Contribution à la topographie historique de la ville d'Epinal
LES FOUIL.LES ARCHEOLOGIQUES
DE LA PLACE DES VOSGES
Charles KRAEMER
1- Stratigraphie
A une profo ndeur variant d 'l mètre à 1,20 mèt re par rapport
au niveau du sol actuel, un limon naturel ocre (n' VII) , résultat d'un
colluvionnement post-glaciair e d' origine fluviale, surmonte une
couche de plusieurs mètres d' épai sseur con stituée essentiellement
de galets de petites dimensions, arrondis et mêlés à un sable très fin.
Ce limon, dont le penda ge décline insensiblement de -0,78 mètre à
l' extrémité sud de la place (près du pilier présumé du xnr' siècle) à
1,15 mètre sous le niveau du sol, dans l' angle est (à proximité du
café du Commerce) et à -1,32 mètre au vois inage de la maison du
Bailli, sert de socle à l'empilement des dépots anthropiques (niveau
de fréquentati on, couches d ' occupati on et remblai s divers) décapés
sur environ 0,40 mètre d' épai sseur pour les besoins du réam énagement de la place.
La relative homogénéité de la stratigraphie et des séquences
stratigraphiques observée sur l'en sembl e de la zone fouillé e est
ponctuellement contredite par des bouleversement s provoqu ant des
inversions de couches ou des lacunes qui seront mentionnées et
décrite s au cas par cas. Partant du haut, la prem ière couche tassée
et compacte, composée de sable et de chaux (n' 1), présente un profil
subhorizontal dont l' épaisseur moyenne varie de 10 à 15 centimètres. Elle devait vrais emblablement servir de support à un pavage
et a fourni un mobilier rare , essentiellement de la faïence blanche
et quelques fragments de céramique vernissée vert.
Sousjacente, une couche hétérogène (n' II) de couleur brungris, d'une quinzaine de centimètres d ' épaisseur, est mélée ponctuellement de lentilles de charbon de bois (reste de foyer) , de limon
ocre, de gravier, de mortier et de sable. Elle renferme éga lement des
tessons de faïence blanche , de céramique cuite en atmosphère
oxyd ante ou réductrice, vernissé e ou non , des os, de nombreux clou s
et d'autres fragments métalliques ainsi que trois monnaies dont
deux, en billon, ont pu être identifiées et datées de la fin du
xnf -début Xlv" siècle .
Trois fosses, creusées ju squ 'au x couche s naturelle s, expliquent sans doute les inclu sions de limon et de gravier trouvées dan s
les couches superficielles; deu x sont remplies de pierres inorganisées, de mortier de chaux et de terre brune (cf. coupe s n" 2 et 4) ;
elles renferm ent un matériel céramique comparable à celu i déjà
évoqué avec une prédominance de faïence, deux monn aies du xvnr'
siècle et une de la période révoluti onnaire. La troisième fosse, au
contraire, estoccup ée par un massif de maçonnerie dessinant un
Emplacement de la fouille
L'aménagement de la Place des Vosges à Epinal a permis , du
18 au 26 août 1989, une fouille de sauveta ge urgent 1. La situation
de cette place , à quelque s dizaines de mètre s seulement du cours
actuel de la Moselle , a condu it les historien s et érudits locaux à la
considérer comme l'emplacement du marché. Fond é au cours du xe
siècle , puis confirmé en 983 par l 'empereur Othon II en ces termes :
et mercatum quem nostro licitu in loco qui spinal dicitur primus
elevavit, ce lieu d'é changes et de comm erce deven ait ainsi, avec le
château et le monastère, le troisième pôle qui conditionna l'épanou issement de la cité au moyen -âge .
Un terra ssement profond et inopiné qui mit en relief un alignement de poteau x offrait ainsi l'occasion, outre de mesurer l'importance des accumulations anthrop iques, d' étayer cette hypoth èse en
mettant au jour des structures nécessaires à cette activit é. Il devenait
ar ailleurs possible de véri fier l' existence de la tour Poiron , voire
d 'un « podium », symbole s de la vie publiqu e et pol itique de la cité,
desquels, selon la documentation historique, étaient proclamées les
sentence s et édits communaux.
Les contraintes imposées par l' évoluti on des travaux conj ùguées à leur état d 'a vancem ent n' ont toutefois pas perm is de fouiller
plus de 100 m 2.
1.
Y ont participé : Christophe Douche. Fabienne Douche, Pierre Felet, J.-Jacques Gaffiot,
Catherine Larri ère, J.-Marc Maucotel, J.-Louis Miclot, Pascale Kraemer, Eric Pommageot.
Sylvie Thi ébaut, Rémy Th iriet. tous bénévo les et membres du Groupe de Recherche Archéologiqu e des Hautes-Vo sges. Qu'ils trouvent ici l' expression de mes remerci ements
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carré d'environ 0,65 mètre de côté qui affleure à -0.73 m ètre. Sa
, plus large, repose à -1.71 mètre, sur la couche naturelle de
galets de Moselle qui lui assure une bonne assise (cf. coup e n" 2).
La strate suivante (n" III), premi ère à être interrompue par ces
différentes fosses, de couleur plus foncée que la précédente mais de
composition quasi identique, est formée de plusieurs sous-couche s
; elle mesure environ 20 à 25 centimètres d'épaisseur et culmine
entre -0.65 mètre et -0.70 mètre. Son niveau supérieur est ponctué
de trous, sortes de nids de poule de profondeurs et de dimensions
variables, le plus souvent comblé s par des recharges de sable (cf.
coupe n" 3) ; c'est à proximité de l'un d'eu x et à la surface de cette
couche qu 'un jeton de marchand allemand du XVIe-XVIIe siècle fut
ramassé à -0.72 mètre . Plusieurs autres monnaies, dont deux fragments d'une même pièce distants de quelques mètre s, furent trouvées entre -0.81 et -0.87 mètre ; toute s furent émi ses à la fin du XIIIe
.ou au début du XIve siècle tandis qu'une autre , exhumée à -0.92
mètre , date de la fin du XIve ou du début du xv" siècle. Parmi le
mobilier archéologique, peu abondant toute fois, on dénombre plusieurs morceaux de poteries cuites en atmosphère réductrice en
même temps que de la poterie rouge, vernis sée, munie ou non de
décor s en relief. En trois endroits, dans et sur cette couche, ont été
mis au jour, entre -0.73 et -0.79 mètre , des pierre s plates de grès,
mal organis ées, qui pourraient néanmoins correspondre aux seuls
vestiges d'un empierrement recouvrant partiellement ou en total ité
la place.
Sous cette couche, en même temp s que sous un remblai stérile
de sable rose et jaunâtre, appar aît, entre -0.90 et -1.00 mètre, une
terre noire et compacte, épais se tout au plus d'urie diza ine de
centimètres. Elle repose, à l'est, sur une couche de limon dont le
relief accidenté contraste avec la relative horizontalité du secteur
occidental tandis qu 'à l'ouest, elle recouv re un niveau de petits
galets parfaitement agencés, identifiable à un pava ge (cf. photo
ci-dessous). Une terre grise en comble les interstices et recouvre
simultanément, sous forme d 'un e fine pellicule, la surface plane de
la nappe alluviale.
La cun aire au centre du sondag e, cette strate est remplac ée par
un « sol » de terre battue mêlée de tuilot pilé ou de grès concas sé.
Les travaux de terrassement n'ont malheureusement pas permis de
connaître l 'étendue de cette surface , limitée par plusieurs traces de
poteaux qui lui semblent associés. Elle culmine au nive au des galets
et semble avoir servi à étanchéifier le sommet de la couche sousjacente. Cette dern ière, compo sée de limon et de terre brune meuble
(vase) rempli ssait , sur 25 centimètres, une dépre ssion d 'orientation
sud-est/nord-ouest, taillée dan s la couche naturelle. L'ensemble a
fourni un mobilier relat ivement peu abondant qui con siste essentiellement en esquilles d' os de faune, fragments de cuivre ou de
bronze, tessons de céramique noire , grise ou beige et en monnaies
ramassées sur le limon dont les dates d' émi ssion vont du début du
xn r' siècle à la fin du xve ou début XVIe siècle .
Il - Les poteaux
Toute s ces strates, sauf les deux supérieures, présentent des
perforations consécuti ves à l'installation de poteaux ou piquet s.
Une étude comparative, qu i n' a malheureusement pas été possible
pour l' ensemble des structures, 45 au total, a été réali sée à partir des
trois critères stratigraphique, altimétrique et céramique. Plusieurs
groupes sont ainsi apparus.
Le premier, correspond aux poteaux 19, 22, 32 et 35 qui
affleurent au sommet de la couch e III et la traversent ou qui
contiennent des tessons de céramique comparables à ceux trouvés
dans cette même couche. Le deu xième lot recen se les empreintes
13, 29, 30, 34, 40, 44 et 45 qui perforent uniquement la couche
d 'oc cupation IV et qui culminent entre -0.86 mètre et -1.00 mètre ;
le 13 et le 40, dont la particularité commune est de border la surface
horizontale, d éterminent un axe sensiblement perpendiculaire à
celui formé par les trous 29, 30, 44 et 45 . Le troisième ensemble
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regro upe esse ntielle men t les fantômes de poteaux masqu és par le
lit de galets à l' ouest du sondage; il lui est par conséquent antérieur,
sans qu 'il soit possible d' apporte r plus de précisions. Le dernier
comprend les numéro s 3 1, 33 et 42 qui sont apparus, au raz de la
couche naturelle, après décapage du mé lange de terre brune et de
limon.
III - Le matériel
L 'ensemble des couches archéologiques a livré un matériel
céra mique, métallique et ostéologique en quantité relativement
faible.
La céramique
Particulièrement pe u abon dante , la poterie recueillie est à la
fois fragme ntée et fragmentaire . Elle n 'a perm is aucune reconstitution de forme archéologiquement complète.
Les strates supérieures (n" II et III), d'origine médiévale mais
perturbées puis nivelées à l 'époque modern e, ren ferment un ensemble céramique hétérogène , représentatif de ces périodes. Il s'agit
d 'un morce au de porcelaine exhum é d'une de s fosses, de fragments
de faïence blanche ornés pour certai ns de moti fs bleutés , de deu x
éclats de grès gris-beige dont un provient de la poche creusée dans
les couches inférieure s jusqu' au limon (fig. 3, coupe 4), de tesson s
de poteries cuites en atmosphère oxydante qui constituent le lot le
plus important ; la pâte rouge, plutôt grossière, est souvent enduite
à l'intérieur et/ou à l'extérieur d ' une glaçure brune, verte, orangée
ou ocre, plu s ou moi ns couvra nte .
Les formes remarquables, rares et très frag mentées , se résument à six fonds plats (fig. 7. 1) forma nt avec la panse un angle aigu
ou à peine supérieur à 90°, huit lèvres de types différents (fig. 5.1)
et un fragment d'a nse de section circ ulaire. Quant au décor, deux
tessons sont munis d'une pastille en sur-impression tandis qu'un
troisième est orné d'une ligne brisée finement incisée. Enfin, de la
céramique grise, cuite en atm osphère réductrice, en quantité moin dre, form e néanm oins un lot significatif qui ne comporte aucun e
trace visible de glaçure; quatre lèvres (fig. 5.2), deu x anses et deux
fonds (fig. 7.2) constituent l'essentiel des fragments typique s. Une
lèvre se distingue cependant de cet ense mble par sa pâte plus fine,
sa patine lustrée et sa partie supérieure aplatie en « bandeau ».
Deu x tuyaux de pipe, deux carreaux de poële, un pion et un
dés à jo uer sont les seuls éléments qui se distinguent de la céramique
domes tique plu s courante.
Les couches inféri eures (n' IV, V et VI) ne comptent, pour
l'essentiel, que des fragments de céramique noire, grise ou beige ;
mais là encore, la rareté du mobilier ainsi que son caractère fragmenté et fragmentaire, n'ont perm is ni recons tituti on ni restitution
graphique. Les formes spécifiques, peu nombreuses, se limitent à
quelques lèvres génér alement éve rsées, quelqu es fond s plat s ou
bomb és qui dessinent avec la panse un angle obtu et deux fragments
d'anses plates . Parmi les cas particuliers ont été dénombrés un
tesson de poterie cuite en atm osphère réductrice recouvert d 'u ne
glaçure verte et, ponctuellement, quelques tesson s rouges, vernis
ou non.
Cette différence de contenu entre les couches supérieures et
inférieures n 'est pas sans rapp eler le seuil céramique observé dan s
les fouille s du châtea u d 'Epinal 2.
Poteau n' 32
En résumé , ces différents groupes appartiennent à des période s
successives d'occupation de la place des Vosges; aucun d' ent re eux
pourt ant ne révèle l'e xistence d 'u ne constructio n délibérée, sauf
peut-être le deu xième dont les éléments peuvent être mis en relatio n
avec la couche tassée de terre mêlée de tuilot. Cet aspect anarchique
est d ' autre part ampl ifié par la diversité des diamètres (de 3 à 32 cm)
que l' on peut regrouper en trois caté gorie s : perche s, piquets' et
poteaux évoquant des fonctions spécifi ques mais indéterminées.
Quant aux poteaux qui, par manqu e d'inform ation s, n 'ent rent dans
aucune de ces classes, seules des analy ses de leur rempli ssage
aura ient permis, sinon d'établir des rela tions structurelles, d ' apporter au moin s des précision s d 'ordre chronologique. Quo i qu 'il en
soit, compte-tenu des résultats précédents, il est peu prob able d' en
trou ver qui soient antérieurs au xur' siècle.
2.
129
M. Bur, Fouilles au château d' Epinal, Anna/es de la Société d'Emulation du départem ent des
Vosges. 1988. p. 36.
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Les objets métalliques
La faune
Un rapide examen des os, matériel archéo logique le plus
abondamm ent recueilli, permet d 'emblée de les assimile r à des
déchets de boucherie provenant sans doute de ce lle située à proximité de la place et détruite au cours du xvur' siècle . Rares sont en
effet les os qui évoq uent des morcea ux de choix, mais des phalanges, des extrémités dystales et proximales d'os long s (têtes
fémora les), des os craniens, y compris des mandibules et des
maxilaires, compo sent l'essentiel du lot. Nombre d' entre eux présentent d'ai lleurs des traces de coupere t ou de déchamement. L' examen des ces esquilles a perm is de détermi ner les espèces an imales
domes tiques qui, en partie au moins, entraie nt alors dans l' alimentation. Outre un âne et un cheval, respectivement observés par un
sabot et deux phalanges en connex ion anatomique, bovidés , capridés et porcs représe ntent l'essentiel de la consommatio n carnée.
En plus de quelqu es nodules ferreux, probables résidus de
fonderie, ont été relevées de nombreuses et infimes particu les de
bronze dont l' association à du charb on de bois épar s suggère
l' exis tence d' un atelier de bronzier. Cette activité reste toutefois
difficile à dater compte-tenu de l' ampl eur chronologique, de la fin
du XIIIe au XV Ie siècle , de la couche dans laquell e ce matériel fut
préle vé.
La fouille a par ailleurs permis de mettre au jour quantité
d'obj ets métalliques , en fer ou en bronze, ainsi que de nombr euses
monnaie s. Parmi les premiers, non identifiables pour la plupart en
raison de la gangue d 'oxydation qui les enrobe, se disti nguent
essentiellement, outre des clous de fer, quelques boucles de ceinture, avec ou sans ardillon, ainsi que des éléme nts de paru re, le plus
remarquable étant une petite charnière finement ciselée (long ueur
4 cm). Aucun d 'en tre eux n'apporte cependant de précision sur la
chronologie et la durée de fréquentation de la Place des Vosges .
IV - Les acquis de la fouille
En bref, si le matériel archéologique ne permet en aucune
manière de conclure à la fréquentation de cet espace anté rieurement
au XII{ siècle, l' analyse stratigraphique autorise quelque s rema rques complémentaires. L' absence d'accumulation anthropique peut
être la consé quence d'u ne activité hum aine de moindre importance
du XII{ au XVIe siècle; mais elle pourrait être due aussi, compte-tenu
de la proximité de la Mose lle, à un balayage systéma tique de cette
zone, soumise régulièreme nt aux crues de la rivière et favorisant de
la sorte un remplissage limoneu x des cre ux observés à la surface de
la couche nature lle. A ces deux conjec tures, qui ne sont d'a illeurs
pas incompatibles, s'ajoute ce lle d'un nivellement intenti onnel ,
détruisant les couches antérieures jusqu 'au limon tout en préservant
un mobilier archéologique résiduel et des empreintes de poteaux.
Cette opération, qui pourrait avoir été entrepri se au XVIe siècle,
aurait permi s la mise en œuvre, sur un niveau ferme et horizontal ,
d 'un empierrement de petit s galets dont la fonction reste encore à
définir. Situé dans l' axe de la rue de la Basilique, ce revêtement en
était peut-être le prolongeme nt. Mais on peut raisonnablement
supp pose r qu 'il servait à matérialiser des espaces entretenus et
reservés à l'implantation d 'étaux, participant ainsi à l' organ isation
et à la gestion du commerce spinalien, particulièrement florissant
de 1560 à 1630 3.
Mis à part les couches de sable stériles, les strates supérieures
II et III semblent appartenir , au vu du mobilier notamment monétaire qu' elles renferment, à des niveaux d 'occupation méd iévale,
pert urbés puis reman iés en remblai de nivellement. Cett e notion de
remblai est d' ailleur s sensible pour la couche III laquelle a livré, à
plusieur s mètres de distance, deu x fragments d'une même monnaie
émise sous Philippe le Bel. Ce surhaussement délibéré du niveau
de fréquentation, avec des apports de terre dont l'origine méconnue
n' exclut pas celle de la Place des Vosges ou de son voisinage , s' est
opéré en deux étapes, au cours du XVIIe siècle ou, au plus tôt à la fin
du XV{ puis, postérieurement au comblement des fosses, vers la fin
du XVIIIe siècle, ce qu'atteste une monn aie révolutionna ire. Un
dernier reman iement, avant ceux connu s du xx" siècle, conce rne la
réali sation du véritable premie r pavage suggéré par la couche de
sable fin et de chaux qui lui serva it d ' assise.
Les monnaies
Les vingt-cinq monnaies y con tribuent mieux. Recueilli es dans
tous les ho rizons stratigraphiques, elles restent glob alement conce ntrées autour de deux niveaux, dans la couche III, entre - 0,80 et -0,90
mètre, ainsi que sous les galets et, plus généra lement, sur le limon.
Leur nettoyage , impossi ble pour huit d' entre elles en raison de
corro sion trop import ante, a permi s de déterm iner leur période
d 'émi ssion qui s'éc helo nne du début du xm" à la fin du xvnr' siècle.
Parmi les cinq monnaies trouvées sur le limon, trois provie nnent de
la parti e ouest du sondage après démontage du lit de galets. La plus
ancienne est attribuée à Hugues IV, duc de Bourgogne de 1218 à
1272 ; deu x autres sont des anonymes de l' archevêché de Vienne,
en Provence, et de celui de Besançon, datées respectiv eme nt du XIVe
et du début du xv" siècle. Les autres, frappées en Lorrain e, furent
émises par Mathieu de Bitche , entr e 1210 et 1217, et par Ferry III,
entre 1251 et 1260.
Dans les couches supérieures, les monnaies exhumées se répartissent en deu x groupes. Un atteste leur origine médiév ale tandis
que l'autre préci se leur utilisation en couche de nivellement à
l'Epoque Moderne. Dans ce dernier cas, outre un jeton de marchand
allemand des XVIe -XVII e siècles, toutes les pièces furen t frappées au
cours du XVIIf siècle. Il s' agit d 'un liard émi s entre 17 10 et 17 17
par le comte de Montb éliard , Léopold Eberard, d 'une monn aie du
type « Helier » de 1780 et d'u n centime du Directoire.
Des huit autres, sept prov iennent de Philippe IV le Bel, roi de
France de 1285 à 1314 tand is qu 'une porte l' embl ème du duc de
Lorraine , Charles II (1390-1431). Elle s confirme nt, s' il en était
beso in, l'import ance , au XIVe siècle, des relatio ns commerciales
entre Epinal et le royaume.
3.
131
J.-M. Dumont. Le trafic spi nalien de 1560 à 1630. 10.r Co ngrès National des Sociétés Sa vantes.
Nancy-M etz. 1978. Philol . et hist.. p. 285-286
dicitur Spinal, c'est selon toute vraisemblance dans J'enceinte
primitive, fortifiée ou non, du noyau pré-urbain, et plus spécifiquement entre la basilique et le château qu 'i l nous le faut chercher.
L'étude du parcellaire spinalien révèle, à l'e mplacement occupé dès
1632 par le couvent des Annonciades, un espace susceptible de
remplir cette fonction. La proximité de la halle médiévale renforce
d'ailleurs cette hypothèse.
Reste le pilier présumé du x m" siècle pour lequel la datation
n'a pu être confortée par le sondage pratiqué à sa base. Sa fondation
repose sous 30 à 40 centimètres de couches bouleversées et sa
construction, ex nihilo, est attestée par l'absence de reprise en
maçonnerie. Un seul objet découvert, une lampe à huile d 'un usage
courant du Moyen-Age à l' Epoque Moderne, ne permet aucune
datation satisfaisante. Quant aux textes, dont deux feraient allusion
à de quelconques arcades, leur relecture conduit à d' autres interprétations. Le plus ancien mentionne en effet la vente, en 1219 セ L de
maisons situ ées . près larvot » qu ' il convient de situer, en raison du
cimetière auquel elles sont associées, du côté de l 'actuelle place de
l' Atre. Rien ne prouve d 'ailleurs l'e xistence de telles structures.
malgré l'étymologie de ce mot, dont l' acceptation a évolué en
pass age couvert, escalier voûté , embrasure , enfonce ment ou
niche 6. La deuxième citation, de 1276 7, devient, quant à elle
caduque si l' on redonne tout son sens au mot « arve », c'e st-à-dire
celui de « champ » 8. C'est donc sur d 'autres sources qu 'il faudra
s' appuyer pour démont rer la présence, au XIIIe siècle, d'arcades sur
la place des Vosges, l' archéologie étant muette sur ce point et les
archives historiques connues ne résistant pas à la critiquer.
Quoi qu 'il en soit, il paraît aujourd 'hui évident qu 'u ne meilleure connaissance de la ville et de sa topograph ie passe par une
réelle poursuite de la recherche archéologique, complément indispensable de l'app roche historique.
v - Conclusion
Pour une topographie
historique
L'absence des substructures supposées de la tour Poiron ou de
l'escalier monumental, qu 'é voque à plusieurs reprises la documentation historique, tendait à reléguer au rang de l 'anecdote ce sondage
urgent souhaité voire cautionné par les édiles municipaux. Il s'inscrit cependant dans la philosophie générale de ce type d 'interventions lesquelles, limitées dans leur étendue et dans leur délai
d'e xécution, ont pour objet essentiel de mesurer l'importance et la
nature d 'un site en recueillant le plus grand nombre d' informatio ns,
même fragmentaires.
L'analyse de cette fouille permit ainsi d 'observer que l'actuelle
place des Vosges résulte indubitablement d'une conquête des
berges inondable s et marécageuses de la Moselle au cours du XIIIe
siècle. Elle confirme en cela les quelques textes, certes laconiques,
qui attribuent l'extension de l'enceinte urbaine à l'évêque de Metz,
Jacques de Lorraine et invite à placer ailleurs l'i mplantatio n du
premier marché de la ville.
S'appuyant sur l' étude de B. Houot 4 et tenant compte d 'un
document du xe siècle qui situe, on l'a vu, ce marché in loco qui
4.
1 - Tour le voue, 2 - Basilique, 3 - Cloître , 4 - Couvent des Annonciades, 5 - Ancienne
Emplacement de l'an cienne boucheri e, 7 - Place des Vosges
5.
-
e
A.D. Vosges G 106, 2 lay., n' 4 : le pape Honoriu s III confirme la donation faite au セ
ct'Epinal de maisons situées « près larvot » ct sur l' âtre.
6.
7.
B. Houot, Fondation et origine de la ville d 'Epinal, Bulletin de la Société lorraine des Etudes
locales. 1976. 1 et 2, p. 7-8 ; id' . ASEV, 1983.
8.
132
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セ
Godefroy, Dictionnaire d'an cien f rançais
A.D. M.-M., B 676, f 47v-48 r : Etevig non et Beatrisette sa fame ont retenu en lor partie les deeI.
maisons aux arves et dix sols et trois perdrix...
id Godefroy
Monna ies lorrain es
Catalogue des monnaies
Etude réalisée par Ch, Douche (1)
N' : 26
Type : Denie r
Autor ité: Mathieu de Bitche, évêque de Toul de 119ï à D T
Da le : 1210 - 1217
Ate lier: Château de Clermont?
Légend e Dr oit: MA HI US écrit à rebourg dans DU gréœës
Champ d roit: Edifice crénelé surmont é d 'un toit
Champ revers: Croix ancrée dans un grénetis ct C'3IUCDlée de o._"" " ïb
Mé ta l : Argent
Dia mèt re: 15,0 - 15,2
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Référen ce : Quintard, R éflextions sur des deniers lou/où t2s
n" 4 ; Heinrich, une découv erte monétaire à TouL l %!. i'- 1 -_- _
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Co mme nta ire : Cette monnai e a pu être frappée au セ
dans lequel Mathieu s' était retiré après sa déposition en 1210
' Ionnaies françaises
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T ype : Double Parisis
Auto r ité : Philippe IV le Bel (1285-131 4)
Da te : 1295- 1303
Atelier : Inconnu
Lége nde Dr oit: + PHIL P(PUS REX) entre deux grénetis
champ dr oit : Croix fleu ronnée
Léa ende re ver s: ( + MO NETA) DUPLEX (0 long) entre deux gréneti s
Champ r ever s: REG(A / LIS) en deux lignes sous une fleu r de lis
"'éta l : Bas billon
Dia m ètre : 17,8 - 18,7
Référ ence : Lafa urie, Les monnaies des rois de Fran ce , 195 1, 1, p. 32
Commenta ir e : Sur cet exe mplaire il manquerait le "1" de PHIL"I"PPUS
ac....:
Y : 8, 10 et 30
Type: Double tournois
Autori té : Philippe IV le Bel (1285 -13 14)
Date : n' 8 : 1295 ; n' 10 : 1295·1303 ; n' 30 : 1303
At elier : Inconnu
Lég ende droit : + PHILI PPUS REX entre deux grénetis
Cha m p dr oit : Cro ix pattée cantonnée d' une fleur de lis dans le 2' quad rant (n' 8) ou dans
le 4' (n' 10)
Lég ende re ver s : + MON . DUPLEX . REGAL (0 long) ent re deux grénetis
Cham p reve rs: Faîte de châtel tourn ois avec la base annelée, le sommet est accosté de deux
fleurs de lis
-' l éta l : Billon
Dia mètre : 19,0 - 2 1,5
Référe nce: Lafauri e, Les monnaies des rois de France, 195 1, I, p. 33, n' 234
Com menta ir e : La monnaie n" 8 était brisée en deux fragment s qui furent retouv és à plus ieurs
mètres ct' intervalle
N' : 28
Ty pe : Denier
Auto ri té : Ferri Ill, duc de Lo rraine (125 1-1303)
Date: 125 1-1260
Ate lier: Nancy
Légende Droit : FER .R..1. dans un grénetis
Champ droit : Ecu de Lorraine
Cha mp revers : NAN / CEl dans les cant ons supérieurs 、
une fleur de lis dans chacun des cantons inférieurs
M étal : Argent
Diamètre : 14,5 - 15,6
Référ ence: de Sa ulcy, Recherches sur les monnai es des
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Type : Denier tournois
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N' :ll
T ype : Qua rt de gros
Autorité : Charles II , d uc de Lorra ine (1390 - QセS
1)
Dat e : 1390 - 143 1
Ate lier: Nancy
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Légende Droit: (KARO LUS .) DUX . Hl oth
Cha mp droit : Cavalier arme à gauche portant DU hea=>e . . . 0=Lég ende rev ers : (MON * TA.FC • A.IN.N * a Iセ ceQ
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Cha mp r ever s : Croix fleuronnée au coeur en losange, c:hz;:.;.6: N セ セ .... :IIi""'..... ""';z, . ..
chaque canton
Méta l: Argent
Diamètre : 20,0
R éférence : Ch. Robert, D escription de collec rion. 1886. DI. 3:' ES'
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de Saulcy, Recherches sur les monnaies de s duc s ィゥセ
Autor ité : Philippe IV le Bel, roi de France (1285-1314)
Da te: 1307
Atelier : Inconnu
Légende Droit : + PHILIPPUS REX entre deux grénetis
Cha m p droit: Cro ix patt ée
Lég ende re vers: + TURONUS CIVIS (0 rond) dans un gréne tis
Champ revers : Châtel tournois
M êtal . Argent
Diamè tre : 18,5-19 ,7
Référence : Lafaurie, id ., p. 32, n' 228
N': 13et 14
T yp e : Maille tourno is
Auto r ité: Philippe le Bel, roi de France (1285-1314)
Date : 1307
Atelier : Inconnu
Lége nde Dr oit : + PHIL(IPPUS REX) entre deux grénetis
Cha m p droit : Croix pattée
Lég ende r evers : (+ TU )RONU (US CIVIS) (0 rond) dans un grén eis
C ham p rev ers : Châtel tournois
M éta l: billon
Dia mè t re : 11,0 - Q U セ P
Référ ence: Lafauri e, id ., p. 32, n' 229
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Autr es Monna ies
N': 18
Ty pe: Denier
Autorité: Hugues IV duc de Bourgogne (12 18 - 1272)
Date: 1218 - 1272
Atelier: Dijon
Lége nde droit : + UGO DU X BURG: DIE entre <lem: セ
Cha mp droit: Anille accostée à droite d'un astre et à gmc:be ë
X:IimE
Légende revers : + Dl VIONENSIS entre deux grènetis
C ha mp revers : Croix pattée. cantonnée d 'un besantam: -:: el?
Métal: Argent
Diamètre: 15,0 - 16,7
Référence : Poey d 'A vant, Monna ies f éodales de France. 1- , nI.
CXXX, n' 19
N' : 23
Ty pe : Un centime
Autorité : Directoire
Dat e : 1797-1799
Atelier : Paris
Lég ende dr-olt : REPUBLI QUE FRACA ISE
Cham p dr oit: Tête de la répub lique avec un bonne t phrygie n
Lég ende rev er s: UN / CENTIME / L ' AN..! A inscrit sur quatre ligne s dans un grénetis
Métal: Bronze
Diamètre: 18,0 - 18,4
Référence: V. Gadoury , Monn aies fran çaises , 1933, p. 48 , n' 24
(1)
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Les clichés sont dus à R. GERAR D du Labo. photo de l' Université de Nancy II.
133
N' : 2
Type: Jeton de marchand
Autor ité: Marchand allemand
Date : XVI e ou xvnCsiècle
Atelier : Nuremberg
Légende Droit: ' GOT • ALEIN •
N' : 29
Typ e : Denier
Autorité: Anonyme de l'archevêché de Vienne (Provence)
Date : XIVe siècle
Atelier: Vienne
Légende droit: + S. M. VIENNA entre deux grénetis
C ha m p droit : tête de saint Maurice de profil gauche
Légende rever s : MAXIMA GALL entre deux gréneti s
IIIHKE • SEL entre deux grénetis
Cha m p droit: Globe crucigère au centre
Légende revers : *WOVLF LAUFER IN NURBE R entre deux grénetis
Cham p revers: Croix à trois branches fleurdelisées , cantonn ée de troi s co uronnes
Métal : Bronze
Diam ètre : 20,8 - 22,8
Cha m p re ver s: Croix cantonnée de quatre besants
Métal: Billon
Diam ètr e : 16,0 - 17,0
Référence: Poey d 'Avant, id., 1862, Ill , p. 44, n 4826, (pl. CV!, n' 15)
N' : 19
Type : Liard
Autor ité: Léopold Eberard, comte de Montbéliard (1690 - 1723)
Date : 1710 - 1717
Atelier : Montbéliard
Légende Droit : D.G.L.E.D.W.M dans un grénetis
Cham p droit: Buste à longs cheve ux de profil à droi te
Légende revers:
Cham p revers: * 1LIARD 1DEMa NT 1BELlARD 117.. sur cinq lignes
Mé ta l : Bronze
Diamètre : 20,7 - 21,0
Référence : Poey d 'Avant, Id .. 1862, Ill, p. 155, n' 5455 (pl. CXXV, n' 13)
N': 17
Type: Denier
Autorité : Anonyme de l'archevêché de Be sançon
Date : Fin xv" - déb. XVIe
Atelier : Besançon
Légende Dro it : (PT)NOMAR(TIR) (0 rond)
C ha mp droi t : Main bénissant très stylisée
Légende revers : + (BI)SUNT1UM entre deux grénetis
Champ re vers: Croix pattée
Métal : Argent
.
Diam ètre : 15,4 - 16,2
Référence : Poey d 'Avan t, id., 1862, Ill , p. 138, n' 5379, (pl. cxxn, n' 10)
Comme nta ire : Les denier s à 1'0 long ont du être frappés aux
XIV e
et XV C siècle; les denie rs
à 1'0 rond sont d 'une fabrication postérieure ; en 1534, les prélats sont dépouillés de leurs
droits monétaires
N: 6
Ty pe: Helier
Date : 1781
Légend e droit : Néant
Cha mp droit : Armoirie
Légend e revers: Néant
Cha mp r ever s: • j • 1H HI HELL ER 117811* 1sur cinq lignes
Métal : Bronze
Diam ètr e : 16,8-17,0
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