Nécrologie
Ouahmi, Vermondo Brugnatelli
Dans Études et Documents Berbères 2010/1 (N° 29-30),
29-30) pages 395 à 398
Éditions La Boite à Documents
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ISSN 0295-5245
DOI 10.3917/edb.029.0395
Nécrologie
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Jacques Rubenach, notre ami, fut l’une des figures historiques de l’audiovisuel éducatif en
France. Mais c’est à un autre titre que nous en avons fait sa connaissance au début des
années 2000 : à la demande de Pierre Mœglin, directeur de la Maison des sciences de
l’Homme Paris Nord, et avec lui, il a conçu la plate-forme « Arts, Sciences, Technologies »
aujourd’hui intégrée à cette Maison. La revue Études et Documents Berbères se devait de rendre
hommage à celui qui a tant fait en 2002 pour accueillir chaleureusement, à la MSH,
l’équipe berbère et l’accompagner de ses conseils avisés.
Jacques Rubenach était né le 10 avril 1941 à Luchon (Haute-Garonne). Sa famille venait
de quitter la Lorraine annexée au Reich allemand. Elle y retournera à la Libération au
village de Vic-sur Seille. Excellant élève, Jacques fit ses études à Nancy et en région
parisienne ; il fut admis à l’École normale supérieure de Saint-Cloud, au concours de
physique, et obtint rapidement l’agrégation de sciences physiques. Il exerça longtemps au
Centre audiovisuel de Saint-Cloud, célèbre pépinière de formation à l’audiovisuel de
nombreuses générations d’enseignants du secondaire, et il en assura la direction. Puis il
fut nommé maı̂tre de conférences à l’École d’Ingénieurs IMAC, d’abord à l’université Paris
13, puis à l’université Paris 2, dispensant notamment des cours d’Acoustique-ÉlectroniqueÉlectroacoustique, d’Optique et de Technique cinématographique. Il était docteur en
sciences de l’éducation (thèse d’État soutenue en 1980 à Paris 13, sous la direction de
Josette Poinsac).
Il fut donc l’un de ces enseignants-chercheurs qui s’intéressaient aux « industries de
l’enseignement » en pleine émergence dans les années 1970 et 1980 – ce que l’on appelait à
l’époque « la technologie éducative », à partir des travaux nord-américains sur la cybernétique et l’enseignement programmé. Nourri de ces travaux, il faisait partie de la pléiade
d’experts qui, dans des directions et selon des approches différentes, s’efforçaient de
moderniser les manières d’enseigner et d’apprendre par l’utilisation des « outils modernes » :
laboratoires de langue, film et vidéo, circuits fermés de télévision, avant que n’interviennent
l’ordinateur, le multimédia et Internet.
Au sein de cette pléiade, qui comprenait des spécialistes aussi connus que Guy Berger,
Annie Bireaud, Geneviève Jacquinot, Robert Lefranc, Monique Linardt, Jacques Perriault,
Claude Traulle, et tant d’autres, Jacques Rubenach occupait une place un peu à part : ses
compétences de physicien et son goût prononcé pour le concret en avaient fait l’autorité
incontestable dans le domaine du choix des matériels et de la définition de leurs usages
optimaux. Ce n’est pas un hasard si, pendant plus de quinze ans, il conseilla la Direction des
technologies au ministère des universités, prenant notamment une place majeure dans la
politique d’équipement audiovisuel des universités entre 1970 et 1980. Parmi ses nombreuses publications, on peut citer Comprendre le matériel sonore : guide pratique (Paris, La
Documentation française, 1982), ou bien Pratique du laboratoire de langues : pédagogie des langues
étrangères, la pratique en laboratoire, équipement et disposition du laboratoire, ouvrage en collaboration
avec Louis Porcher et Michel Chicouène (Paris, Chiron, 1972), ou encore Des images et des
sons : pour le maı̂tre et l’écolier, coauteur Guy Chalon (Neuchâtel, Delachaux et Niestlé / Paris,
Bordas, 1976).
Ses compétences scientifiques et techniques lui avaient valu une grande réputation
internationale : au Québec, en Amérique latine, en Afrique, il ne ménageait pas ses conseils
* M. Pierre Mæglin a bien voulu relire cette notice et il l’a utilement complétée. Je l’en remercie.
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Jacques RUBENACH (1941-2010)*
et c’est aussi pour ses compétences qu’en 2000, Pierre Mœglin fit appel à lui pour l’aider à
concevoir la future plate-forme AST. Il s’attela à la tâche avec un zèle extraordinaire,
pensant à tout, du projet technologique à l’équipement et la disposition des studios, en
passant par l’organisation des ressources et les contacts à prendre avec les collectivités
territoriales et les milieux industriels. En tout il excella. L’on connaı̂t le résultat : la plateforme fut labellisée et c’est naturellement qu’entre 2002 et 2006, date de son départ à la
retraite, il en prit la direction. Mais même après son départ, il ne manquait pas d’aider
discrètement son successeur, Alain Chaptal et de conseiller tout aussi discrètement Pierre
Mœglin.
Tous ceux qui l’ont connu témoigneront de sa simplicité, de son (excessive) modestie et de
sa très grande rigueur morale ; pour dire les choses simplement, c’était un homme qui avait
la main sur le cœur et qui a fait beaucoup de bien autour de lui. En témoigne le
commentaire dont la MSH assortit la triste annonce de son décès dans Le Monde : « Il a
donné à ses collègues et aux représentants du monde industriel et des collectivités territoriales en Seine Saint-Denis l’image d’un homme droit et généreux, excellent pédagogue,
modeste et passionnément attaché aux idéaux du service public, mettant sa très grande
expérience scientifique et technique au service des relations entre la recherche universitaire
et les entreprises ».
O. O.-B.
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Paulette Galand-Pernet vient de nous quitter. Une crise cardiaque l’a enlevée aux siens et
à la communauté scientifique, la nuit du 5 mai 2011, chez elle à Bourg-la-Reine. Malgré son
âge avancé, ce départ soudain a surpris tout le monde, telle était la vivacité de son esprit, qui
gardait un enthousiasme et une passion extraordinaires.
Elle était née le 9 décembre 1919 à Montchanin, en Bourgogne, le village dont elle
gardait les souvenirs les plus précieux, y compris les subtilités de son dialecte (auquel son
époux consacra une note en 1968). Son père, Jean François Pernet, mort prématurément
quand elle avait 17 ans, continuait la tradition artisanale de marbrier que fut aussi le grandpère, Sébastien (« Belle Humeur » parmi les « compagnons »), maire de Montchanin au
début du XXe siècle. La mère, Marcelle Marie Colomb, était institutrice.
Plusieurs facteurs ont joué un rôle dans sa formation. Pour commencer, l’amour pour la
littérature, transmis par la mère et soutenu par des études classiques : après le lycée à Dijon
en 1940, elle accéda à l’École normale supérieure de jeunes filles de Sèvres et obtint en 1943
le DES avec l’édition critique d’un poème français médiéval, le Lai de l’oiselet.
Par la suite, ce sont les circonstances qui l’ont amenée à habiter longtemps au Maroc avec
son mari, Lionel Galand, qu’elle avait épousé en 1944 et qui, par la suite, s’était déplacé à
Rabat, après deux années passées à Rome. Ce séjour dura de 1948 à 1956 et lui permit de
découvrir la littérature orale berbère et de recueillir une quantité de matériaux, enrichis par
la suite grâce à plusieurs voyages au Maroc et aux contacts avec de nombreux auteurs
émigrés en France. Ce fut la fin d’une carrière de romaniste mais le début d’un projet tout à
fait nouveau dans le champ encore presque vierge de la littérature berbère.
Un autre volet de recherche sur lequel son intérêt a porté et qu’elle aimait souligner, entre
autres dans un article où elle a retracé l’histoire de sa formation (2006 a), est celui des études
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Paulette GALAND-PERNET (1919-2011)
Références bibliographiques
André Basset, Textes berbères du Maroc (Parler des Aı̈t Sadden), Paris, École des Langues
Orientales-Geuthner, 1963.
J. Drouin & A. Roth (éds), À la croisée des études libyco-berbères. Mélanges offerts à Paulette GalandPernet et Lionel Galand, Paris, Geuthner, 1993.
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sur la communication, grâce à des cours suivis dès les années soixante à l’Institut Poincaré.
En effet, c’est de là qu’a pris l’essor la nouvelle méthode d’analyse de la littérature orale, qui
prenait en considération l’émetteur, le récepteur, le message, le « bruit », et toutes les
circonstances de la transmission.
Paulette Galand-Pernet a animé depuis sa création en 1968 le groupe de recherche
du CNRS « Littérature orale arabo-berbère, Ethnologie, Dialectologie » (UA 1061) qui
publiait la revue LOAB (Littérature Orale Arabo-Berbère) et au sein duquel ses idées ont contribué
à la naissance des études sur les littératures berbères dans un esprit moderne. Celles-ci ont
cherché à comprendre leur « poétique » sans faire recours à l’optique « eurocentrique », qui
abordait toute production littéraire selon des normes et valeurs qui ne sont pas propres aux
sociétés à tradition orale considérées.
Parmi les apports les plus importants de ses études littéraires, exposés de façon complète
et systématique dans son ouvrage de synthèse Littératures berbères. Des voix des lettres (1998) et
dans quelques études parues par la suite (2006a et b, 2010), on notera tout particulièrement
les études sur les éléments démarcatifs dans le conte (1973-79, 1981), l’identification et la
description d’une koinè littéraire régionale des chleuhs (1967) ainsi que les recherches sur les
« genres » spécifiques à cette littérature orale.
Pour ce qui est de ses écrits et de ses positions académiques, je renvoie aux publications en
son hommage que lui ont consacrées J. Drouin et A. Roth en 1993, l’Institut Royal de la
Culture Amazighe en 2006, et bientôt aussi l’ouvrage sous presse édité par A. Mettouchi.
Il est difficile de trouver des domaines de la littérature berbère qui aient échappé à son
intérêt et sa contribution : les manuscrits anciens (1972b, 1973), la littérature juive en langue
berbère (1970), les poètes modernes et contemporains (Si Mohand Ou Mhand : 2007 ;
Arezki Meki, 1983), la production des chanteurs et comédiens kabyles (surtout Muhend U
Yahia : 2006c), et le patrimoine poétique des rrwayes et imedyazen traditionnels des différentes
régions du Maroc (1957, 1972a). Outre ses études sur la littérature, Paulette Galand-Pernet
a également travaillé dans le domaine de la linguistique. Parmi ses nombreuses recherches
de linguistique, on rappellera ici son étude historique sur les désinences personnelles du
verbe (1984-86a) et son travail ethnolinguistique sur le vocabulaire de l’orientation (198486b), mais il y en a beaucoup d’autres en linguistique descriptive, en phonologie et en
lexicologie.
Sa générosité, connue de tous, s’est reflétée dans l’ardeur avec laquelle elle s’est souvent
adonnée à des travaux ingrats comme la révision des textes pour l’édition posthume des
écrits d’André Basset (1963), la longue et pénible recherche, jusqu’au delà de l’Atlantique,
d’un éditeur pour les poèmes d’un ouvrier kabyle (Meki, 1983) ou, tout récemment, l’index
des notions du livre de son époux Regards sur le berbère (Galand, 2010).
Malgré les problèmes de santé qui l’avaient forcée à ralentir son activité depuis quelques
années, elle n’a pas cessé de travailler et son départ a laissé inachevés plusieurs travaux dont
le plus important est sans doute l’édition des textes ethnographiques en tachelhit sur les
activités féminines traditionnelles, recueillis entre 1948 et 1955, qu’elle avait l’intention de
publier dans la série Berber Studies dirigée par Harry Stroomer.
Lionel Galand, « Timbre et longueur : les oppositions de voyelles dans une variété bourguignonne du français », Word 24 (1968), pp. 165-174.
–, Regards sur le berbère, Milano, Centro Studi Camito-Semitica, 2010.
Paulette Galand-Pernet, « Une tradition orale encore vivante : le ‘‘Poème de Çabi’’ », in
Mémorial André Basset (1895-1956), Paris, Maisonneuve, 1957, pp. 39-49.
–, « A propos d’une langue littéraire berbère du Maroc : la koı̈né des Chleuhs », in
Verhandlungen des 2. Internationalen Dialektologenkongresses Marburg/Lahn 5-10 Sept. 1965,
Wiesbaden, Steiner, 1967, pp. 260-267.
–, Haı̈m Zafrani, Une version berbère de la Haggadah de Pesah : texte de Tinrhir du Todrha (Maroc),
Paris, Geuthner, 1970.
–, Recueil de poèmes chleuhs. I- Chants de trouveurs, Paris, Klincksieck, 1972a.
–, « Notes sur les manuscrits à poèmes chleuhs de la Bibliothèque Générale de Rabat »,
Journal Asiatique 260 (1972b), pp. 299-316.
–, « Notes sur les manuscrits à poèmes chleuhs du fonds berbère de la Bibliothèque
Nationale de Paris », Revue des Études islamiques 41.2 (1973), pp. 283-296.
–, « Remarques sur la langue de la narration dans le conte berbère : les éléments de
démarcation du discours », Comptes Rendus du G.L.E.C.S., 18-23/III (1973-1979),
pp. 591-606.
–, « Signalisations sur la route du conte berbère. Esquisse d’un système sémiologique »,
LOAB1 12 (1981), pp. 15-40.
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–, « Remarques sur le vocabulaire berbère de l’orientation », Comptes Rendus du G.L.E.C.S.,
29-30 (1984-1986b), pp. 39-62.
–, Littératures berbères. Des voix des lettres, Paris, PUF, 1998.
–, « Littératures berbères. Des voix aux lettres », Tifin. Notre découverte, 1 (2006a), pp. 14-40.
–, « Classification et ‘genre’ oral », Studi Magrebini 4 n.s. (2006b), pp. 41-51.
–, « Mohia 1970. Quelques notes », Études et Documents Berbères, 24 (2006c), pp. 15-39.
–, « Mohand, héritier créateur. Édition, auteur, sens de l’œuvre », Eudes et Documents Berbères,
25-26 (2007), pp. 77-103. [Actes du colloque Centenaire Si Mohand Ou Mhand ou la poésie
d’expression kabyle d’hier à aujourd’hui, Saint-Denis, 4 et 5 janvier 2006]
–, « La notion de littérature. Essai d’analyse et de classification », entretien réalisé par El
Houssaı̈n El Moujahid, Asinag, 4-5 (2010), pp. 15-56.
Arezki Meki, Le pain d’orge de l’enfant perdu. Poèmes (berbère-français), Sherbrooke, Naaman,
1983.
A. Mettouchi (éd.), Nouveaux Mélanges offerts à Paulette Galand-Pernet et Lionel Galand, à paraı̂tre
automne 2011.
Langue et littérature amazighes. Cinquante ans de recherche. Hommage à Paulette Galand-Pernet & Lionel
Galand. Rabat – 27 juin 2006, Rabat, Institut Royal de la Culture Amazighe, 2006.
VERMONDO BRUGNATELLI
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–, « Sur l’origine des désinences verbales des première et deuxième personnes du singulier
en berbère », Comptes Rendus du G.L.E.C.S., 29-30 (1984-1986a), pp. 7-38.