Recherche et formation
69 | 2012
La formation et le genre
L’éducation à l’égalité « filles-garçons » dans la
formation des enseignant-e-s
Amorce par l’exemple des biais perceptifs d’étudiant-e-s de Master 2
enseignement
Education to gender equality in teacher training
Erziehung zur Geschlechtergleichheit in der Lehrerausbildung
La educación a la igualdad chicas/chicos en la formación de los/las docentes
Christine Morin-Messabel, Séverine Ferrière et Muriel Salle
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/rechercheformation/1709
DOI : 10.4000/rechercheformation.1709
ISSN : 1968-3936
Éditeur
ENS Éditions
Édition imprimée
Date de publication : 1 mars 2012
Pagination : 47-64
ISBN : 978-2-84788-374-9
ISSN : 0988-1824
Référence électronique
Christine Morin-Messabel, Séverine Ferrière et Muriel Salle, « L’éducation à l’égalité « filles-garçons »
dans la formation des enseignant-e-s », Recherche et formation [En ligne], 69 | 2012, mis en ligne le 01
mars 2014, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/rechercheformation/1709 ;
DOI : 10.4000/rechercheformation.1709
© Tous droits réservés
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Amorce par l’exemple des biais perceptifs
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ø$ISJTUJOF.03*/.&44"#&Université Lumière-Lyon 2, GRePS (Groupe de recherche en psychologie sociale, EA
4163)
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Université de Nantes, IUFM d’Angers, CREN (Centre de Recherche en Éducation de
Nantes, EA 2661)
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Université Claude-Bernard-Lyon 1, IUFM de Lyon, CRIS (Centre de recherche et
d’innovation sur le sport)
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De nombreux travaux ont montré le rôle que l’école peut jouer dans la
constitution des inégalités entre les sexes (Mosconi, 2004 ; Duru-Bellat, 2008). Dans
ce cadre, des recherches menées dans le champ de la psychologie sociale soulignent
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l’importance des représentations 1 des enseignants vis-à-vis des compétences
supposées des élèves filles et garçons (Marry, 2003), et leurs conséquences sur les
perceptions des disciplines scolaires (Dutrévis & Toczek, 2007) ou sur les décisions
d’orientation (Mangard & Channouf, 2007). Il n’est pas rare d’entendre - encore
aujourd’hui - que les filles ont des aptitudes « naturelles » pour l’apprentissage de
la langue maternelle et que les garçons sont plutôt « doués » pour les disciplines
scientifiques (Plante, Théorêt & Favreau, 2010).
Cette étude a été initiée suite à un questionnement d’étudiant-e-s en formation
au master enseignement lors d’une intervention sur la question de l’égalité « fillesgarçons » en éducation dans un contexte de mixité. Ce cours s’organise autour
d’éléments théoriques concernant les stéréotypes, leur facilité d’activation, leur
accessibilité et leurs conséquences au niveau des interactions en classe ainsi que des
représentations des disciplines en contexte scolaire. Lors de la présentation du rôle
joué par les acteurs de socialisation, dont les enseignant-e-s, dans la dynamique des
différenciations entre les filles et les garçons, certain-e-s étudiant-e-s ont manifesté
des résistances. Ils et elles refusaient d’admettre une part de responsabilité. Même
de manière non consciente, il ne leur semblait par intervenir de quelque façon
que ce soit dans les dynamiques « genrées » du rapport aux savoirs. Dans un récent
numéro des Cahiers pédagogiques, Collet et Grin (2011) ont également souligné cette
question de formation : les enseignant-e-s en formation initiale considèrent ne pas
être directement concerné-e-s par les inégalités filles-garçons. La responsabilité est
plutôt rejetée sur les familles, le politique, le monde du travail, des médias et pas
ou peu sur le contexte scolaire (Collet & Grin, 2011). Ainsi, lors de cette session de
formation, nous avons retrouvé cette question de la nécessaire prise de conscience
des dynamiques inégalitaires au sein du contexte scolaire. En résumé, comment
intervenir en formation de manière efficace pour pouvoir penser la mixité et
l’égalité ? Pour mobiliser les étudiant-e-s, nous avons donc décidé de mettre en
place une recherche, où ils et elles sont au cœur des processus. Elles et ils doutent
de l’existence de biais perceptifs, notre étude porte sur les biais perceptifs des
apprenti-e-s enseignant-e-s, en fonction de l’appartenance catégorielle de sexe de
l’élève. Les résultats obtenus sont ensuite utilisés comme support de formation pour
amener les étudiant-e-s à « penser » la mixité (Durand-Devigne, 1996 ; Duru-Bellat,
2010). Notre premier objectif est de vérifier si les perceptions des étudiant-e-s en
formation sont équivalentes ou, au contraire, révèlent des stéréotypes genrés par
rapport à une lecture d’une évaluation écrite d’un-e élève (en fonction de son sexe).
Notre deuxième objectif est formatif et vise à s’appuyer sur ces données auprès des
étudiant-e-s pour développer des outils théoriques et d’application pédagogique
permettant de lutter contre les effets délétères de ces stéréotypes, notamment au
niveau des orientations dans le domaine scientifique. Les biais perceptifs éventuels
1 « En tant que milieu socioculturel, l’école met en interaction des individus qui développent, chacun de part
et d’autre, un ensemble d’idées sur eux-mêmes, les autres et leur environnement commun, autrement dit
un faisceau de représentations multiples » (Ecalle, 1998).
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sont mesurés à l’occasion de l’élaboration d’un jugement sur l’évaluation écrite
d’un-e élève en fin d’école primaire (CM2). On étudie ces biais en fonction du sexe
de l’élève (fille versus garçon), et en fonction du statut professionnel de l’étudiant-e
(professeur-e-s des écoles versus professeur-e-s de collèges et lycées)2. Cette variation
selon le niveau d’enseignement (école primaire versus collège) interroge à la fois
la thématique de la liaison CM2-6e, qui est considérée comme un moment de
passage-clé dans la scolarité, et les représentations professionnelles d’étudiant-e-s
en master 2 « professeur des écoles » et « professeurs de collèges et lycées ».
Les questions théoriques sous-jacentes concernent donc les biais perceptifs
(filtres interprétatifs, susceptibles de conduire à des distorsions), les pratiques
évaluatives scolaires et l’éventualité de biais « sexués ». Comment s’en distancier
dans ses pratiques d’enseignement ? La manipulation de la catégorie de sexe de
l’élève (prénom masculin versus féminin) implique-t-elle des « lectures » et des
recommandations différentes de la part des étudiant-e-s ? Les étudiant-e-s (ici en
fin de formation) de masters différents (PE versus PCL) présenteront-ils-elles les
mêmes perceptions à propos d’une évaluation écrite d’un-e élève (fiche d’évaluation
des acquisitions) ? Ce travail se situe donc dans une perspective de recherche sur
la dynamique des différences de sexe dans le champ scolaire, mais aussi sur la
formation des enseignant-e-s. En résumé, nous partons d’un résultat de recherche
pour introduire une question de formation, question de recherche elle-même issue
de question de formation.
3FDIFSDIF
1.1 Les ancrages théoriques
D’un point de vue théorique, cette étude prend appui sur de nombreux travaux
relatifs au contexte scolaire, notamment aux interactions entre les enseignant-e-s
et les élèves, aux comportements et aux attentes des enseignant-e-s, ainsi qu’aux
comportements entre élèves en contexte mixte (Mosconi, 1994, 2004 ; Zaidman,
1996 ; Durand-Delvigne, 1996). Ces études montrent essentiellement en quoi les
stéréotypes de sexe marquent les interactions dans le groupe classe, en lien avec
l’enseignant-e, et en quoi les pratiques éducatives sont influencées de manière
générale par le sexe des élèves. À titre d’exemple, dès l’école primaire, on observe
des différences dans le volume d’attention accordée aux élèves en classe selon leur
sexe. Les garçons reçoivent davantage de critiques concernant leurs comportements
mais aussi leur travail (Duru-Bellat, 1995 ; 2010). Ces interactions exprimeraient
des attentes diversifiées selon le sexe de l’élève, attentes qui doivent être reliées
aux stéréotypes de sexe et aux rôles de sexe dans la société. Comme le précisent
Bressoux et Pansu, citant Lorenzi-Cioldi (1988) : « Cette moindre exigence, qui se
2 En vue d’alléger la lecture et le texte, nous utiliserons pour la suite de l’article les abréviations « PE » pour les
étudiant-e-s professeur-e-s des écoles et « PCL » pour les futur-e-s professeur-e-s des collèges et lycées.
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manifeste notamment par beaucoup d’approbations, peu de critiques et sans
doute moins de sollicitations, est finalement intégrée par les filles comme reflétant
de moindres capacités, ce qui fait de cette asymétrie un aspect fondamental de
leur identité. Ce phénomène serait particulièrement à l’œuvre dans le domaine
scolaire » (2003, p. 136). Ces expériences différenciées de l’univers scolaire induisent
chez les élèves des représentations différentes de soi, notamment par rapport
aux mathématiques et aux sciences (Matlin, 2007). Le poids des stéréotypes est
considérable, notamment celui selon lequel les garçons sont plutôt doués en
mathématiques alors que les filles ne le sont pas. Cela a des conséquences sur
les performances scolaires (Croizet, Neuville, 2004 ; Désert, 2004). Il a été montré
que les enseignant-e-s, partant de l’idée que les filles sont meilleures en lecture,
renforcent, ou non, leurs encouragements en conséquence. Ce faisant, ils et elles
confortent ainsi les élèves dans l’idée que les mathématiques sont masculines et les
branches littéraires féminines (Chaponnière, 2006). Chacun en sort conforté dans
ses positions, et les stéréotypes en question sont renforcés pour tous les acteurs :
enseignant-e-s, élèves, parents… Dans le cadre scolaire, Bressoux et Pansu (2003)
précisent que les filles sont surtout félicitées pour des questions de forme (bonne
conduite, belle écriture...) et que les remarques, les blâmes, portent pour elles plus
fréquemment sur des questions de fond (qualité des performances). À l’inverse, les
garçons, souvent « blâmés » pour des questions de forme, sont félicités pour des
questions de fond. Heyman et Giles (2006) commentant une expérience de Graham
(1984) soulèvent également cet aspect : « This result suggest one possible source
of gender differences in academic self-perceptions, if adults are more likely to
respond with sympathy to the difficulties of girls and with anger to the difficulties
of boys. » (Heyman & Giles, 2006, p. 304). Les processus perceptifs et évaluatifs des
enseignant-e-s, les inférences inconscientes à partir d’un élément informationnel
(le sexe de l’élève), doivent donc être étudiés parce qu’ils peuvent avoir un impact
sur les attitudes (Mangard & Channouf, 2007), et a posteriori sur les comportements
des enseignant-e-s, et en écho des élèves, comme nous l’avons souligné. Le lien
entre le « gender gap » en sciences et mathématiques entre les filles et les garçons,
et le plus faible degré de confiance dans leurs capacités dans ces disciplines pour
les filles a été démontré (Bleeker & Jacobs, 2004). Ce degré de confiance serait en
lien avec la socialisation et les rôles de sexe, et interroge les pratiques éducatives
et les stéréotypes y compris dans les images présentes dans les manuels (Good,
Woodzicka & Wingfield, 2010).
1.2 De la recherche à la pratique
La mise en évidence d’éléments stéréotypés dans le cadre scolaire nécessite
d’approfondir les recherches auprès des acteurs et des actrices de socialisation et de
transmission que sont les étudiant-e-s, futur-e-s enseignant-e-s. Présentent-ils-elles
des biais perceptifs en fonction du sexe d’un élève ? Retrouve-t-on ces biais chez des
étudiant-e-s futur-e-s enseignant-e-s d’école primaire et des professeurs de collège et
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lycée ? En quoi ces biais influencent-ils les analyses et les remédiations pédagogiques
proposées face à un dossier d’élève ? La recherche présentée ici s’intéresse plus
particulièrement aux étudiant-e-s en fin de formation (Master 2), et à l’effet de
l’activation de la catégorie de sexe sur leurs jugements et leurs perceptions en
fonction des positions professionnelles (école primaire versus collège). Cette variable
interroge aussi la perception d’éventuelles difficultés d’un-e élève dans le cadre de
la liaison CM2-6e. Le bulletin scolaire d’un-e élève de fin de CM2 est-il appréhendé de
la même manière par des étudiant-e-s en master PE et en master PCL ? Cela soulève
un questionnement sur les formations et les identités professionnelles respectives.
Au sujet des identités dans le corps enseignant, Christ (2000) a réalisé une étude
sur les représentations de ces deux corps (PE et PCL). Il a montré des différences
entre les un-e-s et les autres dans leurs conceptions des relations avec les parents
et les élèves, mais aussi dans leurs rapports aux savoirs, notamment théoriques et
pratiques. Retrouve-t-on de telles différences, ou au contraire des similitudes, dans
la perception genrée de l’élève ?
1.3 L’impact perceptif chez les enseignant-e-s
Le recueil de ce type de données est important pour les formations sur le
genre dans les deux années du master des métiers de l’enseignement. Dans cette
recherche, les sujets sont amenés à analyser un dossier d’évaluation écrit réalisé
avant le passage en 6e. Cette évaluation-type inclut des données dans les différentes
disciplines en termes de notes et de rétroactions écrites d’un-e enseignant-e à
propos d’un élève, notamment concernant des « difficultés » en mathématiques.
Ces informations sont conformes à la pratique professionnelle en classe de CM2.
Une limite à cette expérimentation réside dans le fait qu’il ne s’agit pas pour les
étudiant-e-s testé-e-s d’évaluer leurs propres élèves, notamment dans le cas des
PE. Le dossier concerne un-e élève qu’ils-elles ne connaissent pas : c’est un-e élève
fictif. Mais les étudiant-e-s sont amené-e-s à de nombreuses occasions à travailler sur
des dossiers d’élèves qu’ils-elles ne connaissent pas ou peu (nouvel élève scolarisé,
passage CM2-6e dans le cadre notamment de la continuité pédagogique).
1.4 Les hypothèses
Nous nous attendons à observer des différences dans l’analyse du discours
produit par les étudiant-e-s PE et PCL suite à la consultation du dossier d’évaluation
de l’élève selon son appartenance catégorielle de sexe. La variable « sexe de
l’élève » est activée par son prénom : « Sarah » versus « Adam ». Nous savons depuis
les travaux de Chryssochou, Picard et Pronine (1998) que le prénom induit des
variations dans le jugement de l’enseignant-e. Cela a été également souligné par
Guegen, Dufourcq-Brana et Pascual (2005) en termes d’estime de soi et d’évaluation
de soi et d’autrui. Pour notre recherche, et dans la mesure où nous souhaitons
induire le sexe, et seulement le sexe, de l’élève par le biais du prénom, nous avons
choisi des prénoms courants, actuels et socialement mixtes. Il est aussi attendu
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que selon l’appartenance catégorielle professionnelle de formation de l’étudiant-e
(PE ou PCL), les perceptions du dossier, et notamment les remédiations, varient.
Pour la seconde variable, relevant cette fois du champ des représentations et des
identités professionnelles, nous voulons tester si le discours des deux populations
d’étudiant-e-s varie en termes de contenu, et si des propositions de remédiations
différentes sont faites par les PE et par les PCL en fonction du sexe de l’élève.
.ÏUIPEPMPHJF
2.1 Population et protocole d’enquête
Cette recherche concerne 77 étudiant-e-s en deuxième année (M2) de formation
à l’Institut universitaire de formation des maîtres de Lyon 1. Cette population
est constituée de 36 étudiant-e-s PCL, toutes disciplines confondues, et de 41 PE.
Notre échantillon de PCL est hétérogène : nous ne voulions par tester seulement
de futur-e-s professeur-e-s de mathématiques. En effet, l’opposition aurait été trop
forte entre des PE polyvalents et des spécialistes de cette discipline. Notre objectif
est en effet bien d’étudier les représentations plus générales des PCL vis-à-vis
d’une évaluation de fin d’année de CM2, et de distinguer des différences liées au
statut professionnel, et donc aussi à la formation initiale. La faiblesse de l’effectif
masculin testé ne fournit pas une base d’étude de cette variable dans la recherche.
Les enseignant-e-s ayant participé à cette recherche étaient tous volontaires.
L’évaluation d’un élève de fin de CM2 (son bulletin de fin d’année) a été proposée
à ces étudiant-e-s PE et PCL. Le profil de l’élève est le suivant : les évaluations
sont positives dans toutes les disciplines sauf en mathématiques où on constate
des variations plus « moyennes ». Après l’étude de ce document scolaire, quatre
questions relatives à ce dossier sont proposées et auxquelles les enseignant-e-s
répondent à l’écrit :
Quels sont les éléments importants à retenir concernant cet-te élève ?
Quels types de remédiation pourriez-vous proposer à cet-te élève ?
Dans la perspective de l’entrée en 6e, quelles recommandations proposeriez-vous
à plus long terme à l’élève ? à sa famille ? à l’équipe éducative du collège ?
2.2 Analyse
Nous avons analysé le corpus, composé de données textuelles, par l’intermédiaire
du logiciel de données Alceste. Ce logiciel Alceste (Analyse des Lexèmes Co-occurrents
dans les Enoncés Simples d’un Texte) développé par Reinert (1993 ; 1999) repose sur
une méthode statistique. Le corpus est découpé selon un système d’occurrences,
permettant de dégager des champs représentationnels et « l’organisation topique
du discours à travers la mise en évidence de mondes lexicaux » (Kalampalikis, 2003,
p. 151).
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Cet outil permet notamment d’évaluer le poids du discours selon les variables, et
dans notre cas, de noter les variations de représentations selon que les enseignants
évaluent « Sarah » ou « Adam », ou selon leur appartenance professionnelle et
catégorielle (PE ou PCL).
3ÏTVMUBUT
3.1 Champs représentationnels différenciés dans les discours
Le découpage du corpus textuel suite à la lecture et à l’analyse du relevé permet
de distinguer quatre champs représentationnels (appelés « classes ») principaux
qui sont distincts les uns des autres. Ils ne représentent pas tous un pourcentage
comparable du corpus analysé. Les variables significatives ne sont pas les mêmes
d’un champ à l’autre. Enfin, les champs lexicaux varient considérablement selon
les champs représentationnels.
Classes et
poids dans le
corpus
Champs
thématiques
Classe 1
(21,38%)
Préparation de
l’entrée en 6e,
dans et hors
l’école
Classe 2
(15,46%)
Retour sur les
opérations de
base et le sens
Classe 3
(28,62%)
Développement
de la confiance
et soutien
Classe 4
(34,54%)
Valorisation des
réussites hors
mathématiques
Variables
significatives
Formes réduites lemmatisées représentatives3
PCL
Suivre., cours, devoir+, soutien+, regulier+,
vacance+, matiere+, etude+, valoris+er,
aid+er, particulier+, intensifi+er,
professeur+, effort+, travail<
PE et Sarah
operat<, technique., notion+,
sens, fraction+, aire+, numeration,
entrainement+, reprendre., logique.,
perimetre+, reseau+, divis<, texte+,
mesur+er
PE
Confi+ant, prendre., attenti+f, sollicit+er,
annee+, temps, tromp+er, peur+, debut+,
evit+er, erreur+, equipe+, representat+ion,
pens+er
PE et Adam
Compet+ent, langue+, sembl+er, histoire+,
maitris+er, transversa+l, science+, bonne+,
difficulte+, francais+, expressi+f, geographie,
eleve+, ecrit<, etranger+
5BCMFBVø5PQPHSBQIJFEVEJTDPVSTTVSMÏWBMVBUJPOEVOÏMÒWFEFT1&FU1$-QBSDIBNQTMFYJDBVY
On observe dans un premier temps que chaque champ représentationnel est
associé à une variable. Plus précisément, le discours des PCL est très homogène
(dans la classe 1), alors que le discours des PE est significativement représentatif
des trois autres classes.
3 La lemmatisation permet le regroupement dans le discours de termes tels que : « suivre. » comprenant suivi,
suivre ; « regulier+ » comprenant régulière, régulièrement, réguliers ; « travail< » avec travail, travailler.
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De même, on distingue une différenciation selon qu’il s’agit du relevé d’Adam
(classe 4) ou de Sarah (classe 2) chez les PE. Cela illustre d’emblée des différenciations
entre les PE et les PCL, comme nous allons le voir plus en détail, mais aussi une
différenciation genrée plus significativement présente chez les PE.
3.2 Le soutien et la démarche compréhensive des PE
La classe 3, que l’on pourrait qualifier de « développement de la confiance et
du soutien », n’inclut pas de variable genrée significative. L’élève est fragile selon
l’enseignant, et demande donc une attention et un soutien. Il s’agit de lui redonner
confiance comme l’illustrent ces extraits caractéristiques :
– « Cet élève présente des difficultés en mathématiques, veiller particulièrement
à ce qu’il ne décroche pas. Cet élève a besoin d’être sollicité à la prise de parole,
il faut lui donner les moyens de s’affirmer » ;
– « Travailler sur les bases et surtout le sens des notions, surtout en mathématiques,
faire attention à sa peur de prise de parole, le solliciter sans l’agresser, et insister
sur le droit à l’erreur ».
Ce type de discours fait écho à une des facettes identitaires des professeur-e-s
des écoles déjà soulignée par Maresca (cité par Lautier, 2001). Ceux-celles-ci
dépassent les acquisitions et les matières scolaires, pour se focaliser sur des
compétences plus générales, dans une perspective de bien-être, d’épanouissement
et d’encouragement.
3.3 Différenciations selon le sexe de l’élève chez les PE
Les classes 2 et 4 présentent un effet de variable significatif dans l’analyse
des relevés de notes. La classe 2, intitulée « retour sur les opérations de base et
le sens », est significative du relevé de Sarah. Les difficultés en mathématiques
sont attentivement analysées, comme le montrent les termes utilisés (technique
opératoire, fraction, aire, numération, périmètre, division). Le constat et l’analyse
sont relativement techniques et pratiques :
– « Mathématiques : reprendre avec cet élève la notion du sens de la multiplication
et de la division, revenir sur les notions d’aire et de périmètre, sens, différence,
à travers des exemples et l’expérimentation » ;
– « Reprendre les bases, notamment quant au sens des opérations, et les principales
notions, faire des lectures en réseau, à partir d’un thème, d’un auteur, d’un type
de texte, pour montrer les relations possibles entre différents textes » ;
– « Maths : retravailler sur le sens des opérations qui n’est pas toujours maîtrisé
et compris ; retravailler sur la différence entre aire et périmètre. Maîtrise de la
langue : mettre en réseau pour établir des liens ».
Par opposition, le contenu de la classe 4, « valorisation des réussites hors
mathématiques », a justement la particularité d’accentuer les réussites d’Adam, et
de relativiser les difficultés en mathématiques :
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– « Adam est un élève sérieux et rigoureux dans son travail, sa mémorisation et
sa diction sont satisfaisantes, il a de bons résultats en français, notamment le
vocabulaire, en histoire géographie, éducation civique, EPS, langue étrangère » ;
– « On repère la réussite de l’élève pour les compétences transversales, de bons
résultats en français, des difficultés en mathématiques, dans l’ensemble une
bonne maîtrise des autres domaines ».
Ces extraits caractéristiques des deux classes révèlent bien la différenciation
opérée dans l’analyse de ces relevés de notes qui sont pourtant, rappelons-le,
identiques. Les lacunes en mathématiques semblent être plus problématiques
pour les filles. Elles demandent donc un travail scolaire avec notamment un retour
sur les bases, soulignant en creux qu’elles ne sont pas acquises. Lorsque le relevé
est présenté aux PE comme celui d’un garçon, ce sont les matières fortes qui sont
mises en avant, même si les difficultés ne sont pas ignorées. En d’autres termes,
les difficultés en mathématiques sont centrales pour une fille, et ancrées dans la
scolarité de primaire lors de laquelle s’acquièrent les bases, alors que toutes les
matières scolaires sont prises en considération pour l’évaluation d’un garçon.
3.4 Un avis homogène des PCL
Nous l’avons souligné, contrairement à leurs collègues PE, les PCL ont un discours
plutôt uniforme, centré sur la « préparation de l’entrée en 6e, par et hors l’école »,
mettant d’emblée en exergue une coupure entre le primaire et le collège, et dans
une certaine mesure une non-continuité pédagogique entre l’un et l’autre. La prise
en charge des lacunes avant l’entrée en 6e incombe donc aux parents. Elle doit avoir
lieu pendant les vacances scolaires :
– « Insister sur les mathématiques, réexpliquer à la maison si possible, ou sinon
cours de soutien individuel en maths, l’encourager dans les matières littéraires,
qui semblent a priori plus l’intéresser » ;
– « Des cours de soutien et un suivi particulier de la part des parents, dans la
mesure du possible, pour s’assurer du travail fourni par leur enfant ».
Cependant, on note de manière moins significative le rôle que devra jouer
l’enseignant-e de mathématiques en 6e :
– « Doit intensifier ses efforts en mathématiques : exercices, devoirs de
mathématiques pendant les grandes vacances, soutien 1h ou 2h par semaine
par son professeur de mathématiques au collège ».
On observe ainsi, en résumé, au regard de la contribution des variables et
des grands champs représentationnels dégagés par co-occurrences, que les
enseignant-e-s ont de grands systèmes et/ou « profils d’élève » en tête. Ces différents
profils se dégagent nettement de leurs discours :
– les PE soulignent l’importance de la remédiation en mathématiques pour
« Sarah », afin qu’elle puisse entrer au collège dans de bonnes conditions,
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$ISJTUJOF.03*/.&44"#&- 4ÏWFSJOF'&33*µ3&FU.VSJFM4"--&
alors que l’accent est porté sur les réussites et compétences transversales pour
« Adam » ;
– les PE adoptent pour analyser les performances des élèves une perspective de
fin de primaire, axée sur un développement plus individuel et personnel, ainsi
que sur la qualité de vie scolaire (cadrage et encouragement).
On relève dans le discours des PCL la nécessité de la mise en place d’une
remédiation, afin d’entrer au collège dans les meilleures conditions.
%JTDVTTJPOFUQFSTQFDUJWFT
Les résultats indiquent une tendance à différencier « Sarah » de « Adam » en
termes d’analyse et d’interprétation, et ce d’une manière plus marquée de la part
des PE. Ces résultats soulèvent des interrogations à discuter lors des formations en
master particulièrement sur la construction de l’identité professionnelle en lien
avec les représentations professionnelles. Pour ces étudiant-e-s (qui, rappelons
le, ont une mission de polyvalence), l’élève fille est considérée en termes de
difficultés de compréhension et de lacunes antérieures en mathématiques. Pour
l’élève garçon, l’interprétation relèverait plus d’une posture vis-à-vis de l’activité
scolaire en général : en évoquant les réussites, on atténue alors par effet miroir les
difficultés localisées en mathématiques. Les difficultés de « Sarah » sont reliées à
des difficultés plus « cognitives » (et non pas comportementales), et à des lacunes
antérieures. Lorsque l’on active ce stéréotype selon lequel « les femmes ne sont par
douées en maths » dans des situations expérimentales, on augmente la pression
évaluative, ce qui entraîne une baisse de la performance féminine. C’est ce qu’on
appelle la « menace du stéréotype » (Spencer, Steele & Quinn, 1999). La « réputation
d’infériorité » dans un contexte évaluatif constitue une menace psychologique qui,
d’une part, fait baisser les performances et, d’autre part, alimente les éléments
stéréotypés (confirmation des attentes). Ces éléments peuvent être mis en lien
avec la croyance selon laquelle les « mathématiques » relèveraient du domaine
du masculin. On estime que les difficultés d’« Adam » ne sont que ponctuelles,
et on en dédramatise alors les conséquences. Le même type d’analyse en termes
de temporalité a pu être mis en évidence dans une étude utilisant le même type
de protocole sur la thématique de l’ennui et la variable sexe à l’école (Ferrière,
2009). Les difficultés scolaires seraient plus profondément ancrées, et donc de fait
plus difficiles à résoudre, chez les filles. Ces éléments stéréotypés semblent donc
bien s’actualiser à travers le discours des étudiant-e-s tant du point de vue du
diagnostic que des remédiations proposées. Cependant, nous rappelons que cette
évaluation portait sur un-e élève que les étudiant-e-s n’ont pas dans leur classe. Cela
relativise dans une certaine mesure l’impact éventuel de ce jugement stéréotypé
sur les performances des élèves, car on sait que la connaissance de données plus
« individualisantes » permet de minimiser le discours stéréotypé (Bressoux & Pansu,
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57
2003). Pour autant, comme nous l’avons précisé, il s’agit d’un contexte auquel les
étudiant-e-s (enseignant-e-s stagiaires en M2) peuvent être confrontré-e-s.
Mais ces résultats confirment aussi des variations dans le discours selon le statut
professionnel (PE et PCL) et l’appartenance de sexe de l’élève. Ces variations vont
dans le sens de la confirmation de la puissance du stéréotype selon lequel les filles
sont moins bonnes en mathématiques que les garçons chez les étudiant-e-s PE. Si,
en quittant l’école primaire, les commentaires et l’analyse des PE (à une moindre
mesure chez les PCL) sont orientés sur les lacunes en mathématiques, on peut alors
imaginer comment les stéréotypes genrés inscrits dès ce premier moment de la
scolarité, suivent les filles au collège. Par ailleurs, il faudrait étudier cette fois-ci,
la population spécifique des étudiant-e-s de mathématiques pour tester s’ils-elles
présentent les mêmes biais que les PE. Les nombreuses recherches dans le domaine
de l’éducation et l’orientation « genrée » indiquent la persistance de ces stéréotypes
tant chez les élèves que chez les enseignant-e-s au collège et au lycée. (Duru-Bellat,
2010 ; Dutrevis & Toczek, 2007).
Ces résultats confirment l’importance de développer des recherches, mais
aussi des formations sur la mixité, les stéréotypes et sur les actions qu’il est
possible de mener en classe pour ne pas activer ces éléments stéréotypés, lourds
de conséquences négatives. Il s’agirait de sensibiliser les étudiant-e-s (formation
master) mais aussi les enseignant-e-s, titulaires (formation continue) et de réfléchir
à des moyens et des pratiques éducatives égalitaires (qui n’amorcent pas d’éléments
stéréotypés) en contexte de mixité. Par ailleurs, nos résultats confirment également
l’existence d’un autre problème : la question de la continuité pédagogique et de la
construction d’une identité professionnelle commune entre les PE et les PCL. Disons
simplement brièvement que l’analyse des discours des deux groupes traduit une
plus forte prise en compte de « l’être » par les PE (elle-il est) et de « l’avoir » pour les
PCL (elle-il a ou n’a pas acquis). Cette question de la coopération professionnelle
peut être questionnée par notre recherche à travers le prisme de la question du
sexe et du genre des « mathématiques ».
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5.1 Penser la mixité
La transmission des savoirs scolaires interroge non seulement les savoirs et
leurs contenus, mais aussi les conditions de leur transmission. Les conditions
sociales dans lesquelles l’élève est inséré détermineraient, pour une part, ses
performances cognitives. L’insertion sociale se définit ici par le fait que les activités
de l’individu sont plus ou moins régies par des systèmes de conduites impliquant
d’autres individus et une structure de rapports sociaux (Monteil & Huguet, 1991).
Les appartenances positionnelles (bon ou mauvais élève, fille ou garçon...), les
caractéristiques situationnelles (situation d’enseignement à fort ou à faible enjeu
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scolaire, mixité ou non mixité des classes...) deviennent des variables à explorer
dans le cadre de la transmission, mais aussi de l’acquisition de connaissances.
L’importance des représentations de soi, des autres, de la situation dans les processus
d’apprentissage peut être illustrée par des recherches relatives aux appartenances
positionnelles de sexe et au cadre scolaire. Celles-ci sont abordées par des travaux
sur les stéréotypes de sexe en milieu éducatif, les situations d’apprentissage et
de mixité, les supports éducatifs (manuels, albums de jeunesse), qui montrent
tous en quoi le système éducatif transmet des savoirs en partie « sexués ». Les
enseignant-e-s peuvent donc jouer un rôle clé de changement (cf. BO 2006). D’autres
facteurs peuvent intervenir et s’actualisent dans les cours, notamment la remise en
question identitaire des étudiant-e-s : celle des identités sexuées des personnes et
des enjeux personnels, des croyances, des opinions, des visions sexuées du monde...
On retrouve ici la question de la formation et des « résistances » en formation (Collet
& Grin, 2010).
À la suite de cette recherche, nous nous sommes interrogées sur l’intérêt des
interventions sur les questions de genre et de mixité en tant que telles dans le cursus
de master. Par exemple, n’était-il pas plus efficace de les insérer dans les formations
disciplinaires, notamment auprès des étudiant-e-s PCL de mathématiques ? En
fait, les deux approches peuvent être mises en place : approche disciplinaire
(une approche spécifique de la question du genre en fonction des disciplines) et
transversale (mixité, genre et éducation). Ainsi, l’approche de la mixité au sens
large (mixité de sexe, mixité sociale) constitue une entrée en situation efficace.
Cela permet en effet de parer aux critiques qui avanceraient que la question
identitaire est du registre de l’opinion. Mettre les différentes formes de mixité
en parallèle ou utiliser pour les analyser des éléments théoriques communs est
intéressant en formation initiale, et parfaitement en conformité avec les missions
de l’école, notamment le « vivre ensemble ». Aborder en formation les mécanismes
psychosociaux comme les stéréotypes, les préjugés et la discrimination permet
de réfléchir conjointement à la lutte contre les inégalités (voir la lutte contre le
sexisme et le racisme, Guimond, 2004). Cette perspective psychosociale souligne
l’importance à long terme de l’école et de l’éducation pour la socialisation des
personnes et dans la lutte contre les préjugés. Surtout, elle souligne que les attitudes
et les pratiques égalitaires s’apprennent, et que l’école est un lieu privilégié pour
cet apprentissage. Nous pouvons améliorer la formation des enseignant-e-s sur ces
éléments spécifiques, et développer des recherches sur la mise en place de pratiques
égalitaires (par exemple, sur les albums de jeunesse contre-stéréotypés). L’angle
d’approche « mixité » vise donc au développement de pratiques plus égalitaires et
des recherches identifiant les conditions défavorables à l’activation de stéréotypes :
étude sur l’effet d’éléments contre-stéréotypés en sciences, par exemple (Good,
Woodzicka & Wingfield, 2010).
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59
5.2 Les enjeux des formations des enseignant-e-s pour la mixité et l’égalité
La réflexion sur la mixité scolaire et les débats dont elle fait actuellement
l’objet, rencontrent celle sur la formation des enseignant-e-s. La mixité scolaire
consiste à éduquer ensemble des élèves de sexes différents. Filles et garçons se
côtoient donc dans un même espace et reçoivent, en principe, un même programme
d’enseignement. On a longtemps contesté aux filles le droit d’être éduquées avec et
comme les garçons (Zancarini-Fournel & Thébaud, 2003). Aujourd’hui, on considère
souvent que les enfants des deux sexes sont socialisés de manière similaire et
égalitaire, alors qu’on admet volontiers que, durant des siècles, les filles et les
garçons ont été socialisés et éduqués différemment, comme si quelques décennies
d’une scolarisation mixte avaient pu effacer des siècles de ségrégation. Rappelons
que la mixité ne s’est imposée dans l’institution scolaire que récemment, par la
loi Haby de 1975. Pour la majorité des enseignant-e-s, tout se passe comme si le
simple fait d’éduquer ensemble les filles et les garçons suffisait à veiller à leur égal
épanouissement en classe. Cette mixité n’est jamais interrogée dans ses modalités ou
dans ses effets (qu’ils soient délétères ou, au contraire, positifs) et cela « invisibilise »
un certain nombre de difficultés, notamment la persistance d’inégalités entre les
filles et les garçons qui ne se résorberont pas d’elles-mêmes si on refuse de s’y
affronter. Il s’agit de faire en sorte que les enseignant-e-s ne considèrent plus que le
substantif « élève » est un terme neutre, et qu’ils et elles mesurent les conséquences
de leurs pratiques d’enseignement en matière de construction ou de déconstruction
des stéréotypes de sexe et en matière d’égalités ou d’inégalités. Or comme le précise
Mosconi (2003), la mixité ne signifie pas l’égalité. Pour aller dans ce sens, elle
propose de changer les curriculums et les pratiques en insistant sur l’importance de
la formation des personnels du système éducatif. La mise en place des formations
sur la question du genre, de la mixité et de l’égalité au niveau des étudiant-e-s
de master de l’éducation constitue un élément important de développement des
pratiques égalitaires. Notre recherche interroge deux éléments fondamentaux à
prendre en considération pour justement penser cette mixité : la complexité de la
pensée sociale (biais perceptifs, stéréotypes, préjugés) et l’importance des pratiques
égalitaires. En effet, selon Guimond (2006), il faut relier la lutte contre les préjugés à
la lutte contre les inégalités économiques et sociales. Selon cet auteur, les attitudes
et les pratiques égalitaires résultent d’un apprentissage tout au long de la vie. Or,
l’école a un rôle central dans la socialisation de l’individu. C’est donc le lieu par
excellence d’expériences de socialisation plus égalitaires à l’opposé de la recherche
de domination sociale (Guimond, 2004 ; voir théorie de la dominance sociale de
Sidanius et Pratto, 1999).
C’est en confrontant les étudiant-e-s PE et PCL à leurs représentations qu’on peut
également faire émerger une position réflexive sur ces pratiques professionnelles, un
peu comme lorsqu’on les confronte à leur pratique en recourant à l’outil vidéo. Cette
sensibilisation « par la recherche » met les étudiant-e-s en situation d’observation
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et d’analyse de leurs comportements, attitudes et postures. C’est à cette condition
que les stéréotypes sur la mixité de genre, mais aussi sur la mixité sociale, peuvent
être reconnus, puis analysés, c’est du moins une des conclusions auxquelles nous
conduit la recherche présentée ici.
En conclusion, nous voulons souligner l’intérêt qu’il y a à mener des recherches
auprès des étudiant-e-s PE et PCL en formation, et notamment l’impact de ces
travaux sur ces futur-e-s enseignant-e-s (ce qu’ils en retiennent, ce qu’ils en font
ultérieurement dans leurs pratiques professionnelles). On poursuit ainsi à la fois
des objectifs expérimentaux et des objectifs de formation. De même, engager les
étudiant-e-s dans des mémoires sur la mixité et le genre en éducation est un choix
pédagogique qui enrichit les recherches et les formations. Interroger les identités
professionnelles en construction sous l’angle de la question de l’égalité filles-garçons
et des pratiques pédagogiques constitue également une bonne entrée en matière
sur la question de l’enseignement et de la transmission au sens large.
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severine.ferriere@univ-nantes.fr
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"CTUSBDUTøt;VTBNNFOGBTTVOHFOøt3FTÞNFOFT
&EVDBUJPOUPHFOEFSFRVBMJUZJOUFBDIFSUSBJOJOH
Example-based perceptual biases among students in the second year of their
master’s degree in education
ABSTRACT tø"MBSHFOVNCFSPGTUVEJFTJOTPDJBMQTZDIPMPHZVOEFSMJOFUIFFYJTUFODFBOEXFJHIUPG
biased evaluation among teachers, like the stereotype that boys are more science-oriented than girls.
In parallel, official recommendations (BO 2006) indicate the need for gender equality and diversity
training. The starting point for this research originates is the resistance of students in the second year
of their master’s degree in education to the notion of perceptual biases. 77 students commented an
evaluation conducted in CM2 (the fifth and final year of primary education in France) which proved
satisfactory except in mathematics. Findings confirm gender stereotypes in mathematics and differing
opinions according to the professional status of the students. The importance of raising awareness to
gender issues in teacher training is thus all the more acute.
KEYWORDS tøUFBDIFS UFBDIFSFEVDBUJPO DPFEVDBUJPO HFOEFSFRVBMJUZ NBUIFNBUJDT
&S[JFIVOH[VS(FTDIMFDIUFSHMFJDIIFJUJOEFS-FISFSBVTCJMEVOH
Beispiele aus Wahrnehmungsverzerrungen bei Master-Studenten (Lehramt)
ZUSAMMENFASSUNGøtø;BIMSFJDIFTP[JBMQTZDIPMPHJTDIF'PSTDIVOHFOCFUPOFOEJF"OXFTFOIFJUVOE
die Last der Bewertungsverzerrung bei Lehrern, wie etwa der Stereotyp, Jungen wären wissenschaftlich
begabter. Parallel dazu heben offizielle Vorschriften (2006) die Notwendigkeit einer Ausbildung
zur Gleichheit und Koedukation. Diese Forschung geht vom Widerstand der Masterstudenten auf
-FISBNUHFHFOàCFSEFN#FHSJGGEFS8BISOFINVOHTWFS[FSSVOHBVT.BTUFSTUVEFOU*OOFOIBCFO
eine Bewertung der 5. Klasse kommentiert, die bei Jungen und Mädchen befriedigend war, außer in
Mathematik. Die Ergebnisse bestätigen die Gender-Stereotypen in Mathematik sowie eine Schwankung
der Aussage je nach beruflichem Status der Studenten. Sie zeigen, dass es von Bedeutung ist, eine
4FOTJCJMJTJFSVOH[VS(FOEFSQSPCMFNBUJLJOEJF4UVEFOUFOBVTCJMEVOHFJO[VGàISFO
45*$)8½35&3øtø-FISFS "VTCJMEVOH ,PFEVLBUJPO (FTDIMFDIUFSHMFJDIIFJU .BUIFNBUJL
-BFEVDBDJØOBMBJHVBMEBEDIJDBTDIJDPTFOMBGPSNBDJØOEFMPTMBTEPDFOUFT
Germen a través del ejemplo de los sesgos perceptivos de estudiantes de Master2
educación
3&46.&/øtø/VNFSPTBTJOWFTUJHBDJPOFTFOQTJDPMPHÓBTPDJBMTVCSBZBOMBQSFTFODJBZFMQFTPEF
TFTHPTEFFWBMVBDJØOFOUSFMPTMBTEPDFOUFT UBMFTDPNPMPTFTUFSFPUJQPTEFDIJDPTNÈTDJFOUÓmDPT
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1BSBMFMBNFOUFMPTUFYUPTPmDJBMFT #0 TF×BMBOMBOFDFTJEBEEFVOBGPSNBDJØOBMBJHVBMEBEZBMB
NJYJEBE&TUBJOWFTUJHBDJØOTFPSJHJOBFOMBTSFTJTUFODJBTGPSNVMBEBTQPSMPTMBTFTUVEJBOUFTFO.BTUFS
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DPNFOUBEPVOBFWBMVBDJØOEF$. OJ×PPOJ×B TBUJTGBDUPSJBNFOPTFONBUFNÈUJDBT-PTSFTVMUBEPT
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