LES PROFESSEURS-STAGIAIRES D’IUFM
ET LES TECHNOLOGIES
Quelle instrumentation ?
Jean-Baptiste LAGRANGE*, Jean-François LECAS**,
Bernard PARZYSZ***
Résumé
Cette recherche étudie l’appropriation des TICE et les premiers usages
par les stagiaires des IUFM. Cette population est généralement équipée
et a bénéficié d’une formation à l’Université et à l’IUFM. L’objectif était de
savoir si ces conditions sont suffisantes pour que des usages professionnels se développent ou si des obstacles subsistent. À partir de questionnaires et d’analyse de mémoires, nous mettons en évidence une
instrumentation limitée, des pratiques collaboratives faibles et des difficultés à utiliser des logiciels spécifiques aux disciplines.
PROBLÉMATIQUE
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Les travaux de recherche et d’innovation ont mis en évidence les contributions possibles des technologies aux apprentissages des élèves et à un renouvellement des
pratiques scolaires. Il semble cependant que ces contributions s’actualisent difficilement, peu de professeurs s’appropriant les outils informatisés et les intégrant réellement dans leurs démarches professionnelles (Baron, 2005). L’étude de la dimension
« enseignant » des usages des technologies est donc aujourd’hui essentielle.
Cet article se propose d’étudier les professeurs stagiaires lors de leur formation en
IUFM. Notre hypothèse est celle d’une population généralement équipée et connectée, disposant de certaines compétences, grâce notamment à la formation reçue à
* - Jean-Baptiste Lagrange, IUFM de Reims ; université Paris VII (Didactique des Maths).
** - Jean-François Lecas, IUFM de Dijon ; université de Bourgogne (LEAD-CNRS UMR 5022).
*** - Bernard Parzysz, IUFM d’Orléans-Tours ; université Paris VII (Didactique des Maths).
Pages 131-147
RECHERCHE et FORMATION • N° 52 - 2006
Les professeurs-stagiaires d’IUFM et les technologies
l’Université et à l’IUFM. Nous souhaitons savoir si ces conditions sont suffisantes pour
que se développent des usages professionnels des technologies, ou si des obstacles
résistent. De façon à mieux cerner les obstacles selon le domaine d’activité du professeur, nous distinguons des cadres d’usages possibles des technologies.
• Le premier cadre concerne les activités professionnelles non directement liées à la
classe s’exerçant individuellement ou au sein de communautés enseignantes.
• Le second cadre est celui où le professeur travaille « en différé » aux apprentissages de ses élèves : conception de situations ou d’activités pour les élèves, production de documents pour la classe…
• Le troisième cadre est celui de la classe où les usages ont pour objectif de soutenir des apprentissages disciplinaires.
Dans ces trois cadres, les technologies viennent « instrumenter » l’activité du professeur. Le souci d’une réelle instrumentation professionnelle se lit dans une création institutionnelle récente, le C2i (Certificat informatique Internet) (1) niveau 2 enseignant,
qui fixe des objectifs de compétences cohérents dans les trois cadres. Ces compétences spécifiques aux métiers de l’enseignement reposent sur un socle de compétences indépendantes d’un métier que constitue le C2i niveau 1.
Cadre théorique
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Précisons ce que nous entendons par instrumentation et comment cette notion permet
d’aborder la question des obstacles dont nous avons parlé dans l’introduction. Les
compétences occupent une place importante dans les textes relatifs aux technologies
et aux pratiques enseignantes. En suivant le schéma du C2i, nous considérons les
compétences de niveau 1 (indépendantes du métier) et de niveau 2 (propres au
métier). La notion d’instrumentation doit permettre de penser l’articulation de ces
compétences entre elles et de rendre compte du développement conjoint des usages
et des compétences.
Quelques points de repère : un objet technique n’est pas d’emblée un instrument.
C’est d’abord un artefact (Rabardel, 1995), c’est-à-dire un objet matériel transformé
par l’homme en fonction d’un usage, mais cet usage n’est pas donné avec l’objet.
Ce qui fait de l’artefact un instrument, c’est l’existence chez un individu de schèmes
relatifs à l’action instrumentée. Schème est pris ici au sens d’organisation invariante
de la conduite pour une classe donnée de situations (Vergnaud, 1985). La « genèse
1 - Voir : http://tice.education.fr/educnet/Public/formation/c2i-ens/ pour une présentation
et la circulaire n° 2004-26 du 3-12-2004 pour la définition des compétences.
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instrumentale » est le processus par lequel ces schèmes sont élaborés. Peu de choses
sont connues sur les genèses liées à l’exercice du métier d’enseignant. L’utilisation
d’un instrument comme le tableau noir a fait seulement récemment l’objet d’études
montrant sa variabilité d’un enseignant à l’autre (Robert, Vandebrouk 2003 ;
Nonnon, 2000).
Nous nous intéressons ici à des genèses professionnelles, qui renvoient à l’intégration d’une dimension « technologies » dans une donnée complexe et problématique,
la professionnalité enseignante (Meirieu, 1989 ; Perrenoud, 1995). Lenfant (2002) a
étudié comment se construit la professionnalité au cours de l’année de stage, en
s’appuyant sur la « double approche » que Robert et Rogalski (2002) ont proposée
pour analyser l’activité de l’enseignant. Il s’agit notamment de considérer que « les
pratiques des enseignants sont complexes, stables et cohérentes, et qu’elles résultent
de recompositions singulières… ».
Selon Lenfant (ibid.), la cohérence se construit et tend à se figer au cours de l’année
de stage sous l’effet des représentations antérieures et de celles qui se forment dans
la pratique sous l’influence des « réalités du terrain ». La formation « en salle » paraît
avoir peu d’impact à elle seule. En revanche, une évolution peut intervenir à l’occasion d’« incidents critiques » lorsque le professeur stagiaire en saisit l’opportunité
pour une analyse réflexive de son action.
Jusqu’à ces dernières années, les technologies ont peu influencé la professionnalité
de la grande majorité des professeurs stagiaires. Avec le développement des usages
et des compétences, mais aussi avec la pression que constitue le C2i, il est à prévoir
que les technologies auront un impact grandissant.
Objets et méthodes
La recherche a été menée dans le cadre d’une équipe associant des chercheurs en
didactique et sciences humaines de 5 IUFM. Elle a tiré parti de données disponibles
dans ces IUFM au cours des années 2000 à 2003.
Nous avons tout d’abord exploité des questionnaires renseignés par les professeursstagiaires — PE (professeurs des écoles) et PLC (professeurs de lycée et collège) –
élaborés par 4 IUFM. Il s’agit d’outils destinés à piloter les dispositifs de formation
aux technologies. Il nous a semblé pertinent de travailler sur des données issues
de ces outils, car elles couvrent assez bien l’ensemble des informations nécessaires
avec un taux de réponses utiles satisfaisant, et permettent des recoupements. La
contrepartie de ce choix est l’hétérogénéité des questionnaires qui ne permet pas la
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comparaison directe d’un institut à l’autre. Nous renvoyons une analyse plus
détaillée des questionnaires et une discussion sur les biais possibles à un autre article
de Leborgne, Lecas et al. (en préparation).
Pour compléter ces données essentiellement déclaratives par d’autres, issues des pratiques réelles et significatives des stagiaires, nous avons également exploité les
mémoires professionnels centrés sur un usage des technologies. Le mémoire associe
en effet « une problématique pédagogique à des éclairages théoriques, enrichis de
l’expérience auprès des élèves » (2). Deux études complémentaires ont été menées :
l’une, quantitative, à partir de données disponibles dans une discipline sur les sites
Internet des IUFM, l’autre, plus qualitative, analysant le texte d’un panel de
mémoires.
TRAVAUX ET RÉSULTATS
Les questionnaires
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Les questionnaires sont des outils élaborés par les IUFM en vue de piloter les formations. À Dijon, ils sont passés en début d’année scolaire par l’ensemble des PE et PLC
(environ 850). À Reims et Besançon, ils sont soumis en fin d’année et avec un taux
de réponses d’un sur deux (soit près de 400 à Reims et de 300 à Besançon). Nous
extrairons des données globales des réponses à ces trois questionnaires. Afin de
dépasser les limites de questionnaires à grande échelle nécessairement fermés et pour
repérer les évolutions sur une année, Orléans-Tours a mis en place un recueil de données différent. À visée clinique, il ne concerne que deux groupes de formation PE. Il
y a une double passation, en début et fin d’année, et 43 réponses ont été recueillies.
Nous utiliserons ces résultats pour donner des éclairages supplémentaires.
Équipement et compétences
Les données globales font apparaître que le taux d’équipement en ordinateur personnel augmente régulièrement depuis 1998. En début d’année, l’équipement des
PLC sciences et PE est significativement supérieur à celui des PLC littéraires. En fin
d’année de formation, dès 2003, les stagiaires sont quasiment tous équipés. Chez
les PLC, cette progression significative est à relier aux nécessités des activités à
l’IUFM (rapports, mémoires, fiches élève…) ainsi qu’aux aux conditions économiques (salaire). L’enquête d’Orléans-Tours précise que l’équipement inclut assez
souvent un graveur et un scanner et parfois un appareil photo numérique.
2 - Circulaire ministérielle 2002-070 du 4.04.2002.
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Le taux de raccordement personnel à l’Internet est lui aussi en progression au cours
des années comme au cours de la formation, sans toutefois être général (76 % en
2003). Ce taux est inférieur chez les PLC scientifiques.
Les compétences de niveau 1 (mettre en route, arrêter un ordinateur… sauvegarder
ou chercher une information…) sont acquises en début d’année sans changement
depuis deux ans. A la question « organiser un espace de travail en créant des dossiers appropriés » le taux de réponses positives des PLC est élevé avec une disparité
hommes femmes (90 % vs 77 %) que l’on peut relier à la spécialité d’enseignement,
les femmes étant davantage représentées dans les disciplines littéraires. L’étude
d’Orléans-Tours permet de mettre en évidence que la non-possession d’un ordinateur est le seul facteur lié à de faibles compétences de base (3). Elle ne relève pas de
différences liées à l’âge dans cette population de PE où le décile le plus âgé est né
avant 1970 et le plus jeune après 1981. Une explication serait que leurs parcours
peuvent être différents, mais qu’ils incluent généralement l’usage de l’ordinateur, au
moins comme outil.
Les compétences de niveau 1 concernant les réseaux et la sécurisation des données
sont faibles en début d’année : 60 % des stagiaires ignorent qu’un ordinateur peut
être ou non raccordé à un réseau et 75 % ne savent pas partager une ressource. La
question de l’utilisation des moteurs de recherche est mal comprise puisque presque
tous déclarent savoir les utiliser pour trouver un site pertinent, mais 60 % ignorent
l’usage des opérateurs booléens. Orléans-Tours n’observe pas d’évolution significative entre le début et la fin de l’année, malgré la place prise par la navigation sur le
web dans les usages personnels.
Dès 2003, deux stagiaires sur trois ont une adresse électronique en début d’année.
La messagerie est un outil d’usage courant mais elle est utilisée a minima. Les trois
quarts déclarent « ranger des messages dans des dossiers » et « constituer un carnet
d’adresse », mais moins de la moitié utilise l’attachement de fichiers. Les autres outils
de communication (liste de diffusion, forum, sites collaboratifs) sont très peu utilisés.
En fin d’année, l’utilisation bihebdomadaire du courrier électronique concerne environ 80 % des stagiaires.
Les compétences élémentaires de production de textes sont déclarées acquises par
une grande majorité. Il n’en est pas de même pour une compétence avancée et utile
3 - La moyenne à cette compétence dans le groupe de ceux qui ne sont pas équipés est inférieure de 0,75 écart type à la moyenne générale. Elle est très peu différente pour les autres
variables telles que le sexe ou l’age.
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pour les documents longs – créer automatiquement une table des matières – qui est
rarement maîtrisée (30 %). La connaissance du tableur reste moyenne.
La production de documents multimédias et la création de pages et de sites web restent une affaire de spécialistes. Reims note par ailleurs une baisse sensible des compétences au cours des années pour la création d’un site web. La formation dans ce
domaine, coûteuse en temps, n’a pas survécu à la réduction des horaires encadrés et
à la prise en compte de nouvelles priorités dans le cadre de directives ministérielles.
Les compétences dans le traitement d’images et les utilisations de logiciels de PAO et
de dessin sont faibles. Pour Orléans-Tours, l’amélioration en cours d’année est significative, en lien avec les besoins du métier et l’effort de formation, mais inférieur aux
objectifs de l’institut.
Reims a interrogé les stagiaires sur leur connaissance des logiciels disciplinaires
reconnus d’intérêt pédagogique (RIP) (4). Ceux qui déclarent les connaître insistent
sur la lourdeur des préparations nécessaires à la mise en œuvre de ces logiciels. Ils
manifestent ainsi une compétence liée à l’usage professionnel de logiciels (niveau 2).
Ils sont à peine plus de la moitié d’entre eux, avec des différences selon les filières.
Au cours des années le taux moyen est stable, mais des changements s’observent
d’une filière à l’autre, sous l’effet des modifications des contenus de formations et des
équipes de formateurs.
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Réalité des compétences et genèses
Les questionnaires repèrent des compétences « déclarées ». De façon à organiser efficacement la « mise à niveau C2i n1 », certains IUFM ont mis en place de véritables
épreuves sur machine en début de seconde année qui permettent de confronter les
déclarations aux compétences réelles. Nous exploitons les scores obtenus en 2004
par les PLC littéraires (effectif : 45) et scientifiques (effectif : 35) d’un site de formation.
Les compétences liées à la gestion fichiers, déclarées acquises dans les questionnaires, sont effectives seulement dans 2 cas sur 3. L’étude confirme la faiblesse des
compétences relatives aux pratiques Internet. L’usage d’équations de recherche n’est
généralement pas connu, notamment chez les PLC littéraires qui sont pourtant plus
nombreux à se déclarer utilisateurs de l’Internet.
En ce qui concerne les outils généraux, les résultats aux épreuves confirment que les
compétences élémentaires de production de textes sont acquises par une majorité,
4 - Label attribué par le ministère.
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que la gestion des documents longs est rarement maîtrisée et que la connaissance du
tableur est moyenne chez les PLC scientifiques et très faible chez les littéraires.
Les compétences dans le traitement d’images sont attestées chez deux stagiaires sur
cinq en moyenne, ce qui paraît plus fort que dans les questionnaires passés dans des
années antérieures où les usages personnels n’étaient pas courants. Les compétences
diffèrent : les littéraires savent davantage numériser les documents et les scientifiques
savent davantage traiter les images, ce qui paraît lié à un usage différencié du scanneur et de la création de figures.
Les grandes tendances sont donc similaires entre « réel » et « déclaratif ». Le décalage
concerne notamment la gestion des fichiers et les pratiques Internet, domaines où les
professeurs stagiaires se croient plus avancés qu’ils ne le sont.
Seuls 40 % des stagiaires donnent une réponse positive à la question « Avez-vous
suivi une formation informatique ? », alors que l’Université dispense ces formations
en DEUG et licence. Antérieurement à l’IUFM, l’autodidaxie est perçue comme la
modalité principale d’apprentissage. Orléans-Tours constate une amélioration relative au cours de l’année et l’attribue au compagnonnage sous la pression des documents à rédiger.
Comment les stagiaires abordent-ils les usages ? Les réponses convergent pour montrer que les mêmes usages sont développés en parallèle dans les sphères privée et
professionnelle. Que les stagiaires disposent ou non d’un ordinateur, les outils généraux (bureautique, encyclopédie…) prédominent, alors que les logiciels spécifiques
demeurent marginaux. Toutefois, une étude plus fine montre que les PLC scientifiques
utilisent plus que les autres des logiciels spécifiques à leur discipline.
Préparation de la classe
L’utilisation de logiciels spécifiques à la discipline est très minoritaire (un cas sur six).
Ce taux reste stable entre 2000 et 2003 chez les PE.
En 2000, un stagiaire sur deux déclarait avoir recours à l’Internet pour rechercher
des informations et un sur trois disait y rechercher des préparations « toutes faites ».
Ces taux sont en progression sensible (+ 25 %) entre 2000 et 2003. L’utilisation serait
davantage orientée « réception » que « collaboration » car, dans la population PE
observée par Orléans-Tours, les échanges entre collègues demeurent minoritaires
(40 %) malgré le contexte favorable de l’année de stage. Près de la totalité des
stagiaires déclarent élaborer leurs fiches de préparation sur ordinateur, mais guère
plus de la moitié produit des documents à usage des élèves, techniquement plus
complexes à réaliser que la fiche de préparation.
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Usages en classe
Les enquêtes montrent que l’accès au matériel informatique pour un usage en classe
est généralement possible. La principale difficulté se situe dans l’équipement en logiciels jugés intéressants dans moins d’un tiers des cas. Nous y voyons un hiatus entre
les attentes des stagiaires – partiellement déterminées par la formation reçue à
l’IUFM – et la réalité de l’établissement. Ce hiatus qui n’est pas propre aux technologies, est habituellement géré par le conseiller pédagogique. Les données laissent
penser que son rôle dans le domaine des TICE est en fait très faible.
En règle générale, l’utilisation avec les élèves est presque identique entre le premier
et le second degrés et concerne environ deux stagiaires sur trois avec une légère progression (15 %) entre 2000 et 2003. Dans son étude clinique, Orléans-Tours
confirme que les trois quarts des PE ont pratiqué au moins une activité en classe avec
recours à l’ordinateur, mais il précise que seul un stagiaire sur cinq est en passe d’en
systématiser l’usage.
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L’analyse par type d’outil montre que le traitement de texte est le plus couramment
utilisé ainsi que le navigateur, avec des usages effectifs en classe plus spécifiques
selon les disciplines : un PE sur deux utilise le traitement de textes, les deux tiers des
PLC scientifiques privilégient des logiciels disciplinaires et deux PLC littéraires sur
cinq déclarent rechercher des documents sur l’Internet. La recherche documentaire
est d’ailleurs en nette augmentation. L’utilisation en classe du courriel reste marginale
et concerne surtout les PLC littéraires. Le tableur est très peu utilisé, le taux évoluant
très peu au cours des trois dernières années et son usage reste spécifique aux PLC
scientifiques.
Déterminants et représentations des usages en classe
Besançon relève un large éventail des sources d’informations concernant les logiciels
pédagogiques. L’IUFM devrait logiquement venir en tête. Ceci se vérifie chez les PLC
mais seulement dans moins d’un cas sur deux (un sur cinq chez les PE). Dans ces
deux catégories, les collègues « personnes-ressources » des établissements constituent une aide importante, rôle que jouent peu les conseillers pédagogiques en titre.
Reims a demandé aux stagiaires, s’ils se sentaient prêts à utiliser les TICE en classe
dès leur sortie d’IUFM. Les taux de réponses positives progressent notablement au
cours des années dans toutes les filières pour atteindre la quasi-généralisation chez
les PE et les PLC sciences et devenir très majoritaires chez les PLC littéraires. Les motivations que privilégient les stagiaires sont que « les élèves doivent être formés aux
nouvelles technologies devenues incontournables dans la société actuelle » et, en
seconde position, les « apports des technologies dans les apprentissages ».
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Parmi les formes d’utilisation possibles, les deux tiers des professeurs stagiaires voient
dans l’ordinateur un outil de remédiation, et la moitié un moyen d’apprentissage ou
d’entraînement. S’ils perçoivent positivement les usages de l’ordinateur en classe, ils
le voient davantage comme une « valeur ajoutée » (pour les élèves, adaptation au
monde contemporain et pour le professeur, mise en activité des élèves et individualisation) plutôt que comme ayant un impact fondamental sur les apprentissages.
Les mémoires professionnels
L’analyse par questionnaires nous ayant montré des utilisations généralement ponctuelles et donné peu d’éléments sur ce que peuvent être des usages plus significatifs,
il s’agissait, à travers l’étude de mémoires de tenter d’approcher ce que peuvent être
ces usages.
Étude quantitative
Des données ont été trouvées sur les sites de 10 IUFM. Elles concernent 582
mémoires de PLC mathématiques dont 10 % environ portent sur les technologies,
représentant une minorité assez stable au cours du temps, de stagiaires développant
des usages suffisamment significatifs des technologies pour qu’ils fassent l’objet d’un
mémoire. Il s’agissait, à l’aide de données telles que le titre, le résumé ou l’énoncé
de la problématique, de repérer des tendances dans ces usages.
Les outils les plus représentés sont la géométrie dynamique et les calculatrices. Ils sont
très différemment répartis sur les deux niveaux de l’enseignement secondaire : la
quasi-totalité des mémoires portant sur les calculatrices concernent le lycée et les trois
quarts des mémoires portant sur la géométrie dynamique concernent le collège ; le
tableur, loin derrière, ne présente pas cette polarisation sur un niveau. Ces types
d’usages sont prévus par les instructions officielles, mais celles-ci recommandent
aussi d’autres usages, beaucoup moins présents dans les choix des stagiaires.
Au collège, les problèmes posés par le calcul instrumenté sont sans doute à l’origine
du peu de mémoires portant sur la calculatrice : il est souvent vu par les professeurs
comme un obstacle au développement de compétences calculatoires. Cette position
apparaît moins au lycée où l’enjeu se déplace du calcul numérique au calcul algébrique. En géométrie, les programmes du lycée insistent sur la démonstration, et les
représentations dominantes voient un obstacle dans la mise en évidence perceptive
des propriétés à l’aide de la géométrie dynamique. Le petit nombre de mémoires sur
le tableur est à mettre en relation avec la faible connaissance de cet outil.
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Les problématiques des mémoires portent le plus souvent sur des motivations générales à l’usage des technologies. Celles-ci sont consistantes avec les représentations
majoritairement repérées dans les réponses aux questionnaires : meilleure préparation des élèves à leur vie en société, préoccupations pédagogiques… Des problématiques plus spécifiques apparaissent liées de façon préférentielle à des types de
technologies : par exemple, la géométrie dynamique et le tableur sont plus souvent
associés aux apports et la calculatrice à une problématique possibilités/limites.
Le questionnement sur les possibilités/limites des calculatrices (particulièrement en
classe de seconde) correspond à leur représentation comme obstacle au développement de compétences calculatoires, mais aussi à une volonté de la dépasser en initiant les élèves à une pratique raisonnée, que peut expliquer le fait que les stagiaires
ont eu un rapport aux calculatrices très différent au lycée (usage encouragé) et à
l’université (usage souvent interdit).
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La pratique d’outils mis à disposition de l’élève sous le seul contrôle du professeur
n’est pas perçue dans cette problématique ; c’est le cas de la géométrie dynamique
et du tableur pour lesquels les questions de la mise en œuvre et des apports sont les
plus présentes. De plus, la géométrie dynamique, utilisée surtout en collège, n’apparaît pas comme pouvant entraîner des difficultés dans l’apprentissage de la
démonstration. Elle est également plus présente dans les problématiques spécifiques.
Les exemples d’activités mises à la disposition des enseignants (manuels, Internet,
cahiers d’utilisation des logiciels, etc.) donnent des idées d’utilisation des logiciels
pour l’étude des notions mathématiques et aident les professeurs stagiaires à se centrer sur des objectifs d’apprentissage. C’est moins le cas du tableur.
Étude qualitative
L’étude qualitative a porté sur une sélection de 28 mémoires faisant intervenir l’ordinateur dans 5 IUFM. Nous avons retenu des mémoires soutenus en 2002 et 2003
de façon à « coller » à l’actualité des stagiaires et de la formation. Nous nous
sommes limités aux disciplines (PLC) ou thèmes (PE) scientifiques, pour tenir compte
des compétences des chercheurs chargés de l’étude. Les thèmes et les IUFM restent
ainsi suffisamment divers pour assurer une certaine généralité à cette étude. Nous
en développons ici les grandes lignes (5).
L’étude quantitative de mémoires donnant des tendances globales dans une seule
discipline, nous avons cherché, à travers cette étude qualitative de mémoires, à préciser ces usages tant dans leur mise en œuvre effective que dans le regard que le
5 - On trouvera les détails dans Blanchard, Leborgne et al. (en préparation).
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stagiaire porte sur eux. Nous avons pour cela constitué une grille d’analyse dont les
premiers indicateurs concernent la préparation de la classe et la problématique sousjacente, puis la mise en œuvre en classe et enfin l’analyse que le professeur stagiaire
en fait a posteriori.
Pour la préparation des séquences, l’utilisation de l’Internet est très peu mentionnée,
en contraste avec les déclarations recueillies par questionnaire et l’existence de nombreuses ressources en ligne. Nous analyserons ceci dans la discussion.
Les indicateurs relatifs à la spécificité de la gestion de la classe en environnement
informatique et aux éléments importants du bilan collectif, avaient été inclus dans la
grille en tant qu’éléments clés d’une préparation de séquence. Ils sont très rarement
présents ; les professeurs stagiaires semblent ne pas avoir pris conscience de ce que
montrent de nombreuses études didactiques : les contraintes et opportunités des pratiques instrumentées impliquent une gestion de classe différente, et la mise en relation de ces pratiques, le plus souvent individuelles, avec les savoirs à construire
suppose une institutionnalisation collective.
Deux indicateurs sont mentionnés dans un cas sur trois :
– les apports spécifiques relatifs à l’initiation informatique, ce qui montre que,
contrairement aux déclarations relevées dans la population globale, relativement
peu de stagiaires faisant leur mémoire sur les TICE considèrent cette dimension ;
– l’évolution constatée : peu de mémoires dépassent l’innovation pour se situer dans
la réflexion (Comiti et al., 1999), la majorité des stagiaires se centrant sur une présentation de la séquence mise en œuvre.
L’étude des problématiques confirme ce tableau : elles sont centrées sur les élèves
– leur rapport à l’ordinateur et/ou leurs apprentissages, plus en référence aux incitations officielles qu’aux ressources en ligne – et il n’y a pas réellement d’interrogation sur les spécificités de l’intégration des technologies, ni dans l’approche
disciplinaire ni dans la pratique de l’enseignant. Ces mémoires tranchent donc avec
l’orientation « analyse des pratiques » souvent donnée aujourd’hui au mémoire
(Crinon, 2003).
Concernant la mise en œuvre, le document-élève existe presque toujours ; il contient
très souvent à la fois des instructions de manipulation du logiciel et des questions sur
les thèmes disciplinaires. Le guidage « informatique » des élèves résulte de leur faible
autonomie par rapport à un logiciel, que jusque-là, ils n’ont pas ou peu utilisé. Il
s’étend souvent au questionnement disciplinaire que le professeur stagiaire pense ne
pas effectuer lui-même du fait des contraintes de la situation.
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Les professeurs-stagiaires d’IUFM et les technologies
Le document est ainsi très souvent directif au départ, l’élève étant même parfois guidé
de bout en bout. Lorsque l’élève est autonome au départ, l’évolution dans la moitié
des cas se fait vers plus de guidage ; le stagiaire s’y estime contraint par la réaction
des élèves qui perdent de vue l’objectif disciplinaire ou rencontrent des difficultés à
accomplir une tâche trop ouverte.
L’activité du stagiaire dans la phase de mise en activité des élèves consiste à expliquer la consigne et à aider les élèves à prendre en main le logiciel. Ensuite, elle se
réduit à une aide individuelle ou à un contrôle de l’avancée du travail plutôt qu’à
préciser les enjeux de la tâche – notamment dans leur dimension disciplinaire. Il
semble que les stagiaires dévoluent ce rôle à l’ordinateur et/ou au document, concevant difficilement d’avoir eux-mêmes ce rôle alors qu’ils ont aussi à gérer la manipulation de l’ordinateur par les élèves.
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Dans l’analyse a posteriori les retours positifs, peu nombreux, portent sur les dimensions générales des problématiques : motivation, participation, plus grande autonomie des élèves favorisant l’aide individualisée. Les difficultés signalées concernent
l’activité des élèves aussi bien que celle du professeur. Les problèmes techniques liés
à la manipulation du logiciel reviennent fréquemment ; il en est de même du « détournement », non prévu par le stagiaire, qui s’opère sur les objectifs d’apprentissage :
en effet, l’utilisation d’un outil technologique implique un rapport aux objets d’apprentissage différent de l’environnement papier/crayon. L’ensemble des mémoires
ne prend pas en compte a priori ce changement, la prise de conscience n’intervenant qu’en cours de séquence ou lors de l’analyse.
Du côté de l’enseignant, les problèmes les plus fréquemment rencontrés concernent
le temps : longueur de la préparation, nécessité d’anticiper l’activité de l’élève, gestion de la séquence. Certains mentionnent le problème de l’évaluation de ce type de
travail, tandis que d’autres signalent la difficulté de l’enseignant à trouver un équilibre entre des activités guidées, où tout se passe bien mais au cours desquelles l’apprentissage des élèves est réduit, et des activités plus ouvertes, qui peuvent les
décourager.
Dans certaines conclusions apparaît une prise de conscience a posteriori du rôle spécifique de l’enseignant dans ce type de séances : le professeur n’y est plus le seul
détenteur du savoir, il est mieux à même de repérer les difficultés des élèves et d’y
remédier, mais il ne contrôle pas toutes les variables de la situation et il lui est plus
difficile de préparer et de gérer la séance, de contrôler le travail effectué et de l’évaluer. Malgré tout, cette prise de conscience ne conduit pas majoritairement les stagiaires à des propositions d’évolution de leurs séquences, les difficultés repérées
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étant vues comme inhérentes à l’outil et donc inévitables. Comme nous l’avons vu,
les mémoires utilisant l’ordinateur se cantonnent ainsi dans le registre de l’innovation sans se situer dans une perspective d’usages intégrés à la pratique.
DISCUSSION
Notre problématique est celle des obstacles qui empêchent des conditions a priori
favorables d’avoir un effet décisif sur le développement d’usages professionnels, ces
obstacles étant à trouver dans le type d’instrumentation des technologies réalisé par
l’enseignant débutant. Celui-ci (ou celle-ci) se situe dans la frange de la population
la mieux équipée et la mieux connectée, mais, en dépit des efforts des universités,
les compétences en début d’année semblent faites de savoirs d’action suivant directement l’équipement et les usages les plus courants. La propension générale est l’utilisation de l’ordinateur comme un outil d’édition de textes courts et de recherche
d’information. Les améliorations les plus sensibles au cours de l’année de stage
découlent d’usages plus exigeants conduisant à des démarches d’autodidaxie soutenues par des formations d’accompagnement et par le compagnonnage.
Dans le premier cadre, cette instrumentation faible fait que les professeurs débutants
ne sont pas prêts dans leur ensemble à dépasser les usages directement analogues
à leurs pratiques privées pour se saisir des possibilités de la technologie dans les
pratiques collaboratives.
Dans le second cadre, l’instrumentation « moyenne » est la suivante : le professeur
stagiaire utilise l’Internet pour chercher des idées et des ressources et le traitement de
texte pour élaborer sa fiche de préparation. Dans un peu plus d’un cas sur deux il
produit aussi le document-élève. Il échange peu avec des collègues, et n’utilise généralement pas de logiciel pour produire les éléments spécifiques à la discipline ni pour
préparer un travail en classe avec ces logiciels.
Certains éléments de la professionnalité apparaissent ainsi résister. Par exemple, la
production informatisée d’un document-élève s’impose difficilement face à la pratique de photocopie de pages de manuels. En revanche, la recherche de ressources
sur l’Internet, notamment de préparations « toutes faites », constitue une rupture par
rapport à la préparation à l’aide des médias traditionnels. Comment apprécier cette
évolution ? L’Internet offre un ensemble de ressources faciles à obtenir. Mais, ces ressources sont très hétérogènes dans leur pertinence et leur organisation, et donc d’une
exploitation problématique compte tenu de la faiblesse des compétences en
recherche « fine » et des repères didactiques.
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Les professeurs-stagiaires d’IUFM et les technologies
Certaines différences apparaissent entre stagiaires littéraires et scientifiques. Les premiers sont plus volontiers utilisateurs de l’Internet tandis que les seconds utilisent un peu
plus le tableur et connaissent un peu mieux les logiciels spécifiques à leur discipline.
Questionnaires et mémoires divergent à propos de l’utilisation des ressources
Internet. Une hypothèse serait que le contexte du mémoire conduit à ne pas mentionner cet usage (6). Elle rejoint l’observation selon laquelle le travail du mémoire
se centre sur les élèves et leur interaction avec l’ordinateur, minorant la réflexion sur
la pratique enseignante. Des implications pour la guidance pourraient suivre puisqu’il vaudrait mieux assumer cette pratique, tant dans sa dimension « analyse » que
dans sa dimension « technique ».
Le cadre des usages en classe est le plus contraint. La manipulation avec ou devant
les élèves n’autorise pas les « essais-erreur » ni la perte de temps. Un professeur stagiaire est par nature beaucoup plus dépendant qu’un enseignant confirmé de sa préparation et tend, par sécurité, à se conformer aux normes dominantes. Face à ces
difficultés, les déclarations des professeurs stagiaires concernant l’utilisation des
technologies en classe nous semblent marquées d’une grande naïveté. Ils sont plus
de la moitié à déclarer avoir utilisé l’ordinateur en classe, mais les études les plus
précises montrent que les usages réellement significatifs sont peu nombreux et se
cantonnent à des domaines particuliers.
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Les usages en classe rapportés dans les mémoires sont plus significatifs. Ils se centrent généralement sur la discipline, ignorant dans deux cas sur trois l’apport à la
formation générale des élèves, qui vient pourtant en bonne position dans les motivations déclarées par l’ensemble des stagiaires. L’étude quantitative dans une discipline montre que les usages sont surtout ceux où les technologies sont compatibles
avec les normes les plus courantes dans l’enseignement. On peut y voir une illustration de la tendance à la stabilisation des pratiques, qui est, nous l’avons vu, une donnée centrale de la professionnalisation. Cette tendance peut-elle être contrebalancée
par certaines prises de conscience ? La question reste ouverte, l’étude qualitative des
mémoires nous ayant montré que si les professeurs montrent une certaine sensibilité
aux contributions des technologies aux apprentissages dans leur analyse, les retours
sur la pratique restent rares et limités.
6 - Rappelons que l’étude des mémoires concerne des thèmes scientifiques. Nous avons vu
plus haut que les stagiaires des disciplines scientifiques sont moins nombreux que leurs collègues littéraires à pratiquer la recherche sur l’Internet. Cela ne suffit cependant pas à expliquer qu’aucun des mémoires étudiés n’y fasse référence.
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Jean-Baptiste LAGRANGE, Jean-François LECAS, Bernard PARZYSZ
Notre étude est une première approche de la complexité des genèses instrumentales
des enseignants. Les observations relatives aux deux premiers cadres montrent l’insuffisance de genèses découlant d’usages « privés ». Les schèmes d’utilisation qui
seraient nécessaires dans le troisième cadre articulent des représentations de l’outil
et des représentations des concepts et de leur enseignement. Comme cette articulation est délicate, il n’est pas étonnant que peu d’usages en classes apparaissent réellement satisfaisants.
Nous nous interrogeons sur le rôle de la formation à l’IUFM. Les données recueillies
par questionnaire indiquent que les genèses sont perçues comme résultant d’autodidaxie et de compagnonnage, l’IUFM jouant très partiellement son rôle d’initiateur et
de façon différenciée selon les groupes de formation. Il nous semble aussi que,
quand des professeurs stagiaires présentent des usages significatifs comme c’est le
cas dans les mémoires étudiés, la guidance pourrait introduire une réflexion sur des
points cruciaux tels que les modifications introduites par l’activité instrumentée dans
la pratique professorale et dans le traitement des concepts de la discipline.
Perspectives
Le terrain que nous observons est susceptible d’évoluer rapidement dans les années
qui viennent. En premier lieu, il faut s’attendre à ce que, au début de l’année, la
quasi-totalité des stagiaires atteigne au moins l’instrumentation « faible » que notre
étude a montrée chez une majorité. Il sera intéressant d’analyser dans quelle mesure
des compétences mieux développées et attestées dans le cadre de l’Université avec
la généralisation du C2i niveau 1 sont des conditions favorables au développement
de compétences et d’usages directement professionnels. En montrant que les professeurs stagiaires acquièrent des compétences surtout sous la pression des besoins,
notre étude conduit à douter d’un effet « automatique ».
Dans ce contexte, et avec la généralisation du C2i niveau 2 comme condition de la
certification à l’issue de l’année de stage, les IUFM vont centrer plus directement leur
dispositif de formation sur les compétences et usages directement professionnels.
Notre étude montre que les IUFM peuvent ainsi jouer davantage leur rôle, mais aussi
qu’il ne faut pas s’attendre à des « miracles » : les compétences de niveau 2 s’insèrent dans une professionnalité nouvelle, encore peu existante sur les terrains d’exercice et certainement lente à se construire. Une question est de savoir où les stagiaires
peuvent rencontrer une telle professionnalité, ce qui implique d’étudier les dispositifs
et formateurs IUFM.
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Les professeurs-stagiaires d’IUFM et les technologies
Une autre question est celles des usages que les professeurs stagiaires peuvent développer pendant les quelques mois de leur formation et qui sont l’occasion de prises
de conscience pouvant préparer une évolution de la professionnalité. L’étude de
mémoires professionnels portant sur les TICE nous a servis d’outil pour repérer ces
usages et prises de conscience. Pour profiter pleinement de cet outil, il faudra dépasser la seule étude du texte pour la confronter aux conditions dans lesquelles il a été
produit : profil des stagiaires, points clés de la guidance, élaboration et analyse de
la séquence.
Remerciements
Les données utilisées dans l’article ont été obtenues dans le cadre de l’équipe en projet INRPIUFM (7), « Appropriation des outils TICE par les stagiaires d’IUFM » (rapport final : Lagrange,
2005) et de travaux de thèses (Caliskan, Erdogan, 2004).
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7 - L’équipe en projet a associé des chercheurs et enseignants des IUFM de Bourgogne,
Centre, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Nord-Pas-de-Calais et l’INRP (G.L. Baron).
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Jean-Baptiste LAGRANGE, Jean-François LECAS, Bernard PARZYSZ
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