Journal des anthropologues
Association française des anthropologues
75 | 1998
Statut de l’écrit et de l’écriture en anthropologie
Le récit migratoire ou l’identité instable
Migrant narrative or unstable identity
Annie Benveniste
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/jda/2639
DOI : 10.4000/jda.2639
ISSN : 2114-2203
Éditeur
Association française des anthropologues
Édition imprimée
Date de publication : 1 décembre 1998
Pagination : 85-94
ISSN : 1156-0428
Référence électronique
Annie Benveniste, « Le récit migratoire ou l’identité instable », Journal des anthropologues [En ligne],
75 | 1998, mis en ligne le 01 décembre 1999, consulté le 02 mai 2019. URL : http://
journals.openedition.org/jda/2639 ; DOI : 10.4000/jda.2639
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Journal des anthropologues
Le récit migratoire ou l’identité instable
Le récit migratoire ou l’identité
instable
Migrant narrative or unstable identity
Annie Benveniste
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Dans sa célèbre description des combats de coqs, Clifford Geertz assimile la culture d’un
peuple à un ensemble de textes que « l’anthropologie s’efforce de lire par dessus l’épaule de
ceux à qui ils appartiennent en propre » (Geertz,1983 : 215). Interprétation des phénomènes
culturels comme métalangage, que Vincent Crapanzano (1986 : 51-77) qualifie de
brouillage, savamment opéré par C. Geertz, entre sa propre lecture et celle des Balinais.
Ces derniers y apparaissent sous un « ils » globalisant, tandis que le « je » de
l’anthropologue s’efface derrière l’autorité qu’il représente. Passage du « je » et du « tu »
marquant « l’énonciation, chaque fois unique » au « il », défini comme « non‑personne »,
mais pouvant référer à des positions objectives dans le temps et l’espace (Benveniste,
1981 : 251-257). Ainsi la figure masquée du dieu de la ruse, Hermès, introduit-elle le
trouble au cœur du travail anthropologique. N’a-t-il pas une double ambition paradoxale :
la révélation de l’autre – l’autre culture – dans son étrangeté et l’interprétation qui passe
par la mise en texte de fragments divers – événements, paroles, mythes collectifs – de
cette culture ? Le traitement des différences qui serait au cœur de l’activité de
l’anthropologue apparaît contradictoire avec la portée universaliste de son propos. Non
qu’il faille réduire ce paradoxe à l’opposition entre le recueil de données ou faits bruts par
l’ethnographie et leur interprétation qui est le rôle de l’ethnologie. L’opposition concerne
le double rapport du chercheur à ses interlocuteurs, d’une part, qui lui donne à lire leur
culture et à ses lecteurs, d’autre part, pour qui il doit produire un discours qui fasse
autorité.
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S’agit-il alors de traiter l’opposition selon la théorie de la légitimité culturelle ? (Grignon,
Passeron, 1989). La culture « autre » aura beau être parée des attributs de l’autonomie, la
description la ferait accéder, au mieux, au statut de culture réhabilitée. Même le rela‐
tivisme culturel qui a contribué à révoquer la conception de société primitive, prônant
« l’autosuffisance culturelle » (ibid : 33) contre l’idée d’une hiérarchie des cultures,
conserve un goût pour le « naturel ». Lévi-Strauss dans Tristes tropiques peut encore être
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accusé de rousseauisme1, prêtant à Rousseau ce qui ne lui appartient pas, la référence à
une société illustrant le modèle idéal du rapport de l’homme à son milieu.
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L’ethnologue et son objet – culture différente et/ou populaire – sont pris dans un rapport
hiérarchique où le premier élabore une construction intellectuelle de phénomènes issus
du second. C’est le travail d’écriture qui donne autorité à l’interprétation. L’intervention
de l’écriture dans les cultures d’Occident institue la coupure entre le corps vécu et le
savoir/contrôle sur les corps, entre le présent et le passé, le premier travaillant sur une
représentation du second d’où il élimine toute tradition vivante (de Certeau, 1975).
L’étude des sociétés autres, même si elle se veut une étude de leurs mythes dissocie la
présence active de la tradition recréée chaque fois qu’elle se pratique ou s’énonce et le
savoir produit sur elle. Celui-ci autorise le passage du dialogue avec l’autre à la mise en
texte de son histoire. Cette dernière, une fois transcrite, acquiert alors un autre sens que
celui qui s’énonce sur le terrain. L’histoire vaut pour autre chose que pour elle‑même.
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Le texte ethnologique, dans sa représentation de la culture de l’autre, serait donc toujours
allégorique (Clifford, 1986 : 98-121). Les anthropologues culturalistes s’appuyaient sur la
reconnaissance des sociétés lointaines pour alimenter la comparaison avec les problèmes
discutés dans leur propre culture. Dans l’allégorie meadienne, la description de l’ordre
social aux îles Samoa sert un projet pédagogique : réfuter la supériorité du modèle
américain et lui opposer un modèle idéal de solidarité. Aujourd’hui, la reconstitution du
patrimoine a remplacé la quête du paradis perdu. Mais on reste dans le paradigme d’une
ethnologie exotique qui bien qu’ayant renoncé à la recherche des origines, s’apparente à
une opération de sauvetage (ibid : 113). On ne demande plus aux cultures lointaines de
rendre accessible la signification des modèles sociaux que la complexité de nos sociétés a
soustrait à la transparence. Le passé est convoqué comme dans les « lieux de mémoire »
pour produire une identité collective. L’ethnologie devient, avec l’histoire, le domaine
privilégié où, à travers les récits autobiographiques, se construit le discours identitaire.
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L’utilisation de l’autobiographie ou des récits de vie n’est pas récente2. Elle a été un des
outils des sociologues de l’Ecole de Chicago, soucieux de retrouver des parcours, bientôt
redéfinis comme des carrières, avec leurs trébuchements, ruptures, redéploiements
derrière les processus de socialisation. Beaucoup plus récemment, en France, s’est
développé un mouvement de revendication des racines populaires de la culture.
Mouvement politique et social qui fut suivi, dans les sciences humaines, par la
constitution de nouveaux objets et de nouvelles méthodes : histoire orale, témoignages,
itinéraires de vie sont requis pour exprimer « le point de vue des dominés » et décrire le
« poids de la quotidienneté » (Joutard, 1983 : 179). Les récits de vie sont devenus dans la
décennie 70 une « véritable institution littéraire » (Chiss, 1985 : 15), faisant naître des
collections spécialisées et manifestant un intérêt pour le vécu, la subjectivité et
l’authentique contre la domination des formes savantes de constitution du savoir
historique ou ethnologique.
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Le récit de vie n’en reste pas moins un outil retravaillé par le chercheur, une fois balayée
l’illusion de la transparence du réel et de l’exemplarité du cas singulier (Passeron, 1989 :
3-22). Il est analysé ici à titre d’exemple de ce qui se joue dans une double relation, celle
du narrateur et celle du chercheur, la seconde seule étant destinée à devenir le produit
fini de la publication. Ce récit à deux voix me semble être caractéristique du problème
posé au début : celui de la transposition d’un énoncé oral en un texte écrit, d’un univers
dans un autre, d’une expérience singulière en un discours à visée universelle. D’un côté,
l’expérience singulière permet de condenser des niveaux de signification, de participer à
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la révélation d’une histoire tout en en occultant des fragments. Quand il s’agit de récits
migratoires, la remémoration est un moment privilégié de construction de l’identité
ethnique. « Le récit de vie articule la mémoire individuelle... et la mémoire collective, cet ensemble
de représentations du passé entretenues et transmises par le groupe » (Benoit-Lapierre, 1985 :
1119). Pour le chercheur, qui déplace son regard des sociétés lointaines vers certaines
fractions de sa société, la tentation est grande de faire de son objet un groupe différent,
défini comme totalité. Alors que les immigrants réinventent leur identité ethnique,
l’ethnologue crée, lui, une communauté fiction, espace de vie et de représentation de ses
interlocuteurs.
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Pour illustrer ces écueils qui guettent le chercheur dans son rapport au terrain et les
transpositions que le premier fait subir au « dialogue » avec ses informateurs, je relaterai
l’histoire d’une ‹recherche. Elle fut conduite à partir de récits que j’ai recueillis auprès
d’immigrants juifs, venus de l’Empire ottoman et installés dans un quartier du 11e
arrondissement de Paris, dans l’entre‑deux‑guerres3. Il s’agit d’un travail sur la
construction de la mémoire, ni reconstitution historique, ni enquête ethnologique, à
proprement parler, puisqu’il lui manque l’observation directe. Mon premier objectif était
d’analyser les stratégies d’immigration de cette population juive, aujourd’hui invisible,
pour comprendre comment elle s’était inscrite dans l’espace parisien. Sans doute mon
projet participait-il de l’illusion essentialiste, en voulant reconstruire un territoire
immigré et en me servant des récits de vie comme mode de restitution, parant ainsi
l’expérience singulière d’une profondeur ontologique. Mais le caractère problématique
des matériaux biographiques recueillis m’a contrainte à renoncer d’emblée à la
reconstitution et à travailler mon rapport à ces matériaux.
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En quoi étaient-ils problématiques ? Tout d’abord, aucun récit ne présentait la figure du
cas exemplaire, livré dans son intégralité. Ensuite, on n’y trouvait aucune structuration
du temps, qu’il s’agisse du temps social (événements du cycle de vie) ou du temps
historique (suite des événements qui marquent une époque). Tous les récits migratoires
étaient coupés par l’évocation de la dernière guerre et livrés en fragments qui ne
prenaient sens qu’énoncés à partir de cet événement tragique. Le poids de ce dernier
explique le caractère lacunaire et fragmentaire de la narration. Elle met l’accent sur les
fractures, les fuites miraculeuses, les échappées belles ; ou bien elle est conduite à toute
allure, quand il s’agit d’évoquer la période d’avant guerre, période sans histoire et qui va
sans dire, jusqu’à la période de l’occupation sur laquelle « on pourrait écrire des livres ».
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Je ne voulais pas changer d’objet et j’ai décidé de continuer sur la piste de l’immigration,
tout en interrogeant d’autres sources, écrites cette fois. Je montrerai par la suite
comment la lecture de ces dernières éclairent la signification cachée des archives orales.
Mais je voudrais revenir sur le rapport du chercheur au matériau biographique. Une
première façon d’analyser les récits, en quittant le point de vue de l’interprétation, c’est
de considérer leurs moyens et leurs cadres de production (Zemon-Davis, 1988 : 20-21). Les
récits sont des actions verbales qui se jouent dans l’interaction entre un narrateur et un
auditoire. Les conditions psychosociales de l’événement narratif entraînent une certaine
présentation de soi. Or, mes invitations à faire raconter le passé des émigrants se sont
heurtées à une double dénégation : refus de parler du passé d’avant la dernière guerre et
refus du statut d’émigré. Deux types de réponses étaient récurrentes. D’une part, il n’y
avait « rien à dire sur les Turcs » et d’autre part, ils n’avaient jamais émigré ; ils étaient
venus chercher l’aventure en France. Au delà des points communs avec tout récit
migratoire qui montrent la nécessité de se forger une image de soi positive, restait en
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suspens l’absence de répondants à ma question sur le passé ottoman. Cette absence
renvoyait à une autre plus enfouie, celle de la transmission culturelle. Mes questions
mettaient mes interlocuteurs face à un manque, celui de n’avoir rien laissé – ou si peu –
derrière eux, manque qu’attestait l’invisibilité de leur communauté et que redoublait la
douleur des pertes de la dernière guerre. Ils savaient que j’étais une descendante de juifs
orientaux et ils occupaient vis‑à‑vis de moi la position de grand‑parents qui n’avaient
rien à léguer de leur passé à leur petite‑fille. Leur itinéraire de vie se structure alors
autour d’un projet d’assimilation et leur récit se déroule comme un voyage d’aventures
depuis un départ volontaire vers un avenir prometteur. Ils avaient quitté l’Orient où ils ne
laissaient rien derrière eux pour l’Occident auxquels ils n’avaient jamais cessé
d’appartenir.
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Ma recherche devait‑elle témoigner de leur assimilation réussie ? J’ai choisi de traiter les
récits en me situant à une distance maximale et en m’attachant à leur structure formelle.
Ces récits, une fois retranscrits, se déroulaient sous mes yeux, comme les multiples
versions d’un mythe fondateur. Ils sont mythiques à plus d’un titre. Par leur référence au
passé lointain dont le vécu d’un événement traumatique du passé proche a barré l’accès
et qui est renvoyé du côté de l’origine. Par la forme narrative qu’ils adoptent.
Relativement dépouillée de descriptions et de faits véridiques, la narration repose sur une
structure où apparaissent des constantes thématiques, de rythme, d’enchaînement des
actions. Elle est faite sur un mode ludique qui cherche à charmer l’auditoire.
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Derrière la succession chronologique des événements qui forment la trame du voyage
d’émigration, le récit impose une structure qui énonce le sens caché du voyage. Et ce sens
caché qui n’est peut-être pas la lecture que font mes interlocuteurs de leur histoire ne
m’est apparu que lorsque je décidai de m’éloigner de la littéralité du récit tout en étant
réceptive à son jeu narratif. Comme dans le récit de l’Enéide, « l’exil s’est mué en retour »
(Hartog, 1996 : 27). Le récit de voyage est une stratégie narrative permettant de raconter
l’émigration comme un choix qui inscrit les acteurs dans la continuité culturelle,
masquant la véritable rupture. L’histoire apparente raconte les aventures du narrateur,
transformé en héros d’une quête, parfois dictée par le destin familial, entravée par des
agresseurs puis, aidée par des parents, des amis ou des rencontres de hasard. Le héros
doit faire face à une épreuve finale dont il sort victorieux et, en échange, il reçoit un billet
de passage pour Marseille. L’analyse structurale de ces récits permet de lire les aventures,
sur un autre plan que celui de la succession, comme de véritables changements d’état. La
structure de l’ensemble fait apparaître des thèmes récurrents.
• L’opposition du monde de l’enfance et du monde de l’âge adulte qui fait basculer d’un milieu
familial traditionnel à une autre collectivité.
• L’opposition entre la transmission des normes en ligne paternelle et l’imposition de
nouvelles normes par les femmes qui introduit ces dernières dans une nouvelle logique
familiale.
• L’opposition entre l’appartenance au mille4 juif – combinaison d’appartenance ethnique et
religieuse – et l’appartenance aux différentes nations issues du démantèlement de l’Empire
ottoman qui se résoud par le choix d’une troisième voie : partir pour la France dont on a déjà
adopté les valeurs culturelles. Le désir d’échapper au service militaire, rendu obligatoire
pour l’ensemble de la population après 1915, peut être analysé comme paradigme du refus
des nouvelles nationalités. L’obligation du service militaire met fin à un régime
discriminatoire interdisant aux minorités non-musulmanes de porter les armes. Mais elle est
interprétée comme une mesure persécutoire par les juifs – la levée d’un interdit qui
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distingue équivaut à une prescription d’uniformisation – et les candidats à l’émigration
useront de toutes les falsifications d’identité et de tous les travestissements pour obtenir un
visa de sortie, garant de leur différenciation. Cette dernière qui concernait le groupe sera
transformée en différenciation individuelle.
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Ainsi les actions des héros signifient, comme dans les mythes, plus que des changements
de situation. Elles sont de véritables transformations morales. Mais c’est par leur
combinaison que les éléments narratifs – ou éléments mythiques – acquièrent une
fonction signifiante et non dans leur traitement isolé (Lévi‑Strauss, 1958 : 232-234). Les
différents rites de passage qu’accomplissent les migrants – quand l’enfant ou la femme, se
muant en chef de famille, prend l’initiative de l’exode ; quand il faut changer son âge ou
son identité pour obtenir un passeport – peuvent être combinés pour signifier l’écart à la
norme familiale, aux traditions du groupe juif, au monde de l’Orient. Ils symbolisent la
sortie du groupe, le passage à l’individuation qu’expriment les divers changements
d’identité.
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Les récits, retranscrits sous forme de mythes, constituent des objets symboliques qui
forment système. La migration et l’aventure forment un système qui inscrit les voyageurs
dans la continuité, celle du juif commerçant, passant d’un pays à l’autre, d’une
marchandise à l’autre. Les récits veulent signifier que la trajectoire de l’immigrant se
confond avec la figure exemplaire du commerçant. Le premier était parti pour fuir une
situation qui le contraignait à entrer dans de nouveaux rapports avec la société
dominante. Son installation dans un autre pays, une autre configuration
socio‑économique, un autre univers le maintenait, pendant une période intermédiaire,
dans la situation de l’étranger, construisant sa trajectoire sur le modèle du séjour instable
du commerçant. Mais pour aboutir à cette conclusion et lire les récits comme les
multiples versions du mythe fondateur de la communauté des juifs orientaux, je devais
les rapprocher des récits racontant leur installation en France et des archives écrites
retraçant leur mode de structuration socio‑économique. Les premiers établissent un lien
entre les métiers du commerce, majoritairement exercés, et l’aventure ; les secondes
permettent d’analyser, dans le territoire d’immigration, le fonctionnement d’un espace
commerçant.
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On pourrait écrire pour finir l’histoire que les récits de vie illustrent de façon singulière
ce qu’on peut reconstituer à partir des sources objectives. Mais, à y regarder de plus près,
sources orales et écrites constituent deux séries d’éléments combinés qui se font écho,
sans pouvoir être comparés terme à terme. C’est ainsi que la consultation des archives de
m’a jamais permis de vérifier la véracité d’une seule trajectoire. Et ce n’est pas ce qu’en
définitive j’étais venue leur demander. Leur lecture qui montrait l’organisation sociale de
la communauté des juifs orientaux faisait étrangement écho avec les trajectoires
reconstituées à partir des récits. On pouvait poser une équivalence entre « émigrer pour
faire du commerce » (lecture des archives écrites) et « émigrer pour chercher l’aventure »
(lecture des archives orales) dès lors que « chercher l’aventure » (= émigrer) signifiait
l’appartenance à une communauté de commerçants. Le mythe mettant en scène des héros
aventureux, fondateurs d’une communauté de commerçants permet d’opérer une
médiation entre deux énonciations contradictoires, émigrer ou choisir de venir en
France. Médiation qui, traitant la première rupture de la trajectoire comme solution de
continuité, laisse à la seconde rupture – l’époque de la guerre – la possibilité d’occuper
entièrement cette place, tout en expliquant l’absence de transmission.
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NOTES
1. Cf.l'analyse que fait Jean Copans de « Lévi-Strauss face à Rousseau » dans Le sauvage à la mode.
2. La problématique des récits de vie est infiniment plus riche que le bref aperçu que j'en donne.
Je voulais seulement rappeler ici le contexte de leur apparition dans le champ anthropologique et
je m'intéresserai à la place de la narrativité dans les représentations culturelles.
3. Cette recherche a été publiée sous le titre Le Bosphore à la Roquette. L'article ne la reprend pas
mais tente d'expliciter certains éléments de son histoire.
4. Structure demeurée relativement informelle jusqu'au XIX esiècle et qui définissait la nature
juridique des communautés ethnico-religieuses de l'Empire ottoman.
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RÉSUMÉS
Cet article présente un exemple de restitution écrite de matériaux oraux à partir de la
construction de la mémoire d’immigrants juifs de l’entre‑deux‑guerres. Le problème de la mise
en récit est replacé dans une réflexion plus vaste sur les modes de transcription des phénomènes
culturels dans l’approche anthropologique. Puis l’article procède à une analyse structurale des
récits migratoires qui se présentent comme des fragments formant une chaîne signifiante et
exprimant une histoire mythique du groupe.
This article presents an example of written representation of oral material taken from the
construction of the collective memory of immigrant Jews from the period between the two World
Wars. The difficulty of setting down a written account is placed in a wider-ranging reflection
upon the modes of transcription of cultural phenomena used in the anthropological approach.
The article then proceeds with a structural analysis of migrant narratives which are presented as
fragments forming a succession full of significance and conveying a mythical history of the
group.
AUTEUR
ANNIE BENVENISTE
Université Paris VIII – URMIS
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