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L’émergence d’une régulation sous-régionale des forêts en
Afrique centrale
Fabrice Kengne Fotso*
Résumé
L’échec des tentatives de mettre sur pieds une réglementation mondiale contraignante appli‐
cable aux forêts a eu pour conséquence de susciter des initiatives plus circonscrites, aux
contours plus réalistes et en théorie moins sujettes à des pesanteurs. En Afrique centrale,
l’idée a très vite reçu l’adhésion des décideurs et des actions concrètes ont été envisagées
et réalisées, dans le but de parvenir à une gestion durable des forêts qui soit le résultat
de démarches et d’actions concertées. Ces dynamiques ont conduit, à n’en point douter, à
l’émergence d’une régulation à vocation sous-régionale, s’appliquant principalement aux
forêts constituant l’entité écologique dit du Bassin du Congo. Seulement, si l’ossature d’une
telle régulation est déjà clairement identifiable, il demeure important de se demander si
celle-ci est dotée des attributs et atouts nécessaires pour parvenir à une gestion durable des
forêts qui soit le fruit d’une concertation véritable et non feinte. La présente étude s’évertue
à démontrer qu’il émerge indubitablement en Afrique centrale une régulation sous-régio‐
nale des forêts, quoiqu’il soit important de souligner, dans l’ensemble, son manque de
fermeté.
Abstract
Failed attempts to put in place a binding global forest regulation have led to more narrow,
more realistic and, as a matter of principle, less burdensome initiatives. In central Africa,
the idea quickly received the support of policy makers and concrete actions were consid‐
ered and carried out, with the aim of achieving sustainable forest management which is the
result of concerted actions. These dynamics have undoubtedly led to the emergence of a
sub-regional regulation of forests, mainly applicable to forests constituting the ecological
entity known as Congo Basin forests. However, if the structure of such a regulation is
already identifiable, it remains important to ask whether it has the attributes and assets
necessary to achieve sustainable forest management which is the result of genuine and
unfeigned concertation. This study strives to demonstrate that there is undoubtedly a sub-re‐
gional regulation of forests in central Africa, although it is necessary to point out the lack of
firmness of some important aspects of its whole structure.
* Fabrice Kengne Fotso est Docteur/Ph.D en Droit privé, Enseignant-chercheur à l’Université de
Dschang (Cameroun), spécialisé en droit des ressources naturelles. Ses principales recherches
portent actuellement sur la gouvernance forestière dans ses nombreux aspects (gestion, exploitation,
répression des activités illégales).
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Introduction
Les forêts assurent un large éventail de services à l’homme, aussi bien sur le plan écono‐
mique1, environnemental2 que social,3 et les chiffres sont très éloquents pour exprimer cet
état de fait. Cette importance des forêts explique l’engouement manifesté par la communau‐
té internationale pour leur réglementation et leur protection, surtout depuis qu’elles sont
en proie à de graves menaces.4 C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’ambition pour
la mise sur pied d’un dispositif normatif international et contraignant autour des forêts.
Plusieurs raisons expliquent une telle ambition : tout d’abord, le caractère transfrontalier
des bénéfices et conséquences tirés de leur bonne ou mauvaise gestion. Ensuite, l’échec des
législations souveraines à leur assurer une protection suffisante.5 Enfin, l’homogénéité de
certains massifs forestiers, leur unité écologique, qui s’oppose à une législation hétéroclite.
1 Sur le plan économique, le secteur forestier fait partie des domaines productifs importants dans les
pays abritant une industrie du bois. Une étude réalisée par la FAO présente clairement l’importance
des recettes perçues par divers pays du monde à travers l’exploitation des forêts, au cours d’une pé‐
riode allant de 2000 à 2010. Voir Fao, Évaluation des ressources forestières mondiales 2015. Réper‐
toire de données de FRA 2015, Rome, 2015, pp. 229 et s. Pour un cas spécifique comme celui du
Cameroun, d’après une étude réalisée en 2013, les analyses thématiques des filières montraient que
la contribution du secteur forêt-faune était alors de 4 % du Produit Intérieur Brut hors pétrole. Voir
R. Eba’a Atyi, G. Lescuyer, J. Ngouhouo Poufoun et T. Moulende Fouda, Étude de l’importance
économique et sociale du secteur forestier et faunique au Cameroun, Rapport final, 2013, p. xix.
Cette étude est disponible sous le lien suivant : http://www.minfof.cm/documentation/Etude_MINF
OF_2013.pdf. En 2005, cette contribution était évaluée à 10 %. Voir Minef, Situation actuelle des
forêts au Cameroun, 2005, disponible à http://www.minef.cm/Forêts/Gestion%20des%20Forêts.ht
m.
2 Sur le plan environnemental, les forêts jouent un rôle essentiel dans l’adaptation aux changements
climatiques et l’atténuation de leurs effets. Voir Fao, Situation des forêts du monde. Forêts et agri‐
culture: défis et possibilités concernant l’utilisation des terres, p. 2. Voir aussi H. Bikie, « Aperçu
de la situation de l’exploitation forestière au Cameroun », Rapport pour l’Observatoire Mondial des
Forêts, 2000, p. 4.
3 Sur le plan social, les forêts tropicales fournissent un habitat à 50 millions de personnes dans le
monde. L’estimation est de D. Bryant, D. Nielsen et L. Tangley, « Les dernières forêts-frontière:
Écosystèmes et économies à la limite » (Washington, DC: World Ressources Institute, 1997), cités
par H. Bikie, préc., p. 9.
4 Comme le rappelle si bien un auteur, « le déboisement et la dégradation des ressources forestières
sont les principales mesures qui pèsent sur la biodiversité de l’Afrique centrale ». Voir S. Assembe
Mvondo, « Dynamiques de gestion transfrontalière des forêts du bassin du Congo: une analyse du
traité relatif à la conservation et la gestion des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale », Journal
du droit de l’environnement et du développement, Vol. 2/1, 2006, p. 110.
5 Sur cet aspect précis, l’on peut être d’avis avec un auteur qui affirme que « sans entrer dans les
détails de régulation dans tous les pays du monde, il est clair que la législation souveraine n’est
ni homogène, ni suffisante dans certains cas pour freiner le déboisement ». Voir H. Z. A. Van Der
Loos, La régulation transnationale privée du secteur forestier en Russie, Mémoire de maîtrise en
science politique, Université de Lausanne, automne 2015, p. 5.
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Seulement, les efforts en vue de la mise sur pieds d’un dispositif normatif international
contraignant et s’appliquant aux forêts se sont presque toujours soldés par un échec.6 Tel
était pourtant l’un des objectifs de la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et
le Développement (CNUED). Bien que les parties à cette rencontre aient pu aboutir à des
instruments contraignants pour ce qui est des changements climatiques et de la biodiversi‐
té,7 elles n’ont pu signer, pour ce qui est des forêts, que des « Principes de gestion des
forêts », consignés dans un chapitre intitulé « Déclaration de principes, non juridiquement
contraignante mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conser‐
vation et l’exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts ». Près de trois
décennies après la Convention de Rio, il n’y a donc toujours aucun instrument contraignant
d’envergure mondiale ayant pour objectif d’organiser la gestion et l’exploitation des forêts
et d’endiguer les phénomènes ci-dessus décriés. Les raisons de cet échec sont nombreuses.
Au rang de celles-ci, il convient de mentionner, en premier lieu, l’opposition séculaire
entre l’intérêt des pays propriétaires de forêts à faire de leur exploitation un outil de
développement et celui du monde entier à faire d’elles un instrument pour empêcher ou
réduire le réchauffement de la terre.8 Cette raison explique particulièrement l’opposition
entre l’idée de « forêts, patrimoine national d’intérêt commun » et celle de forêt comme
« patrimoine commun de l’humanité ».9 En deuxième lieu, les pesanteurs qui entourent
généralement l’élaboration des instruments juridiques internationaux, les pays industrialisés
étant souvent enclins à faire prévaloir leurs vues.10 En troisième lieu et de manière plus
significative, la diversité avec laquelle les problèmes liés aux forêts ou plus généralement
6 D’après S. Assembe Mvondo, « les partisans d’un instrument international juridiquement contrai‐
gnant avancent qu’un tel acte juridique pourrait instaurer des principes et des règles universelles
de gestion durable des forêts obligatoires pour tous, susceptibles de mieux contrecarrer la situa‐
tion déplorable actuelle ». op. cit., p. 108.
7 Pour les premiers, il s’agit de la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements Clima‐
tiques (CCNUCC) entrée en vigueur en 1994 et pour la seconde la Convention sur la Diversité
Biologique (CDB), entrée en vigueur en 1993.
8 Pour cette raison particulière, voir S. H. Nnanga, « La protection juridique des forêts africaines :
mythe ou réalité? », Revue Africaine de Sciences Juridiques, Vol. 4, n° 1, 2007, p. 217. À
titre d’illustration aussi, il convient de mentionner l’ambition clairement affichée du Président
récemment élu du Brésil, Jair Bolsonaro, d’exploiter abondamment les forêts amazoniennes pour
assurer le développement de son pays, au grand dam des populations autochtones, des ONG et
autres organismes de conservation de la nature et de la lutte contre les changements climatiques.
Voir https://www.nationalgeographic.fr/environnement/le-nouveau-president-bresilien-souhaite-ex
ploiter-lamazonie-mais-en-t-il-le-droit.
9 Voir M. Kamto, « Les forêts, patrimoine commun de l’humanité en droit international », In Actes
des 1eresjournées scientifiques du Réseau « Droit de l’Environnement » de l’AUOELF-UREF,
Limoges, Bruylant, 1994, pp. 79–90.
10 Pour cette raison précise, voir M. Kamto, « Les conventions régionales sur la conservation de
la nature et des ressources naturelles en Afrique et leur mise en œuvre », Revue Juridique de
l’Environnement, n°4, 1991, p. 438.
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à l’environnement se posent dans les régions du monde, rendant par conséquent leur
appréhension globale d’une singulière difficulté.11
Face à la difficulté d’adopter un instrument juridique international contraignant pour
réguler la gestion et l’exploitation des forêts, l’on assiste de plus en plus à l’émergence de
dynamiques dans des cadres plus restreints. La démarche n’est pas nouvelle en Afrique,12
dans la mesure où les initiatives de mise sur pieds d’instruments juridiques contraignants
s’appliquant entre autres aux forêts africaines remontent à quelques années seulement après
les indépendances. Dans le domaine plus large des ressources naturelles, il existe depuis
longtemps d’importants textes dont l’un de 1968 intitulé « Convention africaine pour la
conservation de la nature et des ressources naturelles (Convention d’Alger, 1968) ». Consi‐
dérée alors comme la seule convention régionale africaine de portée générale en matière
de protection de la nature et des ressources naturelles,13 cette convention n’a cependant
pas tenu les promesses qu’elle avait portées pendant son élaboration dès les années 1960.14
Révisée par la Conférence de l'Union Africaine qui s’est tenue à Maputo en 2003, puis
entrée en vigueur en 2016, elle demeure non opérationnelle.15
11 C’est cette raison que le Professeur Maurice Kamto avance pour expliquer le choix des pays
africains pour la régionalisation du droit en matière d’environnement, au détriment de leur interna‐
tionalisation. Il explique, en effet, que sauf dans quelques matières bien peu nombreuses telles
que les déchets toxiques, les problèmes de l’environnement ne se posent jamais dans les mêmes
termes dans toutes les régions du monde. Voir M. Kamto, « Les conventions régionales sur la
conservation de la nature et des ressources naturelles en Afrique et leur mise en œuvre », préc., p.
438.
12 La situation est bien différente en Europe. En effet, comme le reconnaît elle-même l’Union,
« les traités ne mentionnant pas expressément les forêts, l’Union européenne ne dispose pas de
politique forestière commune. La politique forestière demeure donc avant tout une compétence
nationale, mais de nombreuses actions européennes ont cependant des incidences sur les forêts
de l’Union et des pays tiers ». Néanmoins, il est important de relever l’existence de quelques poli‐
tiques et initiatives forestières au sein de l’Union européenne. Il s’agit des actions européennes qui
ont des incidences sur les forêts de l’Union et des pays tiers. L’on peut mentionner tout d’abord la
politique agricole commune (PAC), principale source de financements européens pour les forêts,
ensuite la directive 1999/105/CE portant sur la commercialisation des matériels forestiers de
reproduction, ou encore la directive 2000/29/ CE portant sur le régime phytosanitaire européen
qui vise quant à lui à lutter contre la propagation d’organismes nuisibles aux forêts ». Voir F.
Nègre, L’Union Européenne et les forêts, Fiches techniques sur l'Union européenne, Novembre
2020, 7 pages, www.europarl.europa.eu/factsheets/fr.
13 Voir M. Kamto, « Les conventions régionales sur la conservation de la nature et des ressources
naturelles en Afrique et leur mise en œuvre », préc., p. 421.
14 Des auteurs particulièrement avisés considèrent que : « en près de quarante années d’application,
la Convention s’est révélée peu active, presque stérile, n’ayant accompagné positivement aucun
des processus de dégradation qui ont été relevés et stigmatisés, tels que l’eutrophisation du Lac
Tchad ou l’assèchement progressif du fleuve Niger, la déforestation des forêts tropicales africaines
ou la surexploitation d’espèces de flore ou de faune à l’échelle industrielle et commerciale ». Voir
S. Doumbe-Bille, « La nouvelle Convention africaines de Maputo sur la Conservation de la nature
et des ressources naturelles », Revue Juridique de l’Environnement, n° 1, 2005, p. 8.
15 Ratifiée jusqu’en 2016 par seulement 16 pays (Comores, Lesotho, Rwanda, Mali, Lubie, Niger,
Burundi, Ghana, Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Angola, Libéria, République du Congo, Tchad,
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Les niveaux mondial et continental ayant ainsi montré leurs limites dans la réglemen‐
tation de la gestion et l’exploitation des forêts, le niveau sous-régional paraît offrir plus
d’espoirs. C’est cette voie que les pays d’Afrique centrale semblent suivre,16 si l’on en juge
par les dynamiques observables depuis au moins 1996, date de la création de la Conférence
sur les Écosystèmes Forestiers Denses et Humides d’Afrique Centrale (CEFDHAC), en
vue de parvenir à une gestion harmonisée à travers des échanges d’expériences et d’infor‐
mations. L’expression « Afrique centrale » est envisagée dans cette étude davantage comme
l’espace géographique formé par les pays engagés singulièrement dans la gestion concertée
des forêts dont ils sont propriétaires. C’est une Afrique centrale dont les frontières ont
été redessinées par l’objectif de gestion des ressources forestières, au gré des accords
régionaux.17 Pour l’essentiel, l’espace qu’elle couvre est celui de l’entité écologique dit du
« Bassin du Congo ».18
Au reste, dans cet espace se développent depuis une trentaine d’années des dynamiques
d’actions multiformes, traduisant l’ambition d’une approche concertée de la conservation
et de la gestion durable des forêts, au point où l’on se demande si l’on n’est pas entrain
d’assister à l’avènement d’une véritable régulation sous-régionale des forêts en Afrique
centrale. Autrement dit, comme dans le domaine du Droit des affaires, des assurances,
des douanes, de la concurrence, et plus récemment encore du commerce électronique,19 ne
s’achemine-t-on pas vers la construction d’une réglementation des forêts qui soit à la fois
l’objectif et le résultat d’une action concertée des pays de l’Afrique centrale forestière? Une
16
17
18
19
Bénin, Burkina Faso), elle attend toujours la convocation de la Conférence des parties, destinée à
lui donner effectivement vie.
Encore une fois, la démarche n’est pas nouvelle en Afrique. Expliquant les voies et trajectoires
des regroupements d’États en Afrique en 1961, François Borella faisait remarquer, en effet, que
le regroupement régional observé dans cette zone était souvent un produit de l'échec du regroupe‐
ment continental ou de son refus. Voir F. Borella « Les regroupements d'États dans l'Afrique
indépendante », in : Annuaire français de droit international, volume 7, 1961, p. 789.
Voir S. C. Tagne Kommegne, « L’institutionnalisation d’un espace intégré en Afrique centrale à
l’épreuve du jeu de puissance des États autour des ressources naturelles », Annales de la Faculté
des Sciences Juridiques et Politiques Université de Dschang, Tome 18, 2016, p. 208.
Le Bassin du Congo n’est pas un organe ou un organisme, ou une quelconque entité apparentée.
Deuxième plus grand bloc continu de forêts tropicales au monde, il est simplement une entité
écologique, un ensemble de forêts formant une unité écologique et bénéficiant de certains instru‐
ments juridiques destinés à en assurer la gestion durable. Il est constitué de pays qui en font
géographiquement partie et qui sont reconnus comme tels par les institutions œuvrant dans le
domaine à savoir le Cameroun, la République Centrafricaine, la République Démocratique du
Congo, le Congo Brazzaville, le Gabon, la Guinée Équatoriale. Il est également élargi à des
pays dits associés, que sont l’Angola (qui partage la forêt du Mayombe avec les deux Congo),
le Burundi et le Rwanda (membres de la Conférence des écosystèmes de forêts denses humides
d ’Afrique Centrale), et São Tome & Principe (partie prenante au Programme ECOFAC).
Pour des développements consistants sur la réglementation sous-régionale du commerce électro‐
nique en Afrique centrale, lire Voir H. M. Tchabo Sontang, La règlementation du commerce
électronique dans la CEMAC, contribution à l’émergence d’un marché commun numérique, Thèse
pour le Doctorat/Ph.D en Droit, Université de Dschang, avril 2014, 549 p.
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telle interrogation trouve sa justification dans l’ampleur de la mobilisation sous-régionale
que l’on observe depuis quelques années autour de la gestion des forêts. Elle s’explique
également par l’importance des initiatives et actions à vocation sous-régionales qui se dé‐
ploient dans la zone concernée autour de la gestion des forêts. Elle semble au surplus mar‐
quer la réalisation des prévisions exprimées il y a déjà plusieurs décennies par un auteur,
sur la diversification croissante des domaines de l’intégration en Afrique centrale.20 Au re‐
gard de tous ces facteurs, et après une analyse critique du corpus réglementaire existant à
l’heure actuelle, l’on est en droit d’affirmer qu’il émerge effectivement en Afrique centrale
une régulation sous-régionale des forêts. Une telle régulation émergente, bien que soumise
naturellement à des contingences propres au secteur, s’observe à travers le dispositif poli‐
tique et institutionnel concerté mis en place pour la gestion des forêts, d’une part (I), et le
droit sous-régional qui est progressivement élaboré pour la gestion des forêts, d’autre part
(II).
I. La mise en place d’un dispositif politique et institutionnel concerté de gestion des
forêts
Pour arriver à une solution de gestion du « deuxième poumon mondial » qui prenne en
compte à la fois l’impératif de gestion et de conservation des écosystèmes forestiers visés
et les pouvoirs souverains de chaque État propriétaire sur ses ressources, ceux-ci ont choisi
l’option de l’harmonisation, aussi bien des politiques que des législations.21 Elle a pour
objectif non seulement de réduire les différences entre les législations, mais aussi et dans
le même temps, de bâtir des consensus solides sur des points communs. Il ne s’agit donc
pas forcément « d’une opération d’homogénéisation ou d’uniformisation, mais plutôt d’une
approche comparative visant à identifier les aspects divergents et à cibler les points pou‐
vant faire l’objet d’ajustements progressifs pour perfectionner les instruments de gestion
forestière ».22 C’est la voie que les États forestiers du Bassin du Congo ont empruntée.
Le faisant, ils ont décidé d’adopter une politique forestière sous-régionale qui marque les
points de convergence des politiques nationales (A), puis ils ont mis sur pieds un système
institutionnel qui a pour ambition de veiller à la mise en œuvre de cette politique (B).
20 Voir E. Gnimpieba Tonnang, Droit matériel et intégration sous régionale en Afrique centrale :
contribution à l’étude du droit communautaire de la Communauté Économique et Monétaire de
l’Afrique Centrale (CEMAC), Thèse pour le Doctorat en Droit et financement du développement,
Université Nice Sophia Antipolis, 2004, p. 37.
21 L’harmonisation, comme l’écrivaient Joseph Issa-Sayegh et Jacqueline Lohoues-Oble, « est la
forme la plus prudente et la plus douce d’intégration juridique, apparemment respectueuse de
la souveraineté des États et de la spécificité de leurs législations ». Voir J. Issa-Sayegh et J.
Louhoues-Oble, OHADA, harmonisation du droit des affaires, Bruyant Bruxelles, 2002, p. 46, n°
93.
22 Voir J. P. Koyo et R. Foteu, « Harmonisation des politiques et programmes forestiers en Afrique
centrale », Unasylva 225, Vol. 57, 2006, p. 47.
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A. L’élaboration d’une politique forestière commune
L’on s’accorde à définir la politique forestière comme un énoncé officiel des orientations et
des principes d’actions adoptés conformément aux politiques socioéconomiques et environ‐
nementales, afin de guider et de déterminer les décisions concernant l’utilisation durable
et la conservation des ressources forestières et arborées au profit de la société. Sur le plan
national, il s’agit d’un accord négocié entre le gouvernement et les autres parties prenantes
sur une vision partagée des forêts et de leurs utilisations, qui, une fois validée, reflète une
position officielle du gouvernement et représente un énoncé clair des buts et objectifs d’un
pays. C’est cette même logique qui est poursuivie au niveau sous-régional. Concrètement,
c’est à partir de 1999 que l’engouement des États forestiers d’Afrique centrale pour le
rapprochement de la vision de gestion de leurs différentes forêts va se traduire en actes
politiques concertés.23 L’analyse de l’expression de cette vision concertée de gestion des
forêts (1), révèle cependant l’existence d’éléments de nature à entraîner une certaine com‐
plexification dans les stratégies ou activités envisagées (2).
1. L’expression de la politique forestière sous-régionale de gestion des forêts
La politique forestière sous-régionale est le résultat d’un processus de rapprochement des
différentes visions nationales de la gestion des forêts. Elle a été amorcée avec la Déclara‐
tion des Chefs d’États d’Afrique centrale de 199924 et a culminé avec l’adoption du Plan de
convergence pour la conservation et la gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique
centrale. Ainsi, à travers la Déclaration qui a résulté du Sommet, les États de la sous-région,
23 Il convient toutefois de relever avec force qu’en mai 1996, à Brazzaville (République du Congo),
s’est tenue la toute première Conférence sur les écosystèmes forestiers denses et humides
d’Afrique centrale (CEFDHAC), qui matérialise le début de la réflexion sur la gestion concertée
des forêts d’Afrique centrale. Cette Conférence a regroupé les Ministres en charge des forêts
de la zone qui étaient les initiateurs, la société civile et les partenaires au développement de
la sous-région. À l’issue de cette Conférence a été adoptée la Déclaration de Brazzaville sur la
conservation des forêts, dont la mise en œuvre créera les conditions favorables pour la convocation
du premier Sommet des Chefs d’États de Yaoundé en 1999. Il faut d’ailleurs relever que trois
années seulement ont séparé la Déclaration de Brazzaville de celle de Yaoundé, traduisant le
fait que la détermination des États parties pour une gestion concertée de leurs forêts était restée
constante. Pour plus de détails, lire : D.-E. Emmanuel, « La Commission des forêts d'Afrique
centrale », Revue Juridique de l'Environnement, n°2, 2007, p. 205.
24 La Déclaration des Chefs d’États d’Afrique centrale est l’issue heureuse du Sommet des Chefs
d’États sur la conservation et la gestion durable des écosystèmes forestiers, convoqué par le
Président de la République du Cameroun et tenu du 17 au 19 mai 1999 à Yaoundé. Il s’est agi
d’une occasion inédite au cours de laquelle la plus haute hiérarchie politique de la sous-région
consacrait d’importantes réflexions à la gestion des forêts. Les six États de l’Afrique centrale
« classique » ont pris part au plus haut niveau à cette rencontre, en présence de Son Altesse
royale le Prince Philip, Duc d’Édimbourg, Président émérite de WWF International. Ce Sommet
a permis d’examiner l'ensemble des questions liées à la conservation et à la gestion durable des
écosystèmes forestiers d'Afrique centrale. Voir COMIFAC, Bilan de la Déclaration de Yaoundé +5,
février 2005, p. 3.
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convaincus du « rôle de la coopération sous-régionale et internationale en matière de ges‐
tion des écosystèmes forestiers, dans la ligne des engagements internationaux souscrits par
la communauté internationale » ont exprimé leur désir de « conjuguer leurs efforts pour
promouvoir l’utilisation rationnelle et l’aménagement durable des ressources forestières,
en conservant toute la biodiversité ». Considéré sur le plan juridique comme un accord
politique25 qui engageait politiquement les États parties, cette Déclaration a été favorable‐
ment accueillie par les Nations unies dont l’Assemblée générale a félicité et encouragé
l’initiative.26 Par cette Déclaration, les États d’Afrique centrale posaient les jalons de ce qui
sera plus tard une véritable politique commune de gestion de leurs forêts, par l’adoption du
Plan de convergence.
À travers le Plan de convergence pour la conservation et la gestion durable des écosys‐
tèmes forestiers d’Afrique centrale, la politique commune de gestion des forêts d’Afrique
centrale va prendre véritablement corps. La dénomination donnée à ce document n’est pas
anodine. Le titre « Plan de convergence » exprime en effet la communauté de vues des
pays intervenant dans la planification des forêts. Le plan de convergence, traduction opéra‐
tionnelle des engagements politiques énoncés dans la Déclaration de Yaoundé, constitue la
plate-forme commune d’actions prioritaires à mettre en œuvre au niveau sous-régional et
national pour assurer le suivi des résolutions du Sommet. Il édicte la vision politique sousrégionale de gestion des forêts qui est la suivante : « Les États d’Afrique centrale gèrent
durablement et d’une manière concertée leurs ressources forestières pour le bien-être de
leurs populations, pour la conservation de la diversité biologique et pour la sauvegarde
de l’environnement mondial ».27 Dans sa deuxième édition de 2015, elle comporte 6 axes
25 Voir P. Gauthier, « Accord et engagement politique en droit des gens : à propos de l'Acte fondateur
sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles entre l'OTAN et la Fédération de Russie
signé à Paris le 27 mai 1997 », Annuaire français de droit international, volume 43, 1997,
notamment pp. 85–86. L’auteur présente plusieurs critères formels et substantiels des accords
politiques qui les distinguent des accords juridiques, tels que l’utilisation des termes engagements
en lieu et place de termes tels que obligations, l’absence de date d’entrée en vigueur, l’évitement
du dépôt ou d’enregistrements auprès des instances internationales, etc….
26 Elle a ainsi reconnu l’importance des forêts d’Afrique centrale et leur rôle essentiel dans l’équi‐
libre de la biosphère et de la planète tout entière en adoptant la Résolution 54/214 du 1er février
2000, invitant également la coopération internationale à aider les pays de l’Afrique centrale dans
leurs efforts de développement forestier en leur fournissant une assistance technique et financière
sur une base régionale.
27 Voir le document même du Plan de convergence.
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stratégiques28 et trois axes transversaux29 qui comportent tous un assemblage de stratégies,
d’activités, de mesures et d’actions à mettre en œuvre par les États parties. De nombreux
facteurs rendent néanmoins son application d’une particulière difficulté.
2. Les facteurs de complexification de la politique forestière sous-régionale
L’application de la politique forestière sous-régionale inscrite dans le Plan de convergence
de la COMIFAC dans sa première version (PC1), a produit à ce jour des résultats non négli‐
geables.30 De tels résultats, bien qu’encourageants, restent en deçà de ce que l’on aurait pu
attendre au vu des ambitions affichées et objectifs assignés à ce document politique. C’est
qu’en réalité, de nombreux facteurs rendent cette politique d’une singulière complexité.31
Tout d’abord, il convient de reconnaître que ce plan dès son élaboration, n’était pas un
modèle de clarté. C’est sans doute pour cette raison que la première version qui comportait
au départ six axes stratégiques, est rapidement passé à dix avant sa présentation à la
première conférence des Ministres en charge des forêts d’Afrique centrale en 2000, pour
par la suite, se retrouver à six axes prioritaires et trois axes transversaux dans sa dernière
édition de 2015. Comme explication de ce qui paraissait être une réelle hésitation, il
semble que bien qu’ayant été précédé de consultations nationales, le Plan de convergence
première génération n’ait été en réalité qu’une superposition de programmes forestiers
nationaux destinés à une transposition à l’échelle de l’Afrique centrale. Le fait pour ses
rédacteurs d’avoir cherché absolument à tenir compte « de la spécificité et de la diversité
des situations forestières nationales en Afrique Centrale »,32 les avait poussé à faire des
répétitions dans les stratégies, activités et résultats envisagés. Pour cette raison, il a été
reproché à cette première version du Plan d’être « une compilation touffue de programmes
forestiers nationaux d’une application difficile à l’échelle sous-régionale ».33 Sa révision
28 Axe d’intervention 1 : Harmonisation des politiques forestières et environnementales; Axe d’in‐
tervention 2 : Gestion et valorisation durable des ressources forestières; Axe d’intervention 3 :
Conservation et utilisation durable de la diversité biologique; Axe d’intervention 4 : Lutte contre
les effets du changement climatique et la désertification; Axe d’intervention 5 : Développement
socio-économique et participation multi-acteurs; Axe d’intervention 6 : Financements durables.
Voir COMIFAC, Plan de convergence pour la conservation et la gestion durable des écosystèmes
forestiers d’Afrique centrale, Ed. 2, 2015–2025, Série politique n° 7, 42 p.
29 Axe transversal 1 : Formation et renforcement des capacités; Axe transversal 2 : Recherche-déve‐
loppement; Axe transversal 3 : Communication, sensibilisation, information et éducation. Idem.
30 Pour une vue générale sur les acquis de la mise en œuvre du Plan de convergence à ce jour, Lire
« Défis et perspectives », COMIFAC News, N° 017, 2ème trimestre, juillet 2019, p. 7.
31 La complexité semble être de l’essence des droits issus des processus d’intégration régionale et
sous-régionale en Afrique centrale, comme le démontre clairement un auteur. Voir A. L. Nguena
Djoufack, « Intégration sous régionale et complexité du droit dans les États africains de la zone
franc », Recht in Afrika – Law in Africa – Droit en Afrique, 21 (2018), pp. 125–149.
32 Ce sont les termes employés par le document en question.
33 Voir J. F. Yekoka, « La gestion coopérative des forêts du bassin du Congo dans le cadre de la CO‐
MIFAC », in : J. V. Ntuda Ebode (Dir.), La gestion coopérative des ressources transfrontalières en
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L’émergence d’une régulation sous-régionale des forêts en Afrique centrale
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était donc devenue nécessaire. Elle est intervenue sur instruction du Conseil des Ministres
de la COMIFAC avec visiblement pour objectifs de résoudre les problèmes de manque de
clarté relevés à propos de la première version, mais aussi de prendre en compte les nou‐
veaux enjeux existant dans le secteur et les mutations rapides qu’il connaît.34 Bien que révi‐
sé, il n’est pas possible d’affirmer que le Plan de convergence est devenu un modèle de
clarté ou de cohérence. Ainsi peut-on par exemple se demander quelle est la pertinence de
prévoir un axe transversal sur le renforcement des capacités et prévoir en même temps dans
les axes prioritaires de nombreuses activités portant sur le même sujet. Ensuite, l’antériorité
de la quasi-totalité des législations nationales aux deux versions du Plan de convergence
rend son appropriation et sa mise en œuvre complexes et incertaines, surtout que les proces‐
sus de réformes souhaités et entrepris dans certains États sont encore loin d’avoir aboutis.35
Enfin, il convient de signaler que le financement de cette politique sous-régionale de ges‐
tion des forêts constitue une véritable entorse à son application. Le coût de financement de
la première génération était estimée globalement à 828 milliards de francs CFA, soit envi‐
ron 1,5 milliard de dollars US sur la période de dix ans.36 Au vu de l’importance de ce
montant, l’on s’est demandé comment des pays qui proclament leur pauvreté, en forçant
leur inscription sur le registre des Pays pauvres très endettés (PPTE) pourront faire face à
un Plan dont le coût d’action est estimé à 828 milliards de francs CFA.37 Dans la seconde
version, les rédacteurs se sont gardés de toute référence au coût de mise en œuvre, d’où on
peut se demander s’il est resté le même sur la période d’exécution qui est de 10 ans.
Au final, devant l’expression sans équivoque de la volonté des États d’Afrique centrale
d’élaborer une politique forestière sous-régionale de gestion des forêts, il faut garder à
l’esprit les nombreux facteurs qui rendent sa compréhension et son appropriation difficiles
et qui pourraient compliquer la tâche aux institutions mises sur pieds à cet effet.
34
35
36
37
Afrique centrale : quelques leçons pour l’intégration régionale, Friedrich Ebert Stiftung, Yaoundé
(Cameroun), 2011, pp. 140.
Voir COMIFAC, Plan de convergence pour la conservation et la gestion durable des écosystèmes
forestiers d’Afrique centrale, Edition 2, 2015–2025, pp. 12 et 13. Voir également COMIFAC, Plan
de convergence : Avancées et défis nouveaux, COMIFAC News n° 017, 2ème trimestre, juillet
2019, pp. 7 et 8.
Pour le cas du Cameroun par exemple, il convient de préciser que la loi forestière qui date de 1994
et qui était considérée comme un modèle dans la sous-région, est en cours de révision depuis 2008
et qu’à ce jour, il est difficile de se prononcer sur le sort de l’avant-projet qui circule notamment au
sein des organisations travaillant dans le secteur.
Voir COMIFAC, Plan de convergence pour la conservation et la gestion durable des écosystèmes
forestiers d’Afrique centrale, Yaoundé, juillet 2004, préambule, p. 4.
Voir par exemple J. F. Yekoka, étude précitée, p. 140.
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B. La mise sur pied d’un système institutionnel sous-régional pour la gestion des forêts
Toute entreprise d’intégration, qu’elle soit globale ou sectorielle, nécessite des institutions
structurées pour la mise en œuvre des objectifs définis;38 et comme le disait il y a fort
longtemps un auteur aguerri, si rien n’est possible sans les hommes, rien n’est durable sans
les institutions.39 C’est en suivant cette logique que les États forestiers d’Afrique centrale
ont, dans leur Déclaration historique de 1999, donné mandat à leurs ministres en charge
des forêts, pour la mise en œuvre de leurs résolutions. Cette décision marque le début de
la construction en Afrique centrale forestière, d’un système institutionnel étoffé (1) mais
fragilisé (2).
1. Un système institutionnel sous-régional étoffé
Le système institutionnel sous-régional de gestion des forêts comprend principalement la
COMIFAC (a), qui est habilitée à œuvrer en collaboration avec d’autres institutions ou
organismes existant dans le secteur (b).
a) L’institution sous-régionale en charge des forêts : la Commission des Forêts d’Afrique
Centrale (COMIFAC)
Au commencement était la « Conférence des Ministres en charge des Forêts d’Afrique
centrale ». Elle était l’organe chargé de traduire dans les faits les résolutions prises par les
Chefs d’États à l’issue de la Conférence de Yaoundé. Seulement, pour agir convenablement
sur la scène internationale, elle avait besoin d’une autonomie juridique et financière qui
lui faisait encore défaut. Pour en faire un véritable sujet de droit interne et international,
les Ministres en charge des forêts de la sous-région vont alors convoquer à Brazzaville un
deuxième Sommet des Chefs d’État,40 d’où sortira en cette année 2005 le Traité relatif à
la conservation et la gestion durable des écosystèmes forestiers d'Afrique centrale, acte de
naissance de la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC).
Le Traité de Brazzaville qui crée la COMIFAC lui donne le statut juridique d’Organi‐
sation internationale sous-régionale, « chargée de l’orientation, de l’harmonisation, et du
suivi des politiques forestières et environnementales en Afrique Centrale »,41 en même
temps qu’il fixe son siège à Yaoundé au Cameroun, avec possibilité de transfert dans tout
autre pays membre. Comme toute bonne organisation d’intégration, elle dispose d’organes
38 Les auteurs le reconnaissent bien. Voir A. L. Nguena Djoufack, « Intégration sous régionale et
complexité du droit dans les États africains de la zone franc », précité, p. 141; S. Romano, L’ordre
juridique, traduit par Lucien François et Pierre Gothot, Paris, Dalloz, 1975, p. 31.
39 J. Monnet, Mémoires, Paris, Fayard, 1976, p. 412.
40 Ont participé à ce deuxième sommet : les Chefs d'État d'Afrique centrale, le chef d'État français,
les représentants de l'Union africaine, de l'Union européenne, de l'Organisation des Nations Unies,
les institutions internationales, le secteur privé forestier et la société civile.
41 Voir article 5 du Traité de Brazzaville de 2005.
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L’émergence d’une régulation sous-régionale des forêts en Afrique centrale
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à travers lesquels elle agit, à savoir le Sommet des Chefs d’État et de Gouvernement, le
Conseil des Ministres et le Secrétariat exécutif.42 Pour agir convenablement sur le plan
sous-régional, la COMIFAC a été reconnue en 2007 comme institution spécialisée43 de la
Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC).44 Et pour agir aisé‐
ment dans les États membres, elle s’est dotée de Coordinations Nationales COMIFAC
(CNC), véritables démembrements de l’institution, avec essentiellement un rôle de conseil
auprès des décideurs nationaux, de facilitateur des actions de mise en œuvre du Plan de
convergence et d’interface entre le niveau sous-régional et le niveau national.45 Ne pouvant
évoluer en vase clos, elle est appelée à collaborer avec d’autres institutions ou organismes
spécialisés existant dans la zone.
b) Les institutions de collaboration avec la COMIFAC
En vertu de la capacité juridique dont jouit la COMIFAC sur le territoire des États membres
conformément à l’article 29 du Traité et surtout sa personnalité juridique internationale46
qui lui sont nécessaires pour atteindre ses objectifs, elle est autorisée à conclure avec
d’autres organisations régionales ou sous-régionales des conventions de collaboration. L’ar‐
ticle 18 du Traité qui lui ouvre cette voie va plus loin, en énumérant de manière non
exhaustive les organisations visées.
Il s’agit tout d’abord de l’Organisation pour la Conservation de la Faune Sauvage
en Afrique (OCFSA), particulièrement pour la biodiversité et la lutte anti-braconnage trans‐
frontalière.47 Il s’agit ensuite de l’Agence intergouvernementale pour le Développement
de l’Information Environnementale (ADIE).48 Il s’agit aussi de la CEFDHAC (Conférence
sur les Écosystèmes des Forêts Denses et Humides d’Afrique centrale), créée en 1996 et
autrement appelée « Processus de Brazzaville ». L’ambition de ce dernier organe est de
42 Article 6 du Traité.
43 Elle est donc placée au même niveau que la Commission Régionale des Pêches du Golfe de
Guinée, créée en juin 1984 à Libreville.
44 Par la décision de la Conférence des Chefs d’État d’Afrique centrale n° 31/CEEAC/CCEG/XIII/07
du 30 octobre 2007.
45 Conformément à leur Lettre de mission signée à Malabo en 2006 lors d’un Conseil ordinaire des
Ministres, les CNC ont précisément pour mission de Conseiller les décideurs nationaux (Gouver‐
nement, Parlement, autres grandes institutions étatiques) sur le processus COMIFAC; Coordonner
la mise en œuvre du plan de convergence COMIFAC au niveau national et en assurer le suivi tant
au niveau national que sous régional; Représenter le Secrétariat Exécutif aux niveaux national,
sous-régional et international; Servir de relais entre le SE et les pays membres; Assurer l’interface
pour la mise en œuvre du plan de convergence; Procéder à l’animation du réseau des Points
Focaux des autres initiatives; Assurer le secrétariat des fora nationaux.
46 Le Traité vise expressément la Convention de Vienne de 1986 relative aux organisations interna‐
tionales.
47 La convention de collaboration entre la COMIFAC et l’OCFSA a été signée le 11 juillet 2019 à
Yaoundé au Cameroun, suivi d’un plan d’action biennal 2019–2021.
48 Son statut et ses missions ont été validés en 2004.
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Recht in Afrika – Law in Africa – Droit en Afrique 24 (2021)
mettre sur pieds un forum dynamique d’échanges favorisant la concertation multi-acteurs
en vue de l’adhésion des parties prenantes au processus de gestion durable des écosystèmes
des forêts d’Afrique centrale.49 Il s’agit en plus, de l’Organisation africaine du bois (OAB),
en particulier sur les questions d’économie forestière, de certification et de commerce des
produits forestiers. Il s’agit enfin du Réseau des aires protégées d’Afrique centrale (RA‐
PAC), en vue de la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique.50
Au demeurant, la pluralité d’institutions ou d’organismes constituant ce que l’on peut
qualifier de système institutionnel sous-régional pour la conservation et la gestion durable
des forêts d’Afrique centrale, cache mal les défauts qu’il recèle et qui en font un système
institutionnel somme toute fragilisé.
2. Un système institutionnel sous-régional fragilisé
C’est en observant d’assez près la COMIFAC que l’on voit clairement les facteurs de
fragilisation du système institutionnel sous-régional de gestion des forêts. Même si l’on
reconnaît que son dynamisme et le combat qu’il mène pour la bonne gestion de l’ « es‐
pace-monde » forestier du bassin du Congo en font un véritable « best-seller » de la
pensée politique de l’Afrique noire d’aujourd’hui,51 il n’en demeure pas moins qu’elle reste
confrontée à de nombreux problèmes.
Tout d’abord, on ne peut pas dire que l’ancrage institutionnel de la COMIFAC le
prédestine à jouer efficacement son rôle de coordination des activités de conservation et de
gestion concertées des forêts en Afrique centrale. En effet, il convient de rappeler que la
COMIFAC a été reconnu en 2007 comme étant une institution spécialisée de la CEEAC.52
Pourtant, dans le même temps, la totalité des États membres disposant de forêts et qui font
figure de proue de ce processus, font partie de la Communauté Économique et Monétaire
d'Afrique Centrale. Mais leur choix n’a pas été porté sur cette dernière organisation, alors
même que dans ses articles 39 à 41, le Traité qui institue l’Union Économique de l’Afrique
Centrale (UEAC) prévoit bien des dispositions relatives à la gestion des écosystèmes fores‐
tiers des pays membres, qui auraient pu justifier l’ancrage institutionnel de la COMIFAC
49 En tant que plate-forme sous-régionale, la CEFDHAC regroupe au titre de chaque État membre
les représentants du gouvernement, du parlement, de l’administration publique, du secteur privé,
du secteur associatif, des organisations non gouvernementales, et de toutes autres parties prenantes
à la gestion des écosystèmes des Forêts Denses et Humides d’Afrique Centrale. La convention de
collaboration entre la COMIFAC et cette institution a été signée en 2008.
50 Le protocole de collaboration entre le RAPAC et la COMIFAC a été signé en décembre 2006 à
Yaoundé au Cameroun.
51 Voir J. F. Yekoka, étude précité, p. 129.
52 Le Traité de la CEEAC dans sa version révisée de décembre 2019, considère l’Institution spéciali‐
sée comme étant « une structure en charge de la mise en œuvre des politiques communautaires
sectorielles ». Art. 1 (z).
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L’émergence d’une régulation sous-régionale des forêts en Afrique centrale
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au niveau de la CEMAC.53 Certes, l’on peut avancer que les engagements de la CEEAC en
cette matière semblent plus consistantes, dans la mesure où le Traité prévoit clairement que
les États s’engagent à « harmoniser leurs politiques et stratégies nationales de gestion des
ressources forestières et de leurs biodiversités »,54 de même qu’ils s’engagent à « créer des
cadres adéquats de concertation et de coordination des secteurs ayant des interactions et
impacts dans l’exploitation et/ou la lutte contre l’exploitation illicite des ressources et des
écosystèmes naturels ».55 Mais il reste que la CEMAC ne s’est pas complètement désenga‐
gée de ce secteur ou domaine de l’intégration. Cette situation qui est de nature à conduire
à un enchevêtrement des centres de décisions n’est pas propice pour la construction d’un
système institutionnel stable.
Ensuite, en ce qui concerne l’opportunité de l’appartenance de certains États membres
à l’espace COMIFAC, il convient de relever qu’elle permet de questionner l’intérêt de leur
adhésion au processus. L’objectif de la mise sur pieds du système institutionnel au centre
duquel se trouve la COMIFAC, demeure la conservation et la gestion concertées des forêts.
L’existence des forêts apparaît alors comme étant le critère premier censé déterminer la
participation au processus. De même, l’importance des forêts du Bassin du Congo, puisqu’il
s’agit d’elles, repose sur leur unité écologique, dans la mesure où elles constituent une
entité écologique, un ensemble de forêts d’un seul tenant. Pourtant cette logique n’explique
pas clairement l’appartenance de certains pays au processus. Il s’agit d’abord du Tchad,
considéré comme le pays de la COMIFAC le plus plongé dans le désert, ne disposant que
d’une très modeste portion de forêts56 et, en tout état de cause, ne faisant pas partie de
l’espace écologique dit du Bassin du Congo.57 Il s’agit ensuite de Sao Tomé et Principe,
non signataire de la Déclaration de Yaoundé et qui n’a pas encore ratifié le Traité de la
COMIFAC après la signature. Il semblerait qu’il considère la COMIFAC « comme un
pont entre les États membres et les bailleurs de fonds », et d’après une étude récente,
53 L’article 41 de cette convention prévoit que « Dans l'exercice du pouvoir définit à l'article 6 alinéa
2 de la présente Convention, la Conférence des Chefs d'État, dans le respect des missions imparties
dans ce domaine aux organisations régionales spécialisées, veille à la prise en compte des objectifs
suivants : a) la lutte contre la désertification, les inondations et les autres calamités naturelles; b) la
préservation de la qualité de l'environnement en milieu rural et urbain; c) la protection de la diver‐
sité biologique; d) l'exploitation écologiquement rationnelle des forêts et des ressources halieu‐
tiques; f) (…).
54 Art. 74 al. 2 (a) du Traité révisé.
55 Art. 74 al. 2 (c) du Traité révisé.
56 Une évaluation des forêts des pays membres de la COMIFAC en 2016 laissait voir que le Tchad
ne disposerait que de 929 km² de forêts denses humides et 23 399 km² de savanes arborées. Voir
Les forêts du Bassin du Congo – Forêts et changements climatiques. Eds : C. de Wasseige, M.
Tadoum, R. Eba’a Atyi et C. Doumenge – 2015. Weyrich. Belgique, p. 19.
57 Il convient de préciser que le Tchad est membre du Comité Inter-Etats de Lutte contre la Séche‐
resse au Sahel.
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Recht in Afrika – Law in Africa – Droit en Afrique 24 (2021)
sa loi forestière reste très éloignée des directives et décisions sous-régionales.58 La même
crainte a été exprimée à propos du Burundi qui, bien qu’ayant ratifié le Traité instituant la
COMIFAC, possède une très ancienne loi forestière au contenu jugé bien trop éloigné des
standards de l’institution.59 Ces éléments sont de nature à amoindrir l’engagement des pays
visés pour l’ensemble des activités de la COMIFAC, qui est également fragilisée par les
questions de financement de son fonctionnement.
Pour ce qui est du financement du système institutionnel sous-régional en matière fores‐
tière, il convient de préciser qu’il est de loin le facteur le plus important de sa fragilisation.
Adossé depuis la création de l’institution aux contributions égalitaires des États membres,
le financement de la COMIFAC constitue une véritable embûche à son fonctionnement.
Entre 2003 et 2019, les arriérés de ces contributions s’élevaient à 2 559 774 715 FCFA.
Au titre de ces contributions, seul le Cameroun était à jour, et le Sao Tomé et Principe
n’avait encore versé aucun montant, ce qui confirme les craintes sur l’opportunité de sa
participation au processus.60 La prise de conscience de cet obstacle a amené la COMIFAC à
envisager la mise sur pieds d’un mécanisme de financement autonome, qui n’est pas encore
véritablement au point.61
En somme, comme la véritable régulation sous-régionale qu’elle ambitionne d’être, la
régulation émergente des forêts en Afrique centrale bénéficie d’une politique commune de
gestion des forêts résolument exprimée, quoique rendue complexe par quelques facteurs qui
peuvent cependant être corrigés au fur et à mesure que le processus se consolide. De même
elle est dotée d’un système institutionnel qui, bien que fragilisé, ambitionne d’assurer la
mise en œuvre des objectifs de politiques qui, dans une entreprise pareille, se déclinent
concrètement en un ensemble de normes à respecter.
II. L’élaboration progressive d’un droit sous-régional pour la gestion des forets
Les rapports entre la politique forestière et le droit ou la législation forestière sont faci‐
lement saisissables : le droit forestier ou la législation forestière n’est en réalité qu’un
58 Voir E. Kam-Yogo, Rapport de l’étude sur l’état des lieux du processus d’élaboration des direc‐
tives et décisions de la COMIFAC et de leur mise en œuvre par les États membres, Étude réalisée
avec l’appui financier de la GIZ (Deutsche Gesellschaft für internationale Zusammenarbeit),
« Projet Appui à la COMIFAC », janvier 2012, p. 43.
59 E. Kam-Yogo, étude précité, p. 22.
60 Lire « Défis et perspectives », COMIFAC News, N° 017, deuxième trimestre, juillet 2019, p. 19.
Au 18 juin 2021, la situation de ces contributions égalitaires semble être restée la même. En effet,
au sortir de l’Atelier sous régional pour l’élaboration du plan de travail annuel budgétisé 2021
du Secrétariat Exécutif de la COMIFAC ouvert tenu du 14 au 16 juin à Douala (Cameroun), l’on
rappelait encore que seul le Cameroun avait pu s’acquitter de la contribution égalitaire en tant que
pays membre. Voir http://leconomie.cm/comifac-les-etats-membres-appeles-a-se-mettre-a-jour-deleurs-cotisations/
61 Pour une description sommaire de ce mécanisme, lire une fois de plus Lire « Défis et perspec‐
tives », COMIFAC News, N° 017, deuxième trimestre, juillet 2019, p. 19.
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L’émergence d’une régulation sous-régionale des forêts en Afrique centrale
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des moyens de mise en œuvre de la politique forestière. Autrement dit, la politique et le
droit forestier sont des outils complémentaires : la politique fournit la direction et la loi éta‐
blit les droits et responsabilités. Le but principal de la législation est l’assignation et la mise
en application des droits et responsabilités relatifs aux forêts, et non pas la formalisation
d’une vision, d’un but ou d’une stratégie convenue qui, elle, est du ressort de la politique.
D’où l’adage « Donnez-moi la politique et je rédigerai la loi ». C’est la raison pour laquelle
une vision sous-régionale de la conservation et de la gestion des forêts en Afrique centrale
ne pouvait logiquement que se prolonger par un droit de même envergure. Autrement dit,
l’ambition de construire une véritable concertation pour la conservation et la gestion du‐
rable des forêts ne pouvait se faire sans un minimum de règles sécrétées au niveau sousrégional. Le droit forestier sous-régional serait donc entrain de voir le jour. Il s’agit d’un
droit matériel destiné, comme dans les autres domaines en Afrique centrale, à être l’instru‐
ment de l’intégration sous-régionale dans le secteur.62 Il se décline en un droit matériel ori‐
ginaire(A), d’une part, et un droit matériel dérivé (B), d’autre part.
A. Le façonnement d’un droit forestier sous-régional originaire
Comme l’explique un auteur à propos du droit communautaire CEMAC dans son ensemble,
« le droit originaire est le droit premier, le droit constitutif c’est-à-dire l’ensemble des
dispositions qui sont à l’origine (…) l’ensemble des normes suprêmes dans l’ordre commu‐
nautaire ».63 Il n’est point de doute en matière forestière, que le droit originaire provient du
Traité relatif à la conservation et la gestion durable des forêts en Afrique centrale. Ce traité
s’est donné des objectifs relativement clairs (1), qui ne réussissent cependant pas à masquer
son caractère permissif (2).
1. La relative clarté des objectifs du Traité relatif à la conservation et la gestion durable
des forêts
Considéré par des auteurs avertis comme « une avancée juridique pionnière dans la longue
quête de l’adoption d’une convention internationale relative aux écosystèmes forestiers »,64
le Traité relatif à la conservation et la gestion des écosystèmes forestiers d’Afrique cen‐
trale65 fait passer les engagements et les principes de la gestion durable des forêts déjà
énoncés dans la Déclaration de Yaoundé66 du domaine du droit mou à celui du droit
62 Voir E. Gnimpieba Tonnang, thèse précitée, p. 35.
63 Voir L. Tengo, Droit communautaire CEMAC, Editions Ccecinia communication, Paris, Juin 2013,
p. 182–188.
64 Voir S. Assembe Mvondo, étude précité, p. 116.
65 Signé le 05 février 2005 à Brazzaville et entré en vigueur en janvier 2007.
66 Il convient de relever que le Traité dans ce qui apparaît comme son préambule, prend le soin de
reprendre l’essentiel des engagements politiques souscrits par les Chefs d’États de la sous-région
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contraignant.67 Il a pour objectif général la conservation et la gestion durable des forêts,
lequel se décline en plusieurs engagements et objectifs spécifiques à atteindre. Un auteur
propose de classer les objectifs spécifiques du Traité de 2005 en trois catégories, à savoir
les engagements qui concourent directement à la gestion durable des forêts, ceux qui font
référence à la participation de certains acteurs au processus, et enfin ceux liés aux questions
de l’économie forestière.68 Mais à ce classement reposant vraisemblablement sur un critère
matériel, c’est-à-dire d’objectif poursuivi, nous préférons dans le cadre de cette réflexion
celui fondé sur l’envergure collective ou non des actions à mener. Dans cette logique, l’on
peut classer les engagements des États dans le cadre du Traité de 2005 en deux catégories :
d’une part, les engagements qui nécessitent des actions communes par les États parties et,
d’autre part, les engagements qui peuvent être exécutés sans nécessairement des actions
communes. Pour les premiers, l’on peut citer selon leur ordre d’importance, tout d’abord
l’engagement d’accélérer le processus de création des aires protégées transfrontalières entre
les pays d’Afrique Centrale et inviter les pays voisins à s’intégrer dans le processus.
Ensuite, celui de mettre en place des actions concertées en vue d’éradiquer le braconnage
et toute autre exploitation non durable dans la sous-région en y associant toutes les parties
prenantes. De même, celui d’œuvrer pour l’harmonisation standardisée des documents
accompagnant la circulation des produits forestiers et fauniques. Enfin, celui d’adopter des
systèmes de certification reconnus internationalement, agrées par les États de l’Afrique
Centrale.69 La seconde catégorie d’engagements pris par les États de la sous-région dans
le Traité de 2005, plus fournie, comprend des actions que chaque État peut exécuter
tout seul, mais toujours dans l’objectif poursuivi d’une gestion durable des écosystèmes
forestiers d’Afrique centrale. Il s’agit notamment des engagements tels que celui d’inscrire
dans les priorités nationales, la conservation et la gestion durable des forêts ainsi que la
protection de l’environnement, mettre en place dans chaque État, des mécanismes durables
de financement du développement du secteur forestier, développer une fiscalité forestières
adéquate et les mesures d’accompagnement nécessaires à sa mise en œuvre, etc.
Sans forcément viser la mise en place d’un marché commun des produits forestiers,
l’on peut remarquer que tous ces objectifs traduits en engagements pris par les États de
l’Afrique centrale forestière expriment leur volonté de mettre sur pied un régime juridique
contraignant de gestion des forêts, à travers le Traité de 2005, qualifié de « texte fonda‐
teur ».70 Il leur a fallu juste six ans pour que l’ambition de mettre sur pieds une gestion
67
68
69
70
dans la Déclaration de Yaoundé en 1999 de même que dans la Déclaration de Rio de 1992, comme
pour en faciliter l’acceptation et partant, rendre leur observation obligatoire.
Au-delà du changement formel marqué par l’appellation « Traité », le changement avec la Décla‐
ration de 1999 est aussi substantiel, notamment avec l’utilisation de termes forts et traduisant la
contrainte, tels que « obligations ».
S. Assembe Mvondo, étude précité, p. 111.
Article 1er du Traité.
Voir E. Kam-Yogo, étude précitée, p. 6.
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concertée de leurs forêts passe du stade d’accord politique à ce stade d’accord juridique.
Mais ils n’y ont pas mis toute la rigueur souhaitée et nécessaire.
2. Le caractère permissif des engagements majeurs du Traité
Bien que résultant d’un instrument ayant formellement le caractère contraignant, l’on peut
s’interroger sur la vigueur des engagements qui constituent le fondement du droit forestier
sous-régional originaire. En effet, sur le plan substantiel, le Traité semble n’avoir pas pris
toute la distance nécessaire avec la Déclaration de 1999. Il présente ainsi, sur le plan de
sa rigueur, un certain nombre de faiblesses qui pourraient compromettre son ambition de
mettre sur pieds un régime concerté et contraignant pour la conservation et la gestion
durable des forêts.
D’une part, il convient de relever la légèreté marquée par le Traité sur certains engage‐
ments que l’on peut pourtant considérer comme indispensables pour l’atteinte de l’objectif
de gestion concertée des forêts d’Afrique centrale. En effet, l’article 1er du Traité, lorsqu’il
évoque la mise en œuvre du Plan de convergence qui constitue à n’en point douter le
socle de la politique forestière sous-régionale, prévoit que « les États Parties au présent
Traité s’engagent (…) à (…) inciter leurs Gouvernements à mettre en œuvre les actions
prioritaires du Plan de Convergence ». Même si l’esprit reste celui de l’harmonisation, l’on
peut regretter que le Traité n’ait pas prévu clairement que les États s’engagent à « obliger
ou contraindre » leurs gouvernements plutôt qu’à simplement les inciter. Si l’obligation
n’empêche pas que des mesures incitatives soient prévues pour son respect, l’inverse en
revanche n’est pas possible. C’est pour cette raison que l’on estime, non sans regret, qu’une
telle formulation peut pousser à considérer que « la mise en œuvre du plan de convergence
n’est pas une obligation juridique pour les États mais plutôt une question de volonté selon
l’esprit du Traité ».71
D’autre part, le Traité de 2005 a éludé le volet important des sanctions des obligations
qu’il édicte.72 La seule disposition du Traité envisageant des sanctions est l’article 20 qui
concerne le non-respect des obligations financières par les États membres.73 La sanction
prévue est dans ce cas la perte du droit de vote ainsi que tout appui de l’Organisation.
Aucune sanction n’est prévue pour ce qui est des autres obligations résultant du Traité,
notamment celles concernant les engagements concourant à la conservation et à la gestion
proprement dite des forêts. Pourtant, il eût été plus qu’utile de prévoir, tout en restant
dans l’esprit d’harmonisation voulue par le Traité, des moyens de contrainte pour assurer
le respect des objectifs du Traité. Il s’agit par exemple de prévoir des « sanctions psy‐
chologiques » qui consistent à stigmatiser systématiquement un État récalcitrant par la
71 Voir E. Kam-Yogo, étude précitée, p. 49.
72 Voir S. Assembe Mvondo, étude précité, p. 116.
73 Concrètement, il s’agit de l’obligation de contribution financière des États pour le financement de
la COMIFAC.
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publication des rapports et à travers des débats ouverts lors des sessions du Conseil des Mi‐
nistres.74 Néanmoins, la COMIFAC étant reconnue comme une institution spécialisée de la
CEEAC, l’on peut penser au recours au régime des sanctions instituées notamment par l’ar‐
ticle 99 du Traité révisé, qui prévoit en substance que la Communauté peut, à l’initiative de
la commission, adopter des sanctions à l’encontre d’un État membre, lorsque celui-ci n’ho‐
nore pas ses obligations vis-à-vis de la communauté, ceci sans préjudice des dispositions du
Traité et de celles des protocoles y afférant.75 Une telle permissivité du droit matériel origi‐
naire n’a cependant pas empêché l’entame d’un droit matériel dérivé.
B. La génération d’un droit matériel sous-régional dérivé
En droit communautaire, le droit dérivé peut être considéré comme l’ensemble des actes
unilatéraux pris par les institutions et organes de la Communauté dans le cadre des compé‐
tences qui leur sont dévolues par le Traité lui-même, et par les textes qui les régissent. En
matière de gestion forestière sur le plan sous-régional, le droit dérivé renvoie à l’ensemble
des actes pris par les organes compétents de la COMIFAC et sur habilitation du Traité,
dans le but d’atteindre les objectifs recherchés. C’est à travers les actes et textes pris à ce
titre que l’intégration souhaitée entend se réaliser. Le droit forestier sous-régional dérivé en
Afrique centrale est construit autour d’instruments contraignants (1), ou souples (2).
1. Le droit dérivé contraignant : l’Accord sous-régional sur le contrôle forestier
Le premier texte adopté par la COMIFAC et fixant des règles contraignantes pour la gestion
concertée des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale est l’Accord sous-régional sur le
contrôle forestier. Adopté à Brazzaville le 26 octobre 2008, trois ans après l’adoption
du Traité dans la même ville,76 son but est de promouvoir la coopération entre les États
membres de la COMIFAC en vue de renforcer le contrôle de la production et de la
circulation commerciale des produits forestiers en provenance de la sous-région.77 Lors de
l’Atelier de validation du projet de cet Accord qui s’est tenu à Douala (Cameroun) du 16
au 18 octobre 2007, des discussions avaient eu lieu sur la forme (désignation) du texte et
son caractère contraignant.78 La désignation d’Accord avait alors été retenue pour faciliter
74 Voir E. Kam-Yogo, étude précitée, p. 51.
75 Les sanctions prévues sont notamment la suspension de la prise de parole et du droit de vote, la
suspension de la participation aux activités de la communauté, le rejet de la candidature aux postes
statutaires, etc. Art. 99 al. 2.
76 Dès son adoption par consensus et sa signature par les États membres de la Commission en
octobre 2008, l’accord est entré en vigueur.
77 Voir article 3 de l’Accord.
78 Le projet de ce texte avait été rédigé par le Professeur Doumbé-Billé Stéphane, Consultant
International/Juriste de la FAO. Voir COMIFAC et FAO, Rapport général de l’atelier de validation
de l’Accord sous-régional sur le contrôle forestier en Afrique centrale, Douala du 16 au 18 octobre
2007, p. 6.
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son adoption,79 et son caractère contraignant a été reconnu par tous les participants. Il a
pour finalité de fournir pour l’avenir un fondement juridique aux politiques et programmes
forestiers harmonisés élaborés par les pays de la sous-région, tels qu’ils résultent du Traité
instituant la COMIFAC et du plan de convergence, en vue d’une gestion et conservation
durables des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale.
Ce que l’on peut tout de même regretter au sujet de cet important texte, c’est son
manque de fermeté. Car, s’il envisage clairement la possibilité de mise en jeu de la respon‐
sabilité d’un État en cas de manquement aux prescriptions qu’il édicte et ce contrairement
au Traité, il ne prévoit cependant ni directement, ni par renvoi, aucune modalité concrète
pour la mise en œuvre de ladite sanction, ce qui n’a pas manqué d’attirer l’attention des
auteurs.80 L’article 11 prévoit en effet que « le non-respect des obligations découlant du
présent Accord peut entraîner la mise en jeu de la responsabilité d’un État partie devant
la juridiction nationale compétente, en particulier en cas de délivrance irrégulière d’un
titre d’exploitation ». Par la suite, on cherchera en vain les modalités précises pour la mise
en œuvre d’une telle responsabilité aussi curieuse que lacunaire. Peut-être qu’ici encore
il faudrait se référer aux dispositions du Traité instituant la CEEAC, qui a vocation à
s’appliquer à l’ensemble des domaines couverts par ses organes et institutions, sous réserve
des dispositions particulières qui, en l’espèce, font défaut.
Même s’il faut admettre que la seule existence de cet Accord et la rapidité avec
laquelle il a été adopté, témoigne de la volonté des États de l’Afrique centrale forestière,
de consolider leur ambition d’instituer une régulation sous-régionale des forêts dans leurs
zone, il faut décrier l’indolence de ses rédacteurs sur les mécanismes de contrainte qui
auraient dû assurer sa mise en œuvre.
2. Un droit dérivé souple : les directives COMIFAC
L’harmonisation envisagée des législations forestières des États membres concerne aussi
deux principaux points, à savoir la gestion des produits forestiers non ligneux d’une part, et
la participation des acteurs non étatiques à la gestion des forêts. L’instrument juridique trou‐
vé pour régir ces domaines a été les directives.81 Celles-ci ne sont pourtant mentionnées
79 Il convient de préciser que cet Accord a été adopté par le Conseil des Ministres et non par la
Conférence des Chefs d’États. Ont signés ledit texte les Ministres en charge des forêts de sept
pays, à savoir le Cameroun, le Gabon, la République du Congo, le Burundi, la Guinée équatoriale,
la Centrafrique et le Tchad.
80 Voir par exemple E. Kam-Yogo, étude précitée, p. 50.
81 Il faut toutefois relever que d’autres textes non contraignants dans ce secteur sont produits dans
la sous-région. Il s’agit notamment du plan de formation aux emplois de la gestion des aires
protégées, harmonisé pour l’Afrique centrale, adopté par le Conseil des Ministres en novembre
2010. Il s’agit également de la Stratégie d’atténuation des conflits hommes-éléphants en Afrique
centrale (SACHE), élaboré en juillet 2009 à Yaoundé au Cameroun et adoptée par le Conseil des
Ministres de la COMIFAC en novembre 2010. Il s’agit aussi du Document de la stratégie des
pays de l’espace COMIFAC relative à l’accès aux ressources biologiques/génétiques et au partage
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nulle part dans le Traité de Brazzaville de 2005. Mais au sens du droit communautaire, les
Directives font partie du droit dérivé.82 Il s’agit des actes pris par des institutions ou or‐
ganes communautaires, « liant tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre,
tout en laissant aux instances nationales leur compétence en ce qui concerne la forme et les
moyens ».83
Deux directives ont ainsi été adoptées par la COMIFAC à ce jour, à savoir, d’une
part, les directives sous-régionales relatives à la gestion durable des produits forestiers non
ligneux d’origine végétale en Afrique centrale;84 d’autre part, les directives sous-régionales
sur la participation des populations locales et autochtones et des Organisations Non Gou‐
vernementales (ONGs) à la gestion durable des forêts d’Afrique centrale.85 Pour l’essentiel,
les premières comprennent des principes et directives qui visent à indiquer les différents
droits reconnus aux populations locales et autochtones dans la gestion durables des forêts,
de même que des actions prioritaires qui visent, quant à elles, à indiquer les mesures à
prendre par les divers États en vue de garantir la participation effective des populations lo‐
cales et autochtones à la gestion durable des forêts. Les directives sous-régionales relatives
à la gestion durable des produits forestiers non ligneux d’origine végétale en Afrique cen‐
trale, de leur côté, proposent des bases communes pour une prise en compte appropriée des
Produits Forestiers Non Ligneux d’origine végétale dans les cadres politiques, législatifs,
fiscaux et institutionnels mis en places par les pays de la sous-région d’Afrique Centrale
pour assurer la gestion durable des ressources forestières.
Pour des aspects aussi cruciaux, qui constituent des axes prioritaires d’intervention
dans le Plan de convergence sous-régional,86 le choix des directives en lieu et place des
règlements peut laisser songeur. À la différence des règlements qui sont obligatoires dans
tous leurs éléments et d’application directe dans l’ordre juridique national, les directives
82
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85
86
juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, adopté en novembre 2010 par le
Conseil des Ministres de la COMIFAC (APA). Pour plus de détails concernant ces actes, voir E.
Kam-Yogo, Rapport de l’étude sur l’état des lieux du processus d’élaboration des directives et
décisions de la COMIFAC et de leur mise en œuvre par les États membres, Étude réalisée avec
l’appui financier de la GIZ (Deutsche Gesellschaft für internationale Zusammenarbeit), « Projet
Appui à la COMIFAC », janvier 2012, particulièrement les pages 16–21.
Lorsqu’il présente le droit dérivé communautaire qu’il définit comme étant « l’ensemble des actes
unilatéraux pris par les institutions et organes de la Communauté dans le cadre des compétences
qui leur sont dévolues par le Traité lui-même, et par les textes qui les régissent », Monsieur Tengo
énumère les règlements, les directives, les décisions, les recommandations et les avis. Voir L.
Tengo, op. cit., p. 188.
Voir article 21 de l’additif au traité CEMAC.
Validées en novembre 2007 à Douala et adoptées en octobre 2008 à Brazzaville par le Conseil des
ministres.
Adoptées par le Conseil des Ministres de la COMIFAC en novembre 2010.
La gestion durable des produits forestiers non ligneux rentre expressément dans l’axe d’interven‐
tion 2 : Gestion et valorisation durable des ressources forestières; la participation des populations
locales et autochtones et des ONGs rentre quant à elle dans l’axe prioritaire d’intervention 5 :
Développement socio-économique et participation multi-acteurs.
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posent le principe d’une obligation de résultat, tout en étant elles-mêmes dépourvu d’effet
direct.87 L’on aurait pensé que l’intervention de la COMIFAC au sujet des axes prioritaires
se fasse au moyen des règlements, ce qui conduirait à raffermir les objectifs exprimés
dans les textes fondateurs. Même si l’on peut y voir l’expression des difficultés réelles
de régulation supra étatique d’un secteur porteur d’attentes aussi importantes que variées,
il reste que la trop grande prudence observée sur des telles questions présente le risque
d’exposer les ambitions de gestion concertée au bon vouloir des États membres et, en
conséquence, d’empêcher la construction de consensus solides sur des points communs.
Conclusion
Il ressort des lignes ci-dessus, que les dynamiques de gestion forestière observables en
Afrique centrale forestière, revêtent la physionomie d’une véritable régulation sous-régio‐
nale émergente et applicable aux forêts. Cette régulation est dotée d’attributs formels et
substantiels essentiels pour une action commune par des États soucieux de gérer dans une
vision commune leurs ressources. Il y a tout de même lieu de se demander si elle est
suffisamment outillée pour atteindre l’objectif de conservation et de gestion concertée des
forêts que ses initiateurs lui ont assigné. Bien qu’elle ait fait le choix de l’harmonisation
plutôt que celui de l’uniformisation, cette régulation sous-régionale doit s’entourer des
garanties de fermeté et de consistance qu’impose toute entreprise de recherche de vision et
d’actions communes. Autrement, et comme il a été démontré sans exhaustivité tout au long
de cette étude, la régulation sous-régionale des forêts en Afrique centrale, bien qu’assez
avancée à ce jour, se prive d’atouts indispensables pour conduire à une gestion des forêts
qui soit le résultat d’une entente véritable et solide entre les pays concernés.
87 Voir une fois de plus L. Tengo, op. cit., p. 192.
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