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23 ACADIE NOUVELLE | SAMEDI 6 JUILLET 2024 À L’INTERNATIONAL PHILIPPE BERNIER ARCAND LE DÉBAT PRÉSIDENTIEL ET L’IMPORTANCE DE L’IMAGE EN POLITIQUE Les débats présidentiels télévisés ont une importance particulière aux États-Unis depuis le tout premier débat entre John Fitzgerald Kennedy et Richard Nixon. Ces débats rappellent l’importance de l’image en politique, et le dernier débat entre Joe Biden et Donald Trump, le 27 juin dernier, n’a pas fait exception. Lors du débat télévisé du 26 septembre 1960, John Fitzgerald Kennedy, avec une apparence soignée, un teint hâlé, un air reposé et un visage maquillé, a dominé le débat contre un Richard Nixon mal rasé, le front dégoulinant de sueur, qui avait refusé de se faire maquiller par la maquilleuse de la station de télévision CBS. De plus, Richard Nixon était alors considérablement aminci à la suite d’une infection au genou et d’un horaire de campagne surchargé. À l’issue de cette campagne, Richard Nixon a déclaré qu’il avait passé trop de temps sur la substance et trop peu sur l’apparence, qu’il avait accordé trop d’attention à ce qu’il allait dire et pas assez à ce à quoi il avait l’air. Il n’avait sans doute pas tort puisque, selon les sondages, ceux qui avaient vu le débat à la télévision donnaient John Fitzgerald Kennedy vainqueur, alors que ceux qui l’avaient écouté à la radio donnaient la victoire à Richard Nixon. Le débat Kennedy-Nixon est resté dans la mémoire des politiciens, qui ont depuis compris l’importance de leur apparence, en particulier durant le débat des chefs. Je me suis d’ailleurs intéressé à cette question dans mon essai Je vote moi non plus (Amérik Média, 2009). Les leçons du débat Kennedy-Nixon ne semblent pas avoir été prises en compte par le camp Biden lors du dernier débat. Malgré tous les efforts de préparation à Camp David, la résidence de campagne des présidents des États-Unis, l’image reflétée par le candidat démocrate à la présidence était peu flatteuse. Joe Biden semblait pourtant pressé de faire ce débat, en invitant son adversaire à débattre, alors qu’il n’avait jamais eu lieu aussi tôt, en juin, ces débats ayant généralement lieu à l’automne. On aurait pu imaginer que Joe Biden soit mieux préparé, particulièrement sur la forme. L’objectif de Joe Biden, alors que le camp adverse l’attaque sur son âge et sur de prétendus moments de confusion, était de paraître vif et de donner des réponses claires et précises. À la quasi-unanimité, autant des commentateurs du camp républicain que du camp démocrate, on ne peut pas dire que DONALD TRUMP ET JOE BIDEN, LORS DU PREMIER DÉBAT. – AP: GERALD HERBERT ce soit une réussite. La voix de Joe Biden était faible, enrouée et hésitante, sans compter que certaines phrases étaient tout simplement incompréhensibles. Ses gestes étaient maladroits et manquaient d’assurance. À plusieurs reprises, Joe Biden cherchait ses mots et, quelques fois, il ne finissait pas ses phrases. Lorsque Donald Trump parlait, on voyait Joe Biden avec la bouche ouverte et le visage figé. Il est notable de remarquer, chez les deux candidats, l’absence de sourire durant presque l’ensemble du débat. Pourtant, le marketing politique nous avait habitués aux politiciens tout sourire sur les affiches comme lors de leurs interventions télévisées. Dans le cas de Donald Trump, il s’est construit une image de politicien atypique qui semble résister à tous les scandales auprès de sa base de supporters. Il peut remercier les règles du débat, notamment celle qui fermait son micro lorsqu’il n’avait pas droit de parole, qui ont permis, peut-être malgré lui, de lui donner une image un peu plus présidentielle. Sur le plateau de CNN, chaîne sur laquelle le débat était diffusé, les journalistes qui commentaient le débat semblaient consternés et aucun n’a essayé de soutenir Joe Biden. Tous se demandaient comment remplacer un candidat jugé trop âgé et comment son entourage pourrait le convaincre de céder sa place. L’image dans ce débat présidentiel était plus importante que jamais puisque des courts extraits, à l’avantage ou au désavantage des candidats, circulent sur les réseaux sociaux. Ces extraits, produits par les équipes de campagne comme les supporters et les influenceurs, sont plus regardés que le débat lui-même. Ces considérations sur la forme plutôt que sur le fond sont loin d’être futiles. Le débat Kennedy-Nixon est encore aujourd’hui une référence en marketing politique et rappelle l’importance de l’image. Le maquillage et le bronzage de John Fitzgerald Kennedy, alors que Nixon a refusé d’être maquillé, n’étaient pas un détail à la télévision, qui venait d’arriver depuis quelques années dans les foyers américains. C’est encore plus important aujourd’hui alors que nous sommes passés des télévisions en noir et blanc aux télévisions en haute définition. Le récent débat Biden-Trump va sans doute devenir une référence, comme l’a été le débat Kennedy-Nixon il y a 64 ans. Ce débat va rappeler également, mais pour des raisons opposées, l’importance de l’image. n