REVUE BELGE
DE
NUMISMATIQUE
ET DE SIGILLOGRAPHIE
CLXVII – 2021
BELGISCH TIJDSCHRIFT
VOOR
NUMISMATIEK
EN ZEGELKUNDE
BRUXELLES – BRUSSEL
TABLE DES MATIÈRES – INHOUDSTAFEL
mémoires – artikels
omas Leblanc, Le système pondéral de Cyzique
Panagiotis P. Iossif & Corine T. Gerritsen, Alexander II Zabias in Damascus: a numismatic reading of the evidence
Antony Hostein, Le thème de la con ance (Fides) dans le discours monétaire des empereurs romains. Naissance et premiers développements, de
Galba à Hadrien
Jack Nurpetlian, Tripolis and Orthosia tetradrachms of Caracalla: some
thoughts on coin production and minting methods
Andreas J.M. Kropp, Tripolis and Orthosia tetradrachms of Caracalla: attributions and visual analysis of the ‘pilei’ and ‘idol’ tetradrachms
Giel Verbeelen, e Roman settlement of Tienen (BE): a numismatic analysis
Jay Dharmadhikari, uelques considérations sur les premières émissions
en bronze argenté de la collection Dattari émises après la réforme de Dioclétien (296-303)
Rika Gyselen, Poids arabo-sassanides monétiformes du « poids de sept » et
du « poids de huit »
Jean-Luc Dengis, Le dépôt monétaire de Ciney-Dinant : monnaies issues
d’ateliers mosans dits indéterminés – monnayages d’imitation du xe siècle
Jos Benders & eo Nissen, Het muntprivilegie voor de stad Roermond
van 17 december 1485
Jos Benders, De Luikse muntslag te Maastricht, 1541-1543
François de Callataÿ, Les « médailles de sainte Hélène » et l’expression
«
de coin ». À propos d’une lettre de Nicolas-Claude Fabric de Peiresc
François de Callataÿ & Bernhard Weisser,
Arthur Löbbecke (1850-1932), banker in Braunschweig and one of the foremost collectors of Greek coins, through his early correspondence with
foreigners (1876-1889)
1
19
63
116
143
190
232
262
277
333
353
363
369
mélanges – mengelingen
Jordan Montgomery & Richard Schaefer, Notes on two issues of anonymous Roman Republican bronzes
Hendrik Van Caelenberghe, Vondst van een Romeinse munt op Antwerpen-Linkeroever
R. Van Laere & O. Trostyanskiy, New 11th- and 12th-century denars from
Lower Lotharingia and Flanders: Bastogne, Liège and some unidenti ed
mints
O. Trostyanskiy, Magdeburg (D) and Lille (F), a fortuitous encounter in East
Prussia
Hendrik De Backer & Raf Van Laere, Een variant van de denieren van
Hendrik I, hertog van Brabant (1190-1235) voor Herstal
411
417
419
431
433
inhoudstafel – table des matières
Jos Benders & Willy Geets, Ad vondst Jupille 2007
Willem Van Alsenoy, Een muntvondst uit Sint-Amands (eind 18de eeuw)
Éric Tripnaux, Un jeton en or de la loge l’Équité créée à Bruxelles en 1743
François de Callataÿ, Les armes du Béarn et de Navarre : à propos d’une
par PierreAntoine de Rascas de Bagarris
François de Callataÿ, Les monnaies dans les latrines ! L’arrivée de Louis
Alvin à la tête de la Bibliothèque royale en 1850
-Pie Namur
(1850-1852)
437
438
440
446
449
comptes rendus – recensies
Rudolf Hilbert, Die Elektronprägung von Milet, Bonn, 2018
(Fr. de Callataÿ)
Véronique Chankowski,
merçants dans la Délos hellénistique, Athènes, 2019 (Fr. de Callataÿ)
P.-O. Hochard, Lydie, terre d’Empire(s). Étude de numismatique et d’histoire (228 a.C. – 288 p.C.), Bordeaux, 2021
(Fran Stroobants)
Christian Lauwers, Le Cabinet des médailles, Treignes, 2020
(Fr. de Callataÿ)
458
461
466
468
bibliographie – bibliografie
Christine Servais, Biblio raphie de la numismatique bel e 2019-2020 –
Biblio ra e van de Bel ische numismatiek 2019-2020
471
srnb – kbgn
Extraits des procès-verbaux – Uittreksels uit de verslagen
497
Listes des membres – Ledenlijsten
525
Thomas LEBLANC*
LE SYSTÈME PONDÉRAL DE CYZIQUE
C
ité majeure et méconnue de la Propontide antique [1], Cyzique a
livré un ensemble considérable de poids commerciaux qui documente
le système métrologique de la cité à l’époque hellénistique. Une partie
ticles [2], puis dans un ouvrage [3]. Simone Killen a par ailleurs proposé une analyse typologique des poids de Cyzique dans un ouvrage récent [4], mais son
étude couvre moins de la moitié des poids connus aujourd’hui. Dans le cadre
d’un mémoire de master consacré à cette question, j’ai pu rassembler un
corpus de 136 poids, contre 71 chez S. Killen (dont 6 faussement attribués à
Cyzique) et 135 chez Tekin (dont 15 faussement attribués à la cité).
L’analyse typologique et métrologique a permis d’établir que les poids de
Cyzique se conforment probablement à l’étalon attique, adopté au début de
l’époque hellénistique. Elle permet aussi de mettre en évidence un phénomène
métrologique singulier, à savoir l’utilisation du statère comme unité métrologique correspondant au e de la mine.
Un canevas cyzicène ?
Les symboles et légendes gurant sur les poids de Cyzique ne sont pas aléatoires. Deux symboles apparaissent de manière prépondérante : la torche (79
poids sur 136, soit 58,1%) et le thon (31 poids sur 136, soit 22,8%). Les autres
symboles sont nettement plus rares : le caducée apparait sur 9 poids (6,6%), le
dauphin sur 4 poids (2,9%), tandis que le poisson, le thon accompagné d’un
trident, le dauphin accompagné de deux tridents, l’amphore et le foudre n’apparaissent chacun qu’une seule fois (0,7%). Sur 8 poids (5,9%), le symbole ne
peut être identi é à cause d’une importante corrosion [5].
* e : thomas.leblanc@uclouvain.be
Titre de l’ouvrage de Sève & Schlosser 2014. Pour plus d’informations sur Cyzique, voir
Hasluck 1910 ; Vian 1978.
[2]
Voir entre autres Tekin & Baran Çelik 2013 ; Tekin 2013a ; Tekin 2013b ; etc.
[3]
Tekin 2016.
[4]
Killen 2017.
[5]
Les deux types iconographiques principaux peuvent être rattachés aux mystères du culte
civique de Korè Soteira pour la torche, et au secteur halieutique pour le thon (comme pour
le dauphin et le poisson). Le caducée et l’amphore pourraient renvoyer à Hermès en tant que
dieu du commerce. Le foudre, arme de Zeus, ne surprend pas si l’on garde en mémoire l’information livrée par Appien : « Zeus donna la ville [Cyzique] à Korè comme dot, et les Cyzicéniens ont pour celle-ci une vénération plus grande que pour les autres dieux » (Appien,
Guerre mithridatique, 75, 323).
[1]
rbn clxvii (2021), p. 1-18.
2
thomas leblanc
L’ethnique
est diversement abrégé :
apparait 86 fois
(63,2%) et
45 fois (33,1%) ;
et
ne sont attestés que deux fois
chacun (1,5%), tandis que la forme
est un hapax, qui gure sur une
probable contrefaçon moderne [6]. La place de la légende est également révélatrice : sur 132 des 136 poids (97,1%), le symbole est encadré par l’ethnique audessus et la dénomination en-dessous. Ce canevas s’observe sur les poids qui
peuvent être rattachés à Cyzique avec une quasi-certitude. Sur cette base ont
été écartés un certain nombre de poids qui, par le passé, avaient été trop rapidement attribués à Cyzique.
L’étalon pondéral attique
Des 136 poids du corpus, 128 peuvent faire l’objet d’une analyse métrologique [7]. Après une comparaison avec les dénominations et masses des poids
commerciaux d’Athènes [8], on observe que 126 poids présentent des masses
qui coïncident avec les di érents ratios de l’étalon pondéral attique, tels qu’attestés par les exemplaires athéniens [9]. Les di érentes masses attendues pour
chaque dénomination selon ces di érents ratios sont indiquées dans le tableau
ci-dessous (masses arrondies à 1 g).
L’analyse métrologique des poids présente plusieurs di cultés. En e et, les
poids commerciaux sont probablement étalonnés avec un degré de précision
inférieur à ce qui est exigé pour les monnaies. La production de ces objets par
moulage entraîne la formation d’une « peau » [10] granuleuse, qui est susceptible de retenir les éléments extérieurs tels l’oxygène [11]. L’utilisation préférentielle du plomb complique également l’analyse car ce métal est facilement malléable et sensible à l’usure accentuée par la manipulation quotidienne de ces
poids [12]. Par ailleurs, il est nécessaire de tenir compte de l’état d’usure et de la
corrosion des poids, mais aussi des pertes liées au nettoyage de ces objets, que
J. Kroll évalue à 8-9% en moyenne [13]. Sur base de cette moyenne, les poids
conservés pourraient être répartis en trois catégories : identi cation probable
Le poids 22 me paraît hautement suspect. Le type iconographique (thon sur trident) et
l’abréviation de l’ethnique (
sont uniques dans le corpus de Cyzique. De plus, sa
dénomination (mine) ne correspond pas à sa masse (213,10 g). Tous ces éléments me poussent à le considérer comme une contrefaçon moderne destinée à être vendue sur le marché
des antiquités, où on observe un nombre toujours croissant de poids mis en vente.
[7]
Huit poids n’ont pas été analysés pour diverses raisons : contrefaçon (no 22), fragmentaire
(n° 38), absence de masse (nos 62, 87, 88 et 116), dénomination non identi able (nos 135 et
136). Ils sont toutefois présents dans le catalogue en n d’article.
[8]
Voir Lang & Crosby 1964 et Willocx 2020.
[9]
Voir Doyen 2012.
[10]
Cochet 2000, p. 8.
[11]
Naster 1975, p. 72.
[12]
Gatier 2014, p. 133.
[13]
Kroll 2020, pp. 53, 57 et 62.
[6]
le système pondéral de cyzique
3
100:1 105:1 112,5:1 125:1 137,5:1 150:1 162,5:1 175:1
Rapports
Dénominations
au ratio attendu (perte inférieure à 8% par rapport à la masse théorique) ;
identi cation incertaine (perte comprise entre 8 et 12%) ; identi cation improbable (perte supérieure à 12%). Cette catégorisation des poids est un outil
de travail ayant ses limites, mais qui permet tout de même d’observer un rattachement possible avec les masses théoriques attendues.
3 mines 1.305 g 1.370 g 1.468 g 1.631 g 1.794 g 1.957 g 2.121 g 2.284 g 75
2 mines
870 g
913 g
979 g
1 mine
435 g
457 g
489 g
544 g
598 g
652 g
707 g
761 g
½ mine
217 g
228 g
245 g
272 g
299 g
326 g
353 g
381 g 12
145 g
152 g
163 g
181 g
199 g
217 g
236 g
254 g
8
109 g
114 g
122 g
136 g
150 g
163 g
177 g
190 g
6
6 statères 104 g
110 g
117 g
130 g
144 g
157 g
170 g
183 g
6
3 statères
52 g
55 g
59 g
65 g
72 g
78 g
85 g
91 g
3
2 statères
35 g
37 g
39 g
43 g
48 g
52 g
57 g
61 g
2
1 statère
17 g
18 g
20 g
22 g
24 g
26 g
28 g
30 g
1
½ statère
9g
9g
10 g
11 g
12 g
13 g
14 g
15 g
½
¼ mine
1.087 g 1.196 g 1.305 g 1.414 g 1.522 g 50
25
Étalons de l’époque classique (100 et 105 drachmes à la mine)
Aucun poids de Cyzique ne se réfère avec une haute probabilité aux ratios
100:1 [14] et 105:1 [15], ce qui trouverait un écho dans les événements historiques.
En e et, jusqu’à la bataille du Granique (334 av. J.-C.), Cyzique, située à 40 km
de la capitale de Phrygie hellespontique (Daskyleion), était tributaire de
l’empire perse [16]. Au vu du corpus de poids de Cyzique, on pourrait dès lors
penser que la cité n’adopta pas l’étalon pondéral attique avant la conquête
d’Alexandre. En e et, parmi les poids les plus légers du corpus, certains présentent une perte de masse acceptable par rapport aux ratios les plus anciens
(100:1 et 105:1), mais sont dans un état de corrosion avancé. Ces poids auraient
pu être étalonnés sur le ratio 112,5:1 adopté après que l’epikatallagê (
Voir les poids nos 11, 32, 86, 114, 132 et 133.
Voir les poids nos 10, 20, 21, 30, 31, 37, 59, 60, 84, 85, 111, 112, 113 et 131.
[16]
Ma re 2014, p. 96.
[14]
[15]
4
thomas leblanc
) entérina la modi cation de la masse théorique de la drachme éginétique (de c. 6,8 à c. 5,8 g). Cette réévaluation eut pour conséquence d’augmenter la contrepartie en bronze de la drachme attique de 456,75 g (105:1) à 489,37
g (112,5:1) [17], conformément à l’équation ainsi décrite : « on réévalue la contrepartie en bronze sans modi er la masse de l’argent » [18].
Les cyzicènes [19] circulent encore dans la zone pontique [20] en c. 329 av.
J.-C., comme en témoigne Démosthène dans son Contre Phormion : « Le statère de Cyzique valait au Bosphore vingt-huit drachmes attiques » (
) [21]. Cette assertion indique que le cyzicène équivaut à 28 drachmes attiques, d’où l’on peut tirer
deux enseignements : en premier lieu, la con rmation que, avec l’entrée
d’Alexandre en Asie Mineure, l’étalon attique devient la référence universelle ;
en second lieu, l’indication que le cyzicène est compté, en réalité, pour un
quart de mine commerciale (28#4 = 112) puisque la mine commerciale contemporaine du discours pèse 112,5 drachmes attiques. Un décret d’Olbia du
Pont, daté de c. 350-325 av. J.-C., con rme cette valeur du cyzicène : « La monnaie d’or, qu’on la vende ou qu’on l’achète au taux d’un statère de Cyzique contre
dix statères et demi » (
[
]|
[22]
[
]
) . Si l’on date cette inscription
d’après l’epikatallagê, comme il convient [23], le décret con rme une valeur de
28 drachmes attiques pour un cyzicène : 10,5 statères éginétiques = 21 drachmes éginétiques qui, au taux de change 3:4, équivalent à 28 drachmes attiques.
Les équivalences entre un statère en électrum, 7 tétradrachmes attiques et 10,5
statères éginétiques se conforment toutes au ratio 112,5:1, d’où l’équation :
4 cyzicènes = 112 drachmes attiques (soit la masse de la mine commerciale).
Statères en électrum
Drachmes attiques
Statères éginétiques
1
28
10,5
4
112
42
À la même époque, le statère attique en or, qui vaut 5 tétradrachmes attiques,
s’échange désormais contre 7,5 statères éginétiques, plutôt que 7 statères [24].
Doyen 2012, p. 31-32.
Marchetti 2014a, p. 587.
[19]
Sur les cyzicènes, voir entre autres Laloux 1971 ; Marchetti 1976 ; Bogaert 1963.
[20]
Müller 2010, p. 227. L’auteure montre que dès le départ, cette région n’appartient pas à la
« zone monétaire de l’étalon attique ».
[21]
Démosthène, Contre Phormion, 23.
[22]
IK Kalchedon 16 = IosPE I² 24 =IGDOlbia 14, . 23-29 (passage complet).
[23]
Marchetti 2014b, p. 147. Voir les pages 135-147 pour la démonstration de l’auteur qui montre
qu’il faut bien lire 10,5 statères éginétiques dans le décret d’Olbia, et non 8,5.
[24]
Sur l’epikatallagê voir Doyen 2012, p. 29-35 ; Marchetti 2007 ; Marchetti 2011.
[17]
[18]
le système pondéral de cyzique
5
Cinq statères en or valent donc 100 drachmes attiques ou 75 drachmes éginétiques (soit la masse de la mine monétaire).
Statères en or
Drachmes attiques
Statères éginétiques
1
20
7,5
5
100
37,5
Cette nouvelle équivalence démontre l’existence d’un ratio bronze-argent de
112,5:1 et d’un ratio argent-or de 10:1. L’
témoigne aussi d’une
nouvelle articulation entre les métaux précieux (or et argent plutôt qu’électrum et argent), de l’emploi préférentiel de l’étalon attique au détriment de
l’étalon éginétique, et de l’évolution des normes de comptabilité, qui recourent
à la mine monétaire autant qu’à la mine commerciale.
Étalons de l’époque hellénistique (de 112 à 175 drachmes à la mine)
L’adoption de l’étalon attique par Cyzique au début de l’époque hellénistique
s’inscrirait donc dans un mouvement beaucoup plus large, qui aura des conséquences profondes sur le paysage pondéral et monétaire de l’Orient méditerranéen durant toute l’époque hellénistique. Les poids de la cité peuvent se
rattacher aux divers ratios de l’étalon attique attestés par les sources, à savoir
les ratios 112,5:1 (seconde moitié du ive s. [25]), 137,5 :1 (iie s. [26]) et 150:1 ( n
du iie s. et début du ier s.). Mais ce corpus témoigne aussi de l’existence d’un
ratio qui n’est pas (encore) attesté par une source écrite, celui de 125:1 [27]. Ch.
Doyen en postule l’existence sur la base de la masse du tétradrachme ptolémaïque et des monnaies civiques de Byzance et de Chalcédoine au milieu du
iiie s. av. J.-C. (drachme en argent de c. 3,50 g). Cette réduction pondérale de
la drachme en argent (de 4,35 g à c. 3,5 g) trahirait une volonté d’aligner la
masse de la drachme en argent sur la valeur d’une mine de bronze de 435 g et
implique donc un ratio de 125:1 entre le bronze et l’argent. Ce ratio correspond à une mine commerciale de 543,75 g (4,35 g#125), qui est de loin la
mieux attestée à Cyzique (52 poids [28], soit 43,3%). Les autres ratios, dont l’exisLe ratio 112,5 : 1 découle de l’epikatallagê (c. 335 av. J.-C.) comme vu précédemment.
L’inscription IG II2 1013, . 29-33, datée de la n du iie siècle av. J.-C., mentionne l’abandon
d’une mine commerciale de 138 drachmes (137,5 arrondis) au pro t d’une mine de 150
drachmes. Il est donc possible d’en déduire que la mine commerciale de 137,5 drachmes t
utilisée avant cette inscription, et donc au cours du iie siècle av. J.-C.
[27]
Ce ratio est supposé par Ch. Doyen qui se base sur la logique d’échelle et sur l’arithmétique
pour déduire son existence : Doyen 2012, p. 51 ; mais aussi par M. Lang, qui évoque la probable
existence d’autres ratios que ceux attestés par des sources écrites (Lang & Crosby 1964, p. 4).
[28]
Voir les nos 1, 3, 6, 7, 9, 14, 15, 16, 19, 24, 25, 26, 27, 34, 35, 36, 42, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54,
55, 56, 58, 69, 70, 71, 72, 73, 75, 76, 78, 79, 80, 99, 100, 102, 103, 105, 106, 107, 108, 110, 126, 127,
128, 129 et 130.
[25]
[26]
6
thomas leblanc
tence est con rmée par des sources écrites, comptent 29 poids [29] (24,2%) pour
le ratio 112,5:1, 17 poids [30] (14,2%) pour celui de 137,5:1 et 9 en n (7,5%) pour
le ratio 150:1. Au-delà du ratio 150:1, en suivant la logique arithmétique qui
préside à l’accroissement régulier de la mine commerciale par bonds successifs de 12,5 drachmes (112,5 ; 125 ; 137,5 ; 150), on est amené à postuler la mise
en place, au cours du ier siècle av. J.-C., d’au moins deux autres étalons : l’un
de 162,5:1 et l’autre de 175:1. Même si ces ratios ne sont pas encore con rmés
par des sources écrites, ils sont attestés par les poids athéniens [31] et les poids
de Cyzique. Neuf poids [32] (7,5% du total) correspondent au ratio de 162,5 :1,
et quatre [33] (3,3%) peuvent être rattachés au ratio 175:1.
Ratio
Nombre de poids Pourcentage du corpus analysable
112,5:1
29
22,7%
125:1
52
40,6%
137,5:1
17
13,3%
150:1
9
7,0%
162,5:1
9
7,0%
175:1
4
3,1%
Un phénomène pondéral unique
À Cyzique, les poids liés au statère (5 dénominations) et à la mine (5 dénominations) s’inscrivent dans un système cohérent. Si la mine est attestée dans
tous les systèmes pondéraux grecs, le statère est une dénomination plus ambigüe [34].
À l’origine, le mot « statère » (
renvoie à une unité pondérale, comme
l’indique son étymologie, ainsi que l’a rappelé V. Van Driessche : la racine verbale
- signi e « placer debout, peser », tandis que le su xe fait du
Voir les nos 4, 8, 10, 17, 18, 20, 21, 28, 29, 30, 31, 32, 37, 57, 59, 60, 77, 81, 82, 83, 84, 85, 111, 112,
113, 114, 131, 132 et 133.
[30]
Voir les nos 2, 23, 33, 40, 41, 46, 65, 66, 67, 68, 96, 97, 98, 101, 104, 109 et 125. À noter que les
nos 96, 101, 104 et 109 proviennent du même moule mais présentent des masses disparates.
[31]
Voir à ce sujet Willocx 2020, p. 13.
[32]
Voir les nos 13, 63, 65, 92, 93, 94, 95, 119 et 120.
[33]
Voir les nos 89, 90, 91 et 118.
[34]
Certains chercheurs, comme O. Tekin, estiment que ces poids sont liés au système monétaire : « It has to be kept in mind that Kyzikene weights are usually in the range […] [of] coin
stater (weight for checking the weights of coins) », voir Tekin 2016, p. 71. Cependant, si tel
était le cas, ils auraient conservé une masse xe et continue, or, leur masse s’accroît régulièrement au l du temps.
[29]
le système pondéral de cyzique
7
un nom d’agent. Le statère est donc un « peseur » [35]. Dans le système
athénien, ce « peseur » de référence renvoie au départ à la double mine en
bronze, soit 870 g et à son équivalent en argent (8,7 g), comme le résume V.
Van Driessche : « un statère de bronze coûtait un statère d’argent, soit deux
drachmes à Athènes » [36]. En ce qui concerne le monnayage en or, l’appellation
« statère » désigne toujours un didrachme d’étalon attique (8,70 g).
Histogramme de répartition du statère et de ses diviseurs (d’ordre 1 g)
22
20
18
16
14
12
10
8
6
4
35-36
34-35
33-34
32-33
31-32
30-31
29-30
27-28
28-29
26-27
25-26
24-25
23-24
22-23
21-22
20-21
19-20
18-19
17-18
16-17
15-16
14-15
2
Classes d'ordre 1 (en grammes)
Cependant, un statère « lourd », qui pèse le double du statère attique, est également attesté. Ainsi, le premier étalon chalcidien se fonde sur un statère d’argent de 17,40 g (soit un tétradrachme), qui se divise en tiers (5,80 g) et en
sixièmes (2,90 g), tandis qu’ailleurs en Eubée, ce même statère « lourd » (17,40
g), se divise en demis de 8,70 g (soit un « statère » attique), ou en quarts de
4,35 g (soit une drachme attique). La dichotomie entre un statère « léger » de
8,70 g et un statère « lourd » de 17,40 g apparaît dès les premières frappes monétaires de Chalcis, qui émet des statères lourds contemporains des Wappenmünzen [37]. En e et, comme le précise Séléné Psoma, les monnaies de Chalcidique dont la masse correspond à un statère eubéen ou un tétradrachme attique, sont renseignées dans les sources comme statères et non comme tétraVan Driessche 2009, p. 19-20.
Ibid., p. 86. Le statère corinthien est également aligné sur le statère attique.
[37]
Sur les Wappenmünzen voir Flament 2007, p. 9-23.
[35]
[36]
8
thomas leblanc
drachmes [38]. Les dernières séries de Wappenmünzen et les premières émissions glaucophores adoptent le statère « lourd » (tétradrachme de 17,40 g)
comme dénomination principale, en lieu et place du didrachme en argent. Le
tétradrachme restera la clef de voûte du monnayage athénien en argent jusqu’à
la n de la période hellénistique [39]. Le monnayage d’Alexandre le Grand imposera le statère au sens d’un tétradrachme attique dans toute la Méditerranée
orientale, y compris à Cyzique [40]. En Égypte ptolémaïque, le terme « statère »
s’applique d’ailleurs au tétradrachme « ptolémaïque », comme l’indique un
passage explicite des Revenue Laws :
|
|
.
Nous vendons la ferme à la valeur du bronze et nous prendrons
pour le statère 24 oboles [24 oboles ÷ 6 oboles/drachme = 4 drachmes] [42].
À Cyzique, les poids liés au « statère » ne peuvent en aucun cas être des poids
monétaires, puisque leur masse évolue au l du temps. Leur possible péréquation sur l’évolution des ratios bronze-argent invite à voir en ces poids des
poids commerciaux. Il semblerait donc qu’à Cyzique, le terme « statère » ait
subi un glissement sémantique pour désigner d’abord une unité de valeur de
masse (17,40 g) et de valeur ( e de mine monétaire) constantes, avant de devenir une unité pondérale correspondant au
e de la mine commerciale,
quelle qu’en soit la masse en fonction des di érents ratios. La masse du statère
augmente donc au r et à mesure que le ratio bronze-argent évolue. Ce phénomène a pu s’étendre à la région, comme le suggèrent d’autres poids des cités
alentour [43]. C’est notamment le cas d’un poids de Byzance [44] portant la
légende de (
)| (
). Ce « distatère » pèse actuellement
51,67 g et pourrait correspondre à un distatère « cyzicénien » au ratio 150 :1
(d’un poids théorique de 52,20 g).
[41]
Psoma 2006, p. 88-89. Voir notamment une étude de l’auteur sur un compte athénien du ve
siècle : S. Psoma,
5°
4°
., in Obolos,
2000, p. 25-36.
[39]
Ibid., chapitres ii et iii.
[40]
Price 1991, p. 207.
[41]
P.Rev. col. 60, 13-15 et 58, 6-8.
[42]
Traduction de Burkhalter 2014, p. 573. Il n’est pas aisé de comprendre la portée de l’expression
dans ce passage : à ce sujet, voir notamment Marchetti 2014a.
[43]
Voir notamment Pondera Online, #11836 (Abydos) ; #1279 et #1290 (Lampsaque) ; #3174,
#3175 et #3292 (Alexandrie de Troade).
[44]
Voir Pondera Online, #1718.
[38]
le système pondéral de cyzique
9
Conclusion
L’étude de l’iconographie et des légendes des poids de Cyzique montre une
typologie très codi ée, à savoir le « canevas cyzicène ». L’analyse métrologique impliquerait, que les poids soient calibrés sur l’étalon pondéral attique
puisque plus de 90% des poids analysables sont rattachables aux di érents ratios appliqués à cet étalon. Le recours à l’étalon attique à Cyzique pourrait être
daté, au plus tôt, de 334 av. J.-C. À partir de cette date, le « statère » doit s’analyser avant tout comme une unité pondérale équivalant au
e de la mine
commerciale. Ce phénomène pondéral particulier pourrait avoir été appliqué
dans les cités alentour, mais cette hypothèse doit être étayée par une étude des
poids de ces cités, a n d’aboutir à une vision plus globale de la métrologie en
Propontide hellénistique.
10
thomas leblanc
PLANCHE
Fig. 1 – 2 Mines
8,5#8 cm [45]
Fig. 2 – 1 Mine
8,4#7,3 cm [46]
Fig. 3 – ½ Mine
? cm [47]
Fig. 4 – ¼ de Mine
? cm [48]
Fig. 5 – 3 Statères
3,9#3,9 cm [49]
Fig. 6 – 2 Statères
3,2#3 cm [50]
Gorny & Mosch Giessener Münzhandlung (https://www.gmcoinart.de/), Auction 216,
no 3569. Échelle 1: 2.
[46]
Classical Numismatic Group, LLC (https://www.cngcoins.com/), Auction 94 (18/09/2013),
no 874. Échelle 1: 2.
[47]
Dr. Busso Peus Nachfolger (https://www.peus-muenzen.de/), Auction 421 (01-03/11/17),
no 1276a.
[48]
Dr. Busso Peus Nachfolger (https://www.peus-muenzen.de/), Auction 421 (01-03/11/17),
no 1276b.
[49]
Classical Numismatic Group, LLC (https://www.cngcoins.com/), Auction 94 (18/09/13),
no 876. Échelle 1: 1.
[50]
Classical Numismatic Group, LLC (https://www.cngcoins.com/), Triton XXI (09/01/18),
no 456. Échelle 4: 3.
[45]
le système pondéral de cyzique
Fig. 7 – 1 Statère
2,6#2,6 cm [51]
11
Fig. 8 – ½ Statère
2,1#2,3 cm [52]
Classical Numismatic Group, LLC (https://www.cngcoins.com/), Auction 94 (18/09/13),
no 879. Échelle 10: 7.
[52]
Classical Numismatic Group, LLC (https://www.cngcoins.com/), Auction 94 (18/09/13),
no 880. Échelle 2 : 1.
[51]
12
thomas leblanc
LISTE DES POIDS
Numéro
Matière
Dénomination
Masse (g)
Permalink
1
Bronze
¼ Mine
130,07
11513
2
Bronze
2 Statères
45,20
1523
3
Bronze
2 Statères
42
3366
4
Bronze
2 Statères
39,95
12705
5
Bronze
2 Statères
29,90
11838
6
Bronze
1 Statère
21,92
12053
7
Bronze
1 Statère
20,41
12811
8
Bronze
1 Statère
19,18
12058
9
Plomb
3 Mines
1500
12006
10
Plomb
2 Mines
910
1719
11
Plomb
2 Mines
826
12010
12
Plomb
1 Mine
1053
11472
13
Plomb
1 Mine
673,30
3375
14
Plomb
1 Mine
506,80
11991
15
Plomb
1 Mine
506,10
3376
16
Plomb
1 Mine
499,60
12011
17
Plomb
1 Mine
493,70
3377
18
Plomb
1 Mine
492,10
12018
19
Plomb
1 Mine
495,43
12019
20
Plomb
1 Mine
465,60
1525
21
Plomb
1 Mine
465,10
1795
22
Plomb
1 Mine
213,10
3543
23
Plomb
½ Mine
293
11512
24
Plomb
½ Mine
264
12787
25
Plomb
½ M ine
254,05
1796
le système pondéral de cyzique
13
26
Plomb
½ Mine
252,50
12020
27
Plomb
½ Mine
252
3219
28
Plomb
½ Mine
243,20
12021
29
Plomb
½ Mine
239,30
12655
30
Plomb
½ Mine
234,80
3378
31
Plomb
½ Mine
231,80
1577
32
Plomb
½ Mine
221,20
3220
33
Plomb
Mine
187,81
12024
34
Plomb
Mine
172,70
11992
35
Plomb
¼ Mine
134,58
12026
36
Plomb
¼ Mine
129,10
3379
37
Plomb
¼ Mine
117,20
12027
38
Plomb
¼ Mine
75
12028
39
Plomb
6 Statères
147,20
12031
40
Plomb
6 Statères
141,40
3361
41
Plomb
6 Statères
132,40
3362
42
Plomb
6 Statères
125,80
12032
43
Plomb
3 Statères
74,15
3222
44
Plomb
3 Statères
73,10
3363
45
Plomb
3 Statères
71,72
1720
46
Plomb
3 Statères
67,40
11840
47
Plomb
3 Statères
64,50
11993
48
Plomb
3 Statères
63,60
12033
49
Plomb
3 Statères
63,40
12034
50
Plomb
3 Statères
62,80
12035
51
Plomb
3 Statères
62,51
12036
52
Plomb
3 Statères
62,21
11494
53
Plomb
3 Statères
61,10
3227
54
Plomb
3 Statères
60,66
12037
14
thomas leblanc
55
Plomb
3 Statères
59,96
3190
56
Plomb
3 Statères
59,28
12009
57
Plomb
3 Statères
58,70
3364
58
Plomb
3 Statères
57,30
1803
59
Plomb
3 Statères
56
3365
60
Plomb
3 Statères
55,09
12038
61
Plomb
3 Statères
44,20
1524
62
Plomb
3 Statères
?
13053
63
Plomb
2 Statères
55,50
12039
64
Plomb
2 Statères
52,55
12040
65
Plomb
2 Statères
52,45
1804
66
Plomb
2 Statères
47,70
12041
67
Plomb
2 Statères
46,33
12703
68
Plomb
2 Statères
46,25
11995
69
Plomb
2 Statères
43,60
1805
70
Plomb
2 Statères
43,40
3370
71
Plomb
2 Statères
43,36
12043
72
Plomb
2 Statères
42,60
12007
73
Plomb
2 Statères
42,54
3191
74
Plomb
2 Statères
42,09
12806
75
Plomb
2 Statères
42,07
1721
76
Plomb
2 Statères
40,80
1722
77
Plomb
2 Statères
40
12044
78
Plomb
2 Statères
39,90
3367
79
Plomb
2 Statères
39,80
3223
80
Plomb
2 Statères
39,74
3192
81
Plomb
2 Statères
39
3368
82
Plomb
2 Statères
38,90
12045
83
Plomb
2 Statères
38,54
12045
le système pondéral de cyzique
15
84
Plomb
2 Statères
36,80
3369
85
Plomb
2 Statères
36,75
1808
86
Plomb
2 Statères
33,21
12862
87
Plomb
2 Statères
?
12701
88
Plomb
2 Statères
?
13008
89
Plomb
1 Statère
30,52
13009
90
Plomb
1 Statère
30,18
12048
91
Plomb
1 Statère
29,50
12049
92
Plomb
1 Statère
27,90
13010
93
Plomb
1 Statère
26,47
12008
94
Plomb
1 Statère
26,40
3371
95
Plomb
1 Statère
25,80
12051
96
Plomb
1 Statère
23,33
12656
97
Plomb
1 Statère
22,84
12052
98
Plomb
1 Statère
22,50
1809
99
Plomb
1 Statère
22,10
3372
100
Plomb
1 Statère
21,39
12054
101
Plomb
1 Statère
21,23
12005
102
Plomb
1 Statère
21,20
12055
103
Plomb
1 Statère
21,13
3193
104
Plomb
1 Statère
21,10
12056
105
Plomb
1 Statère
21
3373
106
Plomb
1 Statère
20,75
11998
107
Plomb
1 Statère
20,46
12001
108
Plomb
1 Statère
20,04
12057
109
Plomb
1 Statère
19,85
1811
110
Plomb
1 Statère
19,70
12059
111
Plomb
1 Statère
18,50
11839
112
Plomb
1 Statère
18,04
12060
16
thomas leblanc
113
Plomb
1 Statère
18,03
11488
114
Plomb
1 Statère
17,65
3224
115
Plomb
1 Statère
15,15
12061
116
Plomb
1 Statère
?
12702
117
Plomb
½ Statère
17,75
1812
118
Plomb
½ Statère
14,43
12062
119
Plomb
½ Statère
13,93
12812
120
Plomb
½ Statère
13,30
3374
121
Plomb
½ Statère
13,05
12002
122
Plomb
½ Statère
12,55
1814
123
Plomb
½ Statère
12,24
12063
124
Plomb
½ Statère
12,21
12064
125
Plomb
½ Statère
11,39
12706
126
Plomb
½ Statère
10,82
12065
127
Plomb
½ Statère
10,50
1815
128
Plomb
½ Statère
10,30
1817
129
Plomb
½ Statère
10,03
12066
130
Plomb
½ Statère
9,85
1813
131
Plomb
½ Statère
9,40
1816
132
Plomb
½ Statère
8,93
3177
133
Plomb
½ Statère
8,65
3225
134
Plomb
½ Statère
8,41
12860
135
Plomb
/
20,25
1810
136
Plomb
/
10,35
1818
le système pondéral de cyzique
17
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professeur Marcel Hoc.
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Willocx 2020 = L. Willocx, Une mine supérieure à 150 drachmes ? Évolution des mesures
pondérales athéniennes à la basse époque hellénistique, in : N. Badoud & Ch. Doyen
(eds.), Un marché commun dans l’Antiquité ? Acte du Colloque de Fribourg (25-26 janvier 2018), Bâle (sous presse).