Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                
207 Chapitre 4 : Mettre en œuvre la Réforme catholique dans les paroisses Une véritable mise en œuvre de la Réforme catholique dans les paroisses tient d’abord à la réalité et à l’ampleur des impulsions épiscopales. Aussi convient-il en premier lieu de brosser un portrait des évêques qui se succèdent au long du XVIIe siècle à la tête des diocèses de Rennes, de Dol et de Saint-Malo. Une étude des synodes, des statuts synodaux et des visites pastorales permet de parfaire ces portraits en mettant l’accent à la fois sur les redéfinitions théoriques et sur les politiques effectivement suivies. Pour être efficaces, ces politiques doivent disposer de relais locaux, et la mise en œuvre de la Réforme catholique passe donc aussi, comme le soulignait déjà Clichtove dans la première moitié du XVIe siècle, par la réforme du clergé paroissial. Il importe donc de cerner les évolutions éventuelles en matière de recrutement pastoral et d’encadrement clérical des paroisses. Cette question en détermine assez largement une autre, celle du passage de l’insertion dans la sociabilité laïque à une volonté de distinction, qui consiste par exemple à graver sa dignité dans la pierre. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, le bon prêtre est un homme de savoir, un homme de pouvoir et un intermédiaire culturel. Les prêtres et les évêques ne sont cependant pas les seuls acteurs de la mise en œuvre d’une politique réformatrice dans les paroisses. Ce sont en effet des laïcs qui gèrent les fabriques et il faut donc poser la question des permanences et des évolutions dans la gestion des fabriques, par rapport au XVIe siècle. Cela implique de se pencher sur l’évolution des budgets, sur le contrôle des comptes et sur les tendances oligarchiques. A ) Les impulsions épiscopales 1 ) Les évêques « Il faut souhaiter que ceux qui reçoivent le ministère de l’épiscopat sachent quel est leur rôle et comprennent qu’ils ont été appelés non pas pour leur propre commodité, ni à la richesse et au luxe, mais aux peines et aux travaux pour la gloire de Dieu. On ne saurait douter, en effet, que les autres fidèles s’enflammeront plus facilement pour la religion et pour l’innocence des mœurs s’ils voient que leurs chefs se préoccupent non pas de ce qui est au monde, mais du salut des âmes et de la patrie céleste ». Le chapitre I du Décret de réformation générale de la session XXV du concile de Trente expose ainsi la tâche de l’évêque et la 208 nécessité qui est la sienne de constituer un modèle pour les clercs et laïcs de son diocèse1. Aussi leur est-il « interdit absolument de chercher à enrichir leurs parents ou leurs familles au moyen des revenus de l’Église », et « ce qui, dans les bénéfices ecclésiastiques, a les apparences d’une succession héréditaire est chose odieuse »2. Les textes du concile traitent également du choix des hommes, des règles disciplinaires et des tâches qui incombent aux évêques (organisation des synodes, pratique des visites, prédication). Sont évacuées en revanche la question de l’institution des évêques, par crainte du conciliarisme, et celle de la résidence, les prélats présents à Trente ayant réussi à bloquer les débats, épineux, sur ce dernier sujet en 1562-15633. Quoi qu’il en soit, les textes du concile supposent, pour leur application, la présence des évêques dans leur diocèse, doublée d’un renforcement de leur pouvoir. La réception du concile de Trente en France ne se fait pas sans difficultés. Les volontés exprimées par le concile provincial réuni à Reims en 1564 à l’initiative du cardinal de Lorraine, par le clergé lors des états généraux de 1576 et de l’assemblée de 1579, par les états généraux de la Ligue en 1593 demeurent sans suite, cela pour des raisons politiques. En effet, Henri III puis Henri IV ne peuvent recevoir les décrets sans se positionner en faveur d’un catholicisme intransigeant, et ils se réfugient derrière les traditions gallicanes4. Mais les principales réformes souhaitées par le concile de Trente sont reprises en 1580 dans l’ordonnance de Blois et l’édit de Melun. Ceci dit, si les décrets dogmatiques sont reçus assez rapidement, la réforme disciplinaire, elle, s’applique certes sûrement, mais aussi progressivement et inégalement, et l’épiscopat du XVIIe siècle en constitue une excellente illustration. Recteur de Saint-Louis-des-Français à Rome, François Larchiver, un Trégorois d’origine modeste, bénéficie en 1602 de la résignation de l’évêque absentéiste Séraphin 1 « Optandum est, ut ii, qui episcopale ministerium suscipiunt, quae suae sint partes agnoscant ac se non ad propria commoda, non ad divitias aut luxum, sed ad labores et sollicitudines pro Dei gloria vocatos esse intelligant. Nec enim dubitandum est, et fideles reliquos ad religionem innocentiamque facilius inflammandos, si praepositos suos viderint non ea, quae mundi sunt, sed animarum salutem ac coelestem patriam cogitantes » ([LIV] Les conciles oecuméniques, t. II, p. 1592). 2 « Omnino vero eis interdicit, ne ex reditibus ecclesiae consanguineos familiaresve suos augere studeant » (session XXV, c. de reformatione I ; [LIV] Les conciles oecuméniques, t. II, p. 1592) ; « Cum in beneficiis ecclesiasticis ea, quae haereditariae successionis imaginem referunt, sacris constitutionibus sint odiosa » (session XXV, c. de reformatione VII ; [LIV] Les conciles oecuméniques, t. II, p. 1600). 3 [192] Histoire du christianisme, t. 8, p. 873-874, [201] TALLON, Alain, Le concile de Trente, p. 34. Le chapitre I du décret sur la résidence des évêques et des autres clercs inférieurs (Decretum de residentia episcoporum et aliorum inferiorum) de la session VI fait certes de la résidence une obligation, mais une obligation qui peut connaître des exceptions pour le service de l’Église ou celui de l’État. 4 [192] Histoire du christianisme, t. 8, p. 444 , [201] TALLON, Alain, Le concile de Trente, p. 85-93. 209 Olivier-Rezali5. Devenu évêque de Rennes grâce à l’appui du nonce, il se montre attaché à l’introduction de la liturgie romaine dans son diocèse, mais l’essentiel en la matière a déjà été réalisé par Aymar Hennequin, et les actions de François Larchiver dans ce domaine sont de ce fait limitées. En revanche, et c’est une décision aux conséquences très importantes, il permet l’installation d’un collège jésuite à Rennes en 1604. Il apparaît d’une façon générale comme un évêque résident et consciencieux. Il décède en 1619. Son successeur, Pierre Cornulier, qui était jusqu’alors et depuis 1617 évêque de Tréguier, appartient lui à une grande famille nantaise engagée au service du roi, son père ayant été trésorier général des finances en Bretagne, maire de Nantes et commissaire du roi aux états. Juriste de formation, le nouvel évêque de Rennes se révèle réformateur et sait se montrer intransigeant. Il fait éditer un Propre des saints en 1620 puis un second en 1627, date à laquelle il fait également imprimer un bréviaire romain, rendant son usage obligatoire6. Du fait de ses volontés d’inspection et de correction du clergé, il se heurte au chapitre cathédral, aux bénédictins de Saint-Melaine de Rennes et aux carmélites, et il fonde un couvent de minimes. Seul parmi les prélats bretons, il refuse de donner son approbation aux Vies des saints d’Albert Le Grand, qu’il considère comme trop légendaires. Ses relations avec les autorités civiles sont, également, parfois difficiles puisqu’il entre ponctuellement en conflit avec le Parlement et avec le cardinal de Richelieu. Il visite les malades quand la peste frappe sa ville, ce qui lui vaut une réputation d’homme austère et charitable. Il meurt en 1639. À Dol, Antoine Revol accède au siège épiscopal en 1603 sur résignation de son cousin Edmond Revol7. Visiblement apprécié de François de Sales, il fonde un monastère de la Visitation, et paraît à la fois résident et consciencieux. L’évêque qui arrive à Saint-Malo en 1599, après avoir permuté en 1596, Jean du Bec, est le fils d’un noble normand converti au calvinisme. Après avoir abjuré, et mené une carrière militaire dans sa jeunesse, Jean du Bec doit patienter plusieurs années avant d’accéder au siège de Nantes, dont était titulaire son oncle, puis il permute avec l’évêque de Saint-Malo Charles de Bourgneuf. Ayant accédé à l’épiscopat grâce à son oncle et au soutien d’Henri IV, Jean du Bec présente a priori les mêmes caractéristiques que beaucoup d’évêques 5 La liste des évêques figure en annexe (annexe n° 26). Des biographies des évêques figurent dans [18] Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, [19] Dictionnaire de biographie française, [30] Gallia christiana, [36] GUILLOTIN DE CORSON, Amédée, Pouillé historique (…), t. 1, [51] MICHAUD, Biographie universelle ancienne et moderne (…). Voir également [306] BERGIN, Joseph, The Making of the French Episcopate (…), p. 561-720, [128] CROIX, Alain, L’Âge d’or (…), p. 37-40, [97] Histoire de Rennes, p. 185-188, [245] POCQUET DU HAUT-JUSSE, Barthélémy-A., « L’histoire religieuse de Rennes au XVIe et au XVIIe siècle », p. 100-105, [316] POCQUET DU HAUT-JUSSE, Barthélémy-A., « Les évêques de Bretagne dans la Renaissance religieuse du XVIIe siècle ». 6 [2] AMIET, Robert, Missels et bréviaires imprimés (…), p. 403. [II] Breviarum Romanum. 7 Sur Antoine Revol, voir, outre les références citées supra, [LII] PERROGUY, G., Discours funebre sur la mort et bout de l’an (…). 210 du XVIe siècle, mais, une fois arrivé dans la cité malouine, il se montre soucieux de la réforme du diocèse, préparant ainsi le terrain à son successeur. Celui-ci, Guillaume Le Gouverneur, qui devient évêque de Saint-Malo en 1610, est à certains égards un cas atypique. Roturier issu de la bourgeoisie malouine, ni lui ni sa famille ne se sont engagés au service de la monarchie8. Mais, élève des jésuites à Paris et licencié à la Sorbonne en 1592, il bénéficie à cette date, à l’âge de dix-neuf, d’une résignation de son oncle, doyen du chapitre cathédral, en sa faveur. Il prend possession, de façon effective, du doyenné l’année suivante et devient recteur de Paramé en 1598. Doyen du chapitre, il représente ce corps aux états à partir de 1596, et il est envoyé à Paris à partir de 1604 comme représentant de la communauté de ville, dans une affaire liée à la vérification des comptes de celle-ci. En 1605, il est désigné comme représentant du diocèse à l’assemblée provinciale de Tours, où l’on traite de la question des décimes, puis, élu de la province, il participe à l’assemblée générale qui se tient à Paris9. Homme de caractère, très actif, zélé et loyaliste, Guillaume Le Gouverneur doit peut-être en partie sa nomination aux événements qui ont marqué la cité malouine pendant la Ligue. Nommé évêque par Henri IV en janvier 1610, il est sacré en février 1611 et effectue son entrée solennelle dans la ville épiscopale le mois suivant. Assidu aux séances des États de Bretagne, participant aux États généraux de 1614, Guillaume Le Gouverneur ne conçoit pas pour autant sa tâche sous un angle politique. Il est à l’initiative de l’établissement de plusieurs maisons religieuses dans son diocèse : capucins, bénédictins anglais, récollets, bénédictines, ursulines, carmes, dominicaines10. Il est également l’introducteur de la liturgie romaine dans le diocèse de Saint-Malo, et fait imprimer un Propre des saints en 1615, un processionnal en 1617 et un rituel romain à la même date 11. Malade à partir des années 1620, il décède en 1630. Ces évêques véritablement réformateurs ou simplement consciencieux du premier tiers du siècle laissent ensuite la place à un personnel plus contrasté. C’est notamment le cas pour le diocèse de Rennes où, à la suite du décès de Pierre Cornulier en 1639, le choix se porte désormais sur des évêques « politiques » plus souples. Henri de La Mothe-Houdancourt, dont deux sœurs sont abbesses, deux frères évêques et un troisième maréchal de France, est nommé évêque en 1639, prend possession de son évêché par procuration en 1641 et est sacré en 1642. 8 Sur Guillaume Le Gouverneur, voir, outre les références citées supra, [341] GUIBLIN, François-Xavier, Un écrit dans la Réforme catholique (…), p. 96-105 et [LIII] VAN MECHELEN, Joannes Baptista, Oratio funebris in laudem (…). 9 ADIV, 1 G 82. 10 Cette liste est donnée dans l’ordre chronologique de l’établissement des maisons. 11 [XIX] Officia propria sanctorum ecclesiae Macloviensis, [XX] Processionale iuxta ritum sanctae romanae ecclesiae restitutum (…), [XXI] Rituale romanum Pauli V. [4] Répertoire des rituels et processionnaux imprimés (…), p. 260. 211 En 1653, il est nommé premier aumônier d’Anne d’Autriche, et il est transféré à l’archevêché d’Auch en 1661. Son successeur, Charles de La Vieuville, est le fils du surintendant des finances. Il décède en 1676 et c’est alors son neveu qui est nommé sur le siège de Rennes. Mais François de La Vieuville se désiste et c’est Denis-François Bouthillier de Chavigny, aumônier du roi et abbé commendataire de plusieurs monastères, qui est alors nommé. Mais il ne prend pas possession de son siège, n’est pas sacré, et est transféré à l’évêché de Troyes en 1677. À Dol, Antoine Revol décède en 1630 et son successeur est l’aumônier de Marie de Médicis, Hector d’Ouvrier. Après avoir pris possession de son évêché, ce dernier devient conseiller d’État et gouverneur de la ville et du château de Dol. En 1644, il permute avec l’évêque de Nîmes, Anthyme-Denis Cohon. Originaire d’Anjou et d’extraction modeste, Anthyme-Denis Cohon s’est signalé à la cour d’abord par ses talents de prédicateur et à Nîmes ensuite par son zèle anti-protestant. La situation étant devenue particulièrement tendue dans la cité méridionale, il lui est conseillé de se démettre de son évêché, ce qui explique son arrivée à Dol, mais c’est un passage sans lendemain puisqu’il se démet de ce siège en 1648. Son successeur, Robert Cupif, est d’une famille parlementaire angevine d’origine écossaise. Évêque de Saint-Pol-de-Léon à partir de 1640 du fait de la disgrâce du titulaire précédent, la réhabilitation de ce dernier l’oblige à quitter l’évêché léonard pour le siège de Dol en 1648. Il n’obtient cependant ses bulles qu’en 1652 et prend possession de l’évêché en 1653. En procès contre le chapitre cathédral de Dol, il décède en 1659. Les deux évêques qui se succèdent alors sur le siège de Dol paraissent attacher un peu plus d’importance à la gestion et à la réforme de leur diocèse, mais ne sont pas pour autant de grands réformateurs. Mathieu Thoreau, doyen du chapitre cathédral de Poitiers, agent du clergé de France, anti-janséniste, est sacré en 1661 et décède en 1692. Son successeur Jean-François Chamillart, parent de Michel Chamillart, l’intendant de Rouen qui devient ensuite contrôleur général des Finances puis ministre d’État, s’attache lui aussi à lutter contre les jansénistes ainsi qu’à réformer le clergé de son diocèse, mais dès 1702 il obtient son transfert à Senlis. Après la mort de Guillaume Le Gouverneur, en 1630, le roi nomme sur le siège malouin un capucin, Michel de Paris, qui refuse, et le siège reste vacant jusqu’en 1631. Le successeur de Guillaume Le Gouverneur est finalement Achille de Harlay, issu d’une grande famille parlementaire parisienne. Évêque de Lavaur en 1601, il quitte l’état ecclésiastique lorsqu’il devient chef de sa branche après le décès de son frère aîné, et il est nommé ambassadeur à Constantinople en 1611. De retour à Paris sept ans plus tard, il entre en 1620 chez les oratoriens, puis devient le confesseur d’Henriette de France, reine d’Angleterre, avant 212 d’être nommé ambassadeur en Savoie. Devenu évêque de Saint-Malo, et abbé de Saint-Méen en 1639, il partage son temps entre son diocèse, où il se montre soucieux de réforme, et la cour où il travaille avec le cardinal de Richelieu, rédigeant même une partie des Mémoires de celui-ci12. Il obtient en 1644 un coadjuteur qui n’est autre que son neveu, Ferdinand de Neufville, fils de Charles de Neufville, marquis de Villeroy, qui a été gouverneur du Beaujolais, du Forez et du Lyonnais. Ferdinand de Neufville succède à son oncle deux ans plus tard, lorsque celui-ci décède, puis il est transféré à Chartres en 1657. Son successeur, François de Villemontée, a été conseiller au Parlement de Paris, maître des requêtes et conseiller d’État, avant de se séparer de sa femme et d’entrer dans l’état ecclésiastique13. Il obtient l’évêché de Saint-Malo en 1658, en prend possession et est sacré en 1660. Son investissement dans le diocèse malouin paraît assez modéré, et l’évêque est nommé par le pape commissaire pour les affaires du jansénisme en France. Il décède à Paris en 1670 et son successeur est Sébastien du Guémadeuc, qui a été aumônier d’Anne d’Autriche, puis agent général du clergé de France. Il assiste aux assemblées du clergé tenues en 1680 et 1682 où il affirme des positions gallicanes, mais il est également présent dans son diocèse, notamment dans le manoir épiscopal de Saint-Malo-de-Beignon qu’il fait reconstruire et où il meurt en 1702. À Rennes, le siècle se clôt par un long épiscopat qui apparaît comme le moins « politique » du diocèse depuis 1639, et le reste assurément jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Jean-Baptiste Beaumanoir de Lavardin, petit-neveu puis cousin de deux évêques du Mans, qui est nommé évêque de Rennes en 1677 et sacré en 1678, gère l’entreprise de conversion forcée des protestants vitréens qui fait suite à l’édit de Fontainebleau, et, parent du cardinal de Noailles, s’investit dans la lutte contre les jésuites. Il est de ce fait très engagé dans les affaires nationales, mais, pendant les trente-trois années de son épiscopat, jusqu’en 1711, il réside presque toujours dans son diocèse, et, en faisant par exemple rééditer le rituel romain en 169814, sait se montrer soucieux d’une réforme qui n’a pas toujours fait partie des principales préoccupations de ses trois prédécesseurs. Ainsi, si le tableau global de l’épiscopat des diocèses de Rennes, de Dol et de SaintMalo apparaît plus conforme aux modèles tridentins au XVIIe siècle qu’au siècle précédent, force est de reconnaître que, malgré les souhaits affichés lors de la session XXV du concile, bien des évêques ne négligent ni les aspects financiers et politiques, ni ceux ressortissant du 12 [313] LAVOLLEE, Robert, « Un évêque de Saint-Malo collaborateur de Richelieu ». Sur François de Villemontée, voir, outre les références citées supra, [318] SAULNIER, Frédéric, , « Un prélat au XVIIe siècle (…) ». 13 213 domaine des stratégies familiales. Pourtant, des évêques se montrent particulièrement réformateurs, notamment pendant le premier tiers du siècle, à l’image de Guillaume Le Gouverneur, qui apparaît comme la figure de proue de ce groupe. L’élan retombe dans les années 1630, et c’est un personnel plus contrasté qui émerge. Il s’agit en quelque sorte d’un retour des « politiques », mais il faut noter que la plupart de ces évêques s’avèrent finalement assez consciencieux. Par ailleurs, les situations varient suivant les diocèses, dans la mesure où elles tiennent à des personnalités. Ainsi Jean-Baptiste Beaumanoir de Lavardin, qui accède au siège épiscopal de Rennes à la fin des années 1670 apparaît-il comme un vrai réformateur. 2 ) Les synodes Le registre dans lequel sont consignés les synodes tenus dans le diocèse de Saint-Malo à partir de 1569 s’interrompt après octobre 1573, et François Thomé prend possession de son siège en mars 157415. Nous savons qu’en 1599 Jean du Bec, peu de temps après son entrée à Saint-Malo, tient un synode, puisqu’il promulgue des ordonnances dont nous n’avons malheureusement pas conservé le texte. Dans un nouveau registre, tenu par le secrétaire de l’évêché ou par un notaire apostolique, est consigné le déroulement des synodes qui ont lieu de nouveau deux fois par an, de la Saint-Luc 1602 à la Pentecôte 1615, sauf en 1610 car Jean du Bec décède au mois de janvier, et son successeur Guillaume Le Gouverneur n’est sacré qu’en février 1611. Pendant son épiscopat, Jean du Bec préside lui-même huit synodes sur quatorze, et Guillaume Le Gouverneur, jusqu’à la Pentecôte 1615, six sur neuf. L’absence de registre s’explique ensuite sans aucun doute par une perte documentaire, car Guillaume Le Gouverneur poursuit sa politique jusqu’à son décès en 1630, malgré sa maladie, promulguant des statuts synodaux en 1613, 1617 et 1619. Le siège est ensuite vacant jusqu’en juillet 1631, et Achille de Harlay fait son entrée solennelle dans la ville épiscopale le 29 mai 1632, tenant d’emblée un synode afin de confirmer les décisions prises par son prédécesseur. Quarante et un synodes se succèdent alors jusqu’à la Pentecôte 1652, le décès d’Achille de Harlay en 1646 et sa succession par Ferdinand de Neufville n’ayant guère de conséquences en la matière. Des synodes sont donc tenus de façon régulière pendant toute la première moitié du XVIIe siècle. [4] Répertoire des rituels et processionnaux imprimés (…), p. 242. Voir supra, chapitre 3. Sur les synodes tenus dans le diocèse de Saint-Malo aux XVIe et XVIIe siècles, voir [349] RESTIF, Bruno, « Les synodes du diocèse de Saint-Malo (…) ». 14 15 214 Avant le synode, qui constitue, comme il est affirmé dans les statuts synodaux promulgués par Guillaume Le Gouverneur et édités en 1613, « une generale visitation », « les doyens ruraux, et les recteurs mesmes apporteront memoires au promoteur […] des defectuositez, transgressions, iniquitez et depravations qui peuvent avoir cours parmy le peuple »16. Achille de Harlay ajoute, lorsqu’il arrive à Saint-Malo à la Pentecôte 1632, qu’il « sera loisible à chaque beneficier de proposer au synode avec respect et modestie tout ce qu’il estimera utile a la discipline ecclesiastique ». Mais ces invitations semblent peu suivies d’effet chez les recteurs. Ceux-ci, en revanche, remettent à l’évêque, en 1635, une requête demandant « qu’il ne soit tenu qu’un sinode par chacun an », demande réitérée en 1651 et 1652, « a cause de l’incomodité des chemins » et des « pluyes ordinaires du mois d’octobre qui est la saison la plus facheuse de toute l’annee ». Une autre requête est présentée pour l’impression des ordonnances de 1635, celle-ci obtenant une suite positive. Ces ordonnances sont, tout comme celles de 1647, « receues unanimement de tout le synode », celui-ci étant composé, en théorie du moins car tous ne sont pas présents, des « prieurs, recteurs, curés, vicaires et aultres ecclesiastiques faisant le corps du clergé dudit diocese ». Cette formule est utilisée lorsque des décisions importantes doivent être approuvées, mais, dans les faits, cellesci sont toujours prises par les évêques et les vicaires généraux. « Des le matin », est-il expliqué dans les statuts édités en 1619 qui, toujours à l’initiative de Guillaume Le Gouverneur, reprennent et complètent ceux de 1613 puis 1617, les recteurs « doivent comparoir […] en habit decent, et a jeun, pour plus devotement ouyr, retenir, practiquer, et accomplir ce qui aura esté leu, dit, enjoinct, ou defendu »17. L’organisation demeure la même qu’au XVIe siècle, et le synode se termine par des prières et une bénédiction, nul ne devant se retirer avant la fin, sous peine d’une amende allant, selon les années, de une à deux livres, voire, parfois, sous peine de suspense a divinis ou d’excommunication. Quant aux absents, ils sont, est-il précisé dans les statuts édités en 1613, « condamnez chacun en six livres d’amende […] et en outre declarez, eo ipso, suspens a divinis, par l’espace de trois sepmaines », si du moins ils ne viennent, dans un délai d’un mois, s’« excuser vers nous, et purger de telle contumace par quelque juste empeschement, qu’ils pourront alleguer »18. 16 [XXVIII] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux. [XXIX] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux. 18 Sur ce point, Guillaume Le Gouverneur reprend les statuts synodaux de ses prédécesseurs Pierre Benoît (1350), Robert de La Motte (1402), Jean L’Espervier (1460) et Denis Briçonnet (1525), augmentant simplement le montant de l’amende qui était jusqu’alors de 5 livres. 17 215 Graphique n° 30 : Nombre de titulaires de cures présents aux synodes du diocèse de Saint-Malo (1569-1652) 160 140 120 100 80 60 40 20 1652 1651 ? 1650 1649 ?? ? 1648 ? 1647 1646 ? ? 1645 1643 1642 1641 1640 1644 ? ? 1639 1637 1636 1635 1634 1633 1632 1615 1614 1613 1612 1611 1610 1609 1608 1607 1606 1605 1604 1603 1602 1573 1572 1571 1570 1569 Synode de la Pentecôte 1638 ?? 0 Synode de la Saint-Luc Grâce à la liste de présence soigneusement consignée dans le registre au début de chaque synode, nous connaissons la fréquentation des assemblées, qui est représentée sur le graphique en ce qui concerne les titulaires de cures. Si au XVIe siècle seul un tiers à peine, en moyenne, des recteurs et prieurs-curés (les trèves étant représentées par leurs paroisses-mères) sont présents aux synodes, l’assistance est nettement plus importante dans les quinze premières années du XVIIe siècle puisqu’elle dépasse en moyenne les 50 %. Cela n’empêche pas l’existence de variations non négligeables, car si, à quatre reprises, le nombre des participants est égal ou supérieur à 100, il est à cinq reprises inférieur à 70. Nous retrouvons ces variations, amplifiées, pour la période 1632-1652, puisque le nombre de participants va de 55 (soit 34 %) à la Saint-Luc 1651 à 142 (soit 88 %) à la Saint-Luc 1632. Mais, en moyenne, l’assistance, que nous ne pouvons pas mesurer pour tous les synodes, n’est pas plus importante que lors de la période précédente, et il s’agit là sans aucun doute d’un relatif échec pour les évêques du milieu du XVIIe siècle, par contraste avec ceux du début du siècle. 216 Carte n° 31 : Lieux où se déroulent des synodes dans le diocèse de Saint-Malo Trois raisons expliquent qu’à partir du début du XVIIe siècle le nombre de titulaires de cures présents aux synodes augmente fortement. Tout d’abord, les recteurs et prieurs-curés doivent être présents en personne et non plus envoyer leurs curés ou vicaires, prescription d’emblée suivie d’effet, et qui le reste au moins jusqu’au milieu du siècle. Ensuite, les synodes ne se tiennent plus seulement à Saint-Malo, mais aussi à Dinan et à Saint-Malo-deBeignon, afin de faciliter l’assistance des recteurs du sud du diocèse à certaines assemblées19. Mais dans ces derniers cas les recteurs du nord du diocèse se déplacent peu et invoquent diverses excuses. À partir des années 1630, l’évêque cherche à organiser des synodes dans un lieu qui soit central, et, après quelques assemblées à Bécherel et à Montfort, c’est finalement Aux neuf synodes qui se tiennent tous à Saint-Malo de 1569 à 1573, l’assistance des titulaires de cures est, en moyenne, de plus de 50 % en ce qui concerne les doyennés de Poulet et de Poudouvre, les plus proches du siège épiscopal, mais de 10 % pour le doyenné de La Nouée et de 6 % pour celui de Lohéac, les plus éloignés. Les distances atteignent en effet jusqu’à 90 kilomètres, et aucun axe de circulation important ne permet de traverser le diocèse du sud au nord. 19 217 le choix de Saint-Méen, où le synode de la Saint-Luc 1602 avait déjà été organisé, qui s’impose. À partir de 1640, les synodes ont lieu soit dans une église paroissiale de Dinan, soit dans l’église abbatiale de Saint-Méen. La géographie des absences a alors tendance à s’uniformiser, même si le doyenné de Lohéac reste relativement sous-représenté. Par ailleurs, nous pouvons constater, comme le laissaient entendre des requêtes présentées à l’évêque, que les synodes d’octobre sont un peu moins fréquentés que ceux de la Pentecôte, mais cela est surtout vrai à partir des années 1630 et se trouve accentué, à partir du milieu des années 1640, par le fait que le synode de la Saint-Luc se tient souvent à Dinan, tandis que celui de la Pentecôte a généralement lieu à Saint-Méen. Le troisième élément qui explique ces évolutions est, bien entendu, l’action épiscopale. Le succès de Jean du Bec et de Guillaume Le Gouverneur, au début du siècle, est de ce point de vue tout à fait évident. Celui d’Achille de Harlay et de Ferdinand de Neufville est plus nuancé, car ils éprouvent des difficultés à accroître la fréquentation des synodes, mais ils ont l’intelligence de choisir un lieu central pour la tenue de ces assemblées, sans négliger pour autant le nord du diocèse. Enfin, d’une façon générale, l’assistance est importante au début des épiscopats (cela est surtout vrai pour Jean du Bec et Achille de Harlay) et lors des synodes majeurs du point de vue des décisions prises. La fonction administrative remplie par ces assemblées au XVIe siècle perdure au siècle suivant, puisqu’il est question des décimes au cours de 27 des 41 synodes tenus de 1632 à 1652. Par contre, dès le début du siècle, il n’est plus question des annates ni de l’officialité20 et, surtout, ces assemblées retrouvent pleinement la fonction qui avait été la leur au bas Moyen Âge, à savoir celle de réglementer le fonctionnement quotidien du culte et d’affirmer le pouvoir de l’Église et notamment de l’évêque, en édictant des statuts. Ceux de Guillaume Le Gouverneur sont d’abord lus au synode de la Saint-Luc 1612, les recteurs étant invités à rédiger des mémoires afin, éventuellement, de les compléter, puis ils sont imprimés en 1613. Les titulaires de cures sont alors appelés, dès la Pentecôte 1613, à en acquérir un exemplaire qu’ils doivent « lire et publier en leurs eglises ». Ils doivent de plus « apporter aux sinodes chacun son livre des statudz sur payne » d’une amende de dix sous. Il en est de même, dans les années 1640, des ordonnances d’Achille de Harlay et de Ferdinand de Neufville 21. Les synodes successifs en rappellent ou modifient un certain nombre d’aspects réglementaires, sur Sur la séparation, désormais définitive, entre le fonctionnement des synodes et celui de l’officialité, nous manquons d’éléments d’analyse et nous devons nous en tenir à des hypothèses. La plus plausible me semble résider justement dans le souci de faire de ces réunions un véritable instrument de réforme, et non plus seulement de gestion surtout administrative du diocèse. 21 Nous n’avons pas conservé le texte des ordonnances d’Achille de Harlay. 20 218 la célébration des messes, l’usage des linges liturgiques ou la nécessité d’aller chercher les saintes huiles auprès du doyen. Les chapelles et chapellenies font, de même, l’objet de plusieurs rappels et précisions. Dans les années 1630-1640, l’évêque veille à conserver les privilèges des églises paroissiales face aux velléités d’indépendance de certains desservants de chapelles, tandis qu’il renforce le contrôle des messes qui y sont fondées. En 1647, dans ses ordonnances, Ferdinand de Neufville exige la réalisation, dans chaque paroisse, d’inventaires des « lettres, tiltres et enseignementz concernants les fondations », qui soient déposés, de même que les actes en question, dans le coffre des archives de la fabrique, que ne pourront ouvrir que le recteur ou un ecclésiastique nommé par lui, un trésorier en charge et un ancien trésorier « chouaisy pour ce regard par le general desdits parroissiens ». Un peu dans le même esprit, quoique de façon nettement plus précoce, mais en effectuant des rappels jusqu’à la fin des années 1630, les évêques affirment le contrôle de l’Église sur les comptes rendus par les trésoriers de fabrique. Les questions d’argent interviennent aussi par la nécessité de contrôler les quêtes qui se pratiquent dans le diocèse. Enfin, les évêques profitent des synodes pour affirmer leur pouvoir, en matière de cas réservés mais aussi en ce qui concerne les monitoires, engageant dans ce domaine une lutte contre les archidiacres de Dinan et de Porhoët. Cela dit, les synodes ne constituent pas seulement un outil administratif permettant de faciliter la levée des décimes et l’application de réglementations diverses. Dès les premières années du XVIIe siècle, ils jouent à plein le rôle d’instrument de réforme que le concile de Trente encourage les évêques à utiliser. L’étude des synodes s’avère d’autant plus intéressante que leur rôle ne se résume pas à la préparation et au rappel des statuts synodaux. Ils visent, par le biais du clergé paroissial, à appliquer la Réforme catholique dans le diocèse, en insistant sur les aspects qui sont alors perçus comme étant les plus importants. Il s’agit de la volonté de séparation accrue entre le sacré et le profane et l’insistance sur la dignité des clercs, le souci d’améliorer l’instruction des ecclésiastiques et des fidèles, et les évolutions liturgiques. Attachons-nous ici à ce dernier aspect, qui apparaît, dans les quinze premières années du XVIIe siècle, comme un des principaux axes de la politique réformatrice dans le diocèse. En effet, il est question des livres liturgiques à onze synodes sur douze de la Pentecôte 1604 à la Saint-Luc 1609, puis à trois synodes encore en 1611, 1613 et 1615. À la Pentecôte 1604, « il est faict commandement a toutz les recteurs de s’en aller a Saint Malo et prandre des brevieres et en fere prandre à leurs prebtres », bréviaires « nouvellement imprimez a l’usage de cet evesché »22, et ce sur peine de Il s’agit du Breviarium Macloviense imprimé en 1603 et répertorié dans [13] BOHATTA, Hans, Bibliographie der Breviere (…), sous le n° 2398. 22 219 suspense a divinis. Cela dit, en 1611 encore, certains prêtres n’ont pas acheté leur bréviaire. À la Pentecôte 1605, « plusieurs des beneficiers » font remarquer à l’évêque que, le bréviaire ayant été réformé, il serait souhaitable d’en faire de même des missels, et de faire imprimer des diurnaux23, « avec offre qu’ils font de s’obliger d’en prendre et fere prendre aux prebtres de leurs paroisses, et pour les missaux mesmes aux fabriques de leurs paroisses », ce que Jean du Bec accepte, en demandant une avance financière de la part des prêtres et des fabriques. L’imprimeur malouin Pierre Marcigay « fait une espreuve d’une fueille du missal a l’usage de Saint Malo », qui est soumise aux recteurs lors du synode de la Saint-Luc 1605. Ceux-ci « ont trouvé bonne et approuvé ladite forme et caractere, et consenty qu’ilz soint imprimez en icelle forme », promettant d’en prendre et d’avancer les sommes. Cela nous montre au passage que les synodes ne sont pas une simple courroie de transmission du pouvoir épiscopal, mais aussi un lieu de discussion et d’intervention des recteurs. Les diurnaux sont imprimés en 1607 et les missels, au nombre de 400, en 1609 seulement24. En 1611, l’archidiacre de Porhoët dénonce les prêtres qui n’ont pas encore acheté les ouvrages liturgiques nouvellement imprimés, rappelant que tous doivent « en avoir tant pour leur office en particulier que pour ayder a faire le service divin es eglises » et faire observer par le peuple les jours de fête qui y sont indiqués. Dès 1613, il est décidé de suivre dorénavant l’usage romain, et il est ordonné aux recteurs de faire acheter par les trésoriers des fabriques « des antiphonaulx [antiphonaires], graduels et psaultiers […], comme ils sont imprimez a Paris ». Puis, à la Pentecôte 1615, il leur est demandé « d’user dorenavant de brevieres et messelz romains », leur donnant un délai de six mois pour en acquérir, sous peine de trois livres d’amende. Par ailleurs, les évêques instaurent de nouvelles fêtes chômées : la Transfiguration en 1605, la Saint-Yves et la Saint-Méen en 1611, la Saint-Louis en 1638. Il ne semble pas aisé de faire respecter ces nouveaux jours chômés dans un diocèse qui, en 1619, en compte 45 en sus des dimanches25, et il est demandé aux recteurs de condamner dans leurs prônes les « transgresseurs de festes ». Il y a bien, ainsi, dès les premières années du XVIIe siècle, un renouveau des synodes dans le diocèse de Saint-Malo – notre ignorance étant totale en ce qui concerne les diocèses voisins de Dol et de Rennes –, ce qui s’explique à la fois par le souci d’une gestion efficace et par la volonté de mettre en œuvre une véritable politique de réforme. L’action engagée en la matière par Jean du Bec et Guillaume Le Gouverneur est fondamentale et la fréquentation Diurnal : « Livre d’Eglise qui contient l’office divin qui se recite de jour, c’est a dire, les petites heures, vespres et complies. » ([29] FURETIERE, Antoine, Dictionnaire universel). 24 Il s’agit du [XV] Missale Macloviense, répertorié dans [68] WEALE, W. H. J., Bibliographia liturgica (…), sous le n° 567. 23 220 relativement importante des titulaires de cures assure l’efficacité de l’entreprise, constatation qui vaut aussi pour le début de l’épiscopat d’Achille de Harlay. La situation semble même meilleure dans le diocèse de Saint-Malo que dans celui de Clermont, pourtant dirigé par l’énergique Joachim d’Estaing, alors que la géographie du diocèse n’est pas plus favorable26. Et la reprise en main semble, d’une façon générale et dans l’état actuel des connaissances, plus précoce dans le diocèse malouin que dans la plupart des diocèses français 27. Mais au milieu des années 1630 la formule semble s’essouffler. De façon évidente, le degré de réussite de l’entreprise réside désormais dans la qualité du clergé paroissial, et pas seulement des recteurs, qui requiert un niveau d’instruction suffisant, et donc une formation adaptée. C’est un aspect que Guillaume Le Gouverneur n’a sans doute pas suffisamment vu, mais son action est fondamentale aussi bien dans la tenue des synodes que dans la promulgation de statuts synodaux. 3 ) Les statuts synodaux Lorsque Guillaume Le Gouverneur accède au siège épiscopal, les derniers statuts synodaux du diocèse de Saint-Malo ont été promulgués près d’un siècle plus tôt par Denis Briçonnet, Jean du Bec s’étant contenté en 1599 d’ordonnances dont nous n’avons pas conservé le texte. Le long travail de préparation, préliminaire à la promulgation de nouveaux statuts, est sans doute d’abord l’œuvre de Jacques Doremet, Vendômois et protestant dans sa jeunesse, arrivé en 1605 dans le diocèse malouin et devenu chanoine et recteur de Miniac, secrétaire particulier de Jean du Bec puis vicaire général, et confirmé dans cette charge en 1612 par le nouvel évêque28. Un bénédictin anglais arrivé à Saint-Malo en 1611, Guillaume de Gifford, en religion Gabriel de Sainte-Marie, nommé vicaire général par Guillaume Le Gouverneur en 1612, joue lui aussi très probablement un rôle important dans ce travail, dont il ne faut sans doute pas exclure non plus quelques membres du chapitre29. Notons aussi qu’en 1611 l’évêque visite son diocèse afin d’établir la liste des travers à corriger30. Comme nous l’avons vu, les statuts sont lus au synode de la Saint-Luc 1612, les recteurs étant invités à rédiger des mémoires afin de les compléter, puis ils sont imprimés en 1613 à Saint-Malo, et 25 [XXIX] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux, p. 35 sq. Or, Guillaume Le Gouverneur a déjà supprimé certaines fêtes. 26 [226] WELTER, Louise, La réforme ecclésiastique du diocèse de Clermont (…), p. 28-30. 27 [193] Histoire du christianisme, t. 9, p. 254-255. 28 [XLI] JOUON DES LONGRAIS, Frédéric, Jacques Doremet, sa vie et ses ouvrages (…), p. 1-74. 29 [341] GUIBLIN, François-Xavier, Un écrit dans la Réforme catholique (…), p. 125. 30 [XXVIII] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux, p. 3-4. ADIV, 1 G 82. 221 forment un volume de 575 pages31. L’épître qui figure au début de l’ouvrage indique clairement l’esprit de l’entreprise. L’évêque présente la publication comme la suite logique de sa visite pastorale, au cours de laquelle il a « d’un veillant soin, pris garde a faire recherche et perquisition des defectuositez, vices, depravations, corruptions, iniquitez, malices, perversitez, malversations, prevarications, et autres pechez et maladies spirituelles, dont […] plusieurs de chaque condition, par les villes et parroisses de nostre diocese, se retrouvent infectez »32. Aussi apparaît-il nécessaire d’établir « diverses constitutions, reglements, decrets et ordonnances »33. Tous les titulaires de cures doivent évidemment en acquérir un exemplaire et, nous l’avons vu, l’apporter aux synodes. Les statuts font l’objet d’une réédition en 1619 et en 162034. Peut-être les ouvrages édités antérieurement ont-ils été alors entièrement écoulés. L’épître qui ouvre le volume imprimé en 1620 présente une autre raison : l’évêque y constate qu’à son « grand desplaisir et tres grand regret, plusieurs tant ecclesiastiques que laiques se retrouvent encore tarez, apres les assidus et penibles labeurs que nous avons si soigneusement employez pour en repurger nostre diocese »35. L’allongement des développements est conçu comme facilitant la mise en œuvre des remèdes, l’ouvrage édité en 1619 comporte 1118 pages, celui imprimé en 1620 1122 pages, auxquelles s’ajoutent dans les deux cas 79 pages non numérotées consacrées à la table des matières et à l’index. Les différences entre les deux dernières éditions sont tout à fait mineures, et celles qui existent entre ces dernières et l’édition de 1613 ne portent guère sur le fond, même si l’on constate quelques modifications ponctuelles, qui vont dans le sens d’une plus grande exigence. Dans les volumes imprimés en 1619 et 1620, les citations, placées généralement dans les marges, sont encore plus nombreuses que dans l’édition précédente, où elles figuraient pourtant déjà en nombre non négligeable. Sont cités les anciens statuts synodaux du diocèse de Saint-Malo et la législation provinciale bien entendu, mais aussi d’autres textes conciliaires, et notamment ceux du concile de Trente, Aristote, les Pères grecs, saint Thomas, Bellarmin, Charles Borromée, les théologiens espagnols, et plusieurs de ces citations sont faites en grec, en italien et en espagnol. Le doublement du volume s’explique aussi par l’emploi d’un nouveau style d’écriture, marqué par la faconde. Les paragraphes précédents sont généralement conservés, mais des développements nouveaux sont insérés ; ils sont marqués par la volubilité mais n’apportent, sauf exceptions, rien de plus sur le fond. L’index 31 [XXVIII] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux. Ibid., p. 3-4. 33 Ibid., p. 6. 34 [XXIX] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux, [XXX] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux. 35 [XXX] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux, p. 3-4. 32 222 comprend 418 notions, la multiplication des entrées visant à faciliter la consultation de cet ouvrage volumineux. Au début de l’ouvrage figurent une épître, un mandement pour la promulgation, des règles concernant les excommunications, les jeûnes et l’observance du dimanche, ainsi que la liste des fêtes chômées. Puis les statuts synodaux sont divisés en trois grandes parties. La première, consacrée aux ecclésiastiques et à la « dignité sacerdotale », comprend 13 articles et 261 pages36. Il y est question des synodes, des visites et des doyens ruraux, de la résidence, de la récitation des heures et de la célébration des offices, du prône, des prêtres étrangers, des prédicateurs, et de l’ensemble des règles en matière de discipline. La seconde partie, en 27 articles et 267 pages, traite des « reglemens communs concernant l’honneteté, modestie, probité de vie et sainte conversation des fidelles chrestiens, tant ecclesiastiques que laiques ». Ce sont principalement les laïcs qui sont ici visés. Les réglementations touchent tous les domaines, concernant les processions, l’usage de l’eau bénite, le culte des images et les miracles, mais aussi les testaments, les sépultures et la gestion des fabriques. Il y est question de l’encadrement des fidèles par le biais des confréries et des hôpitaux, des interdictions à propos des veillées et de possibles usages des lieux de culte, ainsi que des condamnations qui doivent toucher les concubinaires, les blasphémateurs et les sorciers, sans oublier la conduite à tenir à l’égard des excommuniés. L’évêque s’intéresse aussi, de façon révélatrice, aux petites écoles et aux « catechizations ». La troisième et dernière partie, qui traite des sept sacrements, est constituée de 162 articles qui occupent 566 pages, soit la moitié de l’ouvrage. Les deux sacrements qui font l’objet des développements les plus longs sont l’eucharistie et la pénitence, auxquels sont consacrés respectivement 162 et 164 pages, soit, à eux seuls, plus de 57 % du texte de cette troisième partie. L’ouvrage se clôt par une conclusion et une « profession de la foy catholique, que tous chrestiens doivent savoir, et laquelle doivent faire tous ceux qui se convertissent abjurant l’heresie ». Comme l’a souligné François Lebrun, les statuts synodaux semblent constituer avant tout un long catalogue de défenses, notamment à l’égard des laïcs, et l’obtention du Salut paraît résulter d’abord de l’évitement du péché, omniprésent dans le monde de par l’action du Malin37. C’est la raison pour laquelle Guillaume Le Gouverneur se veut exigeant et rigoureux, d’autant que « le flagitieux, le brutal ne veut point obeir aux ordonnances, ni s’abstenir de mal faire, que par crainte »38. En effet, les pécheurs « se plaignent de la severité des peines, et ne Les calculs qui figurent ici ont été réalisés à partir de l’édition de 1620. [343] LEBRUN, François, « La religion de l’évêque de Saint-Malo et de ses diocésains (…) ». 38 [XXIX] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux, p. 11. 36 37 223 se plaignent pas de l’atrocité de leurs vices »39. Aussi la contrainte est-elle conçue par l’évêque comme une action positive et louable, ce qu’exprime la métaphore suivante : « celuy qui laisseroit croupir le venin au corps de quelqu’un qui auroit esté mordu de quelque beste veneneuse, quand il pourroit le tirer hors, seroit a bon droit estimé cruel, mais non pas celuy qui le tireroit, et feroit sortir. C’est une espece de pieté d’estre rigoureux en tel cas »40. Le clergé paroissial est évidemment tenu de participer à l’entreprise, y compris en amont, les synodes servant à « traitter et conferer avec nous du regime de l’Eglise » pour « faire disquisition et discussion de toutes defectuositez et depravations, afin d’y appliquer les remedes opportuns et necessaires »41. En aval, tous les prêtres, et pas seulement les titulaires de cures, doivent posséder un exemplaire des statuts. Et les recteurs doivent « lire et publier distinctement et intelligiblement nos presens statuts a leurs paroissiens assemblez, tous les premiers dimanches de chacun mois annuellement, soit entre la messe matinale et la grande messe, soit a l’endroit du prosne, soit a une heure apres midy attendant vespres […], et en faire lecture du moins l’espace d’une heure par chacun d’iceux dimanches »42. À cette occasion, tous les fidèles qui écouteront la lecture « avec vraye repentance de leurs pechez » gagneront quarante jours d’indulgence43. Vu l’ampleur de la tâche accomplie, les successeurs de Guillaume Le Gouverneur ne promulguent que des ordonnances. C’est le cas d’Achille de Harlay au début des années 1640, de Ferdinand de Neufville en 1647, de François de Villemontée en 166144. Le seul texte que nous ayons conservé est celui de Ferdinand de Neufville, lu à l’occasion du synode de la Saint-Luc 1647. Court, il traite du catéchisme, d’interdictions concernant le baptême, de la fréquentation des cabarets par les ecclésiastiques et de la nécessité pour les fabriques de conserver les actes de fondation45. Il s’agit là de compléments ponctuels aux statuts de Guillaume Le Gouverneur, qui restent la référence tout au long du siècle et sont couramment cités dans les synodes tenus au XVIIIe siècle46. Contemporain de Guillaume Le Gouverneur, l’évêque de Dol Antoine Revol promulgue en 1618 des ordonnances dont nous n’avons rien conservé47, et il en est de même dans les années 1630 d’Hector d’Ouvrier48. Il faut attendre 1662, et Mathieu Thoreau, pour 39 Ibid., p. 21. Ibid. 41 [XXX] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux, p. 101-102. 42 Ibid., p. 24 sq. 43 Ibid. 44 ADIV, 1 G 83. [3] Répertoire des statuts synodaux (…), p. 400. 45 ADIV, 1 G 83. 46 Ibid. 47 [XXXI] PERENNES, Henri, « Extraits d’anciens statuts du diocèse de Saint-Malo », p. 70, [3] Répertoire des statuts synodaux (…), p. 225. 48 [XXXVI] THOREAU, Mathieu, Statuts et ordonnances (…). 40 224 que des statuts soient promulgués. « Reveus et augmentez », ils sont imprimés en 1678 à Dol et constituent un volume de 23 pages, le contenu étant divisé en 36 articles49. Les quatorze premiers sont consacrés à la discipline ecclésiastique, puis il est question du catéchisme, des sacrements dans sept articles, des sépultures, de l’heure des messes, du prône, des chapelles, du culte des images, des petites écoles, des prêtres itinérants et des quêtes, les laïcs faisant l’objet de quatre articles qui portent sur le concubinage, le respect des ecclésiastiques, les cabarets et les duels. Les deux derniers articles concernent les sanctions et la publication des statuts, et sont suivis par la liste des cas réservés à l’évêque, celle des fêtes chômées et celle des jours de jeûne. L’essentiel du texte est donc consacré aux membres du clergé paroissial, Mathieu Thoreau citant les ordonnances de ses prédécesseurs Mathurin de Plédran et Hector d’Ouvrier, ainsi que les décisions prises à Trente. Chaque article est concis et les métaphores sont peu nombreuses, si ce n’est pour souligner que « la non residence des recteurs est la plus prejudiciable au salut des ames, lesquelles le Diable comme un lion rugissant pourchasse incessamment pour devorer »50. Mentionnons aussi le recours à la raison, argument qui n’était pas employé en tant que tel par Guillaume Le Gouverneur au début du siècle, lorsque l’évêque souligne que « c’est chose indigne et opposee non seulement a la religion mais aussi a la raison de mesler les choses profanes avec les saintes »51. Les recteurs doivent lire les statuts au prône les trois dimanches qui suivent leur promulgation, « et en apres les premiers dimanches de l’Avent, et les premiers dimanches de Careme », la liste des cas réservés étant lue « les quatre dimanches precedens les quatre principales fetes de l’annee »52. L’évêque espère que clercs et laïcs se soumettront aux réglementations, non principalement par crainte du châtiment, mais pour l’ « amour » de Dieu53. À Rennes, il faut attendre 1682 pour que des statuts synodaux soient promulgués, soit plus d’un siècle après l’impression de ceux d’Aymar Hennequin. Qui plus est, il n’est pas certain que Jean-Baptiste Beaumanoir de Lavardin les ait fait imprimer, et nous ne les connaissons que par l’édition réalisée en 1726 à l’initiative de l’évêque Charles-Louis Le Tonnelier, qui effectue quelques additions et modifications, présentées comme « menues » sans autre précision54. Le volume de 64 pages comprend quatre parties principales. La première, intitulée « Des eglises », porte sur tous les aspects matériels du culte. La seconde traite « de l’office divin », mais aussi des processions et des fondations. La troisième est 49 Ibid. Ibid., art. IX. 51 Ibid., art. XXII. 52 Ibid., art. XXXVI. 53 Ibid. 50 225 consacrée aux sacrements, avec des développements plus importants lorsqu’il est question de l’ordre, de l’eucharistie et de la pénitence, et la quatrième concerne la discipline ecclésiastique. Aussi les laïcs sont-ils assez peu visés par ces réglementations. Suivent la liste des cas réservés et celle des fêtes chômées, un développement traitant du séminaire et un recueil d’arrêts du Parlement et d’édits royaux « au soutien de plusieurs dispositions des statuts synodaux ». Les citations et les figures de style sont très peu nombreuses, le texte est concis et se présente autant comme une liste d’obligations que comme une série d’interdictions. Cela n’empêche pas ces statuts synodaux de présenter des exigences plus grandes encore que celles qui figurent dans les statuts de Guillaume Le Gouverneur, ce qui s’explique par la date nettement postérieure de la publication, soulignant par là les notables progrès accomplis dans l’œuvre de réforme au XVIIe siècle. Requises par le concile de Trente, complémentaires des statuts synodaux car elles permettent de s’assurer de l’application effective des décisions qui y sont contenues, les visites pastorales n’y sont pas étrangères. 4 ) Les visites pastorales Pour le XVIIe comme pour le XVIe siècle, les visites sur lesquelles nous possédons le moins de renseignements sont celles qui sont effectuées dans le diocèse de Dol. Paul ParisJallobert n’a relevé dans les registres paroissiaux qu’une visite d’Antoine Revol à Saint-Jacut en 1616, une de Robert Cupif à La Fontenelle en 1658, une de Jean-François Chamillart à Tressaint en 169855. Les comptes de fabrique permettent de repérer le passage d’Antoine Revol à La Fontenelle en 1607, d’Hector d’Ouvrier à Plerguer en 1630, à Trébédan en 1633, à Vilde-Bidon et au Hinglé en 1634, à Plerguer de nouveau en 1635, à Trébédan encore en 1639, à Roz-Landrieux en 1640, à Trébédan derechef en 1641, sans oublier la visite de JeanFrançois Chamillart à Trébédan en 1695 et 169856. Par contre, ni Robert Cupif ni Mathieu Thoreau n’ont laissé dans les comptes de fabrique la trace de leurs visites, et Mathieu Thoreau n’aborde même pas ce thème dans ses statuts synodaux57. Aussi convient-il sans doute d’opposer, en terme d’investissement épiscopal en la matière, la première et la seconde moitié du siècle, même si des visites sont également menées par d’autres membres de la hiérarchie [XXXIV] Statuts et reglemens du dioceze de Rennes (…). [55] PARIS-JALLOBERT, Paul, Anciens registres paroissiaux de Bretagne, repris dans [65] Répertoire des visites pastorales de la France (…), vol. 2, p. 272. Pour le XVIe siècle, Paul Paris-Jallobert n’a relevé qu’une visite de Charles d’Espinay à La Fontenelle en 1573 (ibid.). 56 ADIV, 2 G 118/2, 2 G 121/6, 2 G 229/1, 2 G 254/5. ADCA, 20 G 614. 57 [XXXVI] THOREAU, Mathieu, Statuts et ordonnances (…). Ceci dit, Mathieu Thoreau visite la paroisse de Saint-M’Hervon en 1698 (ADIV, 2 G 314/8). 54 55 226 ecclésiastique. Si l’on considère les comptes de fabrique de Trébédan, dans le Poudouvre, qui ont été conservés pour la période 1610-1699, des dépenses sont engagées pour acquitter le droit de visite et couvrir les frais en avoine 25 années sur 90, soit 14 années pour la période correspondant à l’épiscopat d’Antoine Revol, 4 années pour celui d’Hector d’Ouvrier mais il s’agit toujours d’une visite de l’évêque en personne, aucune pour celui d’Anthyme-Denis Cohon, une pour celui de Robert Cupif, 2 lors de la vacance du siège, 2 pour celui de Mathieu Thoreau et 2 également pour celui de Jean-François Chamillart58. Il est possible de dégager une périodisation du même type à partir des autres comptes de fabriques conservés. Ainsi, seules 3 visites sont mentionnées pour les 33 années de compte conservées pour Roz-surCouesnon de 1636 à 167059. La plupart du temps, l’identité du visiteur n’est pas donnée, mais le passage de l’archidiacre est signalé à Trébédan, de même qu’à La Fontenelle, Plerguer et La Fresnais, où l’on mentionne aussi la présence des vicaires généraux et de l’official60. Au début de la période, la visite a d’abord comme objectif l’examen des comptes de fabrique, et se tient souvent à Dinan pour les paroisses doloises du Poudouvre, mais elle ne se réduit pas à cet aspect puisqu’à Trébédan des dépenses sont engagées pour des témoins synodaux en 1614, 1615 et 1616. Les déplacements de l’évêque Hector d’Ouvrier correspondent sans doute à de véritables visites pastorales. Par la suite, et jusqu’aux années 1690, les visites s’avèrent rarissimes, sauf pendant la vacance du siège en 1659-1661. Presque toujours, le déplacement dans une paroisse concerne aussi les paroisses voisines, mais dans un rayon assez grand pour les enclaves situées dans le diocèse de Saint-Malo. Ainsi, les trésoriers de Trébédan engagent des dépenses pour des visites à Dinan, Aucaleuc, Saint-Méloir, Le Hinglé, Saint-Carné, et il paraît évident qu’une visite qui se tient à près d’une dizaine de kilomètres de la paroisse concernée ne peut avoir d’efficacité réelle dans tous les domaines. Finalement, le bilan apparaît modeste si l’on excepte l’épiscopat d’Hector d’Ouvrier, et très en deçà des exigences manifestées par les décrets tridentins, qui imposent la visite de toutes les paroisses d’un diocèse tous les ans ou tous les deux ans, par l’évêque lui-même ou par un vicaire général61. Notons toutefois que les paroisses qui se trouvent à proximité immédiate de la cité épiscopale semblent faire l’objet d’une attention plus grande, et en 1608, sur « denontiation » du recteur de Roz-sur-Couesnon, Antoine Revol se montre véritablement exigeant, pour la période, à 58 ADCA, 20 G 614. ADIV, 2 G 254/5. 60 ADIV, 2 G 118/2, 2 G 121/6, 2 G 229/1. 61 Session VII, Decretum secundum. Super reformatione ; session XXIV, c. de reformatione III. 59 227 l’égard des habitants de la paroisse, leur enjoignant de faire construire une sacristie, un ossuaire, d’entretenir une lampe ardente et d’installer des tableaux dans l’église62. Les visites effectuées par les évêques de Saint-Malo sont autrement plus nombreuses. Le dépouillement des registres paroissiaux réalisé par Paul Paris-Jallobert montre que Jean du Bec à partir de 1600, Guillaume Le Gouverneur, Achille de Harlay jusqu’en 1644, visitent presque chaque année des paroisses de leur diocèse63, et il en est de même de Ferdinand de Neufville de 1651 à 1657. Les comptes de fabrique permettent de compléter cette recension. Les paroisses du Clos-Poulet et du Poudouvre paraissent, sans surprise, être les plus visitées, mais Jean du Bec se déplace jusqu’à Gaël, Guillaume Le Gouverneur et Achille de Harlay se rendent à plusieurs reprises jusqu’à Josselin, à l’extrémité sud-ouest du diocèse64. Si l’on considère les informations fournies par les registres paroissiaux, aucune visite de Ferdinand de Neufville n’est signalée dans la moitié sud du diocèse, mais les comptes de fabrique d’Helléan mentionnent son passage à Josselin en 165165. D’après les registres paroissiaux, François de Villemontée et Sébastien du Guémadeuc semblent avoir effectué bien peu de visites pastorales, ce que confirment les comptes de fabrique, même si celle réalisée en 1678 par le second paraît avoir concerné un nombre assez important de paroisses 66. Dans la première moitié du siècle au moins, les vicaires généraux s’avèrent très actifs et visitent les paroisses dans lesquelles l’évêque ne s’est pas déplacé. Les archidiacres de Dinan et de Porhoët effectuent eux aussi des visites, non sans concurrence avec l’évêque et les vicaires généraux puisqu’au synode de la Saint-Luc 1609 il leur est demandé « de plus envoyer les mandemens de leurs visites, sinon apres que monseigneur aura fait la sienne, pour eviter aux confusions qui travaillent les beneficiers ayans en mesme temps deux mandemens de diverses visites »67. En 1613, Guillaume Le Gouverneur leur demande de lui « declarer par proces verbal dans un mois apres leur visite tout ce qu’en visitant ils auront recognu meriter emendation et correction »68. Dans les années 1660, l’archidiacre de Dinan utilise des formulaires imprimés pour annoncer ses visites, signe que celles-ci sont probablement nombreuses et régulières69. Comme dans le diocèse de Dol, et 62 ADIV, 2 G 254/29. [65] Répertoire des visites pastorales de la France (…), vol. 4, p. 162-163. Dans cette recension ont été oubliés quelques relevés effectués par Paul Paris-Jallobert à propos des visites de Guillaume Le Gouverneur, ce qui a été corrigé dans [345] GUIBLIN, François-Xavier, Un écrit dans la Réforme catholique (…), p. 118. 64 [65] Répertoire des visites pastorales de la France (…), vol. 4, p. 162-163. ADM, G 0913, G 0914. 65 ADM, G 0914. 66 [65] Répertoire des visites pastorales de la France (…), vol. 4, p. 163. ADCA, 20 G 41. ADIV, 2 G 92/8. 67 ADIV, 1 G 82. 68 [XXVIII] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux, p. 55 sq. 69 ADIV, 2 G 98/1. 63 228 quel que soit le visiteur, un déplacement dans une paroisse concerne également, bien souvent, les paroisses voisines. À ce titre, et si l’on prend en compte tous les types de visites, y compris celles qui semblent se résumer à un examen des comptes de fabrique, les trésoriers d’Helléan, près de Josselin, engagent des dépenses liées aux visites 49 années de 1601 à 1665, et ceux de Saint-Jouan-de-l’Isle, dans le Poudouvre, 35 années de 1613 à 165570. Dans ce dernier cas, il y a quinze années, toutes antérieures à 1646, date de l’accession de Ferdinand de Neufville au siège épiscopal, où deux visites sont effectuées, une par l’archidiacre de Dinan et l’autre par l’évêque ou un vicaire général. Dans ses statuts synodaux, Guillaume Le Gouverneur, s’inspirant assez largement du passage consacré au sujet dans le Rituel romain, prévoit de faire précéder la visite épiscopale par son annonce au prône le dimanche précédent, « afin que tous les fidelles chrestiens de la paroisse, tant laiques qu’ecclesiastiques puissent y assister, et ouyr l’exhortation et remonstrance »71. Le jour dit, les cloches sont sonnées, les membres du clergé, précédés de la croix et de la bannière et suivis par les laïcs, viennent au-devant de l’évêque, après avoir allumé du luminaire dans l’église et rangé « par ordre » les ornements liturgiques dans la sacristie72. L’évêque prévoit d’inspecter d’abord la réserve eucharistique, puis les fonts baptismaux, la sacristie et l’ensemble de l’église, en portant une attention particulière aux autels. Il demande aux prêtres de rédiger un mémoire des fondations de messes, une liste des prêtres, trésoriers et témoins synodaux, ainsi qu’une liste des principaux pécheurs publics et de ceux qui n’ont pas accompli les obligations pascales, toutes ces personnes étant convoquées à l’occasion de la visite. Selon Guillaume Le Gouverneur, les témoins synodaux doivent être choisis parmi les « hommes prudens, graves d’age et de mœurs […], affectionnez aux vertus chrestiennes, hayssans le vice et amateurs de la vie spirituelle, pour avoir l’œil sur les actions de toutes sortes de personnes »73. Le jour de la visite, ils doivent « declarer entierement par leur interrogation tout ce qu’ils auront recognu de forfait en leur paroisse, sur peine d’excommunication », toute personne désignée comme témoin synodal ne pouvant refuser sous peine d’une amende de cinq livres. Ce choix de laïcs correspond à une certaine méfiance à l’égard des membres du clergé paroissial, les témoins synodaux ayant notamment pour tâche de dénoncer les ecclésiastiques qui ne remplissent pas correctement leurs devoirs74. 70 ADCA, 20 G 564. ADM, G 0913 et G 0914. [XXIX] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux, p. 44-45. 72 Ibid., p. 129 sq. 73 Ibid., p. 154 sq. 74 Mais les membres du clergé paroissial doivent eux aussi contrôler les témoins synodaux. Au synode de la Pentecôte 1632, il leur est défendu « d’admettre a la sainte communion ceux qu’ils cognoistront s’estre parjurez et avoir celé la verité lorsqu’ils ont esté interrogez comme tesmoins synodaux en visite » (ADIV, 1 G 83). 71 229 Aucun procès-verbal de visite pastorale n’a été conservé, et il est tout à fait possible qu’aucun n’ait été rédigé. Les comptes de fabrique paraissent presque systématiquement examinés à l’occasion des visites, et il semble que beaucoup d’entre elles se limitent à cet aspect à partir du milieu des années 1650, quand, à Helléan par exemple, il n’est plus question que d’offrir de l’avoine aux chevaux d’un greffier. La rémunération des témoins synodaux ne peut servir de test pour repérer les véritables visites pastorales, car elle n’est plus permise à partir des années 1610. À Paramé, en 1611, il est décidé d’enduire de chaux les murs de l’église, « suivent l’ordonnense de monsieur le grant vicaire a la vissitte ». De fait, les rares textes qui nous fournissent plus de renseignements sont des ordonnances prises ponctuellement. C’est par exemple le cas pour Monterfil à la suite d’une « visitte episcopalle » effectuée en réalité par un official en 164675. Ce texte a d’abord pour objectif de corriger les mœurs des ecclésiastiques, leur enjoignant de porter la soutane et leur interdisant d’être parrains, de porter des armes et de fréquenter les tavernes, mais les laïcs sont aussi visés par le biais de l’interdiction des veillées et des réjouissances liées aux baptêmes. Les visites effectuées par les évêques de Rennes sont à peu près aussi nombreuses que celles réalisées par les évêques de Saint-Malo, comme le révèle le travail de recension mené par Paul Paris-Jallobert76. François Larchiver, Pierre Cornulier, Henri de La MotheHoudancourt et Charles-François de La Vieuville visitent presque chaque année des paroisses de leur diocèse, sauf, pour presque tous, pendant les quelques années qui marquent le début et la fin de leur épiscopat. Puis, avec Jean-Baptiste Beaumanoir de Lavardin, à partir du milieu des années 1670, les visites épiscopales sont plus espacées. En revanche, les visites effectuées par les vicaires généraux, les archidiacres et les officiaux apparaissent, à la lecture des comptes de fabrique, nettement moins nombreuses que dans le diocèse de Saint-Malo. Ainsi, pour la période 1601-1696, l’archidiacre du Désert n’est signalé à Gévezé qu’en 1631 et 165077. À Sainte-Colombe, pour la période 1604-1645, l’archidiacre du Désert n’est signalé qu’en 162178. Les vicaires généraux se montrent tout aussi discrets, sauf lorsqu’il y a une vacance du siège, et l’official ne paraît pas plus présent. Il en est de même de l’archidiacre de Rennes, sauf au tout début du siècle. À cette époque, il est présent chaque année dans les paroisses situées au nord de La Guerche, visitant alternativement Moutiers, Availles, Domalain et Moulins, mais se contente d’examiner les registres paroissiaux79. Puis il disparaît 75 ADIV, 2 G 192/6. [65] Répertoire des visites pastorales de la France (…), vol. 3, p. 543-551. 77 ADIV, 2 G 125/5, 6, 7, 8. 78 ADIV, 2 G 269/2. 79 ADIV, 2 G 101/6. 76 230 quasiment lui aussi de la documentation alors que persiste la pratique consistant à rémunérer le greffier lors de la visite, élément qui permet de repérer la présence d’un visiteur. Pendant les deux premiers tiers du siècle, l’archidiacre du Désert et l’official semblent se contenter eux aussi, pour l’essentiel, d’un examen des registres paroissiaux. À l’inverse, l’évêque François Larchiver, présent chaque année à Saint-Sulpice de Fougères dans les années 1610, enjoint aux prêtres d’assister aux vêpres, ordonne l’achat de livres et de vêtements liturgiques, la pose de courtines et de dais80. Quelques documents nous permettent d’en savoir plus pour le dernier tiers du siècle. Dans les années 1670 et 1680, des mandements imprimés annoncent la visite de l’archidiacre de Rennes, qui effectue à La Bouëxière de véritables visites pastorales en 1676 et 168181. En 1666, une ordonnance faisant suite à la visite de l’évêque à La Selle-Guerchaise traite des fondations de messes, des comptes de la fabrique, du ciboire des malades et de la lampe signalant la Présence réelle82. En 1678, le recteur de Bazouges-sous-Hédé répond à un mandement envoyé par le nouvel évêque Jean-Baptiste Beaumanoir de Lavardin qui désire avoir, en trente points, une vue d’ensemble de la vie paroissiale83. Dans cette enquête, il est question de l’état de l’église et du cimetière, des aspects matériels du culte, des mœurs des prêtres, de la pratique des confessions, des petites écoles, du respect des obligations pascales, des pécheurs publics, des revenus de la fabrique, des fondations de messes et des confréries, et le texte envoyé par le recteur est signé par des prêtres et par des laïcs. Un seul procès-verbal de visite pastorale a été conservé. Il s’agit, de façon peut-être révélatrice, d’une visite effectuée en 1676 par un vicaire général, Gilles de Gain, le siège épiscopal étant vacant 84. En huit jours, du 23 au 30 août, 14 paroisses sont effectivement visitées et pour 10 autres sont convoqués les prêtres, les trésoriers, les prévôts des confréries et les témoins synodaux. Toutes ces paroisses sont situées autour de Rennes, notamment au nord-est de la ville épiscopale. Le vicaire général s’enquiert de la fréquentation des chapelles, de l’état des églises, de la reddition des reliquats par les trésoriers des fabriques, de la santé financière des confréries, des fondations de messes, de l’entretien de la lampe, des pécheurs publics et des mœurs des prêtres, ces derniers renseignements étant fournis par les témoins synodaux. 80 ADIV, 2 G 120/49, 50, 51. ADIV, 2 G 32/5. 82 ADIV, 2 G 338/4. 83 ADIV, 2 G 20/2. Cf annexe n° 50. 84 ADIV, 1 G 3/3. Gilles de Gain est un chanoine, docteur en théologie, protonotaire apostolique, scholastique et official ([36] GUILLOTIN DE CORSON, Amédée, Pouillé historique (…), t. 1, p. 140, 163, 184), puis grand-chantre et vicaire général (ADIV, 1 G 3/3). 81 231 Au final, si les visites pastorales sont nettement plus nombreuses que ne pouvait le laisser penser l’existence d’un seul procès-verbal et de quelques mentions éparses dans les registres paroissiaux, la situation apparaît contrastée suivant les diocèses et les périodes. Globalement, les visites apparaissent plus nombreuses dans la première moitié du siècle que dans sa seconde partie, et dans le diocèse de Saint-Malo plus que dans ceux de Rennes et surtout de Dol. Mais, partout, la réforme du clergé paroissial est un objectif majeur qui, atteint, permettrait de rendre secondaire la nécessité des visites pastorales et de l’ensemble des impulsions épiscopales. B ) La réforme du clergé paroissial 1 ) Recrutement sacerdotal et encadrement clérical des paroisses Alors que nous ne disposons que d’informations fragmentaires sur l’encadrement clérical des paroisses au XVIe siècle, la Bibliothèque municipale de Poitiers conserve un dénombrement du clergé séculier des paroisses des diocèses de Rennes et Saint-Malo réalisé vers 1667 et qu’Alain Croix a exploité, ce qui permet d’établir le tableau suivant85. Tableau n° 32 : La densité cléricale vers 1667 dans les diocèses de Rennes et Saint-Malo (clergé séculier) Diocèse Paroisses Nombre moyen de Paroisses Nombre moyen concernées prêtres par concernées d’habitants par paroisse prêtre Rennes 211 6,32 83 225 Saint-Malo 159 7,14 50 22286 Les résultats permettent de relativiser fortement les seuls chiffres qu’il était possible d’obtenir pour le XVIe siècle, et pour lesquels nous avions vu qu’ils étaient très certainement incomplets et ne pouvaient que servir d’indicateurs. Il faudrait même envisager une baisse du nombre de prêtres du XVIe au XVIIe siècle, comme le laissent deviner quelques exemples qui montreraient aussi que cette baisse intervient dans la première moitié du XVIIe siècle : Bibliothèque municipale de Poitiers. [127] CROIX, Alain, La Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles (…), p. 1155-1159. 277 en incluant dans le total la ville de Saint-Malo. Ce tableau est un extrait de celui réalisé par Alain Croix (ibid., p. 1157). 85 86 232 Concoret dans le diocèse de Saint-Malo compte 9 prêtres en 1602 et 5 en 1639, La Mézière dans le diocèse de Rennes 15 en 1612 et 5 en 1650, Le Mont-Dol dans le diocèse de Dol 4 en 1652 et 3 en 166187. Les données démographiques, elles, ont été établies par Alain Croix à partir d’une exploitation des registres de baptêmes fondée sur un taux de natalité de 40 ‰. Même si celui-ci était de 30 ‰, la densité cléricale serait de toute façon, fait remarquer Alain Croix, bien supérieure à ce qu’elle est dans le diocèse de La Rochelle ou dans celui de Chartres, où l’on compte dans les années 1630-1640 environ un prêtre pour 400 catholiques88. Cependant, si l’on utilise d’autres sources, les chiffres fournis par le dénombrement du clergé réalisé vers 1667 paraissent élevés. Ainsi, le procès-verbal de visite pastorale effectuée dans plusieurs paroisses du diocèse de Rennes en 1676 nous indique que sur 22 paroisses l’on compte une moyenne de 4,95 prêtres par paroisse89. Cette moyenne cache de grandes variations puisque Mordelles compte 11 prêtres tandis qu’il n’y en a que 2 à Chavagne, une paroisse voisine. En 1698 est établi un « livre contenant toutes les paroisses du dioceze de Rennes avec leur presantation et les noms de tous les prestres »90. Nous pouvons ainsi connaître le nombre de prêtres par paroisse accompagné, parfois, du nombre de communiants. Si l’on exclut du calcul les villes de Rennes, Fougères et Vitré, l’on obtient pour 198 paroisses une moyenne de 3,8 prêtres par paroisse, et pour 95 paroisses un nombre moyen de 188,9 communiants par prêtre. Dans le doyenné de Vitré, qui ne présente qu’une moyenne de 2,1 prêtres par paroisse91, il y a 8 paroisses pour lesquelles le recteur n’est assisté d’aucun prêtre, alors qu’à Availles, près de La Guerche, on compte 6 prêtres pour 650 communiants. Sur 764 prêtres au total, 63, soit 8 %, viennent d’un autre diocèse. Parmi eux, 32, soit la moitié, viennent du diocèse d’Avranches, 8 des autres diocèses bas-normands, 4 du diocèse du Mans, 3 du diocèse d’Angers, 6 du diocèse de Saint-Brieuc, 5 des diocèses de Dol et Saint-Malo, 4 des autres diocèses bretons, auxquels il faut ajouter un Irlandais. Notons qu’il s’agit là des prêtres qui résident dans les paroisses, et non de prêtres vagabonds. Ces derniers sont probablement de moins en moins nombreux, puisque bien des recteurs, à l’image de celui de Bazouges-sous-Hédé, refusent désormais de les accueillir92. Ceci dit, ce nombre de prêtres étrangers, même s’il ne concerne pas les villes de Rennes, Vitré et Fougères, paraît faible en regard de celui calculé par Charles Berthelot du Chesnay, pour qui le diocèse reçoit chaque 87 Ibid., p. 1160-1161. [127] CROIX, Alain, La Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles (…), p. 1158 ; [220] PEROUAS, Louis, Le diocèse de La Rochelle de 1648 à 1724 (…), p. 195 ; [359] SAUZET, Robert, Les visites pastorales dans le diocèse de Chartres (…), p. 640. 89 ADIV, 1 G 3/3. 90 ADIV, 1 G 746. 91 Chiffre calculé pour 19 paroisses sur les 23 qui composent le doyenné. 88 233 année, entre 1720 et 1750, 35 prêtres étrangers93. Pourtant, cette moyenne de 3,8 prêtres par paroisse paraît correspondre aux autres informations dont nous disposons. Ainsi, par exemple, en 1678, le recteur de Bazouges-sous-Hédé signale qu’il est assisté de trois prêtres94. En ce qui concerne le diocèse de Saint-Malo, le pouillé réalisé vers 1730 nous permet de connaître à cette date le nombre de prêtres par paroisse (sans qu’il soit précisé si ce calcul inclut ou non les recteurs), ainsi que le nombre de communiants95. Là encore, les chiffres sont nettement inférieurs à ceux du dénombrement de 1667 puisque, en excluant les villes de Dinan, Josselin, Ploërmel et Saint-Malo, le nombre moyen de prêtres par paroisse, qui peut être calculé pour 125 paroisses, s’élève à 4,2. Selon les doyennés, le chiffre varie de 3,5 (doyennés de Poudouvre, Bécherel et Montfort, pour 56 paroisses sur 72) à 5,8 (doyenné de La Nouée, pour 10 paroisses sur 17). Toujours en excluant les villes, le nombre moyen de communiants par prêtre peut être calculé pour 120 paroisses, et il s’élève à 278,6. La différence avec le dénombrement de 1667 s’avère donc encore plus importante. L’interprétation de ces différences se révèle évidemment difficile, car les trois enquêtes et la visite pastorale semblent avoir été menées avec le même souci d’exhaustivité, et le même sérieux. Aussi me contenterai-je d’hypothèses. En premier lieu, il est probable que le dénombrement de 1667 concerne tous les clercs, y compris les simples tonsurés, alors que l’enquête de 1698 et le pouillé de 1730 ne s’intéressent, et cela de façon explicite, qu’aux prêtres96. En second lieu, il me paraît probable que la baisse du nombre de prêtres, amorcée dès la première moitié du XVIIe siècle, se poursuit dans la seconde moitié du siècle, ce que confirmeraient quelques exemples. En 1676, lors de la visite effectuée par un vicaire général à Ercé-près-Liffré, les paroissiens se plaignent de n’avoir que « peu de prebtres, et que l’eglise n’est pas servie »97. Il y a en effet seulement 2 prêtres dans la paroisse, dont le recteur, et le vicaire général décide que la paroisse accueillera un nouveau prêtre, « le general des paroissiens luy feront un fonts de quarante livres pour l’aider de sa subsistanse, le tout pendant deux ans jusques a ce que ils n’aient trouvé les moyens de le faire subsister autrement, et pandant lequel temps il sera deputé l’un des paroissiens pour faire la queillette de la somme ». En 1687, le recteur de Montgermont, débordé, écrit à l’évêque pour lui signaler « qu’il n’y a presentement aucun prestre dans la paroisse, ce qui n’estoit point arrivé 92 ADIV, 2 G 20/2. Cf annexe n° 50. [322] BERTHELOT DU CHESNAY, Charles, Les prêtres séculiers en Haute-Bretagne (…), p. 55. 94 ADIV, 2 G 20/2. Cf annexe n° 50. 95 ADIV, 1 G 71. 96 Ce qui pourrait aussi contribuer à expliquer qu’en 1698 Béchameil de Nointel donne une moyenne provinciale de 6 clercs par paroisse, soit, selon Alain Croix, d’un pour 212 habitants ([127] CROIX, Alain, La Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles (…), p. 1157). 93 234 depuis plus de cent ans, comme il se voit par les anciens registres qui font foy qu’il y a eu de tout temps immemorial des curés pour aider les recteurs en lad. paroisse, dont l’estendue et le nombre des communiants est trop grand pour qu’un seul y puisse suffire »98. Il me semble donc que le nombre de prêtres diminue tout au long du XVIIe siècle, jusqu’à atteindre des situations caricaturales à la fin du siècle puisque dans certaines paroisses du diocèse de Rennes le recteur n’est plus assisté d’aucun prêtre. La géographie du recrutement du clergé nous est connue pour le XVIIIe siècle grâce aux registres d’ordination dépouillés par Charles Berthelot du Chesnay, pour la période 16801790 en ce qui concerne le diocèse de Rennes, pour la période 1710-1790 en ce qui concerne le diocèse de Saint-Malo99. Ces calculs ne prennent pas en compte les dimissoires, lettres délivrées par l’évêque ou un vicaire général qui autorisent l’ordination dans un autre diocèse, car il n’en a pas été tenu de registre et très peu de lettres ont été conservées100. Le diocèse de Saint-Malo présente une géographie du recrutement assez uniforme, les doyennés de Poulet et de Poudouvre ayant ainsi comblé le déficit qui était le leur au XVIe siècle101. Le diocèse de Rennes présente davantage de contrastes, mais ils doivent être relativisés, comme l’a fait remarquer Alain Croix102. En effet, le doyenné de Fougères, nettement plus étendu que les autres doyennés, et relativement peuplé, présente de façon tout à fait logique un assez grand nombre des prêtres ordonnés. La seule situation intéressante concerne la ville de Rennes, qui représente 11 % de la population diocésaine, et 26 % des ordinands103, tandis que les doyennés les plus proches, ceux de Rennes, du Désert et d’Aubigné, paraissent relativement inféconds. Une étude de l’origine sociale des prêtres du XVIIIe siècle mis en fiches par Berthelot du Chesnay révèle la surreprésentation des couches moyennes : bourgeoisie judiciaire et maîtres artisans en ville, paysans propriétaires dans les campagnes 104. Faute de données pour le XVIIe siècle, nous en sommes réduits à proposer une éventuelle extrapolation pour la fin de ce siècle… et à imaginer que la baisse des effectifs pourrait correspondre à la disparition progressive des clercs disposant de peu de revenus, et donc des titres patrimoniaux les plus modestes. Ceci dit, la baisse des effectifs s’explique aussi par des raisons culturelles : le niveau d’exigence effectivement requis a fortement augmenté. 97 ADIV, 1 G 3/3. ADIV, 2 G 194/10. 99 [322] BERTHELOT DU CHESNAY, Charles, Les prêtres séculiers en Haute-Bretagne (…), p. 73-97. 100 Ibid., p. 45. 101 Ibid., p. 79. 102 [243] Les Bretons et Dieu. Atlas d’histoire religieuse, carte 13. 103 [97] Le diocèse de Rennes, p. 133. 104 [322] BERTHELOT DU CHESNAY, Charles, Les prêtres séculiers en Haute-Bretagne (…), p. 99-133. 98 235 Les revenus des prêtres sont, d’autres auteurs l’ont souligné, difficilement estimables105, et rares sont les sources qui nous renseignent sur la question. Il y a d’abord le titre patrimonial, rente viagère constituée avant l’accès au sous-diaconat afin de garantir un minimum de revenu, dont le montant minimal est fixé à 60 livres par les États généraux de 1614. Pour ce qui est du casuel, nous possédons des informations grâce au procès-verbal de visite pastorale effectuée en 1676. À Ercé-près-Liffré, le vicaire général Gilles de Gain fixe la rémunération du recteur à 15 sous pour un enterrement et à 12 sous pour un service, tandis que les autres prêtres reçoivent 10 sous par service106. Le recteur perçoit également une partie des offrandes. Ainsi, un tiers des offrandes faites à la chapelle Sainte-Anne de Romagné lui sont destinées, tandis qu’un autre tiers va au chapelain chargé de desservir la chapelle et le dernier tiers à la fabrique107. À Saint-Méen, les trois quarts du montant des offrandes effectuées devant la statue de saint Méen vont au recteur, tandis que la fabrique reçoit le dernier quart108. En général, la règle est la suivante : les offrandes faites « a la tasse et a l’œuvre » vont à la fabrique, « et celles de l’autel au recteur »109, même si en fait il faut effectuer un distinguo suivant les autels110. Les fondations de messes peuvent, dans certaines paroisses, constituer un complément de revenu non négligeable. Signalons également le presbytère et le jardin, auxquels il faut parfois ajouter des fonds de terre. Mais ce sont évidemment les dîmes qui, en fonction de leur perception, font la différence entre les cures rémunératrices et les cures assurant des revenus modestes. Levées en théorie pour l’entretien du clergé, celui des lieux de culte et l’assistance aux pauvres, les dîmes, depuis fort longtemps, sont bien souvent perçues par des chapitres et abbayes, au bénéfice desquels s’est effectuée la restitution, par les laïcs, consécutive à la réforme grégorienne111. En ce cas, le décimateur doit verser au recteur une portion congrue, c’est-àdire convenable. Par arrêt du Parlement de Bretagne, en 1638, reprenant des déclarations royales de 1632 et 1634, les recteurs doivent recevoir au minimum « deux cens livres de pension congrue par chacun an, exempts de toutes charges, meme des decimes, en abandonnant toutes les dixmes et autres domaines et revenus qu’ils possedent esdites cures, [323] BONZON, Anne, « Les revenus des curés du diocèse de Beauvais (…) ». ADIV, 1 G 3/3. 107 ADIV, 2 G 250/4 (document datant de 1637). Mais ce cas est peut-être particulier car c’est justement le moment où la fréquentation de cette chapelle augmente fortement, suite à des miracles. La revendication du tiers des offrandes par le recteur se conçoit sans doute dans ce contexte. 108 [LXV] Les plus solennels arrests et reglemens (…), Livre Troisième, p. 24. 109 Ibid. 110 Ainsi, à Châteauneuf, les offrandes effectuées sur les autels de Saint-Yves et du Saint-Esprit, considérés « comme estant de la dependance du grand autel », vont dans leur totalité au recteur, alors que celles effectuées sur l’autel de la chapelle Saint-Mathurin ne lui sont destinées que pour un tiers (ADIV, 2 G 73/15, document de 1660). 111 Sur la restitution des dîmes au bénéfice des établissements religieux, voir [334] Histoire des curés, p. 62-66. 105 106 236 fors le presbytere et casuel de l’eglise, obits et fondations, si aucuns il y a »112. En 1686, le montant de la portion congrue est fixé à 300 livres pour les recteurs, et à 150 livres pour leurs curés ou vicaires. Jean Quéniart a cartographié, grâce à un inventaire certes non exhaustif mais particulièrement précieux, les paroisses dans lesquelles les principales abbayes lèvent les dîmes113. L’abbaye bénédictine de Marmoutiers s’avère assez présente dans le diocèse de Saint-Malo, notamment au sud et au centre-est. Les deux grandes abbayes rennaises, SaintMelaine et Saint-Georges, lèvent la dîme dans de nombreuses paroisses rurales d’un vaste pays rennais qui déborde sur le diocèse de Saint-Malo. Dans les autres cas, c’est dans les paroisses proches que les abbayes ont des droits. Quant aux chanoines des chapitres cathédraux, étudiés par Olivier Charles, ils lèvent des dîmes dans d’assez larges zones, une bonne partie du doyenné de Dol pour les chanoines de Dol, le centre du diocèse de Rennes pour les chanoines de Rennes, le nord du diocèse de Saint-Malo et quelques paroisses méridionales dans le cas du chapitre de Saint-Malo114. La carte des cures à portion congrue et celle des cures assurant des revenus modestes ont pu être dressées pour le milieu du XVIIIe siècle par Jean Quéniart, grâce à l’exploitation d’une enquête dont les réponses sont conservées dans la série G 8 des Archives nationales115. Les cures à portion congrue apparaissent extrêmement nombreuses dans le diocèse de Saint-Malo, constituant l’immense majorité des cas, puisqu’elles concernent 133 paroisses sur 162116. Elles sont nombreuses également dans le pays de Rennes, à la différence du reste du diocèse de Rennes et du diocèse de Dol. La répartition géographique des cures dites pauvres, dont le revenu brut est inférieur à 500 livres au milieu du XVIIIe siècle, correspond évidemment en partie à la répartition des cures à portion congrue117. Ces cures pauvres sont nombreuses dans le diocèse de Saint-Malo, sauf dans le doyenné de Lohéac. À l’inverse, l’est et le sud du diocèse de Rennes, ainsi qu’une partie du doyenné de Dol, sont des régions dans lesquelles les cures ne sont ni « pauvres » ni à portion congrue, et constituent ainsi les meilleures cures pour les recteurs. Il semble qu’un nombre non négligeable de recteurs résignent leur bénéfice in favorem. Sur les 11 recteurs qui officient à Saint-Sauveur de Dinan au XVIIe siècle, seuls 3 meurent en charge118. Un devient capucin, 3 démissionnent, opération qui semble se faire plus [LXV] Les plus solennels arrests et reglemens (…), Livre Quatrième, p. 74. [243] Les Bretons et Dieu. Atlas d’histoire religieuse, carte 18. 114 [228] CHARLES, Olivier, « Les nobles dignités ». Chapitres et chanoines de Bretagne (…), p. 676, 679, 681. 115 [243] Les Bretons et Dieu. Atlas d’histoire religieuse, carte 17. 116 Chiffre établi pour l’année 1764, mais dont l’ordre de grandeur peut être extrapolé pour la fin du XVIIe siècle. 117 [243] Les Bretons et Dieu. Atlas d’histoire religieuse, carte 17 b. 118 [252] COHAN, Françoise, Paroisse et ville (…), p. 108. 112 113 237 souvent entre les mains du collateur qu’entre celles du patron119, et 4 résignent in favorem, ordre de grandeur qui correspond à peu près (à un niveau certes un peu plus élevé) à celui qu’a pu calculer Charles Berthelot du Chesnay pour les cures des diocèses de Rennes et de Dol entre 1715 et 1789120. Autorisant les bénéficiers à retenir des pensions viagères sur leurs anciens revenus, ces résignations permettent aux recteurs déjà âgés de se retirer et de nommer leur successeur, un membre de leur famille ou un protégé121. Aussi la carrière d’un ecclésiastique dépend-elle en partie de la solidité d’un réseau de relation. 2 ) De l’insertion dans la sociabilité laïque à la volonté de distinction Les archives judiciaires nous renseignent, au hasard des procès, sur la profonde insertion des clercs dans la sociabilité laïque. Ainsi, un procès pour vol de cheval en 1616 à Saint-Ouen-la-Rouërie nous montre l’opposition entre deux clans, et deux prêtres de la paroisse témoignent à charge contre le recteur, propriétaire du cheval, l’un des prêtres ayant en fait été complice du vol ; plus tard, le recteur, convaincu de crime, est obligé de résigner en 1619122. Cette insertion dans la sociabilité laïque n’empêche pas qu’un prestige soit associé à la fonction sacerdotale, et les prêtres – surtout les recteurs – jouent assez souvent un rôle d’intermédiaire pour trouver des accomodements qui puissent satisfaire les parties et éviter un recours en justice. C’est l’échec de l’entreprise qui nous permet de connaître les affaires. C’est, par exemple, le cas pour un vol de toile à Saint-Brice, dans le Coglès, en 1617, le voleur et sa victime envoyant chercher le recteur la nuit même du larcin, et, dans la même paroisse, en 1621, une femme agressée allant immédiatement « parler » avec le subcuré123. Les statuts synodaux promulgués par Guillaume Le Gouverneur rappellent que « le saint concile de Trente […] apprend qu’il n’y a rien qui plus instruise a la pieté, ni qui porte mieux les hommes a la devotion et au culte de Dieu, que la vie et l’exemple de ceux qui se sont vouez et consacrez a son service »124. Aussi le prêtre doit-il être « l’exemple, le patron et [322] BERTHELOT DU CHESNAY, Charles, Les prêtres séculiers en Haute-Bretagne (…), p. 210. Ibid., p. 212. 121 Ainsi, Alain Le Gendre, recteur de Saint-Sauveur de Dinan, résigne en 1639 en faveur de Mathurin Le Gendre ([252] COHAN, Françoise, Paroisse et ville (…), p. 108). Il semble aussi que certains recteurs résignent bien avant la fin de leur vie, ce qui est le cas d’Alain Le Gendre, qui ne décède qu’en 1660 ; l’objectif principal de l’opération est alors sans doute la rente viagère. 122 ADIV, 4 B 5430. Alain Croix cite un autre conflit intervenu, cette fois à La Chapelle-des-Fougeretz en 1627, entre deux prêtres, qui les amène à tenir chacun de leur côté un registre paroissial : presque tous ceux qui font enregistrer leurs actes par le subcuré Pierre Mallein se nomment Mallein, expression évidente des clans familiaux ([128] CROIX, Alain, L’Âge d’or (…), p. 355-356). 123 Ibid. 124 [XXIX] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux, p. 98. 119 120 238 le miroir des fidelles, en parole, en conversation saincte, en charité, en foy, en pureté, en continence, en modestie, en jeusnes et oraisons, en devotion, en aumosnes, en syncerité, en temperance de manger et de boire, en simplicité et droiture de cœur, et en toutes autres bonnes œuvres, vivans pieusement et justement »125. Voilà l’idéal, le modèle qui, d’après l’épître préliminaire à la première édition des statuts, semble bien loin d’être partout atteint126. Guillaume Le Gouverneur demande donc aux témoins synodaux « si les recteurs et curez resident en leurs presbyteres, veillans soigneusement au salut des ames et faisans leur devoir d’administrer les sacremens, prescher et catechizer leurs paroissiens, et visiter les malades », et « si les autres prestres et clercs se rangent et assistent au service de l’eglise, et quelle vie ils meinent, s’ils vont aux tavernes, si les vicieux se sont corrigez, s’ils hantent des personnes suspectes et gens de mauvaise vie, s’ils obeissent a leur recteur, et vont en habit decent a l’eglise et aux processions »127. L’évêque précédent, Jean du Bec, se préoccupe dès 1605, vu l’absentéisme des recteurs, de la qualité de leurs curés ou vicaires. C’est pourquoi, lors d’un synode, il « faict tres expresses inhibitions et defenses a tous recteurs de non s’ingerer de leur privee authorité de mettre aucuns prestres a deservir en leur absence », faisant obligation, en 1608, « a tous curez desservans in divinis pour les recteurs de prendre lettre de cure signee du secretaire de l’evesché, et ce de synode en synode sur peine de suspense »128. Guillaume Le Gouverneur, à la Pentecôte 1613, prive temporairement des revenus de leurs bénéfices trois recteurs du doyenné de La Nouée, dont le doyen qui ne réside plus depuis quinze ans, et, surtout, dès son arrivée à la tête du diocèse en 1611, il cherche à modifier le mode de vie des clercs, souci qui est également celui de ses successeurs. Les évêques de Saint-Malo reprennent des interdictions déjà présentes dans les statuts du début du XVIe siècle, contre l’alcool et la fréquentation des tavernes par exemple, dont il est question à douze synodes de 1611 à 1650129. Désormais, les sanctions sont appliquées, du moins en ce qui concerne les recteurs. Ainsi, à la Pentecôte 1633, « le recteur de Broons pour s’estre trop chargé de vin est condamné d’aumosner six livres a la fabrique de cette eglise paroissiale de Becherel et suspens a divinis celebrandis pour trente jours, avec defenses de s’enyvrer a l’avenir sur peine de prison ». La continence est une autre grande préoccupation, justement parce qu’elle doit constituer un élément différenciant laïcs et ecclésiastiques. Les évêques s’inquiètent de la présence des servantes dans les presbytères, et le recteur du Plessix-Balisson, concubinaire, 125 Ibid., p. 80. [XXVIII] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux. 127 [XXIX] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux, p. 154 sq. 128 ADIV, 1 G 82. 129 ADIV, 1 G 82 et 1 G 83. 126 239 concentre l’attention lors de trois synodes consécutifs, en 1632 et 1633. Cela signifie en même temps qu’à cette date le concubinage des recteurs est devenu une exception, et est traqué de façon effective. Les évêques cherchent aussi à contrôler les prêtres qui entrent ou sortent du diocèse, en exigeant des attestations et des exeats. Enfin, ils visent à instaurer une surveillance efficace des recteurs par les doyens ruraux, point développé dans les statuts synodaux de Guillaume Le Gouverneur130, mais nous ne connaissons pas les résultats de cette entreprise, faute d’avoir conservé les mémoires alors rédigés. S’il est question d’améliorer le comportement des clercs, c’est bien pour mieux insister sur leur dignité car, par exemple, « il n’y a rien qui apporte davantage de scandalle, ni qui soit de plus pernicieuse consequance a l’Eglise que la frequentation des cabaretz et tavernes par les ecclesiastiques ». Aussi les attaques physiques contre les recteurs, qui sont peu nombreuses mais existent néanmoins, « au grand deshonneur et scandalle de l’ordre ecclesiasticque », semblent-elles systématiquement abordées lors des synodes. Dans la seconde moitié du siècle, les statuts synodaux de l’évêque de Dol Mathieu Thoreau et de l’évêque de Rennes Jean-Baptiste Beaumanoir de Lavardin développent les mêmes thèmes, avec parfois une exigence accrue131. Mathieu Thoreau interdit aux recteurs de s’absenter « sans en avoir obtenu […] permission expresse par ecrit », et même dans ce cas l’absence ne peut dépasser quinze jours. Parallèlement, il demande que soit tenu un registre où toutes les défaillances des prêtres habitués puissent être consignées. Dans les diocèses de Rennes et de Dol, les servantes travaillant dans les presbytères doivent être âgées de plus de 50 ans, sauf s’il s’agit de très proches parentes du recteur. L’esprit de l’entreprise apparaît clairement dans le passage que les statuts synodaux de l’évêque de Dol consacrent au vêtement des prêtres : « il est de la gloire et de l’interest de l’Eglise qu’aussitot qu’un ecclesiastique paroist en un lieu, il soit reconnu pour ce qu’il est, afin que sa dignité soit honoree dans sa personne ». Aussi les prêtres des paroisses urbaines doivent-ils porter la soutane en permanence, et ceux des paroisses rurales « au moins les dimanches et fetes, et lorsqu’ils vont a l’eglise ou en viennent », tandis que pour l’évêque de Rennes tous doivent la porter « dans le lieu de leur residance ». Pour l’un comme pour l’autre, même en voyage, un ecclésiastique ne doit jamais paraître en public « sans une soutanele qui descende jusques a mi-jambe ». 130 « A cette fin selon les saincts canons, ils denonceront et refereront a nostre cognoissance tous les delicts qu’ils scauront estre commis, notamment par les prestres ou clercs, contre les loix et la discipline ecclesiastique, mesmes contre les statuts synodaux de ce diocese : dont nous leur donnons puissance et commission de faire, chacun en son distroict, enqueste et information ; laquelle ils nous envoyeront close et scellee, par ce qu’ils seront payez de leur salaire et vacation » ([XXIX] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux, p. 163). 240 Partout, cette réaffirmation de la dignité du prêtre s’accompagne d’une volonté plus générale de séparation entre le sacré et le profane, car, selon Mathieu Thoreau, « c’est chose indigne et opposee non seulement a la religion mais aussi a la raison de mesler les choses profanes avec les saintes », cette distinction devant évidemment se faire au bénéfice du sacré. Cette politique, qu’Alain Croix a qualifiée de « bataille du respect »132, déjà présente dans les statuts synodaux du début du XVIIe XVIe siècle, est véritablement menée dans la première moitié du siècle, constituant une véritable obsession de la hiérarchie épiscopale dans sa volonté de réforme. Les synodes du diocèse de Saint-Malo l’illustrent tout à fait133. Les évêques cherchent par exemple à réduire le plus possible la part des annonces laïques lors des prônes. Ils reprennent la lutte pour que, lors des baptêmes, fiançailles et mariages, l’aspect religieux l’emporte nettement sur la sociabilité laïque, dont les aspects festifs sont d’ailleurs assez largement condamnés. Achille de Harlay, lui, insiste à trois reprises, ce qui dit assez les difficultés d’application, sur l’interdiction qui est faite « a tous prestres qui diront leurs premieres messes de faire grandes assemblees et nopces avecq sonneurs et danses », sous peine d’une suspense a divinis de trois à six mois. Pour saisir l’application de ces normes, les archives des officialités ne constituent pas la source la plus fiable, même s’il n’est pas question de nier leur intérêt. Il est en effet dangereux d’y chercher des prêtres « représentatifs » dans la mesure où il s’agit de documents émanant d’institutions à caractère répressif. De toute façon, il n’en subsiste que des épaves, et la plupart du temps il est question de demandes de séparations de corps, de dispenses de parenté ou d’exécutions des testaments134. Ceci dit, les documents qui subsistent nous permettent aussi de faire connaissance, pour la fin du XVIIe siècle, avec un recteur coureur de jupons et un prêtre ivrogne135. Les enquêtes et visites pastorales constituent probablement une source plus fiable. Dans une ordonnance prise en 1646 suite à une visite effectuée à Monterfil, l’official de Saint-Malo-de-Beignon se scandalise du fait que certains prêtres deviennent parrains, portent des armes à feu et vont à la chasse, tandis que « la plus part des prebtres et aultres ecclesiasticques […] vont a l’eglise et dans des lieux de marchez et assemblés publicques revestus d’habitz cours comme des seculiers, sans soustane, en sorte qu’ilz ne paroissent a rien moins que prebtres et ecclesiasticques »136. Selon l’official, qu’il ne faut sans doute pas trop prendre au mot, « le peuple en est scandalisé et mesedifié ». Trente ans plus [XXXVI] THOREAU, Mathieu, Statuts et ordonnances (…) ; [XXXIV] Statuts et reglemens du dioceze de Rennes (…). [128] CROIX, Alain, L’Âge d’or (…), p. 500. 133 ADIV, 1 G 82 et 1 G 83. 134 ADIV, 1 G 648 (officialité de Saint-Malo). 135 ADIV, 1 G 607 (officialité métropolitaine de Tours établie à Rennes), 1 G 632 (officialité de Rennes). 131 132 241 tard, en 1678, le recteur de Bazouges-sous-Hédé répond à l’évêque de Rennes que sur les trois prêtres qui l’assistent, un seul peut faire l’objet de reproches, car il « est adonné au tabac et boit du cildre a l’extraordinaire », mais il est « fort bon prestre et assiste a l’eglize et fait bien son devoir »137. En 1676, le vicaire général Gilles de Gain, qui effectue une visite dans les paroisses du pays rennais, s’inquiète du comportement du clergé et soumet les témoins synodaux à un interrogatoire systématique138. Ceux-ci, de deux à quatre par paroisse, doivent être renouvelés régulièrement, sans doute pour limiter les pressions que les membres du clergé paroissial peuvent exercer sur eux. D’après le procès-verbal, il y a treize paroisses pour lesquelles les témoins synodaux déclarent « n’avoir aucune plainte a faire », tandis que pour neuf autres paroisses les témoins, dont les dépositions se font visiblement en fonction d’une liste de questions posées par Gilles de Gain mais demeurent libres dans leur forme, formulent des reproches à l’égard des prêtres139. Quelques plaintes concernent une consommation excessive d’alcool ou une utilisation abusive et coûteuse du luminaire. Il est difficile de connaître la part de spontanéité et de sincérité dans les plaintes contre deux recteurs qui n’enseignent pas le catéchisme, mais cela nous permet au moins de savoir qu’à cette date la très grande majorité des recteurs s’acquittent de cette tâche. Les laïcs paraissent surtout sensibles au respect de l’horaire des messes, qui permet à tous d’y assister, et à l’assistance aux malades, surtout pour l’administration du viatique, c’est-à-dire que c’est la fonction d’intercession du clergé qui continue à être considérée par les laïcs comme étant la plus importante. Ainsi, le recteur de Broons, à l’est de Rennes, « refuse le plus souvent d’aller asister les malades, particulierement dans l’estendue du trait de Chevré et de Faiel, disant que les dismes ne luy vont pas, ce qui fait que l’on murmure beaucoup contre luy ». Bien souvent, comme à Andouillé, les témoins déclarent « n’avoir rien a dire quand a la vie et aux mœurs des sieurs recteur, curé et prebtre », ce qui n’est peut-être pas à prendre toujours pour argent comptant, mais les normes tridentines paraissent dans le domaine du concubinage avoir été intégrées vers 1675. Les contre-exemples le prouvent puisqu’à Moigné, avant même que les témoins synodaux puissent s’exprimer, le vicaire général reçoit une « plainte du general de la paroisse » contre un prêtre qui « hante scandaleusement une famme mariee, ce qui est au scandalle de la paroisse ». 136 ADIV, 2 G 192/6. ADIV, 2 G 20/2. Cf annexe n° 50. 138 ADIV, 1 G 3/3. 139 Pour deux paroisses, nous ne disposons d’aucune indication. 137 242 Vingt-deux ans plus tard, en 1698, une enquête est menée, par la hiérarchie ecclésiastique, sur le clergé paroissial du diocèse de Rennes140. Sur 764 prêtres, seule une petite cinquantaine fait l’objet de reproches. Plusieurs de ceux qui sont jugés « suspect[s] pour les femmes » sont assez âgés, certains ayant même plus de 70 ans. La consommation abusive d’alcool paraît être un vice plus répandu, et l’ivrogne est souvent qualifié de « querelleux », « indocile et rebelle ». L’on s’en prend également aux prêtres qualifiés d’ « inutiles », à savoir celui qui « ne fait rien » ou celui qui « ne pense qu’aux affaires temporelles ». Des prêtres étrangers sont renvoyés dans leur diocèse d’origine, d’autres ecclésiastiques sont « a veiller ». Plusieurs sont suspens a divinis. Le recteur de Vieux-Viel est « chassé » et remplacé par un autre recteur, et celui de Fleurigné est « suspens de toutes fonctions » et « condané a faire 3 mois de seminaire a Saint Sulpice ou Saint Nicolas du Chardonnet a Paris ». Bref, l’application des normes tridentines devient véritablement effective. Distinct des laïcs dans ses mœurs et son comportement, le prêtre affirme la dignité qui est celle de son ordre. 3 ) Une dignité inscrite dans la pierre « CY GIST LE CORPS DE VENERALE / NOBLE ET DISCRET MISSIR ISAAC / HAY VIVANT PRIEUR DES PRI/EURES DE VITRE DOYEN DE / SAINCT TUGAL DE LAVAL / RECTEUR DE CEANS SEIGNEUR DE LA / GODERIE ETC QUI FIT CONSTR/UIRE LE PRESENT AUTEL ET SEPUL/TURE CY DESSOUS LAN 1626 / ET DECEDA LE [blanc] / PRIEZ DIEU POUR LUY ». Cette plaque funéraire apposée dans l’église paroissiale d’Erbrée est certes celle d’un recteur noble, prieur et doyen qui plus est, mais elle est révélatrice de la volonté ecclésiastique d’inscrire dans la pierre une dignité, celle des membres du clergé paroissial et notamment des recteurs, affirmation liée à la valorisation de l’état sacerdotal et de la tâche pastorale. Beaucoup de prêtres font représenter sur leur dalle funéraire, outre une croix, un calice et une hostie, auxquels se joint souvent un missel. Il subsiste, par exemple, cinq dalles de ce genre dans l’église paroissiale de Chauvigné, près de Fougères. Cette pratique est à rapprocher de l’habitude nobiliaire consistant à placer sur les tombes blasons et épées. Il s’agit d’affirmer la dignité du défunt en rappelant sa fonction essentielle : célébrer la messe, permettre la transsubstantiation et administrer l’eucharistie. C’est donc, comme le désirait Josse Clichtove au siècle précédent, autour de la fonction d’intercession que s’affirme cette dignité du prêtre. Certains, comme Guillaume Mastivint, 140 ADIV, 1 G 746. 243 prêtre de Lécousse décédé en 1665, en profitent pour rappeler par une inscription le nombre d’obits qu’ils ont fondés. Cette volonté d’inscrire sa dignité dans la pierre se traduit aussi par l’érection de nombreuses croix monumentales. Alors que le d’or des croix d’enclos, il y a au XVIIe XVIe siècle peut être considéré comme l’âge siècle un nombre non négligeable d’érections de croix individuelles, qui sont souvent le fait de prêtres. Lorsque sur les croix comportant la représentation de calices, hosties et missels est également mentionné le nom du donataire, il s’agit toujours d’un ecclésiastique. Ces prêtres ne sont pas nécessairement des recteurs, car bien des croix conservées aujourd’hui sont placées dans des villages ou hameaux, lieux de résidence, nous l’avons vu, des membres du clergé paroissial. Thomas Vignier, prêtre résidant à La Mariais, en Dingé, dans l’est du diocèse de Saint-Malo, fait ériger en 1627, peut-être par le « maître de Combourg », une croix monumentale sur laquelle il fait placer les instruments de la Passion141. Cette croix comporte également, comme d’autres, les lettres « I H S », Iesus Hominum Salvator, inscription qui se diffuse alors, signifiant que le Christ sauve les hommes par la croix, alors que jusqu’ici prédominait sur les croix monumentales le traditionnel « INRI » (Jésus de Nazareth roi des Juifs). C’est, de même, l’inscription « IHS » et le calice qui désormais signalent les maisons construites pour des prêtres dans les villages, comme par exemple au Bochon en Caro, dans le sud du diocèse de Saint-Malo, ou à La Maladrie en Saint-Juvat, dans le Poudouvre. Cette dernière maison, construite à la fin du XVIIe siècle, peut-être pour un curé ou vicaire, comporte deux pièces au rez-de-chaussée et deux étages. Près d’elle se situe une écurie et la cour est fermée142. Dans la même paroisse, en 1676, a été bâtie une autre maison de prêtre, plus modeste, essentiellement en bauge, donc en terre, comportant cependant deux étages également143. Dans ce dernier cas comme dans bien d’autres, la maison de prêtre comporte une cheminée au rez-de-chaussée et une autre au premier étage, qui sont superposées et non pas adossées, type de disposition emprunté au modèle du manoir. Certaines comportent des latrines à l’étage, au niveau de la chambre, et partout les pièces sont séparées, en fonction des usages, alors que l’intérieur des maisons paysannes se caractérise, la plupart du temps, par la pièce unique. Le presbytère, lieu de résidence du recteur, dans le bourg, reprend la même distribution, mais il est de dimensions souvent bien plus vastes. Des problèmes de 141 [406] BLOT, Roger, Croix et merveilles du pays de Combourg. Inventaire Général, inventaire topographique du canton d’Évran. 143 [123] Architecture de terre en Ille-et-Vilaine, p. 88. 142 244 financement se posent donc pour sa construction, son entretien et les réparations à effectuer, et même, au début du siècle, pour l’ameublement. La fabrique de Paramé dépense 75 sous en 1610 pour l’achat de draps, 4 livres en 1617 pour la réparation d’une chaise et 5 livres la même année pour l’achat de six serviettes et d’un plat en étain144. Puis, en 1621, le Parlement de Bretagne fait « defenses aux paroissiens de meubler les maisons presbyterales »145. En 1580, un édit royal reprend les dispositions de l’ordonnance de Blois faisant obligation aux paroissiens de loger leur recteur, obligation tempérée en 1638 par le Parlement de Bretagne qui précise que le recteur doit contribuer pour un tiers à la construction de son presbytère146. L’article XXII de l’édit royal d’avril 1695 rappelle que les paroissiens sont tenus « de fournir au curé un logement convenable », et demande aux intendants de contrôler les autoimpositions levées dans les paroisses pour cette raison – car sauf exception ces dépenses ne relèvent plus des fabriques depuis le milieu du siècle au moins, et même, généralement, des années 1620 – afin qu’elles ne gênent pas la perception des impôts royaux147. Les recteurs, qu’ils soient décimateurs ou congruistes, sont tenus d’assurer l’entretien courant (jusqu’à 200 livres au XVIIIe siècle), et le reste est à la charge des paroissiens. Ceux-ci rechignent dans un certain nombre de cas à effectuer des dépenses importantes, surtout lorsqu’au début du siècle les titulaires de cures ne résident pas. Ainsi, les paroissiens de Saint-Georges-de-Gréhaigne se plaignent en 1603 du fait que le presbytère se trouve « en ruyne » « par la faulte des precedantz recteurs qui, se contentans de prandre et recuillir les dismes de ladicte parroisse, ne faezoient aulcun compte de tenir lesdictes maizons presbiteralles en reparation ny non plus de resider sur leurdict benefice »148. Par la suite, les réticences portent surtout sur la construction et l’entretien des bâtiments annexes, telle la grange, dont la construction coûte 600 livres aux habitants de Domalain en 1660149. Et, assez souvent dans la seconde moitié du XVIIe siècle, des procès opposent les recteurs qui désirent la construction d’un nouveau presbytère à leurs paroissiens qui souhaitent se contenter de réparations. Ainsi, en 1695, ceux de Châtillon, dans le Vendelais, « reprochent [au recteur] que c’est par ambition qu’il demande un presbittaire », accusation à laquelle l’ecclésiastique répond que « c’est unne veritté constante et recognue que le presbittaire est dans une telle indigence qu’il ne se peut 144 AMSM, Paramé GG 270. [LXV] Les plus solennels arrests et reglemens (…), Livre Quatrième, p. 1. 146 Ibid., Livre Premier, p. 439. 147 [271] FOLLAIN, Antoine, « Fiscalité et religion : les travaux aux églises et presbytères (…) ». 148 ADIV, 2 G 278/7. 149 ADIV, 2 G 101/8. A fortiori, les paroisssiens refusent généralement, comme à Chancé au début du XVIIIe siècle, d’entretenir le logement du fermier exploitant les terres liées au presbytère (ADIV, 2 G 56/13). 145 245 reparer »150. Presque toujours, visiblement, c’est l’ecclésiastique qui obtient gain de cause. L’importance des sommes requises (2 000 livres à Gennes en 1691 151) oblige les paroissiens à demander, après délibérations, des commissions afin d’effectuer des impositions exceptionnelles. Puis des comptes spécifiques sont tenus, comme à Saint-Malon en 1677152. Mais cela représente aussi un coût important pour le recteur puisqu’en vertu de l’arrêt du Parlement de Bretagne de 1638 il doit contribuer pour un tiers aux frais de construction du bâtiment. Aussi les nombreuses constructions de presbytères dans la seconde moitié et surtout dans le dernier tiers du XVIIe siècle sont-elles révélatrices du souhait ecclésiastique de distinction et de la volonté d’affirmation dans le paysage de la dignité de leur fonction. Document n° 33 : Le presbytère de Billé, édifié en 1697 Le marché de construction du presbytère est passé conjointement par le recteur et par les paroissiens, comme à Pocé en 1698153, où le choix est fait en fonction d’un dessin. Les marchés, les pièces de procès, les descriptions effectuées en 1690 qui font suite à la déclaration royale du 15 juillet 1689 et à l’arrêt du Conseil du 22 novembre de la même année portant sur les droits d’amortissement levés sur les biens immeubles appartenant aux paroisses, nous fournissent de nombreux renseignements sur les presbytères, sans compter qu’un certain nombre de bâtiments ont été conservés. Les presbytères construits dans le dernier tiers du 150 ADIV, 2 G 267/1. ADIV, 2 G 124/3. 152 ADIV, 2 G 301/4. 151 XVIIe siècle possèdent, tous ou presque, deux étages. À Billé, près de 246 Fougères, le presbytère est construit entièrement en pierre en 1697. À Pocé, près de Vitré, le rez-de-chaussée et le premier étage sont réalisés en pierre et le second en bois. Dans l’ouest du pays rennais, bien des presbytères sont réalisés en bauge, comme celui de Parthenay construit en 1668, ou celui de Saint-Gilles154. Mais, dans cette région, la construction en terre n’est pas signe de pauvreté et s’explique par la mauvaise qualité de la pierre locale, des schistes briovériens très altérés, et un nombre non négligeable de logis nobles sont de même construits en bauge à cette époque155. Document n° 34 : Le presbytère et ses alentours à Saint-Sulpice- laForêt, au milieu du XVIIIe siècle (Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, 2 G 329/4) Comme le montre le plan réalisé au milieu du XVIIIe siècle pour la paroisse de Saint- Sulpice-la-Forêt, au nord-est de Rennes, le presbytère (A) donne sur une cour (G) partiellement ou totalement close156. Le presbytère est situé près de l’église et du cimetière (N). De la cour, on accède à un jardin (H) et à un verger (K). De petits bâtiments sont accolés au presbytère et ferment partiellement la cour. Il faut signaler notamment un cellier (B, ici surmonté d’un cabinet), une étable (E) et un poulailler (F), sans oublier des appentis (D) servant à entreposer divers matériels. Notons qu’ailleurs, comme à Pocé par exemple, il y a aussi une petite écurie. 153 ADIV, 1 Q 393. [123] Architecture de terre en Ille-et-Vilaine, p. 88, 103. Cf annexe n° 27. 155 Ibid. 156 ADIV, 2 G 329/4. 154 247 À Pocé, la porte d’entrée est précédée d’un perron, signe de prestige social. Souvent, la façade présente deux fenêtres de chaque côté de la porte, pour le rez-de-chaussée, trois à l’étage, et le toit est ouvert par deux lucarnes. Mais il faut parfois compter une fenêtre de plus pour chaque étage, comme à Billé. Partout, un escalier intérieur permet d’accéder aux étages, et presque partout, comme à Pocé, des latrines sont placées près de celui-ci. Généralement, il y a une cheminée au rez-de-chaussée et une à l’étage pour la chambre du recteur. Il y a deux ou trois pièces par étage, chaque pièce étant destinée à une fonction principale, ce que révèlent également les inventaires après décès. Ainsi, sur le modèle nobiliaire, la cuisine est séparée de la salle à manger. Au rez-de-chaussée, le presbytère comporte une grande salle qui permet d’accueillir les visiteurs. Le second étage sert souvent principalement de grenier, où l’on entrepose notamment les « blateries ». Les presbytères comportent toujours plusieurs chambres, essentiellement au premier étage. Il y a celle du recteur bien entendu, une autre servant de « cabinet ou estude »157. Il y a également la ou les chambres du personnel, à savoir, généralement, la servante et un homme qui se charge principalement du bétail et des jardins. Le recteur apparaît ainsi, même dans les cures dites pauvres, comme un petit notable aisé. 4 ) Le bon prêtre de la seconde moitié du XVIIe siècle, homme du savoir, homme du pouvoir et intermédiaire culturel158 Le modèle du bon prêtre ne correspond désormais plus seulement à un idéal, mais également, dans un nombre non négligeable de cas, à une réalité. Alain Croix a déjà fait remarquer, en s’appuyant sur le dépouillement des registres paroissiaux, que la résidence des recteurs est un phénomène largement majoritaire à partir de 1650 environ159. En 1676, le recteur de Luitré décrit dans le registre de sépultures les principales « vertus » que présentait son oncle, Pierre Nicolas, lui aussi recteur de Luitré, de 1630 à 1668 160. Il signale « son zele pour la decoration de son eglise », celui qu’il met à secourir les pauvres tout en leur donnant « quelque instruction », son mépris des biens du monde, sa patience, sa sobriété, sa chasteté, son souci de la prédication et sa pratique exigeante de la prière. En 1678 cette fois, le recteur de Bazouges-sous-Hédé écrit à son évêque que les trois prêtres qui l’assistent « ne vont poinct au cabaret ny a autres assamblee publiques, a la chasse, ny ne portent point 157 Précision qui est donnée par exemple pour le presbytère de La Chapelle-des-Fougeretz en 1652 (ADIV, 2 G 62/17). Ce titre est inspiré par une formule de Marc Venard, « hommes du sacré, hommes du savoir, hommes du pouvoir » ([192] Histoire du christianisme, t. 8, p. 917). 159 [127] CROIX, Alain, La Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles (…), p. 1167. 160 Mention relevée par Paul Paris-Jallobert, puis par Alain Croix ([127] CROIX, Alain, La Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles (…), p. 1389-1390). 158 248 d’armes », et « ils vivent sans scandalle »161. L’enquête menée en 1698 sur le clergé paroissial du diocèse de Rennes signale un certain nombre de recteurs qui sont à l’image de celui du Rheu : il « travaille, fait son devoir, [est] de bonne mœurs »162. Au début du XVIIIe siècle, lors des synodes du diocèse de Saint-Malo, il n’est plus, sauf exceptions, question des ecclésiastiques qui n’appliquent pas les normes tridentines163. Le lien, déjà souligné par Alain Croix, paraît évident entre d’une part la normalisation du clergé paroissial et d’autre part la baisse importante du nombre de prêtres164. L’enquête menée en 1698 dans le diocèse de Rennes est suivie par une entreprise du même type en 1707165. Cela nous permet de savoir que deux au moins des quatre prêtres de Monthault sont âgés en 1698 puisqu’ils sont décédés neuf ans plus tard, et non remplacés. Au Ferré, ce sont quatre au moins des cinq prêtres qui sont âgés puisqu’en 1698 un est âgé de 76 ans, un autre de 65 ans, et neuf ans plus tard deux autres sont décédés, sans être remplacés là non plus. Il faut désormais obéir à un recteur qui réside, remplir l’ensemble des devoirs liés à la fonction, ne plus espérer fréquenter les femmes, et difficilement la taverne : nul doute que cela joue de façon importante sur le recrutement sacerdotal. Il en est de même des progrès dans la formation des prêtres. En 1604 les jésuites s’installent à Rennes et prennent en charge le collège SaintThomas. En 1653, ce collège compte 2 800 élèves, venus pour l’essentiel des diocèses de Rennes, Dol et Saint-Malo166. Si tous, bien entendu, ne deviennent pas ecclésiastiques, il reste qu’un nombre non négligeable des prêtres de Haute-Bretagne sont, au XVIIe siècle, formés par les jésuites, et reçoivent ainsi un enseignement religieux et profane de qualité. D’autres suivent, à Rennes, des cours de théologie assurés par les jacobins et les cordeliers. Mais il reste probablement bien des prêtres qui continuent à être formés dans les presbytères, auprès des recteurs167. Dans la seconde moitié du siècle, de plus en plus de recteurs ont fait leurs études à Paris, ce que nous saisissons au fil des archives : en 1629 le recteur de Moutiers est bachelier en théologie de la faculté de Paris, de même que le recteur de La Bazouge-du-Désert en 1673 ; le recteur de Domalain qui décède en 1670 est docteur de Sorbonne, de même que celui de Moutiers en 1699 et celui de Visseiche en 1704168. 161 ADIV, 2 G 20/2. Cf annexe n° 50. ADIV, 1 G 746. 163 ADIV, 1 G 83. 164 [127] CROIX, Alain, La Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles (…), p. 1167. 165 ADIV, 1 G 746. 166 [91] L’Ille-et-Vilaine des origines à nos jours, p. 159. 167 Ainsi, Charles Berthelot du Chesnay souligne l’activité du presbytère de Longaulnay, dans le diocèse de Saint-Malo, au début du XVIIIe siècle : près de cinquante diacres y passent de 1717 à 1726 ([322] BERTHELOT DU CHESNAY, Charles, Les prêtres séculiers en Haute-Bretagne (…), p. 144). 168 ADIV, E dépôt 101, 104, 106 (documents aimablement signalés par Jean-Christophe Brilloit) ; 2 G 101/8, 2 G 18/5. 162 249 Le niveau de formation monte donc, et il en est de même des exigences. Dans le diocèse de Dol, Mathieu Thoreau fait savoir, par le biais des statuts synodaux promulgués en 1662, « que tous ceux qui pretendent a l’ordre de soudiacre » doivent se présenter devant l’évêque « quatre mois avant le temps auquel ils desirent les recevoir », afin qu’il soit jugé de leur « capacité », à savoir « probité de vie, bonnes meurs et science requise pour ledit ordre », ainsi qu’une connaissance du plain-chant169. Vingt ans plus tard, en 1682, l’évêque de Rennes Jean-Baptiste Beaumanoir de Lavardin précise, lui aussi dans des statuts synodaux, que les recteurs doivent examiner « soigneusement les personnes de leur paroisse qui aspirent aux ordres sacrez, pour connoitre leur vocation, leur capacité et leurs mœurs »170. Ensuite, ceux qui se présentent « pour l’examen des ordres » doivent amener « l’extrait de leur bapteme, et certificat de vie et mœurs de leur recteur […] et du professeur sous lequel ils ont estudié ». Cet examen concerne tous ceux qui sont candidats à l’ordination, y compris aux ordres mineurs. En 1695, un édit royal, enregistré par le Parlement de Bretagne, stipule que ceux qui obtiennent des provisions en cour de Rome ne peuvent prendre possession de leur bénéfice « qu’apres qu’il aura eté informé de leur vie, mœurs et religion, et avoir subi l’examen devant l’[…] eveque diocesain ou son vicaire general »171. Aussi, avant même l’institution des séminaires, le strict contrôle des prêtres en place, la formation assurée par les jésuites et l’examen renforcé avant l’ordination permettent d’améliorer de façon sensible la qualité morale du clergé et probablement aussi sa qualité intellectuelle. Dans le diocèse de Saint-Malo, au début des années 1630, l’évêque Achille de Harlay, un oratorien, prend pleinement conscience de l’importance de la formation des prêtres. En 1632, lors d’un synode, « les recteurs et curez des paroisses de ce diocese sont derechef advertis de s’employer diligemment a l’estude des cas de conscience et theologie morale ». Cette obligation leur est rappelée en 1636, « et pour cet effect s’assembleront tous les pretres de chaque paroisse une foys la sepmaine cheiz le recteur pour lire les cas de consciance, en disputer, apprendre le chant et les ceremonies de l’eglise ». Désirant aller plus loin, l’évêque fait connaître, au synode de la Saint-Luc 1643172, aux « prieurs, recteurs, curés, vicaires et aultres ecclesiastiques faisant le corps du clergé dudit diocese » sa volonté d’établir un séminaire à Saint-Méen, dans les bâtiments de l’abbaye bénédictine qui ne renferment plus que « deux anciens religieux ». Il s’agit, vu la pauvreté d’un grand nombre de prêtres qui ne peuvent « aller estudier aux colleges des grandes villes et universités », de les « y faire [XXXVI] THOREAU, Mathieu, Statuts et ordonnances (…). [XXXIV] Statuts et reglemens du dioceze de Rennes. 171 [LXV] Les plus solennels arrests et reglemens (…), Livre Quatrième, p. 282. 169 170 250 instruire gratuitement […] a la doctrine, pieté, bonnes meurs, administration des sacremens, celebration du divin service et ceremonies de l’eglise, et a toutes les choses necessaires aux personnes ecclesiastiques pour s’acquiter dignement de leur ministere ». Après une forte résistance des bénédictins, les prêtres de la Mission ou lazaristes prennent en charge ce séminaire en 1645. Cette formule est d’abord issue du concile de Trente, qui a préconisé la création de collèges diocésains destinés à être les pépinières (seminaria) du clergé, mais qui ne reçevaient qu’une partie des adolescents destinés à la prêtrise, et la première génération des séminaires est un échec, notamment en France173. Ce n’est que vers 1625 que Vincent de Paul propose une nouvelle formule, celle du séminaire d’ordinands174. À Saint-Méen, les futurs prêtres font au séminaire des passages de quelques mois, consacrés à la retraite et à une préparation pratique à la fonction sacerdotale. Puis, progressivement, la durée du séjour s’allonge et le séminaire devient aussi le lieu d’une formation théologique et morale. À Rennes, l’évêque obtient en 1662 des lettres patentes portant établissement d’un séminaire, mais rien ne se fait avant la mission de Jean Eudes en 1670175. Les premiers ordinands y sont reçus en 1672. Ce n’est qu’en 1698 que l’évêque de Dol Jean-François Chamillart obtient le prieuré de l’Abbaye-sous-Dol et y ouvre un séminaire ; en 1701, il le confie aux eudistes176. Même si ces séminaires sont différents de ceux des XIXe et XXe siècles, cette période constitue incontestablement un tournant. Puis la création de ces « grands séminaires » est suivie de celle des « petits séminaires », qui reçoivent des élèves qui se destinent au sacerdoce et qui n’ont pas les moyens financiers de faire des études dans les collèges. Celui du diocèse de Rennes est créé en 1684 dans la ville épiscopale et confié aux eudistes, celui du diocèse de Saint-Malo, créé en 1707, est installé à Saint-Servan et confié aux lazaristes. Ce n’est qu’en 1727 qu’est fondé à Dol un collège remplissant peu à peu les conditions d’un petit séminaire. Le rôle accru du recteur s’exerce dans des domaines variés. Celui de La Gouesnière recopie à la fin du registre des comptes de la fabrique tenus de 1626 à 1673 un « memoire de plusieurs remedes exprimantes et nesesaire aux recteurs pour le soulagement des pauvres malades de leurs paroisses »177. La composition et le mode d’emploi de pommades, onguents, 172 Qui se tient exceptionnellement au mois de novembre. [192] Histoire du christianisme, t. 8, p. 898. Les séminaires français de la première génération sont cartographiés par Marc Venard dans « Les séminaires en France avant saint Vincent de Paul », MEZZADRI, Luigi (éd.), Vincent de Paul, actes du colloque de Paris, 25-26 septembre 1981, Rome, Edizioni Vincenziane, 1983, p. 1-17, repris dans [200] VENARD, Marc, Le catholicisme à l’épreuve (…), p. 117-134. 174 [175] BROUTIN, Paul, La réforme pastorale en France au XVIIe siècle (…), t. 2, p. 215 sq. 175 ADIV, 1 G 381. [326] DAUPHIN, Joseph, Histoire des séminaires de Rennes et de Dol (…). 176 [326] DAUPHIN, Joseph, Histoire des séminaires de Rennes et de Dol (…). 177 ADIV, 2 G 127/7. 173 251 breuvages et remèdes en tous genres sont consignés afin de pouvoir soigner tous les types de blessures, plaies, fièvres, maux de ventre de tous types, sans oublier les paralysies, la gangrène, la rage, la vérole, les « pestes » « et toutes sortes de poisons ». Bref, le recteur devient à la fois médecin des âmes et médecin des corps, faisant concurrence, dans ce dernier domaine, à la fois au médecin professionnel (mais c’est un personnage peu présent en milieu rural) et aux guérisseurs en tous genres, détenteurs d’un savoir plus « populaire » transmis oralement. C’est que l’homme de savoir est aussi, à tous points de vue, un homme de pouvoir. Il reste à saisir son rôle d’intermédiaire culturel. Plusieurs historiens, dont, notamment, Alain Croix, ont montré toutes les informations qui pouvaient, en la matière, être tirées des inventaires après décès178. En Bretagne, ces actes ne sont pas conservés dans les minutiers des notaires, mais dans les archives des juridictions seigneuriales. Le repérage des documents a été facilité par l’existence de pré-repérages179, ce qui m’a permis de relever, et de dépouiller, des actes concernant 24 ecclésiastiques des diocèses de Rennes, Dol et Saint-Malo pour la période 1640-1700, dont 20 pour le dernier quart du XVIIe siècle180, chiffre certes faible mais dont nous devons nous contenter. Pour être exact, nous disposons, selon les cas, d’un inventaire après décès, d’une apposition de scellés, d’un procès-verbal de vente des meubles, d’un simple inventaire des titres ou bien de plusieurs pièces. Et la moisson s’avère bien maigre car, tout compris, nous ne disposons que de 3 inventaires après décès. Il faut compter certes 13 actes d’apposition de scellés, mais la description se limite alors souvent au mobilier et aux objets les plus volumineux, sans prisage, et 13 actes de vente, mais il faut signaler que les objets ne sont pas alors situés dans leur environnement, et que tous ne sont pas mis en vente. Enfin, il y a deux cas pour lesquels nous ne possédons qu’un inventaire des titres. Autant dire qu’une exploitation statistique ne présenterait ici, vu le sujet et vu la faiblesse de l’échantillon, aucun intérêt, et il faut se contenter d’indices. Ils confirment, d’abord, la division spatiale de l’espace intérieur des presbytères, et la présence dans les bâtiments annexes de chevaux, de vaches, de cochons et d’outils de jardin. Dans les cas dont nous disposons, l’ensemble des biens meubles est toujours prisé à une valeur inférieure à 500 livres, ce qui, dans ce domaine, fait des prêtres des notables modestes, et parfois même médiocres quand il s’agit de simples prêtres dont la vente des biens meubles rapporte moins de 100 livres. Ceci dit, les biens meubles de Nicolas Marchis, recteur de Parigné, sont [324] CROIX, Alain, « Relations villes-campagnes et inventaires après-décès (…) », [325] CROIX, Alain, « Le clergé paroissial, médiateur du changement domestique ? (…) ». 179 Ces pré-repérages ont été effectués dans le cadre de maîtrises dirigées par Alain Croix. 178 252 vendus en 1684 pour plus de 430 livres181. Or, il y a toujours des biens qui ne sont pas mis en vente, mais nous ne disposons pas dans ce cas précis de l’inventaire après décès. Presque tous les prêtres possèdent des vêtements sacerdotaux, qui sont conservés dans la sacristie, ainsi qu’un missel, livre par excellence du prêtre. Jean Bourget, prêtre de Laillé, au sud de Rennes, décédé en 1684, possède trois surplis, trois corporaux, dix purificatoires, neuf amicts, quatre aubes, un chasuble, trois voiles de calice, un calice et une patène, un missel bien sûr, imprimé à Paris en 1616, un bréviaire, un diurnal et un processionnal 182. En revanche, le prie-Dieu paraît encore rare puisqu’il n’est possible de n’en relever qu’un seul exemple183. Les livres sont peu nombreux, et il n’existe aucune véritable bibliothèque. Visiblement, et s’il est possible d’extrapoler à partir de quelques cas, les recteurs sont mieux fournis que les autres prêtres en la matière, à une exception près. Peu de détails sont donnés, et bien souvent les livres ne sont pas inventoriés individuellement, mais il semble que la majorité des prêtres des paroisses rurales n’en possèdent pas plus d’une dizaine à la fin du siècle. Plusieurs possèdent un dictionnaire latin-français. Nous ne disposons d’une liste détaillée que pour Jean Bourget, le prêtre de Laillé : il possède, en plus du bréviaire, du missel, du processionnal et du diurnal, dix-huit ouvrages, dont certains sont composés de plusieurs tomes. Alors que l’ecclésiastique décède en 1684, tous ces ouvrages ont été imprimés dans la première moitié du siècle, ce qui rejoint l’observation formulée par Jean Quéniart à propos des prêtres rennais du XVIIIe siècle : la constitution des bibliothèques se fait pendant les études et au début de la carrière184. Ces ouvrages sont des sermons, des catéchismes, des recueils de textes conciliaires, des livres traitant des devoirs du pasteur, des manuels de cas de conscience. Certains prêtres, notamment des recteurs, possèdent des tableaux. Ainsi, Pierre Poussin, recteur de Bain et doyen, en possède sept, plus trois reproductions non encadrées185. Il s’agit de représentations de la Vierge, de saint Pierre, de saint Jean, de saint Jean-Baptiste et de la Crucifixion. Jean Bourget possède quant à lui une représentation de la Décollation de saint Jean-Baptiste et un Ecce Homo186. Une attention aux objets du quotidien nous renseigne sur les choix culturels des clercs en terme de mode de vie, indépendamment, pour une part, du niveau de vie. Ainsi, les 180 ADIV, 4 B 235 (1677), 240 (1686), 245 (1698), 1100 (1657), 1411 (1693), 1739 (1644, 1645), 1871 (1694), 1965 (1677), 1967 (1688), 2216 (1677), 2709 (1684), 2859 (1681, 168?), 3080 (1696), 3259 (1684, 1684), 3485 (1669), 3487 (1675), 3488 (1684, 1684), 3489 (1692), 5401 (1680), 5463 (1696). 181 ADIV, 4 B 3488. 182 ADIV, 4 B 2709. 183 ADIV, 4 B 1967 (1688). Il s’agit du recteur d’Erbrée. 184 [336] QUENIART, Jean, « Les bibliothèques ecclésiastiques à Rennes au XVIIIe siècle ». 185 ADIV, 4 B 240 (1686). 186 ADIV, 4 B 2709 (1684). 253 armoires et les chaises sont très présentes dans les presbytères, au détriment des bancs et des coffres, et ce à la différence des intérieurs paysans187. Plusieurs de ces chaises et certaines de ces armoires sont placées dans la grande salle du rez-de-chaussée où les invités sont accueillis, et cette pièce est ainsi probablement le lieu où s’exerce à plein le rôle d’intermédiaire culturel du clergé. À l’inverse, l’archaïsme est marqué par la possession d’un fusil, souvent « viel » certes. Notons en revanche la présence d’une chaise percée dans le presbytère de Bais, objet dont la diffusion est, Alain Croix l’a souligné, largement le fait du clergé188. La vaisselle est généralement en étain, mais il faut noter la présence de salières, parfois en faïence (il est vrai pour un cas urbain, Fougères en l’occurrence), ainsi que de beurriers. La cave révèle parfois une évolution du goût et la recherche de certains produits : le recteur de Bain possède une barrique de vin de Gascogne189, un autre, de l’eau-de-vie. L’évolution des goûts et celle de la perception du temps se traduisent aussi par la diffusion, alors lente et limitée, de l’heure mécanique. Alors qu’au XVIIe siècle la possession personnelle d’une montre ou d’une horloge constitue un cas rare, nous notons la présence d’une « orloge de fer » au presbytère de La Valette190, et d’un « petit reveil matin » au presbytère de Parigné, qui est vendu au nouveau recteur pour la somme de 5 livres191. Enfin, l’ouverture sur le monde est illustrée par la « camisolle d’indienne » du recteur de Bain192. Document n° 35 : La représentation du recteur sur le mur extérieur de l'église de Saint-Gonlay, au début du XVIIIe siècle. Intermédiaire culturel donc, et homme de savoir, coupé désormais des laïcs, le prêtre et notamment le recteur cherche à jouer un rôle plus important dans la gestion de la fabrique, à l’image de celui de Saint-Gonlay qui se fait représenter au début du XVIIIe siècle sur le mur 187 [325] CROIX, Alain, « Le clergé paroissial, médiateur du changement domestique ? (…) » ; [338] ROUXEL, Sylvie, Vivre au quotidien (…). 188 [325] CROIX, Alain, « Le clergé paroissial, médiateur du changement domestique ? (…) ». 189 ADIV, 4 B 240. 190 ADIV, 4 B 2859. 191 ADIV, 4 B 3488. 192 ADIV, 4 B 240. Camisole : vêtement court à manches porté sur ou sous la chemise. 254 de l’église, en soutane, bréviaire à la main, dans l’attitude d’un notable. Mais les autorités civiles et notamment l’État royal entendent également jouer un rôle dans ce domaine. Aussi, si la gestion des paroisses connaît des permanences, elle est également marquée par des évolutions. C ) Permanences et évolutions dans la gestion des fabriques 1 ) L’évolution du budget des paroisses Comme il a déjà été signalé pour le XVIe siècle, nous ne disposons pas de déclarations de francs-fiefs193, et ce sont donc les comptes de fabrique eux-mêmes qui permettent de connaître le montant des sommes dont disposent les fabriques au XVIIe siècle, informations récapitulées dans le tableau qui suit194. En 1600, même si les fabriques ont pâti des affrontements politico-religieux de la dernière décennie du siècle qui ont rendu plus difficile la perception des rentes et ont provoqué une baisse des offrandes, le montant de leur revenu apparaît, presque partout, supérieur ou nettement supérieur à ce qu’il était trente ans plus tôt. En fait, ce sont généralement les reliquats qui ont servi à faire face aux difficultés financières, et ont été de ce fait nettement amputés. Les fabriques s’en sortent finalement assez bien, et assez rapidement. On peut estimer que vers 1610 la situation est tout à fait rétablie. Alors qu’en 1600 le reliquat des fabriques de Saint-Brice-en-Coglès, La Fresnais et Helléan, paroisses situées dans trois diocèses différents, est nul, dix ans plus tard il équivaut à une année de revenu 195. Partout aussi, le montant annuel des recettes augmente. À Domalain, entre 1600 et 1610, le reliquat a augmenté de 300 livres, et le montant annuel des recettes de 100 livres. Toute la première moitié du siècle est une période de forte croissance des revenus des fabriques. En 1627, la fabrique de Piré dispose déjà d’un reliquat accumulé de 1 700 livres, ce qui permet d’entreprendre une reconstruction du chœur et la construction d’un retable. De 1610 à 1650, le montant des revenus des fabriques d’Helléan et de Saint-Malon est multiplié par 1,4, celui des fabriques de Trébédan et de Gévezé par 1,6, celui de la fabrique de La Fresnais par 1,8, celui de la fabrique de Domalain par 2, celui de la fabrique de Coulon par 3. Partout ou presque, « l’âge d’or » est à son apogée au milieu du siècle. 193 Cf supra, p. 49. ADIV, 2 G 79/4 ; 2 G 92/6 à 9 ; 2 G 101/6, 7, 9 ; 2 G 121/6, 7, 8 ; 2 G 125/5, 6, 7 ; 2 G 166/3, 4, 33, 44 ; 2 G 225/7, 9, 10 ; 2 G 264/2 ; 2 G 301/3, 4. ADCA, 20 G 614. ADM, G 0913, 0914. 195 Il est vrai aussi qu’au sortir des troubles, une autre partie des reliquats n’est versée que très progressivement par les trésoriers sortis de charge (cf supra, chapitre 3). 194 255 Tableau n° 36 : Le montant des sommes dont disposent les fabriques au XVIIe siècle Paroisse Caractéristiques Période Piré Pays toilier Vers Vers Vers Vers Domalain Pays toilier Louvignéde-Bais Gévezé Pays toilier (et surtout la fabrique perçoit une partie des dîmes) Pays rennais Vers Vers Vers Vers Vers 1610 Vers 1670 Vers 1690 Chavagne Pays rennais Vers Vers Saint-Briceen-Coglès Nord-ouest du pays de Fougères Vers Vers Vers Vers La Fresnais Diocèse de Dol Vers Vers Vers Vers Vers Vers Coulon en Montfort Paroisse suburbaine du diocèse de Saint-Malo Vers Vers Vers Vers Vers Vers Saint-Malon Centre du diocèse de SaintMalo Vers Vers Vers Helléan Porhoët (sud du diocèse de Saint-Malo) Vers Vers Vers Vers Vers Trébédan Poudouvre (pays de Dinan) Vers Vers Vers Vers Vers Vers Vers Vers Vers Vers 1630 1650 1670 1690 1600 1610 1650 1670 1600 1610 1630 1650 1670 1650 1670 1600 1610 1630 1650 1600 1610 1630 1650 1670 1690 1600 1610 1630 1650 1670 1690 1630 1650 1670 1600 1610 1630 1650 1670 1610 1630 1650 1670 1690 Montant des recettes Montant du (hors reliquat) / an reliquat / an Environ 550 l. Environ 1 700 l. Environ 440 l. Environ 100 l. Environ 650 l. Environ 370 l. Environ 440 l. Environ 100 l. Environ 300 l. Environ 200 l. Environ 400 l. Environ 500 l. Environ 800 l. Environ 700 l. Environ 700 l. Environ 900 l. Environ 350 l. Environ 530 l. Environ 350 l. Environ 1680 l. Environ 550 l. Environ 250 l. Environ 200 l. Environ 150 l. Environ 250 l. Environ 500 l. Environ 350 l. Environ 300 l. Environ 400 l. Environ 200 l. Environ 500 l. Environ 400 l. Environ 200 l. Environ 300 l. Environ 150 l. Environ 60 l. Environ 40 l. Nul Environ 70 l. Environ 50 l. Environ 80 l. Environ 150 l. Environ 80 l. Environ 150 l. Environ 100 l. Nul Environ 140 l. Environ 120 l. Environ 250 l. Environ 100 l. Environ 250 l. Environ 100 l. Environ 200 l. Environ 600 l. Environ 190 l. Environ 600 l. Environ 90 l. Environ 30 l. Environ 100 l. Environ 100 l. Environ 170 l. Environ 330 l. Environ 300 l. Environ 600 l. Environ 230 l. Nul Environ 80 l. Environ 450 l. Environ 150 l. Environ 500 l. Environ 220 l. Environ 700 l. Environ 170 l. Environ 370 l. Quelques livres Environ 60 l. Environ 50 l. Environ 70 l. Environ 50 l. Environ 70 l. Environ 80 l. Environ 100 l. Environ 150 l. Environ 100 l. Environ 50 l. Environ 20 l. Environ 50 l. Environ 20 l. Environ 80 l. Environ 30 l. Environ 50 l. Environ 15 l. Nul Environ 35 l. 256 Le montant des revenus des fabriques varie évidemment selon les caractéristiques des paroisses, au XVIIe comme au XVIe siècle. Dans le Porhoët, dans le Poudouvre et dans certaines régions du diocèse de Rennes, c’est-à-dire, plus largement, dans les paroisses qui n’appartiennent ni aux pays toiliers, ni aux régions côtières, ni au Bassin rennais, ni aux zones fortement peuplées (en nombre absolu d’habitants ou en densité de population), le revenu annuel de la fabrique se situe vers 1650 aux environs de 100 livres, voire un peu moins. À la même date, les fabriques des paroisses du Bassin rennais, qui englobe le centre du diocèse de Saint-Malo, et d’une partie du pays de Dol ont des recettes annuelles de 200 ou 250 livres. Dans les plus grosses paroisses rurales, comme Gévezé, et dans les paroisses suburbaines, comme Coulon, le revenu annuel monte à 300 ou 400 livres. Enfin, les fabriques des paroisses du pays toilier qui s’étend au sud de la ligne Rennes–Vitré ont des revenus nettement plus importants, qui montent ainsi à 800 livres à Domalain. Un lent déclin s’amorce vers 1660-1670, même si certaines fabriques réussissent à maintenir le niveau de leur revenu, comme à Helléan, voire, plus rarement, à l’augmenter, comme à Gévezé. Le cas de Louvigné-de-Bais est très particulier, et même assez artificiel, car à cette date la part des dîmes perçue par la fabrique représente près de 90 % des revenus. En fait, si l’on compare le montant des revenus en 1670 à ce qu’il est vingt ans plus tôt, on constate qu’il a baissé de 13 % à Domalain, de 20 % à La Fresnais, de 23 % à Saint-Malon, de 25 % à Chavagne et à Coulon, de 38 % dans la paroisse pauvre de Trébédan. Le déclin se poursuit dans le dernier quart du siècle. Dans certaines paroisses, comme à La Fresnais, on parvient à le limiter, mais dans plusieurs paroisses il est dramatique. De 1670 à 1690, le revenu de la fabrique de Coulon a baissé de 66 %, ce qui représente une chute de 75 % de 1650 à 1690. Dans la même période, et à un autre niveau de revenu, les recettes annuelles de la fabrique de Trébédan connaissent une chute de 30 % sur la période 1670-1690, soit une baisse de 66 % de 1650 à 1690. Même si la situation est, bien sûr, contrastée, les fabriques des paroisses rurales de Haute-Bretagne apparaissent au XVIIe siècle plus riches que celles du Beauvaisis196. Vers 1670, elles sont aussi en moyenne plus riches que celles du Bas-Léon, dont les revenus varient de 100 à 400 livres197. Les paroisses du pays toilier Rennes-Vitré, notamment, dépassent assez largement ce niveau, mais elle n’atteignent pas celui des paroisses du Haut- 196 Anne Bonzon estime que, vers 1610-1620, leurs revenus annuels vont, approximativement, de 20 à 140 livres ([204] BONZON, Anne, L’esprit de clocher (…), p. 256). 197 TANGUY, Jean, « L’argent des enclos. Les finances des enclos paroissiaux du Haut-Léon », [298] L’argent des villages (…), p. 120. 257 Léon qui, en gros, varie alors de 1 200 à 2 700 livres198. Même si l’écart entre ces deux groupes de paroisses a toujours été favorable à celui du Haut-Léon, il semble qu’il se soit creusé depuis le milieu du siècle199. À l’extrême fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, les fabriques des paroisses rurales de Haute-Bretagne se sont nettement appauvries alors que celles des paroisses de la région parisienne se sont notablement enrichies et apparaissent désormais plus riches que les paroisses haut-bretonnes200. Ces dernières paraissent également se situer alors à un niveau légèrement inférieur à celui des paroisses de Haute-Normandie201. C’est en fini de « l’âge d’or »…ou presque. Il faut en effet compter avec les reliquats qui ont été accumulés. Vers 1670, le montant du reliquat équivaut souvent au revenu d’une année (Gévezé), de près d’une année et demie (Domalain, Helléan), de deux années (Saint-Malon), voire de trois (La Fresnais), et même de près de cinq années à Louvigné-de-Bais grâce à l’accumulation du produit d’une partie des dîmes. Les fabriques peuvent donc encore engager des dépenses importantes jusqu’à la fin du siècle (le reliquat s’élève à 600 livres à La Fresnais vers 1690), alors même que le montant annuel des recettes hors reliquat a fortement diminué. La gestion des reliquats reste identique à ce qu’elle était au XVIe siècle. Des reliquats sont patiemment accumulés pendant plusieurs années, puis une forte somme est dépensée. Ainsi, en 1656, la fabrique de Saint-Malon dispose d’un reliquat de plus de 1 500 livres, ce qui représente 6 années de revenus202. C’est d’ailleurs souvent vers 1660 que les reliquats atteignent leurs plus hauts niveaux, avec un décalage d’une décennie donc sur le montant des recettes hors reliquat. À cette date, le reliquat de la fabrique de Coulon est de 1 200 livres203, celui de Gévezé de près de 800 livres, celui de Trébédan de 75 livres. La gestion des reliquats et la gestion des budgets demeure, au XVIIe siècle, ce qu’elle était déjà au siècle précédent. Ainsi, par exemple, il n’apparaît pas que l’objectif d’une bonne gestion soit de dégager un solde positif sans toucher au reliquat, qui n’est pas un fonds de réserve. Le reliquat est au contraire pleinement intégré au compte204. 198 Ibid. Vers 1610, le revenu annuel de la fabrique de Saint-Thégonnec est d’environ 750 livres (ibid., p. 126), celui de la fabrique de Domalain de 400 livres. 200 [208] FERTE, Jeanne, La vie religieuse dans les campagnes parisiennes (…). 201 [212] GOUJARD, Philippe, Un catholicisme bien tempéré (…). 202 Cf annexe n° 28. 203 Cf annexe n° 29. 204 Cf annexes n° 28 et n° 29. Notons que la gestion des fabriques est différente de ce qu’elle est en Val d’Aran. En Haute-Bretagne, les fabriques paraissent plus autonomes à l’égard des prêtres, elles ne touchent généralement qu’une partie faible ou nulle des dîmes, et il semble (jusqu’à preuve du contraire) qu’elles ne se livrent ni à du stockage de grains ni à la pratique du prêt à intérêt ([205] BRUNET, Serge, Les prêtres des montagnes (…), p. 599, 742). 199 258 Dans le dernier tiers du siècle, le montant des offrandes plafonne puis diminue. À Saint-Sauveur de Dinan, les offrandes rapportent à peine plus de 100 livres en 1685/86 alors qu’elles rapportaient plus de 250 voire plus de 300 livres par an dans les années 1620205. Pour faire face à cette diminution des recettes, plusieurs fabriques, à commencer par celles des paroisses urbaines, font installer des bancs dans l’église à partir de la fin du siècle et les louent. Ceci dit, la baisse des offrandes est généralement compensée par une hausse du montant des rentes, qui sont pour une bonne part issues des fondations. Dans la paroisse urbaine Saint-Sauveur de Dinan, les rentes issues des fondations rapportent ainsi 200 livres dans les années 1620, 400 dans les années 1650, près de 600 dans les années 1670, plus de 900 dans les années 1710206. Dans les paroisses rurales, le nombre de rentes n’est pas toujours plus important au XVIIe siècle qu’au siècle précédent – il semble que certaines ont définitivement disparu dans la tourmente de la fin du XVIe siècle, avec la perte de certains papiers –, mais ces rentes sont d’une nature différente et fournissent des sommes plus importantes. À Domalain, la fabrique perçoit une trentaine de rentes pour près de 20 livres à la fin du XVIe siècle, et une quinzaine seulement mais pour près de 50 livres dans les années 1670207. Si les offrandes représentent 90 % des recettes en 1590, elles tombent à 75 % vers 1670 et 60 % en 1680208. À La Fontenelle, dès 1611, six rentes sont liées à des fondations, et rapportent 57 livres209. À La Gouesnière, les rentes liées à des fondations sont au nombre de sept en 1659, de quinze en 1690210. À Piré, la part des rentes dans le revenu de la fabrique passe de 10 % dans la décennie 1620-1629 à 75 % dans les vingt dernières années du siècle211. La composition des offrandes connaît elle aussi une évolution. La part des offrandes en espèces augmente de façon plus importante que l’inflation, ce qui s’explique peut-être par une monétarisation croissante de l’économie rurale. Ainsi, à Saint-Gondran, les offrandes dans le tronc ne rapportent jamais plus de 4 livres par an dans les années 1610, mais de 12 à 16 livres dans les années 1670212. Presque partout, quel que soit le diocèse et quel que soit l’examinateur, le reliquat est à rendre généralement dans le mois qui suit l’examen du compte, « a quoy faire seront contraincts par toutes vois et rigeurs de justice mesme par corps et enprisonnement de leurs [252] COHAN, Françoise, Paroisse et ville (…), vol. 2, p. 68. Ibid., vol. 2, p. 107. 207 ADIV, 2 G 101/6, 9. 208 Ibid. Une troisième source de revenu, nettement moins importante, est constituée par les droits à acquitter pour obtenir une sépulture dans l’église. 209 ADIV, 2 G 118/2, 3. 210 ADIV, 2 G 127/7, 8. 211 [249] CABARET, Samuel, Portrait d’une communauté rurale (…), p. 36. 212 ADIV, 2 G 285/8, 9, 11, 12. 205 206 259 personnes » est-il précisé dans certains cas, comme à La Fontenelle en 1635213. Pourtant, comme au siècle précédent, le délai n’est que rarement respecté et les reliquats, nous l’avons vu, sont généralement rendus dans l’année qui suit la clôture du compte, mais cela n’est pas systématique. De plus en plus, des reliquats versés avec retard sont directement affectés à un poste de dépense sans être versé aux trésoriers en charge, et ils disparaissent ainsi des comptes de fabrique. Ainsi, à La Gouesnière, sur un solde positif de plus de 50 livres en 1642, 42 livres sont versées avec retard et la somme est affectée « aux plus urgentes necessités de lad. eglise »214. Dans la seconde moitié du siècle, des comptes parallèles, alimentés généralement par les reliquats, sont mis en place pour faire face aux dépenses importantes. C’est par exemple le cas à Chavagne où il est décidé, en 1652, de refaire le chœur215. Le seigneur y contribuera pour une part et les paroissiens pour l’autre, à hauteur de 1200 livres, somme qui sera prise sur celles « qui sont comme dict est a present deubz et qui le seront aussy cy apres », « sans pouvoir faire aucun egail ny taillee ». À Saint-Malon, un compte parallèle est tenu du 1er janvier au 31 décembre 1663 : la charge, constituée exclusivement par des reliquats, monte à 968 livres216. De 1677 à 1683, un nouveau compte parallèle est tenu, afin de procéder à d’importants travaux architecturaux et à un réaménagement de l’intérieur de l’église 217. Il est alimenté par les reliquats de la fabrique, une partie de la dîme du luminaire et les reliquats de la confrérie du Rosaire, et les recettes montent à plus de 4400 livres. Dans ces deux cas, la totalité des sommes est dépensée. À l’inverse, des dépenses civiles sont encore, à l’occcasion, intégrées aux comptes des fabrique, même si cela est plus rare qu’au XVIe siècle. À Gévezé, des frais liés aux fouages sont couverts grâce à l’argent de la fabrique dans les années 1630218. Dans les années 1640 des sommes sont levées pour y faire face, mais elles sont intégrées dans les recettes de la fabrique, et il n’y a donc guère de distinction entre les « deniers temporelz » et les autres. Ce type de situation est cependant devenu rare. À Acigné, en 1605, un compte spécial est consacré au fouage219. À Paramé, en 1615, alors que les trésoriers avaient dépensé trois livres à l’occasion d’une revue militaire, il est fait « deffanse a l’avenir de divertir le bien de 213 ADIV, 2 G 118/2. ADIV, 2 G 127/7. 215 ADIV, 2 G 79/4. 216 ADIV, 2 G 301/5. 217 Ibid. 218 ADIV, 2 G 125/6. 219 ADIV, 2 G 1/4. 214 260 l’Eglise »220. À Helléan, dans les années 1640, les frais liés à un procès sont « renvoyés vers le general des paroissiens »221. En 1670 le Parlement de Bretagne prend un arrêt interdisant aux trésoriers des fabriques d’employer « pour la recolte des fouages […] les deniers de l’Eglise » et souligne que les fonctions de trésorier et de collecteur de fouage ne doivent pas être remplies par la même personne. En 1671, un nouvel arrêt exige que les trésoriers rendent leur compte trois mois après leur sortie de charge, afin de limiter la période pendant laquelle les reliquats restent entre des mains privées et peuvent alors être utilisés à des fins autres que celles auxquelles ils sont destinés. Ceci est rappelé par des arrêts du 28 mai 1685, du 12 septembre 1690 et du 9 janvier 1691. Intervenant pour soutenir la conception ecclésiastique, le Parlement de Bretagne devient ainsi, dans les trente dernières années du XVIIe siècle, un acteur essentiel du contrôle de l’argent des fabriques. 2 ) Le contrôle des comptes des fabriques : entre hiérarchie ecclésiastique et autorités civiles Dès le début du XVIIe siècle, les autorités ecclésiastiques ont le souci de contrôler davantage les comptes des fabriques, et ce par le biais des recteurs. En janvier 1609, le promoteur de l’officialité de Dol, saisi par le recteur de Roz-sur-Couesnon dont les paroissiens refusent d’entreprendre d’importants travaux de réparation à l’église, demande au recteur d’avoir « un papier de marcque, ou sera inseré le jour et temps de chacune recepte et despance »222. Cela lui permettra, le jour de la reddition du compte, d’examiner celui-ci de façon à la fois efficace et stricte. Cette préoccupation n’est pas séparable de la Réforme catholique car il s’agit de contrôler les dépenses, par exemple pour que soient acquis des livres liturgiques « selon la reformation du concile de Trante ». Dans cette première décennie du XVIIe siècle, que ce soit à La Fontenelle, à Trébédan ou à La Fresnais, les comptes des fabriques du diocèse de Dol sont, de même qu’à la fin du XVIe siècle, examinés par un auditeur des comptes, ecclésiastique qui semble chargé du contrôle de toutes les paroisses du diocèse223. Cette fonction, contestée dans bon nombre de paroisses, semble disparaître dans les années 1630. À Plerguer, paroisse pour laquelle nous possédons un registre de comptes couvrant la période 1628-1665, les comptes sont examinés par le sénéchal de la châtellenie de 220 AMSM, Paramé GG 270. ADM, G 0914. 222 ADIV, 2 G 254/29. 223 ADIV, 2 G 121/6, 2 G 118/2. ADCA, 20 G 614. Cf supra, chapitre 3, p. 75. 221 261 Beaufort, sauf lorsque l’évêque intervient en personne pour les contrôler224. À La Fontenelle, c’est le juge de la sénéchaussée royale de Bazouges qui contrôle les comptes à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle225. Dans tous les cas, cela se fait en présence du recteur. À partir de la fin des années 1620 ou du début des années 1630, ce sont les recteurs qui, presque partout, sur commission de l’évêque ou du vicaire général, prennent le relais, ce tournant semblant être lié aux déplacements de l’évêque Hector d’Ouvrier dans les paroisses à cette époque. C’est le cas, ainsi, à Trébédan à partir de la fin des années 1620, à La Fontenelle à partir de 1635, à Roz-sur-Couesnon pour le registre de comptes qui commence en 1636 226. Ces commissions ne sont pas renouvelées chaque année, et sont valables jusqu’à révocation 227. À partir du milieu du siècle, ce sont même les recteurs qui, bien souvent, sont chargés de percevoir les reliquats versés avec retard, et non pas les trésoriers en charge 228. Quant aux seigneurs et procureurs fiscaux, ils peuvent assister à la reddition des comptes, mais « comme paroissiens et non aultrement », est-il précisé dans le registre des comptes de La Fontenelle en 1656229. L’évolution n’est que partiellement semblable dans le diocèse de Saint-Malo, comme le montre le graphique. Les commissaires chargés d’examiner les comptes des fabriques d’un archidiaconé disparaissent dans le premier quart du siècle, au profit, en fait, comme dans le diocèse de Dol, des autorités civiles, qu’elles soient royales ou seigneuriales. Cette situation dure jusque dans les années 1630 et, pour ne pas perdre complètement le contrôle des fabriques, les autorités ecclésiastiques doivent éventuellement se résoudre à délivrer une commission au seigneur du lieu ou au procureur fiscal de la juridiction seigneuriale. Les comptes, il est vrai, sont toujours rendus, et généralement examinés, en présence du recteur. Au synode de la Saint-Luc 1632, l’évêque Achille de Harlay, débutant son épiscopat, interdit aux trésoriers de présenter leurs comptes aux seigneurs ou à des procureurs fiscaux, et aux recteurs d’assister à ces examens230. Comme il est possible de le constater pour plusieurs paroisses, cette décision n’est pas immédiatement suivie d’effet, même si depuis les années 1620 des commissions sont délivrées aux recteurs qui, dans un certain nombre de paroisses, examinent les comptes, mettant fin dans plusieurs cas au contrôle exclusivement laïc. 224 ADIV, 2 G 229/1. ADIV, 2 G 118/2. 226 ADIV, 2 G 254/5. 227 ADIV, 2 G 118/2. 228 ADIV, 2 G 254/5, 2 G 118/2. 229 Ibid. 230 ADIV, 1 G 83. 225 262 263 Toutefois, le tournant se situe bien dans les années 1630. En effet, dans les années 1630, 1640, 1650 et 1660, les évêques, vicaires généraux et archidiacres effectuent de très nombreuses visites, notamment pour examiner les comptes des fabriques. C’est donc des années 1630 qu’il faut dater la reprise en main des fabriques par la hiérarchie ecclésiastique, reprise en main directe puisqu’elle ne passe pas par le clergé paroissial, et est ainsi probablement plus efficace que dans le diocèse de Dol. Il paraît bien en effet que les membres du clergé paroissial ne reçoivent de commission que lorsque les officiers de l’évêque ne peuvent pas se déplacer. Puis, progressivement, l’official prend la relève, ce qui est partout chose faite dans les années 1670. Cette politique reste en vigueur jusqu’au début du XVIIIe siècle, puis les membres du clergé paroissial, désormais formés au séminaire, sont, pour certains d’entre eux au moins, jugés suffisamment sûrs et compétents. Lors du synode tenu dans le diocèse en septembre 1708, il est décidé que l’évêque « nommera dans chaque synode un recteur qui examinera les comptes de cinq paroisses voisines qu’on luy marquera dans sa commission » et l’examen interviendra quinze jours après que les trésoriers en aient été avertis231. Dans le diocèse de Rennes comme dans les diocèses voisins, les juridictions civiles sont actives au début du XVIIe siècle, dans le prolongement d’ailleurs de la fin du siècle précédent. Ainsi, les comptes de la fabrique de Saint-Brice, dans le Coglès, sont examinés par le sénéchal de la baronnie de Saint-Brice sur commission du sénéchal de Fougères pour la période 1600-1611, puis en 1618 sur commission du sénéchal de Rennes232. Mais, rapidement, presque partout, les comptes sont examinés par les recteurs sur commission de l’évêque ou du vicaire général, et le restent. C’est le cas dès les toutes premières années du siècle à La Bosse, Sainte-Colombe ou Gévezé233. À Saint-Brice, c’est le cas à partir de 1612, l’année 1618 ne constituant qu’une parenthèse. Pour cette paroisse, le registre de comptes se termine en 1660 et, sur toute cette période, le baron de Saint-Brice assiste à la reddition des comptes, mais l’examen est effectué par le recteur. L’évêque, les vicaires généraux et les archidiacres n’interviennent que rarement de façon directe dans l’examen des comptes, et l’official de façon plus rare encore. La situation est donc tout à fait différente de celle du diocèse de Saint-Malo, et cette différence est en partie un héritage du XVIe siècle. Dans le diocèse de Rennes, l’on continue à privilégier, sur toute la période, les contrôles effectués par le clergé paroissial, choix qui est désormais également celui des évêques de Dol, tandis que 231 ADIV, 1 G 83. ADIV, 2 G 264/2. 233 ADIV, 2 G 31/1, 2 G 269/2, 2 G 125/5, 6. 232 264 dans le diocèse de Saint-Malo un choix a été fait en faveur du contrôle par les membres de la hiérarchie ecclésiastique. Cela renvoie à deux visions différentes du fonctionnement d’un diocèse. De façon apparemment paradoxale, le choix qui a été fait dans le diocèse de SaintMalo a, un temps, favorisé davantage que dans le diocèse de Rennes le contrôle des comptes par les juges des juridictions civiles, qui ont su profiter des absences des officiers de l’évêque et du manque d’expérience des recteurs en la matière. Dans le diocèse de Rennes, le contrôle civil des comptes ne s’effectue que dans certaines paroisses où le rapport de forces est nettement défavorable aux clercs. C’est le cas à Louvigné-de-Bais où, en 1663, les comptes sont examinés devant la juridiction de Saudecourt234. Sur le plan du droit, la situation est complexe. En 1630, le Parlement de Paris a jugé que l’examen des comptes de l’archidiaconé de Senlis relevait de l’archidiacre, ce qui fait évidemment jurisprudence. Mais en 1649 le Parlement de Bretagne considère que les « juges seculiers » sont « seuls fondez » à examiner les comptes des fabriques235, tandis que le Conseil privé prend la décision inverse en 1654236. La contradiction est évidente, et un conflit de juridiction surgit en 1676, quand les trésoriers de Saint-Méloir, dans le diocèse de SaintMalo, engagent devant le présidial des poursuites contre les trésoriers précédents qui n’ont pas rendu leurs reliquats237. Le présidial en profite pour se déclarer seul compétent en la matière et exiger que les comptes soient rendus devant les juges des juridictions séculières. Le promoteur de l’officialité de Saint-Malo fait appel devant le Parlement de Bretagne, qui soutient le présidial. L’évêque de Saint-Malo Sébastien du Guémadeuc porte alors l’affaire devant le Conseil d’État, qui déclare le présidial incompétent, en vertu d’une jurisprudence née d’arrêts du Parlement de Paris et du Conseil d’État. Il est rappelé que les comptes doivent être examinés par l’évêque ou ses officiers « comme estant revenus sacrez et d’un usage purement ecclesiastique »238. La situation est finalement tranchée, dans le même sens, par un édit royal en 1695. Les trésoriers des fabriques doivent présenter leurs comptes aux évêques, vicaires généraux ou archidiacres, qui les examineront. Si ceux-ci ne le font pas dans l’année qui suit la clôture du compte, alors les comptes seront examinés par le titulaire de la cure et présentés aux prélats ou à leurs officiers lors de la visite suivante239. De toute façon, nous venons de le voir, si la théorie est une chose, la pratique en est une autre, et l’intérêt de l’édit 234 ADIV, 2 G 166/42. [LXV] Les plus solennels arrests et reglemens (…), Livre Quatrième, p. 74. 236 [LXXVI] Recueil des edicts, declarations et arrests (…). 237 ADIV, 1 G 82. 238 Ibid. 239 [LXXIII] POTIER DE LA GERMONDAYE, Introduction au gouvernement des paroisses (…), p. 223-224. 235 265 de 1695 est d’interdire, de façon définitive, un type d’examen qui ne subsistait plus que dans de rares paroisses. En 1639, l’évêque de Saint-Malo Achille de Harlay se plaint auprès du Conseil privé du Roi à la fois du fait que les nouveaux trésoriers « refussent de contraindre les antiens » au versement de leur reliquat dans le temps imparti lors de l’examen des comptes – ce qu’exigeait déjà Guillaume Le Gouverneur dans ses statuts synodaux240 –, et du manque de sévérité des justices laïques en ce domaine241. Il reproche surtout à ces dernières de n’assister qu’insuffisamment les autorités ecclésiastiques dans le contrôle de l’argent des fabriques, et ce par esprit de rivalité. Le Conseil lui donne raison, mais l’on chercherait en vain dans les comptes la traduction immédiate de cette décision. Or, sans l’assistance des justices laïques, les clercs ne peuvent contraindre de façon efficace les trésoriers à rendre leurs reliquats. Le phénomène est aggravé dans le diocèse de Rennes par les retards dans la reddition des comptes. En 1676, dans presque toutes les paroisses du pays rennais que visite le vicaire général Gilles de Gain, les trésoriers dernièrement sortis de charge n’ont pas encore rendu leur compte242. À Broons, cas exceptionnel, ce sont les comptes des sept dernières années qui n’ont pas été examinés. Aussi le Parlement de Bretagne prend en 1690 un arrêt obligeant les trésoriers à rendre leur compte dans l’année suivant leur sortie de charge. Mais cela n’a qu’une influence indirecte sur la date à laquelle sont rendus les reliquats. En 1678, à Bazouges-sous-Hédé, plus de 500 livres sont dues par les anciens trésoriers, dont les comptes ont été examinés, et la fabrique a engagé un procès devant la sénéchaussée royale de Hédé afin de recouvrer la somme243. Du fait, à la fois, des évolutions dans le contrôle des comptes et du renforcement du prestige de l’ecclésiastique, le recteur est, dès le début du XVIIe siècle, un personnage qui joue un rôle renforcé dans la gestion de la paroisse et oriente davantage qu’au XVIe siècle les dépenses de la fabrique. En 1605, 400 livres sont confiées par la fabrique de Domalain au recteur Julien Marais « pour iceluy recteur aller a la Guibray », foire qui se tient près de Falaise, en Normandie, afin d’« acheter des ornemens pour servir a lad. eglise »244. À Coulon en Montfort, en 1606, 60 sous sont versés à celui qui a « au matin et a mydy sonné la cloche touz les jours durant leurd. an pour insitez le peuple a priez Dieu suyvant le commandement 240 [XXIX] LE GOUVERNEUR, Guillaume, Statuts synodaux, p. 146, 385. ADIV, 1 G 82. 242 ADIV, 1 G 3/3. 243 ADIV, 2 G 20/2. Cf annexe n° 50. 244 ADIV, 2 G 101/6. 241 266 [et] l’avertissement du recteur [de] ladicte eglize »245. À Chanteloup, en 1626, de façon certes exceptionnelle, « la sacristie, joincte a l’eglise [est] ouvrante dedans le presbytere, que ledit recteur a en garde »246. Dans la seconde moitié du siècle, des recteurs prennent l’initiative d’engager des dépenses, et se font ensuite rembourser par les fabriques. C’est par exemple le cas à Domalain en 1669 pour une somme de 30 livres, à Coulon en Montfort en 1654 puis 1680 pour 80 puis 25 livres247. La lettre envoyée en 1675 par le recteur de La Mézière au vicaire général de l’évêque de Rennes est révélatrice de cette évolution. « Disant qu’il auroit esté arresté par les deliberations et examens de comptes des 22e juin 1670, 3e 7bre 1673, 18e juin 1673, 23 Xbre 1674 et 8e 7bre 1675, que l’argent de la fabrique de La Meziere qui se monste a la somme de saize cents vingt et sept livres six sols onze deniers seroit employé aux necessités de l’eglise, et entr’autres a acheter une grande croix pour les processions », le recteur prend contact avec un orfèvre de Rennes et présente, lors du prône, le dessin d’une croix, qui plaît à « tous les assistans »248. Mais le prix de la croix monte à 800 livres, et les « deputez des paroissiens » refusent d’entrer en contact avec l’orfèvre. « Or, comme la charge de pasteur oblige […] a faire survenir aux necessités de [l’] eglise paroissiale », le recteur contacte le vicaire général, qui enjoint aux paroissiens « d’executer les deliberations », faute de quoi il est envisagé de porter l’affaire devant le présidial. Ceci dit, les comptes restent évidemment tenus par les trésoriers et les recteurs ne peuvent ni ne doivent « disposer a leur volonté des deniers apartenants aux fabriques de leurs eglises », comme le rappelle l’évêque de Dol Jean-Louis Debouschet dans ses statuts synodaux édités en 1741 249. Et si le recteur joue un rôle plus important dans la prise de décision, celle-ci reste d’abord le fait des paroissiens et notamment d’une partie d’entre eux, en l’occurrence un groupe qui se restreint à la fin du XVIIe siècle, dans un cadre de plus en plus réglementé. 3 ) Vers l’oligarchie de droit (fin du XVIIe siècle) À la fin du XVIIe siècle, le Parlement intervient à plusieurs reprises, par le biais d’arrêts, dans la gestion des paroisses et notamment des fabriques. Il entérine et oriente à la fois certaines évolutions, et surtout il les institutionnalise. Cela concerne moins la gestion de 245 ADIV, 2 G 92/6. ADIV, 2 G 57/1. 247 ADIV, 2 G 101/8, 2 G 92, 6 et 7. 248 ADIV, 2 G 182/13. 249 [XXVII] DEBOUSCHET, Jean-Louis, Statuts des ordonnances de monseigneur (…), p. 36. 246 267 la fabrique par les trésoriers que la prise de décisions, lors de délibérations, par ce qui est nommé depuis au moins le XVIe siècle le corps politique de la paroisse. Ainsi, un arrêt interdit en 1659 de « faire raporter les deliberations sur des feuilles volantes », décision reprise le 13 juillet 1680 puis le 11 mars 1689. Dans ce dernier arrêt, il est ordonné aux habitants de toutes les paroisses de la province de posséder « un livre […] chiffré et millesimé du juge royal des lieux, sur lequel les deliberations desdites paroisses seront inserees a l’issue des grandes messe »250. Dans la plupart des paroisses rurales, le premier registre de délibération commence à être tenu dans les années 1680, ainsi à Brielles en 1683, à Cesson en 1685, à La Chapelle-des-Fougeretz en 1686251. La création de la milice en 1688-1689 est l’occasion de délibérations et cela pousse les paroisses retardataires à tenir des registres252, alors que jusqu’ici les procès-verbaux des délibérations étaient consignés sur des feuilles volantes ou sur les registres de comptes. Les paroisses du diocèse de Dol présentent une antériorité en la matière : le registre de délibérations de La Fresnais commence en 1655, celui de La Boussac en 1661, celui du Mont-Dol en 1668253. Cette antériorité des paroisses du pays dolois est probablement à mettre en rapport avec la nécessité de l’entretien des marais, les habitants des paroisses de l’important marais de Dol étant en effet tenus d’entretenir les digues, les canaux et les chemins, et à peu près un cinquième des délibérations consignées à La Fresnais dans la seconde moitié du siècle traitent de ce sujet254. Ordonnant d’effectuer les délibérations à l’issue de la grand-messe, l’arrêt de 1689 va dans le sens des exigences de la hiérarchie ecclésiastique puisque le Rituel romain interdit aux prêtres de traiter d’affaires profanes lors du prône. Or, jusqu’au milieu du XVIIe siècle, les délibérations interviennent généralement au moment du prône, ce qui d’ailleurs ne représente pas nécessairement une intrusion du profane au milieu de la messe puisqu’une bonne partie des délibérations traitent de l’utilisation des deniers de la fabrique. Dans les années 1680 au plus tard, il apparaît que dans toutes les paroisses les délibérations ont désormais lieu à l’issue de la grand-messe, ce qui a des conséquences en terme de participation aux décisions puisque, si tous les chefs de famille assistent à la grand-messe et sont donc présents au prône, tous, en revanche, ne resteront peut-être pas à la fin de la messe. Et ce d’autant que l’arrêt du Parlement du 27 avril 1691 « ordonne qu’a l’avenir toutes les deliberations des paroisses de la [LXXIV] Recueil des arrests de reglement du Parlement (…), p. 6-8, 65-73, 135-138. ADIV, 2 G 44/1, 2 G 54/2, 2 G 62/8. 252 C’est par exemple le cas à Saint-Aubin-des-Landes (ADIV, 2 G 259/4). 253 ADIV, 2 G 121/1, 2 G 35/1, 2 G 191/1. 254 [262] HIRON, Chloé, Le catholicisme au Marais (…), p. 48. Mais c’est bien évidemment dans les paroisses urbaines que les premiers registres de délibération sont tenus, à partir de 1632 pour Notre-Dame de Vitré, de 1644 pour SaintLéonard de Fougères, de 1653 pour Saint-Sulpice de Fougères (ADIV, 2 G 378/1, 2 G 120/1, 2 G 120/201). 250 251 268 province se feront dans les sacristies », prenant prétexte de délibérations qui se tiendraient dans les cabarets255. En réalité, le dépouillement des archives paroissiales – le lieu où se tient une délibération étant toujours précisé dans les textes – permet d’établir qu’à cette date les assemblées qui se tiendraient dans les cabarets ne peuvent constituer qu’un nombre très faible de l’ensemble des délibérations, celles-ci se tenant presque toujours soit dans l’église, soit sous le porche, soit à l’entrée du cimetière. En revanche, la conséquence de cet arrêt est importante car une sacristie, vu son exiguïté, ne peut accueillir qu’un nombre restreint de paroissiens, et son utilisation par les assemblées devant prendre des décisions va de pair avec le renvoi de celles-ci à la fin de la messe. En fait, cet arrêt du Parlement ne fait qu’entériner une évolution déjà aboutie dans bien des paroisses. Ainsi, à Domalain, le 25 décembre 1665, les « paroissiens » s’assemblent dans la sacristie « a l’endroit de la post communion, suivant la forme et coustume de lad. paroisse »256. Les réunions ont donc déjà lieu, depuis un certain temps, dans la sacristie, et cette assemblée intervient « apres l’advertissemant leur en faict au prosne de grande messe le dimanche pendant et depuis a l’endroit de la grande messe led. jour de Noel ». Sont alors nommés « d’une commune voix » le procureur de la bourse des défunts, les prévôts des confréries et les trésoriers de la fabrique. Dans un certain nombre d’églises, la construction de la sacristie est même accompagnée de celle d’une salle de délibération, consacrée donc spécifiquement à cet usage. Elle est souvent placée à l’étage, au-dessus de la sacristie, comme à Billé, où elle est construite dès les années 1620, ou à Livré-sur-Changeon. Elle peut aussi être située au rez-de-chaussée et donner sur le chœur, tout en étant distincte de la sacristie, comme c’est le cas à Fleurigné, où elle est bâtie dans les années 1660257. La restriction du nombre des délibérants, qu’implique la tenue des assemblées dans la sacristie ou une salle de délibérations après la grand-messe, est justement un des principaux sujets abordés par les arrêts pris par le Parlement à propos des paroisses à la fin du XVIIe siècle, et il en est de même de la désignation des trésoriers de fabrique. Dans un arrêt du 12 mars 1685, le Parlement, saisi par un procureur fiscal du diocèse de Nantes, considère « que la nomination des fabriques et tresoriers des paroisses se fait universellement dans toute la province sur les suffrages et deliberations des recteurs, pretres, gentilshommes, officiers des lieux, et bourgeois »258. En 1669, le Parlement traitant de l’égail des fouages, signale que les [LXXIV] Recueil des arrests de reglement du Parlement (…), p. 145-149. ADIV, 2 G 101/8. Cf annexe n° 30. 257 Les salles de délibération des églises de Billé, Livré-sur-Changeon et Fleurigné ont été conservées. Sur la datation des travaux à Billé et Fleurigné, voir [382] BLOT, Roger, « Église Saint-Médard de Billé » et « Église Saint-Martin de Fleurigné ». La réalisation d’une salle de délibérations indépendante permet aussi de ne pas trop mêler le sacré et le profane. 258 [LXXIV] Recueil des arrests de reglement du Parlement (…), p. 91-94. 255 256 269 égailleurs doivent être choisis par « les paroissiens en corps politique », « par avis du recteur et pretres de la paroisse, des plus notables et meilleure partie des paroissiens et habitans d’icelle », expression qui n’est pas nouvelle puisque nous avons vu l’existence de la major et sanior pars au XVIe siècle259. En 1688, le Parlement déplore que ces délibérations qui constituent un préliminaire indispensable aux levées de deniers ne soient « le plus souvent faites que par un petit nombre de gens », les procès-verbaux notariés n’étant parfois signés que par deux ou trois délibérants260. En la matière, les membres du Parlement n’ignorent ni la coutume, qui consiste à limiter le nombre de signatures afin d’ « eviter a la multiplicité des seings », ni les capacités des paroissiens, la grande majorité d’entre eux ne sachant pas signer261, et il faut donc interpréter leur démarche à la fois comme une volonté de contrôler les dépenses faites dans les paroisses et comme un souhait de développer la culture écrite, qui facilite les contrôles, dans un monde où domine encore l’oral. Ceci dit, cet arrêt du 17 janvier 1688 est extrêmement important car pour la première fois il est précisé « que lorsqu’il est question d’examiner les interests d’une paroisse, l’assemblee des paroissiens soit au moins composee de douze qui ayent voix deliberative, lesquels doivent signer s’ils le scavent, ou bien faire signer a leurs requestes chacun en son particulier ». Et s’il n’est pas possible de trouver dans certaines paroisses douze personnes sachant signer, le Parlement en impute la responsabilité aux « personnes notables […] qui negligent de se trouver aux assemblees des paroisses, et en abandonnant le soin a des gens si peu experimentez qu’ils ne scavent meme pas ecrire », et l’on voit bien ainsi comment le développement de la raison classique et de la culture écrite joue en faveur d’une oligarchie. Ceci dit, toute la seconde moitié du XVIIe siècle est, indépendamment même des arrêts du Parlement, marquée par un lent mouvement de restriction du nombre des délibérants. À La Fresnais, 21 personnes assistent en moyenne aux réunions qui se tiennent de 1655 à 1663, dont un noyau dur de 12 à 15 personnes toujours présentes262. Dans la même paroisse, la moyenne des délibérants est inférieure à 20 pour la période 1664-1673, et est de 16 pour la période 1688-1700. Dans la paroisse urbaine SaintSulpice de Fougères, il arrive à plusieurs reprises, en 1675 et 1676, que des délibérations n’aient pas lieu faute de délibérants en nombre suffisant263. 259 Cf supra, chapitre 1. [LXXIV] Recueil des arrests de reglement du Parlement (…), p. 120-125. 261 Ces deux éléments sont explicitement déplorés dans l’arrêt en question (ibid.). 262 [262] HIRON, Chloé, Le catholicisme au Marais (…), p. 43-45. 263 En 1676 les trésoriers doivent rémunérer des notaires « pour estre venuz par quattre fois differantes raporter des proceix verbaux comme il ne se presentoit personne a l’assemblee de paroisse pour deliberer des affaires de conceqance » (ADIV, 2 G 120/254). 260 270 Mais ce nombre minimal de douze délibérants, élément souligné encore en 1691264, devient progressivement un nombre maximal. Le processus est abouti, sur le plan légal, dans les années 1710265, et c’est ce fonctionnement alors mis en place que présente en 1777 le juriste Potier de La Germondaye266. Désormais, « le gouvernement d’une paroisse est confié a un certain nombre de personnes qui representent le corps des habitans. Ces personnes sont le curé [recteur], les juges de la jurisdiction d’ou l’eglise releve, le procureur du roi ou fiscal, douze anciens tresoriers qui ont rendu et soldé leurs comptes, et les deux tresoriers en exercice »267. Ce corps, qui, par ses fonctions, prend la suite de l’assemblée générale des habitants, a pour nom le général. Dans la pratique, il apparaît que l’instauration de cette oligarchie de droit est à la fois un renforcement et une institutionnalisation d’une oligarchie de fait. Disposant de la liste complète des trésoriers de la paroisse Saint-Sauveur de Dinan pour la période 1596-1791, Françoise Cohan a pu la croiser avec le dépouillement des registres paroissiaux effectué par Paul Paris-Jallobert268. Sur les 235 trésoriers en charge au XVIIe siècle, 135, soit 65 %, appartiennent à une des 61 familles qu’elle a pu identifier grâce aux travaux de l’érudit, qui ne s’est intéressé qu’aux paroissiens présentant des signes de notabilité. Elle a notamment reconstitué cinq familles qui ont fourni des trésoriers à la paroisse. Ainsi, Macé Maingart est trésorier en 1612/1614, puis c’est le cas, plus tard, de son frère (1628/1630), de son fils (1650/1652), de son petit-fils (1658/1660), de son neveu (1678/1680), de ses arrières-petits-fils (tous deux en 1680/1682) et du fils de son neveu (1698/1700)269. De la même façon, la famille Ernault fournit 4 trésoriers de 1608 à 1686, la famille Martel 4 trésoriers également de 1610 à 1694, la famille Blondeau 7 trésoriers de 1636 à 1700270. L’appartenance à une famille ayant déjà joué un rôle dans la gestion de la paroisse semble donc constituer un élément important pour l’accession à cette responsabilité, et cela est vrai également pour les paroisses rurales. En effet, à Saint-Gondran, Vincent Fizot, trésorier en 1591, est le père de Laurent, trésorier en 1623, et le grand-père de Guillaume et de Macé, trésoriers respectivement en 1656 et 1660271. Vincent Fizot, le grand-père, épouse en Arrêt du 27 avril 1691 ([LXXIV] Recueil des arrests de reglement du Parlement (…), p. 145-149). En 1718 très exactement ([LXXIV] Recueil des arrests de reglement du Parlement (…), p. 327 sq.). 266 [LXXIII] POTIER DE LA GERMONDAYE, Introduction au gouvernement des paroisses (…) 267 Ibid. Trois clés permettent d’ouvrir le coffre de la fabrique : le recteur en détient une, un trésorier une seconde et le représentant du seigneur la troisième. 268 [252] COHAN, Françoise, Paroisse et ville (…), vol. 1, p. 43 sq., vol. 2, p. 20-49. 269 Ibid., vol. 2, p. 47. 270 Ibid., p. 48-49. 271 Tous ces développements qui concernent Saint-Gondran proviennent d’un croisement entre les archives privées de Gérard Sèvegrand et les comptes de fabrique conservés aux Archives départementales (ADIV, 2 G 285/2, 8 à 12). 264 265 271 secondes noces, vers 1600, Julienne Saubouays, à une époque où, en l’espace d’une quinzaine d’années, trois Saubouays sont trésoriers. Son fils, Laurent, épouse lui en secondes noces Bertheline Letrotoux, dont le père a été trésorier à la fin du XVIe siècle. Sa première femme, décédée en 1632, s’appelait Guillemette Lusault, et la famille Lusault fournit douze trésoriers à la paroisse de 1572 à 1661, dont le père de Guillemette en 1597. Ainsi, par exemple, Julien et Pierre Lusault, trésoriers en 1654 et 1659, sont les fils de Pierre, trésorier en 1619… et époux de Françoise Fizot, la sœur de Laurent. Sa seconde épouse décédant en 1639, Laurent Fizot épouse en troisièmes noces Julienne Rebillard, dont la famille fournit neuf trésoriers à la paroisse de 1583 à 1671. Quant à Pierre Lebreton, trésorier en 1658, il a, comme Laurent Fizot, épousé lui aussi une Lusault. Pour Saint-Sauveur de Dinan, Françoise Cohan a pu identifier la profession de 58 trésoriers sur les 205 en charge au XVIIe siècle, soit 28 %. Il s’agit toujours de membres de la petite ou de la moyenne bourgeoisie, qui savent signer272. La maîtrise de la lecture et de l’écriture est nettement moins répandue en milieu rural, mais, si l’on prend le cas de Domalain, sur les 48 trésoriers en charge de 1657 à 1672 et de 1677 à 1684, 25 signent d’une écriture parfaitement maîtrisée et 10 le font d’une écriture très peu ou médiocrement maîtrisée273. Par rapport au tout début du siècle, l’évolution est significative puisque 18 des 34 hommes qui ont été trésoriers de 1593 à 1609 ne savaient pas signer, et seuls 3 signaient d’une écriture parfaitement maîtrisée274. Cette évolution concerne également les délibérants. À La Fresnais, la moitié des 17 personnes assistant à presque toutes les délibérations ayant lieu de 1655 à 1659 savent signer275, proportion largement supérieure à la moyenne régionale. L’étude des titulatures fournit également des renseignements intéressants : à Domalain, dans la seconde moitié du siècle, l’immense majorité des trésoriers de la fabrique sont qualifiés d’ « honorable » ou « honnete ». Dans le domaine fiscal, les rôles de fouage peuvent nous fournir quelques informations sur les délibérants, ainsi pour La Fresnais en 1665, 1672 et 1691276. Si l’on répartit les contribuables en fonction du montant de leur versement, il apparaît d’une part que les délibérants appartiennent à toutes les catégories, mais proportionnellement plus à celles qui sont les plus imposées. D’autre part, il y a sur un quart de siècle une nette baisse de la participation aux délibérations de la part de ceux qui versent les sommes les plus modestes. [252] COHAN, Françoise, Paroisse et ville (…), p. 47-49. ADIV, 2 G 101/8, 9. 274 ADIV, 2 G 101/6. 275 [262] HIRON, Chloé, Le catholicisme au Marais (…), p. 46. 276 Ibid., vol. 2, annexe n° 10. 272 273 272 La capitation, créée en 1695 pour financer la guerre de la Ligue d’Augsbourg, nous fournit des renseignements plus intéressants que ceux provenant des fouages, car elle est quasi-universelle (seuls y échappent les plus pauvres) alors que de nombreux affranchissements de fouage interviennent au XVIIe siècle, comme l’a montré James B. Collins pour des paroisses bretonnes277. De plus, l’assiette de cet impôt tient compte de l’ensemble de la fortune personnelle alors que la base des fouages reste essentiellement foncière278. Malheureusement, peu de registres de capitation ont été conservés pour l’extrême fin du et les quinze premières années du XVIIIe XVIIe siècle, moins encore pour des paroisses ayant également conservé leurs comptes de fabrique et/ou leurs registres de délibération. Une seule paroisse présente ce cas pour 1701, date à laquelle est rétablie la capitation après sa suppression en 1698. Il s’agit de Louvigné-de-Bais, étudiée par Yann Lagadec279. Il a identifié 21 personnes ayant assisté à au moins une délibération de 1698 à 1701 : la moyenne de leurs cotes d’imposition s’élève à 7 livres 12 sous, alors que la moyenne pour l’ensemble de la paroisse est de 3 livres 16 sous. Ainsi – ce n’est pas une surprise – les membres du général sont globalement nettement plus aisés que la moyenne des paroissiens. Ceci dit, alors que la médiane est de 3 livres, plusieurs délibérants sont imposés à 3 ou 4 livres, tandis qu’aucun ne l’est à moins de 3 livres. Les délibérants se recrutent donc parmi les plus aisés mais aussi dans le groupe médian, tandis qu’aucun ne provient des milieux modestes ou pauvres 280. Pour Dinan, les registres de capitation antérieurs à 1737 n’ont pas été conservés. L’étude pour la période 1739-1791 montre que plus de 85 % des trésoriers sont imposés entre 6 et 40 livres, c’est-à-dire qu’ils se situent dans les catégories intermédiaires, qui rassemblent à peine plus de 30 % des capités à Dinan, environ 60 % des capités payant moins de 5 livres281. Si, à la suite de Jean Meyer, l’on situe à 20 livres de capitation la limite entre petite et moyenne bourgeoisie et à 50 livres celle entre moyenne et grande bourgeoisie282, nous trouvons la [125] COLLINS, James B., Classes, Estates and Order (…), p. 241 sur Gévezé par exemple. James B. Collins signale en outre que deux des plus riches familles roturières de cette paroisse ont obtenu des affranchissements (ibid.). 278 Ce dossier a été repris par [292] LAGADEC, Yann, Pouvoir et politique en Haute-Bretagne rurale (…), vol. 2, p. 326 sq.Voir aussi [82] La véritable hiérarchie de l’ancienne France (…). 279 [292] LAGADEC, Yann, Pouvoir et politique en Haute-Bretagne rurale (…), vol. 2, p. 328-329. 280 Répétant le calcul pour la période 1767-1769, Yann Lagadec obtient le même résultat, avec un léger déplacement vers le haut : la cote moyenne des délibérants est alors de 9 livres 17 sous alors que la cote moyenne pour la paroisse est de 4 livres (ibid.). 281 [252] COHAN, Françoise, Paroisse et ville (…), p. 49-51. 282 [97] Histoire de Rennes, p. 272. Philippe Jarnoux, reprenant le dossier, a rappelé que la considération professionnelle est un autre critère permettant de caractériser la bourgeoisie, mais sans remettre en cause la pertinence de l’approche de Jean Meyer, la petite bourgeoisie étant composée de ceux qui paient « entre 15 et 20 livres de capitation, sans exercer une profession manifestement bourgeoise et quelques marchands et artisans qui dépassent occasionnellement 20 livres d’imposition » ([131] JARNOUX, Philippe, Les bourgeois et la Terre (…), p. 15-25). 277 273 confirmation de l’appartenance des trésoriers dinannais à la petite et à la moyenne bourgeoisie283. Cette appartenance sociale paraît logique dans la mesure où les trésoriers doivent être solvables : ils sont en effet responsables sur leurs biens et sur leur personne d’une mauvaise gestion. De plus, cette responsabilité exige d’y consacrer du temps, nécessite des déplacements à la ville pour acheter les ornements et rencontrer les artisans, suscite des faux frais. Même s’il n’est pas impossible que des trésoriers prêtent une partie du reliquat à crédit afin de se rembourser, ce qui expliquerait certains retards, la charge n’apparaît pas rémunératrice284. Ceci dit, l’appartenance à une famille anciennement implantée dans la paroisse et associée depuis déjà longtemps à la gestion de celle-ci apparaît comme un élément tout aussi essentiel, comme l’a déjà constaté Christian Kermoal pour le Trégor du XVIIIe siècle285. Quant au coût induit par la charge de trésorier, cela n’empêche pas celle-ci d’être un honneur, les trésoriers ayant dans l’église leur banc, leur sépulture parfois, voire leur nom lorsqu’ils entreprennent ou supervisent des travaux. Bien entendu, l’importance de la charge et de l’honneur varie en fonction de l’importance des sommes manipulées, et donc des paroisses. Les études menées sur des paroisses au XVIIIe siècle montrent que le renforcement du caractère oligarchique lié à l’instauration du général semble avoir parfaitement fonctionné puisque, d’une part ce sont visiblement les membres du général qui choisissent les trésoriers, et d’autre part les généraux ne renouvellent qu’assez peu leurs membres 286. Tous les trésoriers de fabrique ne deviennent donc pas délibérants, du moins immédiatement après leur sortie de charge. Yann Lagadec a montré, pour la paroisse de Louvigné-de-Bais à la fin du XVIIe siècle, que seul celui qui est nommé « premier tresorier » devient ultérieurement délibérant, à la différence du « second tresorier » qui gère des sommes moins importantes, le compte de chaque année étant en réalité divisé en deux comptes287. La charge de « premier tresorier » prend place dans une sorte de cursus honorum qui intègre aussi les fonctions de prévôt des L’étude pour une autre paroisse urbaine, celle de Saint-Sulpice de Fougères, au XVIIIe siècle, aboutit à des résultats semblables ([264] MONTEMBAULT, Isabelle, La paroisse Saint-Sulpice aux XVIIe et XVIIIe siècles (…), p. 32-35). 284 Au contraire très certainement, ce qui explique qu’occasionnellement des hommes nommés trésoriers refusent d’entrer en charge, ainsi à Sainte-Colombe en 1623 (ADIV, 2 G 269/2) et à La Gouesnière en 1638 (ADIV, 2 G 127/7), et ils y sont alors contraints par les paroissiens qui recourent à la justice, comme c’est le cas à Domagné en 1682 (ADIV, 2 G 100/1). 285 [291] KERMOAL, Christian, Les notables du Trégor (…). 286 Voir ainsi, pour Saint-Sauveur de Dinan, [252] COHAN, Françoise, Paroisse et ville (…), vol. 1, p. 21-24, 40, 42-43. 287 LAGADEC, Yann, « Argent des villages et pouvoir en Haute-Bretagne aux XVIIe et XVIIIe siècles », [298] L’Argent des villages (…), p. 327-352. L’existence de cette hiérarchie, qui n’existait pas au XVIe siècle, explique qu’à Piré en 1685, François Piard, vexé de n’avoir été nommé que « second » et non pas « premier » trésorier, refuse de prêter serment ([249] CABARET, Samuel, Portrait d’une communauté rurale au XVIIe siècle (…), p. 36). 283 274 confréries, d’égailleur du fouage et de collecteur de la capitation. Ce n’est qu’à l’issue de ce cursus que l’ancien trésorier intègre le général et devient donc délibérant 288. Cette nécessaire gestion à la fois des comptes de la fabrique et de l’argent lié aux dépenses civiles paraît logique dans la mesure où, le général prenant la suite de l’assemblée générale des paroissiens, le sujet des délibérations peut concerner aussi bien les affaires de la fabrique que les dépenses civiles de la communauté. Conclusion du chapitre Les prélats qui accèdent aux sièges épiscopaux de Rennes, de Dol et de Saint-Malo dans les toutes premières années du XVIIe siècle se révèlent nettement plus conformes au modèle tridentin que leurs prédécesseurs. Le premier tiers du siècle est l’époque des évêques réformateurs, et c’est un Malouin de souche, Guillaume Le Gouverneur, qui est la figure de proue de ce groupe. La liturgie romaine est introduite dans le diocèse de Saint-Malo dans les années 1610 et sa diffusion est accélérée dans celui de Rennes, où elle avait déjà été entreprise par Aymar Hennequin. Les impulsions épiscopales en faveur de la mise en œuvre de la Réforme catholique sont particulièrement fortes dans le diocèse de Saint-Malo pendant la première moitié du XVIIe siècle. La publication de statuts synodaux nettement tridentins, le renouveau des assemblées synodales, la multiplication des visites pastorales et l’entreprise visant à rétablir le contrôle ecclésiastique des comptes de fabrique en sont des instruments efficaces, notamment parce qu’ils visent à la fois à une redéfinition des normes et à leur application effective. Si l’élan paraît un temps retomber dans les années 1630, Achille de Harlay joue alors un rôle non négligeable en choisissant un lieu central (et donc stratégique) pour le déroulement des synodes et en parvenant à rétablir l’examen des comptes de fabrique par un membre de la hiérarchie ecclésiastique, généralement le vicaire général ou l’archidiacre. Les années 1630 marquent le retour des évêques « politiques » à la tête des diocèses de Rennes et de Dol, et les visites pastorales se raréfient dans le diocèse de Dol. Qui plus est, les vicaires généraux et les archidiacres, si actifs dans le diocèse de Saint-Malo, fréquentent peu les paroisses du diocèse de Rennes, où le contrôle des comptes de fabrique est réalisé par les Des cursus semblables peuvent être mis en évidence pour d’autres paroisses rurales ([250] CAPITAINE, Delphine, La vie paroissiale à Chavagne (…), annexe n° 12, pour Chavagne). À Domalain, François Boishus est procureur de la bourse des défunts en 1665 et trésorier de la fabrique en 1669 ; de même Julien Boishus, qui lui est sans doute apparenté, est procureur de la bourse des défunts en 1677 et trésorier de la fabrique en 1679, et bien d’autres exemples identiques peuvent être relevés pour cette paroisse (ADIV, 2 G 101/9). 288 275 recteurs sur commission de la hiérarchie ecclésiastique, et ce choix est aussi, désormais, celui qui prévaut dans le diocèse de Dol. Ceci dit, des évêques savent se montrer consciencieux et donc d’une certaine manière réformateurs, dans le dernier quart du siècle plus particulièrement. Dans le diocèse de Rennes, un vicaire général profite en 1676 d’une vacance épiscopale pour effectuer une visite pastorale, donnant lieu à procès-verbal, dans une vingtaine de paroisses, et deux ans plus tard le nouvel évêque envoie des mandements à certains recteurs afin d’obtenir une vue d’ensemble de la vie paroissiale. La réforme du clergé paroissial constitue à la fois une fin et un moyen de la mise en œuvre de la Réforme catholique. La normalisation du clergé, progressive mais réelle, se déploie sur l’ensemble du siècle et entraîne une modification significative du statut du prêtre. En effet, ce n’est plus le prêtre bénéficier et homme du sacré qui incarne l’idéal clérical, c’est le prêtre chargé d’âmes, certes homme du sacré mais aussi bon pasteur et modèle de vie chrétienne. Cette politique de normalisation est engagée dès les années 1610, dans le diocèse de Saint-Malo notamment, et commence réellement à porter ses fruits au milieu du siècle, l’objectif paraissant effectivement atteint vers 1675289. L’entreprise visant à extraire les clercs de la sociabilité laïque, et plus largement la volonté de distinction, provoquent à la fois une forte baisse du nombre des prêtres, la carrière ecclésiastique imposant désormais de lourds sacrifices, et un accès des recteurs à une réelle notabilité. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, le bon prêtre est un homme de savoir, un homme de pouvoir, qui fait inscrire sa dignité dans la pierre, et un intermédiaire culturel. L’entreprise aboutit avec l’établissement des séminaires, qui ouvrent en 1645 dans le diocèse de Saint-Malo, en 1672 dans celui de Rennes et en 1698 seulement dans celui de Dol, et que complète la création de « petits séminaires » en 1684 à Rennes, en 1707 près de Saint-Malo et en 1727 à Dol. Les revenus des fabriques augmentent nettement pendant toute la première moitié du siècle, même si leur montant varie fortement suivant les caractéristiques des paroisses, et l’« âge d’or » des paroisses haut-bretonnes est à son apogée au milieu du siècle. Les revenus commencent généralement à baisser vers 1660-1670, mais les reliquats accumulés permettent à l’« âge d’or » (celui cette fois des sommes disponibles et des dépenses engagées, et non plus des recettes annuelles) de jeter ses feux jusque vers 1690, au moment où l’épuisement des reliquats conjugué à la forte baisse des recettes provoque une chute brutale des ressources. Notons que l’entreprise qui consiste à choisir quelques contre-exemples pour étayer l’hypothèse contraire n’est absolument pas convaincante. Il est toujours possible de trouver des contre-exemples, quel que soit le sujet et quelle que soit la période considérée. Ainsi, l’on pourrait tout aussi bien trouver quelques « mauvais » prêtres au début du XXIe siècle… ce qui signifierait… qu’il existe des contre-exemples. Peut-on imaginer qu’il en soit autrement ? 289 276 Les ecclésiastiques reprennent aux autorités civiles le contrôle des comptes de fabrique dans les années 1610 pour le diocèse de Rennes, dans les années 1630 pour les diocèses de Dol et de Saint-Malo, et le recteur joue dès le début du siècle, en fonction d’une chronologie variable selon les paroisses, un rôle renforcé dans la gestion de la fabrique. Ses prétentions se renforcent dans la seconde moitié du siècle, des recteurs n’hésitant pas à prendre l’initiative de certaines dépenses, ce qui revient de fait à court-circuiter l’action des trésoriers et le fonctionnement de cette démocratie inégalitaire qui s’est mise en place aux XVe et XVIe siècles. Mais tout est affaire de rapports de force, de négociations et de diplomatie, car certains recteurs, par leurs prétentions, entrent en conflit avec leurs paroissiens, qui en fait conservent la gestion de la fabrique. Ou plus exactement, certains paroissiens la conservent. À la fin du XVIIe siècle en effet, l’intrusion du Parlement de Bretagne dans la gestion des paroisses, afin notamment de fixer le nombre des délibérants, la modification du mode des délibérations, la tenue des assemblées dans la sacristie ou une salle spécifique, non plus pendant le prône mais après la messe, entraînent une évolution de la gestion des paroisses. Il y a une véritable institutionnalisation de la major et sanior pars, qui s’accompagne logiquement d’une restriction de la participation aux décisions. Ce processus de mise en place d’un gouvernement de type oligarchique aboutit dans les années 1710.