différents et pourtant en lien direct. Comment la ville se fabrique-telle à travers ces deux espaces-temps ? Proposer le chantier comme projet urbain revient à provoquer un déplacement de point de vue. Le chantier, considéré comme technique, fermé au Lise SERRA, « Le chantier comme projet urbain ? M thode d’e u te et p e i es p opositio s », 2013, page 7 sur 9 public, dangereux, est nié dans sa fonction politique au sein de la ville : lieu de construction physique, économique et sociale de la ville. Amener à se poser les questions soulevées par la otio de p ojet u ai au o e t du ha tie pe et d’e visage la ville o e u fait so ial et physique global et quotidien ainsi que comme une production toujours en mouvement dans laquelle les hommes, de multiples façons, participent. Ici, les enjeux professionnels et sociétaux que nous avons soulevés plus haut deviennent fondamentaux. Rapprocher les différents mondes professionnels et rapprocher les professionnels des élus et des citadins devient un enjeu à la fois de la méthode de recherche et de ses résultats. En tant que doctorante, ma présence au sein des différentes réunions, mes questions aux olla o ateu s de l’age e d’u a is e et de la SERL et es p opositions de texte initient ces rapprochements. En croisant les disciplines et les points de vue, cette recherche vise à dépasser le ad e p ofessio el et i stitutio el de l’u a is e et de l’a hite tu e. Pourtant, si la notion de projet urbain disparaît au p ofit du te e ha tie lo s u’il s’agit passe à la o st u tio et à l'a age e t, ’est ie u’il a o flit e t e es deu te es. Ce o flit se a e à l’oppositio e t e le pe se et le fai e, e t e l’u a iste ui p ojette la ville de demai et l’a ageu ui la o st uit, aujou d’hui. Cette ise e oppositio ôte la po t e politi ue de l’a tio e ou s, au p ofit de la p opositio de p ojet, solu le da s u p og a e électoral. Concrètement, des changements sont déjà en cours. Les chantiers médiatisés, ouverts aux visites et aux regards comme le chantier du Musée des Confluences à Lyon ou le chantier des Halles à Paris, permettent aux passants de devenir acteurs de la transformation de leur environnement en observant, en cherchant à comprendre les changements en cours : qui fait uoi, ui paie o ie … et d’i te ve i da s la gestio du ha tie . Ai si, à Pa is, le ja di d’e fa ts des Halles a t liv e p e ie pou satisfai e les ive ai s. L’i se tio p ofessio elle au sein des chantiers est déjà ancienne. Très respecté, ce dispositif permet de mieux lier les évolutions physiques, sociales et économiques des quartiers. Enfin, pour prendre un troisième e e ple la ge e t pa du aujou d’hui et test su le ha tie de la Du h e, l’utilisation des abords de chantiers ou des temps courts de friches pour des jardins temporaires, des potagers en carrés et autres manifestations culturelles, permet de rapprocher les différents publics et de faire se rencontrer ceux qui « font », d’u ôt et de l’aut e de la palissade. Les ouv ie s e so t plus seuls à travailler la terre : les ha ita ts, les olie s, o t i ue t au ha ge e t d’i age de leu environnement. --E o lusio , e sujet de e he he 'a pe is d’e p i e te une méthode croisée, e p u ta t au dis ipli es de l’eth og aphie et de la so iologie les ases de l’o se vatio et de la pe s e pa as, et au dis ipli es de l’a hite tu e, de l’u a is e et de l’a age e t, le sujet même de la recherche et, par là-même, les présupposés et cadres de pensée qui le constituent. Ce choix, d'abord pragmatique, visant à répondre aux questions initiales et à tester les hypothèses, Lise SERRA, « Le chantier comme projet urbain ? M thode d’e u te et p e i es p opositio s », 2013, page 8 sur 9 s'est révélé riche d'apports tant dans la construction de la problématique et des concepts que dans la réflexion sur la démarche spécifique de recherche qui peut être menée dans un cadre à la fois universitaire et professionnel. Les limites de cette méthode sont cependant importantes. Elles so t p i ipale e t li es, e te es d’o se vatio , à l’a s au te ai et aux informations et, en termes de restitution des observations, aux questions de confidentialité et de respect des organisations professionnelles en charge des projets. Cepe da t, et ave l’o je tif de po d e au t iple e jeu p ofessio el, u ive sitaire et sociétal soulevé par le sujet de la recherche, il me semble que la possibilité même de mener cette recherche, de questionner le double concept chantier et projet urbain dans une dynamique de ville en transformation en croisant les disciplines et les mondes civils, universitaires et p ofessio els est u e p e i e d o st atio de la possi ilit d’u ouveau do ai e de recherche pour les années à venir. Cet article est issu d’une communication lors des secondes rencontres doctorales en architecture qui se sont tenues du 12 au 14 septembre 2013 à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris Belleville. Il est publié dans Les Cahiers de la recherche architecturale et urbaine, n°30/31, Trajectoires doctorales 2, décembre 2014, p. 145-152 Lise SERRA, « Le chantier comme projet urbain ? M thode d’e u te et p e i es p opositio s », 2013, page 9 sur 9