MENTALISATION EFFICIENTE DU TRAUMA
Nicolas Berthelot et al.
Office de la Naissance et de l'Enfance | Carnet de notes sur les maltraitances infantiles
2013/2 - N° 3
pages 6 à 20
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Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Berthelot Nicolas et al., « Mentalisation efficiente du trauma »,
Carnet de notes sur les maltraitances infantiles, 2013/2 N° 3, p. 6-20.
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ISSN
Article
MENTALISATION EFFICIENTE DU TRAUMA
Cet article est la deuxième partie d’un travail en deux volets s’intéressant à la mentalisation chez les victimes de maltraitance durant
l’enfance. Alors que le volet précédent s’intéressait spécifiquement
aux échecs de mentalisation dans le discours, le présent article se
concentre sur les indices suggérant une capacité de mentalisation
préservée à l’égard des expériences traumatiques. Développer une
capacité de réflexion complexe et efficiente à l’égard de ses propres
expériences de maltraitance et des états mentaux associés est un
défi de taille. Certains individus accomplissent ce fait d’arme développemental, ce qu’illustrent les exemples cliniques suivants. Il
est essentiel pour les intervenants en maltraitance d’identifier ces
indices positifs, et de favoriser leur essor, puisqu’une mentalisation
efficiente est conceptuellement associée à la résilience suite au
trauma et augmente les chances de bénéficier des interventions
cliniques.
Mots-clés : mentalisation; fonctionnement réflectif; trauma; abus; résilience.
Keywords : mentalisation; reflective function; trauma, abuse, resilience.
MENTALISATION ET RESILIENCE
La mentalisation réfère à l’activité mentale permettant aux individus de
saisir le sens de leurs actions et de celles des autres en se référant aux
états mentaux régissant les comportements, tels que les croyances, les
intentions, les sentiments, les désirs et les pensées (Fonagy et al., 2002;
Holmes, 2006). Il s’agirait entre autres d’une capacité intrinsèque à la régulation des affects et des comportements (Bouchard et al., 2008; Fonagy
& Bateman, 2008; Fonagy & Target, 1997, Fonagy, et al., 2002).) Alors que
nous avons précédemment illustré que la maltraitance durant l’enfance
interfère avec le développement de la mentalisation (Berthelot et al., 2013),
il semble à la fois qu’une capacité de mentalisation préservée soit un
facteur de protection important dans un contexte de maltraitance. Il est à
cet effet suggéré que la mentalisation soit conceptuellement associée à la
résilience suite à l’exposition à des stresseurs interpersonnels de l’ordre
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Nicolas Berthelot, Ph.D., Psychologue, Professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières
Karin Ensink, Ph.D., Psychologue, Professeur à l’Université Laval
Lina Normandin, Ph.D., Psychologue, Professeur à l’Université Laval
Exemples de réflexion rudimentaire
Les exemples suivants reflètent un degré de réflexion rudimentaire, en ce
sens que les participants démontrent une certaine considération des états
mentaux en lien avec leurs expériences de maltraitance durant l’enfance.
Toutefois, ces passages demeurent élémentaires et sont le produit d’une
activité mentale réflective peu complexe et de surface à l’égard de l’impact
de la maltraitance sur les états mentaux.
1. Identification d’états mentaux dans un contexte de maltraitance
Exemple A
« Tu sais, quand il prenait sa ceinture puis qu’il la pliait en deux, puis
qu’il faisait du bruit pour nous faire peur - mais il ne nous a jamais
frappé avec la ceinture - tout de même, ça faisait vraiment peur, surtout
quand il disait : « Vous voulez une raison pour pleurer ? » Puis là, il se
mettait à prendre sa ceinture puis…. Ah! On pleurait plus encore. Ça
nous faisait peur. Il était sévère. »
1 Pour plus de détails sur l’instrument, les participants, la méthodologie et les résultats
des études, le lecteur est invité à contacter les auteurs..
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LA MENTALISATION EFFICIENTE DU TRAUMA : .
ILLUSTRATIONS CLINIQUES
Les illustrations suivantes découlent du travail d’élaboration d’une grille
de cotation du fonctionnement réflectif spécifique au trauma à partir d’entrevues d’attachement adulte (AAI : George et al., 1985) dans le cadre d’une
étude portant sur 100 mères victimes de maltraitance durant l’enfance 1.
Dans la grille de cotation, chaque type de mentalisation est associé à un
score entre -1 et 9 reflétant le degré de sophistication de la mentalisation.
Des scores de -1 reflètent une attaque au processus de mentalisation
alors que des scores de 9 indiquent une mentalisation très sophistiquée.
Les exemples suivants sont répartis en deux groupes : les exemples d’une
réflexion rudimentaire (scores de 3 ou 4 à l’échelle) et les exemples d’une
réflexion efficiente (score d’au moins 5 à l’échelle). Les exemples de mentalisation dans ces catégories n’ont cependant pas d’ordre hiérarchique.
Article : MENTALISATION EFFICIENTE DU TRAUMA
d’adversité familiale durant l’enfance (Fonagy et al., 1994). Une capacité
efficace à réfléchir en termes d’états mentaux permettrait notamment
de réduire la pression à recourir à des comportements défensifs et favoriserait un sens cohérent d’identité (Fonagy et al., 1994). Il s’agit donc
d’une aptitude cruciale dans le contexte désorganisant que représente la
maltraitance durant l’enfance (Cicchetti, 1990). Le présent article vise à
outiller les cliniciens à reconnaître les indices d’une mentalisation efficiente
à l’égard des expériences traumatiques.
7
2. Prise de perspective par rapport aux comportements .
de maltraitance
Exemple B
« Tu sais, je me questionnais beaucoup à savoir pourquoi ça m’était
arrivé à moi. Pourquoi il m’avait fait ça. J’étais convaincue que j’avais
fait quelque chose de mal pour mériter ça. Avec le temps, j’ai compris
que ça n’avait rien à voir avec moi ou avec ce que j’avais bien pu faire.
Que le problème, ce n’est pas moi, c’est lui. »
La mentalisation implique une curiosité par rapport aux états mentaux
soutenant les comportements. Cette attitude permet notamment de rendre
les comportements signifiants et prévisibles. Dans cette optique, les victimes de traumas au cours de l’enfance tendent typiquement à mentaliser
les sévices vécus en cherchant à identifier rétrospectivement les causes
de ceux-ci. Ce questionnement est effectué dans une tentative désespérée
de retrouver un certain sentiment de contrôle sur les gestes incompréhensibles, inattendus et imprévisibles dont elles furent victimes (Terr, 1991).
Les victimes de traumas qui parviennent à trouver une explication leur
permettant de donner du sens à l’événement tendent toutefois à se sentir
terriblement coupables (Terr, 1991), s’attribuant à tort des états mentaux
de l’agresseur. L’exemple B illustre bien comment une jeune femme victime d’agression sexuelle parvient, dans un effort réflectif, à prendre une
nouvelle distance par rapport aux causes de l’agression.
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La mentalisation implique de chercher à identifier avec discernement des
états mentaux à la source des comportements (Fonagy et al., 1998). L’intérêt
et la capacité à identifier ses propres états mentaux est donc une étape de
base du processus réflectif. Dans un contexte peu chargé émotivement,
le simple fait de mentionner ses sentiments par rapport à une situation
donnée relève d’une activité réflective ordinaire, voire peu signifiante. Il en
est tout autre dans des contextes aussi chargés affectivement que l’exposition à des traumatismes interpersonnels. Dans ces situations où la charge
émotive est tellement grande qu’elle s’avère menaçante pour l’équilibre de
l’individu, le recours à des mécanismes de défense qui viennent modifier
l’expérience interne est fréquent. Plusieurs victimes de maltraitance en
viennent ainsi à dénier la maltraitance ou ses impacts (voir Berthelot et al.,
2013). Le fait d’être en mesure d’identifier et de nommer avec authenticité
les sentiments vécus dans un contexte de maltraitance s’avère ainsi un
indice d’une mentalisation efficiente, quoique rudimentaire.
3. Reconnaissance de l’influence de la maltraitance .
sur les états mentaux
4. Reconnaissance du caractère inapproprié du recours .
à des stratégies défensives
Exemple D
En parlant de son vécu de maltraitance « […] je ris, mais ce n’est pas
drôle. »
Dans l’exemple D, alors qu’elle discute son vécu de maltraitance durant
l’enfance, la participante identifie de façon spontanée que son affect ne
correspond pas à sa charge émotive ainsi qu’à la gravité de ses propos.
Toutefois, elle ne va pas plus loin dans sa réflexion à ce sujet. Cette prise
de conscience spontanée du caractère étonnant de sa réaction en abordant
le thème de la maltraitance constitue une amorce réflective.
5. Admission du recours à des stratégies défensives
Exemple E
« Oui mon père était violent oui. Ça m’a pris bien du temps à même
vouloir le voir parce qu’on n’aime pas ça dire que – la violence tu sais
– d’admettre qu’un de nos parents est violent, on n’aime pas ça. Mon
père était très violent. »
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Dans l’exemple précédent, le sujet décrit brièvement de nombreux symptômes psychologiques fréquemment rapportés chez les victimes d’agression sexuelle. En identifiant que sa peur, son hypervigilance, ses cauchemars et son inconfort face à l’intimité sexuelle prenaient naissance dans
une série d’événements passés qui ont laissé des séquelles psychiques
importantes, le sujet laisse entendre qu’elle comprend bien qu’il s’agit
là d’états mentaux et fait ainsi preuve d’un degré de mentalisation rudimentaire.
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Exemple C
« Ça (abus sexuel) m’a affecté beaucoup avant, j’ai eu beaucoup de
cauchemars, je pensais souvent que, pas que lui allait revenir, mais
que quelqu’un allait venir me le refaire, que quelqu’un allait venir me
faire du mal. Aussi, quand j’avais des relations, j’étais portée à ne pas
être à l’aise, c’était différent […] mais avec le temps, ça a changé, puis
les cauchemars la même chose. Avant j’avais beaucoup peur dehors le
soir, la noirceur, maintenant, je suis correcte, je peux être toute seule
dans la maison jusqu’à une certaine heure. »
9
Alors que la participante de l’exemple D observe qu’elle a une curieuse
réaction en parlant du trauma et interrompt instantanément sa réflexion,
les sujets des exemples E et F poussent cette amorce réflective un peu
plus loin. En se laissant immerger par leurs souvenirs tout en maintenant
une position d’observatrice par rapport à leurs réactions, ces participantes
parviennent à élaborer sur des défenses complexes telles que le déni
(exemple E) et la dissociation (exemple F) en attribuant un sens à ces
mécanismes psychologiques. Ces défenses sont parfois effrayantes pour
les personnes traumatisées, celles-ci craignant d’être « folles ». Il est
ainsi important pour les cliniciens qu’ils aident les victimes à donner du
sens à leur expérience, notamment en les informant sur la normalité de
ces réactions compte tenu de l’anormalité de la situation.
Exemples de réflexion complexe
Les exemples suivants sont le reflet d’une mentalisation plus élaborée. Ici,
les participantes font état d’un processus réflectif qui reflète une bonne
connaissance de la nature des états mentaux ainsi qu’un effort explicite à
élaborer les états mentaux soutenant les comportements.
6. Contribution au contexte de maltraitance
Exemple G
« […] je cassais tout le temps de quoi dans la semaine. Je pense que je
faisais exprès pour attirer son attention. Maintenant je crois ça. »
Le fait de reconnaître des processus interactionnels complexes dans la relation parent-enfant relève d’une activité réflective évoluée, surtout lorsque
l’interaction en question était traumatique. Dans l’exemple G, la participante
revisite, avec son regard d’adulte, la relation empreinte de négligence et
de violence qu’elle entretenait avec son père au cours de l’enfance. Elle
parvient ainsi à identifier une motivation relationnelle inconsciente (attirer
l’attention d’un père distant) à un comportement particulier. Ce faisant,
elle identifie implicitement qu’elle pouvait provoquer son père, et ainsi
entretenir une relation de violence psychologique et physique, puisque cela
était plus tolérable que l’absence de relation, sans jamais laisser entendre
qu’elle méritait un tel traitement comme enfant.
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10
Exemple F
« Je ne me souviens même pas de ma première année. J’ai comme
des trous dans ma tête. Je me souviens qu’à l’âge de huit ans, quand
j’allais à la petite école à Ville 1, je marchais dans la rue, puis on aurait
dit que je n’étais pas là. Je ne peux pas vous expliquer. Je n’étais pas
là. Je marchais dans la rue et je n’étais pas bien. Je n’étais pas une fille
joyeuse – je n’ai pas vécu dans la grosse misère là sauf que je n’étais
pas bien en dedans de moi. C’est dur pour moi de vous expliquer ça. »
7. Réflexion complexe de l’impact de la maltraitance .
sur le développement
Il est à noter que dans plusieurs des extraits de cet article, les participants
font référence au temps et aux changements de perceptions associés à la
transition vers l’âge adulte. Cette référence au temps n’est pas anodine.
En effet, les enfants victimes de maltraitance se retrouvent plus souvent
qu’autrement dans un compromis irréconciliable où ils se voient menacés
par les individus mêmes de qui ils dépendent. Ces situations complexes
pressent alors pour le recours à des mécanismes de défense qui permet
à ces enfants de maintenir une représentation parentale positive, au vu
de leur état de dépendance, malgré la présence de mauvais traitements.
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Le fait de prendre une perspective développementale et d’observer comment les états mentaux changent avec les années relève d’une activité
réflective. D’un autre côté, certains facteurs influencent le développement
personnel de façon telle que le simple passage du temps ne parvient pas
à effacer leurs impacts. Dans l’exemple H, la participante fait preuve de
réflexion complexe en identifiant comment l’échec de son entourage significatif à considérer ses besoins d’enfant a eu des impacts majeurs sur
sa façon de se percevoir et de percevoir les autres; comment le passage
du temps et l’expérience de nouvelles relations plus satisfaisantes ont
modifié ses perceptions; et comment, malgré ces nouvelles expériences
et réflexions, ses expériences d’enfant l’affectent encore aujourd’hui.
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Exemple H
« Ils (deux abus sexuels) m’ont affectée longtemps. Juste pour te dire
entre autres, je suis allée en thérapie, j’avais 16, 17 ans, j’ai eu très peur
des hommes. Puis je n’avais vraiment pas confiance en les adultes. Moi
les adultes m’avaient bien déçue… bien déçue. Ma mère, qui était devenue alcoolique qui me décevait sans bon sens, je n’étais vraiment pas
fière d’elle. Mon père m’avait déçue, qui avait abusé de ma confiance, il
n’avait pas le droit de me faire ça tu sais, moi je l’aimais mon père, puis
j’avais vraiment pas d’idées derrière la tête. Le monsieur qui avait abusé
de ma confiance à 5 ans, qui m’avait raconté des affaires, je pensais que
c’était mon ami puis finalement regarde ce qu’il m’a fait. Donc je n’avais
comme pas confiance en les adultes, surtout pas les jeunes. Puis j’avais
fait une thérapie de 9 mois à ce moment-là, en sortant du secondaire.
J’avais craqué là, mes parents ils ne le savaient même pas que j’allais
en thérapie. […] c’est parce que j’avais besoin d’aide là […]. Aujourd’hui
ça va beaucoup mieux, tu sais j’ai réglé bien des affaires dans ma tête
puis j’ai pardonné ces choses. Je n’oublie pas par contre, c’est toujours
là, à influencer mon attitude, mais je suis tout de même plus forte que je
l’étais, j’ai plus d’outils, puis je ne vois pas tous les hommes menaçants
non plus comme je les voyais adolescente. »
11
Ces défenses contrecarrent ainsi le développement de la mentalisation.
Ainsi, le passage du temps favoriserait en quelque sorte l’émergence de
la réflexion sur le trauma puisque certaines défenses s’avèrent moins
nécessaires à l’âge adulte, l’individu n’étant plus directement exposé à
la maltraitance des parents et ne dépendant plus d’eux pour sa sécurité.
Exemple I
A échappé de près à un abus sexuel extrafamilial : « En fait, ça a pris,
eeeh, l’agression m’avait tellement marquée que, je n’étais pas vraiment
consciente de ça, ça m’a pris beaucoup de temps avant de faire l’amour
avec mon mari. Et ce n’est pas parce que les souvenirs revenaient, mais
j’avais comme l’impression qu’il allait enlever quelque chose de moi, qu’il
allait me prendre quelque chose que je ne voulais pas. C’est... jusqu’au
moment où j’ai compris, je ne sais pas moi, j’ai senti que j’étais prête à
vivre ça. Moi j’avais 23 ans. Ce n’est pas que l’idée ne m’était pas venue
plus tôt, mais je me battais contre […] Je ne me laissais pas faire tu sais.
Il ne va pas me prendre quelque chose, il ne va pas m’avoir. »
Mentaliser implique de concevoir et réfléchir ses actions, et celles des
autres, en termes d’états mentaux. Plusieurs survivants de traumas interpersonnels parviennent relativement facilement à identifier des symptômes
envahissants qu’ils relient à l’exposition traumatique. Cependant, il est plus
rare de voir les individus développer sur leurs états mentaux susceptibles
de rendre compte de ces symptômes comportementaux. C’est ce que fait la
participante de l’exemple I en élaborant sur sa représentation à l’effet que
son partenaire, par le biais de la sexualité, souhaite lui soutirer quelque
chose contre sa volonté. La participante fait notamment état de ses capacités réflectives en démontrant qu’elle comprend bien qu’il s’agit là d’une
représentation d’objet, et non de la réalité objective.
9. Prise de conscience articulée de l’impact de la maltraitance sur soi
Exemple J
« Bien, je pensais que c’était… juste à voir comment je réagis à ces souvenirs-là. Je pensais que c’était oublié, que c’était… pas que c’était oublié
parce qu’il y a des choses qui te marquent puis que tu restes marquée
pour la vie. Mais je ne fonde pas ma vie sur ça. Tu comprends ? J’essaie
toujours de faire le mieux, je sais que j’ai eu une enfance difficile, puis
que ce n’est pas le meilleur, mais je ne veux pas non plus le reproduire.
Que ce soit avec mes enfants ou avec mon mari. Mais sauf que, en parlant de ça, je vois quand même que je suis encore très sensible à ces
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8. Réflexion complexe de l’impact de la maltraitance .
sur le comportement actuel
choses-là. Que c’est comme encore présent tu sais. Parce que je n’ai
jamais eu vraiment l’occasion de rester assise avec quelqu’un puis d’en
parler comme ça, tu comprends ? »
Exemple K
« Puis vous savez, ceux qui sont battus et qui battent leurs enfants là,
c’est vrai ça. Puis c’est tellement facile de tomber dans le panneau,
sauf qu’il y a des gens qui ne s’en rendront pas compte de ce qu’ils font
par instinct, sauf que moi, ce que je veux c’est de ne pas tomber dans
le panneau puis je suis consciente des risques, des mauvaises choses,
puis bon. Puis ce n’est pas facile parce qu’il faut que je vive avec ça.
Mais je suis au courant, je le sais qu’il faut, bien, c’est un peu comme, je
sais que c’est là, mais qu’il ne faut pas. Mais ça tend tout le temps vers
là, parce que quelque part, j’ai tout mon passé qui est là. Ça influence
beaucoup ce qu’on vit, mais je suis contente d’être consciente de ça et
de ne pas le répéter. À un moment donné, faut que ça casse, faut que la
ligne se coupe. Dire bon là, la violence par-dessus la violence, ce que tu
vis puis ce que ma mère reproche à ma grand-mère, que moi aussi je
lui reproche, moi je ne veux pas que mes enfants me le reprochent, moi
je veux que ça casse là. Fait que c’est pour ça que j’essaie d’être mieux,
mais ce n’est pas facile, c’est tous les jours dans le fond, c’est quasiment
un combat de tous les jours de ne pas tomber dans le panneau. »
Il y a quarante ans, Oliver (1993) rapportait qu’un tiers des victimes de
maltraitance durant l’enfance adoptaient, malgré leur bonne foi, les mêmes
comportements avec leurs propres enfants. Les cycles intergénérationnels
de maltraitance ont depuis été documentés dans la littérature scientifique
(Avery et al., 2002; Berthelot et al., 2012; Collin-Vézina & Cyr, 2003; Heyman, & Slep, 2002; Leifer et al., 2004; Zuravin et al., 1996). Il est proposé
que ces remises en actes soient le résultat d’échecs de mentalisation
chez le parent traumatisé (Allen et al, 2008). À l’instar de Selma Fraiberg
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10. Prise de conscience articulée de l’impact de l’abus .
sur les comportements parentaux
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Une caractéristique importante distinguant la mentalisation d’autres
concepts similaires tels que la théorie de l’esprit, est le fait que la mentalisation n’est pas un processus purement cognitif et détaché affectivement. Au contraire, la mentalisation implique de considérer l’affect, tout
en y réfléchissant (Fonagy et al., 2002). C’est la capacité de sentir, tout en
pensant à ce qui est ressenti (traduction libre, Allen et al., 2008, p.63). La
participante de l’exemple J fait ainsi preuve de mentalisation alors qu’elle
prend conscience et réfléchit de manière spontanée et non défensive aux
sentiments qui émergent lorsqu’elle aborde le thème délicat de la maltraitance.
13
11. Prise de conscience articulée de l’impact de la maltraitance .
sur la dynamique familiale
Exemple L
(Vous avez utilisé le terme surprotection pour décrire la relation avec
votre mère […] ?) « […] c’était des sorties qu’elle me disait que je ne
pouvais pas eeeh – c’est sûr qu’il m’est arrivé un accident puis elle a
eu bien peur, je me suis faite agresser par l’un des meilleurs amis de
mon père et je pense que j’avais 8 ans. À partir de ce moment-là c’était
vraiment très sévère : « Il ne faut pas que tu parles à telle personne, il
faut que tu fasses attention à qui tu vois », tu sais comme : « surveille-toi,
puis va pas faire-ci, va pas là ». Oui, à partir de cet événement-là, ça a
comme tout changé là.»
La littérature scientifique s’est grandement intéressée à l’impact des
traumas sur l’individu directement exposé au trauma, mais peu d’écrits se
sont attardés sur l’impact de ces événements sur l’entourage significatif
de la victime. De même, il est plutôt rare de voir les victimes de trauma
élaborer d’emblée sur la perspective des autres face au drame les ayant
affectées personnellement. Dans l’exemple L, la participante fait preuve
de mentalisation en reconnaissant que l’agression sexuelle vécue a eu une
incidence sur les états mentaux de sa mère, et en retour sur leur relation.
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14
(Fraiberg et al., 1975/1983) dans son ouvrage intitulé les Fantômes dans la
chambre d’enfant, la participante de l’exemple K décrit bien ce phénomène
en rapportant comment, malgré un profond désir d’offrir un encadrement
différent à son enfant que celui auquel elle fut exposée, elle tend instinctivement à agir comme sa propre mère. Du coup, la participante semble
également se rappeler ce qu’était son expérience d’enfant face à une
mère abusive et tient à éviter cette expérience à sa fille. Plusieurs futurs
parents victimes de maltraitance tendent au contraire à présenter une
représentation clivée, se considérant à l’extrême opposé de leurs parents
maltraitants et étant persuadés qu’ils agiront en tout point de manière
différente à ceux-ci. D’autres individus présentent un portrait idéalisé de
leurs propres parents, portrait incompatible avec les gestes maltraitants
subis. La participante de l’exemple K fait ainsi preuve de mentalisation en
considérant de façon non défensive l’impact de son vécu de maltraitance
sur les sentiments, sensations et représentations qui l’habitent comme
parent, tout en reconnaissant l’importance de prendre une distance par
rapport à ces états d’esprit afin de parvenir à adopter des comportements
plus sécurisants dans la relation avec sa fille.
12. Prise de conscience articulée de l’impact de la maltraitance .
sur l’identité
13. Manipulation consciente d’états mentaux dans un contexte .
de maltraitance
Exemple N
« Mais de nous dire qu’il nous aimait, de nous prendre dans ses bras,
ça il ne l’a pratiquement jamais fait. Ou quand il le faisait, il avait pris
de la boisson ça fait qu’il était… c’était juste dans ce temps-là qu’il nous
le disait. Mais moi, quand je le voyais comme ça, j’aimais mieux ne pas
le croire, tu sais, dans le fond, c’est pas comme ça que mon père je
voulais qu’il soit. »
Il est possible de consciemment modifier ses états mentaux dans l’optique
de réduire ses affects négatifs. La participante de l’exemple N fait preuve
de mentalisation en élaborant sur la façon avec laquelle elle parvenait
à délibérément manipuler ses états mentaux en lien avec son vécu de
négligence afin de parvenir à maintenir une image positive de son père
alors qu’elle était enfant.
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La maltraitance durant l’enfance tend à interférer avec le développement de
l’identité. Les survivants de traumas en enfance ne sont pas trop certains
s’ils sont comme la figure parentale aimante, ou plutôt comme la figure
parentale punitive/négligente, ou bien s’ils sont des individus distincts à
part entière (traduction libre, Steele, 1986). La participante de l’exemple
M fait preuve de mentalisation en élaborant sur cette confusion dans les
fondements même de son identité; en décrivant la fonction défensive de
certains états mentaux et que la possibilité qu’un comportement dissimule
un état mental opposé (attitude gentille pour dissimuler un sentiment d’être
méchante); ainsi qu’en décrivant la nature opaque des états mentaux (il
lui est relativement possible de cacher à son conjoint comment elle se
sent réellement).
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Exemple M
« Peut-être que j’ai peur d’être méchante, je veux peut-être être trop
gentille. Tu te formes un caractère qui n’est pas toi […]. Même le père de
mes enfants, même si ça va prendre 50 ans, il ne me connaîtra jamais
s’il ne veut pas. Il va vivre avec quelqu’un, mais tu sais… c’est du mal
qui a été, comment je pourrais dire, plus intime là. »
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Exemple O
« Ah, des fois je pouvais être là en train d’étudier ou de préparer mes
travaux et elle me piquait une crise sans raison valable. C’est comme
si… mais aujourd’hui je comprends. Elle vivait une période de frustration
avec son mari, parce que lui il n’était pas là, il ne s’occupait pas de ses
enfants ok, puis c’est moi qui payais la note. Moi c’est comme ça que
je le vois aujourd’hui. Tu vois ? Parce que des fois j’y réfléchis puis j’y
pense et je me dis qu’il n’y avait pas vraiment de raison. Ok ? Fait que
c’est comme si ses frustrations, c’est sur moi qu’elle les passait. »
Exemple P
« Ça (attouchements du père) ne s’est jamais reproduit. Puis je ne sais
même pas s’il le sait, s’il s’en souvient ou s’il pressent ça ou si c’est
pour ça qu’il me donne tellement d’affaires ces temps-ci. On dirait qu’il
se sent coupable de quelque chose […] mais je ne sais même pas s’il
se souvient de cette journée-là, parce qu’il était saoul, ou si eeeh, je
ne le sais pas. »
Une tentative explicite d’élaborer les états mentaux d’autrui à l’origine
de ses comportement est une forme de mentalisation difficile à soutenir
dans le contexte particulier de la maltraitance puisque cela implique de
se mettre à la place de la personne maltraitante. Dans les deux exemples
précédents, les participantes tentent d’attribuer à leur parent maltraitant des états mentaux plausibles. De plus, la participante O considérant
qu’elle n’était pas la source de la frustration de sa mère et la participante
P considérant que la générosité actuelle de son père provient possiblement
d’un sentiment de culpabilité qui remonte à l’abus, les deux participantes
entrevoient la possibilité que les comportements et états mentaux de leur
parent prennent origine dans d’autres éléments non-observables dans la
situation.
15. Prise de conscience de la réalité subjective de l’autre .
face au dévoilement d’une situation de maltraitance
Exemple Q
« […] j’ai parlé de l’abus à mes parents. J’étais capable de leur dire ces
choses-là. Sauf que je me souviens qu’ils s’étaient choqués parce que,
pas choqués après moi, mais c’est comme… Même moi je l’ai vécu la
semaine passée avec ma fille puis j’étais devenue toute énervée puis,
je me suis souvenue de ma mésaventure. Puis, j’ai dit à ma fille qu’elle
avait bien agi puis qu’eux (exhibitionnistes) aient fait ça en tant que tel,
non. Je me souviens qu’ils (ses propres parents) s’étaient énervés puis
qu’ils m’avaient demandé de quoi il avait l’air, je sentais qu’ils perdaient
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14. Élaboration de la perspective de la personne maltraitante
le contrôle [...] Je trouve que j’ai mieux agi moi la semaine passée qu’on
a pu agir avec moi quand j’étais toute petite. »
Dans les trois exemples précédents, les participants revisitent la réaction
de leur mère face à leur vécu de maltraitance et s’imaginent ce qu’aurait
été une réponse réflective. Pour se faire, elles se remémorent, avec leur
regard d’enfant, ces situations hautement conflictuelles. Cet effort délibéré visant à s’immerger dans ce qu’elles ressentaient comme enfant
représente un processus réflectif complexe en ce sens qu’il leur permet
en retour de les aiguiller sur la meilleure façon d’agir aujourd’hui auprès
de leur propre enfant.
16. Prise de conscience de la réalité subjective du thérapeute face au
dévoilement d’une situation de maltraitance
Exemple T
« J’imagine que ça vous trouble d’entendre ça. Ça doit être difficile pour
vous aussi cette entrevue. »
Dans l’exemple précédent, la participante fait référence à l’impact que son
discours semble avoir sur l’interviewer. Sans que ce processus réflectif
soit d’une grande complexité, nous avons observé qu’un tel accordage
émotionnel avec l’interviewer s’avère plutôt rare lorsque le thème de la
maltraitance est discuté en entrevue.
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Exemple S
« […] il est arrivé des attouchements sexuels et mes cousines et moi
nous avions réussi à nous enfuir […] Mais ma mère n’était pas là. Puis
quand elle m’a entendue crier finalement, elle est descendue « qu’estce qui se passe là ? ». Je lui ai tout expliqué, mais j’ai pas l’impression
qu’elle prenait ça à cœur – pour moi c’était grave ce qui venait de se
passer, je ne comprenais rien et j’avais peur puis ma mère bon : « Tu
vois, ça va passer, ça va passer ». Finalement c’est l’une de mes tantes
qui a fait venir la police, mais ma mère elle n’a jamais, jamais rien fait
puis ça me frustrait. Je me souviens d’être frustrée, que ma mère ne
s’implique pas là-dedans puis qu’elle ne réalise pas que moi il m’était
arrivé quelque chose puis que – elle essayait de camoufler ça ou je ne
le sais pas trop. »
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Exemple R
« Ça m’affecte. Moi quand je vois quelqu’un en train de tabasser ou faire
un cas à une petite fille, j’ai tout de suite le goût de me jeter dessus. Oui.
Je peux voir ça. Puis c’est ça, ma fille peut-être qu’ils vont dire que je la
gâte un peu. Moi j’essaie de la faire raisonner, parce que dans ma tête
à moi j’aurais pu comprendre s’ils m’avaient parlé en langage de petite
fille, que de me tabasser là. »
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Un risque existe cependant si la mentalisation est adressée brutalement,
de façon déconnectée des autres dimensions qui fondent la résilience
(ex. le temps nécessaire à l’intégration, la connexion émotionnelle durant
la mentalisation), faute de quoi ces efforts thérapeutiques risquent de
résulter en une intellectualisation des récits de vie ou des effondrements
psychiques. Nous croyons que la mentalisation doit être considérée à
la fois comme une cible et un outil d’intervention et que le travail de
mentalisation du trauma doit obligatoirement s’opérer au sein d’une
relation thérapeutique stable et sécurisante.
Il apparait essentiel d’identifier les indices dénotant une mentalisation
efficiente et de favoriser l’essor de ces efforts réflectifs puisqu’une
capacité de mentalisation préservée (1) est conceptuellement associée
à la résilience suite au trauma, (2) accroît l’efficacité des interventions
cliniques, (3) ouvre la voie à des interventions thérapeutiques plus complexes susceptibles d’amener des changements en profondeur chez
l’individu, et (4) permet d’interrompre les cycles intergénérationnels
de maltraitance. Compte tenu du rôle clé de la mentalisation dans des
contextes traumatiques et de son rôle central dans l’aménagement des
cycles intergénérationnels de maltraitance (Allen, 2013; Allen et al.,
2008), une importante prochaine étape concernera l’établissement de
modèles d’intervention préventive auprès de futurs parents rapportant
un vécu de maltraitance durant l’enfance.
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CONCLUSION
La plupart des approches psychothérapeutiques visent essentiellement à aider les individus à mieux comprendre leurs difficultés et leurs
comportements problématiques dans l’optique de les aider à acquérir
un meilleur contrôle sur ceux-ci. En d’autres mots, les interventions
cliniques visent fondamentalement à promouvoir la mentalisation.
Une mentalisation efficiente est essentielle puisqu’elle favoriserait la
régulation des émotions (Bouchard et al., 2008; Fonagy & Bateman,
2008; Fonagy & Target, 1997; Fonagy, et al., 2002). Dans le numéro 2
du Carnet de Notes sur les Maltraitances Infantiles, nous avons décrit
les principaux échecs de mentalisation observés dans le discours des
mères victimes de maltraitance durant l’enfance. Nous considérons que
ces dysfonctions dans la capacité réflective requièrent une attention
immédiate lorsqu’elles se présentent.
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