Toussaint Caroline
Licence 1
Année 2014/2015
LES THERMES À POMPÉI
Bassin du frigidarium des thermes de Stabies
© Ch.Allg/Fotolia.com
C'est au terme de la guerre civile sévissant de 83 à 82 avant notre ère, que Pompéi,
autre fois cité Samnite, devint colonie romaine après la déduction Syllaienne amorcée dès
l'année 80 av J.C. La cité d'origine Osque, fondée au Vème siècle avant J.C, sera donc baptisée
« Colonia Cornelia Veneria Pompeianorum » par Lucius Cornelius Sulla (Sylla). La présence et
l'influence romaine marquent le début d'une grande entreprise d’agrandissement de la ville
passant par une romanisation de celle-ci sur de nombreux plan : architecturaux, religieux,
technologiques et urbanistiques. En effet ce phénomène se caractérise par la construction
d'édifices nouveaux mais aussi la transformation de ceux pré-existants. Ces entreprises de
changements révèlent deux aspects de l'installation romaine dans la cité autrefois Samnite :
premièrement,
les
changements
politiques
et
religieux
démontrent
une
volonté
d’homogénéisation de la colonie au modèle romains, puis l'augmentation démographique, qui
entraine l'agrandissement de la ville anciennement concentrée autour de L'Alt Stadt - sousentendu : la veille ville – entourée de remparts partiellement détruits à cette période afin
d'élargir la ville du coté Sud-Est (Egon Cesar Compte Corti – Herculanum et Pompéi : vie, mort
et résurrection):
« Pompéi , une ville de l’Italie romaine (89 av. J.-C. – 79 ap. J.-C.) », N. Monteix 2014/2015
Ce plan nous permet de visualiser clairement les portions de la ville datant de la déduction
coloniale en ce qu'elles apparaissent parfaitement parallèles et rectilignes, en comparaison
avec le tracé de la « veille ville ». Cependant, l'augmentation démographique de Pompéi
n'entrainera pas seulement un agrandissement de la zone urbaine - marqué par la volonté
d'installer des citoyens romains ou les colons ayant participé à la déduction – mais également,
une nécessité de développer des moyens techniques. Prenons comme exemple l'amélioration
des systèmes de distribution de l'eau, grâce à l'édification du Castellum Aquae. Effectivement,
ce château d'eau construit durant la période augustéenne est relié à « une branche » de
l'aqueduc de Serino1. Le castellum, placé au point culminant de la ville (Porte du Vésuve au
nord de la ville), remplaça les nombreuses citernes de récupération des eaux de pluie utilisées
à partir du VI ème siècle avant J.C2, au profit d'un système de distribution des eaux plus
efficace. Le réseau de canalisations en plombs alimenté par les eaux permet une distribution
constante, nécessaire au bon fonctionnement de la ville, dont les besoins accrus nécessitent
des quantités de plus en plus importantes. Ce progrès considérable en terme
d'approvisionnement permettra aux pompéiens de bénéficier d'un apport quasi permanent.
Cette évolution profite à de nombreux domaines, tels que l'agriculture ou le domaine privé
(maisons équipées de bains) ou encore aux structures thermales. Il faudra cependant
souligner que les thermes publics et privés sont déjà présents dans la société antique dès le
Vème siècle en Campanie et plus précisément à Pompéi. Il est en revanche incontestable que
le phénomène de colonisation de la ville marque un important et rapide développement des
édifices thermaux. L'étude de leur structure et de leur localisation permet effectivement de
placer les thermes comme l'un des centres névralgiques de la société du monde romain, en ce
qu'ils apparaissent comme un lieu de rencontre et de partage de la communauté urbaine. Leur
1 Adam Jean-Pierre et Varène Pierre,« Le castellum aquae de pompéi, étude architecturale », Revue
archéologique, 2008/1 n° 45, p. 37-72.
2 Adam, J-P, La construction romaine : matériaux et techniques, Paris, Grands manuels Picard, 1984, Chap 10, p 257.
fonction sociale se traduit par leur implantation au centre politique et public de Pompéi. La
colonie désormais placée sous l'égide romaine sera confrontée à la rénovation des bains préexistants ainsi qu'à la construction de nouveaux édifices afin de réponde, une nouvelle fois,
aux besoins grandissants de la nouvelle cité impériale.
De longues années de redécouverte et de fouille sur le site archéologique de Pompéi, nous
apportent - à nous contemporain - une multitude de renseignements et d'informations sur
l'évolution et l'utilisation des thermes au sein d'une ville directement touchée par
l'hégémonie de Rome. Ainsi ces structures de la vie quotidienne, offrent une véritable source
d'analyse archéologique, permettant une meilleure appréhension du processus de
colonisation. Au terme de l'analyse, nous pourrons répondre – toujours avec les nuances que
présentent les sources et les interprétations archéologiques – au questionnement qu'impose
la présence romaine dans l'enceinte pompéienne. En d'autres termes, dans quelle mesure
l'appropriation par les colons romains de la Pompéi Samnite peut-elle être mise en lumière
par l'étude du matériel archéologique ? À ce titre, notre analyse focalisera la nature des
thermes originels avant -80, et leurs évolutions suite à la déduction.
I- Institutions thermales de la cité Samnite
Pendant près de 200 ans Pompéi fut préservée des tumultes de la colonisation. En ce
sens, cette cité développa sa propre culture ses propres techniques, qu'il demeure nécessaire
d'aborder pour répondre à l'impératif de transition induit par notre problématique.
a- Les bains publics et privés
Il apparait logique de débuter notre réflexion par l'exemple le plus ancien de thermes publics
à Pompéi , les thermes de Stabies :
« Pompéi , une ville de l’Italie romaine (89 av. J.-C. – 79 ap. J.-C.) », N. Monteix 2014/2015
En effet, la première phase de construction des thermes de Stabies peut être datée au V ème
siècle avant J.C ; ils s’inscrivent donc comme l'édifice thermale le plus ancien de Pompéi: il se
constitue d'un simple bain froid, séparé par un couloir desservant plusieurs pièces dotées de
cuves plates. Seule l'aile Ouest est construite à cette période : (Voir plan ci-après)
Première phase de construction des thermes de Stabies avec la palestre déjà existante (période 1, V ème
siècle) . H. Eschebach, Die stabianer Thermen in Pompeji, Berlin, 1979
Les quatre pièces numérotées 3 correspondent aux cuves plates présentent durant la
première phase de construction de l'édifice.
Il faudra attendre la seconde moitié du III ème siècle avant notre ère 3, pour que ces cuves
soient remplacées par de plus grande baignoires d'immersion complète. Le III ème siècle
s'inscrit comme un siècle d'importantes évolutions des thermes de Stabies. On constate en
effet plusieurs ajouts : tels qu'une pièce rectangulaire prévue pour les bains et un
agrandissement de l'aile Ouest de la structure thermale.
Après avoir tenté de retracer brièvement la première ère des thermes de Stabies, notre étude
s'efforcera d'expliquer son évolution à partir de la seconde moitié du II ème siècle avant J.C
jusqu'à l’intervention romaine dans sa structure.
C'est au II ème siècle avant n.è que l'aile occidentale est délaissée suite à la construction de
celle à l'Est, où nous trouverons l'essentiel des structures balnéaires. Le croquis suivant nous
montre le détail de la nouvelle aile datant de la fin du II ème, début du premier siècle,
quelques décennies avant la déduction coloniale :
3 Datation proposée par Hélène Dessales dans l'article : « POMPÉI », sur Encyclopædia Universalis. Cependant
selon J-P Adam, la date de construction des thermes de Stabies remonterait courant II ème et estime la
modification des premières installations au III ème siècle av J.C. Cependant H. Eschebach, lui date la première
phase de l'édifice au VI-V sècle avant notre ère et selon lui le III ème siècle marquerait le premier
agrandissement de la structure de base.
H. Eschebach, Die stabianer Thermen in Pompeji, Berlin, 1979.
Ce plan nous éclaire sur plusieurs points : on constate dans un premier temps, l’extension de
la palestre dans sa longueur vers le Nord, puis l'apparition, clairement délimitée, des
différentes pièces de bains dont nous allons tenter de faire la description.
Tout d'abord, pour ce qui concerne les entrées : l'entrée principale se situe rue de
l'Abondance, trois entrées rue de Stabies, et enfin trois autres, rue des Thermes (ou rue du
Lupanar). La structure prévoit deux sections séparées par le praefurnium qui délimite les
bains hommes (entrée principale : rue de l'Abondance) de ceux des femmes (entrée située rue
de Stabie). Le praefurnium est situé au milieu de la partie Est, il a pour fonction de chauffer
les bains chauds de la zone non-mixte, soit 4 pièces (nous développerons les différentes
techniques de chauffe et leurs évolutions ultérieurement). On peut également constater une
symétrie entre les parties hommes et femmes (mise à part leur taille), ces derniers ont un
apodyterium et un caldarium : bains chauds ainsi qu'un tepidarium : pièce à température
moyenne, qui fait office de « sas » nécessaire à la régulation de la température à l'entrée.
Cette nouvelle disposition nous permet de noter une transformation dans l'usage des thermes
au cours du II ème siècle av J.C : les bains de propreté de l'époque classique et hellénistique
connaissent une mutation, ils vont vers une utilisation de détente. Cependant l'exercice et le
bien-être dans la pratique thermale resteront étroitement liés (ce que nous verrons plus tard
dans le fonctionnement des bains, avec la palestre)
Au cours de la période ou Pompéi demeurait encore Samnite, des bains privés pouvaient
également être présent dans les maisons des plus riches propriétaires.
Les balneum sont des bains privés construits dans les villas appartenant aux notables
pompéiens. De taille plus modérée que les thermes publics de la ville, ils sont néanmoins
organisés de la même manière, comprenant, un apodyterium (vestiaire) un caldarium ainsi
qu'un tepidarium pour les maisons les plus grandes. On en trouve cependant, que très peu
dans les maisons datant de la période pré-coloniale et dans celles de familles modestes, en
conséquence de leurs coûts d'entretient et de construction élevés. Du fait de leur caractère
inusité, nous reviendrons sur le cas des balneum avec plus de précision lorsque nous
aborderons la partie traitant du fonctionnement des thermes pompéiens dans leur ensemble.
Toutes les réflexions abordées nous amènent à développer celle des différentes structures
d'accueil et d'organisation.
b- L'organisation et les spécificités architecturales des structures thermales.
Pour commencer, nous tenterons de retracer le circuit que pouvaient suivre les usagés des
thermes, grâce aux aménagements et aux structures découvertes et interprétées par
l'archéologie au fil des années de fouille.
Les coutumiers des thermes pompéiens, après être entrés dans l'enceinte de l'édifice,
arrivaient directement sur la palestre (cours), délimitée par des péristyles (colonnade). Cette
cours avait pour usage de servir de zone d'exercice, dans laquelle on (les hommes car l'entrée
des femmes ne conduisait pas directement sur celle-ci) s'adonnait à des activités physiques
héritées de la tradition hoplitique spartiate. En effet, ils étaient soumis à un entrainement
militaire dans les gymnases prévus à cet effet. Néanmoins le caractère martial de la palestre a
laissé place à une utilisation plus sportive et urbaine de celle-ci. Pour reprendre l'exemple des
thermes de Stabies les athlètes s'entrainaient puis cet espace fut raccordé, au III ème siècle
avant J.C aux bains froids (loutron) . Immédiatement après l'entrée des bains, qu'il s'agisse du
coté des femmes comme celui des hommes, la première pièce, l'apodyterium, était destinée au
déshabillement et au dépôt des effets personnels. Dès lors, les usagers passaient dans le
tepidarium du latin tepidus, littéralement « tiède » qui faisait office de « sas », entre la
température extérieure et la chaleur du caldarium. Le caldarium, la pièce la plus chaude des
thermes, dans laquelle les baigneurs profitaient des piscines chaudes ou des bains de
vapeurs4, chauffés grâce au praefurnium. A la fin de leur séance thermales, les hommes comme
les femmes sortaient sur la palestre. Au III ème siècle avant J.C une grande piscine en plein air
fut ajoutée à celle-ci (bain du gymnase). Toutes les évolutions précédent la déduction
coloniale sont cependant difficiles à dater est à interpréter du fait des sources relativement
imprécises à ce sujet. C'est pour cela qu'il faudra impérativement nuancer ce descriptif formel
du fait de multiples ajouts, remaniements, rénovations etc... En cela il devient difficile d'établir
une chronologie absolue des différentes phases de construction de ces établissements. Malgré
tout, l'année 79 comme terminus ante quem, nous offre un matériel archéologique riche par sa
préservation.
Le fait même de pouvoir s'interroger sur les thermes pompéiens est permis par le simple fait
de leur implantation au sein du tissus urbain. S'ils sont représentés en aussi grands nombre
dans l'Urbs antique, c'est parce que précisément ils avaient un rôle et émanaient d'une
volonté sociale.
c – Les bains, un institution sociale.
Il apparaitra comme essentiel, dans un premier temps, d'expliquer l'importance majeure
qu'occupent les thermes dans la cité antique déjà sous influence romaine. Ces lieux peuvent
être considérés comme un lieu de rassemblement politique mais aussi de vie sociale, dans
lesquels la communauté urbaine se rassemble. Les thermes s'inscrivent au cœur des
habitudes et du mode de vie romain en ce qu'il allient bien-être de l'esprit et du corps.
4 Définition proposé par le Dictionnaire Larousse.
1- La politique et les thermes
Les thermes occupent une place de premier plan dans la vie politique de la ville. Les élites de
la cité s'y retrouvaient que ce soit pour parler affaire ou prendre d'importantes décisions
politiques. L'aspect fortement politique du rôle des thermes comprend également les actes
d'évergétisme des magistrats en vue dans la cité . Nous aborderons la notion d’évergétisme au
travers de la rénovation ou de la construction des thermes de Pompéi, qui sera plus
explicitement développé durant la période romaine de la ville.
2- La place des thermes dans la vie sociale
Pour commencer, la localisation même des thermes de Pompéi justifie leur importance dans la
vie de la cité, dès sa période d'occupation Samnite. Reprenons le seul exemple dont nous
disposons : Les thermes de Stabie, ils se situe sur l'un des axes principaux de la cité, soit , au
croisement de la rue de l'Abbondance et de la rue de Stabie. Leur proximité avec le Forum
(centre névralgique des enjeux politiques) ainsi que les sanctuaires religieux (temple de
Vénus) les placent au cœur même de la vie des citoyens.
La Campagnie nous offre, grâce à l'extraordinaire conservation des structures thermales, une
photographie de ces édifices complexes dont l'analyse peut – sans doute – s'appliquer à tous
ces types de constructions, découverts sur la péninsule italienne.
Toutefois, il ne s'agit là que d'un état des lieux concernant les thermes pompéiens, dans une
temporalité donnée, fixée et exigée par notre analyse. Si cette analyse lève le voile, et révèle la
réalité du système balnéaire de la cité durant la période samnite, l’expansion de ce dernier,
une fois passé sous égide romaine à la fin du premier siècle avant notre ère, nécessite une
toute autre approche.
II- Une homogénéisation de la l'Urbs au modèle romain
La colonisation de Pompéi entamée dès l'année 89 avant J.C, marque profondément le
fonctionnement de la nouvelle cité romaine. Le cadre urbain s'en trouvera fortement modifié,
par de nombreuses transformations : religieuse, politique, urbanistique etc... Mais cette
période de remaniement marque une évolutions des édifices thermaux sans précédant.
Le premier siècle avant notre ère s’inscrit comme un siècle de révolution technologique et
d'importante diffusion de la pratique thermale.
a- Le 1er siècle avant J.C et le premier de notre ère
La déduction coloniale marque l'érection de nouveaux édifices thermaux ainsi que la
rénovation et l’agrandissement de ceux préexistant : l'augmentation démographique et la
diffusion d'un nouveau mode de vie romain basé sur le raffinement et le bien-être en sont les
causes. La nouvelle colonie est pourvue d'un ensemble de 5 établissements thermaux sur
lesquels nous appuieront le reste de notre étude. Ici nous nous intéresserons à 4 d'entre eux :
Les thermes de Stabies, ceux du Forum, les sub-urbains et pour finir, les thermes Centraux.
Pour ce qu'il s'agit des thermes républicains, nous les privilégierons lors de l'analyse de
l'évolution des dispositif de chauffe.
Pour commencer cette analyse nous nous intéresserons à la rénovations et aux évolutions des
thermes de Stabies , dès l'arrivée des colons romains à Pompéi. C'est en effet au 1er siècle
avant J.C et plus précisément entre les années 80 et 50, que l'édifice connaitra de nombreux
travaux de modifications. Ces réfections sont attestées par l'inscription CIL X, 829. Elle nous
informe que les magistrats duumviri iure dicundo Caius Vulius et Publius Animius ont été
chargés d'effectuer la construction du laconium et du destrictarium ainsi que de la réfection du
portique et de la palestre5
Ces travaux ont été menés en respect de loi de Tarente, qui prévoit un don obligatoire. Qu'il
s'agisse des jeux, ludi, adressés aux Dieux ou par l'érection d'un monument à la suite de leur
élection. C'est le cas pour les thermes de Stabies comme nous l'illustre le plan suivant :
Nielsen, Thermae, fig. 75, d’après A. Maiuri
Ce croquis nous permet de visualiser (en gras) l'ajout du laconicum et du destrictarium dans le
secteur masculin des thermes, dès le début du Ier siècle avant notre ère. Ce laconicum est
construit sur un plan circulaire et surplombé d'une coupole 6. Cette pièce communique avec les
5 Cf pour la traduction de l'inscription : Fascicule de TD N. Monteix 2014/2015.
6 THÉBERT, Yvon. Planches In : Thermes romains d’Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen [en ligne].
Rome : Publications de l’École française de Rome, 2003 (généré le 29 mars 2015).
vestiaires alors que le destrictarium n'est accessible que par la palestre. Cette découverte
renforce l'hypothèse du lien entre cette pièce et les activités physiques qui pouvaient s'y
dérouler : en effet les athlètes avaient la possibilité de se nettoyer avant leur séance de bains.
Cependant ces deux derniers ajouts furent détruits au profit de la construction d'un
frigidarium, au cours de la seconde moitié du Ier siècle de note ère, à l'ancien emplacement du
laconicum . Le frigidarium faisait office de bain froid qui selon l'avis de médecins antiques 7
(sans doute sur recommandation du médecin personnel d'Auguste) serait un remède à
certains maux, notamment les maux de tête :
Pompéi, thermes de Stabies, état VI (Nielsen, Thermae, fig. 75, d’après A. Maiuri).
Ce dernier plan nous indique la position du frigidarium – noté F – à la place qu'occupait
auparavant le laconicum.
Nous verrons par la suite, grâce à l'analyse des autres édifices thermaux présents à Pompéi,
que cet ajout s'encrera dans les nouvelles formes de structures thermales. La destruction du
destrictarium quant à lui, permet l’agrandissement du caldarium (toujours dans la zone
masculine des bains) dans une forme absidale, au sein de laquelle sera érigé le labrum. L'ajout
de cette vasque d'eau froide à fond plat placée dans l'abside du caldarium remplacera la
fonction première du
destrictarium : elle servira donc aux baigneurs qui désirent se
débarrasser de la sueur et de l'huile dont ils sont enduit. Cette adjonction illustre la rupture
qui s’opère durant la période impériale, entre le bain de propreté et le bain de détente. Ce
tournant dans la structure thermale pourra être étudié au travers des constructions futures.
http://books.openedition.org/efr/2189
7 « The use of the baths varied according to individual taste and medical advice » Auguste Mau, Pompeii: Its Life
and art, 1904.
Les thermes du Forum construit en - 80 suite à la déduction coloniale s'inscrivent comme la
preuve évidente de la volonté romaine d'assoir son hégémonie sur la cité tout juste colonisée.
Leur édification répond également à un besoin croissant dû à la forte augmentation
démographique. Ils sont l'exemple d'un remaniement du cadre urbain de part leur
localisation : comme leur nom l'indique, ils sont situés en face du Forum, au nord ouest de la
ville, où sont également installés les nouveaux colons vivant de l'agriculture. Cette position
privilégiée offre donc un double avantage : un accès plus direct pour les populations rurales
ainsi qu'un emplacement politique stratégique :
« Pompéi , une ville de l’Italie romaine (89 av. J.-C. – 79 ap. J.-C.) », N. Monteix 2014/2015
L'inscription ci-dessus, concerne la construction des thermes du Forum pris en charge et
contrôlés par le collège de quattuorviri sur les fonds publics de la colonie. (Cf : Fascicule de
TD)
Il sera également intéressant d'étudier leur structure en ce qu'il sont les premiers thermes
édifiés immédiatement après la déduction. Ils nous livreront donc un bref aperçu des
évolutions qu'ont connus les thermes romains au cours de la deuxième moitié du Ier siècle
avant notre ère.
La première phase de construction des thermes du Forum (80 avant J.C) nous est en effet peu
connue. Ne seront seulement portées à notre connaissance l’existence de deux salles : un
tepidarium ainsi qu'un caldarium8. Aux vues du peu d'informations dont nous disposons, nous
nous intéresserons aux modifications survenues au cours de la deuxième moitié du siècle.
Tout comme pour les thermes stabiens, il fut ajouté à la structure de base, un laconicum ainsi
qu'un destrictarium.
Pompéi, les thermes du forum durant la seconde moitié du Ier siècle av. n.è. (Nielsen, Thermae, fig. 78, d’après E.
La Rocca et alii, Guida archeologica di Pompei, Milan, 1976, p. 131
Procédons à une brève description du plan présenté ci-dessus pièce par pièce :
8 THÉBERT, Yvon. Chapitre II. La révolution de l’hypocauste et l’invention d’un nouvel édifice balnéaire In :
Thermes romains d’Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen [en ligne]. Rome : Publications de l’École
française de Rome, 2003 (généré le 29 mars 2015). http://books.openedition.org/efr/2170
Aile Est, masculine :
P: Palestre, accessible par l'entrée principale (celle des hommes)
A: Apodyterium accessible par la Palestre
F: Frigidarium : construit sur un plan circulaire surplombé d'une coupole percée qui laisse
pénétrer les rayons du soleil, il communique avec l'apodyterium. Il est également équipé de
gradins pour le confort des baigneurs9.
T: Tepidarium : pièce non chauffée qui comme son nom l'indique doit être tiède pour assurer
la transition chaud-froid
C: Caldarium : pièce du secteur chauffé, il comporte une baignoire d'eau chaude ainsi que le
labrum (ajout plus tardif qui remonterait aux alentours de l'année 3-4 de notre ère 10) au fond
de l'abside.
Aile Ouest, féminine :
A: Apodyterium directement a l'entrée se situant sur la rue de la Fortune
T: Tepidarium : salle tiède
C: Caldarium
Du fait de sa très grande similitude avec les thermes de Stabies, nous ne développerons pas
plus l'aspect architecturale à proprement dit. Ce qui sera intéressant de relever, porte plus sur
la richesse de sa décoration et sa taille plus modeste qui marque une sorte de rupture avec les
bains de l'époque hellénistique, dont on sait que l'utilisation de propreté de complément à
l'exercice physique était privilégiée. Dans ce type de structure thermale, nous nous dirigeons
vers des fonctions consacrées à la relaxation et aux rencontres, qu'elles soient politiques ou
simplement inhérentes à la vie quotidienne de la communauté urbaine .
9 Cf : Robert Etienne, La vie quotidienne à Pompéi, Paris, Hachette Litttérature, 1998.
10 Datation proposé par Robert Etienne dans La vie quotidienne à Pompéi, Paris, Hachette Litttérature, 1998. A partir
des inscriptions CIL X, 824 et 893.
Labrum des thermes du Forum.
© Ch.Allg/Fotolia.com
Tout comme pour les thermes de Stabies et ceux du Forum, nous nous intéresserons à présent
aux thermes Sub-urbains et aux thermes Centraux en ce qu'ils comportent des similitudes
dans leur organisation :
1: Pompéi, thermes du centre (d’après La Rocca et alii, Guida archeologica di Pompei, Milan, 1976, p. 307)
2: Pompéi, thermes sub-urbains (d’après L. Jacobelli, Lo scavo delle terme suburbane. Notizie preliminari, dans
Rivista di studi pompeiani, 1, 1987, p. 151
Il apparaitra logique de les présenter dans l'ordre chronologique de leur édification :
Les thermes Sub-urbain diffèrent dans leur organisation architecturale des autres
établissements de la ville, à proximité de la porte Marine. Pour commencer ils ne comportent
qu'une seule section apparemment mixte et se situe hors de la ville. L'inscription retrouvée
près de la porte d'Herculanum : « Etablissement thermal de M.Crassus Frugi. Bain à l'eau de
mer et à l'eau douce. Januarius l'affranchis le recommande » nous informe la présence de
bains publics à l'usage d'une clientèle sans doute privée dont M.Crassus Frugi, consul en 64 de
notre ère, était vraisemblablement le propriétaire11.
Pour revenir à sa conception architecturale, il se compose d'un unique vestiaire (Plan 2
annoté : A). Cette pièce ornée de fresques érotiques, lui confère son surnom de « thermes
érotique ». La première phase de construction de l'édifice suit un axe linéaire, dans lequel on
retrouve les pièces communes aux établissement thermaux, c'est à dire : l'apodyterium, le
frigidarium, le tepidarium, le caldarium. Nous pouvons cependant noter deux grandes
différences dans la conception de cette édifice dans sa première phase de construction (c'est à
dire post 63-62) : premièrement contrairement à tous les autres édifices connus, on voit sur le
plan n°2 une évidente communication entre le laconicum et le tepidarium. Le lien entre ces
deux pièces, qui, auparavant (Ier siècle avant J.C) demeuraient sans lien visible, devient au Ier
siècle de notre ère une disposition architecturale commune aux futures constructions. La
nouveauté suivante se remarque également sur le plan (n°2) : on voit que les trois premières
pièces (A, F, T) prévoient un accès direct à la palestre.
Le tremblement de terre de 63-62 a comme nous le savons bouleversé l'organisation
architecturale de la cité coloniale. Effectivement suite à cette catastrophe, une grande
entreprise de reconstruction et de rénovation est engagée à Pompéi. C'est précisément dans
ce contexte que s'entame la seconde phase de construction des thermes sub-urbains. Sont
rajoutées dans l'établissement trois pièces supplémentaire à la construction originelle : une
piscina caldina (plan n° 2 : 3), piscine chauffée de dimension 9,55 x 5,50 m12 , une pièce
communicante avec la palestre (pièce 1) puis une autre salle ( n°2) qui communique avec la
11 Traduction de l'inscription et interprétations proposée par Robert Etienne dans La vie quotidienne à Pompéi,
Hachette littérature, 1998.
12 THÉBERT, Yvon. Chapitre II. La révolution de l’hypocauste et l’invention d’un nouvel édifice balnéaire In :
Thermes romains d’Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen [en ligne]. Rome : Publications de l’École
française de Rome, 2003 (généré le 30 mars 2015). http://books.openedition.org/efr/2170
pièce n°1 et le caldarium pour ensuite aboutir sur la caldina.
L'architecture des thermes Sub-urbains sera caractéristique des bains érigés au Ier siècle de
notre ère.
Les thermes Centraux (plan n°1) nous permettent de part leur édification plus récente (après
62-63) de détailler ces nouveaux types de constructions en rupture avec les anciens bains de
propreté rependus aux siècles antérieurs.
« Pompéi , une ville de l’Italie romaine (89 av. J.-C. – 79 ap. J.-C.) », N. Monteix 2014/2015
Au croisement de la Via di Nola et de la Via Stabiana, ils sont tous comme les thermes de
Stabies, situés au cœur de la ville à l’intersection de deux artères principales.
Aucune trace d'utilisation fut retrouvée lors de leur découverte, et les fouilles archéologiques
ont révélé que l'édifice construit après la catastrophe de 63-62, demeurait encore en travaux
lors de l'éruption du Vésuve en 79.
Profitant des dégâts causés par le tremblement de terre dans l'insula IX-4 et sur les maisons
alentours, la possibilité de construire un établissement balnéaire plus grand que tous les
autres est rendue possible. Effectivement les thermes Centraux s'inscrivent comme les plus
grands thermes de l'Urbs. Selon Etienne Robert, ils marquent « une rupture et annoncent une
nouvelle ère de l’architecture thermale. ». Propos qu'il faudra cependant nuancer, car comme
l'explique Y. Thébert, il faut faire attention de ne pas tomber dans le « mythe des thermes
campanniens ». Ils nous offrent une photographie de l'évolution thermale, sans doute
applicable à l’échelle italienne, dû à leur formidable état de préservation et non comme un cas
isolé propre à la région et à la colonie.
Des similitudes avec les thermes Sub-urbains peuvent être relevées : une section unique et
sans doute mixte, le tepidarium communicant avec le laconicum construit sur un plan
circulaire. Ils diffèrent cependant de ces derniers sur plusieurs aspects :
–
Apparition d'une nouvelle forme de caldarium dépourvu d'abside et de labrum,
l'absence de cette vasque, assurant une fonction de propreté illustre la rupture
entamée par les bains du Ier siècle de notre ère. L'espace dédié au bain est alors
agrandis.
–
Le labrum est remplacé par une petite niche du caldarium sur un pan du mur Sud13.
Témoignage de la désuétude de cette installation.
Notre analyse nous aura permis de découvrir les transformations et les évolutions auxquelles
furent confrontés les bains publics suite à la déduction coloniale. Malgré une utilisation moins
importante des bains privés après l'année 63-63, il sera cependant nécessaire d'en dresser un
bref catalogue car il en subsiste qui seront encore en état de fonctionnement au moment de
l'éruption de 79.
Les Thermes de la Praedia de Julia Felix
13THÉBERT, Yvon. Chapitre II. La révolution de l’hypocauste et l’invention d’un nouvel édifice balnéaire In :
Thermes romains d’Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen [en ligne]. Rome : Publications de l’École
française de Rome, 2003 (généré le 30 mars 2015). http://books.openedition.org/efr/2170
Pompéi, bains de Iulia Felix, Fabbricotti, Bagni.
A l'origine, construit en tant que bains privatifs, ils deviennent après le tremblement de terre
de 63-62 ouverts au public, en réponse à des besoins financiers plus importants, afin de
réparer les dégâts causés par la catastrophe. En comparaison à d'autres structures thermales
privées, on constate que le villas offrent les mêmes prestations que les grands thermes
publics, autrement dit : un portique à l'entrée, une natatio, un apodyterium, un tepidarium, un
laconicum, communiquant avec le tepidarium et enfin un caldarium.
Thermes de la maison du Centenaire
Les bains privés de la période du Ier siècle de notre siècle « reflètent les réalités des bains
publics »14. Les thermes de la maison du Centenaire - au même titre que les bains de la villa
Julia Felix - sont construit sur un modèle courant de bains privés c'est à dire : frigidarium,
tepidarium, caldarium. Cependant on peut noter l'absence du laconicum, et du labrum dans
l'abside du caldarium, qui comme dans les thermes centraux devaient se trouver dans une
niche directement dans le caldarium.
14 Idée avancée par: THÉBERT, Yvon. Chapitre II. La révolution de l’hypocauste et l’invention d’un nouvel édifice
balnéaire In : Thermes romains d’Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen [en ligne]. Rome :
Publications de l’École française de Rome, 2003 (généré le 30 mars 2015).
http://books.openedition.org/efr/2170
La monumentalisation des édifices, si l'on prend les thermes centraux comme référence,
devient édifiante. Ce fait n’étant pas anodin, une question vient se poser : les évolutions
architecturales des édifices thermaux peuvent-elles être développées sans le concours des
progrès technologiques.
b- Les nouveaux aménagements : vers une modernisation du fonctionnement thermal
Nécessité de parler des nouvelles technologies pour expliquer la forte évolution des édifices
thermaux.
–
Le castellum Aquae
C'est à partir du IV ème siècle avant J.C, que les maisons pompéiennes furent équipées de
citernes individuelles de récupération d'eau de pluie sur les toits des maisons. Les thermes se
sont également équipés de ce genre de dispositif (la citerne la plus importante de la cité est
celle des thermes du Forum). Cependant ce système d'approvisionnement en eau ne permet
pas un apport permanent, nécessaire au bon fonctionnement des édifices thermaux, qui se
répandent et s'agrandissent tout au long du développement de la colonie. Cette nécessité de
disposer d'un système d'abduction d'eau plus efficace va donc de paire avec l'augmentation
du nombre de bains au sein de l'Urbs.
L'époque Augustéenne voit l'érection de l'aqueduc de Serino, qui avec la construction du
castellum aquae de Pompéi assure un approvisionnement en eau plus efficace. En effet ce
château d'eau est construit à l'ouest de la porte du Vésuve, qui se trouve être le point le plus
élevé de la cité. Le dénivelé de 750 mètre 15 et un performant système de canalisations en
15 J-P Adam, La construction romaine, Grands manuels Picards, 1984.
plombs assurent les réserves d'eau permanente nécessaire au bon fonctionnement des
édifices thermaux. Les anciennes citernes sont à présent utilisées comme réserves d'appoint.
L'eau accumulée dans le bassin du castellum est filtrée à l'aide d'une grille avant de rentrer
dans le bassin de décantation. Après avoir traverser une seconde grille plus fine, l'eau termine
par s'écouler dans trois tuyaux de plombs différents qui assurent la distribution urbaine,
enterrées sous les trottoirs. Ces canalisations distribuent ensuite les châteaux secondaires qui
jonchent la ville.
« Pompéi , une ville de l’Italie romaine (89 av. J.-C. – 79 ap. J.-C.) », N. Monteix 2014/2015
Cette avancé technologique assure un débit régulier de l'eau à toute la ville et notamment aux
édifices qui intéressent notre sujet : les thermes.
–
L'hypocauste
L'amélioration du système de chauffage, tout comme l'amélioration du système
d'approvisionnement en eau apparaît comme l'élément essentiel de la modernisation des
établissements thermaux.
Les thermes publics dans leur première forme – dès le la fin du II ème ou premier siècle avant
notre ère – furent dotés de la forme la plus primitive du système de chauffage, assuré par de
simples canaux, chauffés par un feu. Par exemple, plusieurs maisons de Pompéi sont pourvues
d'un caldarium dont l'un des murs est mitoyen à l'un des murs de la cuisine. Ce lien entre bain
et cuisine peut donc révéler un mode de chauffage commun, qu'il s'agisse de la chaleur
nécessaire pour concocter un repas ou pour chauffer un bain. Le chauffage par hypocauste
apparaît donc comme une révolution technologique dans le fonctionnement même des
structures thermales. Le chauffage par hypocauste: chaleur émanant d'un feu ou d'une cloison
chauffée16. De ces deux solutions, la dernière fut retenue dans un soucis d'émanation de fumée
et de gaz provoquée par le feu . La source de chaleur nécessaire pour chauffer les cloisons, est
le praefurnium. Ce foyer se situe au sous-sol des thermes dans une pièce ventilée grâce à une
ouverture directement percée dans le mur, et jouxté par une salle capable de recueillir le
carburant nécessaire à l'alimentation du foyer. L'Hypocauste est donc un espace semblable à
un four, dans laquelle se diffuse la chaleur du praefurnium. Le sol de cette salle, est ce que l'on
appelle un sol sur « suspensura », littéralement « sol suspendu ». Il s'agit là d'un sol installé sur
un grand nombre de briquettes, construites verticalement sous forme de petites colonnes
creuses. Ce dispositif avait pour but de chauffer les bains par le sol et grâce au doubles16 Définition proposée par J-P Adam.
cloisons, de chauffer la pièce toute entière. Les thermes du Forum et de Stabies ont bénéficié
de ce dispositif dès le début du Ier siècle avant notre ère.
Hypocauste des thermes Centraux de Pompéi. J-P Adam, La construction romaine.
Ce plan schématise ce qu'aurait été le système de chauffe des thermes Centraux, si leur
travaux avaient été terminé. Il met également en évidence, le praefurnium, l'hypocauste, les
pilettes verticales, le sol sur suspensura. Ce croquis fait également apparaître une nouveauté
datant sans doute de la première moitié du Ier siècle de notre ère : les tubuli. Les tubili sont
des canalisations de céramique rectangulaire, mise bout à bout elles forment un conduit de
fumée. Celles-ci assurent l'évacuation de la fumée plus efficacement que les tegulae
mammatea, situées dans les double-cloisons. Ces dernières furent utilisées au Ier siècle avant
J.C dans les thermes de Stabies et du Forum. Les fouilles ont permis de constater que ces
derniers étaient équipés de tegulae mammatea, alors que les thermes de Stabies, eux, n'en
comptaient plus que dans le tepidarium masculin. En effet, au cours des travaux effectués
après le tremblement de terre de 63-62, ils se sont pourvus de tubuli dans le caldarium de la
section masculine. Il en va de même pour les thermes Centraux, comme l'atteste le schéma
d'hypocauste ci- dessus.
Afin de replacer ce système dans un contexte ayant un rapport direct avec notre étude, nous
prendrons l'exemple de l'hypocauste des thermes de Stabies :
Pompéi, thermes de Stabies, état VI : les hypocaustes.H. Eschebach, Die stabianer Thermen in Pompeji, Berlin,
1979.
Les thermes de Stabies après 62, étaient pourvus d'un système d'hypocauste présent dans les
quatre pièces de la zone chauffée : deux dans la partie féminine, deux autres dans la partie
masculine, schématisée sur le plan ci-dessus par une série de points noirs rectilignes.
C'est au cours de la seconde partie du Ier siècle avant notre ère que sont effectués les
améliorations du système de chauffage. En effet la destruction du laconicum au profit d'un
frigidarium aura pour conséquence de réduire les pièces chaudes à deux au lieu de trois. Cette
évolution profite également au tepidarium qui aura l'avantage d’être mieux attiédi. Il ne subit
plus les émanation de chaleur provenant de l'ancien laconicum17.
Il apparaît de façon évidente que l'évolution des thermes ne peut aller que de paire avec la
modernisation des systèmes indispensables à leur bon fonctionnement autrement dit : une
17 Idée avancée par: THÉBERT, Yvon. Chapitre II. La révolution de l’hypocauste et l’invention d’un nouvel édifice
balnéaire In : Thermes romains d’Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen [en ligne]. Rome :
Publications de l’École française de Rome, 2003 (généré le 31 mars 2015).
http://books.openedition.org/efr/2170
meilleure distribution de l'eau ainsi qu'un dispositif de chauffe performant. Cependant ces
innovations n'aurait pas eu lieu d’être sans le concours des magistrats et de la colonie pour
conduire ces grands travaux d'urbanisations.
c- Les actions d’évergétisme
Commençons par une rapide définition de la notion d'évergétisme : l'évergétisme est un acte
des magistrats, qui font un don ou un service à la communauté. Il peux se présenter sous
forme de constructions de monuments, de réfections d'un édifice urbain, ou d'organisations
de grandes fêtes en remerciement de son élection, ou encore pour gagner en capital social.
Qu'il s'agisse de fêtes ou de constructions, les actes d’évergétisme concernent uniquement le
domaine du « plaisir » quotidien : amphithéâtre par M. Porcius et C. Quinctius Valgus, la
réfection du théâtre par Marcus Holconius Rufus et M. Holconius Celer à la fin du Ier siècle
avant J.C, ou encore la rénovation des thermes qu'il s'agisse de leur construction ou de leur
rénovation. Pour citer un exemple que nous avons déjà abordé auparavant : La réfection du
portique et de la palestre des thermes de Stabies ainsi que l'ajout du destrictarium et du
laconicum par les duumviri iure dicundo Caius Vulius et Publius Animius. Toujours en ce qui
concerne les thermes stabiens, le cataclysme de l'an 63-62 a entrainé de longues et
importantes rénovations de ceux-ci (comme pour de nombreux autres édifices d'ailleurs).
Autre que des rénovations purement architecturales, ils profitent également de réfections
décoratives : le frigidarium comprend un sol en marbre et d'un plafond vouté (dôme) orné
d'une moulure en stuc figurant la voute céleste 18. Les murs de celui-ci étaient également
richement décorés de fresques représentants un paysage naturel. L'apodyterium gravement
endommagé par le tremblement de terre, profite également de travaux de rénovation : afin de
18 Description proposée par Etienne Robert.
soutenir les murs, un podium pourvu de quatre piliers fut érigé.
Les réfections effectuées entre 62 et 79, sont les témoins d'une volonté inaltérable de se
reconstruire malgré une crise qui touche la région toute entière (tremblement de terre de 6362).
Grâce à l'étude des thermes nous avons pu trouver dans leur évolution, une trace de la
présence romaine en ce qu'elle marquera le fonctionnement de la colonie. Notre
développement s'est construit autour de deux grands axes de réflexions. Nous nous sommes
tout d'abord interrogés sur la nature de ces établissements au cours de la période
d'occupation Samnites de la cité. Nous avons donc constaté qu'il s'agit d'édifices plus
modestes dont l'architecture et le fonctionnement sont directement hérités des bains de
l'époque classique et hellénistique. Cependant les III ème et II ème siècle avant notre ère
marque une rupture dans leur fonctionnement originel : de bains de propreté strictement liés
à l'exercice physique, on se dirige vers une utilisation plus centrée autour du bien-être et du
plaisir. Le deuxième axe conducteur de notre analyse s'est borné à la période coloniale. Les
évolutions constatées sont nombreuses : architecturale, fonctionnelle, technologique, etc.. La
présence romaine au sein de la nouvelle Urbs engendre inévitablement l’essor des édifices
thermaux en réponse à une demande plus importante induite par la forte augmentation
démographique (environ 2000 colons s'installent dans l'enceinte de la ville au moment de la
déduction syllaienne) mais également à cause de la diffusion massive de ce modèle et de ce
nouveau mode de vie. Au premier plan du dossier, apparaît une importante zone industrielle
que nous devons comprendre comme l'implantation de riches commerçants romains, qui
participeront au développement économique de la cité.
Nous ne pouvons cependant pas formuler de réponse précise à notre problématique de départ
car oui, il apparaît évident que la colonie sous autorité romaine connait un remaniement et
des progrès urbains sans précédent, passant bien sûr par les travaux effectués sur les
nombreux édifices thermaux présent dans la cité. Mais les bains de la nouvelle ville romaine
répondent à un modèle que l'on pourra appliquer à toute la zone méditerranéenne 19. Malgré
cette constatation, il faudra tout de même reconnaître l'héritage romain laissé à Pompéi au
travers de ces édifices et des améliorations technologiques ainsi qu'économiques dont a
profité la Colonia Cornelia Veneria Pompeianorum. Nous nous permettrons pour finir de
formuler l'hypothèse suivante : il semblerait que les colons n'aient pas fait le choix de plaquer
sur Pompéi le modèle type de la cité romaine, mais plutôt de préserver l'identité Samnite qui
ne sera qu'améliorée et aménagée pour convenir à leur mode de vie. Néanmoins, la période de
remodelage urbain la plus frappante prit place entre 62 et 79 : en ce sens, il est permis de
remettre en cause l'hypothèse précédemment formulée puisque, cet effort de transformation
eut pu préfigurer le visage résolument romain de la colonie. L'éruption du Vésuve interrompit
cependant cette grande entreprise.
19 Idée avancée par: THÉBERT, Yvon. Chapitre II. La révolution de l’hypocauste et l’invention d’un nouvel édifice
balnéaire In : Thermes romains d’Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen [en ligne]. Rome :
Publications de l’École française de Rome, 2003 (généré le 31 mars 2015).
http://books.openedition.org/efr/2170
BIBLIOGRAPHIE
I- Ouvrages généraux
MAU AUGUSTE, Pompeii: Its Life and Art, 2nd édition,1904.
ADAM J-P, La construction romaine : matériaux et techniques, 4e éd., Paris, Picard, 2005.
THÉBERT, YVON. Thermes romains d’Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen. Nouvelle
édition [en ligne]. Rome : Publications de l’École française de Rome, 2003
mars 2015). Disponible sur Internet :
(généré
le
28
<http://books.openedition.org/efr/2147>
II- Articles spécialisés
ADAM JEAN-PIERRE, VARÈNE PIERRE, « Le castellum aquae de pompéi, étude architecturale », Revue
archéologique 1/2008 (n° 45) , p. 37-72 URL : www.cairn.info/revue-archeologique-2008-1page-37.htm.
CÉBEILLAC MIREILLE, L'évergétisme des magistrats du Latium et de la Campanie des Gracques à
Auguste à travers les témoignages épigraphiques. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome.
Antiquité T. 102, N°2. 1990. pp. 699-722.
DESSALES HÉLÈNE, « Des usages de l'eau aux évaluations démographiques », Histoire urbaine
2/2008 (n° 22) , p. 27-41 URL : www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2008-2-page-27.htm.
DESSALES HÉLÈNE, « POMPÉI », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 mars 2015.
URL : http://www.universalis-edu.com.ezproxy.unr-runn.fr/encyclopedie/pompei/
LENOIR ELIANE, « Thermes et palestres à l'époque romaine ». In: Bulletin de l'Association
Guillaume Budé, n°1, mars 1995. pp. 62- 76.
MONTEIX NICOLAS, « Espace commercial et puissance publique a Pompéi ». Alexandra Dardenay,
Emmanuelle Rosso. Dialogues entre sphère publique et sphère privée dans l’espace de la cité
romaine. Vecteurs, acteurs, significations, Ausonius editions,
́
pp.161-184, 2013, Scripta
Antiqua,
PICARD GILBERT-CHARLES , « THERMES », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 23 mars
2015. URL : http://www.universalis-edu.com.ezproxy.unr-runn.fr/encyclopedie/thermes/