Gradhiva
Revue d'anthropologie et d'histoire des arts
1 | 2005
Haïti et l'anthropologie
« Trésors de veillées »
Les contes haïtiens recueillis par Suzanne Comhaire-Sylvain
Kathleen Gyssels
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/gradhiva/392
DOI : 10.4000/gradhiva.392
ISSN : 1760-849X
Éditeur
Musée du quai Branly Jacques Chirac
Édition imprimée
Date de publication : 1 mai 2005
Pagination : 243-248
ISBN : 2-915133-08-5
ISSN : 0764-8928
Référence électronique
Kathleen Gyssels, « « Trésors de veillées » », Gradhiva [En ligne], 1 | 2005, mis en ligne le 10 décembre
2008, consulté le 01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/gradhiva/392 ; DOI : 10.4000/
gradhiva.392
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© musée du quai Branly
« Trésors de veillées »
« Trésors de veillées »
Les contes haïtiens recueillis par Suzanne Comhaire-Sylvain
Kathleen Gyssels
1
Mais le conte ne raconte pas une histoire, le conte ne fait pas compte des misères, le conte
déboule à la source cachée des oppressions, et il jubile dans des bonheurs inconnus, peutêtre obscurs. Nos récits sont s’il se trouve de longues respirations sans début ni fin, où les
temps s’enroulent. Les temps diffractés. Nos récits sont des mélopées, et des traités de
joyeux parler, et des cartes de géographie, et de plaisantes prophéties, qui n’ont pas souci
d’être vérifiées » (Glissant 1993: 1).
2
Le sociologue, poète et écrivain martiniquais Édouard Glissant a beaucoup réfléchi, dès
son premier essai, Le Discours antillais, et dans ses romans historiques où il donne la parole
à son double, Mathieu Béluse, sur le conte créole, legs de l’esclavage et tradition orale
séculaire. Il s’agit selon lui d’une narration qui dit la cale négrière comme l’enfer de
l’habitation créole, d’un type de récit qui par la « poétique de détour » livre, pour qui veut
l’entendre, la critique acerbe du colonisé et de l’esclave face au maître tout-puissant :
« Le conte créole est le détour emblématique par quoi, dans l’univers des
Plantations, la masse des Martiniquais développait une poétique forcée (que nous
appellerons aussi contre-poétique), où se manifestaient en même temps une
impuissance à se libérer globalement et un acharnement à tenter de le faire »
(Glissant 1981: 241-242).
3
L’« acuité vide du paysage » (ibid.: 243), d’éléments descriptifs, les revirements brusques
et les fins ouvertes ou en « queue de poisson » sont autant d’indices des circonstances
coercitives dans lesquelles se déroulaient des séances de conte, qu’on appelle aux Antilles
et en Guyane « Les veillées noires » (Damas 1972). Pendant ces veillées nocturnes ou
mortuaires, l’audience, avide d’une bonne histoire, d’un divertissement et d’une
consolation, encerclait le conteur, on ficelait une poétique de résistance. On diffusait, de
manière secrète, des conseils de survie ; dans une histoire loufoque se camouflait une
morale de résistance.
4
Le mérite de Suzanne Comhaire-Sylvain (1898-1975) fut de récolter la manne que
constituaient les fables « fab’» créoles, d’étudier en ethnologue et linguiste les origines du
créole haïtien et des proverbes, devinettes et contes, brefs, de ce qu’on appelle
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« Trésors de veillées »
l’« oraliture ». À feuilleter ses nombreux recueils de contes, souvent bilingues, nous,
lecteurs modernes, nous sentons surpris face à cet héritage fabuleux qui vient d’un autre
âge. Surtout, ces narrations où l’autodérision et le dérisoire dominent nous laissent
perplexes, effets troublants que l’absence de glose ou de métadiscours intensifie encore.
En tant qu’ethnologue, son rôle se limitait à prêter l’oreille à la riche tradition orale, à la
transposer sans expliquer les envolées du conteur, le surnaturel ou l’extravagance
intentionnelle, exactement comme le fit également un Gilbert Gratiant pour la
Martinique et la Guadeloupe1. Ce folklore, comme le remarque Colette Maximin (1996),
recèle une valeur anthropologique pour tous ceux qui s’intéressent à la diaspora africaine
transplantée dans la Caraïbe :
« La Caraïbe, dans son ensemble, témoigne en profondeur du statut
anthropologique de la littérature. […] L’enracinement est tel dans la culture de
plantation que la facture des œuvres s’en trouve affectée » (ibid.: 403).
5
Dans son fameux Roman de Bouqui, qui est à la littérature haïtienne ce que le Roman de
Renard est à la littérature flamande, je tombe sur un conte surprenant, où les personnages
parlent avec leurs imperfections langagières, dans un créole qui, comme le remarque
Glissant, est caractérisé par la traîne et l’idiotie, le bégaiement :
Cric ? Crac !
C’était en pleine famine. Les provisions étaient rares et très chères, la chasse ne
rapportait plus rien vu que tout le monde se faisait chasseur. Malice un jour dit à
Bouqui :
« Noncque, je connais un moyen d’avoir de quoi manger pendant un mois au moins.
– Mayiche, mon enfant, tu chais combien che suis sensible pour toi, dis vite, mon
enfant, dis vite !
– Et ! bien, il faut vendre nos mères au marché.
– Vendre nos mères ? Et qu’est-ce qu’on va faire avec elles ?
– Cela ne nous regarde pas, c’est leur affaire personnelle. Une fois que nous avons
l’argent, elles se débrouilleront. »
Après avoir protesté un moment, Bouqui dont la gourmandise était sans limites
céda à la tentation et promit de se rendre le lendemain au marché en même temps
que Malice afin d’y vendre sa mère.
Le jour suivant au lever de l’aurore, il passa au cou de sa mère un collier de chien
qu’il avait préparé et une corde de pite en guise de chaîne.
« Qu’est ce que ces façons ? Pourquoi ce collier et cette corde ?
– Pas de questions, maman. Che vais te vendre au marché.
– Tu es fou ! Un fils ne vend pas sa mère. Et puis je ne veux pas être vendue au
marché. Je ne veux pas ! »
Elle bondissait de tous côtés, en tirant sur la corde. Mais Bouqui était fort et la
corde solide, au bout d’un moment elle dut se calmer.
Pendant ce temps chez les Malice avait lieu une tout autre scène. Malice caressait sa
mère et la suppliait de les laisser passer au cou une corde de bois patate.
« Maman, tu vois bien que c’est une comédie. Nous voulons faire une farce. Dès que
tu seras fatiguée, tu n’auras qu’à tirer pour voir la corde se rompre. Mais alors il ne
faut pas oublier de courir aussi vite que tu pourras parce que cet imbécile de Bouqui
pourrait te faire du tort. »
– Je n’aime pas ces plaisanteries dangereuses. On ne joue pas à vendre sa mère au
marché, Ti-Malice… »2
6
Selon la « morphologie du conte » telle que Propp l’a analysée (1970), la dynamique du
conte se construit à partir d’un ou plusieurs obstacles (la faim) qui se présentent à un ou
plusieurs « actants » (ici, les deux animaux, figurant des esclaves ou des colonisés en
quête d’argent) qui vont trouver un moyen d’obtenir l’objet de leur quête (ici, les
provisions). Il s’agit à chaque fois de ruser, de se montrer ingénieux pour combattre des
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« Trésors de veillées »
conflits ou surmonter des épreuves, et on voit très bien comment Bouqui tente par la
force et par sa force physique d’attacher sa mère, alors que Malice emploie un discours
mensonger pour l’appâter. Tandis que mère Malice refuse de se faire acheminer au
marché et s’enfuit malicieusement, la seconde se montre résignée, mais attend le moment
d’esquive. Recommandant la débrouillardise face à la déveine, l’espièglerie comme l’arme
de l’opprimé face à l’oppresseur, le récit suggère le bien-fondé et l’efficacité de l’attitude
de Maman Malice, dont nous perdons la trace ensuite. Quant à Maman Bouqui, elle aussi
disparaît une fois vendue à un parent !
Suzanne Comhaire-Sylvain en février 1919
© K. Gyssels (http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/comhaire-sylvain.html)
7
L’histoire burlesque épingle ensuite le désaccord et la traîtrise entre les larrons devant
partager le butin, l’argent que rapporte mère Bouqui. La duperie et la trahison sont en
effet deux autres conduites dont témoigne maint conte créole, afin d’apprendre aux
enfants comme aux adultes qu’il faut se méfier de chacun, qu’il faut toujours être sur ses
gardes. Ce comportement de ruse et de vigilance est sans cesse préconisé dans les contes
« trickster » de Brother/Brerr Rabbit (en Amérique noire), comme dans les contes
d’Anansi, l’araignée aux Antilles néerlandaises et au Surinam, et dans Le Roman de Bouqui :
l’universalité d’une résistance, d’un marronnage ou comportement métis (double) est la
leçon léguée d’une génération de « fils de ceux qui survécurent » à l’autre (Glissant).
8
Si l’anthropologue a pour objet d’étude l’Autre dans ses coutumes et expressions
culturelles, il est normal qu’aux Antilles, cette investigation ait porté sur cette littérature
nourrie de mythes et de légendes apportés de l’Afrique et de l’Europe. Le cycle de Ti Jean,
importé par les bûcherons bretons et normands, est un autre exemple de la greffe
extraordinaire du folklore européen sur l’univers des Plantations (voir Ina Césaire 1987).
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« Trésors de veillées »
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Parmi les centaines de contes, j’ai choisi Bouqui et Malice vendent leur mère parce qu’il peut
ou bien choquer le lecteur, ou au contraire lui paraître insignifiant. Soit, on rit jaune, soit,
on mesure l’immense tragique qui se cache derrière une fabulation aussi invraisemblable.
Or, le propre de l’esclavage, comme ont réussi à le traduire les écrivains africainsaméricains et antillais, c’est de rendre crédible cet « ordre » complètement inimaginable
qu’a été l’esclavage. Ce conte incite à réfléchir à ce qui a pu engendrer un tel assemblage
de signes signifiants et de dialogues paradoxaux. Aux Antilles, société tout entière
marquée par l’esclavage et la colonisation, l’anthropologie s’expose moins dans les
musées ou dans les « archives totales de l’humanité » que dans cette tradition orale, qu’a
fidèlement transcrite Suzanne Comhaire-Sylvain. Certes, la cruauté s’y décline de
manière apparemment anodine ; un ton de badinage creuse l’écart entre la mimésis (ce
que la scène est censée représenter) et les réactions de ceux qui sont les « héros » de la
narration et chez ceux qui constituent l’audience. Le conte comique illustre jusqu’où peut
aller la bassesse des enfants et des parents, en temps d’extrême dévastation et de totale
désolation qui sont le cortège de la traite négrière et de l’esclavage. Certes, on a vu sous
d’autres cieux (pensons à Hans und Gretel, de Grimm) combien la faim et la famine peuvent
inciter quiconque à de vils marchés, à des homicides et actes cannibales. Dans
l’imaginaire afro-caribéen et africain-américain, la faim est obsessionnelle dans tous les
contes issus de l’esclavage aux Antilles françaises (voir Léotin 1990 ; Relouzat 1989) 3.
Autre constante universelle, le stéréotype du « nègre affamé », du « nègre voleur » qui
dérobe des fruits et des citrouilles (d’où l’image dévalorisante de l’Africain-Américain au
large sourire dans une tête de citrouille), mais se fait à chaque fois attraper, la blancheur
de sa dentition le trahissant4.
10
Deux moments névralgiques continuent donc de hanter la mémoire : la déportation
d’Africains vers le Nouveau Monde, leur transbordement (middle passage), d’une part, et la
« criée » ou vente d’esclaves, de l’autre. Sur le mode ludique se décrit le déchirement
familial qui a trop souvent été occulté de la littérature sérieuse, ou alors résumé sous
forme d’allusion brève dans les « récits d’esclaves ». Pourtant, les slave narratives les plus
touchantes, et donc les plus abolitionnistes, vont représenter avec insistance la honte et
l’humiliation d’avoir été une marchandise qu’on palpe et qu’on examine. Frederick
Douglass dans son Autobiography of a Negro Slave (1848) en parle et Harriet Beecher-Stowe,
dans La Case de l’Oncle Tom (1852), y a dénoncé ce qui se faisait à cette époque à grande
échelle dans l’Amérique blanche et puritaine.
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« Trésors de veillées »
Les enfants Sylvain, septembre 1912
© K. Gyssels
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Plus près de nous, le roman à succès de l’Africain-Américain Alex Haley, Roots (1977),
adapté à l’écran et diffusé dans le monde entier, n’omit pas non plus de faire état de la
séparation des familles d’esclaves, lors de ventes et de reventes dues soit à des décès de
propriétaires, soit à des mauvaises récoltes ou encore pour d’autres raisons. Sur le mode
tragique, le narrateur nous prend à témoin de cette « déchirure » incurable. Même si le
rapport maternel n’y est pas explicité, il semble évident qu’outre les services seulement
domestiques, la femme qui se tient sur l’auction block pourrait être plus qu’une
domestique fidèle ou une gouvernante loyale, mais elle se trouve ravalée au statut de
simple marchandise :
« Il arriva avec le maître sur la place du chef-lieu du comté juste au moment où
s’ouvrait une criée aux enchères.
– Oyez, Oyez ! Gentlemen de Spotsylvanie. C’est des négros de première qualité que
j’vous offre aujourd’hui !
Tandis que le crieur haranguait l’assistance, son adjoint avait poussé une vieille
femme sur l’estrade. “Une fine cuisinière !”, commença l’homme – mais la
malheureuse se mit à interpeller frénétiquement un Blanc dans la foule :
– M’sieu Philip ! M’sieu P’hilip ! Allez pas faire ça, m’sieu Philip ! C’est-y qu’vous
auriez oublié c’que j’ai peiné pour vot’papa, et puis après pour vous ? J’suis plus
aussi vaillante, mais j’peux encore travailler dur. Oh ! mon Dieu ! M’sieu Philip, les
laissez pas m’vendre dans l’Sud, que là-bas ils m’fouett’ront à mort ! » (Haley 1977:
296).
12
Ce que les Africains-Américains ont décliné sur le mode de l’« autobiographie de l’exesclave », la littérature orale haïtienne nous le livre sous forme d’une histoire à
intentionnalité plaisante, sans médiation d’un narrateur autre que le mot de la fin, la
même morale, qui déconseille l’audience de se mêler des affaires de famille d’autrui 5 !
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L’explication résiderait dans l’histoire exceptionnelle du pays, qui, en l’espace d’une
décennie, de la plus riche colonie de la France est devenu la Première République noire du
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« Trésors de veillées »
Nouveau Monde : l’absence de la narration à la première personne de l’ex-esclave ou des
hommes de couleur (les « affranchis ») surprend. Les esclaves ayant eux-mêmes aboli
l’institution hideuse, ayant extirpé l’absolutisme et l’autoritarisme des Blancs, le discours
haïtien homologue davantage un culte d’exceptionnalisme. Même dans la littérature
contemporaine, ce sont plus la réinterprétation et la réapparition des grands héros
mythiques du pays, des pères fondateurs (Toussaint, Dessalines, Boukman, le roi
Christophe), la dénonciation du duvaliérisme et la dissémination du peuple haïtien que le
marronnage et l’esclavage qui inspirent les auteurs. De même, le roman historique haïtien
qui traite intégralement, d’un bout à l’autre de l’esclavage et de son abolition grâce à
Toussaint Louverture, fait défaut et, paradoxalement, vient d’être écrit par un Américain,
Madison Smartt Bell, qui y consacre une trilogie6. Née exactement il y a deux siècles, la
République d’Haïti7 ne connut pas ce mouvement littéraire où des voix négocient
l’émancipation des esclaves et l’égalité des droits.
14
Dans la littérature abondante d’Haïti, l’esprit espiègle, d’une part, l’autodérision, de
l’autre, restent toutefois omniprésents. Si l’on distingue une littérature du dehors (la
communauté exilée qui nous livre des regards sur ce que vit et traverse la République
aujourd’hui) et une littérature du dedans, deux postures anthropologiques s’y
manifestent.
15
D’une part, il y a un auto-exotisme de bon aloi qui joue stratégiquement sur les demandes
d’un lectorat exogène, essentiellement nord-américain et européen (francophone),
comme le fait un Dany Laferrière. Un Gary Victor, par contre, content d’être très
plébiscité au pays même, s’affiche comme l’héritier de ces griots infatigables qui
dépeignent avec beaucoup d’ironie et de cynisme les situations les plus affligeantes de
leurs pays. Nouvelliste et auteur de sketches, il retourne la situation, subvertit la
littérature sérieuse tout en dénonçant la dictature et la dérive du pays. Sous forme de
rubriques et de petites histoires dans les « gazettes », d’écrits virtuels de son double,
directement sur la toile (Gyssels : 2003), Gary Victor se montre blagueur et blasphémateur
quand il s’agit de décrire la corruption et la misère, l’impasse économique et politique 8
qui gangrènent son pays.
16
D’autre part, il y a une introspection d’inflexion plus psychologique, interrogeant la
nature profonde de l’âme haïtienne, le tiraillement et l’errance (Ollivier, Dalembert,
Danticat), ainsi que l’accoutumance à des situations extrêmes. Dans Archipel de la douleur,
l’écrivain haïtiano-allemand, Hans-Christoph Buch, s’interroge sur cette nature
paradoxale d’un peuple courageux et digne, malgré les « affres du défi » (Frankétienne),
un peuple debout après des décennies de terreur et d’injustices, à l’image de « l’éponge
gorgée de sang » (expression du poète cubain Nicolas Guillèn). Des séquelles de
l’esclavage, des situations colonialistes et des violences quotidiennes sont ainsi décrites
dans l’ouvrage de Buch, comme dans les romans spiralistes9 de Jean-Claude Fignolé qui va
jusqu’à dire qu’« une poétique schizophrénique » nourrit la littérature encore sous le
sceau de la censure. Edwidge Danticat, Haïtienne qui vit à New York, puise elle aussi dans
les contes d’Haïti pour faire passer des histoires atroces dans des temps plus proches de
nous.
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« Trésors de veillées »
Madame et Monsieur Sylvain entourés de leurs enfants, 1921
© K. Gyssels
17
Pour ses travaux, Suzanne Comhaire-Sylvain fut complimentée par Jean Price-Mars. Elle
travailla avec son mari, l’africaniste belge Jean Comhaire, et avec Alfred Métraux pour le
projet de développement de la Vallée de Marbial financé par l’Unesco. Fille de Georges
Sylvain, qui fut le premier à adapter les fables de La Fontaine et nièce de Bénito Sylvain,
le chantre du panafricanisme, elle fut celle qui, plus que toute autre, comprit très tôt que
le folklore représentait un matériau de choix pour tout anthropologue ou sociologue qui
s’intéressait à Haïti. Elle fut en outre l’élève de Malinowski, entretint une correspondance
suivie avec Courlander, Sainville, et nombre d’autres intellectuels ; elle aida à présenter la
richesse culturelle d’Haïti, ainsi qu’à préserver les coutumes et les rites africanistes de sa
population, comme en témoignent ses travaux menés à Kinshasa et au Nigeria10.
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2004 Haïti n’existe pas, 1804-2004 : deux cents ans de solitude. Paris, Éd. Autrement («Frontières»).
NOTES
1. Sa collection, Fab’Compè Zicaque (1976) a été rééditée et complétée par d’autres contes
bilingues chez Stock.
2. L’intégralité du conte se trouve dans Bouqui et Malice vendent leur mère, conte n° IV (ComhaireSylvain 1973: 29-31).
3. Cf. également Valérie Loichot,
Mots pluriels, sept. 2000, n° 15 en ligne : http://
www.arts.uwa.edu.au/jmc/MotsPluriels/MP1500vl.html
4.
Manthia
Diawara,
« The
Blackface
Stereotype »,
en
ligne :
http://
www.blackculturalstudies.org/m diawara/blackface.html
5. Le « Vous n’auriez jamais deviné ! » et « Allez vous mêler maintenant des affaires de famille ! »
sont les seules occurrences dialogiques, le conteur s’adressant et interpellant directement le
public.
6. Dont les deux premiers volumes sont disponibles, Le Soulèvement des âmes, Méjean, Actes Sud,
1996, et Maître des carrefours, Méjean, Actes Sud, 2004 (recensés infra, pp. 246 et suiv.).
7. En 1804, des esclaves ont pris en main leur destin, et contrairement à d’autres îles caribéennes
qui allaient rester sous le joug de l’esclavage pendant au moins un demi-siècle encore (les Antilles
françaises connurent l’abolition en 1848 grâce au soutien de Victor Schoelcher, Curaçao et
d’autres îles sous tutelle hollandaise durent attendre jusqu’en 1865, année où les États-Unis
affranchissaient leur « life-stock »).
8. Voir le numéro spécial, « Écrire en Haïti », Magazine littéraire, mai 2004, n° 431.
9. Mouvement littéraire fondé par Frankétienne, Philoctète et Fignolé, qui expérimente un mode
de narration destructuré, sans ponctuation, ou presque, non linéaire, et où une polyphonie de
voix rend difficile l’identification des personnages ; temps et espace se télescopent (cf. l’œuvre de
Frankétienne et de Fignolé) ; l’écriture rend compte du chaos qui règne dans une nation sans
État, secouée par des forces destructrices, tant naturelles que politiques.
10. Les photos reproduites ici ont pu l’être grâce au site « île en île » (www.lehman.cuny.edu/
ile.en.ile) et plus particulièrement grâce à Thomas Spear qui nous a fourni les photos numérisées.
Nous les en remercions. La Rédaction.
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« Trésors de veillées »
INDEX
Mots-clés : Haïti, littérature orale
Keywords : Haiti, oral litterature
AUTEUR
KATHLEEN GYSSELS
Université d’Anvers, groupe de recherches sur le postcolonialisme, kathleen.gyssels@ua.ac.be
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