La Commission de vérité et réconciliation du
Pérou et
la situation humanitaire en Mauritanie
Table ronde Sorties de crise et consolidation de la paix :
Repenser et clarifier les enjeux de la justice transitionnelle
au XXIe siècle
Palais des Nations, Genève, le 10 octobre 2016
Dr Mariella Villasante Cervello
Mariella Villasante Cervello
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LA COMMISSION DE LA VÉRITÉ ET LA RÉCONCILIATION DU PÉROU DANS LE CONTEXTE
LATINOAMÉRICAIN, ET LA SITUATION HUMANITAIRE DE LA MAURITANIE
Dr Mariella Villasante Cervello
Anthropologue (École des hautes études en sciences sociales, Paris)
Chercheuse à l’Institut démocratie et droits humains (IDEHPUCP, Lima)
• Version française, Institut des Hautes Études sur la Justice, Paris : http://ihej.org/programmes/justice-penaleinternationale/la-commission-de-la-verite-et-la-reconciliation-du-perou-dans-le-contexte-latinoamericain-et-la-situationhumanitaire-de-la-mauritanie/
TABLE RONDE « SORTIES DE CRISE ET CONSOLIDATION DE LA PAIX : REPENSER ET CLARIFIER LES
ENJEUX DE LA JUSTICE TRANSITIONNELLE AU XXIE SIÈCLE »
PALAIS DES NATIONS, GENÈVE, LE 10 OCTOBRE 2016
PRINCIPAUX INDICATEURS DU PÉROU
Superficie : 1 285 215 km2 (30% de terres agricoles et d’élevage)
Côte (11% territoire et 54% population), Andes (28% t. et 32% p.), Amazonie (60% t. et 14% p.)
Évolution de la population : 23 millions (1993), 28 millions (2007) et +31 millions en 2015
Population urbaine : 76% — population rurale : 24%
Lima : + 9 millions (31% de la population totale)
Taux natalité (18/1000), Taux de mortalité (5,6/1000)
Niveau de pauvreté : 25% — zone rurale : 45% — zone urbaine : 14%
(Source : Hatun Willakuy 2004)
Zone d’émergence du conflit interne (rouge) : Ayacucho, Apurímac, Huancavelica
Zone d’expansion et couloir vers le nord (bleu) : Junín, Pasco
Zone d’expansion nord, vallée du Huallaga (vert) : Ucayali, Huánuco, San Martín
Zone à atteindre, centre politique du pays (jaune) : Lima
La CVR du Pérou et la situation humanitaire en Mauritanie
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Malgré les avancées importantes des commissions de vérité en Amérique latine, le bilan reste assez
modeste, en premier lieu par l’incapacité des États et des Forces armées à assumer leurs
responsabilités dans les graves violences commises à l’encontre de civils désarmés. En effet, les
Forces armées sont responsables, en partie, de crimes contre l’humanité, et, dans tous les cas, de
violences politiques, mais elles ont refusé d’ouvrir leurs archives aux membres des commissions de
vérité, et ont rejeté les accusations, considérant être la cible des attaques des « groupes de gauche ».
J’aimerais exposer ici les particularités du conflit péruvien (1980-2000), la constitution d’une
commission de vérité (2001-2003), et ses principaux apports, les recommandations à l’État, et enfin le
bilan de son travail, dont les points négatifs restent assez nombreux. Dans un second temps,
j’aborderai très brièvement la situation humanitaire en Mauritanie, où je conduis des recherches depuis
1986. Dans ce pays du nord de l’Afrique, des violences ethniques ont débouché sur une politique
éliminationniste menée par l’État contre les Africains mauritaniens entre 1989-1991.
1- LE CONFLIT AU PÉROU DANS LE CONTEXTE LATINO-AMÉRICAIN
• Le « conflit armé » au Pérou, selon la terminologie officielle, s’est déployé entre mai 1980 et
novembre 2000. En réalité, il s’est agi d’une guerre civile qui a opposé des Péruviens partisans du
Parti communiste du Pérou, Sentier Lumineux (PCP-SL), aux forces de l’ordre et aux milices civiles
armées, d’abord de manière autonome et ultérieurement par l’État. Le cas péruvien reste mal connu
probablement parce qu’on ne sait pas comment le classer, or pour comprendre sa singularité on doit
évoquer les types de violence politique qui ont marqué l’histoire contemporaine du sous-continent.
• En Amérique latine, les violences politiques ont été une réponse à la révolution cubaine de 1959
et se placent dans le cadre de la guerre froide entre l’URSS et les États-Unis. Les Forces armées eurent
à affronter des mouvements d’insurrection guidés par les idées communistes d’égalité sociale qui
acceptaient la violence indiscriminée contre les civils et contre l’État. Des régimes dictatoriaux de
droite et d’extrême droite s’installèrent au Paraguay (1954-1989), au Brésil (1964-1979), en Bolivie
(1971-1982), en Uruguay (1972), au Chili (1973-1990), et en Argentine (1976-1983). En Amérique
centrale trois pays connurent des guerres civiles : Guatemala (1962-1996), El Salvador (1980-1992) et
Nicaragua (1979-1990).
• On peut distinguer schématiquement 4 cas de violence politique : (1) les dictatures de l’Amérique
du sud, (2) les guerres civiles en Amérique centrale, (3) les guerres internes/ou guerres civiles mélés
avec le trafic de cocaïne : Colombie et Pérou (4) et le cas particulier de la révolution sandiniste au
Nicaragua.
• Le cas péruvien est très proche du cas colombien, dans les deux pays les actions de violence
contre l’État et la société se sont fondés sur l’idéologie communiste et sur le commerce de la drogue.
Au Pérou, l’idéologie du PCP-SL a pris comme modèle direct la Révolution culturelle maoïste, et leurs
méthodes sanguinaires et totalitaires. Le PCP-SL est le seul mouvement subversif du continent
américain qui a développé pendant 20 ans une idéologie de mort et a construit des camps
d’internement/ou de rééducation dans les montagnes d’Ayacucho et en Amazonie centrale, chez les
Ashaninka.
• Du point de vue des violences ethniques, le cas péruvien est comparable au cas du Guatemala où
l’on estime que 200 000 Maya ont été tués par les forces armées et par les paramilitaires car on les
considérait comme des « communistes ». Néanmoins, contrairement à certaines interprétations, la
guerre au Pérou ne fut pas une guerre ethnique. Les populations rurales, Quechua et Ashaninka
notamment, se sont divisées en deux camps, et les chefs des groupes insurgés étaient autant des métis
de la côte que du reste du pays. Les soldats étaient le plus souvent d’origine rurale et parlaient
éventuellement le quechua, mais ils ne se considèrent pas comme des « Indiens », terme péjoratif et
raciste ; ils sont hispanophones, donc des personnes « civilisées ». C’est en effet la langue et
l’éducation qui sont devenus des facteurs de distinction sociale et non pas la « race » ou la « couleur
de la peau » comme le pensent certains analystes.
• Les violences des Forces armées péruviennes ont été en tous points comparables à celles des
militaires argentins, chiliens, guatémaltèques et salvadoriens, et des autres militaires du Cono sur.
Mariella Villasante Cervello
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• L’installation des commissions de vérité dans plusieurs pays latino-américains représente une
avancée notable dans la construction d’États de droit, mais le bilan général reste assez modeste et très
décevant. Il en va de même en Afrique du Sud, où malgré l’importance du travail de la commission de
la vérité installée après la libération de Nelson Mandela en 1990, elle n’a pas reçu le soutien politique
attendu ; aucune des recommandations a été acceptée et le processus de réparation aux victimes n’est
pas encore terminé. L’application de la justice pénale reste difficile à cause de l’amnistie accordée aux
perpétrateurs quand ils confessent leurs crimes racistes.
• L’Argentine fut le premier pays de la région à créer une commission de vérité en 1982, après la
défaite de la guerre des Malouines. En 1983, le président Alfonsín abrogea la Loi d’amnistie des
militaires et installa une Commission nationale sur la disparition de personnes, dont le mandat était
d’éclaircir les violations des droits humains des militaires entre mars 1976 et octobre 1983. Les Forces
armées reçurent l’ordre de collaborer, mais au contraire elles détruisirent de nombreux documents. Le
rapport final de la commission, Nunca más [Plus jamais ça] rapporta la mort de 8 960 victimes, mais
les associations de défense des droits humains rapportent plus de 30 000 morts et disparus, et 2 300
assassinats politiques. Cependant, les lois d’amnistie furent abrogées seulement sous la présidence de
Nestor Kirchner en août 2003.
• Au Chili, la dictature d’Augusto Pinochet commença le 11 septembre 1983 et se termina le 11
mars 1990. Pinochet conserva son poste de chef des Forces armées jusqu’en 1998, puis il devint
sénateur à vie. En 1996, il assuma publiquement la responsabilité politique de ses actes de répression
extrême et rejetta la demande de pardon « à qui que ce soit ». Il fut accusé de génocide en 1998 et
affronta des procès au Chili (2000, 2004 et 2005), mais il mourut le 10 décembre 2006 sans avoir été
jugé. Le Rapport Rettig de 1991, qui rendit compte des faits de violence entre 1970 et 1973, a identifié
2 979 victimes tuées ou disparues par les agents de l’État, et 164 personnes tuées par les opposants au
régime. Les militaires niaient leurs responsabilités jusqu’aux années 1999-2001, lorsqu’une autre
instance, la Mesa de diálogo, reconnu la responsabilité des Forces armées. Enfin, en 2004, le rapport
Valech rendit compte de 35 000 cas de torture, de 3 000 cas d’assassinats et disparitions et de plus de
800 centres de torture où agissaient plus de 3 600 perpétrateurs durant la dictature de Pinochet.
• Au Salvador, le guerre civile commença en 1980 et se termina en 1991 ; les insurgés
appartenaient aux guérillas communistes et recevaient le soutien de Cuba et du Nicaragua ; alors que
l’État recevait des armes des États-Unis et d’Israël. L’ONU est intervenue dans les négociations de
paix des années 1990-1992. La commission de vérité fut installée pendant 8 mois et elle rendit son
rapport, De la locura a la Esperanza [De la folie à l’espoir] en mars 1993. Selon ce rapport, il y eut
75 000 morts, majoritairement des civils, et près d’un demi million de déplacés. Parmi les
recommandations, la commission note la restructuration complète des forces armées, de l’État et des
réparations aux victimes. Or, cinq jours après l’assemblée législative a approuvé une loi d’amnistie
générale qui ignorait les accords de paix ; ce qui a introduit une grave polarisation politique. En 2010,
le président Funes a reconnu la responsabilité de l’État dans la guerre civile et a promis suivre les
recommandations de la commission de vérité. Mais ces promesses ne se sont pas concrétisées et la
violence criminelle, due à l’expulsion des gangs « maras » de Californie, est très présente dans le
pays.
• Au Guatemala, la guerre civile fut similaire à celle de El Salvador, bien qu’elle fut plus longue,
de 1960 à 1996. Les guérillas commencèrent leurs actions contre l’État en 1960 ; en 1982 les groupes
de guérilla s’unifièrent et peu après Efraín Ríos Montt fit un coup d’État déclarant une « guerre
d’extermination des communistes », qu’il accusait de recruter les Maya, qui furent décimés. En 1998,
l’évêque Juan José Gerardi publia le rapport « Guatemala nunca más » [Guatemala plus jamais], et il
fut assassiné deux jours après. Cependant, son rapport servit à la Commission de vérité [Comisión
para el esclarecimiento historico de las violaciones a los derechos humanos y los hechos de violencia
que han causado sufrimientos a la poblacion guatemalteca]. Selon ce rapport, il y eut 200 000 morts
dont 93% furent tués par les forces de l’ordre, 3% par les insurgés et 4% par les groupes
paramilitaires. L’État n’a jamais reconnu sa responsabilité et il a désigné le rapport comme une
enquête non officielle.
La CVR du Pérou et la situation humanitaire en Mauritanie
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• Au Brésil, des régimes de dictature militaire ont gouverné le pays entre 1964 et 1985. Une
commission nationale de la vérité a été créée en 2011 et a commencé ses travaux en 2012, avec le
mandat d’éclaircir les faits de violence depuis 1946 mais surtout entre 1964 et 1988. En décembre
2014, le rapport final considère qu’il y eut 434 morts ou disparus, 210 disparus et 377 perpétrateurs
militaires. Cependant les forces armées ont critiqué le rapport et ont déclaré que ses conclusions sont
contaminées par l’idéologie de gauche étant donné que les principales victimes étaient des
communistes et de gauchistes. Aucune recommandation de cette commission n’a été concrétisée.
Les commissions de la vérité dans quelques pays latino-américains
Pays/Période de conflit
Travail des CV
Rapports
Victimes
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Argentina/ 1976-1983
Dèc 1983/Sep 1984
Nunca más
8 960
Chile/1970/1973
Avril 1990/Fev 1991
2001, Mesa diálogo
2004 Informe Valech
Informe Rettig
(Reconocimiento)
(Torturas)
2 979
El Salvador/1980-91
Juillet 92/Mars 1993
75 000
Guatemala/1960-96
Juillet 1997/Fev 1999
Perú/ 1980-2000
Dèc 2000/Août 2003
De la locura a la
Esperanza
Comisión para
El esclarecimiento
Hatun Willakuy
Brésil/1946-1988
2012-2014
200 000
70 000
Comissao nacional
434
da verdade
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------(Villasante 2014)
Notons enfin qu’en Colombie, le processus de paix a avancé, mais c’est par une courte majorité
(50,22%) que le referendum d’octobre 2016 a n’a pas ratifié l’Accord de paix entre le président Santos
et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). L’abstention de 60% de la population
montre le manque de confiance dans le processus de pacification. Le rejet est probablement dû à
l’opposition soulevée par l’entrée des anciens membres des FARC dans le Parlement et la réduction des
peines aux perpétrateurs, en cas de ratification. La situation reste incertaine.
La guerre civile péruvienne : 1980-2000
Au Pérou, la guerre civile a commencé dans les régions les plus pauvres et isolées du pays, au cœur
des Andes du centre et du sud (Ayacucho, Huancavelica, Apurímac), et elle s’est élargie vers
l’Amazonie du nord (Huallaga) et l’Amazonie centrale (Junín, Pasco). La capitale, Lima, a subi des
attentats à la bombe de manière constante, en particulier au cours des années 1990.
Photo 1 : Massacre d’Uchuraccay, 1983 (8 journalistes tués par les paysans Quechua qui croyaient qu’ils appartenaient au
PCP-SL) (©Archives La República, Villasante 2016)
Mariella Villasante Cervello
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En 1980, le Pérou venait de commencer une période de gouvernement civil après 12 ans de
dictature militaire (1968-1979). Le nouveau gouvernement du président Fernando Belaunde assuma le
pouvoir sans juger indispensable la mise en place d’un gouvernement de transition qui fasse toute la
lumière sur la sombre période militaire. Il ne remit pas en question les nombreux privilèges instaurés
par les deux gouvernements des généraux Velasco (1968-1975) et Bermudez (1975-1979) ; ni leurs
responsabilités dans les cas de violences à l’encontre des civils accusés de « dissidence ». Certes, la
dictature péruvienne ne peut pas se comparer à celles, bien plus sanguinaires, du Chili et de
l’Argentine. Mais de nombreuses violations des droits humains et des droits civiques avaient été
commises, notamment au cours des années 1977-1979, marquées par un grand mouvement social à
l’encontre de la dictature.
A partir de mai 1980, le gouvernement civil de Belaunde fut incapable d’affronter l’apparition d’un
groupe subversif, le Parti communiste du Pérou-Sentier Lumineux (PCP-SL) qui voulait instaurer une
« république populaire » suivant le modèle maoïste. Après deux ans de guerre dans les Andes
d’Ayacucho, et 4 000 morts, le gouvernement fit appel aux forces armées pour diriger la lutte antisubersive. A partir de décembre 1982, et jusqu’à novembre 2000, les Forces armées et les Forces de
police contrôlèrent la zone déclarée en état d’urgence, qui englobait les trois-quarts du territoire
national. Dans ces zones la majorité des autorités civiles trouvèrent la mort ou abandonnèrent leurs
postes.
Le second gouvernement d’Alan García (1985-1990) fut désastreux pour l’économie du pays, qui
entra en récession. A cette époque 57% de la population vivait dans la pauvreté.
Carte de la violence selon le nombre de victimes par département
Source : Consejo de reparaciones a las víctimas del terrorismo
La CVR du Pérou et la situation humanitaire en Mauritanie
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La guerre connut deux pics : entre 1983-1984 (+4 000 morts), et entre 1989-1990 (3 000 morts).
Les militaires menèrent une politique de terre brûlée considérant tous les paysans comme des
« terroristes ». Les bandes armées du Sentier Lumineux recrutaient des paysans, mais aussi des enfants
et des adolescents de force, faisant des procès populaires qui se soldaient par des exécutions
sommaires, et créaient des camps d’internement (ou de concentration) dans les Andes et en Amazonie
centrale. Le PCP-SL fut l’organisation communiste la plus sanguinaire de l’Amérique latine.
Photo 2 : Senderistes au Huallaga (Amazonie nord, zone de trafic de cocaïne) 1995 (©Caretas, Villasante 2016)
L’armée changea sa politique après 1989, sans abandonner ses méthodes de destruction des
terroristes réels ou innocents : tortures, exécutions, massacres. Les milices civiles commencèrent à
s’organiser à partir de 1983, et reçurent un soutien officiel en 1985, puis en 1991 (armes, munitions,
formation militaire). Une partie des subversifs passa dans les rangs des milices pro-étatiques,
bénéficiant de la Loi de repentance de 1992 (dérogée en novembre 1994). Les miliciens ont eu un rôle
central dans l’anéantissement du PCP-SL, mais ils ont été aussi responsables de graves violences contre
des civils désarmés. Leurs actions montrent l’ambivalence de tous les civils qui prennent les armes
dans des guerres civiles. En 2003, on estimait leur nombre à 500 000 hommes armés et organisés au
sein d’environ 8 000 milices [rondas campesinas y nativas]. Ils n’ont pas été désarmés et dans la
région de l’Amazonie centrale où se sont installés des narco-terroristes (vallée des fleuves Apurímac,
Ene et Mantaro, VRAEM), ils reçoivent des munitions de l’armée.
En 1990, le régime du président Alberto Fujimori imposa un gouvernement autoritaire et, en accord
avec les forces armées, il fit un coup d’État en avril 1992. Le Parlement fut dissout, la liberté de la
presse mise sous tutelle, et la corruption liée au trafic de cocaïne envahit toutes les sphères de l’État et
des forces de l’ordre.
En septembre 1992, le chef du Sentier Lumineux, Abimael Guzmán, fut capturé avec son comité
central ; peu après les chefs de l’autre mouvement subversif, le Mouvement révolutionnaire Túpac
Amaru (MRTA), furent aussi capturés. La menace terroriste diminua, mais le gouvernement continua à
mener sa politique de violence et de corruption pour justifier son emprise sur la société et sur le
territoire, politique renforcée par son contrôle sur les médias. En juin 1995, le régime décréta deux
Lois d’amnistie qui libéraient les personnes condamnées pour crimes contre l’humanité et interdisait
toute investigation judiciaire.
Le gouvernement de Fujimori tomba en novembre 2000. Pour échapper à la justice alors que le
pays prenait connaissance de l’ampleur de la corruption de son gouvernement, Fujimori envoya sa
démission du Japon, où il avait trouvé asile politique. Il a été extradé du Chili en juin 2006 ; puis jugé
Mariella Villasante Cervello
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entre 2007-2009 et condamné à 25 ans de prison pour l’assassinat de 25 personnes. Cependant,
Fujimori n’a pas été jugé pour la stérilisation massive de 300 000 femmes rurales qu’il a commandité
entre 1997 et 1998. Le dossier a été fermé en 2014, mais les victimes ont déposé plainte auprès de la
Commission inter-américaine des droits humains (CIDH) qui a cité l’État péruvien en décembre 2016.
Photo 3 : Abimael Guzmán présenté à la presse après sa capture, septembre 1992 (©Balaguer, Villasante 2016)
2—CRÉATION DE LA COMMISSION DE LA VÉRITÉ ET LA RÉCONCILIATION
• Après la chute du dictateur, un gouvernement de transition fut nommé par le nouveau Parlement
[une seule chambre de 130 congressistes]. Il était dirigé par Valentín Paniagua, président du
Parlement. Le 9 décembre 2000, le gouvernement créa un Groupe de travail inter-institutionnel
(décret 304-2000-JUS) pour organiser une Commission de la vérité censée éclaircir les faits de
violence, déterminer les responsabilités des graves violations des droits humains, et la nature de la
« guerre interne » selon la terminologie adoptée — le terme « guerre civile » ne fut pas considéré
pertinent.
• Il était composé de représentants des ministères de Justice, de l’Intérieur, de la Défense, de la
Promotion de la femme et du développement humain, de la Defensoría del Pueblo, de la Conférence
épiscopale péruvienne, du Conseil national évangélique et de la Coordinatrice nationale des droits
humains (CNDH). Cette instance travailla pendant 3 mois, en réalisant des enquêtes auprès de centaines
d’organisations de la société et de l’État, et auprès d’analystes nationaux et étrangers. Le centre des
débats concernait le cadre du mandat.
• Dans un second temps, le gouvernement de Toledo (élu en juin 2001) promulgua un autre décret
(n°101-2001-PCM) qui précise que l’un des objectifs de la commission est de poser les bases de la
réconciliation nationale, sur la base de la vérité et de la justice ; elle devint ainsi une Commission de la
vérité et de la réconciliation (désormais CVR). Notons que les notions de vérité et de justice rendent
difficile l’application inmédiate d’une « réconciliation » entre ennemis.
• Les travaux de la CVR ont été financés par l’État et par des organisations internationales (PNUD,
USAID), et des ambassades (Alemagne, Suède, Belgique, Pays-bas, Canada).
• La CVR du Pérou a tenu compte des processus de justice de transition au niveau international et
au niveau latino-américain. Le modèle initial reste celui inauguré après la Seconde Guerre mondiale
(Procès de Nuremberg) et de la Commision de vérité et réconciliation de l’Afrique du Sud (Truth and
La CVR du Pérou et la situation humanitaire en Mauritanie
9
reconciliation, 1995). Au Pérou, on tint compte en particulier des Commisions de vérité du Chili, du
Salvador et du Guatemala.
Le mandat : Un Décret suprême établi ensuite le cadre du mandat de la future Commission de la
vérité, couvrant la période allant de mai 1980 à novembre 2000. Selon ce mandat, elle devait enquêter
sur les faits commis par les « organisations terroristes », les « agents de l’État » et les « groupes
paramilitaires » (milices civiles et commandos de la mort étatiques). Il s’agissait : (a) d’analyser les
conditions qui ont contribué à la violence, (b) d’éclaircir à travers les instances de justice les crimes et
les violations des droits humains et identifier les victimes et les responsables, (c) d’élaborer des
propositions de réparation aux victimes et à leurs proches, (d) de recommander des réformes
institutionnelles, légales, éducatives et autres comme garanties de prévention, et (e) d’établir des
mécanismes de suivi des recommandations. En un mot, il fallait expliquer les causes du conflit,
examiner les séquelles à travers des réparations aux victimes et des réformes institutionnelles.
Photo 4 : Massacre de Tsiriari par le PCP-SL, août 1993 (72 morts) (©Balaguer, Yuyanapaq, Villasante 2016)
Les crimes retenus concernaient : assassinats et séquestrations, disparitions forcés, tortures,
violations des droits collectifs des communautés andines et natives, autres crimes contre les droits des
personnes. Étant donné que les faits de guerre étaient inédits dans l’histoire du pays, le ministère de
Justice proposa que les crimes constituaient « des graves violations aux droits humains et au droit
international humanitaire » (Conventions de Genève de 1949, Protocoles de 1977 ; Statut de Rome de
la CPI de 1998). Pour la première fois, on incluait le droit international au Pérou, dont le Statut de la
Cour Pénal International, en vigueur depuis juillet 2002 ; et également les dispositions de la
Convention américaine sur les droits humains et la Cour inter-américaine des droits humains. En 2001,
la CIDH a établi que les lois d’amnistie sont incompatibles avec la Convention américaine et n’ont
aucun effet juridique. La CVR établi aussi que les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles.
En outre, la CVR rejetta la qualité de « belligérant » aux groupes subversifs, et la qualité de
« combattants » aux membres de ces groupes, car cela pouvait affaiblir la position souveraine de l’État
péruvien. Ainsi, on ne reconnut pas la dénomination de « prisonniers politiques » mais simplement de
« terroristes ».
Les membres de la CVR : Le Conseil des ministres désigna 13 personnes (dont 12 membres et 1
observateur) pour organiser les travaux de la Commission de la vérité et de la réconciliation. Il
s’agissait de personnalités reconnues pour leur intégrité personnelle et leurs qualités professionnelles.
• Dr Salomón Lerner Febres, président de la CVR. Docteur en philosophie, recteur émerite de la Pontificia Universidad
Católica del Perú (PUCP).
• Dr Beatriz Alva Hart, Avocate et ancienne députée
• Dr Rolando Ames Cobián, sociologue, professeur à la PUCP, ancien sénateur
• Monseigneur José Antúnez de Mayolo, prêtre, ancien administrateur Apostólico de la Arquidiócesis de Ayacucho.
• Lt-Général Luis Arias Grazziani, expert en sécurité nationale
• Dr Enrique Bernales Ballesteros, docteur en droit, directeur de l’ONG, Commission andine des juristes, ancien député
• Dr Carlos Iván Degregori Caso, anthropologue, professeur à l’Universidad Nacional Mayor de San Marcos
• Gastón Garatea Yori, ancien prêtre, président de la Table de lutte contre la pauvreté
Mariella Villasante Cervello
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• Pastor Humberto Lay Sun, architecte, membre fondateur du Conseil national évangélique
• Mme Sofía Macher Batanero, sociologue, ancienne secrétaire de l’ONG Coordinadora Nacional de Derechos Humanos
• Alberto Morote Sánchez, ingénieur, ancien Recteur de la Universidad San Cristóbal de Huamanga.
• Carlos Tapia García, ingénieur, analyste politique, ancien député
Monseigneur Luis Bambarén Gastelumendi, êveque de Chimbote y ancien président de la Conferencia Episcopal Peruana.
Les principaux apports du Rapport final de la CVR
Après 26 mois de travail, la CVR rendit son Rapport final le 28 août 2003 au président Toledo (9
volumes et 12 annexes). Voici les points les plus importants :
• La récolte des données et la constitution d’une base de données a été inspirée par la Commision
de vérité et réconciliation de l’Afrique du Sud (Truth and réconciliation, 1995-2002), et par celle du
Guatemala (Nunca más, 1999). Environ 9 500 assistants ont enquêté sur le terrain, notamment pour la
récolte de témoignages dans les zones rurales. On a recueilli 17 000 témoignages au niveau national,
sous le mode privé et sous le mode des Audiences publiques (27). En outre, 870 perpétrateurs et
quelques dizaines de militaires ont donné leurs témoignages dans les prisons. Toutes les données
(audio, films, documents) ont été déposées au Centre d’information pour la mémoire collective de la
Defensoría del Pueblo (créée en 1993), et se trouvent en accès libre.
• La CVR a employé une méthode statistique utilisée au Kosovo et au Guatemala (Multiple Systems
Estimation) qui a permis d’évaluer un nombre total de morts à 69 280 personnes. Elle a estimé
également le nombre de disparus à 15 000 personnes, le nombre de sites d’enterrement à plus de
4 000, et le nombre de personnes déplacées à un million. En 1993, il y avait 23 millions de Péruviens,
en 2015 la population était estimée à +31 millions, habitant dans un territoire qui est le double de la
France ; notamment sur la côte (54%). L’Amazonie représente 60% du territoire et les Andes 28%,
mais ils ne sont habités que par 32% et 14% de la population respectivement.
• Le Parti Communiste du Pérou, Sentier Lumineux, fut responsable de 54% des morts ; les forces
armées de 30%, les milices civiles et les groupes paramilitaires de 15%, et enfin le Mouvement
révolutionnaire Túpac Amaru (MRTA) de 1% des morts.
• Pour ce qui est des victimes : 75% étaient d’origine andine et amazonienne [la moyenne nationale
des langues indigènes est de 17%], 55% étaient occupées dans l’agriculture, et plus de 66% étaient des
hommes ayant entre 20 et 49 ans (alors que ce groupe représente 38% de la population totale).
• Les facteurs de structure qui expliquent le conflit armé sont : les fractures sociales anciennes, la
pauvreté, l’inégalité, l’exclusion hiérarchique des ressortissants de la montagne (Quechua) et de
l’Amazonie (Natifs Ashaninka notamment) ; et la grande faiblesse de l’État, absent d’une grande
partie du territoire. Parmi les facteurs de conjonture, la CVR souligne : la difficile transition vers le
système démocratique sans aucun cadre institutionnel ; la grave crise économique ; et l’inexistence de
partis politiques qui commençaient à se reconstruire après 12 ans de dictature militaire.
Photo 5 : Famille déplacée d’Ayacucho (©Jimenez, Villasante 2016)
La CVR du Pérou et la situation humanitaire en Mauritanie
11
• La pauvreté a joué un rôle clé dans le développement de la violence politique, dans les années
1980, 60% de la population vivait dans la pauvreté et 30% dans l’extrême pauvreté, le Pérou est l’un
des pays les plus inégaux de l’Amérique latine (20% des pauvres concentrent 3% des richesses, contre
10% des riches qui contrôlent 45% de ces richesses). La pauvreté a diminué mais reste très importante,
en 2015, 21% restent pauvres et 4% extrêmement pauvres ; dans les zones rurales les pauvres
représentent 45% de la population.
Les recommandations de la CVR
Elles ont été conçues comme le moyen central pour atteindre la réconciliation nationale. Il fallait
« reconstruire le pacte social et politique qui unifiait les Péruviens », aboutir à la résolution définitive
du conflit, développer le débat au sein de la société sur les idées de réconciliation, et adopter une
profonde réforme institutionnelle. Pour mener à bien ces projets, la CVR proposa un plan de
réparation des dommages causés aux victimes, et l’application de sanctions pénales contre les
responsables de crimes et des violations des droits humains.
Photo 6 : Le président de la CVR, Dr Salomón Lerner, donne le Rapport final au président Toledo, le 28 août 2003
(©Archives de La República, Villasante 2016)
• Les réformes institutionnelles devaient renforcer l’État dans le territoire national et la vie
démocratique.
• Le système d’administration de justice devaient être reformé et renforcé, notamment en ce qui
concerne l’autonomie du système judiciaire et la réforme des prisons.
• Le système éducatif devait être reformé entièrement pour promouvoir les valeurs démocratiques
dans le respect des différences ethniques et culturelles.
• Le Plan intégral des réparations devait avoir des volets financiers et symboliques.
• La CVR recommandait également un Plan national d’investigation en anthropologie médicolégale. En 2003, la CVR avait enregistré 4 644 fosses communes, et actuellement on a identifié 6 400
sites.
• Pour mener à bien ces recommandations, la CVR a proposé au pouvoir exécutif de créer un autre
Groupe de travail inter-institutionnel formé des membres des ministères, de la Defensoría del Pueblo,
et des représentants des églises et de la société civile. Il devait être chargé également de diffuser le
Rapport final.
Mariella Villasante Cervello
12
3- LE BILAN DE LA CVR DU PÉROU
13 ans après la publication du rapport final, le bilan reste assez décevant. La société et l’État
péruviens n’ont pas adopté le Rapport final de la CVR comme ce qu’il est, un bilan explicatif du
conflit armé qui apporte des recommandations pour mieux asseoir l’État et la nation sur des bases de
démocratie et de respect des droits humains et des droits citoyens. Abordons les progrès réalisés :
• Un Conseil des réparations a été créé en 2006 (Plan integral de reparaciones, Loi 28592), au sein
du Ministère de justice, son travail central était l’élaboration d’un Registre unique des victimes pour
procéder aux réparations individuelles et collectives. Dans le Livre 1 sont inscrites les personnes à titre
individuel (février 2008), et dans le Livre 2 les Bénéficiaires collectifs (communautés et localités,
septembre 2008). En août 2008, il y avait 10 624 personnes inscrites dans le Livre 1 et 3 564
communautés inscrites dans le Livre 2.
Dans ce registre sont inclus les civils, les militaires et les miliciens. Dans ce processus, des milliers
de personnes qui n’avaient pas de documents d’identité ont reçu leurs cartes nationales, elles ne sont
plus invisibles pour le registre civil.
Les membres de ce conseil sont des personnalités de l’église, des Forces armées, de la société
civile, dont une dirigeante nationale appartenant au peuple Ashaninka (Luzmila Chiricente). Le
processus a été clôturé en 2013, mais il a été réouvert en février 2016 pour les réparations en terme
d’éducation aux enfants des victimes, jusqu’en décembre 2017. Le nouvelle ministre de Justice et
droits humains, Marisol Perez Tello, a annoncé en septembre 2016 la réouverture du Registre unique
des victimes de la violence, ce qui représente une avancée importante.
• Les Forces armées ont été subordonnées aux ministères de la Défense et de l’Intérieur, les
principes des droits humains ont été ajoutés au cursus des institutions armées et la législation antisubversive du dictateur Fujimori a été modifiée.
• Des avancées importantes ont été enregistrées dans le domaine de la justice pénale avec des
procès historiques contre le chef du Sentier Lumineux, Abimael Guzmán, condamné à perpetuité,
contre le dictateur Fujimori et contre le général Hermoza Ríos, condamnés à des lourdes peines de
prison. Des dizaines de militaires, des terroristes, et des membres civils du régime de Fujimori purgent
également des peines de prison. Les procès continuent contre les criminels militaires, responsables des
massacres.
• Un institut universitaire (IDEHPUCP) a été créé en 2004 sous la présidence du Dr Salomón Lerner,
ancien président de la CVR du Pérou. Il développe des activités de formation en droits humains, en
anthropologie médico-légale, en formation de leaders jeunes et indigènes, et en justice de transition.
Les affaires en justice sont aussi suivies [http://idehpucp.pucp.edu.pe/seguimiento/presentacion/].
• Le premier Lieu de mémoire a été inauguré en juin 2014 dans la ville de Huancayo, l’un des
centres du conflit interne. L’œuvre de cinq étages, avec une muséographie impeccable, a été construite
grâce à l’enthousiasme du président de la région de Junín, Dr Vladimir Cerrón, dont le père avait été
assassiné par des paramilitaires pendant la guerre interne. En janvier 2015, les nouvelles autorités ont
tenté de s’approprier de l’immeuble pour y installer la mairie du quartier ; ce qui a produit un grand
mouvement de défense du Lieu de mémoire de part de la société civile régionale. En juin 2015, une
délégation de l’Union européenne a visité le « Yalpana Wasi » [Maison de la mémoire], ce qui a joué
un rôle important dans l’abandon des prétentions politiques locales1.
• Un autre Lieu de mémoire a été inauguré à Lima en décembre 2014 sous l’intitulé « Lugar de la
memoria, la tolerancia y la inclusion social ». On y trouve des expositions permanentes et temporaires
centrées sur les histoires régionales du conflit armé et un Centre de documentation digitale. Mais le
contenu initial de ce lieu de mémoire a été abandonné, ce qui est assez navrant. En effet, l’ambassade
d’Allemagne avait proposé son soutien financier à l’ancien président Alan García pour constuire un tel
lieu, ce qu’il refusa de manière arbitraire. Finalement, après des lettres de protestation d’intellectuels
1 Voir Villasante, http://idehpucp.pucp.edu.pe/comunicaciones/notas-informativas/se-inaugura-el-lugar-de-la-memoria-enjunin/ Voir aussi http://idehpucp.pucp.edu.pe/comunicaciones/opinion/en-defensa-del-lugar-de-la-memoria-de-la-regionjunin/
La CVR du Pérou et la situation humanitaire en Mauritanie
13
et d’associations de défense des droits humains, García accepta l’offre généreuse. Cependant, le projet
initial d’installer les photos de la violence réunis dans l’Exposition Yuyanapaq (Pour se souvenir),
installés au Musée de la nation, fut abandonné ; et le rapport final de la CVR, qui devait être le
fondement du lieu de mémoire, fut également écarté. Il s’agissait, comme l’a noté le Dr Lerner
(20152), d’offrir un récit non pas fondé sur la vérité, mais sur les différentes versions des acteurs, y
compris celles des opposants (i.e. les militaires). Il fallait ne pas « heurter » les sensibilités des élites
apathiques et des négationnistes.
• Le nouveau gouvernement du président Pedro Pablo Kuczynski (juillet 2016) vient d’adopter une
Loi de recherche des disparus (juillet 2016), et en août 2016, la ministre de Justice, Marisol
PerezTello, a demandé pardon aux victimes de la guerre au nom de l’État, une première ; elle a
annoncé la mise en place du Registre des personnes disparues approuvé par l’ancien gouvernement.
Les points négatifs restent très nombreux et ils sont associés au manque de volonté politique pour
accorder de l’importance requise aux recommandations de la CVR. Certes, comme l’a noté le Dr
Lerner3, la paix est revenue, il existe une relative stabilité institutionnelle, et la croissance économique
(due aux exportations de matières premières) a été importante pendant une dizaine d’années (la chute
des prix des matières premières a eu des effets néfastes). La pauvreté a diminué, mais elle reste
importante en milieu rural (+45% de pauvreté). De plus, les réformes de fond n’ont pas été réalisées,
le domaine éducatif est désastreux et l’indifférence face au passé récent de violence reste très
importante.
• L’État péruvien, représenté par trois gouvernements après 2000 (Toledo, Garcia, Humala) n’a pas
adopté les recommandations de la CVR, sinon de manière réduite, et des tensions très fortes restent
présentes au sein des secteurs conservateurs et militaires qui affirment que le Rapport final « défend
les terroristes » et attaque les « défenseurs de la patrie ». Cette situation lamentable après la grande
avancée de la tenue d’une CVR exemplaire dans la région est à la base de l’émergence d’un parti qui
défend le « bilan » du régime du dictateur Alberto Fujimori, dirigé par sa fille Keiko, et de la
reproduction d’un néo-senderisme qui revendique les idéologies de mort d’Abimael Guzmán.
— Les militaires refusent leur responsabilité dans la « guerre sale » et n’ont pas permis jusqu’à présent les
investigations dans leurs archives.
— Les partisans de Fujimori, favorisent les appels à l’oubli et au silence pour défendre, d’après eux, « la
réconciliation nationale ». Malgré la chute du dictateur Fujimori et son emprisonnement, un grand nombre de
Péruviens, surtout pauvres et mal éduqués, ont été convaincus qu’il a « sauvé le pays du terrorisme ». Les
fujimoristes représentent la première force politique ; en 2006, ils ont obtenu 48% des voix ; et juin 2016, ils ont
failli gagner les dernières élections présidentielles ; enfin, ils dominent le Parlement avec 73 congressistes sur un
total de 130.
— Les néo-senderistes, qui se sont réconstitués en deux fronts, dont l’un armé, dans une région de
l’Amazonie centrale où la guerre continue et reste soumise à l’état d’urgence (VRAEM) ; et l’autre civil, dans les
villes (Mouvement pour l’amnistie et les droits fondamentaux, MOVADEF), revendiquent, eux aussi, l’oubli et le
silence et demandent même l’amnistie pour Guzmán, présenté comme un chef révolutionnaire qui a tenté
d’instaurer un pouvoir juste et égalitaire. Plus récemment, le MOVADEF a changé d’appellation (Front pour
l’unité et la défense du peuple péruvien, FUDEPP), et a vu sa tentative de s’inscrire comme un parti rejeté.
Les négationnistes de tout bord, militaires, fujimoristes et senderistes, qui voudraient obtenir l’impunité
totale, se retrouvent donc du même côté de l’échiquier politique, contre la CVR.
• Le contenu du Rapport final, y compris dans sa forme résumée, reste très peu connu au Pérou. La
majorité de la population préfère ne plus se souvenir du passé récent de violence ; l’oubli et
l’indifférence sont choisis comme voies de déni d’une réalité trop encombrante, trop lourde à
affronter. Le fait que la majorité des victimes soit issue du monde rural et pauvre a conduit à un
éloignement de fait des élites et des classes moyennes citadines, qui méprisent les paysans
« ignorants ». Le racisme reste très important au Pérou où prévaut une hiérachie de métis.
2 Voir http://larepublica.pe/impresa/opinion/15895-lugares-de-memoria. Voir aussi
http://idehpucp.pucp.edu.pe/comunicaciones/seguimiento-prensa/salomon-lerner-febres-se-pronuncio-sobre-situacion-dellugar-de-la-memoria/
3 Voir Lerner, Una oportunidad en riesgo, Revista Harvard Review of Latin America,
http://revista.drclas.harvard.edu/book/paz-y-reconciliación-en-perú
Mariella Villasante Cervello
14
• La presse nationale était et reste contrôlée par l’élite économique de droite ultra libérale, et ne
diffuse pas les acquis de la CVR ; seuls quelques journaux et revues progressistes rendent compte des
questions humanitaires.
Les réponses aux commissions de vérité en Amérique latine
• Les sociétés civiles ont répondu différemment, selon le degré de participation et d’identification
avec les victimes des conflits, aux attaques subversives et aux répressions étatiques. Par exemple, en
Argentine et au Chili, les sociétés ont réagi en totale solidarité avec les victimes de la répression des
forces armées, ce qui se comprend bien dans la mesure où les classes moyennes et pauvres avaient été
la cible des violences étatiques. En revanche, dans les pays où la majorité des victimes étaient des
groupes exclus, notamment des peuples originaires, comme au Guatemala et au Pérou, la solidarité de
la société civile hispanophone, éduquée et non concernée directement par la violence, a été très
restreinte.
Photo 7 : Massacre de 62 paysans à Accomarca par les militaires, le 14 août 1985
(©Archives de La República, Villasante 2016)
• Les associations de victimes des conflits armés développent leurs activités de justice et de
reconnaissance de leurs droits avec le soutien constant des organisations de défense des droits
humains, nationaux et internationaux. En Amérique latine les commissions de vérité, la défense des
droits humains et la justice de transition ont un besoin permanent du soutien international pour mener
à bien leurs travaux. Elles doivent se défendre constamment des pratiques négationnistes des États, des
forces armées et des élites politiques et économiques ; ce dans un cadre de grande corruption à tous les
niveaux de la vie sociale, y compris au niveau des États et des parlements.
• Les principaux blocages à l’application des recommandations des Commissions de vérité
proviennent du manque de volonté politique des gouvernements qui préfèrent enterrer les vérités ou
les réalités des violences, craignant de voir des mouvements sociaux remettre en question la précaire
paix sociale. Au Pérou, les gouvernements ultérieurs à la CVR n’ont pas eu le courage politique, ni le
sens de responsabilité publique pour adopter les recommandations de la CVR. Pire encore, le
gouvernement de Toledo (2001-2006) a trahi la confiance de ses électeurs en abandonnant les
recommandations. Ensuite, l’ancien président García a été réélu (2006-2011) et a refusé de suivre les
recommandations qui mettaient en question son mandat antérieur. Un ancien commandant de l’armée,
Ollanta Humala, a été élu en 2011 et pour des raisons évidentes il n’a pas voulu s’impliquer dans les
recommandations de la CVR ; cependant, il a promulgué une loi concernant les personnes disparues.
La CVR du Pérou et la situation humanitaire en Mauritanie
15
Le gouvernement actuel, présidé par Pedro Pablo Kuczynski, de droite, compte quelques ministres
décidés à faire avancer le dossier humanitaire, mais la majorité du Parlement appartient au
fujimorisme (73 sur 130 congressistes), un parti de droite populiste qui nie la valeur politique du
travail de la CVR. Dans ces conditions, il sera très difficile, voire impossible, de faire avancer les
recommandations en matière de restructuration de l’appareil de l’État, de réforme du système éducatif
pour intégrer les acquis du Rapport final dans le cursus scolaire et universitaire, et de réforme de la
justice qui est l’une des plus pauvres et des plus mal organisée de l’Amérique latine.
• Les associations des victimes péruviennes reçoivent l’aide des organisations de défense des
droits humains, mais leurs voix ne sont pas entendues sur le plan national car la société civile s’avère
incapable de se solidariser avec leurs causes. Or, les blocages étatiques et sociaux freinent la mise en
application des recommandations de la CVR, et cette situation s’explique en Amérique latine par le
maintien des mentalités et des structures sociales hiérarchiques, autoritaires et racistes qui méprisent
les pauvres et les indigènes. Ce qui peut nous conduire à considérer que la justice de transition peut se
concrétiser seulement dans des sociétés qui ont adopté les valeurs occidentales d’égalité sociale et de
justice pour tous.
Photo 8 : Association de victimes d’Ayacucho (©Nancy Chapell, Yuyanapaq, Villasante 2016)
Mariella Villasante Cervello
16
6- LE CAS DE LA MAURITANIE
Travaillant en Mauritanie depuis 1986, je voudrais proposer rapidement quelques remarques sur les
grandes difficultés de ce pays pour instaurer une justice de transition après les graves violences
étatiques des années 1989-1991.
• La République Islamique de Mauritanie fut décolonisée en 1960, comme les autres colonies
d’Afrique occidentale française. Les anciens colonisateurs laissèrent un État dirigé par la majorité
arabophone. Les minorités d’origine africaine avaient été les principales collaboratrices dans l’effort
colonial, et elles rejetèrent, dès le départ, leur mise à l’écart du nouvel État. La création de la frontière
au fleuve Sénégal compliqua les relations entre les familles des deux rives, dont la majorité appartient
au groupe ethnique Haalpulaar’en ; les autres minorités sont les Soninké et les Wolof.
• Les Haalpulaar’en commencèrent leurs contestations contre l’arabisation éducative dès 1966. A
partir de 1986, des mouvements politiques remirent en question la légitimité d’un gouvernement
militaire qui excluait de manière constante les minorités des « négro-mauritaniens ». En 1987, il y eut
une tentative de coup d’État organisé par un groupe d’officiers Haalpulaar’en, dont trois furent
exécutés. Des dizaines de militaires furent enfermés dans des prisons dans des conditions inhumaines,
plusieurs trouvèrent la mort. A partir de cette période, le gouvernement du colonel Maaouya ould
Sid’Ahmed Taya, influencé par l’idéologie baasiste et avec le soutien direct de Saddam Husseyn
commença à organiser une politique éliminationniste4 contre les Haalpulaar’en, mais aussi les Soninké
et les Wolof, accusés massivement d’être des traîtres à la nation. Taya agi contre eux de la même
manière que Saddam agissait contre les Kurdes d’Irak, il fallait les éliminer.
• En avril 1989, des rixes dans la région du fleuve Sénégal débouchèrent, par le biais de la
propagande sénégalaise, sur un conflit interne en Mauritanie, et sur un conflit international entre la
Mauritanie et le Sénégal. Les partisans de Wade, opposant au président Diouf, affirmaient que les
« Arabes » étaient en train de tuer leurs « frères Noirs ». Dans un premier temps, des boutiques
mauritaniennes furent pillées dans la région du fleuve, puis les 22-23 avril des centaines de jeunes
laissés pour compte tuèrent au moins une centaine de Mauritaniens à Dakar. Les représailles arrivèrent
le 25 avril, organisées par les forces armées mauritaniennes et par des nationalistes arabes. Entre 150 à
200 « Noirs », accusés d’être des « Sénégalais » furent tués dans le Marché capitale de Nouakchott et
dans d’autres quartiers populaires de la ville.
• Le Sénégal demanda le rapatriement de ses ressortissants, et la Mauritanie accepta de rapatrier les
siens à partir du 26 avril 1989. L’opération fut prise en charge par l’Algérie, le Maroc, l’Espagne et la
France avec la mise en place d’un pont aérien. On estimait à plus de 70 000 le nombre total de
rapatriés sénégalais et à 160 000 celui des Mauritaniens, pour la plupart des groupes serviles hrâtîn.
• Une politique éliminationniste s’organise en Mauritanie et décide l’expulsion massive des
« Sénégalais ». En utilisant l’argument fallacieux de la non appartenance à la nation mauritanienne des
personnes nées en dehors de ses frontières après 1966. Plus de 120 000 Mauritaniens originaires de la
vallée du fleuve furent expulsés vers le Sénégal, et environ 8 000 vers le Mali. Les expulsions
réalisées par les soldats de l’armée étaient accompagnées de violences sexuelles et de pillages.
• Entre octobre 1990 et janvier 1991, une autre vague d’arrestations et d’exécutions frappa les
Haalpulaar’en, sur un total estimé de 3 000 militaires capturés, au moins 1 000 furent exécutés
(Amnesty International 1991). Le 28 novembre 1990, 28 militaires Haalpulaar’en furent pendus à la
Base d’Inal. En avril 1991, le gouvernement annonça une amnistie générale.
• Il n’y a jamais eu d’estimation officielle du nombre total de morts, ni au Sénégal, ni en Mauritanie.
Un gouvernement civil fut installé entre 2007 et 2008, il avait annoncé l’installation d’une
Commission de vérité. Mais un autre coup d’État mit fin à ces espérances. Le général Mohamed ould
Abdel Aziz, auteur du coup de force, s’est fait élire « démocratiquement » en juillet 2009, et il a été
réélu en 2014.
4 Suivant l’anthropologue Daniel Goldhagen, Pire que la guerre. Massacres et génocides au XXe siècle, 2012, Paris, Fayard.
La CVR du Pérou et la situation humanitaire en Mauritanie
17
Photo 9 : Le 28 novembre 1990, 21 des 28 militaires Haalpulaar’en qui furent pendus à la Base d’Inal
(©CRIDEM, Nouakchott)
• En Mauritanie, comme en Amérique latine des années 1970-1990, l’État reste contrôlé par les Forces
armées. Or, étant donné la responsabilité des militaires dans les violences politiques contre les sociétés
civiles, ils s’opposent à un éclaircissement de la vérité historique. Les principaux blocages en
Mauritanie restent donc la mainmise des militaires sur l’appareil de l’État, la soumission de la justice
au pouvoir exécutif, l’inexistence de partis politiques qui canalisent les volontés du peuple, et
l’inexistence d’une société civile digne de ce nom.
• La question servile est l’autre volet des affaires humanitaires. On estime que près de la moitié des
arabophones du pays appartiennent au groupe servile d’origine africaine. Deux lois, en 2007 et en
2015, criminalisent ce qu’il faut appeler les formes extrêmes de dépendance (dit « esclavage »),
présentes dans toutes les communautés ethniques de Mauritanie. Mais les améliorations restent
bloquées par le conservatisme social qui prédomine dans le pays.
• Quelques avancées ont été enregistrées depuis une dizaine d’années grâce au travail acharné des
associations de défense des droits des victimes, soutenues par les organismes internationaux (Union
européenne, Haut Commissariat aux droits humains de l’ONU, Haut Commissariat aux refugiés de
l’ONU), et quelques ambassades (Etats-Unis, Allemagne, France, Espagne). Ces associations ont
compris que le meilleur chemin pour des pays aussi autoritaires que la Mauritanie est celui d’exiger
l’application des conventions internationales signées par l’État.
Photo 11 : Réunion du Collectif des victimes de la répression militaire (COVIRE), Nouakchott, avril 2015 (©Villasante)
Mariella Villasante Cervello
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RÉFLEXIONS FINALES
• La justice de transition nécessite un environnement étatique démocratique pour pouvoir s’affirmer
dans des conditions favorables pour les victimes des conflits, des guerres ou des répressions. Or, les
valeurs républicaines d’égalité, de solidarité et de liberté sont encore une utopie dans la plupart des
pays en voie de développement, dont l’Amérique latine et l’Afrique. N’en déplaise aux représentants
officiels de l’État péruvien qui tentent vainement de faire passer l’idée fallacieuse que « tout va mieux
et même très bien » dans le pays. Une langue de bois dure à disparaître.
• En Amérique latine, les sociétés civiles conscientes de l’importance de l’installation d’États de droit
et de l’application des recommandations des commissions de vérité sont très réduites. Les
gouvernements travaillent sur le court terme, manquent de vision étatique, et vivent dans le présent
sans penser au futur. La mise en valeur des commissions de vérité est ainsi bloquée par le manque de
volonté politique, par la crainte d’appliquer la justice pénale et par la tendance à décréter l’amnistie,
c’est-à-dire l’impunité, notamment au bénéfice des agents des forces armées.
• Le Rapport final de la CVR doit encore être complété par des études régionales, notamment dans la
région de l’Amazonie centrale, où la réalité des camps d’internement senderistes a provoqué la mort
de 6 000 Ashaninka entre 1988 et 1995. Ces camps se sont reproduits dans la VRAEM (départements
de Junín et Cusco), où les forces armées libèrent de temps en temps des dizaines de personnes et des
enfants-soldats. Au Pérou, la réalité des camps d’internement et des enfants-soldats reste inconnue,
alors que n’importe quel spécialiste du droit humanitaire saurait que les témoignages des rescapés sont
identiques à ceux des rescapés des camps nazis, cambodgiens, russes ou chinois.
Photo 12 : Rescapés Ashaninka des camps senderistes à Matereni (Junín) 1995 (©Chiricente)
• Au Pérou, comme dans les autres pays de la région, les fonds destinés à la justice de transition ou
aux droits humains restent très réduits. Des nombreux programmes recommandés par la CVR sont
menés à bien avec le concours des organismes internationaux et de l’Union européenne.
• Le soutien international est fondamental pour ouvrir et pour concrétiser, du moins en partie, les
processus de justice de transition. Au Pérou et en Mauritanie, les associations des victimes et les
ONGs qui travaillent pour la défense des droits humains en général ne pourraient accomplir des
avancées sans l’aide financière et conceptuelle des organisations internationales et des ambassades
occidentales.
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La CVR du Pérou et la situation humanitaire en Mauritanie
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Liens utiles
Rapport final de la CVR : http://idehpucp.pucp.edu.pe/tipo/informe-final/
Version abrégée en anglais : http://idehpucp.pucp.edu.pe/wp-content/uploads/2012/10/Hatun_Willakuy_inglés.pdf
Version en français : 2015, Le Grand Récit de la guerre interne au Pérou, 1980-2000. Traduction française du Hatun
Willakuy, M. Villasante, en collaboration avec Christophe de Beauvais. Version résumée du Rapport final de la
Commission pour la vérité et la réconciliation, Pérou, 2003, 477 pages, Paris, L’Harmattan.
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&isbn=978-2-343-06066-8
IDEHPUCP : http://idehpucp.pucp.edu.pe
Consejo de reparaciones a las víctimas del terrorismo del Perú : http://www.ruv.gob.pe/consejo.html
HAUT COMMISSARIAT AUX DROITS DE L’HOMME EN MAURITANIE
http://www.ohchr.org/FR/Countries/MENARegion/Pages/MRIndex.aspx
VILLASANTE CERVELLO, Mariella, en préparation, Histoire et politique dans la Vallée du Fleuve Sénégal, Mauritanie.
Hiérarchies, échanges, colonisation et violences politiques, VIII-XXIe siècles, avec la collaboration de Raymond Taylor
et de Christophe de Beauvais, Paris, L’Harmattan, 2017.
VILLASANTE CERVELLO, Mariella, La violencia política en la selva central. Los campos de internamiento senderistas y las
secuelas de la guerra civil entre los Ashaninka y los Nomatsiguenga. Estudio de antropología política, Lima, Fondo
editorial de la PUCP, 2017.
VILLASANTE CERVELLO, Mariella, 2016, Violence politique au Pérou, 1980-2000. Sentier Lumineux contre l’État et la
société. Essai d’anthropologie politique et historique, 451 pages, Paris, L’Harmattan, mai.
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=50610&razSqlClone=1
VILLASANTE CERVELLO, Mariella, Chronique politique de la Mauritanie 2015 [25 janvier 2016]
https://www.academia.edu/20797453/Chronique_politique_de_Mauritanie_2015
VILLASANTE CERVELLO, Mariella, 2014b, El Informe de la Commission de vérité et de la réconciliation del Perú en el
contexto latinomericano. Aportes del Informe final de la CVR a la historia del Estado peruano y a las ciencias sociales,
Revista Memoria n° 13, IDEHPUCP.
http://idehpucp.pucp.edu.pe/wp-content/uploads/2014/04/AportesCVR.pdf
VILLASANTE CERVELLO, Mariella, 2014a, Sous la direction de, avec la collaboration de Christophe de Beauvais, Le passé
colonial et les héritages actuels en Mauritanie, L’Harmattan (novembre 2014).
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&isbn=978-2-343-01767-9
VILLASANTE CERVELLO, Mariella, 2012a, Violencia de masas del Partido comunista del Perú-Sendero Luminoso y campos de
trabajo forzado entre los Ashaninka de la selva central, Dossier de Memoria n°9, IDEHPUCP, Lima, 78 pages.
http://idehpucp.pucp.edu.pe/wp-content/uploads/2012/09/Dossier.pdf
*