Certains philosophes ont défendu qu’une analogie existait entre simulations et expériences. Mais, une fois que l’on a reconnu quelques similitudes entre elles, peut-on réellement conclure qu’en vertu de celles-ci les simulations produisent de nouvelles connaissances empiriques comme les expériences? Je soutiens que ces similitudes donnent tout au plus à l’utilisateur d’une simulation l’illusion qu’il a affaire à une expérience, mais ne peuvent fonder sérieusement une analogie entre simulation et expérience. Cependant il ne faudrait pas conclure que l’expérience est épistémologiquement supérieure à la simulation. J’analyse les cas pour lesquels simulation et expérience engendrent également des connaissances nouvelles.
Médium, n°44-45, Juillet-Décembre 2015, pp. 282-297, 2015
Avec le numérique, la modélisation scientifique s’ouvre aux « objets virtuels à construction collective ». Cette innovation décisive pour l’épistémologie des sciences humaines pourrait aussi avoir des effets considérables dans la transmission des savoirs en milieu numérique. On a écrit que la tablette manifeste un triomphe du temps sur l’espace : cet argument critique est fort en lui-même et me semble synthétiser tous les autres. Aujourd’hui, non seulement le temps serait la marque de notre impuissance (Lagneau) mais l’espace de notre activité lui-même – naguère encore marque consolatrice de notre puissance – deviendrait lui aussi marque d’impuissance. Cependant, le numérique ne consiste pas seulement dans la tablette, dans Internet, dans les réseaux ni même seulement dans les technologies de l’information et de la communication (TIC). À l’avenir, le rapport de l’école au numérique ne sera pas uniquement un rapport à Internet ou à la tablette connectée, loin s’en faut.
Résumé En sciences sociales, seules des simulations peuvent nous donner une idée de la manière dont des formes collectives résultent d’interactions complexes. Mais plus elles sont complexes – en particulier en intégrant les effets des représentations des formes collectives par les acteurs – plus les simulations peuvent diverger, d’où une indétermination. Or nous sommes plus sensibles à ce qui est pour nous reconnaissable (formes plus stables, mieux différenciées). Combiner ces deux tendances nous amène à privilégier non pas une correspondance avec une réalité elle aussi complexe, mais la capacité des simulations à permettre entre elles des comparaisons qui puissent nous offrir des moyens de les critiquer les unes par les autres. Nous conservons à l’esprit, en parallèle, les scénarios divergents qui restent les plus différentiables tout en restant attentif à des divergences d’abord négligées.