Article
« Vivre une CAP : appréciations de participants sur les retombées professionnelles perçues »
Martine Peters et Lorraine Savoie-Zajc
Éducation et francophonie, vol. 41, n° 2, 2013, p. 102-122.
Pour citer cet article, utiliser l'information suivante :
URI: http://id.erudit.org/iderudit/1021029ar
DOI: 10.7202/1021029ar
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Vivre une CAP
Appréciations de participants
sur les retombées
professionnelles perçues
Martine PETERS
Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada
Lorraine SAVOIE-ZAJC
Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada
RÉSUMÉ
Dans cet article, les auteures considèrent la communauté d’apprentissage professionnelle (CAP) en tant que dispositif riche et pertinent de formation continue à
l’intérieur duquel les participants s’engagent dans un processus dynamique d’ajustement de pratique. Le but du présent texte est de dégager l’appréciation de participants à des CAP en lien avec leur développement professionnel. Les données tirées
d’un questionnaire bilan proposeront des réponses aux questions suivantes :
1) Quelles sont les forces et les faiblesses d’une CAP telles que perçues par les participants? 2) Quels sont les bénéfices de la participation à une CAP pour des
enseignants?
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ABSTRACT
Experiencing a PLC: Participant assessments of perceived professional
benefits
Martine PETERS
University of Québec in Outaouais, Québec, Canada
Lorraine SAVOIE-ZAJC
University of Québec in Outaouais, Québec, Canada
In this article, the authors will consider the professional learning community
(PLC) as a rich and relevant professional development system, within which participants engage in a dynamic process of adjusting their practices. The purpose of this
article is to identify the participants’ appreciation for PLCs in relation to their professional development. The data from a questionnaire-assessment will propose answers
to the following questions: 1) What is a PLC for the teacher who experiences one? 2)
What role does it play? 3) How does the PLC act on professional development?
RESUMEN
Vivir una CAP: apreciaciones de los participantes sobre las repercusiones
profesionales percibidas.
Martine PETERS
Universidad de Quebec en Outaouais, Quebec, Canadá
Lorraine SAVOIE-ZAJC
Universidad de Quebec en Outaouais, Quebec, Canadá
En este artículo, los autores consideran la comunidad de aprendizaje profesional (CAP), como un dispositivo valioso y pertinente para la formación continua,
gracias al cual los participantes se embarcan en un proceso dinámico de ajustes de
práctica. El objetivo del presente texto es presentar las apreciaciones de los participantes a las CAP relacionadas con su desarrollo profesional. Los datos provenientes
de un cuestionario-evaluación sugieren respuestas a las interrogaciones siguientes:
1) ¿Qué es una CAP para el maestro que vive esa experiencia? 2) ¿Cuál es su rol? 3)
¿Cómo la CAP afecta su desarrollo profesional?
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Introduction
L’enseignant est un professionnel dont la pratique est au cœur du développement humain et social d’une communauté donnée. C’est dire l’importance pour les
personnes exerçant cette profession de s’inscrire dans une perspective d’apprentissage continu afin de se garder à jour et d’exercer la profession de façon compétente.
La formation initiale, période au cours de laquelle la personne développe ses
compétences de base et acquiert le bagage théorique nécessaire pour fonder les
gestes et les savoirs professionnels, ne saurait suffire pour garantir un agir professionnel compétent durant toute sa carrière. Il est donc nécessaire de prévoir des
mécanismes de formation continue pertinents et adaptés au contexte de l’exercice
de la profession.
Dans cet article, les auteures vont ainsi traiter de la communauté d’apprentissage professionnelle (CAP), vue comme un dispositif riche et pertinent de formation
continue à l’intérieur duquel les participants s’engagent dans un processus
dynamique d’ajustement de pratique, basé sur la réflexion et le partage avec les collègues, en vue d’aider les élèves à réussir leur parcours scolaire. Le but du présent
texte est de dégager l’appréciation de participants à des CAP en lien avec ce qu’ils
retirent de ce type de développement professionnel. Ces membres de communautés
d’apprentissage professionnelles ont répondu à un questionnaire bilan dans lequel
ils ont apprécié leur expérience de faire partie d’une CAP et estimé les retombées sur
leurs pratiques. Les questions auxquelles cet article tentera de répondre sont donc
les suivantes : 1) Quelles sont les forces et les faiblesses d’une CAP telles que perçues
par les participants? 2) Quels sont les bénéfices de la participation à une CAP pour
des enseignants?
Les notions de développement professionnel, de formation continue et de communauté d’apprentissage professionnelle seront d’abord introduites. Les contextes
des CAP vécues, de même que les méthodologies des recherches d’où proviennent
les données, seront ensuite décrits. Les données d’un questionnaire bilan seront
présentées et discutées. Des réponses seront alors proposées aux questions formulées précédemment.
Cadre théorique
Trois notions intimement liées sont décrites : le développement professionnel,
la formation continue et la communauté d’apprentissage professionnelle, conceptualisée comme une modalité de développement professionnel et un dispositif de formation continue.
Le développement professionnel
La notion de développement professionnel est traitée en trois sous-points.
D’abord, des perspectives définitoires variées sont rapportées. Les buts et les critères
de qualité du développement professionnel sont ensuite décrits. Les recoupements
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entre la formation continue et le développement professionnel, lorsque celui-ci est
traité sous l’angle de la formation offerte, sont finalement esquissés.
Perspectives définitoires du développement professionnel
Uwamariya et Mukamurera (2005) ont produit une excellente analyse de l’abondante littérature portant sur le développement professionnel. Elles identifient deux
grands courants pour classifier les écrits. Le premier est nommé « perspective
développementale ». Dans ce groupe d’écrits et de recherches, le développement
professionnel est vu comme se produisant selon des étapes, des stades de développement, qui s’enchaînent chronologiquement. Les auteurs conçoivent alors que la
personne les franchit selon une séquence prévisible, en conséquence des expériences professionnelles vécues et selon la maturation professionnelle acquise au fil
des années.
Le second courant est, selon Uwamariya et Mukamurera, une perspective qui
est « axée sur la professionnalisation » des enseignants. Cette deuxième perspective
met plutôt l’accent sur l’engagement de l’individu à parfaire ses connaissances et ses
compétences, sa carrière durant. Sont ici convoqués divers mécanismes et dispositifs
de formation continue susceptibles d’amener le professionnel à réfléchir sur sa pratique, à poser des diagnostics, à décider du cours de l’amélioration recherchée.
En guise de conclusion à leur recension des écrits, Uwamariya et Mukamurera
proposent d’ailleurs une définition du développement professionnel. Elles le voient
comme « [u]n processus de changement, de transformation, par lequel les
enseignants parviennent peu à peu à améliorer leur pratique, à maîtriser leur travail
et à se sentir à l’aise dans leur pratique » (Uwamariya et Mukamurera, 2005, p. 148).
Dans la même perspective de professionnalisation, Fullan (1995) souligne une
dimension nouvelle en décrivant le développement professionnel comme un processus qui amène l’enseignant à s’engager du point de vue moral dans la profession
enseignante. Ce processus implique le développement d’une pratique réflexive et il
s’ancre dans une culture de recherche et de collaboration entre les divers acteurs scolaires. Une telle vision du développement professionnel appartient à une perspective
de « croissance » plutôt qu’à la perspective traditionnelle du « déficit » (Huberman et
Guskey, 1995). En effet, dans cette dernière perspective, l’enseignant est vu comme
une personne qui manque d’habiletés, de compétences, manque auquel il convient
de remédier par la formation continue. La CAP s’inscrit davantage dans une perspective de croissance, alors que le matériau de travail et l’objet sur lequel les réflexions
s’organisent sont la pratique existante de la personne.
Les buts et les critères du développement professionnel
Une telle perspective de croissance pour envisager le développement professionnel s’est avérée fertile et elle a été reprise par d’autres auteurs. Ainsi,
Archambault, Wetzel, Foulger et Williams (2010) expliquent que le développement
professionnel possède deux objectifs : offrir de nouveaux modèles aux enseignants et
encourager le changement sur le plan des croyances, des valeurs, mais aussi des
comportements des enseignants. Cette dernière idée repose sur les travaux de
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Guskey (2002), qui suggère que ce sont possiblement les pratiques qui forgeraient les
nouvelles conceptions des enseignants. Ainsi, les changements de conceptions ne
s’effectueraient que si l’enseignant observe des résultats tangibles auprès de ses
élèves, après avoir mis en œuvre de nouvelles pratiques pédagogiques. En ajustant
ainsi ses pratiques et en constatant leurs impacts sur les élèves, l’enseignant en
viendrait à modifier certaines de ses conceptions.
Au-delà des perspectives définitoires variées, les auteurs s’entendent généralement pour dire que les enseignants qui souhaitent mettre à jour leurs pratiques professionnelles en s’investissant dans une démarche de développement professionnel
sont ceux qui deviennent les plus efficaces et, par le fait même, contribuent à la réussite de leurs élèves (Darling-Hammond, 2001; Garet, Porter, Desimone, Birman et
Yoon, 2001).
Du développement professionnel à la formation continue
La littérature établit parfois une faible démarcation entre la notion même de
développement professionnel et l’organisation de la formation continue. Pour Van
den Berg (2002), la formation devrait s’articuler autour des préoccupations des
enseignants à propos de leurs pratiques professionnelles et leur fournir des outils
pour qu’ils puissent remettre celles-ci en question et les recadrer pour les enrichir. La
formation devrait être offerte de façon à susciter la participation d’un groupe d’enseignants de la même école ou du même niveau d’enseignement. Donnay et Charlier
(2000) proposent que, de plus en plus, le développement professionnel soit réalisé en
relation avec des partenaires et qu’il soit contextualisé dans une situation de travail,
orienté par un projet éducatif.
Ces caractéristiques rejoignent celles de la communauté d’apprentissage professionnelle (CAP), cœur de notre intérêt de recherche et dispositif important de formation continue. Caractérisons d’abord la notion de formation continue pour faire
ensuite le lien avec celle de la CA.
La formation continue
Même si certains auteurs juxtaposent la notion de développement professionnel et celle de la formation continue, d’autres les distinguent. Nous croyons d’ailleurs
plus juste d’effectuer une telle distinction, qui nous permet de mieux nous concentrer sur les dispositifs mêmes de formation (le « comment » mis en scène par la formation continue) pour parvenir à une finalité (le « pourquoi » du développement
professionnel).
La formation continue des enseignants désigne « l’ensemble des actions et des
activités dans lesquelles les enseignants et les enseignantes en exercice s’engagent de
façon individuelle et collective en vue de mettre à jour et d’enrichir leur pratique professionnelle » (Ministère de l’Éducation du Québec, 1999, p.11).
Il convient de souligner que plusieurs façons d’offrir de la formation aux enseignants sont disponibles; cependant, peu d’entre elles réussissent à combler les besoins
de formation (Borko, 2004). Citons, par exemple, le modèle de formation ponctuelle,
les fameuses journées pédagogiques, qui est vu comme étant intellectuellement
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superficiel, non contextualisé (Quan-Baffour, 2007) et trop loin des problèmes réels
qui se posent aux enseignants (Schlager et Fusco, 2003). L’idée avancée est que les
enseignants doivent faire des « mises à jour », perspective s’inscrivant dans le modèle
de déficit (Huberman et Guskey, 1995). Une telle formation ponctuelle n’a que très
peu d’impact sur ce qui se passe dans les écoles et dans les classes (Sykes, 1996) et
elle n’apporte que peu de changements sur le renouveau de la pratique des
enseignants (Boucher et L’Hostie, 1997; Brunelle, 2000; Charlier et Charlier, 1998). À
l’instar de Bélanger (2003), nous estimons que les offres de formation doivent mieux
s’ancrer dans les motivations et les projets des individus.
Des dispositifs centrés sur les préoccupations des enseignants, qui valorisent la
collaboration entre les personnes, sont de plus en plus utilisés. La communauté
d’apprentissage professionnelle s’inscrit dans une telle vision de la formation continue pour un développement professionnel dans une perspective professionnalisante. Voyons ce qu’il en est.
La communauté d’apprentissage professionnelle (CAP)
Pour bien comprendre ce qu’est une CAP, il convient d’abord de préciser brièvement les paramètres généraux qui caractérisent la communauté d’apprentissage.
La communauté d’apprentissage (CA)
Dionne, Lemyre et Savoie-Zajc (2010) ont proposé la définition synthèse suivante
de la communauté d’apprentissage :
La CA se définit comme un dispositif qui, dans sa dimension cognitive, vise
au développement de la pratique pédagogique, à l’acquisition d’un savoir
individuel et collectif et à la quête de sens. Dans sa dimension affective, la
CA encourage l’enseignant(e) au partage de savoirs et au soutien entre collègues. Enfin, dans sa dimension idéologique, la CA sert à l’émancipation
des enseignants, par l’utilisation des recherches, en reconnaissant leur rôle
dans la production de ces recherches, et vise ultimement à créer une cohésion et une vision commune dans l’école (p. 36).
Les trois dimensions, cognitive, affective et idéologique, présentes dans la définition reposent sur le construit théorique introduit par Schussler (2003), qui jette un
regard holistique pour comprendre ce qu’est une communauté d’apprentissage,
selon ses diverses facettes.
Collinson et al. (2009) expliquent que la création d’une CA dans une école fournit des moyens aux enseignants, à la direction d’école et aux divers intervenants pour
prendre en main leur apprentissage personnel tout en contribuant à celui de leurs
collègues. C’est une amélioration au sein de l’école entière qui est observée, tant
pour les élèves que pour les enseignants, car les participants s’engagent à développer
de nouvelles pratiques, à dialoguer et à travailler en collaboration afin de partager
connaissances et ressources (Duncan-Howell, 2010); ils partagent, en définitive, une
vision (Lunenberg, 2010). Lujan et Day (2010) stipulent, pour leur part, que la communauté d’apprentissage peut briser l’isolement que vivent certains enseignants.
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D’après Charalambos, Michalinos et Chamberlain (2004), la CA possède comme
assises deux ensembles de valeurs de base. Daele (2004) ajoute que l’enseignant qui
y participe a l’occasion de réfléchir à ses pratiques dans un cadre de valeurs
véhiculées par celle-ci. La première série de valeurs suppose que la coopération et la
responsabilité partagée offrent des conditions idéales pour accomplir des objectifs
communs. La deuxième série de valeurs suggère que les liens tissés entre les participants créent un environnement dans lequel il fait bon vivre (Burbules, 2000). La
philosophie de la communauté d’apprentissage repose donc sur la collaboration
ainsi que sur la volonté des participants de travailler ensemble (Lunenberg, 2010).
Putnam et Burke (2006) énumèrent sept caractéristiques qualifiant les membres
d’une communauté d’apprentissage. Ceux-ci ont un objectif commun; ils se considèrent entre eux comme des collègues; ils souhaitent mettre à jour leurs connaissances
et celles du groupe; ils perçoivent d’autres communautés d’apprentissage comme
semblables à la leur; ils privilégient la réflexion individuelle et collective; ils sont
ouverts à offrir et à recevoir de l’aide; et, enfin, ils célèbrent les réussites, les succès des
membres du groupe. Une autre caractéristique, suggérée par Collinson et al. (2009), est
la volonté de partager le leadership entre les participants. En effet, les rôles des participants sont flexibles et flous afin d’encourager une rotation dans les responsabilités.
La communauté d’apprentissage favorise aussi le développement chez les participants de nouvelles relations sociales entre eux, le partage de connaissances et de
ressources, l’acquisition d’habiletés diverses, telles que le questionnement, la quête
d’informations, le dialogue et l’argumentation et, surtout, l’apprentissage différencié
et approprié au regard des connaissances et des compétences des participants
(Collinson et al., 2009). L’apprentissage en communauté est donc un processus
social, ce qui sous-entend que la participation à une communauté implique des rapprochements entre ce qui est appris et ce qui est important pour les participants, qui
tissent ainsi des relations avec ceux qui ont des objectifs semblables.
La communauté d’apprentissage professionnelle (CAP)
La notion de communauté dans la CAP gravite autour de l’engagement volontaire des participants à soutenir la réussite scolaire des élèves par la collaboration, la
collégialité, l’analyse des pratiques et le développement de pratiques plus efficaces
(Furman, 1998; Hord, 1997; Stoll et Seashore Louis, 2007).
La CAP possède les caractéristiques suivantes : 1) elle s’appuie sur un leadership
participatif, les directions d’école y étant conviées; 2) elle repose sur une vision et des
valeurs communes, à savoir l’engagement du personnel à l’égard de la réussite des
élèves; 3) elle soutient un apprentissage collectif du personnel en réponse aux
besoins des élèves qui se traduit en actions concrètes; 4) elle encourage l’évaluation
par les pairs des stratégies utilisées et elle crée un espace pour la rétroaction et le soutien des personnes en vue d’une amélioration des résultats des élèves; il y a un effet
de déprivatisation de la pratique; 5) elle procure un environnement favorable qui
permet aux enseignants de collaborer, d’échanger et d’apprendre ensemble; 6) elle
s’appuie sur des résultats d’évaluation des apprentissages des élèves (DuFour, 2004;
Hargreaves et Giles, 2006; Stoll et Seashore Louis, 2007).
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On peut donc avancer que la CA et la CAP possèdent toutes deux les caractéristiques d’une communauté : l’engagement volontaire et un projet commun entre les
participants, une dynamique de coformation et de coapprentissage qui s’instaure. La
CAP se distingue toutefois de la CA par l’engagement des participants, motivés par la
réussite de leurs élèves; les démarches d’analyse et de réflexion sur la pratique sont
ancrées dans leurs expérimentations en salle de classe et elles reposent sur les observations des enseignants concernant les progrès dans les apprentissages de leurs
élèves. L’appui de la direction d’école constitue, de plus, un facteur facilitant des CAP.
Méthodologie
Afin de mettre en évidence les témoignages des participants à des CAP, faisant
ainsi ressortir les retombées sur leur développement professionnel, le présent article
s’appuie sur des données qui proviennent de deux projets de recherche. Le but du
présent texte étant de montrer l’appréciation de participants à des CAP et les
retombées perçues, l’utilisation de données obtenues par la passation du même
questionnaire auprès d’un plus grand nombre de participants, membres de diverses
CAP, était tout à fait appropriée.
Projet de recherche 1 : Apprendre à accompagner des enseignants dans
le travail en CAP
La première démarche consiste en une recherche-action d’une durée de 18 mois
qui a rassemblé 13 conseillers pédagogiques d’une même commission scolaire. Ces
conseillers avaient reçu le mandat d’accompagner 45 enseignants de neuf écoles primaires à former des communautés d’apprentissage en vue d’améliorer leurs stratégies d’enseignement de la lecture au primaire. Les conseillers pédagogiques ont alors
demandé aux chercheurs de s’associer à eux dans leurs apprentissages afin de développer des compétences d’accompagnement des enseignants dans le travail en communauté d’apprentissage professionnelle. Avec les conseillers pédagogiques, les
chercheurs ont ainsi formé une CAP, laquelle modélisait en quelque sorte le travail
que les conseillers pédagogiques faisaient avec les enseignants. Tout au long de la
recherche, des données de diverses sources ont été recueillies. Elles provenaient des
procès-verbaux des rencontres, des bilans autant individuels que collectifs effectués
à divers moments de la recherche-action. À l’issue de la recherche, les chercheurs ont
bâti, en collaboration avec les conseillers pédagogiques, un questionnaire à l’intention des enseignants participant aux CAP animées par les conseillers pédagogiques,
afin de mettre en évidence leur appréciation du travail en CAP, l’intérêt de ce dispositif comme mécanisme de développement professionnel ainsi que l’effet de leur participation sur leurs pratiques et sur leur entourage. Ce sont les données qui
proviennent du questionnaire qui sont utilisées dans cet article.
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Projet de recherche 2 : Un projet de mentorat réciproque
La deuxième recherche s’est déroulée auprès de onze enseignantes du primaire.
Celles-ci étaient jumelées, pour une période de cinq mois, avec de futures enseignantes dans le but de créer des situations d’apprentissage et d’évaluation (SAÉ)
d’écriture intégrant les technologies de l’information et de la communication (TIC).
Les futures enseignantes ne participaient pas à la CAP. Les enseignantes en exercice
se sont rencontrées, une fois par mois, afin de discuter du processus de construction
de SAÉ et de l’intégration des TIC. Elles étaient accompagnées de quatre conseillers
pédagogiques de français ainsi que de deux chercheurs universitaires. Afin de documenter la CAP, divers instruments de collecte de données ont été utilisés. Les participantes ont tenu un journal de bord, certaines discussions ont été transcrites et
analysées, des questionnaires sur les trois compétences dont le développement était
visé (création de SAÉ, mise en œuvre de SAÉ et intégration des TIC en classe) ont été
remplis. Les enseignantes ont aussi eu l’occasion de commenter leur appréciation du
travail en CAP et l’utilité de ce travail pour leur développement professionnel et les
ajustements dans leur pratique. Elles ont répondu au questionnaire distribué aux
participants du premier projet de recherche et décrit dans la section précédente.
Le questionnaire
Un questionnaire a été préparé afin de prendre le pouls de l’appréciation des
participants aux CAP vécues au cours des deux projets de recherche. Le questionnaire est divisé en trois sections. La première section, « L’expérience de participer à
une communauté d’apprentissage professionnelle », vise à documenter la façon dont
les participants ont vécu leur expérience de participation à une CAP. Cette section
contient huit questions. Par exemple, les participants doivent donner leur degré
d’accord avec des affirmations concernant les changements apportés à leur pratique,
les effets de la CAP sur le développement professionnel, l’école, les collègues et les
élèves, de même que les apports de la CAP. Cette section permet aussi de mettre en
évidence des forces et des faiblesses de la CAP en vue d’améliorer celle-ci.
Quatre questions se retrouvent dans la deuxième section, « L’accompagnement
reçu au sein d’une CAP ». Elles amènent les participants à décrire l’accompagnement
reçu, ce que ce dernier leur a permis de faire et de quelles façons il a répondu ou non
à leurs besoins initiaux en accompagnement. La dernière section, qui comprend six
questions, constitue la partie sociodémographique du questionnaire et vise à établir
le profil des participants (voir le questionnaire en annexe).
Aux fins du présent article, seuls les résultats sur les perceptions des répondants
relatifs aux avantages à participer à une CAP pour leur développement professionnel
en général et pour les ajustements apportés à leurs pratiques en particulier, les forces
perçues des CAP, de même que les limites et les rôles joués à l’intérieur de la CAP,
seront présentés.
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Présentation des résultats
Cinquante-six répondants ont rempli le questionnaire, ce qui représente un
taux de réponse de 70 %. Les répondants sont en majorité des femmes (87,5 %). Elles
ont une moyenne de 13,9 années d’expérience en enseignement et 96,4 % travaillent
au primaire. Elles participent depuis une moyenne de 14,3 mois à une CAP. Leur
engagement dans une CAP était pour la majorité un engagement volontaire (67,9 %)
et 96,4 % souhaiteraient continuer d’en faire partie.
Les forces d’une CAP telles que perçues par les répondants
Nous regroupons sous deux catégories les forces d’une CAP telles que les répondants les perçoivent. Les dimensions affective et cognitive définies par Schussler
(2003) ont servi de cadre d’analyse.
Pour les répondants, une CAP favorise les échanges avec les collègues, elle encourage le partage, l’entraide; un lien de confiance et un sentiment d’appartenance
s’établissent entre les membres. Daele (2010) affirme d’ailleurs que « le but de ces formations […] est de permettre aux enseignants d’accéder aux savoirs et aux compétences professionnelles d’autres enseignants et de valider leurs propres pratiques
dans un environnement de formation basé sur la confiance et le respect » (p. 66). De
plus, Charalambos, Michalinos et Chamberlain (2004) déclarent que faire partie
d’une communauté nécessite la construction de liens entre ce qui est appris, ce qui
est important pour les participants afin de créer des relations entre les participants
ayant les mêmes objectifs. La CAP permet aussi le développement d’une vision et de
valeurs communes et elle suscite la remise en question. Il s’avère d’ailleurs important
pour les enseignants de prendre conscience de leurs valeurs et de leurs pratiques,
ainsi que de celles de leurs collègues (Dionne, Lemyre et Savoie-Zajc, 2010). C’est
finalement un dispositif qui demande de l’ouverture. Ces caractéristiques ont été
regroupées sous la dénomination « dimension affective ».
Les caractéristiques suivantes se retrouvent sous la dimension cognitive : la CAP
est centrée sur les élèves; les membres sont en mesure d’affronter ensemble des défis
portant sur la mise à jour de leur pratique d’enseignement (par exemple le
développement de la collaboration pour le travail en cycle, l’intégration des TIC, la
conception et la mise en œuvre de SAE); il se fait un partage des méthodes d’enseignement entre les membres. Garet et al. (2001) ont obtenu des résultats semblables à la suite d’un sondage effectué auprès d’un millier d’enseignants. Ces
derniers ont spécifié qu’ils souhaitaient des formations leur permettant de travailler
avec des collègues de la même école et du même niveau scolaire, et ce, pour trois
raisons. Premièrement, ce type de regroupement facilite les échanges au sujet de
concepts, d’habiletés, de problèmes qui surgissent au quotidien. Deuxièmement, les
enseignants d’une même école partagent habituellement le matériel pédagogique,
ils sont soumis aux mêmes règlements dans l’école, etc. Troisièmement, les
enseignants connaissent souvent de nombreux élèves, ce qui leur permet de discuter
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non seulement des besoins et des caractéristiques de leurs élèves, mais aussi de ceux
de leurs collègues (Garet et al., 2001).
Les faiblesses d’une CAP telles que perçues par les répondants
Des faiblesses ont également été signalées par les répondants. Elles ont été
regroupées sous trois catégories : les ressources, le cadre de travail de la CAP et la
dynamique de la CAP.
Sur le plan des ressources, le manque de ressources financières et matérielles
(un réseau informatique peu efficace par exemple) est mentionné, de même que le
manque de temps, le manque d’habiletés pour soutenir les collègues, l’absence de
soutien de la part de la commission scolaire, pourtant nécessaire au bon fonctionnement de la CAP selon Dionne, Lemyre et Savoie-Zajc (2010). Dans le cas d’écoles
éloignées, les répondants soulignent la distance à parcourir pour les rencontres CAP,
qui rend encore plus évident le manque de temps déjà évoqué.
En ce qui concerne le cadre de travail de la CAP, les participants révèlent que
cette démarche engendre parfois de l’insécurité (remises en question, regard des
autres sur leur pratique); elle comporte aussi des longueurs, et, même si les moments
de partage sont précieux et importants pour les participants, le passage à l’action est
retardé, puisque le discours tenu lors des CAP sur les mises à l’essai de pratiques
occupe plus de place. Les participants reconnaissent aussi la complexité de gestion
d’une CAP; les inégalités qui peuvent exister d’une CAP à l’autre sont dues, entre
autres, à la gestion parfois ardue de la CAP par les animateurs. Les compétences en
accompagnement peuvent également être déficientes (Lafortune, 2008).
Une dernière faiblesse de la communauté d’apprentissage professionnelle
touche à sa dynamique. Les répondants au questionnaire notent que la CAP fonctionne moins bien lorsqu’il y a trop de différences (en termes de valeurs ou de types
de formation antérieure par exemple) entre les participants : cela entraîne une inégalité dans le partage et l’engagement. Ce dernier point, l’engagement, rappelle
qu’une CAP pour se développer devrait pouvoir compter sur la disponibilité des
membres et sur une volonté de participer positivement aux échanges (Daele, 2010).
D’ailleurs, en ce qui concerne l’engagement, le tableau 1 reprend les réponses
des participants relativement aux rôles joués au sein d’une CAP. Tous les répondants
(100 %) indiquent qu’ils ont conscience que la qualité de leur engagement dans une
CAP contribue à son développement harmonieux. En fait, comme le mentionnent
Uwamariya et Mukamurera (2005), « l’engagement de l’enseignant y est incontournable » (p. 141). La qualité déficiente de l’engagement a d’ailleurs déjà été reconnue
comme une des faiblesses de la CAP. Le rôle le plus ambigu est lié au contact avec la
personne accompagnatrice entre les rencontres 39,3 % des répondants étant « plutôt
en accord » avec le fait de garder contact et 30,4 % étant « plutôt en désaccord ». La
CAP est ainsi vue comme un évènement riche et pertinent, mais isolé dans le temps,
puisque les liens avec la personne accompagnatrice sont ténus en dehors des rencontres formelles. Les répondants qui ne souhaitent pas avoir de contacts avec
l’accompagnant à l’extérieur de la CAP rejoignent les participants à l’étude de
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Duncan-Howell (2010) qui distinguaient entre les moments vécus en CAP et le quotidien de la classe.
Tableau 1. Les rôles joués au sein d’une CAP
Au sein de ma CAP, accompagné-e par une
ressource…
N : 56
Tout à fait
d’accord
Plutôt
d’accord
Plutôt en
désaccord
Tout à fait en
désaccord
Pas de
réponse
a) … je participe à la définition des objectifs
poursuivis.
18
32,1 %
35
62,5 %
3
5,4 %
0
0%
0
0%
b) … je garde contact avec la personne
accompagnatrice entre les rencontres de la CAP.
11
19,6 %
22
39,3 %
17
30,4 %
5
8,9 %
1
1,8 %
c) … j’accepte de ne pas toujours recevoir des
réponses claires et immédiates à mes questions.
20
35,7 %
27
48,2 %
8
14,3 %
0
0%
1
1,8 %
d) … je participe, par mon engagement, au
développement harmonieux de la CAP.
26
46,4 %
30
53,6 %
0
0%
0
0%
0
0%
e) … je développe une vision plus large de ma
pratique grâce à l’accompagnement que je reçois.
23
41,1 %
27
48,2 %
6
10,7 %
0
0%
0
0%
Le bénéfice perçu retiré de l’engagement dans une CAP
L’énoncé « Le fait de participer à une CAP m’aide à apporter des changements
positifs à ma pratique », 98,3 % des répondants répondent positivement. De plus,
87,5 % des répondants voient des effets significatifs de la CAP sur le développement
professionnel et 84 % d’entre eux en voient sur les collègues. Cela concorde avec les
résultats de la recherche de Duncan-Howell (2010) auprès d’enseignants ayant participé à une CAP, résultats qui démontrent que 86,7 % des participants étaient d’accord
pour dire que la participation à une CAP était une forme efficace de développement
professionnel. Les CAP, par leur nature, incitent les enseignants à se tenir à jour sur
la recherche en éducation, et cette formation continue leur permet d’être au fait des
pratiques les plus efficaces ou de celles qui sont les mieux adaptées aux élèves en difficulté (Leclerc et Leclerc-Morin, 2007; Leclerc et Moreau, 2011). Il s’agit d’un « dispositif de développement professionnel », comme l’écrivent Dionne, Lemyre et SavoieZajc (2010), qui permet aux enseignants de réfléchir sur leur pratique afin d’intégrer
les nouvelles connaissances dans leur travail quotidien (Leclerc et Labelle, 2012).
Toutefois, pour 33,9 % des participants, faire partie d’une CAP n’a pas d’effets
significatifs au niveau de l’école et une proportion identique (33,9 %) estime que l’engagement dans une CAP n’a pas d’effets significatifs chez les élèves. Ces deux
dernières positions sont surprenantes, car l’engagement dans une CAP constitue un
levier pour l’amélioration des pratiques dans le but de soutenir la réussite scolaire
des élèves. Les recherches de Desimone et al. (2002) apportent une explication possible aux positions des enseignantes. Celles-ci sont peut-être à la recherche de liens
directs, difficiles à observer, ce qui expliquerait pourquoi elles ne voient pas d’effets
significatifs de leur développement professionnel chez leurs élèves.
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Appréciations de participants sur les retombées professionnelles perçues
On peut également penser que dans une CAP qui fonctionne harmonieusement
les enseignants apprendront à travailler ensemble et développeront une vision commune de la réussite scolaire, ce qui devrait, normalement, avoir un impact dans l’école (Vescio, 2008). Les résultats montrent ainsi que 66 % des participants à une CAP
voient le lien entre leur travail en CAP, la qualité de leur développement professionnel et l’amélioration de l’école. Vescio (2008) et Ouellet (2011) expliquent d’ailleurs
que les participants à une CAP tendent à se regrouper autour de valeurs partagées,
telles que l’intégrité, le respect, la discipline ou encore l’excellence, et qu’ils développent une vision et une mission communes pour leur école. Les répondants au questionnaire ont donc développé une vision systémique, laquelle associe l’action
personnelle et son effet sur le collectif (l’école), type de vision qui constitue selon
Senge (1990) l’une des cinq dimensions d’une organisation apprenante.
Le tableau 2 souligne l’apport de la CAP sur le développement professionnel tel
qu’il est perçu par les répondants. Les résultats indiquent que les répondants en ont
une vision très positive. L’item qui reçoit le plus fort assentiment est lié à l’affirmation que la CAP propose des outils pour diagnostiquer une situation problème
(98,2 %). Il importe aussi de souligner que 48,2 % des personnes sont « tout à fait d’accord » avec l’affirmation selon laquelle la CAP fournit un cadre pour réfléchir aux
mises à l’essai d’éléments nouveaux dans sa pratique. L’accord positif global pour cet
item est de 96,4 %. Les participants s’interrogent davantage sur les meilleures pratiques à adopter et ils homogénéisent celles-ci afin d’atteindre le but qu’est une plus
grande réussite des élèves (Leclerc et Leclerc-Morin, 2007). Leclerc et Moreau (2011)
mentionnent d’ailleurs les résultats d’une de leurs études, échelonnée sur trois ans,
qui fait état d’un « rehaussement notable de la qualité des pratiques d’enseignement
de la lecture en salle de classe » (p. 200).
Tableau 2. La contribution de la CAP sur le développement professionnel
La CAP…
N : 56
Tout à fait
d’accord
Plutôt
d’accord
Plutôt en
désaccord
Tout à fait en
désaccord
Pas de
réponse
a) … me donne des outils pour diagnostiquer une
situation problème.
21
37,5 %
34
60,7 %
1
1,8 %
0
0%
0
0%
b) … me soutient dans l’expérimentation d’une
nouvelle pratique.
21
37,5 %
31
55,4 %
2
3,6 %
0
0%
2
3,6 %
c) … me donne un cadre pour réfléchir à mes mises
à l’essai.
27
48,2 %
27
48,2 %
1
1,8 %
0
0%
1
1,8 %
d) … m’encourage dans l’ajustement de mes
stratégies d’enseignement.
22
39,3 %
29
51,8 %
2
3,6 %
0
0%
3
5,4 %
e) Autre (spécifier) : … me permet de mieux connaître mes élèves et de travailler en cycle de plus en plus; améliore la qualité du
travail par cycle.
Ces résultats indiquent que les enseignants reconnaissent les habiletés très contextualisées à l’œuvre dans une CAP. Les enseignants sont aussi à l’aise avec le fait
que le développement professionnel procuré par une CAP s’effectue dans l’action,
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Appréciations de participants sur les retombées professionnelles perçues
qu’il s’ancre dans la pratique quotidienne des personnes, cette dernière leur fournissant le matériau pour la réflexion et l’expérimentation. Les enseignants peuvent
désormais discuter entre eux de ce qu’ils vivent et réfléchir ensemble sur les changements à apporter (Ouellet, 2011). Les CAP leur permettent donc de se soutenir
mutuellement (Butler, 2005; Leclerc et Labelle, 2012; Vescio, 2008). En fait, l’apprentissage actif, qui offre la possibilité aux enseignants de s’engager dans l’analyse de
leur enseignement et de l’apprentissage de leurs élèves, est l’une des six clés mentionnées par Desimone et al. (2002) pour un développement professionnel riche.
Conclusion
Il ressort des données une appréciation très positive des participants à l’égard
de la CAP, qu’ils jugent comme ayant de nombreuses retombées. La CAP est vue
comme un dispositif qui contribue à leur développement professionnel dans la
mesure où elle les outille pour réfléchir et analyser leur pratique. Elle soutient l’expérimentation et les mises à l’essai que les personnes font dans leur pratique quotidienne. Elle permet finalement d’établir des liens de partage et de confiance avec les
collègues.
Les forces de la CAP se situent justement au niveau des liens affectifs qui se créent
entre les membres, de même que des apprentissages de divers ordres qui se font. Les
participants reconnaissent aussi les rôles et les responsabilités qu’ils se doivent d’assumer en tant que membres d’une CAP.
La dimension qui reçoit l’appui le plus fort est celle de l’engagement. Ce qui est
attendu des participants à la CAP, c’est qu’ils participent, échangent, soutiennent
leurs collègues, qu’ils fassent de l’écoute active, développent des attitudes d’ouverture et de respect envers les autres membres du groupe. L’absence d’engagement est
d’ailleurs soulignée comme étant l’une des faiblesses de la CAP, les autres étant le
manque de ressources et le cadre de travail pas toujours adéquat mis en place dans
une CAP. L’engagement pourrait être ainsi vu comme le contrat implicite qui lie les
membres et auquel chacun doit adhérer; le fonctionnement harmonieux de la CAP
en dépend.
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Annexe
Questionnaire à l’intention des participants à une CAP
Lorraine Savoie-Zajc, Martine Peters et Olivier Duquette, UQO
A.
L’expérience de participer à une communauté d’apprentissage professionnelle
(CAP)
1) Identifiez en quelques mots les objectifs poursuivis par votre CAP :
2) Indiquez votre degré d’accord avec l’affirmation suivante :
Tout à fait
d’accord
Plutôt
d’accord
Plutôt en
désaccord
Tout à fait en
désaccord
Le fait de participer à une CAP m’aide à apporter des changements
positifs à ma pratique.
3) Si des changements ont eu lieu, nommez les principaux :
4) À quels niveaux la CAP a-t-elle des effets significatifs?
Tout à fait
significatif
Plutôt
significatif
Plus ou moins
significatif
Pas du tout
significatif
a) Au niveau de mon développement professionnel.
b Au niveau de l’école.
c) Au niveau des collègues.
d) Au niveau des élèves.
5) Nommez trois forces de la CAP à partir de votre expérience :
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6) Nommez trois faiblesses de la CAP à partir de votre expérience :
7) Indiquez votre degré d’accord avec les affirmations suivantes :
La communauté d’apprentissage professionnelle…
Tout à fait
d’accord
Plutôt
d’accord
Plutôt en
désaccord
Tout à fait en
désaccord
a) … me donne des outils pour diagnostiquer une situation
problème.
b) … me soutient dans l’expérimentation d’une nouvelle pratique.
c) … me donne un cadre pour réfléchir à mes mises à l’essai.
d) … m’encourage dans l’ajustement de mes stratégies
d’enseignement.
e) Autre (spécifier) :
8) Indiquez votre degré d’accord avec les affirmations suivantes :
Au sein de ma CAP, accompagné-e par un conseiller pédagogique…
Tout à fait
d’accord
Plutôt
d’accord
Plutôt en
désaccord
Tout à fait en
désaccord
a) ... je participe à la définition des objectifs poursuivis.
b) … je garde contact avec la personne accompagnatrice entre les
rencontres de la CAP.
c) … j’accepte de ne pas toujours recevoir des réponses claires et
immédiates à mes questions.
d) … je participe, par mon engagement, au développement
harmonieux de la CAP.
e) … je développe une vision plus large de ma pratique grâce à
l’accompagnement que je reçois.
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B.
L’accompagnement reçu au sein d’une CAP
9) Priorisez les énoncés suivants :
Le 1 représente la position dans laquelle vous vous reconnaissez le plus.
Le 5, la position dans laquelle vous vous reconnaissez le moins.
a)
b)
c)
d)
Je suis autonome dans la démarche.
Je suis de plus en plus autonome dans la démarche.
Je me sens de moins en moins autonome dans la démarche.
Je me sens obligé-e d’adopter le point de vue des autres
membres de la CAP.
e) J’observe des conflits au sein de la CAP.
_________
_________
_________
_________
_________
10) Indiquez votre degré d’accord avec les affirmations suivantes :
L’accompagnement me permet…
Tout à fait
d’accord
Plutôt
d’accord
Plutôt en
désaccord
Tout à fait en
désaccord
a) … de travailler sur des problèmes concrets que j’ai identifiés.
b) … d’échanger avec mes collègues.
c) … de jouer un rôle de personne ressource pour mes collègues.
d) … de voir mes collègues comme des ressources.
e) … de développer, avec mes collègues, une vision commune pour
supporter la réussite des élèves.
11) Quels étaient vos besoins en accompagnement au début de cette CAP ?
12) Ces besoins ont-ils été rencontrés jusqu’à maintenant dans cette CAP ?
(Commentez)
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C.
Renseignements personnels
Je suis un homme ___
Je suis une femme ___
Je possède ______ années d’expérience en enseignement
J’enseigne actuellement :
a ) Au primaire ________
b ) Au secondaire ________
Je participe depuis ___________ (mois) à une CAP
Mon engagement à participer à une CAP est :
c ) Volontaire ________
d ) Imposé ________
Dans le futur, souhaiteriez-vous continuer de faire partie d’une CAP ?
e ) Oui ________
f ) Non ________
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