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LA BATAILLE DU FEU JAUNE : LA DISTANCE ENTRE LE PUBLIC ET LE PRIVÉ À BOGOTA AUTEUR : Cristian Berrío Zapata Traduction de André Schonwald et Claudia Borrero C'est une matinée claire, et parmi plusieurs centaines de voitures qui avancent .dans la rue une s’approche du feu qui règle la circulation du carrefour. Le feu vert se transforme en jaune, Il reste environ 30 mètres à la voiture à parcourir avant d’arriver à l’intersection. L’automobiliste n'hésite pas, il appuie son pied sur l'accélérateur en calculant qu’il peut encore passer au jaune et gagner du temps et des mètres sur son parcours en ville, ce qui est inestimable. La voiture accélère et en arrivant à l’intersection elle roule à 70 kilomètres heure er augmente progressivement sa vitesse. Du coté arrêté au feu rouge, un deuxième citoyen attend dans sa voiture que le même feu passe du jaune au vert, et commence à faire avancer sa voiture : d'abord lentement, puis plus vite, pour profiter de ce «no man’s land» qu’est le feu jaune. Au moment même où il atteint le centre du croisement il aperçoit l'autre véhicule en train d’accélérer et qui arrive comme une bête furieuse prête à détruire tout obstacle sur son chemin. Un moment de stupeur suivi des pieds sur les freins, le bruit des roues qui se plaignent sur l’asphalte et un flash de silence avant d’entendre le grand bruit final de l'écrasement du métal. Heureusement, cette fois-ci c’est seulement celui des hurlements furieux, des injures et des offenses à cause de la colère après-coup. La collision n’a pas eu lieu, un miracle de plus s’est produit dans la ville de Bogotá : il fait partie de cet état de survivance miraculeuse des personnes qui risquent leurs vies jour après jour pour des raisons insignifiantes et égoïstes. Le soir de cette même journée, dans un autre endroit de la ville, un professeur rentre chez lui sur sa moto. Il est fatigué, c’est pourquoi il accélère, afin de raccourcir son arrivée au lit, mais il approche trop sa moto de la voiture devant elle. Pendant les secondes suivantes, dans la lumière faible de la route un trou énorme apparaît soudain, qui lui était caché par la voiture de devant. Le professeur ne peut l’éviter et sa roue arrière tombe dedans. Quand il a fini d'évaluer les dommages et tout en lâchant toute sorte d'insultes envers le maire de la ville, il découvre que sa roue est crevée et brisée, et cela représente qu’il devra investir un mois de sa vie à chercher les pièces de rechange et l'argent pour les payer. Heureusement il est vivant. Simultanément, le plus important journal de Colombie publie un article concernant Transmilenio, la grande fierté de la ville de Bogota en ce qui concerne le transport en commun. Les citoyens ne sont pas du tout contents avec le système, car c’est un système monopoliste, qui est devenu inconfortable, peu sûr et lent, et qui fonctionne- au détriment des usagers-pour le seul avantage de ses propriétaires privés. Ces différentes situations ont un commun dénominateur, leur rapport avec le problème de l'unicité et de la diversité, du public et du privé, du collectif et de l’individuel, de l'affectif et de l’efficace, du bénéfice individuel et du général. Définition de « public» Du latin publicus ; (adj.) qui concerne la collectivité, accessible à tous, (n.m) la collectivité, ceux qui sont présents, qui assistent à... ; qui appartient à tout un peuple, qui concerne tout un peuple . (1) adj. Notoire, évident, manifeste, bien connu ou su par tous; (2) se dit du pouvoir, la juridiction et l'autorité pour faire quelque chose, comme opposé à privé; (3) appartenant ou relatif à tout le peuple; (4) Commun du peuple ou de la ville; (5) l'ensemble de personnes qui partagent les mêmes penchants ou préférences et qui concourent à un lieu déterminé . De cette définition on déduit qu’il est clair que «public» renferme le sens du collectif, de ce qui est commun, partagé et connu par tous, aussi bien que le sens d'une sorte de puissance. Mais l'existence de l’«autre» n'est pas réelle : il peut ne jamais être vu ou entendu. L’«autre» est un acte de foi appris depuis l'enfance, une vision de la société qu’elle-même communique par les mots et les actes des acteurs qui entourent l'enfant . L’«autre» est une image vague de ce qui devrait être un miroir de nos besoins et de nos désirs, quelqu'un qui est relié à nous de manière mystérieuse et subtile et qui peut toujours nous surprendre. Avec le processus de croissance et de concentration urbaine engendré à partir de la révolution industrielle, le visage de l'autre est devenu de plus en plus éloigné et diffus. Le village originel où toutes les personnes se connaissent a été remplacé par les villes industrielles où le vaste nombre de personnes qui ne peuvent se connaître les unes les autres ont été forcées d’accepter qu'il y a d’«autres» êtres semblables à elles qui devraient être respectés et pris en considération. Ce processus d’aliénation a été exacerbé par la globalisation et les TICs Technologies d'Information et Communication, ainsi les citoyens d'aujourd'hui doivent considérer non seulement l'existence de millions de visages anonymes dans leurs villes, mais aussi ceux appartenant au monde entier, c’est le village global . Le public du point de vue de l'individu, est une masse d’une complexité irrésistible qui lui exige de considérer par acte de foi les personnes et les situations qu’il ne connaîtra jamais mais que de toute façon il devra tenir compte et respecter D’un autre côté, les affaires publiques laissées dans les mains des administrateurs publics ne sont considérées qu’en tant que chiffres sur des feuilles de papier, statistiques ou rapports. Dans ces chiffres, pas de sensibilité humaine, aucune expression de douleur ou de souci, rien de cela dans ces chiffres froids qui sont censés refléter les besoins de «l'autre» et pousser les bureaucrates élus ou désignés à la prise de décisions d’action « pour le bénéfice de la majorité ». Les serviteurs publics en arrivent même à se considérer bien informés, neutres et suffisamment sages pour comprendre le sens réel des événements et décider du futur de leurs concitoyens. L'intermédiation des media n'aide pas beaucoup à remédier cette situation parce que, plutôt que de faire état d’une perception sensible aux perspectives et aux besoins de « l’autre », ils stéréotypent les acteurs sociaux et leurs besoins dans les feuilletons qu’ils produisent. Pendant «l'opération orage du désert » de la guerre entre Irak et les Etats-Unis, « l'autre » en conflit, est déshumanisé, transformé en un show de TV avec un compte a rebours qui a enregistré le moment où l'ultimatum fait par les autorités nord-américaines arrivait à sa fin. Les opérations de guerre étaient présentées à la manière d’un film de Hollywood, des machines impressionnantes de guerre envoyant des fusées et des bouffées de feu à l'ennemi. Personne n'a vu ni pu percevoir, imaginer l'odeur de la chair brûlée ou entendre les cris perçants des blessés. avec le phénomène du «public» la cécité cachée décrite par Foerster se présente: nous ne nous rendons pas compte de pas notre incapacité à voir ! Le gestionnaire croit réellement qu'il peut percevoir, raisonner et dominer l'étendue de l'organisation et dans le cas du « public», la société. L'individu (citoyen) qui fait face à la réalité productive et quotidienne vérifie que sa situation n’est pas comprise par l'administrateur. Il ne se sent pas inclus dans la vision prospective de celui-ci et il finit par agir de façon opportuniste avec ses semblables dans les espaces non réglementés par l’administrateur, qui sont la majorité On génère la situation de désarticulation stratégique décrite par Minztberg dans . Des îles de pouvoir sont créées, colonisées par les citoyens les plus forts, là où leurs fiefs sont laissés à l’abandon par les bureaucrates. Un jeu d'autorité où la "gestion à distance" du public permet ces espaces indéfinis, incertains, qui créent une incertitude qui finit par bloquer la société, après avoir démembré l'identité des visions prospectives de son organisation C'est la "Société Bloquée" de . Le problème de l’administration publique Des myriades de petites contraventions quotidiennes telles que traverser le croisement au feu jaune, avec les caractéristiques additives du public finissent par produire d’énormes problèmes sociaux qui raréfient la qualité de vie des citoyens. Le concept holographique d'une référence de la totalité chez l'individu et l'individu dans la totalité s'applique dans toute son étendue . La roue brisée du motocycliste répétée des milliers de fois, finit par devenir 11,043 victimes d’accidents de circulation de la ville de Bogotá . En devenant «public» après avoir gagné de la visibilité; le problème de Transmilenio n’est présenté qu’en termes de limitations de l'infrastructure de Bogotá :Ce qui intéresse, c’est évaluer si Transmilenio est un système suffisamment concurrentiel pour attirer des investisseurs globaux à Bogota. La force irrépressible du public est construite sur des détails subtils que dialoguent dans la construction de la trame sociale d'une forme récursive Les concepts de dialogique et récursivité sont communiqués aussi dans l'exposé de la Pensée Complexe par . Il est possible de conclure que la construction d'une discipline de la Gestion Publique doit reconnaître les limitations de la capacité de la rationalité humaine à dimensionner «  l'autre», étant donné les conditions de « rationalité limitée » qui nous accompagnent et l'impact de la croissance urbaine et de la globalisation dans notre société. Dans ces conditions, l’unique issue intelligente au problème est de pénétrer dans l'étude de la dynamique de l'auto- organisation comme outil pour démonter l’échafaudage de tromperies stratégiques sur lequel l'administration publique traditionnelle est installée : gestion à distance, rationalisme, autocratie et médiocre construction de compromis. Il est indispensable que «l’autre» devienne visible, partant de la base, à savoir, obtenir que son existence soit notoire pour l'administrateur public et ses concitoyens. Pour cela le concept d'auto-poiesis résulte suggestif étant donné sa capacité d'auto-référenciassions . Sur la base d’une action civique autonome et soutenable, le collectif doit rétro-alimenter l'administrateur public en égard à l'impact de ses décisions. La Gestion Publique doit examiner soigneusement les processus de construction d’auto-organisation et auto-poiesis qui permettent que le flux de l’organisation se rétro-alimente à travers la complexité du système social. Que cela implique une opposition entre l’administration publique et privée ne semble pas être une conclusion nécessaire, puisque l'activité lucrative produit de fortes impasses dans le monde en raison précisément d’une absence chronique de considération de «l’autre». Cela impliquerait plutôt qu’il est nécessaire de faire emphase sur le relationnel et le constructif en partant d’une vision écologique, et tenant compte que, bien que les techniques et les modèles administratifs de gestion privée et publique ne soient pas opposés, ils ont des buts distincts et font emphase suivant leur considération de l’individu. Dans le cas de la gestion publique, cela consiste à catalyser les capacités d’auto-organisation et d’auto-poiesis de rendre « l’autre » visible, donnant pouvoir au citoyen pour que, par sa propre capacité d'autocontrôle, il redonne vie à « l’autre », ce qui est la base qui génère collectivement l'idée du social et la vision prospective de société. Références http://www.transitobogota.gov.co/categoria.asp?cat_id=225 http://www.le-dictionnaire.com/ http://buscon.rae.es/draeI/ PAGE 1