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Distomatoses

2005, EMC - Maladies Infectieuses

ABSTRACT

EMC-Maladies Infectieuses 2 (2005) 105–118 www.elsevier.com/locate/emcmi Distomatoses Distomatosis D. Andriamanantena (Assistante des hôpitaux des Armées) a, P. Rey (Spécialiste des hôpitaux des Armées, chef du service des maladies digestives) a, J.-L. Perret (Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef de la fédération de médecine) a, F. Klotz (Professeur titulaire de la chaire de médecine tropicale) b,* a Hôpital d’instruction des Armées Legouest, BP 10, 57998 Metz, France EASSA, Val-de-Grâce, 1, place Alphonse-Laveran, 75230 Paris cedex 05, France, IMTSSA Le Pharo, Marseille, France b MOTS CLÉS Distomatose ; Foie ; Poumons ; Tube digestif KEYWORDS Distomatosis; Liver; Lung; Bowel Résumé Les distomatoses sont des parasitoses consécutives au développement chez les mammifères et accidentellement chez l’homme, de trématodes, vers plats non segmentés, dénommés douves ou distomes. L’homme se contamine en consommant des aliments souillés (crudités sauvages, crustacés ou poissons crus). En fonction de l’organe électivement atteint, on distingue trois types de distomatose : distomatoses hépatobiliaires (fasciolose, opisthorchiase), distomatoses pulmonaires ou paragonimoses, et distomatoses intestinales. Seul le cycle parasitaire de la distomatose hépatobiliaire à Fasciola hepatica peut se dérouler en Europe, les autres distomatoses étant principalement rencontrées en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie du Sud-Est. Le diagnostic, évoqué devant l’association d’un séjour en zone d’endémie, de coutumes alimentaires exposant à la contamination et d’une hyperéosinophilie, repose sur la mise en évidence directe du parasite ou de ses œufs et sur les techniques sérologiques, dont la spécificité a pu être sensiblement améliorée. Le traitement médical curatif repose sur trois types de médicaments : praziquantel (Biltricide®), bithionol (Bitin®), non commercialisé en France, et triclabendazole (Egaten®), molécule dont l’efficacité, la bonne tolérance et la simplicité d’utilisation en font désormais le traitement de référence de la distomatose à Fasciola hepatica. Une approche endoscopique biliaire est licite dans les formes compliquées. La prévention repose sur l’éviction des conduites à risque. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Distomatosis are parasitic zoonosis caused by infection with trematodes ; humans can accidentally become the definitive host of the parasite. Infection occurs by ingestion of contaminated food (plants or raw shellfish). Clinical manifestations depend on the tropism of the fluke : hepatobiliary for fasciolasis and opisthorchiasis, pulmonary for paragonimiasis, or intestinal. Infection with Fasciola hepatica is a world-wide disease ; the other distomatosis are endemic in Africa, South America and Southeast Asia. Diagnosis, suspected in front of epidemiological facts (stay in endemic area, food habits) and hypereosinophilia, is based on the identification of the parasite or its eggs, and on * Auteur correspondant. Adresse e-mail : directeur@hpd.sn (F. Klotz). 1638-623X/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcmi.2005.03.001 106 D. Andriamanantena et al. serology. Drugs of choice are praziquantel, bithionol, and triclabendazole whose effectiveness, good tolerance and single dose make it now the first choice treatment. Endoscopic management is useful in biliary obstruction. Suppression of risk factor is the best way for preventive approach. © 2005 Publié par Elsevier SAS. Introduction Distomatoses hépatobiliaires Les distomatoses sont des anthropozoonoses dues au développement, chez l’hôte définitif, de parasites trématodes, dénommés douves ou distomes. Ces parasites se caractérisent par la présence de deux ventouses (stomes) sur une face et un cycle parasitaire complexe faisant intervenir des mollusques d’eau douce (Fig. 1). L’homme se contamine par ingestion d’aliments souillés. En fonction de l’espèce en cause, trois cadres anatomocliniques de distomatose sont individualisés : • les distomatoses hépatobiliaires dues à Fasciola hepatica, Fasciola gigantica, Opisthorchis felineus, Opisthorchis viverrini, Clonorchis sinensis, et Dicrocoelium dendriticum ; • les distomatoses pulmonaires dues essentiellement à Paragonimus westermani, Paragonimus africanus et Paragonimus heterotremus ; • les distomatoses intestinales dues à Fasciolopsis buski, Heterophyes heterophyes et Metagonimus. Fasciolose ou distomatose à « Fasciola hepatica » Parasite et son cycle Morphologie Fasciola hepatica est un ver plat d’aspect lancéolé, mesurant 20-30 mm × 8-13 mm, blanc au centre et plus foncé en périphérie.50 Outre ses deux ventouses, il est muni sur l’enveloppe externe, ou cuticule, d’épines cytoplasmiques qui facilitent les déplacements tissulaires. L’appareil génital est hermaphrodite. Les œufs sont brun clair, ovoïdes (130-155 × 70-90 lm) et symétriques, et présentent un opercule convexe à l’une de leurs extrémités. La production ovulaire chez l’homme est faible et de mauvaise qualité. Les douves adultes ont une longévité de 10 à 12 ans dans les canaux biliaires de leurs hôtes. Figure 1 Cycle des distomatoses humaines. Distomatoses Cycle évolutif Les douves adultes, hermaphrodites, pondent leurs œufs dans les voies biliaires de l’hôte définitif. Ces œufs, non embryonnés au moment de la ponte, sont éliminés dans le milieu extérieur avec les selles et ne pourront poursuivre leur évolution que dans l’eau. Les miracidi, libérés après éclosion des œufs au printemps, pénètrent des mollusques aquatiques, de type limnée : Limnea truncatula (« limnée à pointe tronquée »), hôte intermédiaire le plus fréquemment impliqué en France, Limnea glabra ou autres espèces.2,58 Les mares peu profondes, les berges des ruisseaux et les terres humides argileuses constituent les habitats idéaux des limnées. La limnée permet au cours de l’été la maturation des trois stades larvaires successifs du miracidium : sporocyste, puis rédie et enfin cercaire. Elle permet également une polyembryonie par multiplication parasitaire asexuée, caractéristique du cycle évolutif du miracidium au sein de la limnée, qui accroît le nombre de futures douves. Les cercaires se fixent ensuite sur une plante immergée et évoluent en métacercaire enkystée (250 à 300 lm) réalisant une forme infestante et résistante du parasite qui peut demeurer vivante plusieurs mois. L’homme est un hôte définitif accidentel qui se contamine en consommant des végétaux aquatiques porteurs de métacercaires enkystées. La digestion de leur enveloppe par les sucs digestifs libère des distomules qui franchissent en quelques heures la paroi intestinale de l’hôte, passent dans la cavité abdominale puis traversent la capsule du foie pour gagner les canaux biliaires où elles atteignent le stade adulte 3 mois après la contamination. Épidémiologie La fasciolose à Fasciola hepatica est une parasitose cosmopolite que l’on peut rencontrer en Europe, en Amérique latine, en Afrique du Nord, en Asie et dans le Pacifique Ouest. En France, les foyers principaux de la maladie humaine se situent dans l’Ouest et le Sud-Ouest ainsi que la région lyonnaise. Le réservoir de germes est essentiellement animal (bovins et ovins). L’infection humaine est le plus souvent consécutive à l’ingestion de cresson sauvage contaminé. Si les produits des cressonnières correctement surveillées sont en principe sans danger, il est à noter qu’une épidémie de distomatose à Fasciola hepatica, survenue dans la région Nord-Pas-de-Calais au printemps 2002 (la première dans la région depuis 1981), a été consécutive à la consommation de cresson issu de cressicultures agréées, mais qui ne faisaient plus l’objet d’inspections régulières des autorités sanitaires.59 Outre le cresson, les pissenlits, mâche et chicorée cueillis 107 dans les pâturages humides constituent également des sources de contamination. Selon un rapport récent de l’Organisation mondiale de la santé (OMS),18,43 l’incidence de la fasciolose humaine a augmenté depuis 1980, par la conjugaison de différents facteurs : • la modification associée des loisirs et des habitudes alimentaires (cueillette individuelle de végétaux contaminés) ; • une contamination souvent familiale au cours d’un même repas mettant en cause des communautés plus ou moins vastes 11; • des modifications climatiques avec une pluviométrie annuelle augmentée dans certaines régions et qui favorise la prolifération des limnées et la survie prolongée des métacercaires enkystées 4; • la possibilité d’une transmission interhumaine par le biais de mauvaises conditions d’hygiène. Cette transmission inhabituelle, rapportée par l’OMS18,43 dans quelques foyers où il existe un fort taux d’infestation humaine comme en Bolivie, serait consécutive à la consommation d’eaux souillées et dont la contamination serait favorisée par une importante concentration d’œufs dans les excreta.18 Anatomopathologie À la phase d’invasion, les lésions macroscopiques associent une augmentation du volume du foie dont la surface est parsemée de nodules blanchâtres, des altérations de la capsule de Glisson et du péritoine, et une périhépatite diffuse.4 Microscopiquement, on observe des foyers de nécrose fibrinoïde et des cristaux de Charcot-Leyden, entourés d’un granulome inflammatoire réactionnel (Fig. 2), constitué principalement de polynucléaires éosinophiles. La découverte d’œufs sur les biopsies hépatiques est exceptionnelle et n’a été décrite que lors d’infestation massive avec multiples localisations viscérales.44 À la phase d’état, les douves adultes Figure 2 Granulome hépatique autour de Fasciola hepatica. 108 sont situées dans la lumière des canaux biliaires dilatés. Des abcès hépatiques secondaires à une angiocholite peuvent apparaître.70 Les risques évolutifs principaux à long terme sont l’obstruction complète des canaux biliaires devenus scléreux ou calcifiés, et la constitution d’une cirrhose. Tableau clinique La maladie évolue en deux phases : la phase d’invasion, donnant un tableau d’hépatite toxiinfectieuse ; la phase d’état, responsable de formes chroniques dont les manifestations sont liées à la présence des douves adultes dans les voies biliaires. Enfin, il existe des formes asymptomatiques. Formes aiguës La forme typique d’hépatite toxi-infectieuse débute 1 à 3 semaines après le repas infestant et associe des douleurs de l’hypocondre droit, une hépatomégalie modérée et de la fièvre. Une diarrhée, des vomissements, un subictère, des manifestations allergiques cutanéomuqueuses (urticaire, œdème de Quincke) et une dyspnée asthmatiforme peuvent compléter le tableau. Les formes aiguës atypiques sont plus fréquentes. Il peut s’agir de manifestations bronchopulmonaires, à type de toux ou dyspnée, souvent associées sur les radiographies à des infiltrats parenchymateux, un épanchement pleural, et plus exceptionnellement un pneumothorax 19; de manifestations cardiovasculaires : épanchement péricardique, insuffisance cardiaque 12; de manifestations neuroencéphaliques : signes méningés, signes encéphalitiques (déficit et signes focaux, crises convulsives, altération des fonctions supérieures),22 avec la détection d’une hyperéosinophilie dans le liquide céphalorachidien qui constitue alors un élément d’orientation. D’autres aspects trompeurs ont également été rapportés : formes fébriles pures, formes simulant des abcès hépatiques, hémopéritoine, hématome sous-capsulaire du foie.51 La diffusion de distomules dans d’autres sites anatomiques que le foie est également trompeuse et rend compte de nombreuses formes aiguës ectopiques. La localisation extrahépatique la plus fréquente est l’atteinte des tissus sous-cutanés sous forme de lésions nodulaires, en particulier du thorax et des membres, pouvant s’abcéder.54 La fasciolose pharyngée ou halzoun, décrite essentiellement au Proche-Orient, est liée à la fixation pharyngée des douves après consommation de foie parasité mal cuit, à l’origine d’une dysphagie aiguë avec obstruction laryngée.33 Formes chroniques Les manifestations associées à la phase d’état sont observées à partir du troisième mois suivant l’infes- D. Andriamanantena et al. tation. La présence des douves adultes dans les voies biliaires peut être révélée par un tableau d’angiocholite aiguë (douleur abdominale, fièvre, ictère) ou des épisodes pseudolithiasiques. L’obstruction biliaire peut également se compliquer d’une pancréatite aiguë, et à long terme d’une cirrhose biliaire secondaire.4 Formes asymptomatiques Elles sont essentiellement dépistées dans l’entourage d’un patient atteint par la détection d’une hyperéosinophilie. Diagnostic En l’absence de manifestation clinique spécifique de la fasciolose, le diagnostic, évoqué devant la notion de consommation d’aliments contaminants (cresson, pissenlits ou chicorée sauvage), repose sur la conjonction d’examens biologiques et morphologiques. Examens biologiques non spécifiques À l’hémogramme, l’hyperéosinophilie majeure est un élément important du diagnostic à la phase d’invasion ; elle est inconstante à la phase chronique. On peut par ailleurs constater des perturbations des tests hépatiques, en général peu importantes et variant selon l’intensité de l’infestation, et une élévation des immunoglobulines (Ig) E totales.53 Éléments spécifiques du diagnostic Plus fréquemment que les examens parasitologiques, ce sont les techniques sérologiques qui apportent le diagnostic de certitude. Certains examens d’imagerie (échographie et tomodensitométrie hépatobiliaires) peuvent fournir des arguments indirects intéressants ; à la phase chronique, des douves adultes peuvent être retrouvées à l’occasion d’une cholangiographie. Analyse parasitologique. Il s’agit de la recherche d’œufs de Fasciola hepatica à l’examen direct, dans les selles ou le liquide de tubage duodénal (Fig. 3). L’identification d’œufs operculés, caractéristiques, apporte une quasi-certitude diagnostique. L’ingestion de foie d’animal parasité peut être responsable de faux positifs, en montrant des œufs en simple transit, ce qui nécessite de répéter les examens.11 L’analyse parasitologique demeurant peu sensible, un résultat négatif, attendu en phase d’invasion mais également possible à la phase chronique en cas de faible infestation, n’élimine pas le diagnostic. Techniques sérologiques. Beaucoup plus sensibles que les examens parasitologiques, elles constituent actuellement le moyen diagnostique ma- Distomatoses Figure 3 Œuf de Fasciola hepatica. jeur. Différentes techniques sérologiques sont disponibles : fixation du complément, immunofluorescence indirecte, électrosynérèse, immunoélectrophorèse, hémagglutination indirecte, test enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa). Pour réduire le risque de faux positifs, liés aux réactions croisées avec d’autres parasites (hydatidose, paragonimose, toxocarose, schistosomoses), le diagnostic positif repose idéalement sur l’association d’une technique très sensible à une technique très spécifique.71 La mise en évidence d’antigènes de Fasciola hepatica par western blot a montré une excellente spécificité dans une étude menée en Tunisie.28 De même, la détection d’anticorps IgG de type 4 par technique Elisa, utilisant le Fasciola worm antigen preparation (FWAP), s’est avérée très spécifique, puisque cet anticorps n’est détecté que chez les patients porteurs d’une fasciolose, sans réaction croisée avec d’autres vers plats ou ronds.40 La recherche d’antigènes circulants par technique Elisa, comparée à la détection d’anticorps de type IgG par la même technique, s’est avérée plus sensible que la recherche d’anticorps, en particulier en phase précoce.34 De plus, la détection d’antigènes est douée d’une bonne spécificité et le taux d’antigènes apparaît corrélé à l’intensité de l’infestation.60 La détection de coproantigènes permet de distinguer, en cas de sérologie positive, les infections chroniques encore actives des cicatrices sérologiques en zone d’endémie humaine.17 Le titre des anticorps s’avère également être un outil performant pour dater l’infection, le taux d’IgM, très élevé à la phase aiguë, décroissant à la phase chronique tandis que le titre des anticorps IgG, peu significatif en phase aiguë, devient très important en phase chronique.61 Enfin, ces méthodes sérologiques constituent un moyen de suivi de l’efficacité thérapeutique, qui se traduit par la diminution, voire la négativation des titres sérologiques.34,62 Imagerie. Échographie hépatobiliaire. À la phase aiguë, les anomalies échographiques, inconstantes et peu 109 spécifiques, montrent une hétérogénéité du parenchyme hépatique et une splénomégalie modérée. À la phase chronique, les lésions prédominent sur les voies biliaires qui apparaissent dilatées. Les douves peuvent être identifiées sous la forme d’images mobiles de 10 à 20 mm, ovales, hyperéchogènes à centre hypoéchogène, dont la juxtaposition dans la vésicule biliaire réalise un aspect en « anneaux olympiques ». Le diagnostic de certitude peut être porté par la mise en évidence d’œufs dans le produit d’aspiration biliaire, obtenu par ponction échoguidée de la vésicule.37 La disparition du parasite des voies biliaires dilatées au décours d’un tableau de colique hépatique après un traitement par triclabendazole constitue un argument diagnostique indirect et est un témoin plus précoce de l’efficacité thérapeutique que la décroissance du titre des anticorps.57 Examen tomodensitométrique. Parfois normal, cet examen constitue un élément diagnostique lorsqu’il montre des abcès de taille variable, surtout s’ils sont de localisation sous-capsulaire, organisés en chapelet et associés ou non à des adénopathies périportales (Fig. 4).30 Imagerie par résonance magnétique (IRM). Sur des travaux ne portant généralement que sur quelques observations, les données apportées par l’IRM ne semblent ni plus sensibles ni plus spécifiques que celles fournies par la tomodensitométrie.38 Cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE). À la phase chronique de la maladie, la CPRE, éventuellement précédée d’une échoendoscopie, peut conduire au diagnostic dans une stratégie d’exploration de tableaux ne faisant pas la preuve de leur étiologie (coliques hépatiques récidivantes, angiocholite ou pancréatite aiguë).5,16 Elle peut être normale ou révéler des Figure 4 Tomodensitométrie montrant un remaniement hétérogène, hypodense, pseudoangiomateux des segments hépatiques III, VI, VII dû à une distomatose hépatique à Fasciola hepatica (docteur Boivin). 110 anomalies non spécifiques : bombement de la région suprapapillaire correspondant au cholédoque dilaté et épaissi ; dilatation et irrégularités des canaux biliaires en radioscopie. Les douves sont plus rarement identifiées, et dans quelques observations, des parasites mobiles ont pu être extraits après sphinctérotomie. Après traitement endoscopique, l’ensemble des anomalies cliniques, biologiques et morphologiques disparaissent habituellement.13 Anatomopathologie. Rarement réalisée, l’analyse histologique d’une biopsie hépatique peut montrer un granulome éosinophile, exceptionnellement centré par les œufs et dont l’identification est par ailleurs parfois difficile. Ce type de lésion n’est cependant pas spécifique d’une fasciolose et peut être observé dans d’autres parasitoses, particulièrement les schistosomoses et la toxocarose.24 D. Andriamanantena et al. dans les selles ou en l’absence de négativation de la sérologie 6 mois après la fin du traitement, une seconde cure amène habituellement une guérison définitive.3,67 Alternatives médicamenteuses. En cas de rare intolérance ou d’échec au triclabendazole, le métronidazole et le nitazoxanide pourraient constituer des alternatives. Le nitazoxanide (Cryptaz®), uniquement disponible en autorisation temporaire d’utilisation à l’étranger, a été testé, à la posologie de 500 mg/j pendant 7 jours, contre placebo dans une étude randomisée en double aveugle et a permis l’éradication parasitaire définitive dans 60 % des cas.21 L’efficacité du métronidazole en cas d’échec après un traitement de première ligne par le triclabendazole est documentée par une récente étude conduite en Iran.42 À la posologie de 1,5 g/j pendant 21 jours, la guérison était observée en deuxième ligne thérapeutique dans 72 % des cas. Traitement Traitement médical Deux molécules anciennes, le praziquantel et le bithionol, dotées d’une efficacité modérée, ont maintenant fait place au triclabendazole, devenu le traitement de référence en raison d’une excellente tolérance et d’une remarquable efficacité. Praziquantel. Le praziquantel (Biltricide®) est un antihelminthique à large spectre, actif sur plusieurs espèces de douves, bien toléré mais doué d’une efficacité inconstante sur Fasciola hepatica, en particulier dans les phases chroniques de la maladie.4,25,45 Il est utilisé à la posologie moyenne de 75 mg/kg/j en une ou trois prises orales, pendant une durée de 1 à 7 jours. Bithionol. Le bithionol (Bitin®), non commercialisé en France, est actif sur Fasciola hepatica, à la posologie de 30 à 50 mg/kg/j pendant 20 à 30 jours,6 mais la durée prolongée de traitement et la fréquence des effets secondaires (nausées, vomissements, douleurs abdominales, prurit, urticaire) en limitent l’utilisation pratique. Triclabendazole. Le triclabendazole (Egaten®), dérivé de l’usage vétérinaire et actif aussi bien dans les formes aiguës que chroniques de la maladie, a constitué une formidable avancée thérapeutique dès les premières études publiées rapportées en 1995.3,29 L’éradication parasitaire est obtenue dans 80 % des cas après une prise orale unique de 10 mg/kg, atteignant 94 % en doublant la dose sur 2 jours. La tolérance clinicobiologique est excellente. De rares épisodes de coliques hépatiques correspondant à l’expulsion des parasites morts dans les voies biliaires et une élévation modérée des tests hépatiques à l’induction thérapeutique sont parfois observés. En cas de persistance d’œufs Traitement endoscopique Une approche endoscopique interventionnelle peut s’avérer nécessaire en complément de la prise en charge médicale dans les formes biliaires compliquées nécessitant l’extraction perendoscopique des vers après une sphinctérotomie.15 Prophylaxie La meilleure mesure prophylactique est individuelle et consiste à éviter la consommation de crudités sauvages (cresson, mâche, pissenlit). La prophylaxie collective repose sur le dépistage et le contrôle vétérinaire avec traitement prophylactique par le triclabendazole.20 En zone de forte endémie, le contrôle des systèmes d’irrigation contaminés par les excreta humains contenant de fortes densités ovulaires s’avère également indispensable.18 Autres distomatoses hépatobiliaires Distomatose à « Fasciola gigantica » Fasciola gigantica est un distome très proche de Fasciola hepatica, s’en différenciant par sa taille (adulte lancéolé de grande taille mesurant 2,5 × 7,5 cm) et une moindre diffusion planétaire. Il est principalement observé en Afrique centrale, dans le Pacifique Ouest et en Extrême-Orient. Les hôtes définitifs sont essentiellement des ovins, des bovins et des caprins, parfois des chameaux et accidentellement l’homme.31 Le cycle parasitaire fait également intervenir un mollusque aquatique comme hôte intermédiaire. Les manifestations cliniques, la démarche diagnostique et le traitement sont semblables à ceux de Fasciola hepatica.41 Distomatoses 111 Dicrocoeliose ou distomatose à Dicrocoelium dendriticum Dicrocoelium dendriticum, anciennement dénommé Dicrocoelium lanceolatum ou petite douve du foie, est un parasite des voies biliaires de nombreux mammifères, ovins en particulier. L’homme est très rarement infesté. Généralités Cosmopolite, la dicrocoeliose sévit principalement dans les régions d’élevage d’Europe, d’Asie et d’Afrique du Nord.50 La douve adulte est un petit ver plat, lancéolé (5-15 × 1,5-2,5 mm), également pourvu de deux ventouses, hôte des voies biliaires de l’hôte définitif. Les œufs, mesurant 45 × 25 lm, ovalaires, asymétriques et operculés, sont rejetés avec les matières fécales. Le cycle nécessite deux hôtes intermédiaires successifs : des mollusques terrestres (Helicella et Zebrina) puis des fourmis, vectrices de la métacercaire enkystée. L’infestation de l’hôte définitif est consécutive à l’ingestion accidentelle de l’insecte, expliquant la contamination préférentielle des enfants, ou par contamination de fruits ou de légumes consommés crus.32 Libérée dans l’estomac ou le duodénum de l’hôte, la jeune douve gagne ensuite le foie par voie biliaire ascendante et débute la ponte ovulaire 6 à 8 semaines après l’infestation. La longévité de l’adulte est de plusieurs années. Tableau clinique La phase d’invasion est cliniquement muette. La phase d’état peut être asymptomatique ou être à l’origine de plaintes digestives non spécifiques ou plus rarement biliaires. Diagnostic Il repose sur la mise en évidence des œufs de Dicrocoelium dendriticum dans les selles. La principale difficulté est de différencier le véritable parasitisme biliaire du simple transit d’œufs provenant de petites douves ingérées avec le foie d’un animal parasité. Lors d’une étude menée en Arabie Saoudite, parmi 121 patients chez lesquels des œufs avaient été mis en évidence dans les selles (Fig. 5), un nouvel examen parasitologique, réalisé après 3 mois d’un régime excluant toute consommation de foie, ne s’était en fait avéré positif que chez un quart des patients.35 Le sérodiagnostic nécessite l’emploi d’antigènes homologues, et n’est pas réalisé en pratique courante du fait de l’extrême rareté de la maladie. Traitement L’activité des antidistomiens modernes n’est pas connue. Figure 5 Œuf de Dicrocoelium dendriticum. Opisthorchiases Les opisthorchiases sont des distomatoses hépatobiliaires liées à la présence de douves de la famille des Opisthorchidae : Clonorchis sinensis (douve de Chine), Opisthorchis felineus et Opisthorchis viverrini. Leur cycle parasitaire, qui fait intervenir des hôtes intermédiaires uniquement rencontrés en Asie du Sud-Est et en Europe centrale, explique la répartition géographique limitée de ces parasitoses. Généralités Parasites et leur cycle.50 Le chien et le chat constituent les hôtes définitifs préférentiels d’Opisthorchis felineus et Opisthorchis viverrini, l’homme étant accidentellement contaminé. Clonorchis sinensis est un ver plat lancéolé (1025 × 30,5 mm), opalescent et arrondi à ses extrémités (Fig. 6). Le ver adulte pond des œufs (30 lm) embryonnés, de couleur brune et pourvus d’un opercule. Opisthorchis felineus et Opisthorchis viverrini ont une morphologie très voisine, de plus petite taille : vers plats lancéolés (9 × 15 mm), transparents, arrondis aux extrémités ; les œufs (25 lm), brun-jaune, ovoïdes et operculés, sont également embryonnés à la ponte. La douve adulte réside dans les voies biliaires de l’hôte définitif. Après la ponte, les œufs sont éliminés dans le milieu extérieur avec les selles. L’éclo- Figure 6 Adulte de Clonorchis sinensis. 112 sion nécessite l’ingestion par un mollusque particulier. Le cycle parasitaire fait ensuite intervenir deux hôtes intermédiaires : le premier est un mollusque aquatique, au sein duquel les miracidi se transforment et, après polyembryonie, donnent naissance à des milliers de cercaires. Ces dernières, libérées dans l’eau, vont s’enkyster dans les muscles d’un poisson d’eau douce, deuxième hôte intermédiaire, sous la forme de métacercaire. L’homme se contamine en ingérant de la chair de poisson crue ou mal cuite, la métacercaire libérée dans le duodénum migrant ensuite dans le système biliaire où elle atteint sa maturité en 4 semaines et commence à pondre des œufs. Le cycle complet évolue environ en 4 mois. Épidémiologie. Les opisthorchiases sont principalement rencontrées en Asie et en Europe de l’Est. Au moins 17 millions de personnes seraient infestées dont 9 millions par Opisthorchis viverrini, 7 millions par Clonorchis sinensis et 1,2 million par Opisthorchis felineus. L’incidence, liée à la prolifération des mollusques hôtes intermédiaires exacerbée durant la saison des pluies, suit un rythme saisonnier.64 Opisthorchis viverrini s’observe en Thaïlande65 où la prévalence atteint 90 % des habitants dans certains villages, au Laos et au Cambodge. Opisthorchis felineus sévit en Asie (Japon, Corée, Vietnam, Inde). Elle est aussi rencontrée en Pologne et en Russie, notamment en Sibérie, avec une prévalence atteignant près de 85 % dans certaines zones. La clonorchiase est endémique en Asie du Sud-Est (Japon, Corée, Chine, Vietnam) où les coutumes alimentaires sont favorables à la contamination, la prévalence pouvant également atteindre 80 %. Pathogénie Les manifestations pathologiques sont corrélées à l’intensité et à la durée du parasitisme. Les douves adultes, parasites des canaux biliaires intra- et extrahépatiques, sont responsables d’irritations et de microtraumatismes de l’épithélium des voies biliaires. Lors d’un parasitisme prolongé, apparaissent successivement, des lésions œdémateuses puis métaplasiques, une prolifération réactionnelle de l’épithélium qui envahit la lumière des canaux biliaires et provoque des sténoses avec dilatation en amont. Une fibrose périportale, une cholécystite chronique, une fibrose sévère de la paroi vésiculaire peuvent également s’installer. Outre l’irritation mécanique provoquée par la présence du parasite, des phénomènes immunopathologiques interviennent vraisemblablement dans la pathogénie.66 Une atteinte vasculaire est fréquente avec Opisthorchis viverrini et felineus. Stase biliaire et surinfection favorisent le développement de lithia- D. Andriamanantena et al. ses et à terme la possibilité de l’émergence de cholangiocarcinomes.1 Tableau clinique Le tableau clinique, corrélé à la charge parasitaire, est majoré par les réinfestations répétées à chaque ingestion de poisson contaminé. Les sujets jeunes et faiblement parasités sont en général asymptomatiques. La première exposition, notamment chez des voyageurs en zone d’endémie, peut être à l’origine d’un tableau d’hépatite aiguë qui apparaît 2 à 4 semaines après la contamination et se résout spontanément en 1 à 2 semaines.33 Les manifestations cliniques apparaissent essentiellement chez les porteurs chroniques, après 30 ans en zone d’endémie. Les symptômes initiaux sont peu spécifiques, à type de douleurs de l’hypocondre droit évoluant initialement par crise, puis permanentes, secondairement associées à une altération de l’état général. Le pronostic est lié à la possibilité de complications sévères, à type de cholangite récurrente, pancréatite et cirrhose biliaire secondaire. Un hépatocarcinome peut compliquer l’évolution au stade de cirrhose, ainsi que la greffe d’un cholangiocarcinome, indépendamment du statut de fibrose hépatique, particulièrement en cas d’infection chronique à Opisthorchis viverrini ou Clonorchis sinensis, l’intervention d’Opisthorchis felineus dans la carcinogenèse n’étant pas encore démontrée.71 Éléments du diagnostic L’anomalie la plus fréquemment constatée à l’examen clinique est une hépatomégalie, parfois associée à la palpation d’une vésicule biliaire tendue. L’hyperéosinophilie sanguine est inconstante et a peu de valeur en zone d’endémie, du fait du polyparasitisme fréquent. Les fonctions hépatiques sont généralement normales. Les examens tomodensitométriques et échographiques peuvent être normaux ou faire apparaître des aspects non spécifiques : dilatations irrégulières et rétrécissement des voies biliaires intrahépatiques, épaississement des parois de la vésicule biliaire, lithiase biliaire,66 dilatation de la voie biliaire principale, abcès hépatiques.30 Le diagnostic des opisthorchiases repose sur la mise en évidence des œufs caractéristiques dans les selles, ou mieux dans le liquide duodénal et la bile. L’aspect des œufs d’Opisthorchis est très voisin de celui des œufs des petites douves intestinales de type Heterophyes heterophyes (Fig. 7). Un examen parasitologique négatif n’exclut donc pas le diagnostic, la recherche des œufs dans les selles pouvant être négative à la phase d’invasion comme à la phase d’état en cas de charge parasitaire faible Distomatoses 113 Distomatoses pulmonaires (paragonimoses) Les paragonimoses ou distomatoses pulmonaires sont des anthropozoonoses causées par des douves du genre Paragonimus, dont plus de quarante espèces sont actuellement identifiées et une dizaine pathogène pour l’homme. Les principaux foyers de paragonimoses sont l’Asie, où Paragonimus westermani est l’espèce la plus répandue, l’Amérique latine (Paragonimus mexicanus) et l’Afrique (Paragonimus uterobilateralis, Paragonimus africanus). Des paragonimoses autochtones ont été récemment rapportées en Amérique du Nord, où l’espèce en cause est Paragonimus kellicotti.55 Figure 7 Œuf de Clonorchis sinensis. ou d’obstruction biliaire. Les examens sérologiques constituent un outil diagnostique. Si les techniques de fixation du complément, d’hémagglutination, d’immunoprécipitation étaient d’interprétation difficile du fait de nombreuses réactions croisées en zone d’endémie, des techniques sensibles et plus spécifiques ont maintenant été développées, telles la recherche d’anticorps monoclonal par Elisa63 et la recherche de coproantigènes.68 L’examen histologique hépatique montre rarement des éléments parasitaires évocateurs, plus souvent des signes inflammatoires et une fibrose non spécifiques.1 Traitement Le praziquantel (Biltricide®) constitue le traitement de référence, constamment efficace à la posologie de 75 mg/kg en une dose unique ou fractionnée en trois prises sur une journée. Avec un schéma posologique de 40 à 50 mg/kg utilisé lors des traitements de masse, la guérison est obtenue dans 90 à 95 % des cas. Les critères de guérison, en l’absence de formes compliquées et séquellaires qui posent parfois de difficiles problèmes de diagnostic différentiel avec en particulier la greffe d’un cholangiocarcinome, sont la régression des anomalies échographiques, la disparition des œufs dans les selles et la diminution du titre des anticorps.56 L’action sur les hôtes intermédiaires en zone d’endémie étant illusoire, la prophylaxie repose principalement sur une action importante d’éducation sanitaire visant à changer les habitudes alimentaires. L’éducation sanitaire, couplée à un dépistage de masse par examen parasitologique des selles et traitement des cas dépistés, a permis de réduire significativement la prévalence des opisthorchiases dans certaines régions de Thaïlande.36 Généralités Parasites et leur cycle Paragonimus westermani est un trématode en « grain de café » (8-16 × 4-8 × 2-5 mm), translucide et brun rougeâtre. Il est morphologiquement très proche de Paragonimus mexicanus et Paragonimus kellicotti. Paragonimus heteroptremus, également rencontré en Asie, et Paragonimus africanus sont plus longs et plus larges. Les œufs de l’ensemble des espèces de Paragonimus sont caractéristiques : jaune-brun, ovalaires et de taille variable selon l’espèce, cernés d’une coque lisse transparente, épaissie à l’opposé d’un opercule polaire (Fig. 8). Non embryonnés au moment de la ponte, ils sont rejetés dans le milieu extérieur avec les expectorations ou les selles, après déglutition des crachats. La complexité du cycle évolutif, qui nécessite deux hôtes intermédiaires, explique la faible prévalence de la paragonimose dans les zones d’endémie. En contact avec un milieu hydrique, les œufs poursuivent leur développement puis éclosent en 3 semaines, libérant le miracidium qui contamine le premier hôte intermédiaire, un mollusque d’eau douce. La transformation des miracidi conduit au bout de 3 mois, toujours par un processus de polyembryonie, à la production de nombreuses cercaires. Une fois libérées, elles vont pénétrer un deuxième hôte intermédiaire (écrevisse, crevette ou crabe d’eau douce), dans lequel elles s’enkys- Figure 8 Œuf de Paragonimus westermani. 114 tent en métacercaires. L’hôte définitif s’infeste en ingérant ces crustacés crus ou mal cuits. Les coques des métacercaires sont digérées par les sucs, libérant des distomules qui traversent la paroi de l’intestin grêle et poursuivent leur développement dans la cavité abdominale, avant de traverser le diaphragme puis la plèvre pour gagner le parenchyme pulmonaire vers le 15e jour après l’infestation. Elles y atteignent le stade adulte en 5 à 6 semaines. Chez l’homme, la localisation pulmonaire est préférentielle mais non exclusive et des migrations aberrantes sont possibles. La durée de vie du ver adulte peut atteindre 10 ans. Épidémiologie Les paragonimoses sont avant tout des maladies des animaux carnivores. Dans les zones où elles prédominent, la présence d’un grand nombre de réservoirs et d’hôtes intermédiaires associée aux habitudes alimentaires favorise le cycle du parasite, la transmission et l’infection de l’homme. L’acquisition par la consommation d’hôtes accidentels contenant de jeunes douves (rat des champs, viande crue de sanglier), d’eau contaminée par des métacercaires provenant de crustacés morts, ou l’utilisation d’instruments de cuisine mal nettoyés et contaminés peuvent être impliquées. Seuls des cas d’importation sont observés en Europe, car les conditions environnementales nécessaires au cycle parasitaire ne sont pas réunies.26 Pathogénie L’intensité des lésions dépend de la charge parasitaire et de la chronicité de la maladie. L’interaction entre la réponse immunitaire locale de l’hôte et l’action protéolytique des métabolites du parasite aboutit à la formation de kystes qui constituent les lésions élémentaires caractéristiques. Le kyste, principalement endobronchique, est limité par une coque épaisse entourant deux à quatre douves adultes et est constitué d’un tissu de granulation renfermant des fibroblastes, des lymphocytes, et des polynucléaires neutrophiles et éosinophiles. Des granulomes centrés par un œuf sont souvent visibles au voisinage des kystes. Les vaisseaux bronchiques sont hypertrophiés, érodés et peuvent se rompre. La traduction anatomoclinique est essentiellement bronchopulmonaire (bronchopneumonie, pneumonie interstitielle exsudative et hémorragique, bronchectasies), mais, en cas de faible charge parasitaire, la migration des vers adultes peut s’interrompre au niveau de la cavité pleurale et générer des épanchements pleuraux sans atteinte parenchymateuse. Une migration aberrante peut compliquer cette évolution naturelle et abou- D. Andriamanantena et al. tir à la formation de kystes extrapulmonaires, principalement cérébraux et sous-cutanés.46,47 Tableau clinique Après une incubation qui dure de 2 à 20 jours, l’apparition des symptômes chez un individu infecté dépend de l’importance de l’infestation et de la localisation anatomique. Une infestation légère est généralement asymptomatique. La phase d’invasion, au cours de laquelle les douves immatures migrent de l’intestin vers les poumons, peut s’accompagner d’une fébricule, d’une urticaire et de signes digestifs peu spécifiques (diarrhée, douleurs abdominales). Après quelques jours apparaissent une toux et une douleur thoracique qui constituent un point d’appel fréquent et régressent en quelques semaines. Les manifestations chroniques surviennent en moyenne 6 mois après l’infestation. Forme pulmonaire Les manifestations pulmonaires chroniques miment volontiers une tuberculose : toux, expectoration noirâtre ou brunâtre prolongée, hémoptysies parfois abondantes et sévères, douleurs thoraciques, dyspnée, souvent associées à une fébricule et à une asthénie. Les signes physiques sont absents ou pauvres. En l’absence de traitement, une infestation avec charge parasitaire élevée peut se compliquer de bronchectasies, d’épisodes de surinfection (bronchopneumonie, abcès du poumon), d’épanchement pleural sérofibrineux ou purulent récidivant et de pneumothorax.9 La radiographie du thorax peut être normale (10 à 20 % des cas) ou montrer des anomalies variant selon le stade : infiltrats floconneux labiles au stade initial, cavités pseudokystiques, images réticulonodulaires (Fig. 9), avec parfois calcifications arrondies (coques calcifiées de kystes anciens), anomalies pleurales (pleurésie ou pneumothorax) isolées ou associées aux anomalies parenchymateuses ; plus rarement, adénopathies médiastinales, atélectasie secondaire à une sténose bronchique inflammatoire en endoscopie.46 Formes extrapulmonaires Isolées ou associées aux localisations pulmonaires, elles sont consécutives à des migrations aberrantes. Les lésions anatomiques sont, comme dans le poumon, de nature kystique ou granulomateuse avec parfois des abcès. Paragonimose cérébrale Les symptômes initiaux sont ceux d’une méningoencéphalite avec liquide céphalorachidien inflammatoire, riche en éosinophiles. Secondaire- Distomatoses Figure 9 Image pseudokystique calcifiée du parenchyme pulmonaire dans une paragonimose. ment apparaissent des signes témoignant d’un processus expansif intracrânien, avec en tomodensitométrie ou en IRM, des calcifications cérébrales en grappe, des lésions kystiques ou une hydrocéphalie. Ces lésions non spécifiques peuvent faire évoquer une autre parasitose (cysticercose, échinococcose), un abcès tuberculeux ou à pyogènes, ou une lésion tumorale.49 Le pronostic vital est engagé dans ces localisations et les décès sont fréquents à la phase aiguë. Paragonimoses sous-cutanées Les lésions évocatrices sont des nodules fermes, mobiles et sensibles, visibles le plus souvent sur l’abdomen ou la paroi thoracique antérieure. Le diagnostic est fait à l’examen histologique des nodules qui renferment des larves immatures. Autres formes ectopiques Plus rarement, Paragonimus peut se localiser dans la paroi intestinale, le foie, la rate, la cavité péritonéale ou le parenchyme rénal. Diagnostic L’hyperéosinophilie à la phase aiguë est sans grande valeur diagnostique, du fait du polyparasitisme des patients. La présentation clinique et radiologique de la paragonimose pulmonaire fait souvent évoquer en premier lieu une tuberculose (qui peut lui être associée) ou une pathologie tumorale. Orienté par la notion d’un séjour en zone d’endémie et les coutumes alimentaires, le diagnostic de certitude 115 est apporté par la mise en évidence des œufs operculés dans les expectorations, dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire ou dans les selles. Les œufs peuvent également être recueillis dans le liquide pleural ou au sein d’une lésion pulmonaire ponctionnée sous scanner.8 Les parasites ou les œufs peuvent par ailleurs être retrouvés sur des biopsies de nodules ou de lésions kystiques de diverses localisations, sous-cutanées, pulmonaires, intra-abdominales. Les granulomes sans nécrose et centrés par des débris parasitaires peuvent être cernés de fibrose.9 Ces examens parasitologiques ont cependant une sensibilité insuffisante ne dépassant pas 60 %, et sont souvent négatifs à la phase précoce ou en cas de faible infestation.47 La sérologie permet, en l’absence d’œufs, d’affirmer le diagnostic. La méthode Elisa est actuellement la technique de référence. Très sensible, sa spécificité a été nettement améliorée par l’utilisation d’anticorps monoclonaux.48 La sérologie est positive dès la phase précoce par la détection d’anticorps de type IgM, puis de type IgG en phase chronique.48 Dans les formes cérébrales, les anticorps ne sont détectables (Elisa) dans le liquide céphalorachidien qu’à la phase aiguë.69 L’intradermoréaction, utilisant des extraits de Paragonimus adultes, est utile en zone d’endémie pour la surveillance épidémiologique, mais ne constitue pas un test diagnostique.69 Traitement Le bithionol (Bitin®) et le niclofolan (Bilevon®) ont été les premiers traitements utilisés. Efficaces à 95 %, leurs effets secondaires en ont cependant limité l’utilisation. Le traitement de choix est actuellement représenté par le praziquantel (Biltricide®). À la posologie de 75 mg/kg/j en trois prises, pendant 2 ou 3 jours, il permet une amélioration rapide des symptômes et la clairance ovulaire en quelques semaines, avec une tolérance excellente dans les formes pulmonaires. Dans les formes cérébrales, une aggravation parfois sévère est possible à l’induction du traitement, imputée à la réaction inflammatoire consécutive à la lyse parasitaire, et doit être prévenue par la prescription concomitante de corticoïdes. Le triclabendazole (Egaten®), à la dose de 10 mg/kg pendant 1 ou 2 jours, s’est également avéré efficace et bien toléré dans certaines études.47 Une approche chirurgicale complémentaire peut s’avérer nécessaire dans les formes compliquées, pulmonaires (épanchements pleuraux récidivants, pneumothorax) ou cérébrales.14 La prophylaxie repose sur l’éducation sanitaire et les modifications des habitudes alimentaires. 116 D. Andriamanantena et al. Couplées à un traitement de masse par praziquantel, ces mesures ont permis de réduire significativement la prévalence de l’infection au Japon.47 Distomatoses intestinales Distomatose à « Fasciolopsis buski » Commune à l’homme et au porc, cette distomatose intestinale est observée essentiellement en Asie du Sud-Est, au Laos, au Cambodge, en Chine et dans la partie centrale de la Thaïlande. Elle affecte principalement les enfants avec une prévalence de 50 % au Bangladesh, 57 % en Chine et 60 % en Inde.23 Fasciolopsis buski est la plus grande des douves intestinales parasitant l’homme, mesurant 3 à 7 cm de long (Fig. 10). Ses œufs sont operculés, jaunebrun, également de grande taille (140 × 90 lm). Le parasite vit dans l’intestin grêle de l’hôte. Le cycle fait intervenir l’infection d’un mollusque aquatique de type planorbe qui libère des cercaires allant s’enkyster sur des plantes aquatiques sous forme de métacercaires infestantes. La contamination est consécutive à la consommation de ces plantes. Les distomules, libérées dans le duodénum, deviennent adultes en 3 à 4 mois au niveau de l’iléon. Leur durée de vie est courte, n’excédant pas 6 mois. Dans la plupart des cas, le patient est asymptomatique du fait d’un faible parasitisme. Les rares cas d’infestation massive conduisent à des symptômes digestifs non spécifiques (vomissements, diarrhée, douleurs abdominales), parfois à un œdème de la face. Le diagnostic repose sur l’identification des œufs dans les selles, plus rarement dans les vomissements.39 La guérison est obtenue dans tous les cas avec une cure unique de praziquantel (Biltricide®) à la posologie de 75 mg/kg en trois prises. Malgré la disponibilité d’un traitement efficace, les modifications des pratiques agricoles et l’urbanisation qui permettent de réduire les réservoirs d’hôtes intermédiaires, la distomatose à Fasciolopsis buski demeure un problème de santé publique majeur en zone d’endémie,27 essentiellement du fait de l’impossibilité de faire abandonner les pratiques culinaires contaminantes.23 Distomatose à « Heterophyes heterophyes » Le pourtour méditerranéen constitue la principale zone d’endémie. L’Égypte constitue le plus gros foyer, Israël, la Tunisie, la Turquie et l’Europe du Sud (Grèce, Espagne) étant moins concernées. D’autres foyers sont identifiés au Japon, en Corée et aux Philippines.7 Heterophyes heterophyes est une douve de plus petite taille (1 à 2 cm), piriforme, qui se développe chez de nombreux mammifères (chiens, chats, renards). Le cycle se déroule en milieu aquatique et fait intervenir deux hôtes intermédiaires successifs, un mollusque (Pirenella) puis un poisson d’eau douce (Gambusia) ou de mer (mulet). L’homme se contamine en consommant des poissons frais, salés ou peu cuits. La douve est adulte en 15 à 20 jours et vit 2 mois. Seule l’infestation intense est symptomatique, à l’origine de manifestations essentiellement digestives (nausées, vomissements, diarrhées parfois sanglantes, douleurs abdominales). Un épanchement pleural à éosinophiles a été exceptionnellement décrit.52 Les œufs pondus dans la paroi intestinale peuvent pénétrer le réseau vasculaire et être embolisés, déterminant des localisations cardiaques et cérébrales.7 Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’œufs dans les selles, en sachant que la distinction entre les différents genres de petites douves (Metagonimus, Opisthorchis, Clonorchis) est délicate.10 Le praziquantel (Biltricide®) est le traitement de choix. La prophylaxie consiste à éviter la consommation de poissons insuffisamment cuits. Autres distomatoses intestinales7 Figure 10 Adulte de Fasciola buski. Elles sont dues à différentes douves (Heterophyes heterophyes, Metagonimus yokogawai, Gastrodiscoides hominis, Watsonius watsoni) et sont rencontrées, selon les espèces, en Asie, en Sibérie ou en Afrique de l’Ouest. La présentation clinique est superposable aux autres distomatoses intestinales. Distomatoses Le diagnostic est parasitologique et le praziquantel régulièrement efficace. 117 19. 20. 21. Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. Abdel-Rahim AY. Parasitic infections and hepatic neoplasia. Dig Dis 2001;19:288–91. Abrous M, Rondelaud D, Dreyfuss G, Cabaret J. Transmission inhabituelle de la douve du foie : Fasciola hepatica par Limnea glabra ou Planorbis leucostoma en France. J Parasitol 1998;84:1257–9. Apt W, Aguilera X, Vega F, Miranda C, Zulantay I, Perez C, et al. 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