WARREN PEZÉ
Eberhard Karls Universität Tübingen
Sonderforschungsbereich 923 “Bedrohte Ordnungen”
Débat doctrinal et genre littéraire
à l’époque carolingienne : les opuscules
théologiques de Gottschalk d’Orbais
Cet article entreprend l’analyse de la composition des opuscules
théologiques de Gottschalk d’Orbais qu’appelait de ses vœux leur éditeur
Cyrille Lambot. Ces opuscules sont composés d’une juxtaposition tantôt
planiiée, tantôt accidentelle de scedulae (brouillons préparatoires,
lorilèges de citations bibliques et patristiques, lettres…), parmi lesquelles
on trouve de véritables manuels de débat. Ces scedulae offrent une image
inédite de la dissémination des écrits polémiques pendant la controverse
carolingienne sur la double prédestination (années 850) et permettent de
réévaluer l’écho qu’elle a rencontré dans les rangs du simple clergé.
Doctrinal debate and literary genre in Carolingian times:
the theological works of Gottschalk of Orbais
This article studies the composition of the theological works of
Gottschalk of Orbais. The manuscript is composed of a juxtaposition
of scedulae (drafts, biblical and patristic collections, letters…), which
surely relects the will of Gottschalk in some respects, but is also the result
of the transmission of his documents after his death. These papers include
in particular polemical handbooks for debating. These scedulae give an
unusual picture of how polemical texts circulated during the Carolingian
controversy on double predestination in the 850s; they make it possible to
reappraise the impact of doctrinal debate among the lower clergy.
Revue de l’histoire des religions, 234 – 1/2017, p. 25 à 72
En 1930, à la Bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne, dom
Germain Morin fait la découverte de tout un volume d’écrits
théologiques inédits qu’il attribue à Gottschalk d’Orbais
(806/8-868/9)1. Le caractère exceptionnel de la découverte tient en
grande partie à la place de Gottschalk dans l’histoire de l’hérésie
médiévale2. Fils de comte saxon, oblat de l’abbaye de Fulda,
Gottschalk est le principal protagoniste de la controverse sur la
double prédestination qui secoue les royaumes carolingiens, et
en particulier la Francie occidentale, pendant les années 840-870.
Disputée dans neuf conciles, suscitant plusieurs dizaines de lettres et
traités, elle est considérée comme la plus importante controverse du
monde carolingien. Gottschalk prêche la prédestination des élus au
salut et des réprouvés à la damnation – prédestination consécutive
défendue par saint Augustin, mais largement éclipsée, aux premiers
siècles du Moyen Âge, par une pastorale insistant sur les œuvres3.
1. Germain Morin, « Gottschalk retrouvé », Revue Bénédictine, 43, 1931,
p. 303-12.
2. Klaus Vielhaber, Gottschalk der Sachse, Bonn, 1956 (« Bonner historische
Forschungen », 5) ; Jean Devisse, Hincmar archevêque de Reims 845-882, Genève,
Droz, 1975-1976 ; D. Ganz, « The Debate on predestination », Charles the Bald.
Court and Kingdom, M. Gibson and J. Nelson dir., Hampshire, Ashgate : Variorum,
1990, p. 283-302 ; Matthew Gillis, Gottschalk of Orbais. A Study of Power and
Spirituality in a Ninth-Century Life, Thèse de l’université de Virginie, 2009 ;
Gottschalk and a medieval predestination controversy : texts translated from the latin,
Victor Genke et Francis X. Gumerlock trad., Milwaukee, Marquette University Press,
2010 (« Mediaeval Philosophical Texts in Translation ») ; Diana Stanciu, « Double
Predestination, Augustinian Tradition and Carolingian Ecclesiastical Politics. The
Debate that Started in the Northern Realm », Revue d’histoire ecclésiastique, 110,
2015, p. 56-102 et 619-661. On trouvera une bibliographie complète dans ma thèse,
Le virus de l’erreur. Essai d’histoire sociale sur la controverse prédestinatienne à
l’époque carolingienne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2014, en cours de
publication dans la collection Haut Moyen Âge de Brepols.
3. Jaroslav Pelikan, La tradition chrétienne. Histoire du développement de la
doctrine, t. III : Croissance de la théologie médiévale, 600-1300, Pierre Quillet
trad., Paris, PUF, 1994 (1e éd. Chicago, 1974), p. 85-99. Sur la prédestination
augustinienne, voir Augustine through the Ages. An Encyclopedia, Allan
D. Fitzgerald éd., Grand Rapids, Eerdmans, 1999, p. 391-8 (J. Patout Burns, article
« Grace ») et p. 677-9 (M. Lamberigts, article « Predestination ») ; Augustinus
Lexikon, t. III, Cornelius Mayer éd., Bâle, Schwabe AG, 2010, col. 182-242
(V. H. Drecoll, article « Gratia ») et 605-10 (T. G. Ring, article « Initium fidei ») ;
Gerald Bonner, Freedom and Necessity. St. Augustine’s Teaching on Divine
Power and Human Freedom, Washington DC, Catholic University of America
Press, 2007.
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
27
Le moine saxon est condamné aux conciles de Mayence en
848 et Quierzy en 849, excommunié et reclus au monastère
d’Hautvillers. Plusieurs parmi les meilleurs érudits carolingiens
élèvent alors la voix pour défendre l’augustinisme condamné
à travers Gottschalk : Ratramne de Corbie, Loup de Ferrières,
Prudence de Troyes, Florus de Lyon. D’autres débats viennent
bientôt s’y agréger : la vision béatiique, la nature de l’âme…
Parmi ces débats, il sera souvent question dans cet article de celui
qui porte sur la formule trina deitas, « déité trine », qu’Hincmar
soupçonne d’hérésie et fait supprimer de l’hymne Sanctorum
meritis inclyta gaudia, et que défendent Gottschalk et Ratramne4.
Le clergé du royaume de Charles le Chauve se divise, ce qui
pousse le souverain à forcer le consensus : au synode de Quierzy
de 853, il contrait ses évêques à souscrire à plusieurs propositions
condamnant la double prédestination. La tension atteint son
point d’orgue lorsque plusieurs évêques de Lotharingie, réunis
à Valence, condamnent en 855 les canons de ce synode de 853 :
on se bat concile contre concile. Après l’invasion de la Francie
occidentale par Louis le Germanique en 858, les clergés de
Lotharingie et Francie occidentale se retrouvent au concile de
Savonnières (859) ; après un débat houleux sur la prédestination,
on décide de reporter le débat à la prochaine rencontre. Mais à
Tusey, l’année suivante, la question est enterrée. Chacun impose
sa doctrine et sa loi dans son royaume et l’on perd progressivement
trace de la controverse sur la double prédestination, Gottschalk luimême mourant le 30 octobre 868 ou 869.
De Gottschalk, on ne connaissait, avant Morin, que deux
professions de foi, les Confessiones brevior et prolixior, avec
quelques fragments. La découverte du savant bénédictin devait
permettre de confronter enin la voix de « l’hérétique » à celle
de ses détracteurs et d’apporter une contribution majeure à la
déconstruction du discours hérésiologique médiéval. Occupé
par son édition de Césaire, Morin conie celle des opuscules de
Gottschalk à dom Cyrille Lambot, qui ajoute bientôt à la trouvaille
de son maître celle de deux opuscules grammaticaux dans le ms. 83
4. Voir en particulier Jean Jolivet, Godescalc d’Orbais et la trinité : la méthode
de la théologie à l’époque carolingienne, Paris, Vrin, 1958, et George H. Tavard,
Trina Deitas. The Controversy between Hincmar and Gottschalk, Milwaukee,
Marquette University Press, 1996.
28
WARREN PEZÉ
de Berne5. Retardée par la guerre, l’édition, irréprochable, ne paraît
qu’en 19456. Lambot promettait un second volume d’analyse,
indispensable complément qui ne vint jamais7. Si, depuis lors, bien
des travaux ont porté sur la dimension théologique des écrits de
Gottschalk, le volume édité par Lambot n’a pas encore apporté sa
contribution à une histoire sociale du fait controversial8. Comme
l’avait souligné Lambot, le ms. 584 n’est pas composé d’une série
de traités cohérents, mais d’un assemblage relativement confus de
scedulae, c’est-à-dire de iches et de fragments sur différents thèmes,
que dom Lambot, pour ne pas embrouiller davantage la situation, a
choisi d’éditer en suivant l’ordre du manuscrit9. L’éditeur joignait
à cet avertissement un catalogue des titres rubriqués et incipit qui
devait permettre au lecteur d’identiier ces scedulae10.
Il a fallu attendre la récente thèse de Matthew B. Gillis pour
que l’on prenne conscience de la valeur de ce volume en termes
5. Cyrille Lambot, « Opuscules grammaticaux de Gottschalk », Revue Bénédictine,
44, 1932, p. 120-4.
6. Œuvres théologiques et grammaticales de Godescalc d’Orbais, Cyrille
Lambot ed., Louvain, Spicilegium sacrum lovaniense, 1945 (« Spicilegium
sacrum lovaniense », 20). Cf. François Châtillon, « Recension de Dom Cyrille
Lambot, Œuvres théologiques… », Revue du Moyen Âge latin, 5, 1949, p. 255-72.
Avant la publication, D. Kadner, « Aus den neuentdeckten Traktaten des mönches
Gottschalk », Zeitschrift für Kirchengeschichte, 61, 1942, p. 349-58, décrit le
contenu du manuscrit.
7. Lambot, Œuvres théologiques, p. ix. Cf. Pierre Verbraken, « La carrière
scientifique de dom Cyrille Lambot », Revue Bénédictine, 79, 1969, p. 11-22.
8. Marie-Christine Mitterauer, Gottschalk der Sachse und seine Gegner im
Praedestinationsstreit, phil. Diss., Universität Wien, 1956 ; Louise R. Gustavsson,
Gottschalk Reconsidered : A Study of His Thought as It bears on His Notion of
Predestination, Ph.D. diss., Yale University, 1964 ; Boyd H. Evert, Gottschalk of
Orbais and the Debate over Predestination in the Ninth Century, Master Thesis,
University of Dallas, 1994 ; Ariane Monteil, Le rôle de Godescalc d’Orbais dans la
première controverse eucharistique, mémoire de la faculté protestante de théologie
de Paris, 2002. Citons également : Ronald Hanko, « Gottschalk’s Doctrine of Double
Predestination », Protestant Reformed Theological Journal, 12/1, 1978, p. 31-64 ;
Kurt Flasch, « Freiheit des Willens, 850-1150, », in Die Abendlandische Freiheit
vom 10. zum 14. Jahrhundert, Johannes Fried ed., Sigmaringen, 1991, p. 17-49.
9. Œuvres théologiques, p. xxiii.
10. Ibid., p. xiv-xv. Malgré l’avertissement de Lambot, Gillis, Gottschalk
of Orbais, p. 313, considère par exemple le De praedestinatione (Œuvres
théologiques, p. 180-258) comme « un traité substantiel ». Genke et Gumerlock,
Translated texts, p. 107, sont plus prudents et parlent d’une « collection de
schedulae » et d’un « matériel hétérogène ». La Clavis des auteurs latins du
Moyen Âge (territoire français, 735-987), t. 3, Turnhout, Brepols, 2010 (« Clavis
scriptorum latinorum medii aevi », 3), p. 203-234 (notice de Jean-Paul Bouhot) a
fidèlement suivi le découpage en vingt-cinq opuscules de Lambot.
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
29
d’histoire sociale. Gottschalk, montre-t-il, diffuse dans le clergé
de la province de Reims des libelles et feuillets volants, faciles à
produire et transporter, souvent sans destinataire spéciique – ainsi
le recueil intitué De trina Deitate11. Les Responsa de diversis,
pour leur part, témoignent d’un échange épistolaire entre le moine
reclus et un « jeune frère », adolescens frater12. D’autres de ces
scedulae sont de véritables manuels polémiques, alimentant
ses partisans en citations bibliques appropriées et en questions à
poser à l’adversaire pour l’acculer dans la contradiction13. Enin,
on trouve dans certaines de ces scedulae de véritables appels à
la désobéissance civile, à destination des clercs subalternes qui
sympathisaient avec les thèses du moine condamné : Gottschalk
argue, à cette in, de la soumission des autorités séculières à Dieu14.
On se propose de tirer les conséquences des observations de
Gillis en redécoupant les opuscules théologiques de Gottschalk
dans leur intégralité. À cette in, il faut être attentif, d’une part aux
« embrayeurs » et autres marqueurs énonciatifs qui trahissent le
contexte de rédaction des scedulae et permettent de les distinguer
les unes des autres15 ; d’autre part, à l’analyse codicologique fournie
par Lambot, en particulier l’index des incipit. Ce redécoupage, que
l’on trouvera en annexe, s’entend comme un instrument de travail
au service des historiens. Mais on entend en tirer déjà ici les leçons
en matière d’histoire sociale des controverses. La nature et l’impact
des débats doctrinaux carolingiens sont contestés. Selon une
hypothèse minimaliste, le débat carolingien est le fait d’une mince
élite lettrée et cléricale, excluant la possibilité qu’un plus vaste
public de simples clercs et de laïcs ait pu constituer une opinion
publique16. Un examen approprié des scedulae de Gottschalk offre
11. Gillis, Gottschalk of Orbais, p. 282-3 et 294 (Œuvres théologiques, p. 81-130).
12. Ibid., p. 293.
13. Ibid., p. 314-5 (Œuvres théologiques, p. 229-31 et 238-9).
14. Ibid., p. 308-13 (Œuvres théologiques, p. 96-9, 251 et 412).
15. R. Jakobson, Shifters, verbal categories and the Russian verb, Harvard
University, 1957 (repr. in Russian and Slavic Grammar, Studies 1931-1981,
L. R. Waugh and M. Halle ed., Berlin, De Gruyter, 1984 (« Janua Linguarum.
Series Maior », 106), p. 41-58) ; Émile Benvéniste, « L’appareil formel de
l’énonciation », in Problèmes de linguistique générale, II, Paris, 1974, p. 79-88
(rééd. de Langages, 17, 1970, p. 12-8).
16. Margaret Gibson, « The Continuity of Learning circa 850-circa 1050 »,
Viator, 6, 1975, p. 1-14 ; David E. Luscombe, « Dialectic and Rhetoric in the
Ninth and Twelfth Centuries : Continuity and Change », Dialektik und Rhetorik
30
WARREN PEZÉ
un argument de poids à la thèse adverse, maximaliste17. Dans un
premier temps, on décrira les plus importants de ces ensembles
de scedulae en cernant le public auquel elles s’adressent. Nous
en tirerons ensuite les enseignements quant à la culture du débat
à l’époque carolingienne. Il sera fait référence, dans la suite de
l’article, au redécoupage en annexe avec les numéros de pages de
l’édition Lambot et, entre crochets, la numérotation des opuscules
par Lambot. Je m’abstiens d’introduire une nouvelle numérotation :
les numéros de page sufisent.
Les SCEDULAE de Gottschalk et leur public
Dom Lambot s’est efforcé d’identiier de grandes collections (De
diversis, De Trinitate, De praedestinatione…). En l’état, celles-ci
sont confuses et contiennent nombre de redites et de remplois,
soit avec d’autres collections, soit avec les deux opuscules
grammaticaux. Pour une part, la confusion de l’ensemble témoigne
de l’histoire mouvementée des papiers personnels de « l’hérétique »,
dont on ignore tout, sinon qu’elle fut copiée sans nom d’auteur à
Reims à la in du ixe siècle18. Mais c’est aussi, pour une part, le fruit
im früheren und hohen Mittelalter. Rezeption, Überlieferung und gesellschaftliche
Wirkung antiker Gelehrsamkeit vornehmlich im 9. und 12. Jahrhundert, Johannes
Fried ed., Munich, Oldenbourg, 1997 (« Schriften des Historischen Kollegs,
Kolloquien », 27), p. 1-20 ; Leidulf Melve, Inventing the Public Sphere. The
Public Debate during the Investiture Contest (c. 1030-1122), Leiden, Brill, 2007
(« Brill’s Studies in Intellectual History », 154), p. 50-3 ; « “Even the very laymen
are chattering about it” : the Politicization of Public Opinion, 800-1200 », Viator,
44/1, 2013, p. 25-48 (p. 28-31) ; Sita Steckel, Kulturen des Lehrens im Frühund Hochmittelalter : Autorität, Wissenskonzepte und Netzwerke von Gelehrten,
Cologne, Böhlau, 2011 (« Norm und Struktur », 39), p. 515-68.
17. En plus de Gillis, Gottschalk of Orbais, voir David Ganz, « Theology and
the organisation of Thought », New Cambridge Medieval History, t. II, Rosamond
McKitterick ed., Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 758-85 ; Klaus
Zechiel-Eckes, Florus von Lyon als Kirchenpolitiker und Publizist, Stuttgart,
Thorbecke, 1999 (« Quellen und Forschungen zum Recht im Mittelalter », 8) ; Florence
Close, Uniformiser la foi pour unifier l’Empire. Contribution à l’histoire de la pensée
politico-théologique de Charlemagne, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2011
(« Mémoire de la classe des lettres de l’académie royale de Belgique », 59/2081).
18. Les opuscules ne portent aucun nom d’auteur dans le ms. Berne 584
(Lambot, Œuvres théologiques, p. xii-xiv). Le manuscrit 83, contenant les opuscules
grammaticaux, eux aussi transmis anonymement, a été également copié à la fin du
ixe siècle, et non du xe, comme le montre John Contreni, « The Laon Formulary
and the cathedral school of Laon at the beginning of the tenth century », Learning
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
31
de la méthode de Gottschalk. La quantité de remplois montre que le
Saxon disposait d’un stock de iches toutes prêtes, qu’il remployait
dans sa correspondance selon les besoins de sa démonstration.
Les Responsa de diversis
Les Responsa de diversis sont une compilation de lettres et
scedulae, adressée à un mystérieux censeur, comme l’a bien
montré Jean-Paul Bouhot19. Le censeur est un supérieur (abbé ou
évêque, sans doute) de Gottschalk, qui semble bien le connaître
(et me habeatis deinceps ideliorem…), avec qui il semble
avoir correspondu (de omnibus quae recolere potestis memoria
laudabili…) ; il le prie de le corriger en annotant directement le
livret (istis in quaternionibus id inserentes). La compilation
est précédée d’une table des matières qui correspond très
imparfaitement au contenu, qui n’est d’ailleurs pas numéroté, ce
qui rend malaisé de faire correspondre les textes à ladite table
des matières20. Le dix-huitième texte numéroté par C. Lambot dit
répondre à « la première question » d’un correspondant, ce qui
montre bien que Gottschalk a rassemblé pour son censeur une série
de papiers d’origines diverses21.
Les raisons qui ont poussé Gottschalk à compiler toute une
série de scedulae, d’y accoler un sommaire et de les adresser à un
and Culture in Carolingian Europe. Letters, Numbers, Exegesis and Manuscripts,
Hampshire, Ashgate : Variorum, 2011, p. 1-14 (1-5, sur les liens entre Laon et
Reims). Le nom du prévôt de l’abbaye de Rébais, mentionné par Gottschalk p. 170,
a été gratté dans le manuscrit (f. 51v), ce qui semble indiquer que c’était encore
un sujet sensible pour les moines de Reims un demi-siècle plus tard. On trouve un
obèle dans la marge, signe critique désignant les passages corrompus.
19. Jean-Paul Bouhot, Ratramne de Corbie, Histoire littéraire et controverses
doctrinales, Paris, Études augustiniennes, 1976, p. 43-5. Cf. Lambot, Œuvres
théologiques, p. 131-2.
20. Comparer par exemple les titres [xxviii-xxi] (Lambot, Œuvres théologiques,
p. 131) au texte afférent (p. 171-9).
21. Ibid., p. 171 : Noveris care primam profundam abtidam quin ut omnino
scis arduam quaestionem tuam… La question que Gottschalk désigne ici comme
la « première » est, dans le sommaire p. 131, la dix-huitième. Que Gottschalk soit
l’auteur du sommaire ne fait pas de doute, au vu de certaines formulations : De
trina deitate et una, quae est sicut firmissime teneo et veraciter credo trina in
personis, una in deitate substantiae, vel in unitate naturae […] absint insta, vos
autem respondete rectiora. Gillis, Gottschalk of Orbais, p. 293, note 44, estime
que la table des matières est le questionnaire du correspondant de Gottschalk ;
l’argumentation de Bouhot (non cité par Gillis) est plus convaincante.
32
WARREN PEZÉ
personnage puissant sont encore largement hypothétiques, mais
ont sans doute un lien avec les débats sur la nature de l’âme à la
cour de Charles le Chauve dans les années 85022. C’est l’étape
antérieure, c’est-à-dire les différentes lettres qui composent le
recueil, qui nous intéresse ici23. Le destinataire de la plupart des
lettres est un homme que Gottschalk tutoie, à la différence du
censeur qu’il vouvoie. Cet homme l’a consulté sur plusieurs
questions : les scedulae sont des réponses, soit de remploi, soit
rédigées pour l’occasion24. Il s’agit d’une personne avec qui
Gottschalk a de la familiarité ; le Saxon prononce pour lui une
prière et parle de lui comme d’un jeune frère (adolescens frater)25.
Cette unanimité se traduit par l’emploi occasionnel de la première
personne du pluriel.
À certains moments, l’énonciation passe du tutoiement au
vouvoiement. Cela signiie-t-il que Gottschalk a changé de
correspondant ? Non : ses correspondants sont seulement plus
nombreux. On s’en aperçoit en particulier dans une séquence de
trois scedulae, rédigées l’une après l’autre à quelques jours de
distance. Dans la première (p. 162-4), Gottschalk répond à une
question posée par son interlocuteur : est-ce que les prophètes
païens ont reçu le don de l’Esprit Saint ? Selon le Saxon, les
réprouvés peuvent être touchés par l’Esprit sans pour autant le
recevoir. Quelques jours plus tard (nuper, écrit-il), il reprend la
plume pour partager une nouvelle idée (p. 164-5) : les prophètes
antiques peuvent être mus par les démons, à l’instar de la
prophétesse en Ac, 16, 16-8. Cette fois, il utilise le vouvoiement ;
et promet d’envoyer bientôt un texte plus détaillé à l’aide du
commentaire de l’Ambrosiaster sur Paul. Plusieurs jours plus tard,
il expédie la scedula promise (p. 166-71). Il s’excuse de s’être
fait désirer, toujours en vouvoyant ; on lui a soustrait le volume
22. Bouhot, Ratramne, p. 43-5.
23. Gillis, Gottschalk of Orbais, p. 293, a fourni une analyse du contenu de ces
Responsa ; tout en remarquant fort justement qu’il s’agit d’un recueil de lettres
échangées avec des moines, il confond l’adolescens frater (p. 149-50) avec le
censeur anonyme (que Gottschalk vouvoie).
24. C’est le cas, semble-t-il, des chapitres 1, 2 et 5 qui revêtent, dans le
sommaire, la forme d’une question correspondant parfaitement au contenu.
Gottschalk affirme dans le chapitre 1, p. 132, que son correspondant lui a posé
plusieurs questions : quaestiones tuas.
25. Ibid., p. 149-50. Cela contredit la thèse de Gillis que Gottschalk n’a pas de
relation personnelle avec son correspondant (Gottschalk of Orbais, p. 294).
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
33
de l’Ambrosiaster qu’il convoitait26. Il a dû se rabattre sur le
commentaire de Bède sur les Actes des Apôtres.
Ici, Gottschalk s’adresse à un moine et, à travers lui, aux
frères qui l’entourent. Il connaît ces personnes et se permet
des conidences : dans la troisième scedula citée (p. 169-70),
on trouve le récit, tiré des pérégrinations de Gottschalk dans les
Balkans (années 840), d’une bataille entre le duc croate Trpimir
et les Byzantins en Dalmatie ; une anecdote sur un médecin de
Spolète venu à Rébais ; une anecdote également sur la vision de
Wettin de Reichenau – monastère où Gottschalk avait étudié
dans les années 820. Ces expériences personnelles, inutilisables
en controverse, montrent que la consultation n’a pas d’arrièreplan polémique. Au terme de ce dernier courrier, Gottschalk peut
écrire à ses correspondants : « je pense que vous avez maintenant
un commentaire bien sufisant de la question que vous m’avez
proposée il y a maintenant quelque temps »27. Cet échange de
textes courts, à plusieurs jours d’intervalle, illustre de manière
concrète la relation entretenue par Gottschalk avec un groupe de
moines. Ils le consultent et, malgré les vissicitudes de sa réclusion,
il leur fait parvenir ses réponses.
Pour le Saxon, une lecture peu soigneuse de la Bible et des Pères
est l’origine de l’hérésie, ce qui l’amène à donner des instructions
de lecture à ses disciples28. Il recommande à un ou plusieurs
destinataires des scedulae des Responsa de diversis une série
d’ouvrages29. La plupart sont les textes les plus commentés de la
26. Ibid., p. 166.
27. Ibid., p. 171.
28. Ibid., p. 269 : Ne quaeso frater indigneris quod ut ea quae de deo dicuntur
diligenter et intellegenter legas frequenter et humiliter admoneris, quia multos
malo voto vides per peccatum legere et ob id consequenter prout merentur propter
poenam peccati male coguntur intellegere.
29. Ibid., p. 146 : Lege primum librum Retractationum, tunc enim cernes
atque discernes […] inspice Aethimologiam […] p. 151 : Unde si plura vis nosse,
Enchyridion et Ypommisticon sancti Augustini lege et tres libros ipsius De
libero arbitrio et duas eius epistolas ad Valentinum et librum De gratia et libero
arbitrio […] et librum De correptione et gratia et omelias eius In evangelium
secundum Iohannem […] p. 152 : Lege si vis etiam In canticum canticorum
ultimum librum Bedae. […] Lege Expositionem beati Ambrosii in epistolam ad
Romanos et Iohannis Chrisostomi De alligatione asinae et canones ducentorum
quatuordecim episcoporum quorum unus fuit sanctus Augustinus contra heresim
Pelagii et Caelestii et tres epistolas Afrorum episcoporum ad papam Innocentium
et tres eiusdem ad eosdem atque decreta Caelestini papae ad omnes episcopos
34
WARREN PEZÉ
querelle, à savoir : les traités d’Augustin sur la grâce et le librearbitre, avec les Retractationes30, l’Enchiridion, l’ultima pars de la
Cité de Dieu31, la plupart des monuments de la controverse sur
la grâce du ve siècle, c’est-à-dire les actes du concile de Carthage de
418, les lettres des évêques d’Afrique à Innocent Ier et ses réponses32,
les décrétales de Célestin aux évêques de Gaule33, les traités de
Prosper d’Aquitaine et, enin, les traités de Fulgence. Il recommande
également des œuvres moins directement liées à la prédestination
mais pourtant citées par les controversistes : la dernière partie des
Moralia in Job de Grégoire le Grand34, ses homélies sur Ézechiel35,
Le commentaire sur les Actes des apôtres de Bède36, le commentaire
de l’Ambrosiaster sur l’épître aux Romains37, le commentaire
Galliae, et Casiodorum In psalmos […] et librum Prosperi contra conlationem
Casiani quae praenotatur De protectione dei et Responsiones eius ad Gallos
Genuenses et Vincentinos et eius Epistolam quae est in capita ad Rufinum et
ultimam partem Moralium sancti Gregorii et primam In Hiezechihelem […]
lege in Enchyridion totum capitulum sub titulo De amissione liberi arbitrii…
p. 155 : lege librum sancti Fulgentii… p. 163 : […] lege sanctum Augustinum
in secunda parte De civitate dei […] quaeso quod legas Bedae Commentum in
actus apostolorum ubiubi quiuerit reperiri, etc. – Je ne commente, dans les notes
suivantes, que les œuvres dont le rapport avec la double prédestination est le
moins évident.
30. Citées par Ratramne (PL 121, col. 68), Prudence (PL 115, passim), Loup
(PL 119, col. 661), Florus (Liber de tribus epistolis, in Flori Lugdunensis opera
polemica, Klaus Zechiel-Eckes et Erwin Frauenknecht ed., Turnhout, Brepols,
2014 (« Corpus christianorum continuatio mediaevalis » [CCCM] 260), p. 453-4)
Hincmar (PL 125, passim).
31. La Cité de Dieu était souvent répartie en deux tomes (I-XV, XVI-XXII).
On trouve dans le dernier livre une référence à la prédestination au châtiment qui
n’a pas échappé, par exemple, à Loup de Ferrières (PL 119, col. 648).
32. Citées plusieurs fois par Prudence (PL 115, col. 1073, 1077, 1115).
33. Dont Florus a réalisé une compilation préservée dans le ms. Gand,
UB, 249 ; voir Pierre Chambert-Protat, « Le travail de Florus de Lyon sur
la prédestination : un état de la documentation conservée. Avec un dossier
d’extraits patristiques resté inédit », La controverse carolingienne sur la double
prédestination : histoire, textes, manuscrits, actes du colloque des 11-12/10/2013,
id., Jérémy Delmulle, Warren Pezé et Jeremy C. Thompson ed., Paris, Études
Augustiniennes, à paraître.
34. On sait que les Moralia étaient découpées en tranches de cinq livres. La
dernière partie comprend les derniers livres à partir du vingt-septième. Ils sont
fréquemment cités, dès Ratramne, dont on a conservé le manuscrit personnel :
Paris, BNF, latin 12248.
35. Citées par Prudence (PL 115, en particulier col. 1183-5), Loup (PL 119,
col. 662), Hincmar (PL 125, passim).
36. Hincmar, PL 125, col. 300 et passim.
37. Cité en particulier par Prudence (PL 115, col. 1185) et Hincmar (PL 125,
passim).
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
35
de Cassiodore sur les psaumes38… Quasiment toutes les œuvres
conseillées par Gottschalk à son correspondant sont parmi les plus
citées des controversistes. Mieux : il met son lecteur en mesure
de retrouver le manuscrit d’un auteur dont le nom lui échappe, en
précisant qu’il l’a lu jadis à Orbais ; que le manuscrit contient une
compilation dont il a oublié le détail ; et que, fort ancien, il est relié
de cuir noir39. Le correspondant était, sinon moine d’Orbais, du
moins en mesure de s’y rendre pour retrouver le codex.
Le De praedestinatione
Les fragments réunis sous le titre De praedestinatione
(p. 180-258), constituant ce qui semble être le plus long « traité »
de Gottschalk, inspirent des rélexions de même nature. La
compilation est encadrée, dans le manuscrit, par le titre De
praedestinatione et par un explicit de praedestinatione (p. 180
et 258)40. Il est impossible de savoir si ces titres relèvent de
l’initiative des copistes ou bien de Gottschalk. En revanche, il est
sûr que cette compilation a été au moins partiellement constituée
par le Saxon lui-même. On trouve en son centre une exhortation
au lecteur, au ton conclusif (p. 212-7), qui porte sur des aspects
techniques de la controverse sur la prédestination : la volonté de
salut restreinte (Dieu a-t-il voulu le salut des réprouvés, comme
le laisse penser I Tim 2, 4, ou n’a-t-il voulu le salut que de ceux
qu’il sauve réellement ?) et la rédemption des réprouvés (dans
quelle mesure peut-on parler de rédemption pour ceux que Dieu
ne sauve pas ?). Cette exhortation fait référence « aux témoignages
ci-dessus » (p. 216), montrant qu’il y a là un lorilège cohérent. La
dificulté est de savoir jusqu’où ce « ci-dessus » remonte : jusqu’au
titre De praedestinatione (p. 180) ? C’est peu probable vu le
nombre de textes ne concernant en rien la prédestination (Trinité,
grammaire…) qui s’y sont glissés (p. 190-1 [10], 193-4 [12],
38. Lui aussi cité par bien des controversistes : Ratramne (PL 121, col. 55),
Prudence (PL 115, en particulier la chaîne de citations col. 1310, et passim),
Hincmar (PL 125, col. 145 et passim).
39. Lambot, Œuvres théologiques, p. 175 : nomen ipsius Orbacis olim legi in
quodam uetusto libello cum ipso illius opusculo, inter cetera multa quorum tamen
nulla plus recolo, qui libellus nigra prorsus est pelle contectus.
40. Dans le manuscrit, le titre se trouve au pied de la page précédant l’incipit,
f. 56v.
36
WARREN PEZÉ
194-6 [13], 196 [14], 197 [15]). Ou bien jusqu’à la série d’extraits
et de témoignages sur la prédestination commençant plus bas,
p. 197 [VIII] – hypothèse la plus probable ? À moins que le
« ci-dessus » ne concerne que la courte compilation précédant
le passage conclusif (p. 209-12 [VIII, 7-X, 1]) ? De même, les
scedulae suivantes [XI-XVIII] se rattachent, pour la plupart,
au thème de ce passage central, c’est-à-dire la rédemption
des réprouvés, et relètent sans nul doute une compilation
intentionnelle de Gottschalk ; mais à cette compilation sont venus
se mêler, à cause de l’histoire chaotique du dossier, des feuillets
qui ne concernent en rien la prédestination (voir surtout p. 245-7).
Il faut, ici aussi, nous concentrer sur les scedulae compilées par le
Saxon et relétant une étape antérieure de son travail.
Celles-ci sont adressées à plusieurs individus et à leur
entourage. Il y a des remplois : Gottschalk n’aurait pas adressé les
mêmes textes aux mêmes personnes dans la même compilation.
Le tutoiement indique que les destinataires sont aussi proches
de Gottschalk que ceux des scedulae composant les Responsa
de diversis. Le Saxon dit tantôt « cher ils », tantôt « frère ».
Le destinataire mérite, lui aussi, des anecdotes sur le passé de
Gottschalk, en particulier une référence au séjour en Dalmatie dans
les années 840 (p. 208). Des références au chant liturgique laissent
discerner un moine entouré de sa communauté41. Gottschalk
propose les problèmes et leurs solutions à son correspondant, qu’il
s’agisse de la Trinité, de grammaire ou de liturgie42. Il a déjà écrit
à son destinataire43. On trouve des références à des écrits perdus
de sa plume que connaît son lecteur44.
41. Ibid., p. 181 : illa quam de sancta cruce antiphona debita veneratione
cantatis… ; p. 195 : inde male fecit qui hoc ultimum testimonium in propheta
depravando corrupit, vos autem bene feceritis id corrigendo ; p. 232 : notissimum
vobis est…
42. Ibid., p. 193 : Ni post pharisaea convivia superfuisset cenae, nihil prorsus
hinc a me tibi quaestionis proponeretur quia scilicet nihil esset quod exponeretur.
Manet ergo nunc quaestio quae per iunctionem seu reiunctionem sui soluitur…
Cf. les parallèles avec les opuscules grammaticaux ; par exemple p. 190 et 422 ou
p. 180 et 479.
43. Ibid., p. 250 : sicut facile reminisci potes… Voir aussi p. 194.
44. Ibid., p. 237 (opuscule 14) : Quantum, inquam, differant inter se hae salutes
duae, meministi me prout puto luce clarius alibi dixisse decreuisse distinxisse.
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
37
La compilation De Trinitate
La compilation intitulée par Lambot [De trinitate, XIX] combat
la thèse que trois Esprits ontologiquement distincts coexistent en
la Trinité, et défend la thèse contraire que l’Esprit Saint est un et trine.
Elle se compose d’une longue disputatio (p. 260) qui a sa propre
conclusion (p. 271), puis d’une série d’excerpta de la lettre 238
d’Augustin. La cohérence est assurée par la conclusion où il est fait
référence aux excerpta et « à tout ce qui les précède », et où le thème
est rappelé. L’ensemble est adressé à un « très cher frère » (p. 278),
visiblement proche de Gottschalk45. Cet ami lui a adressé une question
portant sur un passage du Commentaire sur l’épître aux Galates de
Jérôme afirmant que la Trinité est composée de trois Esprits46.
Dans le détail, la disputatio se compose de feuillets écrits l’un
après l’autre et assemblés en liasse, comme le montre un feuillet
sur le baptême, totalement hors-sujet, qui s’est glissé au milieu
d’eux par mégarde (p. 262-4). Elle est placée sous le signe de
la surenchère. Chaque fois qu’il conclut l’un de ses textes, ainsi
après un premier feuillet : suficit deo gratias, amen (p. 260),
Gottschalk reprend bientôt la plume pour rajouter des preuves, de
crainte que le passage précédent ne sufise pas (si… non suficiat,
p. 260 ; quod si putas nimium, p. 261…). Il craint que la thèse des
trois Esprits ne se répande parmi les simples moines ou qu’une
polémique n’éclate – il est pourtant clair que celle-ci n’a pas
éclaté47. Dans ces années de polémique généralisée, la psychose de
la controverse est, ici, évidente. Après avoir conclu sa disputatio
sur un dernier message au frater, Gottschalk ajoute une adresse à
« tout lecteur » (quisquis haec legerit…, p. 272) ouvrant la série
d’extraits de la lettre 238 d’Augustin. Cette énonciation ouverte se
retrouve dans la conclusion générale, p. 278. On voit ici comment
Gottschalk non seulement ouvre sa réponse à un public plus large,
45. Cf. ibid. p. 266 : proinde germaniter precor pariter et hortor ut nullo
modo fastidias medullitus audire quae loquor, quia prorsus amore veritatis atque
fraternae caritatis tam multifarie, ne non intellegatur, quae nimis necessaria
conspicor haec supradictis adicere compellor.
46. Ibid., p. 259.
47. Ibid., p. 261 : quod si putas nimium, multi tamen sunt alii quibus
consulendum censui, ne sibi faterentur esse modicum ; p. 267 : praeterea si post
haec omnia, vel ipse cogitaveris vel tibi forte dixerit aliquis ideo tres esse in
trinitate spiritus etc. Cette dernière phrase montre bien qu’il n’y a pas de conflit.
38
WARREN PEZÉ
mais aussi transforme la consultation de son correspondant en
polémique contre des détracteurs putatifs – sans raison apparente.
La dimension hérésiologique est évidente48.
Autres opuscules de Gottschalk
Les deux scedulae et la collection patristique sur l’âme
[Quaestiones de anima, XXI] (p. 283-91) sont aussi le relet du
public élargi de Gottschalk. Celui-ci dresse un bilan de la rélexion
patristique sur l’épineuse question de la transmission de l’âme avant
de proposer sa propre solution49. Il s’adresse à toute une communauté,
en particulier dans un passage aux accents protoromans :
Je vous prie pourtant, à cause du Seigneur, que vous teniez secret
cet écrit chez vous, pour aussi longtemps que je serai dans cet état,
parce que cela fait six ans cette année que ce fait m’a été manifesté par
le seigneur Dieu, et j’ai fait le vœu d’en écrire un livre, pour autant que
cela lui plairait, avec son aide et sa commisération50.
La scedula de seminibus animatis est adressée à un ami à qui il a
déjà écrit sur cette question51. La plupart des scedulae et fragments
compris dans la compilation artiicielle qui suit [De diversis,
XXIII] ont des destinataires différents, tantôt une communauté
(p. 299), tantôt un ami et son entourage (p. 312-3). Le De corpore
et sanguine Domini est un traité rédigé contre le traité de même
titre de Paschase Radbert, connu aussi par un manuscrit postérieur
d’Hériger de Lobbes. Les opuscules théologiques s’achèvent avec
plusieurs scedulae sur la prédestination et la rédemption (p. 338-46).
Les correspondants de Gottschalk
Concluons sur la question du public. La majorité des opuscules
de Gottschalk ne sont pas, à l’exception du De corpore et sanguine
48. Ibid., p. 278 : Arbitror frater karissime non modo tibi uerum cunctis
etiam minus capacibus, non quidem duris et contentiosis hereticis sed mitibus et
humilibus corde catholicis et orthodoxis…
49. Cf. à ce sujet Gérard Mathon, L’anthropologie chrétienne en Occident de saint
Augustin à Jean Scot Érigène, Lille, Faculté de théologie, 1964 (thèse dactylogaphiée,
utilement résumée dans « Les attitudes de quelques théologiens carolingiens en face
des indéterminations augustiniennes en matière d’anthropologie », Mélanges de
science religieuse, 22/1, 1965, p. 33-44).
50. Lambot, Œuvres théologiques, p. 290 (remarquer habeo factum votum).
51. Ibid., p. 291 : uel uti recordaris et scripsi.
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
39
Domini, des traités à la manière de Ratramne ou Prudence, mais des
compilations de scedulae, de brouillons remployés, de collections
de citations bibliques et patristiques, assorties de développements
propres et, parfois, de passages « architectoniques » assurant
leur cohésion. Ces compilations sont pour la plupart adressées à
des moines proches du reclus et à leur entourage direct. Dans
le De praedestinatione, le Saxon écrit : « l’antienne que vous
chantez… »52. À nouveau, dans l’opuscule De trinitate, il fait
référence au chant monastique pratiqué par son destinataire53. Dans
les opuscules grammaticaux, il écrit que son destinataire entend
la messe tous les jours54. Les références à la pratique liturgique
trahissent un milieu monastique.
Ces correspondants étaient-ils d’Hautvillers, ou d’autres
monastères ? C’est une question dificile. « L’ami » auquel sont
adressés les Responsa de diversis peut-être originaire d’Hautvillers
ou d’Orbais. Gottschalk écrit « ici » au lieu du nom de son
monastère et il décrit, on l’a vu, un livre se trouvant à la bibliothèque
d’Orbais55. De même, le destinataire des textes composant le De
praedestinatione doit comprendre des allusions à l’abbé Halduin
d’Hautvillers, déposé en 85356. Cela étant, Gottschalk n’écrit pas
toujours aux mêmes personnes. Il n’aurait pas remployé trois
fois le même extrait avec le même correspondant57. On trouve un
même passage sur les syllogismes dans les Responsa de diversis,
la scedula De syllogismis de la compilation De praedestinatione,
et chacun des deux opuscules grammaticaux58 ! S’il ne s’agit
pas de moines d’Hautvillers, ils peuvent tout du moins venir de
52. Lambot, Œuvres théologiques, p. 181.
53. Ibid., p. 266 : quemadmodum canis etiam crebro […] frequenter etiam per
singulos dies immo cursus [NB : heures canoniales] audis…
54. Ibid., p. 458 : quod audis ad missam cotidie.
55. Ibid., p. 156.
56. Ibid., p. 204-6 : Gottschalk remploie tout un paragraphe déjà cité
p. 180, sans y faire aucunement allusion, ce qui montre l’absence d’unité du De
praedestinatione tel qu’édité par Lambot. Il est fait référence ici à un corrector
immo corruptor qui est certainement Halduin d’Hautvillers, déjà vilipendé pour
ses corrections liturgiques dans les Responsa de diversis (p. 142). Une autre
allusion à une correction indue, cette fois de la Bible, se trouve p. 195. Sur la
déposition d’Halduin, voir Martina Stratmann, Hinkmar als Verwalter von Bistum
und Kirchenprovinz, Sigmaringen, Thorbecke, 1991 (« Quellen und Forschungen
zum Recht im Mittelalter », 6), p. 57.
57. Par exemple, ibid., p. 301-2, 313-4 et 478-9.
58. Ibid., p. 155-6, 206-7, 419 et 459-60.
40
WARREN PEZÉ
monastères où Gottschalk a séjourné, comme Orbais ou Rébais
– la liste pouvant sans doute être allongée : il y a dix abbayes
et couvents dans le diocèse de Reims du temps d’Hincmar59.
En somme, les œuvres éditées par dom Lambot révèlent la
correspondance quotidienne que Gottschalk entretenait avec
les moines d’Hautvillers et des monastères environnants ; elles
montrent aussi que par l’intermédiaires d’amis, Gottschalk pouvait
transmettre à des communautés entières de courts textes sur
la Trinité ou la prédestination.
Des manuels de polémique
La correspondance entre Gottschalk et ses soutiens fait la part
belle au débat. Il relate au destinataire des Responsa de diversis une
discussion avec l’abbé Halduin d’Hautvillers venu le visiter dans
sa cellule60. Ce dernier répète la thèse du notaire royal Énée, inspiré
de Jean Scot Érigène, que l’on ne peut interpréter Augustin qu’avec
l’aide de la dialectique61. Gottschalk, exaspéré qu’on lui répète
l’argumentation de l’Érigène comme un perroquet, cite un passage
du commentaire de Jérôme sur l’épître aux Galates où l’auteur
applique un syllogisme à un passage de saint Paul ; il montre ainsi
sa maîtrise de la logique et, à le croire, laisse Halduin bouche
bée62. De même, il rapporte un débat succédant à une assemblée
rémoise de date inconnue : Gottschalk y réfute les arguments d’un
adversaire anonyme qui afirme que l’Esprit Saint a du sang63. Il lui
donne le surnom de Faustus manicheus, célèbre adversaire de saint
Augustin ; comme dans le cas de l’opuscule [De Trinitate, XIX],
la dynamique hérésiologique joue à plein. Gottschalk transcrit
enin, dans l’opuscule De trina deitate, une question qu’il afirme
59. Martina Stratmann, Hinkmar von Reims, p. 57.
60. Lambot, Œuvres théologiques, p. 156-7.
61. Sur le notaire Énée, voir Georges Tessier, Recueil des actes de Charles II
le Chauve roi de France, III, Paris, Imprimerie nationale, 1955, p. 60-4.
62. Le Commentaire de Jérôme sur l’épître aux Galates est souvent cité pendant
la controverse prédestinatienne. Plusieurs notes du cercle de Prudence dans le ms.
Cambridge Mass., Houghton Library, fMS Typ 495 insistent sur la dialectique
(f. 74r, 98r) ; cf. Warren Pezé, « Deux manuscrits personnels de Prudence de
Troyes », Revue Bénédictine, 124, 2014, p. 114-50.
63. Lambot, Œuvres théologiques, p. 298.
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
41
« avoir l’habitude de poser souvent, lorsqu’[il] débat »64. Tous ces
textes campent Gottschalk en virtuose du débat, virtuosité, nous le
verrons plus loin, qu’il n’usurpe pas.
Ces récits de dialogues peuvent être comparés à un autre genre
de documents qu’il fait circuler : des manuels de polémique. Ces
manuels rédigés sur de courtes scedulae devaient servir de support
dans les discussions. Elles montrent à quel point la culture du
débat avait pénétré profondément dans le cloître. En voici quelques
exemples. L’opuscule [XII] de Lambot, consacré à la question
très discutée de la rédemption des réprouvés, est une courte
scedula de quatre pages repérée par Gillis. Elle revêt la forme d’un
interrogatoire ictif : le lecteur de Gottschalk est invité à appliquer
ce manuel dans une situation de débat avec un contradicteur. C’est
un précieux témoin de la pénétration du débat doctrinal dans la
culture monastique. Une véritable maïeutique de controverse y est
à l’œuvre. Elle est bâtie sur une habile alternance de questions et
d’objections fondées chaque fois sur une citation biblique. À la in
du questionnement, le contradicteur est contraint d’accepter, à la
lumière du cas des réprouvés baptisés, et après un dédale de citations,
que le baptême ne fait pas participer à la passion rédemptrice :
J’aimerais pourtant ajouter ceci, pour donner un bon conseil à
cet infâme vaurien : auquel des deux mondes du juste jugement de
Dieu pense-t-il qu’appartiennent les réprouvés baptisés ; au monde
réconcilié et puriié, ou au monde ennemi, accusé et condamné ? S’il
dit qu’ils appartiennent au monde réconcilié, sauvé et puriié, dis-lui :
« Alors, ils sont réconciliés, sauvés et puriiés par la mort du ils de
Dieu et du coup, ils seront sauvés par lui de la colère (Rm 5, 9) » ?
Si, bon gré mal gré, il reconnaît que c’est faux et qu’il répond qu’ils
appartiennent au monde ennemi, accusé et condamné, pousse-le dans
ses retranchements et réfute-le en toute coniance, avec le sourire : « Eh
bien, que tu veuilles ou non, tu es enin forcé de croire, comprendre
et confesser que le Christ, ils de Dieu, n’a pas racheté les réprouvés
baptisés par son sang, et ne les a ni réconciliés, ni sauvés, ni puriiés »65.
64. Ibid., p. 86-7 : Unde crebro sic solebam et soleo dicere disputando…
65. Ibid., p. 230 : Addere tamen et istud uolo prudenter illum nequissimum
nebulonem consulendo, ad quem duorum mundorum reprobos baptizatos pertinere
putet iusto dei iudicio, utrum uidelicet ad mundum reconciliatum atque mundatum
an ad mundum inimicum damnatum inquinatum. Si pertinere dixerit eos ad
mundum reconciliatum saluatum atque mundatum, dices ei : Ergo reconciliati
saluati atque mundati sunt per mortem filii dei et ideo salui erunt ab ira per ipsum ?
Quod si uolens nolens uiderit atque dixerit non esse uerum ac per hoc responderit
eos pertinere potius ad mundum inimicum damnatum inquinatum, infer ipse
consequenter et eum coartando confuta dicens hilariter atque fidenter : Igitur
42
WARREN PEZÉ
Le dialogue se répète dans l’opuscule De reprobis baptizatis,
adressé à un ami, qu’a aussi repéré Gillis. Après l’avoir averti des
passages bibliques qu’il doit opposer à ses adversaires66, Il dresse
un interrogatoire ictif. S’ils afirment que Dieu ne sauve que ceux
qui le veulent, il faut leur demander : pourquoi Dieu sauve-t-il des
nouveaux-nés qui pleurent à leur baptême et montrent tous les
signes du refus ? Il faut leur demander : pourquoi Dieu ne sauvet-il pas les tout-petits réprouvés, qui n’ont ni voulu, ni refusé leur
baptême ? Dieu semble plus bienveillant à l’égard des adultes,
qu’il veut sauver même s’ils ne le veulent pas, qu’à l’égard des
tout-petits qu’il ne veut même pas sauver67 !
Cette dernière phrase est d’un humour grinçant, condiment dont
Gottschalk assaissonne volontiers ses dialogues. Il lui plaît de
ridiculiser l’adversaire, comme le montrent les récits des débats
avec Faustus et Halduin. Il manie aussi cette ironie dans la Scedula
sur la Trinité, transmise à Hincmar par des clercs de Reims. On lit
une note sur l’urbana facetia et la congrua hyronia en marge d’une
pointe d’Augustin dans un manuscrit de la Cité de Dieu annoté par
un partisan de Gottschalk : l’art des saillies en contexte polémique
est soigneusement cultivé par les Carolingiens68.
La Scedula sur la Trinité transmise par le De una et non trina
Deitate d’Hincmar contient d’emblée un vaste interrogatoire.
Quiconque afirme qu’on ne peut pas dire que la déité est trine
doit être interrogé : afirme-t-il qu’elle est une naturellement ou
personnellement ? S’il répond « personnellement », il sera jugé
sabellien, avec ceux qui afirment que le Père aussi a souffert la
uelis nolis tandem aliquando credere intellegere confiteri cogeris quod Christus
filius dei nullo modo per sanguinem crucis suae redemerit reprobos baptizatos
quos non habet reconciliatos neque saluatos perpetim neque mundatos.
66. Ibid., p. 237-8.
67. Ibid., p. 239-40 : Interrogandi sunt : Cur ergo saluat paruulos infantes
quando baptizantur flentes et quantum possunt reluctantes et omnino baptizari sua
propria uoluntate nolentes ? Item similiter interrogandi sunt de paruulis reprobis
et dicendumest eis : Cur illos uicissim deus non saluat qui sicut nec uolunt ita nec
nolunt ? Ergo beniuolentiorem deum facitis erga maiores multo utique peiores
quia uult eos ipse saluari sed ipsi nolunt, quam erga paruulos sine baptismate
morientes quos ipse saluari non uult.
68. Ms. Bourges, BM, 94, f. 40v : Urbana facetia congrua hyronia devant Cité
de Dieu, II, 18, 1 (Augustin, s’indignant de l’injuste fin de Regulus, adresse une
pointe aux dieux païens : « s’ils n’en rougissent point, c’est alors vrai qu’ils sont
en bronze et n’ont pas de sang ! »). On trouve une note favorable à la trina deitas
de Gottschalk f. 44r, cf. ci-dessous.
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
43
passion ; s’il répond « naturellement », il devra alors afirmer que du
point de vue de la personne, elle est trine ; on ne peut pas, en effet,
se mettre à changer les hymnes et les livres des Pères en réécrivant
trina et una deitas en sancta et una deitas – pique ironique contre
Hincmar, qui avait fait interdire la formule trina deitas dans l’hymne
Sanctorum meritis inclyta gaudia. Cela aboutit à une catastrophe :
voilà qu’on explique aux simplices qu’on ne peut plus dire trina
deitas mais seulement una deitas69. On trouve encore des traces de
débat dans d’autres textes, mais de manière moins explicite70.
Ces interrogatoires relètent-ils la réalité des débats théologiques
des années 850 ? Ne s’agit-il pas d’un trope littéraire, qui provoque
un effet de source trompeur ? Dans la littérature de controverse
tardo-antique, le genre des questions-réponses bibliques avait
tenu une place majeure71. Ces interrogatoires-là manifestaient
l’omniprésence du débat théologique dans l’espace public. La thèse
classique est qu’à partir du triomphe de l’orthodoxie nicéenne et
la disparition des églises concurrentes, ces débats ont disparu. Les
interrogationes seraient alors devenues un genre fossile, scolaire,
qui ne relèterait en rien la réalité sociale du débat théologique.
Alcuin rédigeait bien des interrogationes qui représentent un
simulacre énonciatif, à des ins purement pédagogiques72. Cette
thèse est le corollaire de la thèse minimaliste vue en introduction ;
contrairement aux vastes controverses tardo-antiques et au
renouveau hérétique du Moyen Âge central, l’impact social des
débats carolingiens serait extrêmement faible73.
Comme on l’a vu, un découpage et une lecture appropriés des œuvres
de Gottschalk apportent des arguments de poids à la thèse inverse,
69. Lambot, Œuvres théologiques, p. 20.
70. Par exemple ibid., p. 182.
71. Par exemple, dans Augustin, De perfectione iustitiae hominis, 2, 1 et 7, 16.
72. Gustave Bardy, « La littérature patristique des Quaestiones et responsiones
sur l’Écriture sainte », Revue biblique, 41, 1932, p. 210-36 et 341-69 ; et 42,
1933, p. 14-30 (section sur les Carolingiens), 211-29 et 328-353 ; voir aussi
Alex J. Novikoff, The Medieval Culture of Disputation. Pedagogy, Practice, and
Performance, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2013, p. 25-29.
73. En plus de la bibliographie citée en introduction, citons le débat récent
sur la fin de la culture du dialogue dans le monde antique : The End of Dialogue
in Antiquity, Simon Goldhill ed., Cambridge, Cambridge University Press, 2009
(en particulier « Introduction : Why don’t Christians do dialogue ? », p. 1-12), et
la réponse d’Averil Cameron, Dialoguing in Late Antiquity, Cambridge Mass.,
Harvard University Press, 2014.
44
WARREN PEZÉ
maximaliste. Le moine reclus diffuse dans les milieux monastiques
nombre de documents relatifs aux controverses sur la prédestination
et la Trinité, et même des guides de polémique. Il faut maintenant les
inscrire dans leur contexte. Les interrogatoires de Gottschalk peuvent
être comparés à d’autres exemples d’interrogatoires en contexte de
controverse. Alcuin, à l’occasion de la controverse adoptianiste,
adresse à une aristocrate vivant en Septimanie (peut-être Gundrade,
cousine de Charlemagne) une mise en garde contre l’hérésie, avec un
modèle d’interrogatoire dont voici un passage :
Il faut lui demander ce qu’on trouve entre « vrai » et « non vrai ».
S’il répond : « rien », il faut inférer : le Christ, en tant qu’il est homme,
est ou bien vrai Dieu, ou bien non. Mais il est parfaitement absurde de
dire qu’il est Dieu mais non vrai Dieu. Ou alors, si l’adversaire a peur
de le dire, qu’il explique ce qu’on trouve entre « vrai » et « non vrai »
selon l’art de la dialectique. Il faut lui demander si une seule personne
peut être à la fois un vrai homme et un homme en peinture, c’est-à-dire
un homme non vrai. S’il dit que c’est impossible, il faut en déduire : de
même, en Christ, qui est une seule personne, il est impossible qu’il y
ait en deux natures à la fois du vrai et du non vrai74…
Ce texte relève exactement du même genre que les interrogatoires
de Gottschalk, mettant en scène des questions introduites par
interrogandum est. Comme par une arborescence, on est guidé
selon les réponses de l’interlocuteur.
Le livre était alors un support matériel à la discussion, utilisé
au plus vif des débats75. Un traité inédit rédigé contre une hérésie
christologique des années 800-810, niant la résurrection de la
chair du Christ, adopte le même mode de discussion et propose à
l’adversaire des enchaînements d’arguments étayés par des citations
bibliques. Le traité étant inédit, il vaut la peine d’en citer un passage :
74. Epistolae karolini aevi II, Ernst Dümmler ed., Berlin, Weidmann, 1895
(« MGH Epistolae » 4), n° 204, p. 337-40 (datation de la lettre en 799 par Wilhelm
Heil, Alkuinstudien 1. Zur Chronologie und Bedeutung des Adoptianismusstreites,
Düsseldorf, L. Schwann, 1966, p. 44), ici p. 339 : Interrogandum est, quid sit medium
inter verum et non verum ? Si dicit : nihil, inferendum est : ergo Christus secundum
quod homo est, aut verus Deus est aut non verus. Sed valde absurdum est dicere eum
Deum esse, sed non verum. Aut si hoc erubescit adversarius dicere, proferat quid
sit medium inter verum et non verum. Secundum artem dialecticam interrogandum
est si una persona possit esse homo verus et homo pictus, qui est non verus homo ?
Si dicit, non posse, inferendum est, nec in Christo, qui est una persona in duabus
naturis, verum esse potest, et non verum ; sed quidquid in eo est, verum est.
75. Cf. Close, Uniformiser la foi, p. 101-6. Alcuin confie aux prédicateurs
méridionaux, en 799, son Adversus Elipandum, en leur donnant des instructions
précises sur son usage pendant la prédication ; MGH Epistolae 4, n° 201, p. 333-4.
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
45
Il faut leur demander d’abord comment [le Christ] aurait pu manger
du poisson rôti et un rayon de miel (Lc 24, 42) s’il n’avait pas eu un
véritable corps ; ou bien comment les trous des clous faits dans son
corps auraient pu se transférer si vite sur un autre corps ; ou si l’apôtre
Thomas avait bien reconnu son véritable corps en touchant les endroits
des clous et de la pointe de lance, lorsqu’il dit : mon Seigneur et mon
Dieu ! (Jn 20, 28). Il faut encore leur demander : où et quand a été retiré
son corps du tombeau où il avait été placé ? Si ce n’était pas son corps
véritable, que Thomas a vu transpercé et dans lequel il a reconnu le vrai
ils de Dieu, peut-être veulent-ils dire qu’on n’a pas retrouvé son corps
au tombeau car il avait pourri, comme le font les corps humains, et
s’était décomposé ? Mais le psalmiste leur résiste : Mon corps repose
en sécurité (Ps 16, 9), et : Tu ne permettras pas que ton bien-aimé voie
la corruption (Ps 16, 10), et ceci : Il garde tous ses os (Ps 34, 21)76.
L’art du débat est, ici aussi, fort proche de celui de Gottschalk.
L’enchaînement des arguments s’articule autour de citations bibliques,
forçant progressivement le contradicteur à céder. L’interrogatoire
doctrinal correspond certes à un genre littéraire hérité de l’antiquité
et ancré dans le contexte scolaire, mais cela ne signiie pas qu’il s’agit
d’un genre fossile : il est réactivé pendant les controverses.
La culture carolingienne du débat
Ces preuves de débats oraux appuyés sur le texte biblique
appellent des remarques supplémentaires. D’une part, on sait que
76. Ms. Berlin, SBPK, Hamilton 132, f. 250r : Illis uero hereticis qui ita errant
sic respondendum est. Interrogandi sunt in primis quomodo potuisse edere de
parte piscis assi et de fauo mellis (Lc 24, 42) nisi uerum corpus habuisset, uel
quomodo tam cito potuissent uulnera clauorum que in eius corpore fuerunt facta
in aliud corpus transmutari, aut si apostolus thomas uerum corpus eius tactis locis
clauorum et punctu lancee cognouisset, quando dixit : deus meus et dominus meus
(Jn 20, 28) ? Et illud adhuc inquirendum est : ubi uel quomodo translatum fuisset
corpus eius de monumento in quod positum fuerat. Si hoc non fuit uerum eius corpus
quod thomas uidit perforatum et uerum cognouit filium dei, forsitan mallunt dicere
quod ideo non fuisset inuentum corpus eius in monumentum quia putrescens sicut
humana solent corpora ad nihilum fuisset redactum ? Sed illis contrasistit psalmista
dicens : caro mea requiescit in spe (Ps 16, 9), et iterum : Non dabit sanctum tuum
uidere corruptionem (Ps 16, 10 ; cf. Ac 2, 26-7), et illud : os non conteretur ex eo
(Ps 34, 21). – Sur ce traité inédit, quasiment aucun travail scientifique n’a encore
été accompli. Voir Wilhelm Wattenbach, « Die Handschriften der Hamiltonschen
Sammlung », Neues Archiv, 8, 1883, p. 327-46, p. 332-5 ; Donald Bullough,
Carolingian Renewal, Sources and Heritage, Manchester, Manchester University
Press, 1991, p. 236, note 139 ; Das Konzil von Aachen 809, Harald Willjung ed.,
Hannovre, Hahnsche Buchhandlung, 1998 (« MGH Concilia » II, Supp. 2), p. 48.
46
WARREN PEZÉ
des débats de cette nature avaient lieu lors des conciles où les
questions de dogme étaient discutées. D’autre part, plusieurs textes
offrent des témoignages concordant avec les écrits polémiques de
Gottschalk quant à la nature du débat théologique.
Dès avant les Carolingiens, il est question de débats publics
arbitrés par le roi. On peut mentionner le débat public qui oppose
évêques catholiques et ariens sous l’arbitrage du roi wisigoth
Reccared en 587, relaté par Grégoire de Tours77 ; ou celui qui
oppose Grégoire le Grand, alors apocrysiaire à Constantinople,
au patriarche Eutychès au sujet de la résurrection de la chair,
débat dans lequel s’immisce Tibère II (578-82)78. Ce dernier
débat, comme ceux que nous avons décrits, a pour il directeur un
enchaînement de citations bibliques.
Plus on progresse dans le haut Moyen Âge, plus les autorités
patristiques entrent en ligne de compte. Il faut citer d’abord le débat
qui oppose Alcuin à Félix d’Urgel au concile d’Aix-la-Chapelle de
juin 799, dans la phase inale de la controverse adoptianiste. Félix
comparaît avec un recueil de sententiae pour se défendre. Les yeux
penchés sur leurs livres, les deux controversistes rompent lance sur
lance, jusqu’à ce que Félix, selon la Vita Alcuini, se voie opposer un
passage décisif de Cyrille d’Alexandrie qui le fait plier79. En 810, alors
que Léon III s’oppose à la volonté de Charlemagne de faire chanter
dans les paroisses le credo de Nicée-Constantinople augmenté du
ilioque, la ratio romana transcrit avec une précision sténographique
le débat opposant sur ce sujet le pape et les ambassadeurs francs. La
discussion se déroulant sur un terrain pastoral et politique, elle n’est
pas structurée par des citations bibliques80. C’est encore le cas de
77. Hans-Werner Goetz, « La compétition entre catholiques et ariens en Gaule :
les entretiens religieux (“Religionsgespräche”) de Grégoire de Tours », in Agôn.
La compétition, Ve-XIIe siècles, François Bougard, Régine Le Jan, Thomas Lienhard
dir., Turnhout, Brepols, 2012 (« HAMA » 17), p. 183-98.
78. Moralia in Job, XIV, 56 : PL 75, col. 1077-80. Paul Diacre, Historia
Langobardorum, Georg Waitz ed., Hannovre, Hahnsche Buchhandlung, 1878
(« MGH Scriptores rerum germanicarum », 48), p. 122 semble s’inspirer
entièrement des Moralia.
79. Cf. la confession de Félix d’Urgel, MGH Epistolae 4, p. 329 ; et le récit de
la Vita Alcuini, VII, 13 (PL 100, col. 98).
80. MGH Concilia II suppl. 2, p. 287-94. Voir Peter Gemeinhardt, FilioqueKontroverse zwischen Ost- und Westkirche im Frühmittelalter, Berlin, De Gruyter,
2002, et Edward Siecienski, The Filioque. History of a Doctrinal Controversy,
Oxford, Oxford University Press, 2010 (« Oxford Studies in Historical Theology »),
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
47
Gottschalk, qui se rend au concile de Quierzy de 849 avec un lorilège,
qu’on le contraint à jeter au feu81. Contrairement à ce que l’on a
parfois écrit, il y eut une réelle discussion doctrinale à Quierzy82.
Selon Hincmar, Gottschalk a émis in synodo (ce qui ne peut se
rapporter qu’à Quierzy) des critiques contre Jean Chrysostome, dont
la pensée est résolument plus optimiste que celle d’Augustin sur la
prédestination et le libre-arbitre83. Enin, en novembre 849, Prudence
de Troyes soumet au synode provincial de Paris un recueil d’extraits
patristiques sur la prédestination84.
Dans plusieurs cas, le concept juridique de ratio émerge, avec
ses composés, pour caractériser la discussion. C’est le cas, bien
sûr, de la ratio romana de 810. Mais on retrouve ce lexique
au concile de 799, après lequel Alcuin écrit, au sujet de Felix :
rationabili disputatione ou rationabiliter auditus et convictus ;
sans oublier le concile de Mayence de 848, où, selon les Annales
de Fulda, Gottschalk a été rationabiliter convictus. Les composés
de ratio ont là certainement le sens non tant de « raison » opposée
à « l’autorité » que de procédure jugée conforme et menant à des
conclusions sûres. Ainsi, la discussion, si formelle qu’elle puisse
être, est la condition sine qua non de la qualiication hérétique85.
La discussion doctrinale ne se limite pas au cadre conciliaire.
On trouve d’autres preuves de ces débats qui se jouaient sur des
enchaînements de citations bibliques et patristiques. Hincmar
cite, dans son De praedestinatione (859-860), les traités dont se
servent les augustiniens pour asseoir leurs thèses : l’Hexameron
p. 87-109 ; Irene van Renswoude publiera une analyse de la ratio romana dans la
livraison 2017 d’Early Medieval Europe.
81. Florus, Liber de tribus epistolis, CCCM 260, p. 370.
82. La thèse du concile joué d’avance remonte aux érudits modernes à sympathies
jansénistes, et est encore défendue par Albert Freystedt, « Studien zu Gottschalks
Leben und Lehre », Zeitschrift für Kirchengeschichte, 18, 1898, p. 1-22.
83. Voir Hincmar, De praedestinatione, PL 125, col. 139.
84. PL 115, col. 1156.
85. Alcuin, Adversus Elipandus libri quattuor, I, 12 et 16 (PL 101, col. 249
et 252) : rationabili disputatione convictus […] rationabiliter auditus et veraciter
convictus. Felix lui-même écrit qu’il a pu être jugé ratione veritatis, MGH Epistolae
4, p. 329, où il faut entendre que la discussion n’a souffert aucun biais. Les Annales
Fuldenses, Friedrich Kurze ed., Hannovre, Hahnsche Buchhandlung, 1891 (« MGH
Scriptores rerum germanicarum » 7), p. 38, écrivent rationabiliter ut plurimis visum
fuit convictus est. On ne doit pas comprendre ici les frictions entre raison et autorité :
Felix lui-même, MGH Epistolae 4, p. 330, dit avoir été convaincu d’hérésie
auctoritate veritatis, et ne décrit du débat que les auctoritates qui l’ont vaincu.
48
WARREN PEZÉ
de Bède le Vénérable et l’abrégé des Tractatus in Johannem
d’Augustin par Alcuin86. Ni l’un, ni l’autre ne sont cités par les
auteurs que l’on connaît : Hincmar fait sans doute référence à
des débats oraux. De même, il existe des traces de la stratégie
de dissémination (la Publizistik, pourrait-on dire87) qu’a adoptée
Gottschalk. Vers 856, Hincmar écrit, dans son traité De una
deitate, que Gottschalk, « d’abord en cachette, puis ouvertement »,
a envoyé « un grand nombre d’écrits à autant de monde qu’il
pouvait » ; ses « complices et idèles » viennent d’ailleurs de
lui apporter une scedula sur la Trinité88. Une décennie plus tard,
en 866, alors que tout semble perdu pour Gottschalk, un moine,
Guntbert, s’enfuit du monastère d’Hautvillers pour porter au nom
du Saxon un appel au pape Nicolas Ier. Hincmar avertit du danger
l’archevêque de Sens Egilon, en partance pour Rome. Guntbert
avait correspondu fréquemment avec le reclus et avait été soumis,
pour cette raison, à de lourdes pénitences89.
Quant à Gottschalk, même ses adversaires le campent en
virtuose du débat. Hincmar alerte Nicolas Ier en 864 : si le pape
veut se saisir de l’affaire Gottschalk et le juger lui-même,
Hincmar ne s’y opposera pas. Mais il devra prendre garde, pour
l’escorter jusqu’à Rome, à choisir un homme « catholique, ayant
la gravité ecclésiastique, vif et bon connaisseur des Écritures »,
car Gottschalk est capable de « réciter de mémoire toute la
journée, sans reprendre sa respiration », des lieux bibliques
et patristiques ; il cherche à « attraper » tous ceux avec qui il
parle90 ; et, enin,
86. PL 125, col. 98.
87. Karl Mirbt, Die Publizistik im Zeitalter Gregors VII, Leipzig, Hinrichs,
1894.
88. Ibid., col. 473-5 : inde plurima scribere et ad quoscunque potuit primum
latenter deinde quantum sibi licuit aperte mittere procuravit. Novissime, diebus
istis, hanc subjunctam schedulam quae ad nos communiter per complices ac
satellites suos pervenit inde conscripsit. De façon caractéristique, Hincmar
emploie le terme de satellites, utilisé dans les sources annalistiques pour désigner
des fidèles ou vassaux.
89. MGH Epistolae 8, p. 194-6.
90. Ibid., p. 162 : Quem si cuicumque commendandum vestra auctoritas
viderit, hoc in commendatione etiam providebit, ut cui commendabitur catholicus
sit et gravitatem ecclesiasticam et vigorem ac scripturarum scientiam habeat,
quia non solum scripturas ad suum sensum violenter inflexas, sed et catholicorum
dicta detruncata per totum diem sine respiratione aliqua praevalet memoriter
decantare. Unde non solum idiotas in admirationem sui abducere, verum et sciolos
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
49
s’il n’y parvient pas, il afirmera sans relâche, à grand renfort de
serments, que son interlocuteur a dit des choses qu’il n’a pas dites,
pour prouver que lui dit la vérité et son contradicteur des mensonges
contraires à sa doctrine91.
Ne retrouve-t-on pas ici le Gottschalk des interrogationes que
nous avons vues plus haut, qui, après avoir acculé son adversaire
aux conins d’un labyrinthe de citations bibliques soigneusement
commentées, le contraint à confesser les thèses voulues ?
En marge du manuscrit de Berne
Un dernier témoin des débats que Gottschalk laisse dans son
sillage se trouve être le manuscrit Berne 584 lui-même. Si les
péripéties qui ont amené un scriptorium à recopier les papiers
de Gottschalk en l’état et sans nom d’auteur restent obscures,
il ne fait guère de doute qu’un lecteur de la toute in du ixe ou du
début du xe siècle leur a accordé toute son attention. Des feuillets
un à huit, qui contiennent l’opuscule De trina Deitate, le nom des
Pères de l’Église et des livres bibliques cités par Gottschalk est
noté en marge avec un gamma capitulaire (Cyprien, Augustin…).
À ces notes de repérage s’ajoutent de courtes notes de contenu sur
les points forts du texte, par exemple au feuillet 7v : cherubin cum
sint multi simul plenitudo singulariter dicuntur ; potestas pro deo
adesse ; homo potens deus potestas92. Plus important : sur le premier
feuillet, recto et verso, un court texte a été noté dans la marge de tête
et de gouttière. Les dégats causés par l’eau sur ce premier feuillet
le rendent impossible à reconstituer intégralement, mais on y lit
malgré tout un texte trinitaire93. En 1r, on discerne : celsus etiam
in masculino genere pro celsitudine […] pro deitate, medicus pro
medicina, homo pro humanitate. L’objet de la note est, à l’évidence,
de déduire la formule trina deitas, controversée dans les années 850
et incautos […] in sententiam suam solitus erat traducere […] ut secum loquentes
vel in sermone capere valeat.
91. Ibid., p. 162-3 : Et si de veritate non poterit, invincibiliter sacramentis
affirmare curabit ea secum loquentes dixisse, quae forte non dixerant, ut ipse verax
et illi, qui ei contradicunt, probentur esse mendaces et adversus suam doctrinam
docentes.
92. Lambot, Œuvres théologiques, p. 94-5.
93. Remarqué et transcrit ibid., p. 81.
50
WARREN PEZÉ
et défendue par Gottschalk, de la formule trinus deus, consensuelle.
De façon frappante, ce lecteur emploie la même méthode que
l’éditeur contemporain d’un exemplaire de la Cité de Dieu, en
région rémoise (Bourges, BM, 94), qui annote ainsi son manuscrit :
[esclavage] c’est-à-dire esclaves : de même, les ofices sont souvent
mis à la place des oficiers ; les services, à la place des serviteurs ;
l’humanité, à la place des humains ; et de même, la déité à la place de
Dieu ; donc trine déité est parfaitement juste94.
Les annotateurs des manuscrits de Bourges et de Berne
témoignent d’une part de l’écho du débat sur la trina deitas, dans
lequel s’était engagé Gottschalk, d’autre part de la diffusion d’une
méthode employée pour justiier cette formule controversée en
posant l’équivalence entre l’espèce ou la qualité et l’individu (Dieu
pour divinité, haut pour hauteur, médecin pour médecine, homme
pour humanité).
Ce texte trinitaire fragmentaire se poursuit dans le manuscrit de
Berne, f. 1v : quoniam in deo nulla est aut esse [potest] pluralitas
dicitur de eo [trinitas] non triplicitas, unde a multis reprehensus
est Sedulius qui dixit simplex [la suite est illisible]95. Cette note
révèle un excellent degré d’information de la part de l’annotateur.
Le poète Sedulius (que l’on doit bien sûr préférer au contemporain
de Gottschalk, Sedulius Scottus) écrit en effet dans le Carmen
Paschale, I, v. 298 : quod simplex triplicet, quodque est triplicabile
simplet96. La citation entière de Sedulius éclaire donc l’annotation :
ce n’est pas le terme simplex qui pose problème, mais les termes
triplicare et triplicabile en lieu et place de Trinitas, qui donnent
le sentiment que la substance unique des trois personnes se divise.
Or, l’annotateur n’est pas le premier à remarquer le passage.
Gottschalk ne le cite pas, mais cite à l’appui de sa thèse un
autre passage de Sedulius (I, v. 324) où il est question de la
terna ides, qu’il ne faut pas comprendre, précise Gottschalk,
94. F. 44r (livre II, chap. 6) : id est servi : sic officia saepe ponuntur pro
officialibus ; obsequia pro obsequentibus ; humanitas pro hominibus ; deitas pro
deo ; hinc rectissime trina deitas. Cf. Bernhard Bischoff, Katalog der festländischen
Handschriften des neunten Jahrhunderts (mit Ausnahme der wisigotischen), t. I :
Aachen-Lambach, Wiesbaden, Harrassowitz, 1998, p. 143, n° 675 : « Wohl Nähe
zu Reims, IX. Jh., 3. Drittel ».
95. Lambot, Œuvres théologiques, p. 83.
96. Carmen paschale, ed. J. Huemer, Sedulii opera omnia, Vienne, Gerold,
1885 (« Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum » [CSEL] 10), p. 38.
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
51
comme tres ides97. Ce passage du Saxon est réfuté dans le De
una deitate où Hincmar aligne une série de passages trinitaires
de Prudence, Arator et Sedulius, commentant ce qu’il interprète
comme des licences poétiques justiiées par la métrique. Hincmar
cite, en in de série, le vers I, 298 de Sedulius (avec triplicare et
triplicabile), ajoutant que ce dernier, « poète vénérable », a été
« poussé par les impératifs de la métrique »98. L’archevêque de
Reims insiste là-dessus : « C’est pourquoi le témoignage du idèle
poète Sedulius, qui a dû plier l’interprétation droite de la foi
aux lois de la métrique, ne prête aucun secours à l’interprétation
honteuse de Gottschalk »99. Notons bien que ce dernier n’avait pas
commis l’erreur de citer ce vers du poète : Hincmar le mobilise
par exagération pour jeter le discrédit sur l’usage de Sedulius en
général. On comprend mieux l’expression de l’annotateur du
manuscrit de Berne : « c’est pourquoi Sedulius a été critiqué par
beaucoup de personnes ». Il s’agit là de critiques récentes, venues
en premier lieu d’Hincmar. Loin d’être une rélexion solitaire,
l’annotation (rémoise, faut-il le rappeler) illustre la place des
poètes chrétiens dans la bataille théologique et s’inscrit dans le
sillage des débats qui ont opposé les partisans de Gottschalk et
ceux d’Hincmar autour des licences poétiques de Sedulius100.
Mentionnons, pour inir, les ajouts que l’on trouve au dernier
feuillet du manuscrit de Berne, après les hymnes composées par
Gottschalk. Comme l’indique Lambot, on lit au f. 147v le Carmen
de diebus aegyptiacis du pseudo-Bède101 – un calendrier sur les
jours dangereux de l’année qui conine à l’astrologie et n’a certes
plus rien à voir avec Gottschalk. Puis on lit en marge de pied, sous le
Carmen, un extrait corrompu d’un calendrier hygiénique des jours
97. Scedula de trina deitate, ed. Lambot, Œuvres théologiques, p. 25 (préservé
par le De una deitate d’Hincmar, PL 125, col. 560).
98. PL 125, col. 564 : Nam et quod venerandus Sedulius, sicut coactus metri
necessitate, trinam fidem et in eodem Paschali opere posuit dicens : Quod simplex
triplicet, quodque est triplicabile simplet, beatus Augustinus in libro sexto de
Trinitate improbat…
99. Ibidem : Quapropter non succurrit pravo sensui Gothescalci testimonium
fidelis poetae Sedulius, qui rectum fidei sensum lege metri constrinxit…
100. Gottschalk mobilise fréquemment Sedulius dans ses scedulae, mais
surtout pour des motifs grammaticaux (on peut y voir un reflet de son enseignement
passé) : cf. Lambot, Œuvres théologiques, p. 553.
101. Alexander Riese, Anthologia latina sive poesis latinae supplementum, t. I,
Leipsiz, Teubner, 1894, c. 680a (olim 736), p. 156-7.
52
WARREN PEZÉ
où il ne faut subir aucune saignée ou ne prendre aucun traitement ;
le même texte se retrouve dans d’autres manuscrits, et s’inspire du
De phlebotomia du pseudo-Bède102. Ces instructions se rapportent,
selon toute vraisemblance, au bétail. On trouve dans bien d’autres
manuscrits savants carolingiens des ajouts de même nature103.
Enin, on lit, sur la languette qui subsiste du dernier feuillet
(148r), le texte de deux extraits, l’un de l’Ambrosiaster (commentateur tardo-antique des épîtres pauliniennes)104, l’autre de la
Collatio Augustini cum Pascentio (dialogue contre les Ariens
mettant en scène Augustin et composé en Afrique sous domination vandale)105. Il est dificile de savoir si les deux extraits
102. [cave mu] ltum ne in tribus diebus sanguinem minuas aut potionem sumas
aut de ansere manducas ; viii [calendarum aprilis d] ie lune ; intrante augusto
die lunae ; Exeunte decembre die lunae ; tunc venae in homine… Cf PL 90, col.
960 : Plures sunt dies Aegyptiaci in quibus nullo modo nec per ullam necessitatem
licet homini vel pecori sanguinem minuere, nec potionem impendere, sed ex his
tribus maxime observandi octavo idus april, illo die lunis, intrante augusto ; illo
die lunis, exeunte decembri ; illo die lunis, cum multa diligencia observandum
est, quia omnes venae tunc plenae sunt. On trouve le même texte dans le ms.
Londres, British Library, Harley 1772, f. 115v – lui aussi un manuscrit carolingien
originaire de Reims.
103. Il arrive que des recettes ou incantations soient notées dans les marges
de manuscrits carolingiens : Ivrée, BC, 38, f. 7v-8r (prières d’intercession à saint
Sigismund pour la guérison d’un tiers) ; Londres, BL, Add. 19725, f. 5, 41, 42v
(recettes médicales) ; Paris, BNF, latin 2773, f. 108-9 (une formule magique et
un carmen de nigro caballo pour chasser les vers d’un cheval) ; Paris, BNF, latin
1546 (au dernier feuillet, on lit à nouveau une formule pour chasser les vers d’un
cheval) ; Paris, BNF, latin 8508, f. 147v (prières à sainte Tècle et saint Nazaire
contre une macule ophtalmique) et 160v (à nouveau contre les vers) ; Vatican,
BAV, pal. lat. 973, f. 128v (recette contre les calculs)…
104. Lambot, Œuvres théologiques, p. xiv, écrit « Ambroise » ; on sait
que les Carolingiens ne faisaient pas la distinction entre l’évêque milanais et le
commentateur des épîtres pauliniennes. Le microfilm ne m’a pas permis de vérifier
si le feuillet 148 est une languette collée au cahier précédent ou bien le dernier
feuillet mutilé du cahier.
105. Je transcris : Sanctus Ambrosius super ad Romanos apostoli epistolam.
« Lex enim spiritus vitae in Christo iesu liberavit me a lege peccati et mortis »
(Rm 8, 2). securitatem flagitat homini per gratiam Dei ut de suggestionibus non sit
sollicitus diaboli, dummodo spernat illas. Nihil enim homini oberunt apud mortem
secundam, quia lex fidei, fidei id est spiritus, liberavit hominem a morte secunda
dampnato peccato. Nec obest iam homini quia carni inest peccatum, si modo
repugnet illi memor auxilii dei. Sed et coronandus est qui peccati in carne manentes
[sic] praemit consilia [cf. Ambrosiaster, In Romanos, PL 17, col. 116]. Augustinus.
Qui disponit arguere non faciat unde alium nititur accusare. Non inficiant de
verbo simplici plenum quasi de stipula oculum fratris qui suum sautiatum tanquam
de immanitate non praevident trabis [cf. Collatio Augustini cum Pascentio
Ariano, ed. Hildegung Müller, Dorothea Weber et Clemens Weidmann, Vienne,
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
53
ont un lien avec Gottschalk. Si le premier concerne un point de
sotériologie – l’Esprit délivrant du péché que la Loi avait permis de reconnaître –, il insiste surtout sur les rapports entre chair
et esprit et n’est pas cité pendant la controverse. Cela dit, l’épître
aux Romains en est un des lieux communs. Quant au second,
son découpage en fait un morceau relatif à l’éthique du débat. Il
faut débattre sans accuser son contradicteur et sans lui reprocher
d’avoir une paille dans l’œil quand on a dans le sien une énorme
poutre (cf. Mt 7, 3-5). Le texte de la Collatio a subi là une certaine
déformation (voir en note). La « parole simple » (verbum simplex)
était, à l’origine, l’homoousios (la consubstantialité du Père et du
Fils) qu’« Augustin » défend contre les critiques des ariens, accusés pour leur part d’abuser de termes absents de l’Écriture – d’où
la paille (l’homoousios) et la poutre (les textes ariens). Or, dans
l’extrait du manuscrit de Berne, faute de contexte et avec un changement de cas qui rattache plenum à oculum au lieu de verbo, on
comprend tout autre chose : il ne faut pas reprocher à son contradicteur la simplicité de son langage. Cela ferait tout à fait sens
dans un contexte où les thèses de Gottschalk seraient encore débattues, quoique localement et sporadiquement. Est-ce un hasard si le
passage qui suit immédiatement celui-là dans la Collatio est cité
précisément par Hincmar (comme « saint Augustin dans son livre
contre Pascentius ») dans son De una et non trina deitate, écrit
contre Gottschalk vers 856106 ?
Il est donc possible que ces deux extraits aient été sélectionnés
dans le sillage des débats causés par Gottschalk, lorsqu’a été
aussi noté dans la marge du premier feuillet du manuscrit le
texte trinitaire. Le bifeuillet du ms. Paris, BNF, latin 12292,
f. 1-2, qui contient la Confessio brevior de Gottschalk, a été
rempli progressivement d’extraits patristiques exactement de la
même manière – et l’on y retrouve, avec des extraits de Jérôme
Österreichische Akademie der Wissenschaften, 2008 (« Österreichische Akademie
der Wissenschaften, philosophisch-historische Klasse, Sitzungsberichte » 779,
« Veröffentlichungen der Komission zur Herausgabe des Corpus der lateinischen
Kirchenväter », 24) c. 15, p. 98-101]. La version complète de la seconde citation
donne de verbo simplici et ratione fidei pleno quasi…
106. Ibid., p. 100 et 59-60 ; PL 125, col. 551. Le manuscrit de Berne s’ajoute à
la tradition indirecte inventoriée par les éditeurs p. 57-60.
54
WARREN PEZÉ
et Haymon, un extrait de l’Ambrosiaster (Rm 9, 21), cette fois
parfaitement lié au thème de la controverse.
Conclusion
Un découpage approprié des opuscules théologiques de
Gottschalk montre que ce dernier dissémine dans le milieu clérical
des textes courts et polémiques. Il suit là une méthode qui évoque
la Publizistik de l’ère grégorienne décrite jadis par Carl Mirbt : son
intention, l’énonciation le montre, est que ses correspondants fassent
circuler ses textes. Parmi eux, on trouve de véritables modèles
d’interrogatoires articulés sur des citations bibliques, évoquant
irrésistiblement les controverses tardo-antiques, mais dont on a
vu qu’il existe d’autres exemples altimédiévaux. Les Carolingiens
ont pu puiser dans les textes de l’Église tardo-antique les règles
du débat doctrinal, en s’inspirant des dialogues hérésiologiques
et autres textes polémiques des Pères de l’Église, que l’on copie
activement au ixe siècle. Comme on l’a vu, de véritables débats ont
eu lieu lors des conciles de 799 et 849, sans compter la nébuleuse
de discussions qui a entouré les controverses carolingiennes.
Ces documents permettent de réévaluer la culture du débat et la
publicité des discussions doctrinales, deux siècles avant la querelle
des investitures où la Publizistik reconnaît traditionnellement la
première manifestation d’une opinion publique et de stratégies de
propagande de l’histoire européenne.
La description des œuvres de Gottschalk esquissée ci-dessus
et détaillée en annexe n’a pas vocation à épuiser le sujet, bien
au contraire. Il y aurait là matière à une vaste enquête d’histoire
littéraire, solidement appuyée sur l’analyse codicologique du
manuscrit de Berne – bref, à une véritable thèse : cet article ne
prétend que lui ouvrir la voie. Entre-temps, on espère qu’il aidera
les savants à se repérer dans la « jungle » du manuscrit de Berne
et à prendre la mesure des différentes strates qui le composent. On
espère surtout qu’il attirera l’attention de savants préoccupés de
génétique littéraire. On l’a vu, le manuscrit relète en partie l’état
dans lequel ont été rassemblés les papiers de Gottschalk. Or, on
ne sait quasiment rien de ce qu’étaient les « iches » des auteurs
carolingiens – cette strate intermédiaire entre les manuscrits
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
55
de travail annotés, dont plusieurs ont été retrouvés, et l’œuvre
ou son brouillon déinitif, dont certains ont été retrouvés aussi.
Gottschalk, on l’a vu plus haut, a été contraint de jeter au feu, à
Quierzy en 849, un volume d’extraits scripturaires et patristiques.
La description qu’en donne Florus évoque certains des segments
du manuscrit de Berne : « le livre dans lequel il avait rassemblé
pour lui des sentences des Écritures et des saints Pères »107. C’est
le cas d’autres auteurs. Claude de Turin, dans un passage exhumé
par Michael I. Allen, confesse avoir « entre les mains de nombreux
extraits » au sujet des épîtres du Nouveau Testament qu’il doit
commenter108. Jeremy C. Thompson, sur la base de similitudes
entre le Liber de tribus quaestionibus et le Collectaneum de Loup
de Ferrières, a suggéré qu’il disposait de iches sur des supports
éphémères qu’il remaniait et réorganisait au il du temps109. Les
parallèles textuels entre différents textes de Gottschalk (bien
souvent entre opuscules théologiques et grammaticaux !) montrent
que ce dernier avait une méthode comparable. Espérons qu’elle
fera bientôt l’objet d’une étude plus complète et que le volume
promis jadis par Lambot verra enin le jour.
warrenpeze@hotmail.com
107. Florus, Liber de tribus epistolis, Zechiel-Eckes ed., CCCM 260, p. 370 :
libellum in quo sententias scripturarum sive sanctorum patrum sibi collegerat…
108. Michael I. Allen, « The Chronicle of Claudius of Turin », After Rome’s
Fall. Narrators and Sources of Early Medieval History, Essays presented to Walter
Goffart, A. Murray, Toronto, University of Toronto Press, 1998, p. 288-319 (299,
302). Cf. MGH Epistolae 4, p. 597 (préface du Commentaire sur les Galates) : De
caeteris vero epistolis iam multa in manibus nostris tenentur excerpta, ad quas
[…] accedere procurabo.
109. Jeremy C. Thompson, « The Circulation of the Predestinarian Works of
Lupus of Ferrières in Valenciennes, Bibliothèque municipale 293 », La controverse
carolingienne sur la prédestination : histoire, textes et manuscrits, Paris,
Études augustiniennes, à paraître (comparant une paraphrase de l’Enchiridion
16, 61 d’Augustin qui se retrouve dans le Liber de tribus quaestionibus et le
Collectaneum).
56
WARREN PEZÉ
ANALYSE DE LA COMPOSITION
DES OPUSCULES DE GOTTSCHALK
Composition du texte
Source : Lambot 1945
p. 81-99 De trina Deitate [I-III]
Commentaires
Opuscule sur la trina deitas
Quod si trina deitas […] laus honor Remarques :
L’opuscule semble avoir été composé
claritas Amen.
en plusieurs temps, comme le montrent
les scansions par des explicit, achevés
Sous-sections :
p. 84, l. 11 : attamen noverit lector par des amen (cf. aussi p. xiv). Les
sections ont chacune leur cohérence,
meus […] pariliter virtus. Amen.
p. 85, l. 9 : attamen […] vult deus […] mais forment un enchaînement logique
(cf. p. 90, l. 3, référence à une citation
et omnino divinitas.
p. 90, l. 1 : hortor ut valde sis […] de la p. 89, l. 11 ; p. 93, [III], approfondissement des rélexions esquissées
criminibus et vitiis. Amen.
p. 91 [II] : Si tuus cogitatus […] en in de [II] sur les prédicats divins ;
p. 95, l. 28 sqq., approfondissement
perpeti gloria. Amen.
p. 93 [III] : Cum sanctus Gabrihel des rélexions esquissées en [III] sur
la potestas). Elles correspondent donc
[…] in saecula ininita. Amen.
p. 95, l. 28 : Est adhuc sat necessa- aux étapes de rédaction successives du
rium […] contemnere despicere atque texte.
neglegere.
p. 96, l. 28 : O misella potentiola […] Parallèles :
À la rélexion sur la potestas divine
Ipsi soli laus honor claritas Amen.
succède, p. 95-96, un enchaînement
politique sur l’obéissance et la désobéissance, remployé dans l’opusculum
primum (p. 412) et qui se termine par
une apostrophe à Hincmar (p. 96-99),
sur laquelle se conclut aussi l’opuscule.
Énonciation :
o mi lector veritatis dilector (p. 83)
lector meus (p. 84) sis nunc et istinc
amator (p. 90) vide et cogita (p. 90)
tuus (p. 91) adde (p. 92) cerne mi lector
(p. 94)
intueamur… videbimus… valemus…
obsecremus (p. 95)
Hincmar est invectivé anonymement
(p. 96-99)
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
Composition du texte
Source : Lambot 1945
57
Commentaires
Scedula courte sur la trina deitas
p. 99-101 Item de trinitate [IV]
Sanctus Augustinus dicit […] saecula
ininita. Amen. Amen. Amen.
Pas de destinataire direct.
p. 101-130 [Excerpta de trinitate, V] Cette collection d’extraits émane
Sanctus
Fulgentius
dicit
[…] du même contexte que les scedulae
précédentes. Voir p. 110 le lien entre
quomodo iudicabitur mundus ?
le titre quid sit inter ingenitum
[…] sed procedens et l’argumentation p. 100.
p. 130-179 [Responsa de diversis, VI] Compilation hétéroclite rassemblée
i. Quid interest […] cuncta de nihilo. par Gottschalk (entre autre à partir de
sa correspondance avec des moines),
pourvue d’une table des matières et
adressée à un destinataire de haut rang
(cf. Bouhot 1976, p. 43). Les chapitres
8 à 16 manquent.
Table des matières de Gottschalk et
p. 130-132, l. 13
i. Quid interest […] augmentati remu- dédicace des quaestiones
Cf. Bouhot 1976, p. 43.
neratorem. Amen.
Adressé à un dignitaire : vos autem
respondete rectiora (p. 131), fomitem
ingenioli mei succendite (p. 132)
Scedula de réponse à un ami au sujet
p. 132-138 [1-3]
Caput i. Quid interest inter subs- de la Trinité
tantiam […] conirmet omni modo.
L’homogénéité de la scedula semble
Amen.
être dégagée par un incipit faisant
référence aux questions du corresSous-sections :
pondant, et par un amen inal. Chaque
p. 134, l. 25 : quaero an pater… [2]
question est cependant distinguée par
p. 136, l. 17 : Sicut omnino tibi… [3]
un alinéa dans le manuscrit, correspondant aux sous-sections ci-contre.
Tutoiement : quaestiones tuas (p. 132)
nanciscaris (p. 137)
58
WARREN PEZÉ
Composition du texte
Source : Lambot 1945
Commentaires
p. 138-142, l. 18 et p. 142, l. 19-145 Scedula en deux parties contre la
réforme liturgique d’Halduin d’Haut[4]
Est vitium nimis noxium […] necessa- villers (cf. p. 142)
rio subaudiretur. Amen.
Le titre iiii du sommaire relète les
deux sous-sections ci-contre (p. 130).
Sous-sections :
La in est marquée par amen.
p. 138 : Est vitium nimis noxium…
p. 142, l. 19 : Dubitari nullatenus…
Parallèles :
p. 138 et 141 [sous-section p. 138-142]
= p. 374-375 (opusculum primum) et
p. 423-424 (opusculum secundum)
Tutoiement : attende et appende et
sponte perpente (p. 142)
p. 145-146 [5]
Courte scedula sur le fait que le Fils
Filius propterea […] nulla est dissi- est l’image du Père
militudo.
Tutoiement : Lege… cernes… discernes
(p. 146)
Collection de textes sur le libre-arbitre
p. 146-158 [6-7]
Liberum arbitrium […] demersi et et la prédestination
rite… (lacune)
Les chapitres 6 et 7 constituent bien
une même scedula. Plusieurs sousSous-sections :
sections y sont dégagées par des
p. 146 [6] : Liberum arbitrium…
p. 149, l. 18 : Christe dilecte ili dei… alinéas (cf. p. xvi). Ils isolent une
prière adressée au Christ en faveur
p. 150, l. 22 : Si quis autem…
p. 154 [7] : Ceterum sicut verissime… du destinataire de la collection
(p. 149-150). L’unité de la collection est rendue claire par les ceterum
(p. 154-155) et les item (p. 156-158).
Parallèles :
p. 155-156 (passage sur les syllogismes)
= p. 206 (De praedestinatione), 418 et
459-460 (opusculum secundum).
Tutoiement : legeris (p. 148), vis (151),
lege (p. 152) etc.
Le destinataire est avec entouré par sa
communauté : vobis (p. 155)
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
Composition du texte
Source : Lambot 1945
59
Commentaires
Fin d’une scedula mutilée, consacrée
p. 159-160, l. 16 [16]
(lacune) quando deus […] non super- au pouvoir des démons sur les saints
sunt in illa.
Tutoiement : Habeas opto (p. 160)
Fragment consacré à la prescience des
p. 160, l. 17 – 161 [17]
Quod diabolus […] De correptione et démons
gratia.
Tutoiement : Lege (p. 161)
Scedula sur la prescience des prophètes
p. 162-164, l. 8 [17]
Si sibillae et ceteri vates… […] païens
reprobi utriusque sexus.
Tutoiement : Lege (p. 163), non displicet mihi si vis hinc adhuc nosse tu
magis (p. 163)
Nouvelle scedula sur le même thème
p. 164, l. 9 – 165 [17]
Sicuti sancta scriptura […] digni envoyée quelques jours plus tard
(nuper)
sumus mundo. Amen.
Plusieurs correspondants : quaestioni
vestrae immo quaestionibus vestris
(p. 164)
p. 166-171 (l. 14) [17]
Noveritis […] dabo gloriam.
Troisième scedula sur ce thème,
quelques jours plus tard
Plusieurs correspondants :
Noveritis (p. 164), quaestionem propositam habetis (p. 171)
p. 171-179 [18-20]
Noveris care […] de nihilo.
Scedula sur la volonté et l’inspiration
des réprouvés
Remarque : la collection Responsa de
diversis s’achève sans conclusion et
sans explicit.
Tutoiement : noveris care (p. 171)
60
WARREN PEZÉ
Composition du texte
Source : Lambot 1945
Commentaires
p. 180-258 De praedestinatione [VII] La compilation De praedestinatione
semble avoir été réalisée, au moins
partiellement, par Gottschalk lui-même :
l’exhortation au lecteur p. 212-217 fait
référence à la compilation de témoignages qui la précède (cf. p. 216, l. 6-7),
cf. aussi le titre p. 180 et l’explicit p. 258.
Cela étant, le caractère hétéroclite de la
compilation, sans parler des répétitions
(p. 180 = 206), laisse penser que des
papiers sur la Trinité et la grammaire s’y
sont mêlés dans des circonstances loues
(cf. p. 182-197). À en juger en particulier par les p. 212-7, qui en constituent
le cœur, le thème est la volonté de salut
restreinte et la rédemption des réprouvés.
p. 180-181, l. 12
Cum scriptura […] ad de domine
Scedula sur le mot gradus
Parallèles :
p. 180 = p. 206, 380, 479-480
Le texte [1], remployé quatre fois
chez Gottschalk, semble ici lié au
texte [2] par l’enchaînement lexical
gradi – gradus
p. 181, l. 13 – 182, l. 19
scedula polémique sur la rédemption
Destiné à une communauté :
quam […] cantatis (p. 181)
Indirectement adressé à un adversaire
inconnu :
audiat istud ille… Conticescat itaque
iam mutus latrator…
p. 182, l. 20 – 184, l. 4 [4-7]
Sanctus Augustinus […] cruciatio.
Série de notes d’exégèse sur la grâce
et la Trinité
Parallèles :
p. 183 [6] = p. 87
p. 184-190 [8-9]
Quisquis gratia […] merito destinandi.
Scedula sur la nature et la grâce
Tutoiement : expectas…
(p. 186) cognoscas (p. 184)
attendas
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
Composition du texte
Source : Lambot 1945
p. 190-191 [10]
Quod ut planius […] litem sacriicem.
61
Commentaires
Scedula grammaticale
Parallèle = p. 422-423
p. 192-193 [11]
Expedit valde
inventa.
Scedula sur l’élection
[…]
redemptione
Tutoiement : ili dilecte (p. 192)
p. 193-194 [12]
Note grammaticale sur le Carmen
Ni post pharisaea convivia […] paschale de Sedulius (IV, v. 64)
fremunt ipsi iuvenes.
adressée à un ami de Gottschalk
Tutoiement : a me tibi (p. 193)
Note grammaticale à un ami
p. 194-196 [13]
Licet ipse desiderem […] testimonia
tua.
Tutoiement : nolo mireris (p. 194)
Vouvoiement : vos autem bene feceritis (p. 195)
p. 196 [14]
Praeterea scias […] rite proiecto.
Note théologique à un ami
Tutoiement : scias (p. 196)
p. 197 [15]
Sane plurimum […] nimium rei.
Note sur la Trinité
Parallèles :
= De diversis, p. 298-300.
Première personne : dicimus ; mei
(p. 197)
p. 197-200 testimonia evangelio- Collection évangélique sur la prédesrum de praedestinatione… [VIII]
tination
Pas de destinataire dans l’énonciation.
p. 200-202 Item testimonia apos- Collection paulinienne sur la prédestitoli pauli de re praedicta
nation
Pas de destinataire dans l’énonciation.
62
WARREN PEZÉ
Composition du texte
Source : Lambot 1945
Commentaires
p. 202-206 [IX, 1-4]
Collection de fragments sur l’élection
ITEM. Deus qui nescit […] immo et la prédestination
corruptor.
Gottschalk rassemble une série hétéroclite d’extraits pour les commenter
Sous-sections :
p. 202, l. 1 [1] : ITEM. Deus qui p. 212-217.
nescit…
l. 18
[2] :
Illud
testimonium Parallèle :
p. 205-206 fortement lié à p. 180
Hieremiae…
p. 203, l. 7 [3] : Credite iam
Tutoiement : scito (p. 206)
Christum…
p. 205, l. 15 [4] : « Illic » in loco…
p. 206-207 De syllogismis [5]
Scedula sur les syllogismes (concerne
Syllogismus est […] illuc praedesti- en fait l’élection)
nati.
Parallèles :
= Responsa de diversis, p. 156-157 ;
Opusculum primum, p. 419 ; opusculum secundum, p. 459.
Pas de destinataire dans l’énonciation.
Commentaire exégétique sur un verset
p. 207, l. 27 – 209, l. 18 [6]
Erubesce Sidon […] tunc impletur d’Isaie
istud : Erubesce Sidon, ait enim mare.
Gottschalk a été interrogé sur ce
verset (Is 23, 4) qui est sans rapport
avec le reste du De praedestinatione.
Cette scedula indépendante a pu s’insérer ici par accident.
Parallèle :
p. 209 = Opusculum primum, p. 419
Tutoiement : vide (p. 208) non mireris
(p. 209)
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
Composition du texte
Source : Lambot 1945
63
Commentaires
Collection patristique sur l’élection et
p. 209-212 [7]
Electi ita veniunt […] consortia la rédemption
largiaris.
L’unité des sous-sections est soulignée notamment par l’alinéa dans le
Sous-sections :
p. 209-210 [7] : Electi ita veniunt […] manuscrit (Lambot 1945, p. xvi) et
l’explicit de la première sous-section :
est ultra.
p. 210 [8] ITEM. Sanctus Ambrosius Quid plura ? Nihil hinc opus est ultra.
[…] in una plebe.
p. 210-211 [9] : ITEM. Sanct us Parallèles :
Augustinus […] in omnibus adiuvare. p. 209 = p. 227
p. 211-212, l. 21 [X, 1] Casiodorus post
Tutoiement : teneas… ambigas (p. 211)
Expositionem […] consortia largiaris.
Conclusion de la collection de fragp. 212, l. 22 – 217
Haec si cuncta […] nihilominus ments et d’extraits précédente au sujet
de l’élection et de la rédemption et
possidetur.
exhortation au lecteur
Remarque : cette exhortation au lecteur
se réfère aux citations qui la précèdent
(p. 216 : tot superioribus testimoniis). Il
est certain que ces citations embrassent
les p. 209-212, possible qu’elles
embrassent les p. 197-207, mais dificilement envisageable qu’elles remontent
au tout début du De praedestinatione
(p. 180), tant les premiers feuillets sont
désordonnés. De même, il est probable
que celles des scedulae suivantes qui
portent sur le salut des réprouvés (en
particulier p. 218-240) aient été rattachées par Gottschalk lui-même à cette
collection De praedestinatione et que la
succession ordonnée des titres (item de
re praedicta, p. 224) ait été de son fait.
Parallèles :
p. 217 = p. 208
p. 218-224 [XI] item contra illos
qui adfirmant reprobos esse
redemptos
Ut idelis deo […] in quo requiescimus.
Scedula sur la rédemption des réprouvés
Tutoiement :
attende quae dico (p. 218) nancisceris
atque consequeris (p. 220) lege (p. 221)
64
WARREN PEZÉ
Composition du texte
Source : Lambot 1945
Commentaires
p. 224-231 [XII] item testimonia de Collection scripturaire et patristique
re praedicta Omnis plantatio […] sur la rédemption avec un manuel de
questionnement
quod est multo amplius.
Tutoiement : sciscitatus
miraberis (p. 230)
fueris…
Collection thématique sur la grâce
p. 231, l. 3 – 236 [XII-XIII]
Reprobos non esse redemptos
cautum est. Ista qui ideliter […] Tutoiement : non eris (p. 234)
Plusieurs destinataires :
aliena dictauit.
vobis (p. 232 – peut-être une faute de
copie)
Scedula avec interrogatoire sur la
p. 236-240 [XIV]
Item de reprobis baptizatis. rédemption des réprouvés baptisés
Quantum differant […] iant rei.
Tutoiement : meministi (p. 237)
p. 240-242 [XV]
Scedula sur la loi et la grâce inspirée
Item. Beatus Augustinus […] sacrii- du De spiritu et littera d’Augustin
cabo tibi.
Pas de destinataire dans l’énonciation
Explication d’un vers de Job (Jb 31, 6)
p. 243-244 [XVI]
Item. Statera illa […] tradidisti te.
Énonciation : prière adressée au Christ
Amen.
p. 245-247 [XVII]
Quare filius nunc aequalis nunc
minor patre dicatur. Dominus
noster Iesus Christus […] semper
nata divinitas.
Scedula sur l’égalité entre Père et Fils
Remarque :
Cette scedula n’a aucun rapport avec
les textes qui l’entourent.
Pas de destinataire, énonciation ouverte :
Quisquis ut debet attendit (p. 246)
Scedula sur la volonté de salut univerp. 247-254, l. 6 [XVIII]
Item de electis et reprobis. Si sel
super electis […] magis ac magis
Tutoiement :
reus.
Sicut facile reminisci potes (p. 250)
quaeso te (p. 251)
Extraits non annoncés du De gratia et
p. 254, l. 7 – 258
His et talibus testimoniis […] in libero arbitrio d’Augustin
saecula saeculorum. Amen. Explicit
Fin de la compilation De praedestinade praedestinatione.
tione.
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
Composition du texte
Source : Lambot 1945
p. 259-279 [De trinitate, XIX]
65
Commentaires
Ensemble de Scedulae (p. 259-272,
l. 4) complété par une collection
d’extraits (p. 272-279) sur le caractère
spirituel de la Trinité
Ces scedulae (ou cette scedula) sont
fort dificiles à reconstituer. On peut
faire les constats suivants. Elles ont
été composées l’une après l’autre sur
feuillets séparés. Les incipit détachés
en tête de feuillet dans le Bern 584 et
les Amen conclusifs à intervalles réguliers le laissent penser. Il aurait été
impossible, sans cela, que la scedula
p. 262-264, qui est hors de propos,
s’intercalle entre celle des p. 259-265.
Malgré tout, ces scédules ont le même
propos et se font suite comme une
œuvre à part entière. La répartition en
scedulae ne regarde que le progrès de
la composition. Peut-être Gottschalk
les a-t-il expédiées au fur et à mesure.
Scedula incomplète sur le fait que
p. 259-262, l. 22
Si homo adhaerens domino […] ac la Trinité soit composée d’un seul Esprit
benignus. Amen.
Remarque :
Il est possible que l’Amen p. 260, l. 22
Sous-sections :
p. 259-260, l. 22 : Si homo adhae- dégage deux sous-sections, ou qu’un
rens domino […] Suficit deo gratias. laps de temps se soit écoulé avant
que Gottschalk reprenne la plume. Il
Amen.
p. 260, l. 23 – p. 262, l. 22 : Verum concluait son premier jet par : sufitamen si quis […] ac benignus. Amen. cit deo gratias (p. 260, l. 21) ; il
commence le second par : si quis […]
cui totiens repetita disputatio non
suficiat (p. 260, l. 23-24).
Tutoiement : intellegas et dicas (p. 260)
66
WARREN PEZÉ
Composition du texte
Source : Lambot 1945
Commentaires
Scedula sur la sanctiication par le
p. 262, l. 23-264, l. 2
Hinc se sanctus Augustinus […] pari- baptême
ter et sacrata.
Remarque :
Cette scedula a été insérée ici par
mégarde. Elle fait exactement la taille
d’un recto.
Pas d’adresse.
Scedula sur le caractère spirituel
p. 264, l. 3-265, l. 19
Tu vero tene mente […] nec agi potest de la Trinité poursuivant celle des
p. 259-262 (cf. l’incipit p. 264 : Tu
fructuosius. Amen.
vero… et p. 265 et cetera cuncta quae
protuli superius : tout cela indique la
continuité).
Remarque :
On trouve p. 264 une référence à un
autre livre de Gottschalk, manifestement perdu (cf. note).
Tutoiement : tu tene (p. 264)
p. 265, l. 20 – 269, l. 20.
Veraciter intueor […]
gratiam. Amen.
Scedula sur le caractère spirituel de
gratuitam la Trinité continuant les précédentes
(cf. le thème donné p. 267).
Remarque :
La distinction avec la scedula précédente est rendue claire par l’exubérance de l’incipit et par sa position
en tête d’un nouveau feuillet (100r).
Gottschalk a visiblement eu une
nouvelle idée et s’est autorisé un
développement supplémentaire, peutêtre quelques jours après avoir écrit
le texte précédent (cf. p. 266 : quae
nimis necessaria conspicor haec
supradictis adicere compellor).
Tutoiement : tibi (p. 265), fastidias
(p. 266) etc.
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
Composition du texte
Source : Lambot 1945
67
Commentaires
p. 269, l. 21 – 272, l. 4.
Scedula sur le caractère spirituel de
Ne quaeso frater […] medullitus la Trinité continuant les précédentes
meminerit. Amen.
Remarques :
Une fois encore, un incipit adressé
au lecteur est dégagé sur un nouveau
feuillet (102r) après un Amen.
Gottschalk s’adresse toujours au même
destinataire et fait référence au texte
précédent (p. 270 : apertissime superius dictus est deus…).
C’est sur cette scedula que s’achève
l’ensemble. L’explicit p. 271 donne le
thème général.
Tutoiement :
indigneris (p. 269) intellegas… inspicias (p. 271)
Collection d’extraits de la lettre 238
p. 272, l. 5 – 279, l. 8
Ait enim Augustinus […] adorandos d’Augustin ajoutée par Gottschalk à la
collection des p. 259-272
vel exorandos. Amen.
L’explicit p. 278-279 fait référence
à la fois à la série de scedulae et à la
collection d’extraits augustiniens ; il
signale la in – et l’unité – de l’opuscule XIX.
p. 279-282 [Quibus modis dicatur Scedula de propagande sur la valeur
rédemptrice du baptême
redemptio, XX]
Sicut dicit sanctus Augustinus […]
Remarque :
repellunt a sua.
Le texte est complété par un ajout
sur le caractère spirituel de la Trinité
(p. 282).
Tutoiement du lecteur indéterminé :
Prudens lector attende (p. 281)
Attende benedicte lector (p. 282)
p. 283-291 [Quaestiones
de anima, XXI]
opuscule en trois temps (une scedula,
une collection patristique et une
deuxième scedula) sur la question de
l’origine de l’âme
68
WARREN PEZÉ
Composition du texte
Source : Lambot 1945
Commentaires
p. 283-286, l. 14 De origine animae Scedula dressant un bilan de la
De origine animae sanctus Augustinus rélexion patristique sur la question de
l’origine de l’âme
[…] iat redux.
Tutoiement : cautela tua (p. 285)
p. 286, l. 15 – 288, l. 2
Anima sic infusa […] amat enim se.
Collection de citations patristiques sur
l’âme
p. 288, l. 3 – 291, l. 12 Item de Suite de la scedula De origine
animae ; solution de Gottschalk à la
origine animae
Sanctus Augustinus […] Sitis istinc question proposée
fruentes eo.
Référence à la scedula De origine
animae et à la collection : in supradictis libris (p. 288).
Adressé à une communauté :
precor vos tamen (p. 290) sitis istinc
fruentes (p. 291)
p. 291-294 De seminibus animatis
Scedula sur la procréation et la transChriste meam puppim […] error falsi- mission de l’âme
tas.
Référence à un écrit perdu p. 291.
Tutoiement : recordaris (p. 291)
p. 294-324 [De diversis, XXII]
Série de fragments et scedulae sans
cohérence d’ensemble, la plupart
repris dans les opuscules grammaticaux. Il ne s’agit pas d’une compilation voulue par Gottschalk.
Scedula grammaticale sur le responp. 294-297, l. 18 [1]
Sicut apostolus ait […] atque debel- sorial
lauit.
Parallèle complet :
p. 404-406 (opusculum primum)
Pas d’adresse
p. 297, l. 19-301 [2]
Scedula sur la Trinité
Beatus quoque Augustinus […] habet
Adressé à une communauté : vos vero
carnem.
sciatis (p. 299)
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
Composition du texte
Source : Lambot 1945
69
Commentaires
Scedula sur les rapports entre le Père
p. 301-2 [3]
De incarnatione domini. Hinc et le Fils
igitur […] non genus de specie.
Remploi d’un extrait des opuscules
grammaticaux privé de son incipit :
p. 313-4 et p. 478-9
Le titre a été rajouté en marge ; il n’est
peut-être pas voulu par Gottschalk.
p. 302, l. 14-17 [4]
Fragment sur les analogies de
In solis similitudine […] intellegentia la Trinité. Il est accolé au fragment
voluntate.
précédent plus loin dans les De diversis, mais pas dans l’opusculum secundum.
Remploi d’un fragment :
p. 314 et 482 (opusculum secundum)
p. 302, l. 18-304 [5]
Extraits d’Augustin sur la Trinité
ITEM. Augustinus dicit […] saeculorum. Amen.
Scedula sur la foi et la grâce
p. 304-9 [6]
Allocuturus hominem de ide […]
creavit de nihilo.
Remarque :
Ce texte est un document de propagande cohérent adressé à un vaste
public (non solum ad salutem meam
sed et aliorum utilitatem, p. 308).
Il s’est peut-être glissé dans cet
ensemble de textes trinitaires par
mégarde.
Destinataire indéterminé, tutoiement :
hominem (p. 304) attende lector
(p. 307)
p. 309 [7]
Fragment sur la Trinité s’insérant dans
Beatus quoque Gregorius […] sanctus une plus vaste collection (quoque)
est.
Parallèle avec l’opusculum secundum
(p. 460-1)
Pas de destinataire
70
WARREN PEZÉ
Composition du texte
Source : Lambot 1945
p. 310 [8]
Pater igitur […] in tribus aequalitas.
Commentaires
Fragment sur la Trinité s’insérant dans
une plus vaste collection (igitur)
Parallèle avec l’opusculum secundum
(p. 468)
Pas de destinataire
p. 310 [9]
Emitte agnum […] redemit deo.
Court fragment exégétique sur la Trinité
Parallèle avec l’opusculum secundum
(p. 467-468)
Pas de destinataire
Fragment sur les analogies de la Trinité
p. 310-311 [10]
Caro et spiritus […] quantulacumque
Parallèle avec l’opusculum secundum
dissimilitudo.
(p. 467-468)
Pas de destinataire
p. 311-313 [11]
Deus omnipotens […] iudicio placere.
Fragment sur l’anneau de Gigès et le
jugement
Parallèle avec l’opusculum secundum
(p. 477-478)
Adressé à un ami et son entourage :
legas intellegas impleas (p. 312)
te (p. 312) sodalis (p. 313) studete
(p. 313)
Scedula sur les rapports entre le Père
p. 313-314 [12]
Crebro ponitur […] non genus de et le Fils
specie.
Parallèles :
p. 301-302 et p. 478-479 (opusculum
secundum)
p. 314 [13]
Fragment sur la Trinité employé ici
In solis vero similitudine […] intelle- solidairement avec la scedula précédente (vero), mais pas dans l’opuscugentia voluntate.
lum secundum où il est isolé
Parallèles :
p. 302 et p. 482 (opusculum secundum)
LES OPUSCULES THÉOLOGIQUES DE GOTTSCHALK D’ORBAIS
Composition du texte
Source : Lambot 1945
71
Commentaires
Fragment sur saint Paul et la Trinité
p. 314-316 [14]
Sicut Paulus apostolus […] onus
Christi.
Parallèle avec l’opusculum secundum
(p. 482-484)
Fragment sur saint Paul et la double
p. 316-318 [15]
Item dicit beatus Paulus […] vocatur nature du Christ continuant le fragment précédent (item)
veraciter.
p. 318-320 [16-19]
De deo trinitate […] scelerum naevo.
Série de fragments plus ou moins courts
sur la prière à la Trinité (signalés par des
item, p. 318, l. 22 ; 23 ; p. 319, l. 8 ; 19).
p. 320 [20]
De equo […] iuvenculum indomitum.
Fragment sur l’analogie entre le
cheval dompté et le croyant
Longue prière
p. 320-324 [21]
Ipse dominus […] in saecula saeculorum. Amen.
p. 324-335 De corpore et sanguine Traité sur l’eucharistie contre Paschase
Radbert
domini [XXIII]
Quod corpus et sanguis domini […]
ad gloriam perducat. Amen.
p. 335-337 Item de corpore et Scedula sur l’eucharistie liée au traité
précédent dans un manuscrit d’Hérisanguine domini
Aliud specialiter corpus domini […] ger de Lobbes
corpus et sanguinem domini.
p. 338-346 [De praedestinatione, Série de trois textes de dimensions
XXIV]
inégales mais formant un ensemble
cohérent sur la prédestination double
et la rédemption des réprouvés
72
WARREN PEZÉ
Composition du texte
Source : Lambot 1945
Commentaires
Scedula sur la gemina praedestinap. 338-344 [1]
At assuescentibus […] unius mundi, tio amputée de son commencement
(commence par at)
non duorum ?
Remarque :
Il s’agit d’une réponse à plusieurs objections sur la double prédestination : que
la prédestination ne soit pas propre à
Dieu ; que le terme « géminé » implique
une pluralité de prédestinations ; que la
prédestination soit le Fils de Dieu ; que
la prédestination soit ex nihilo.
Le destinataire a l’estime de Gottschalk
(sans doute pas Hincmar, comme
l’indique Lambot en note p. 340 ; les
arguments sont bien différents – et plus
compliqués – de ceux avancés d’habitude par l’archevêque) : Haec si velut
disertitudini tuae conducit animositate
postposita, consideres… (p. 340-341)
p. 344 [2]
Sanctus Athanasius […] reliquerunt.
Fragment sur le verset des trois
témoins (1 Jn 5, 7-8)
Remarque :
Ce court fragment est en rupture
syntaxique avec le texte précédent,
quoique son argument soit le même
(le baptême ne sauve pas les réprouvés). Il peut s’agir d’un item rajouté à
l’appui de la thèse.
Scedula sur le baptême des réprouvés
p. 344-346 [3]
Item dicit beatus Paulus […] nec rediRemarque :
mendos.
Peut être la suite de la Scedula
p. 338-344, dont la in était consacrée
à cette question.
p. 346-350 [Hieronymus in ezechielem de resurrectione mortuorum,
XXV]
Famosa est visio […] Israhel sociorum
eius.
Extrait de l’In Ezechielem, XI, 37 de
Jérôme sur la résurrection (peut-être
en lien avec les rélexions sur la résurrection de la Scedula précédente)