Cahiers de Narratologie
21 (2011)
Rencontres de narrativités : perspectives sur l'intrigue musicale
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Raphaël Baroni et Alain Corbellari
Introduction
Rencontres de narrativités: perspectives sur
« l’intrigue » musicale
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Référence électronique
Raphaël Baroni et Alain Corbellari, « Introduction », Cahiers de Narratologie [En ligne], 21 | 2011, mis en ligne le 20
décembre 2011, consulté le 19 janvier 2016. URL : http://narratologie.revues.org/6430
Éditeur : REVEL
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Article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle.
Introduction
Raphaël Baroni et Alain Corbellari
Introduction
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Rencontres de narrativités: perspectives sur « l’intrigue » musicale
On parle souvent de « structure musicale » à propos de l’art romanesque, sans, d’ailleurs,
toujours très bien savoir ce que l’on doit exactement entendre par là ; mais on évoque moins
souvent l’idée qu’en elle-même la musique se développe selon des schémas comparables à
ceux d’une intrigue romanesque.
Sans même chercher à tout prix à évoquer la musique « à programme » – dont les liens avec
la littérature sont souvent naïfs, quand ils ne sont pas carrément contredits et dépassés par
la force même des structures musicales qui les sous-tendent –, la recherche d’analogies en
termes, par exemple, de tension et de détente, ou de formes ouvertes et fermées, entre structures
romanesques et musicales, ou entre contenu lyrique et contenu harmonique, s’avèrent riches
en questions et en découvertes. De fait, si les cadres de la musique tonale (dans laquelle
Lévi-Strauss pensait retrouver le double niveau d’articulation des structures linguistiques)
peuvent paraître particulièrement adaptés à une telle recherche, il reste loisible de l’élargir à
des langages plus modernes, tant il est vrai que toute musique, aussi sérielle soit-elle, a besoin
d’organiser son discours dans la durée, de la même manière que tout roman, aussi « nouveau »
soit-il, obéit aux règles minimales de la mise en intrigue1.
En cherchant à conjoindre narratologie, poétique, sémiologie et musicologie, les éditeurs du
présent volume visaient à donner un aperçu du dialogue, parfois polémique, mais néanmoins
fructueux, qui s’est noué depuis une quarantaine d’années entre des disciplines moins
éloignées qu’elles ne paraissaient de prime abord. Ce recueil s’articule autour d’une série
de conférences données le 28 octobre 2011 à l’Université de Lausanne2, lors d’une journée
d’étude organisée par le Réseau romand de narratologie (RRN : www.narratologie.ch), fondé
en 2010 par Françoise Revaz (Université de Fribourg) et Raphaël Baroni (Université de
Lausanne), qui témoigne, dans le prolongement du European Narratology Network (ENN,
www.narratology.net), du regain d’intérêt actuel pour la théorie du récit et pour les études
narratives. Augmentées de quelques contributions supplémentaires, ces pages n’ont pas
l’ambition exorbitante de faire le tour du sujet ; elles aimeraient toutefois indiquer quelques
pistes dans un champ de recherche qui se veut résolument interdisciplinaire, et qui témoigne
de la vitalité de la narratologie contemporaine. Cette dynamique se vérifie notamment au
niveau des méthodes d’analyses, ces dernières connaissant aujourd’hui un renouvellement
sans précédent qui permet de franchir de nombreuses limites, autrefois imposées par un
structuralisme dogmatique ou par un formalisme étroit, pour s’ouvrir, entre autres, à des
approches rhétoriques, esthétiques, cognitives ou affectives. Par ailleurs, les corpus de
référence de la narratologie contemporaine ont cessé depuis longtemps de se limiter aux seuls
récits littéraires, et les questions de la « narrativité » ou de la « narrativisation » des œuvres
musicales paraissent de moins en moins incongrues dans un tel contexte. En retour, c’est notre
conception de la narrativité qui évolue en fonction des propriétés de ces nouveaux genres
de récits que nous étudions, et cette évolution n’est pas contradictoire avec la méthode que
préconisait Gérard Genette, puisque, dans l’avant-propos de son fameux « Discours du récit »,
il affirmait ceci :
Ce que je propose ici est essentiellement une méthode d’analyse : il me faut donc bien reconnaître
qu’en cherchant le spécifique je trouve de l’universel, et qu’en voulant mettre la théorie au service
de la critique je mets malgré moi la critique au service de la théorie. Ce paradoxe est celui de
toute poétique, sans doute aussi de toute activité de connaissance, toujours écartelée entre ces
deux lieux communs incontournables, qu’il n’est d’objets que singuliers, et de science que du
général ; toujours cependant réconfortée, et comme aimantée, par cette autre vérité un peu moins
répandue, que le général est au cœur du singulier, et donc – contrairement au préjugé commun –
le connaissable au cœur du mystère. (Genette 1972 : 68-69)
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Or, s’il est vrai, comme l’affirme Lévi-Strauss, que la musique est « le suprême mystère des
sciences de l’homme, celui contre lequel elles butent et qui garde la clé de leurs progrès » (LéviStrauss 1964 : 26), on concevra aisément que les « rencontres de narrativités » que nous
proposons ici se soient avérées incontournables dans le projet même dont nous nous réclamons.
En ouverture de ce dossier, le texte de Raphaël Baroni, dans le prolongement de ses travaux
précédents (2009), commence par interroger l’une des notions les plus difficiles à cerner de
la narratologie, tant ses contours dépendent du regard que l’on pose sur elle. Ainsi que le
montre Baroni, l’intrigue – dont nous avons voulu faire le cœur de ce dossier thématique sur
les rapports entre musique et récit – apparait en effet, suivant la manière dont on la définit,
soit comme le point de divergence le plus évident entre la musique pure et la narrativité, soit
comme un point de convergence fondamental entre ces deux formes d’expressions, dont on
reconnait généralement qu’elles entretiennent un rapport essentiel avec la temporalité.
En effet, si l’intrigue, ainsi que semble nous y inviter la narratologie structurale, renvoie
avant tout à la trame de l’histoire, et notamment aux relations consécutives et causales des
événements racontés, dans leur relative autonomie vis-à-vis de l’expression narrative, alors
on aura beau jeu d’affirmer que la musique instrumentale (ou la « musique pure ») apparait
dépourvue d’une telle structure. Certes, ainsi que le montre Michael Toolan, les événements
musicaux s’enchainent selon une logique séquentielle, voire même en fonction d’un certain
déterminisme causal, mais il paraît difficile de retrouver, ainsi que Toolan le reconnait, cette
relative autonomie de la chronologie des événements racontés vis-à-vis de la séquence de leur
présentation par le récit, indépendance des niveau qui autorise tous ces jeux sur la temporalité
(analepses, prolepses, scènes, sommaires, etc.) qui faisaient dire à Christian Metz que « l’une
des fonctions du récit est de monnayer un temps dans un autre temps » (Metz 1968 : 27).
En revanche, Baroni affirme que si la propriété essentielle de l’intrigue consiste en
l’établissement d’une tension qui noue la représentation et qui, éventuellement, sera résolue
dans le dénouement (que ce soit par le récit chronologique d’un « conflit » ou par d’autres
moyens), il devient dès lors beaucoup plus aisé de retrouver cette « structuration expressive »
au niveau de la séquence musicale. Pour reprendre la dichotomie bien connue de Tomachevski,
dans cette perspective – que l’on pourrait appeler, à la suite de Meir Sternberg (1992) et
de James Phelan (1989), une approche « rhétorique » ou « fonctionnelle », et que l’on a
parfois labellisée comme « post-classique » de manière à souligner sa différence par rapport
aux modèles structuraux en vogues durant l’âge d’or de la narratologie française3 –, ce n’est
plus la forme logique de la fabula qui représente le cœur de l’intrigue, mais l’intensité de
la représentation (chronologique ou non) qui se manifeste lorsqu’un lecteur ou un auditeur
progresse dans le sujet, orienté par ce que l’on peut appeler, à la suite de Ricœur, des
« dissonances » (1983 : 139) qui portent en elles la promesse ou l’espoir d’une résolution.
Reste à savoir si cette « intrigue musicale », même redéfinie sur un plan rhétorique et expressif,
demeure malgré tout identifiable en tant que telle, en l’absence d’une histoire racontée. Ou,
pour le dire autrement, il faut se demander si le rapport tension-détente, que l’on rencontre
fréquemment dans le contexte de la séquence musicale, est bien une « intrigue » à part entière,
ou plutôt une « proto-intrigue », dont la pleine expression exigerait un effort d’imagination
de la part de l’auditeur de manière à la faire correspondre au déroulement d’une « histoire ».
Sur ce point, Baroni conclut qu’il n’y a peut-être pas d’autre choix que de s’en remettre aux
usages du langage ordinaire, dont on doit reconnaître qu’il est rarement enclin à utiliser les
mots « intrigue » ou « plot » pour définir une forme d’organisation musicale pure. Toutefois,
cela n’empêche pas le fait que des tensions musicales soient souvent exploitées de manière
à exprimer ou à souligner la tension d’une intrigue au sens plein du terme, par exemple dans
les opéras, dans la musique à programme ou dans la musique extra-diégétique exploitée par
le cinéma.
Ces deux définitions presque opposées de l’intrigue, et leurs conséquences pour l’analyse
de « l’intrigue musicale » et de la « narrativité » en musique, montrent l’importance de
tenir compte de problèmes liés à la polysémie des concepts narratologiques et des risques
de malentendus qui en découlent. Dans sa contribution, Michael Toolan nous offre un
panorama très nuancé des arguments avancés par les deux camps qui s’opposent : d’un côté les
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« sceptiques », qui affirment que la dimension narrative de la musique découle d’un processus
de « narrativisation », et donc, avant tout, des efforts de l’auditeur pour écouter la musique
comme si c’était un récit ; et de l’autre, les « croyants », qui affirment que ce processus
est inhérent à la musique en tant que telle, et que, même si les représentations narratives
diffèrent d’un auditeur à l’autre, elles n’en sont pas moins une dimension incontournable de
l’expérience musicale. Même si Toolan penche finalement, avec beaucoup de prudence, du
côté des « croyants », il demeure malgré tout tributaire de la définition « structurale » ou
« classique » de l’intrigue, puisqu’il concède que :
La chose la plus difficile à imaginer, il me semble, c’est la présence ou l’accomplissement, au
cours de la performance ou de notre appréhension de celle-ci, de quelque chose d’assimilable
à une intrigue. Mais je réserve mon jugement sur ce point : d’une part, il y en a qui doutent
que l’intrigue soit une condition nécessaire pour qu’un objet soit considérée comme un récit ;
d’autre part, dans les cas où l’intrigue est définie comme le développement d’une progression
identifiable, qui implique une séquence d’événements interconnectés, il pourrait être difficile de
ne pas appliquer une telle définition à différents types de musique instrumentale. (Toolan)
10
De son côté, Jean-Jacques Nattiez, à qui l’on doit d’avoir largement contribué à ouvrir, il y a
trente-cinq ans, le vaste champ d’une « sémiologie de la musique » (Nattiez 1975), insiste sur
la nécessité de ne pas considérer la musique a priori comme un récit, même si « l’intonation des
contours musicaux » apparait souvent comme une forme de « proto-narration ». Il place son
propos dans le prolongement des découvertes de la psychologie cognitive développementale,
en citant notamment les travaux de Jean Molino, à qui il doit la théorie de la tripartition, et
ceux de Daniel Stern, qui insistent sur l’importance du « jeu de la tension-détente » dans la
configuration de l’expérience temporelle chez le nourrisson. Toutefois, se rangeant parmi les
sceptiques, il conclut que :
Plutôt que de voir dans le jeu des configurations musicales de la tension et de la détente une forme
de narration, il me semble […] beaucoup plus fructueux de suivre les analyses des psychologues
de la musique qui, inspirés par Stern, se sont attardés précisément à montrer comment ils fondent
leur interaction proto-narrative sur les unités inscrites dans le temps, les contours, les schémas
intonatifs, ceux-là même que, plus tard, la musique utilisera pour imiter l’allure du récit. (Nattiez)
11
On constate dans cette citation que ce jeu « de la tension et de la détente » constitue
précisément, pour Nattiez, le point d’articulation principal entre les formes musicales « protonarratives » et les récits, même si ces deux entités restent nettement différenciées. Ce point
de contact s’expliquerait par le fait que le rapport tension-détente nous renverrait, sur un
plan cognitif et développemental, aux représentations les plus primitives de l’expérience
temporelle. Dès lors, cette « proto-intrigue », dont la musique se sert « pour imiter l’allure
du récit », apparait bien comme le socle commun du récit et de la musique, même si
cette dernière ne peut se « narrativiser », ainsi que nous l’explique Nattiez, qu’à travers
des opérations cognitives complémentaires, qui permettent d’associer une histoire et des
significations déterminées à une série de sons. Et donc, suivant le mouvement inverse de
Toolan, Nattiez conclut à la séparation entre musique et récit, non pas à cause, mais bien en
dépit de l’existence de ce qu’il désigne comme une « proto-intrigue » déjà présente dans la
musique :
Il est particulièrement remarquable que les termes de « tension » et de « détente » puissent
s’appliquer également au phénomène musical. S’inspirant de Labov, Stern nous rappelle que les
formes premières de causalité et une « ligne de tension dramatique » font apparaître ce qu’il
appelle une intrigue ou une proto-intrigue (Nattiez)
12
Dans l’article suivant, Márta Grabócz défend quant à elle – dans le prolongement des
travaux d’Eero Tarasti – la légitimité d’une analyse sémiotique et narratologique appliquée à
l’étude des œuvres musicales. Elle montre d’abord comment la musicologie s’est rapprochée
des modèles sémiotiques et narratologiques en se recentrant sur l’étude des « types
expressifs » (également appelés « topiques ») qui seraient propres à différents styles musicaux,
eux-mêmes liés à des communautés historiques partageant certains codes culturels. Ses propres
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travaux, en exploitant notamment le cadre théorique offert par la sémiotique greimasienne,
ont permis à Grabócz (2009) de dégager trois types de rapports entre récit et musique,
allant du programme narratif extérieur jusqu’au programme narratif inscrit dans la « structure
profonde de l’œuvre », en passant par les programmes narratifs intérieurs ou intériorisés. Et
de nouveau, au niveau le plus profond d’intrication entre musique et narrativité, Grabócz
offre une interprétation à la fois « dynamique » et « temporalisée » du carré sémiotique de
Greimas au sein duquel l’élément fondamental, au-delà des oppositions sémantiques binaires,
demeure « la création et le fonctionnement de la tension narrative au milieu du mouvement ».
Ce dernier point démontre que Nattiez aussi bien que Grabócz considèrent que le jeu de la
« tension-détente » est le point de jonction fondamental entre musique et récit, même s’ils
divergent quand il s’agit d’associer à ce jeu de bascule les questions subsidiaires des contenus
sémantiques et de la narrativité au sens plein du terme. Dans la fin de son article, Grabócz
s’attache pour sa part à examiner l’applicabilité des intérêts narratifs dérivés de la définition
rhétorique de l’intrigue que représentent le « suspense » et la « curiosité » à l’analyse d’œuvres
musicales. Elle affirme au passage que ces intérêts narratifs apparaissent comme de véritables
« moteurs de la logique narrative musicale ».
Dans son article, Nicolas Marty s’appuie sur différents concepts importés de la « narratologie
naturelle » de Monika Fludernik pour tenter de montrer leur applicabilité à l’analyse de la
musique contemporaine, et notamment aux œuvres électroacoustiques de Luc Ferrari et de
Trevor Wishart. Marty prend en compte différents phénomènes sémiotiques, sémantiques et
narratifs présents dans l’écoute de la musique et finit par ouvrir la question de la différence
entre les « narrativisations » opérées par les musiciens experts et celles opérées par les nonexperts.
L’article de Philippe Carrard nous invite quant à lui à tenir compte de ce que Gérard Genette
(1987) appelait le « paratexte », c’est-à-dire l’ensemble des éléments signifiants qui entourent
l’œuvre proprement dite et qui concourent à son interprétation. Cet élément périphérique
a trop souvent été négligé par les musicologues, comme s’il ne s’agissait que d’un facteur
parasitaire venant brouiller la question de l’éventuel contenu sémiotique intrinsèque de la
musique. Dans son article, Carrard soutient au contraire que l’interprétation sémiotique d’un
morceau de jazz – par exemple lorsque nous mettons en relation l’expressivité de la musique
avec un message politique – dépend dans une large mesure du cadrage interprétatif réalisé
par le titre et par l’image de la pochette qui accompagne l’album. Ainsi, de même que le
titre d’un roman, sa signature ou sa désignation générique en page de garde vont largement
conditionner sa réception, les pochettes des albums de jazz jouent un rôle déterminant dans
la possibilité de narrativiser certaines œuvres musicales ou, au contraire, de les considérer
comme des œuvres musicales « pures », dépourvues de références externes4, cette dernière
posture étant encouragée par exemple par des titres qui restent très factuels (désignation du
musicien et du style musical). C’est donc une véritable poétique des titres musicaux à laquelle
nous convie Philippe Carrard et dont il fournit une première étape décisive en s’appuyant sur
le catalogue des œuvres publiées par le label de jazz Blue Note entre les années 1939 et 1965.
Alain Corbellari vient clore ce dossier thématique en se penchant sur la question des
contraintes croisées dans l’art de la mélodie, qui dépendent, d’une part, des structures
linguistiques et, d’autre part, des structures musicales, ce qui représente une autre charnière
essentielle, à côté du jeu de l’intrigue, entre diégèse et expression musicale. Pour ce faire, il
présente dans son article une brève histoire de la mise en musique de la poésie française en se
focalisant sur la période 1850-1950, qui représente « l’âge d’or » de la « mélodie française »,
genre pris entre les deux pôles de la subjectivité (attention extrême à la lettre du texte) et
de l’objectivité (prééminence des structures musicales), tension qui peut être vue comme la
rencontre entre deux narrativités concurrentes.
En marge de ce dossier, et malgré son caractère moins théorique et plus méditatif, nous n’avons
pas voulu nous passer ici du très beau texte qu’Etienne Barilier a eu la générosité de nous
confier et qui, en guise d’« envoi », termine ce dossier en l’ouvrant sur une note humaniste
qui reste l’horizon de nos recherches en narratologie aussi bien qu’en musicologie.
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Bibliographie
BARONI, Raphaël (2010) « La face obscure de l’intrigue dans Les Gommes » in Lectures de RobbeGrillet, F. Wagner & F. Dugast (dir.), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 27-40.
BARONI, Raphaël (2009), L’œuvre du temps. Poétique de la discordance narrative, Paris, Seuil.
GENETTE, Gérard (1972), Figures III, Paris, Seuil.
GENETTE, Gérard (1987), Seuils, Paris, Seuil.
GRABÓCZ, Márta (2009), Musique, narrativité, signification, Paris, L’Harmattan
HERMAN, David (1997), « Scripts, Sequences, and Stories : Elements of a Postclassical Narratology »,
PMLA, N° 112 (5), p. 1046-1059.
LEVI-STRAUSS, Claude (1964), Le Cru et le Cuit, Paris, Plon.
METZ, Christian, Essais sur la signification au cinéma, Paris, Klincksieck, 1968.
NATTIEZ, Jean-Jacques (1975), Fondements d’une sémiologie de la musique, Paris, Union Générale
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NÜNNING, Ansgar (2003), « Narratology or Narratologies ? Taking Stock of Recent Developments,
Critique and Proposals for Future Usages of the Term », in What is Narratology ?, T. Kindt & H.-H.
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RICOEUR, Paul (1983), Temps et récit I, Paris Seuil.
STERNBERG, Meir (1992), « Telling in time (II) : Chronology, Teleology, Narrativity », Poetics Today,
N° 13 (3), p. 463-541.
Notes
1 A ce sujet, nous nous permettons de renvoyer à Baroni (2010).
2 Notre journée lausannoise, dont est issue ce numéro thématique, a eu la chance d’être honorée par
la présence de spécialistes internationaux. Nous les remercions encore chaleureusement d’avoir bien
voulu débattre avec nous et de nous avoir fait bénéficier de leur longue expérience de musicologues
confrontés au « mystère » de l’irréductible expressivité de la musique. Nous remercions notamment
Georges Starobinski, qui a soutenu notre rencontre, ainsi que Raphaël Brunner qui, après nous avoir
gratifié d’une belle conférence sur la renaturalisation de l’art à partir des années soixante, n’a finalement
pas pu participer à ces actes en raison d’un agenda surchargé.
3 Pour un aperçu critique de ce que recouvre cette labellisation « postclassique », introduite par David
Herman en 1997 pour marquer notamment l’avènement d’une approche cognitiviste du récit, nous
renvoyons à l’article d’Ansgar Nünning (2003).
4 De fait, de nombreuses œuvres musicales revendiquent une lecture non référentielle, comme Blanchot
pouvait rêver d’une littérature « pure », qui ne renverrait qu’à elle-même.
Pour citer cet article
Référence électronique
Raphaël Baroni et Alain Corbellari, « Introduction », Cahiers de Narratologie [En ligne],
21 | 2011, mis en ligne le 20 décembre 2011, consulté le 19 janvier 2016. URL : http://
narratologie.revues.org/6430
À propos des auteurs
Raphaël Baroni
Université de Lausanne
Alain Corbellari
Universités de Lausanne et de Neuchâtel
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Droits d’auteur
Article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle.
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