Al-Idrîsî, une vision du monde méditerranéen au xiie siècle
Conquise sur les Arabes, après une longue domination byzantine, la Sicile normande
au xiie siècle est une véritable oasis culturelle au sein de la chrétienté occidentale : une
importante communauté musulmane y est encore majoritaire, et semble vivre en bonne
intelligence avec des minorités grecque, juive et latine.
C’est donc à un géographe arabe, al-Idrîsî, que s’adresse le roi normand de Sicile Roger II
pour réaliser une vaste compilation des savoirs de son époque.
On sait peu de choses sur la vie d’al-Idrîsî : on suppose qu’il naît vers 1100 à Ceuta
au Maroc, dans une famille de noble ascendance. Il aurait fait ses études à Cordoue,
principal centre culturel et artistique d’al-Andalus, l’Espagne musulmane. Il connaît
le latin, parle le grec et rédige un traité de pharmacologie. C’est en 1139 qu’il s’installe
à Palerme où il se met au service du roi de Sicile.
Persuadé que la dynastie des Hauteville, à laquelle appartient Roger II, est appelée
par Dieu à prolonger l’effort des grands califes de l’âge d’or de l’Islam, al-Idrîsî veut
concrétiser dans le domaine scientifique la symbiose politique accomplie par Roger II
dans son royaume normand.
Mais, au même moment, la Méditerranée est aussi un foyer d’affrontements.
En s’emparant de Jérusalem, les croisés favorisent l’expansion du monde latin aux
dépens de deux empires en déclin : l’Islam et Byzance. En fin de compte, La Géographie
d’al-Idrîsî ne témoigne-t-elle pas de la fin d’une époque, celle de la domination
musulmane sur la Méditerranée ?
a
Al-Idrîsî,
Mss or., arabe 2221
La géographie d’al-Idrîsî
Les sources du géographe
Ptolémée observe les constellations
Géographie
Mss occ., Rés. grec 1401, f. 2
Véritable somme encyclopédique des
connaissances géographiques de son
époque, La Géographie d’al-Idrîsî est
d’abord un texte qui décrit avec minutie les
itinéraires, les activités et les productions.
C’est également un ensemble de cartes,
d’échelles variables, qui représentent
l’œkoumène*, c’est-à-dire l’espace terrestre
habité.
Le « Livre de Roger »
Rédigée en langue arabe, vecteur d’unité et
de continuité d’une civilisation musulmane
épanouie, la Géographie affirme pleinement
la gloire d’un prince chrétien serviteur du savoir.
La part du texte est prépondérante et sert
à décrire ce que la carte ne peut montrer :
particularités géographiques ou architecturales,
nature des activités dans les villes, mais aussi
dans les campagnes, itinéraires commerciaux.
Les divisions du texte correspondent au
découpage du monde en soixante-dix « sections »,
grande nouveauté introduite par al-Idrîsî.
À chaque section correspond une carte.
À la différence du texte qui constituait la part
de l’auteur, les cartes étaient dessinées par
le copiste du manuscrit ou parfois un peintre,
dans des espaces destinés à cet effet. Dans
la tradition des enluminures de manuscrits, une
part importante du travail cartographique était
réalisée avec des encres. Les illustrations,
comme l’écriture, étaient dessinées avec un
roseau nommé calame. Les couleurs opaques
étaient obtenues à partir de pigments minéraux,
ou d’origine animale ou végétale : bleu (lapislazuli, azurite et indigo), vermillon (cochenille),
vert (vert-de-gris), jaune (orpiment).
La carte prend en compte des préoccupations
d’ordre esthétique, par exemple dans le choix
des couleurs et d’ordre religieux, qui l’amène
à promouvoir la calligraphie et à rejeter toute
image représentant des êtres vivants. Cinq
monuments seulement sont reproduits : le phare
d’Alexandrie, les monastères du mont Sinaï et
de Lalân, la porte de Gog et Magog et la muraille
de Bukhara.
Œuvre de compilation de connaissances
diverses et variées, La Géographie
d’al-Idrîsî est redevable tout autant
à ses prédécesseurs grecs (Ptolémée)
qu’arabes (Ibn Hawqal) mais s’en
distingue en utilisant des méthodes
d’enquête orale tout à fait originales.
Sources grecques
La géographie arabe est fille de Ptolémée.
Elle reprend sa présentation de la Terre en
« climats », c’est-à-dire une série de sept zones
longitudinales étagées de l’équateur au pôle.
Une petite partie du globe seulement est ainsi
prise en compte, l’œkoumène, ou espace
terrestre habité.
Géographe, mathématicien et astronome
vivant à Alexandrie au iie siècle après J.-C.,
Ptolémée transmit à l’Occident la synthèse
de plus de sept siècles de science grecque
par l’intermédiaire des traductions arabes.
Il fournit une liste de coordonnées « en
longueur » (longitude) et « en largeur » (latitude)
pour de nombreuses localités de l’œkoumène*
et proposa un système de projection plane
de la surface terrestre.
« L’étude de la forme et des
dimensions de la terre entière,
la connaissance de sa position par
rapport au ciel, sont des préalables
indispensables si l’on veut être
capable d’indiquer les dimensions
et les caractéristiques de la partie
connue de la terre. »
Claude Ptolémée, Géographie, I, 1
Sources arabes
La géographie arabe prend naissance
à Bagdad au viiie siècle, influencée par
les traditions indienne, grecque et persane.
C’est d’abord une géographie administrative
qui décrit avec précision les routes et les pays
de l’empire en consignant divers
renseignements sur les itinéraires et les relais,
l’impôt foncier et la garde des frontières.
Certains géographes étudient le monde dans
son ensemble mais en le centrant sur Bagdad
ou La Mecque. C’est le cas d’Ibn Hawqal,
qui oriente lui aussi sa carte vers le sud et
place le golfe Persique au centre de l’univers.
D’autres géographes ne prennent en compte
que les provinces de l’Islam en insistant sur
leur unité politique et culturelle et en faisant
abstraction de leurs divisions.
À cette géographie « scientifique » s’ajoute une
littérature de voyage qui mêle souvenirs vécus
et légendes. C’est dans cette culture
géographique encyclopédique qu’al-Idrîsî va
puiser ses sources. C’est la culture de l’adab,
ou « l’honnête homme ».
Autres sources
Selon ses dires, al-Idrîsî ne se contente pas
d’utiliser les ouvrages de ses prédécesseurs.
Il a sans doute accès aux archives
administratives normandes de la Sicile. Il a
recours à l’information orale en interrogeant
directement les voyageurs qui passent par
Palerme ou en les envoyant dans les régions
les plus lointaines, pour décrire les itinéraires,
les villes, les activités ainsi que les ressources
en eau et les techniques d’irrigation. Il est très
difficile voire quasiment impossible d’identifier
ses informateurs. On ne peut qu’émettre
des hypothèses en repérant un Basque
de Bayonne, un Normand, un marin breton
ou un marchand scandinave. L’originalité
de la méthode tient également à la volonté
de recouper sources écrites et témoignages
oraux en éliminant systématiquement tout
ce qui porte à contradiction.
* mots du lexique
océan des Ténèbres
à l’ouest
océan Indien
Méditerranée
Bagdad,
Tigre et Euphrate
océan du Levant à l’est
« Il fit venir des hommes expérimentés (…) et qui
avaient l’habitude de se déplacer. Il les fit interroger
par un intermédiaire ensemble, puis un à un. (…)
Il chercha ce en quoi ils différaient et le déclara nul. »
Tousi Salmâni Merveilles de la création, 1388
Mss or., Suppl. persan 332
Al-Idrîsî, Le Livre de Roger
océan circulaire
La géographie médiévale au temps d’al-Idrîsî
Une mappemonde en forme de chlamyde
Polychronicon, Ranulf Higden, xive siècle
Mss occ., lat. 4922, f. 2
La cosmographie arabe
La cosmographie occidentale
La géographie administrative, celle qui donne
à voir une image savante de la terre, n’a pas
été la seule chez les géographes arabes :
d’autres représentations s’intéressant en
priorité à l’islam entendent inscrire le donné
cartographique dans une série d’images
familières (entonnoir, intestin, oiseau) aux
formes géométriques simples (cercle, triangle,
croissant, volute), avec la Kaaba au centre.
On veut pouvoir reconnaître la Terre et la
couler dans des images qui parlent de Dieu
au quotidien.
Haut lieu du pèlerinage musulman, un des cinq
piliers de la doctrine religieuse de l’islam,
la Kaaba est un « cube » recouvert d’un voile
noir situé au centre de la mosquée
de La Mecque. Selon la légende, avant la
création du monde, la Kaaba était placée sur
les eaux ; elle fut rebâtie par Abraham qui y
incrusta dans un coin la pierre noire angulaire
rapportée du Paradis par l’archange Gabriel.
C’est vers la qibla* (la direction de La Mecque)
que convergent chaque jour les cinq prières
canoniques des musulmans, dont la récitation
constitue le deuxième pilier de l’islam.
Dans l’Occident chrétien, les représentations
de la terre habitée prennent parfois la forme
dite du « T dans l’O » (Orbis Terrae), le O
de l’océan circulaire entourant les trois
continents qui sont séparés par le T, dont la
hampe (barre verticale) figure la Méditerranée.
Le Saint-Sépulcre, avec le tombeau du Christ,
fait de Jérusalem l’ombilic de la terre habitable,
le centre du monde représenté. À l’est, en
haut, le Paradis terrestre, ou jardin d’Eden,
placé à l’origine du monde tout près de la tête
du Christ. À l’intérieur des trois continents
s’insèrent parfois des représentations
topographiques de montagnes et de fleuves,
avec une abondance de toponymes et de
descriptions. La forme ovale de certaines
représentations peut refléter la conception
d’un monde plat, disque flottant sur les eaux
ou plus simplement la nécessité d’adapter
la forme de la Terre à l’espace rectangulaire
fourni par la page.
Afrique
Asie
Eu
ro
pe
Cette reconstitution récente de la carte d’al-Idrîsî par
un spécialiste de la cartographie médiévale nous permet
d’appréhender la vision du monde du célèbre géographe :
l’Europe apparaît pour la première fois sur une carte arabe,
mais sa position est excentrée. Le tracé des côtes
méditerranéennes est relativement exact, mais la Sicile
occupe une place disproportionnée.
océan Indien
Méditerranée
Sicile
Sud
Chine
Est
Ouest
Nord
pays de Gog et Magog
mer Noire
Une reconstitution récente
Carte d’Idrîsî, Konrad Miller, 1926
Cartes et Plans, Ge A 366
La Méditerranée, un carrefour des civilisations
Un modèle de guerre sainte.
Bible de Saint Jean d’Acre
Mss 5211, Rés Arsenal, f. 339
La Méditerranée, un carrefour culturel
Au xiie siècle, la Méditerranée est à la fois
zone de conflits, avec les croisades
et la Reconquista (reconquête de
l’Espagne musulmane par les chrétiens),
mais aussi carrefour d’échanges culturels
et économiques entre les trois grandes
civilisations qui la bordent.
Héritière de l’Empire romain, Byzance est
un empire en déclin qui subit une double
pression, celle des Turcs seldjoukides, qui
occupent les deux tiers de l’Asie Mineure
et celle des Latins, qui pillent Constantinople
en 1204.
Le monde musulman est fragmenté en de
multiples émirats* rivaux et la conquête par les
Turcs seldjoukides d’une grande partie de
l’ancien royaume abbasside vient bouleverser
l’ordre politique du « Dâr al-islâm »*.
L’Occident latin est quant à lui en plein essor :
• sur le plan économique, les républiques
marchandes italiennes prennent le contrôle
du commerce méditerranéen,
• sur le plan militaire, son dynamisme
se manifeste en Italie avec la conquête
normande, en Espagne avec la Reconquista
et enfin en Orient avec les croisades,
• sur le plan culturel, les contacts avec l’Islam
permettent aux Latins de s’approprier les
savoirs de l’Antiquité par l’intermédiaire des
traductions arabes.
La Sicile, une terre de contacts entre l’Orient
et l’Occident
Conquise par les musulmans en 902, la Sicile
échappe alors à Byzance. Mais une forte
minorité d’hellénophones de rite byzantin est
toujours présente dans l’île. Après la conquête
normande de 1091, c’est la population d’origine
musulmane qui reste majoritaire, jusqu’à son
transfert sur le continent européen.
Intégrée au monde économique
méditerranéen, la Sicile normande conserve
de nombreux traits de civilisation hérités
des Byzantins et musulmans : la monnaie d’or
ou tarin, l’administration musulmane (le diwan*
ou dohana de secretis), l’étiquette du palais,
les symboles du pouvoir inspirés largement
par ceux du basileus* grec. Cependant cette
symbiose n’est qu’apparente et les
persécutions religieuses à l’égard des
musulmans en démontrent la fragilité dès la fin
du xiie siècle.
La Méditerranée, un terrain d’affrontements
religieux
Au xiie siècle, trois religions monothéistes
se côtoient sur les rives de la Méditerranée :
• le judaïsme, fondé sur l’Ancien Testament
et son commentaire, le Talmud, reste bien
implanté malgré les persécutions religieuses
qui connaissent une recrudescence dès la
première croisade ;
• le christianisme, divisé en deux Églises
rivales depuis le schisme de 1054 : l’Église
chrétienne d’Orient ne reconnaît plus
la souveraineté du pape, chef de l’Église
chrétienne d’Occident ;
• l’islam qui apparaît au viie siècle et va se
diffuser dans tout le bassin méditerranéen
grâce aux conquêtes arabes.
En 1099, les croisés s’emparent de Jérusalem
et de toute la région côtière pour y fonder
les États latins d’Orient. Mais les musulmans
opposent une farouche résistance et
reconquièrent une grande partie de ces terres.
C’est dans ce contexte de luttes acharnées
et de violence extrême qu’al-Idrîsî réalise
son atlas.
À partir du viiie siècle, les califes de Bagdad
encouragent un important mouvement
de traduction en arabe d’œuvres grecques,
persanes ou indiennes. Tous les domaines
du savoir sont concernés, de la médecine
à la philosophie en passant par la littérature
et l’astronomie. Aristote est ainsi traduit
et commenté par les philosophes arabes,
tel Averroès qui tente de concilier raison et
révélation. Cette somme de connaissances
est à son tour transmise à l’Occident par
l’intermédiaire des zones de contact entre les
trois « rivages » de la Méditerranée : Tolède
reconquise par les chrétiens devient un grand
centre de traduction de l’arabe en latin,
la Sicile et l’Andalousie servent de plaques
tournantes aux échanges de savoirs ;
Constantinople est un véritable conservatoire
des connaissances antiques. L’œuvre
d’al-Idrîsî incarne parfaitement la symbiose
culturelle en vigueur dans la Sicile normande.
La Méditerranée, un carrefour commercial
Dès la fin du viiie siècle, le commerce en
Méditerranée est aux mains des musulmans
qui exercent une domination sans partage,
avec Bagdad comme plaque tournante, bientôt
relayée par Le Caire et Damas. Au xiie siècle,
cette domination est remise en question par
l’Occident qui connaît une forte croissance
démographique. Les villes marchandes
italiennes, Venise, Pise et Gênes, obtiennent
des privilèges commerciaux. Elles établissent
des comptoirs aussi bien dans l’Empire
byzantin que dans les pays d’Islam, dont elles
continuent à exploiter les richesses (comme
l’alun ou les épices) et les techniques
transmises par les grandes civilisations de
l’Antiquité (astrolabe). En dressant, grâce
à l’ensemble de ce savoir, des cartes de
navigation précises comme les portulans, les
navigateurs occidentaux des siècles suivants
vont asseoir définitivement la domination
européenne sur l’ensemble des mers et ouvrir
la porte aux Grandes Découvertes.
Le plus ancien astrolabe conservé
xe siècle
Cartes et Plans, Ge A 324
En préliminaire, quatre paires de médecins, assis,
conversent et échangent des sentences qui sont
directement reliées à la bouche de chacun. Par cet
artifice de disposition, leur appartenance apparaît
clairement. La sentence du premier personnage est
altérée, mais on reconnaît à ses cotés Barthélémy
de Salerne. Viennent ensuite, au registre inférieur,
Averroès et Porphyre.
Liber de herbis, Manfredo de Monte Imperiali
xive siècle
Mss occ., lat. 6823, f. 2
Chronologie
Islam
Chrétienté occidentale
622 Hégire : l’exil de Mahomet
à Médine marque le début de l’ère
musulmane.
Sicile
Byzance
827-902 Conquête de la Sicile
byzantine par les Arabes.
750-1258 Dynastie des Abbassides
avec Bagdad pour capitale.
1000
1050
1056-1147 Les Almoravides
1031 Début de la Reconquista
dominent toute l’Afrique du Nord.
en Espagne : les chrétiens récupèrent
tout le nord de la péninsule.
1071 Après la victoire de Mantzikert,
1085 Prise de Tolède par les
chrétiens.
les Turcs seldjoukides conquièrent
l’Asie Mineure, la Syrie et l’Iran.
1058-1091 Conquête de la Sicile
par les Normands.
1096-1099 Première croisade ;
naissance des États latins d’Orient.
1054 Schisme entre les Églises
d’Orient et d’Occident : les patriarches
byzantins ne reconnaissent plus
l’autorité du pape.
1081-1185 Dynastie des Comnènes
à Byzance.
1100
1100 Naissance supposée d’al-Idrîsî.
1171 Saladin sultan d’Égypte.
1147-1149 Deuxième croisade
commandée par le roi de France
Louis VII et l’empereur d’Allemagne
Conrad III. C’est un échec.
1101 Mort de Roger Ier de Hauteville,
comte normand des Pouilles et de
Calabre, duc de Sicile ; Roger II
succède à son père.
1130 Roger II est sacré roi de Sicile
à Palerme.
1139 Arrivée d’al-Idrîsî à Palerme.
À la demande de Roger II il commence
un travail d’enquête et de compilation
géographique.
1150
1187 Saladin reprend Jérusalem
aux croisés.
C’est le djihad ou guerre sainte.
1189-1192 Troisième croisade.
Prise de Saint-Jean-d’Acre par
les croisés.
1154 Mort de Roger II. Son fils
Guillaume devient roi. Il confie son
pouvoir à un émir.
1154 Al-Idrîsî achève sa Géographie.
1164 Mort d’al-Idrîsî.
1166 Mort de Guillaume Ier Guillaume
II est couronné roi de Sicile.
1189 Mort de Guillaume II de Sicile
sans héritier.
Une crise de succession s’ouvre alors.
1194 Henri VI de Hohenstaufen est
couronné roi de Sicile à Palerme.
1197 Le pouvoir en Sicile passe aux
mains de Frédéric II de Hohenstaufen,
petit-fils de Roger II et de Frédéric
Barberousse.
1212 Victoire chrétienne à Las Navas
1200
1204 Quatrième croisade. Prise
de Constantinople par les croisés,
détournés de leur objectif par
les Vénitiens.
de Tolosa en Espagne. Les musulmans
se retirent dans le petit royaume
de Grenade qui tombera en 1492.
Lexique
Ahl al-Kitâb au sens littéral, les Gens
djihad au sens littéral, effort dans la voie
mozarabes en Espagne musulmane,
du Livre, c’est-à-dire, dans la tradition
musulmane, les détenteurs d’une religion
révélée, à savoir les juifs et les chrétiens.
vers Dieu, consistant en une ascèse
personnelle (djihad interne), et, au sens
large, obligation collective de faire la guerre
aux non-musulmans afin de les convertir
ou les soumettre (djihad externe).
indigènes restés chrétiens en terre d’Islam.
basileus empereur byzantin.
calife successeur de l’envoyé de Dieu,
assurant la direction de la communauté
musulmane.
climats zones longitudinales étagées de
l’équateur au pôle. Ptolémée en distingue
sept.
Dâr al-Islâm territoire ou domaine de l’islam.
dîwân registre administratif et, par
extension, bureau employant de tels
registres.
émir gouverneur ou chef militaire d’une
province.
funduq entrepôt urbain confié à des
négociants étrangers pour abriter hommes
et produits et servir à écouler leurs
marchandises.
hégire voyage de Mahomet de La Mecque
à Médine, qui marque le début du calendrier
musulman.
khan caravansérail situé le long d’une route
de commerce.
mudéjars dans l’Espagne chrétienne,
musulmans restés sous domination
chrétienne après la conquête de leur
territoire.
œkoumène espace habitable de la surface
terrestre.
qâdî juge établi dans un centre urbain,
chargé de l’application de la loi coranique.
qibla direction de La Mecque vers laquelle
s’oriente la prière des fidèles.
Shahâda profession de foi musulmane
(Dieu est unique et Mahomet est son
prophète).
Postérité d’al-Idrîsî
« Le divertissement de celui qui est
passionné pour la pérégrination à travers
le monde »
Géographe arabe, al-Idrîsî rédige pour
le compte du roi chrétien, Roger II,
une somme de connaissances
géographiques qui poursuit l’œuvre
de ses prédécesseurs musulmans.
L’Europe, pour la première fois,
est bien présente, mais une Europe
excentrée, aux contours mal définis,
aux marges du monde connu. Certes,
al-Idrîsî innove par sa méthode
d’enquête orale. Mais il reste avant
tout un représentant de cette
géographie arabe qui place le domaine
de l’Islam au centre du monde. C’est
ainsi que doit se voir al-Idrîsî, comme
le témoin de la fin d’un rêve, celui qui
a porté à la perfection une certaine
vision du monde, vaste compilation du
savoir. Illustrant la mosaïque culturelle
qui se réalise en Sicile au temps des
croisades, le destin d’al-Idrîsî peut
Bibliographie
aussi se comprendre comme celui
d’un homme écartelé entre deux
civilisations. La postérité de son œuvre
illustre cette ambiguïté : rédigée et
copiée en arabe, elle ne fut connue
en Occident que très tardivement.
Après avoir été un des premiers
ouvrages imprimés en arabe à Rome
par l’Imprimerie médicéenne, il fut
traduit en latin en 1610 et en français
par le chevalier Jaubert entre 1836
et 1840. Et c’est à un déchirement
des horizons que nous convie le titre
même de l’œuvre.
Ouvrages généraux
Cariou (D.), La Méditerranée au xiie siècle,
Paris, PUF, coll. Que Sais-Je, 1997
Fossier (R.), Le Moyen Âge, t. 2, L’Éveil
de l’Europe, 950-1250, Paris, Armand Colin,
1990
Jehel (G.), La Méditerranée médiévale
de 350 à 1450, Paris, Armand Colin,
coll. « Cursus », 1992
Études particulières
Aubé (P.), Les Empires normands d’Orient,
Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 1995
Bresc (H.), Politique et société en Sicile,
xiie-xve siècles, London, Variorum Reprints,
1990
Cahen (C.), Orient et Occident au temps
des croisades, Paris, Aubier, 1983
Chaliand (G.), Atlas historique du monde
méditerranéen : chrétiens, juifs et
musulmans de l’Antiquité à nos jours, Paris,
Payot, 1996
Martin (J.-M.), Italies normandes, xie-xiie
siècles, Paris, Hachette, coll. « La Vie
quotidienne, Civilisation et Sociétés », 1994
Martinez-Gros (G.), « La division du monde
selon Idrîsî », in Le Partage du monde,
échanges et colonisation dans la
Méditerranée médiévale, sous la direction
de Michel Balard et Alain Ducellier,
Paris, Publications de la Sorbonne, 1998,
p. 315-334
Miquel (A.), « Un géographe arabe à la cour
des rois normands, Idrîsî » in Les Normands
en Méditerranée dans le sillage de Tancrède,
Actes publiés sous la direction de Pierre
Bovet et François Neveux, Université
de Caen, 1994
Norman (D.), Islam et Occident, Paris,
éditions du Cerf, 1993
Thoraval (Y.), Dictionnaire de civilisation
musulmane, Paris, Larousse, 1995
Un abrégé en arabe
Le Petit Edrisi, 1538
Mss or., arabe 2223