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Alby, Sophie. 2005. Une approche bilinguiste du contact de langues : discours bilingues d’enfants kali’na en situation scolaire. Trace, 47 : 96-112. Cet article présente les résultats d’une recherche menée en Guyane française portant sur les pratiques langagières d’un groupe de quatorze enfants, âgés de 10 à 12 ans, scolarisés dans une classe de CM2 de l’école de la commune d’Awala-Yalimapo dont les élèves appartiennent à l’une des six communautés amérindiennes du département et ont pour langue première le kali’na, langue de la famille caribe. La problématique du contact de langues est abordée ici sous un angle particulier, celui de l’analyse du discours bilingue, afin de mettre en exergue certaines des questions prégnantes dans ce domaine, telles que la relation entre le pôle macro et micro sociolinguistique ou le choix d’une approche s’appuyant sur la notion de variation au travers de la description de discours pouvant ou non conduire à un changement linguistique. Le plurilinguisme guyanais : un cas d’étude pour la recherche sur le contact de langues Le plurilinguisme a été pendant bien longtemps considéré, tant dans l’opinion populaire que dans la recherche linguistique, comme un phénomène marginal, le monolinguisme étant de ce fait le seul état « normal » et « acceptable » (Wurm, 1996 : 7), et ce malgré le fait que les situations plurilingues ne sont en aucun cas un phénomène récent. Pourtant, pendant plus d’une centaine d’années, la linguistique a considéré que le changement linguistique ne pouvait trouver sa source que dans des causes intralinguistiques1, et ce n’est qu’en 1953, grâce aux travaux de Weinreich, que la linguistique a commencé à prendre en compte le rôle joué par le contact de langues dans le changement linguistique. Néanmoins, ces travaux ont continué pendant une assez longue période à se baser sur une vision statique de la langue dans la mesure où les processus considérés comme pertinents dans ces situations se limitent (Thomason & Kaufman, 1988) aux emprunts et aux interférences. C’est par opposition à ces approches que naît avec la recherche sociolinguistique suisse le modèle bilinguiste dont nous ferons état ci-dessous. Dans ce contexte, la Guyane française est un cas particulier – parmi d’autres – encore peu décrit2, et dont l’étude est susceptible de contribuer à une meilleure connaissance du contact de langues en tant qu’objet de recherche. On ne peut s’y contenter d’évoquer une seule et unique situation de plurilinguisme. Il s’agit là d’un département au sein duquel se chevauchent, s’entrecroisent et interagissent des multitudes de situations de bilinguisme et de plurilinguisme qu’il est extrêmement difficile d’appréhender dans leur ensemble sous peine de ne les traiter que très superficiellement. Plus d’une vingtaine de langues sont parlées sur ce territoire, nombre d’entre-elles sont typologiquement très différentes les unes des autres, certaines sont qualifiées de « langues en danger »3. On trouvera ainsi en Guyane, six langues amérindiennes (famille caribe avec le kali’na et le wayana, famille arawak avec le lokono et le palikur, famille tupi-guarani avec le wayampi et le teko), des langues européennes (langues romanes avec le français, le portugais, l’espagnol, langues germaniques avec l’anglais et le néerlandais), des langues créoles (à base lexicale 1 Comme l’atteste le fait que la méthode comparative, telle qu’illustrée, par exemple, dans les travaux de Müller (1890), ait prévalue pendant si longtemps. 2 Même si récemment un effort a été fait dans le sens d’une description sociolinguistique : Léglise (2003, 2004), Léglise & Migge (2003), Alby (2001, 2002), Alby & Léglise (à paraître). 3 Comme le teko ou émerillon, langue tupi-guarani parlée uniquement en Guyane où ses locuteurs vivent toujours en contact avec une autre population, plus nombreuses, les Wayampi sur l’Oyapock et les Wayana sur le Maroni. Contacts de langues en Guyane française française avec les créoles guyanais, guadeloupéen, martiniquais, haïtien, sainte-lucien, à base lexicale anglaise ou anglo-portugaise (aluku, ndjuka, pamaka, saamaka, sranan tongo, créole de la Guyana), des langues d’Extrême-Orient (hakka, cantonais, laotien, hmong), mais aussi l’arabe libanais, le hindi, le javanais, etc. Les efforts récents d’un groupe de linguistes d’origines institutionnelles diverses (I.R.D.4, C.N.R.S.5) ont conduit à la création d’un laboratoire de linguistique localisé à Cayenne au sein duquel se poursuivent des recherches en linguistique descriptive portant sur ces différentes langues6. Ces travaux ont permis d’augmenter la somme des connaissances sur les langues de Guyane, mais il n’en a pas été de même pendant une assez longue période en ce qui concerne les pratiques linguistiques et la situation sociolinguistique en général. A l’heure actuelle on constate cependant une multiplication des travaux dans ce domaine7. Par ailleurs, si la mise en place de recherches sociolinguistiques en Guyane est actuellement une nécessité au niveau local pour des raisons qui touchent plus à la linguistique appliquée, elle l’est tout autant me semble-t-il au niveau national et international pour des raisons scientifiques. On trouve dans la recherche actuelle un intérêt de plus en plus marqué pour le domaine de l’étude du contact de langues qui tend aujourd’hui à devenir une discipline à part entière. On peut ainsi lire dans la présentation du colloque de Grenoble de 20018 qu’ « il convient [...] parmi les différents contacts qui se produisent entre les langues en France, de tenter de construire une vision à la fois élargie, synthétique et exhaustive de ces phénomènes », par le biais de « la réalisation d’un inventaire quasi exhaustif des différents contacts de langues en France », de la classification « de ces phénomènes de contacts selon divers critères que l’on ne peut encore énumérer avec précision » et l’examen de « tous les types d’interventions possibles, des plus « macro » sur le statut des langues, aux plus « micro » ». Le territoire guyanais constitue à ce titre un terrain particulièrement intéressant du fait de son caractère plurilingue, de la diversité des langues qui y sont parlées et de la variété des situations de contact que l’on peut y observer. La description de la situation linguistique de ce département permettra de ce fait de répondre à la volonté de classification des situations de contact en France, mais aussi de répondre à ce que Winford (1997) considère comme le défi de tout chercheur travaillant à l’heure actuelle dans le domaine du contact de langues, à savoir : « provide a taxinomy of contact phenomena that can be used as a basis for comparing and contrasting contact outcomes and identifying the processes and constraints that either apply in all these cases, or are peculiar to certain situations. » (Winford, 1997 : 5). La dynamique du contact de langues La section précédente n’a permis de donner qu’un aperçu de la complexité des situations de contact de langues du département. Les langues de la région sont parlées selon 4 Institut de Recherche en Développement. Centre Nationale de la Recherche Scientifique. 6 Toutes les langues amérindiennes et businenge font actuellement l’objet d’une description. Cf. les travaux de Odile Renault-Lescure, Laurence Goury, Michel Launey, Françoise Rose, Monica Barrieras, Marie-France Patte, Eliane Camargo, Bettina Migge. 7 Alby (2001, 2002) ; Alby & Léglise (à paraître) ; Léglise (2004a, 2004b) ; Léglise & Migge (2003) dans le cadre de travaux financés par la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France. 8 Jacqueline Billiez, Présentation du Colloque « Contacts de langues : modèles, typologies, interventions ». http://www.u-grenoble3.fr. 5 -2- Contacts de langues en Guyane française des modalités très variées, certaines sont véhiculaires9 et d’autres strictement vernaculaires10, certaines sont employées sur une grande partie du territoire11 tandis que d’autres sont utilisées dans des zones plus restreintes12. En ce sens la Guyane est représentative de la complexité de cet objet de recherche qui a donné lieu à des études dans des disciplines diverses13. Jusqu’aux années 80, « research in the field focussed on a variety of topics, including specific geographical areas of contact, particular instances of language mixture such as bilingual code-switching, the creation of new contact languages and creoles, the types and mechanisms of cross-linguistic interference, and broader issues relating to constraints on mixture. » (Winford, 1997 : 1) Toutes ces recherches avaient soit une orientation linguistique, soit plutôt sociolinguistique ou encore anthropologique. Elles ont toutes contribué à la naissance de la discipline, connue en français sous le nom de « contacts de langues »14. La somme de tous ces travaux permet aujourd’hui de commencer à élaborer des taxinomies des situations de contact et des processus qui y sont en œuvre. Cependant, la recherche est loin d’avoir fait le tour de toutes les situations de contact, et elle est surtout loin d’être capable aujourd’hui d’élaborer un cadre théorique unique et uni qui englobe dans une approche interdisciplinaire des théories et méthodologies variées. Pendant longtemps les sociolinguistes se sont concentrés sur des paires de langues appartenant à des familles linguistiques européennes15, et sur des situations concernant essentiellement les populations issues de l’immigration16. Plus récemment toutefois, certains chercheurs se sont attachés à décrire des paires de langues plus éloignées typologiquement et des situations plus variées17. C’est le cas pour la paire de langues kali’na-français qui présente une double caractéristique distinctive : les deux langues qui la composent sont typologiquement différentes et le groupe de locuteurs natifs de cette langue est un groupe amérindien, autochtone de Guyane qui n’a donc pas le même rapport à la langue dominante que des personnes en situation d’immigration. A l’intérieur de chacune des disciplines qui se sont intéressées à un moment ou à un autre de leur histoire au contact de langues, on trouve des courants théoriques variés et parfois mêmes antinomiques. En sociolinguistique, en particulier, deux courants s’affrontent depuis un certain temps déjà, l’un privilégie le pôle macrosociolinguistique et l’autre le pôle microsociolinguistique. Ce que dit Oriol dans sa préface à l’ouvrage de Lefebvre & al. (1997) de l’étude des relations interculturelles est tout à fait adéquat pour exprimer ce clivage : « Nos regards sur les relations interculturelles se situent forcément entre deux pôles. Ou bien nous privilégions le point de vue historique ou le macro-social. Il est difficile alors de ne pas conduire nos analyses en termes d’affrontement ou de domination en nous référant à l’héritage des colonisations ou au sillage des migrations. » (Oriol, 1997 : Préface à Lefebvre & al., 1997). Et l’on pensera alors au pôle macro de la sociolinguistique qui trouve son expression dans des concepts tels que le « conflit linguistique » (Aracil, 1965) ou la « guerre des langues » (Calvet, 1987). « Ou bien nous nous centrons sur les relations interpersonnelles des 9 Le créole guyanais, le français et le nenge tongo sont langues véhiculaires. C’est le cas des langues amérindiennes ou du hmong mais aussi des langues de l’immigration qui sont langues nationales dans certains pays mais dont l’emploi est vernaculaire en Guyane. 11 Le créole guyanais est parlé sur tout le littoral, le nenge tongo essentiellement sur le Maroni. 12 Le wayana sur le fleuve Maroni à l’ouest, le wayampi sur l’Oyapock à l’est. 13 Par exemple, linguistique, sociolinguistique, psycholinguistique, didactique des langues secondes, créolistique, etc. Voir Boyer (1991) pour une liste de ces disciplines. 14 En anglais « contact linguistics ». 15 A titre d’exemple, pour ce qui est du parler bilingue, la paire de langues espagnol-anglais a été plus que largement décrite : Poplack, 1980 ou Zentella, 1997 entre autres. 16 Les études ci-dessus concernent essentiellement des populations migrantes. On pourrait y ajouter Deprez (1994, 1999) ou encore Zentella (1997). 17 Voir, par exemple, Mc Swan (1997) pour le nahuatl-espagnol ou Halmari (1997) pour le finnois-anglais. 10 -3- Contacts de langues en Guyane française « porteurs de culture » » (Ibid) et l’on se réfèrera alors au pôle micro de la sociolinguistique, développé dans le cadre du « modèle bilinguiste » (Matthey & al., 1997 : 133). Le concept de contact de langues s’est avant tout développé dans le cadre d’une sociolinguistique macro, au travers, notamment, des travaux de Ferguson (1959) ou de Fishman (1967) qui sont à l’origine de la notion de diglossie permettant de rendre compte de situations où deux langues18, ou deux variétés d’une même langue sont en contact. Cependant ce modèle s’est vite avéré trop harmonisant et ne reflétait pas la complexité des dynamiques linguistiques, ce qui a conduit les sociolinguistes catalans a mettre en place le modèle du conflit linguistique qui envisage les relations entre une langue minorée et une langue dominante comme systématiquement conflictuelles et aboutissant à un processus de substitution de la langue minorée par la langue dominante. Cette sociolinguistique s’attache à décrire les situations de contact de langues sous l’angle du bilinguisme sociétal qui se définit comme « la coexistence de deux ou plusieurs langues […] à l’intérieur d’une aire géographique (région bilingue) ou [la] coexistence de deux ou plusieurs aires unilingues dans une même structure politique (régions unilingues dans un pays bi- ou multilingue) » (Hamers & al., 1983 : 448). Le linguiste travaille donc au niveau de la langue et auprès des communautés linguistiques. Il décrit le statut et la fonction des langues afin de rendre compte des relations qu’elles entretiennent. Ce qui est significatif dans ce modèle, c’est le macro contexte sociétal et une conception relativement figée des langues en contact considérées sous l’angle du contact entre deux systèmes et sans prise en compte des variations pourtant omniprésentes dans toutes ces situations. Il apparaît aujourd’hui que la plupart des dits « conflits linguistiques » ne sont pas des conflits de langues en tant que tels, mais plutôt des conflits politiques trouvant leur source dans des conflits ethniques, religieux ou territoriaux. Les différences linguistiques apparaissant dans ces situations étant le plus souvent exacerbées de façon artificielle : « La notion de conflit linguistique est un levier dont la fonction est de créer un vrai conflit linguistique au sein de la population concernée. De cette façon, lorsque l’on parle de l’existence d’un conflit linguistique, on cherche à en produire un à travers l’introduction d’une dynamique sociale susceptible de conduire à un changement d’ordre politique. » (Rodriguez-Yanẽz, 1997 : 194). Cependant, ce courant de la sociolinguistique est loin d’être obsolète aujourd’hui et les discussions opposant les tenants du conflit linguistique à ceux des approches micros sont loin d’avoir abouti. La parution en 1997 d’un ouvrage collectif intitulé Plurilinguisme : « contact » ou « conflit » de langues (Boyer, 1997) montre que ce débat était encore d’actualité il y a peu. Cette opposition entre deux courants est semble-t-il essentiellement liée au contexte dans lequel s’inscrit le contact de langues. Ainsi, si le concept de conflit linguistique est né dans le cadre de la sociolinguistique catalane, celui de bilingualité a vu le jour en Suisse. Ces deux courants se distinguent tant par leurs orientations méthodologiques que théoriques : Tableau : « Caractéristiques des modèles bilinguiste et diglossique » d’après Matthey & al. (1997 : 136) Modèle bilinguiste Modèle diglossique Analyse des interactions Analyse des langues Approche microsociolinguistique Approche macrosociolinguistique Modèle synchronique, dynamique et Modèle diachronique, dynamique et consensuel conflictuel 18 Ou plus de deux langues dans les cas de polyglossie. -4- Contacts de langues en Guyane française Le modèle diglossique a bien entendu évolué depuis ses débuts, il ne fait plus l’objet d’une sociolinguistique agressive et il est entendu que le conflit des langues ne fait que refléter des conflits de pouvoir. Cependant il fait toujours l’objet d’un déterminisme sociolinguistique qui implique l’idée selon laquelle les productions des individus sont façonnées par la macro situation plutôt que l’inverse. Le modèle bilinguiste pose, quant à lui, « que les dynamiques linguistiques ne se traduisent pas forcément en conflit » (Martinez, 1997 : 95) et que la mort des langues n’est pas l’unique aboutissement d’une situation de contact. Ainsi, le processus de l’alternance codique19 est envisagé comme une marque de la fluidité du fonctionnement linguistique et non plus comme le signe d’une substitution, tandis que la création de modes discursifs bilingues a une signification sociale en ce qu’elle signale l’identité bilingue et biculturelle d’un groupe donné. Les approches macro sociolinguistiques de ce phénomène ont fréquemment conduit à une évaluation négative des compétences linguistiques – et parfois même intellectuelles – des locuteurs bilingues qui en sont à la source (Zentella, 1997 : 81). Ces évaluations sont particulièrement sensibles dans les termes, le plus souvent péjoratifs, employés lorsque ce sont les monolingues qui désignent ces parlers bilingues (ibid). Cependant, les locuteurs bilingues finissent souvent par s’approprier ces termes pour désigner la langue qu’ils parlent20 et qui contribue à la construction de leur identité mixte, bilingue et biculturelle. Pour les tenants de l’approche bilinguiste, qui décrivent les observables linguistiques apparaissant dans les interactions bilingues et le rôle qu’elles peuvent jouer dans l’organisation même de ces interactions, les alternances codiques sont au contraire la marque d’une compétence bilingue. Cette approche part donc, s’opposant en cela aux approches macro-sociolinguistiques, des comportements des acteurs sociaux pour expliquer les représentations linguistiques des sociétés au sein desquelles ils évoluent. La position qui est adoptée ici rejoint celle de Rodriguez-Yanẽz (1997 : 191), selon qui « c’est des recherches empiriques sur les usages linguistiques que doit se dégager un paradigme pour la théorisation sociologique à propos d’une situation sociolinguistique donnée, et non à l’envers ». L’hypothèse sous-jacente à ce cadre théorique est que le contact de langues a lieu en première instance chez l’individu bilingue ou plutôt chez des individus bilingues s’inscrivant dans des interactions bilingues ou exolingues. Le changement linguistique n’a pas lieu au niveau macro, il se construit dans les micro événements langagiers et les interactions sont les expressions premières des situations de contact. La dimension macro sociale n’étant alors envisagée que dans la mesure où elle influe directement sur les interactions étudiées (Matthey & al., 1997 : 147). Cette théorie se propose donc de mettre en évidence les phénomènes linguistiques apparaissant dans les productions interlinguales, regroupés sous l’hyperonyme marques transcodiques, c’est-à-dire « tous les observables manifestant la présence de deux ou plusieurs langues dans le répertoire des interlocuteurs » (Matthey & al., 1997 : 51). Ces processus sont les traces du contact de langues et sont révélateurs des opérations et stratégies mises en place par les acteurs de l’interaction pour résoudre les problèmes liés à la communication et valoriser leur bilinguisme ou servent de marqueurs d’une identité plurielle, notamment dans le cadre de la communication entre membres d’un groupe de pairs. C’est au travers de la présentation des discours bilingues kali’na-français dans le cadre scolaire que nous proposons de mettre à l’épreuve cette théorie en la reliant à d’autres approches lorsque cela s’avère nécessaire. Le cas des discours bilingues kali’na-français 19 Juxtaposition de deux – ou plusieurs – codes dans un même discours, un même tour de parole ou une même phrase. 20 Par exemple le spanglish pour les Portoricains de New York. -5- Contacts de langues en Guyane française Les résultats présentés font référence à une série d’enregistrements menés à l’école d’Awala-Yalimapo21 durant l’année scolaire 1997-1998 et dans deux situations de communication : la salle de classe (SDC) et la cour de récréation (CDR). Ces enregistrements ont pour thème un jeu (« le dessin caché ») proposé aux enfants du groupe. Les enfants jouent en binôme, séparés par un cache, l’un d’entre eux, l’informateur (I) a sous les yeux un dessin qu’il doit décrire au dessinateur (D), celui-ci doit reproduire sur une feuille blanche le dessin et peut poser des questions pour obtenir des informations complémentaires. Dans chaque situation treize enregistrements ont eu lieu, de un quart d’heure chacun pour la CDR, et de une demi-heure chacun pour la SDC. Afin de situer les interactions dont il est question ici, je me propose de les classer dans un premier temps en m’appuyant sur la typologie des interactions susceptibles d’intervenir dans une situation de contact de langues de De Pietro (1988 : 72) : Exolingue (2) (3) Endolingue (1) (4) Unilingue Bilingue Dans ce schéma, l’axe horizontal fait état de « la disponibilité d’une deuxième langue dans le répertoire verbal des interlocuteurs » tandis que l’axe vertical « rend compte du degré de partage du ou des code(s) par les interlocuteurs » (Matthey & al. 1997 : 154). Les interactions entre les enfants font a priori référence à la situation (4) du schéma, définie par Lüdi (1991 : 60) comme « une conversation entre membres d’une même communauté bilingue ». En effet, tous les enfants du groupe sont bilingues kali’na-français22 avec des compétences relativement similaires ayant été élevés dans une même langue première et scolarisés ensemble dans une même langue seconde depuis leur entrée en maternelle jusqu’à la classe de CM2. Cependant, si cela est vrai dans l’absolu pour les interactions dans la CDR, il n’en va pas de même dans la SDC. Dans cette situation de communication, les enfants sont aussi des apprenants puisque le français en tant que langue de scolarisation est pour eux une langue seconde. Par ailleurs, la consigne dans la SDC spécifie qu’il s’agit là d’un exercice de français et impose l’emploi de cette langue pour l’exercice. Les interactions tendent donc, du fait de cette consigne et du contexte, vers l’axe exolingue-bilingue, non pas parce qu’un des interlocuteurs est monolingue mais parce que l’interaction est orientée vers l’acquisition du français. Deux discours bilingues sont à l’œuvre : un discours d’apprenants bilingues et un discours de bilingues (ou parler bilingue). L’emploi du terme bilingue fait ici référence non pas à la définition d’un bilingue idéal qui posséderait une compétence de locuteur natif dans deux langues, mais plutôt à une définition large du bilinguisme : la maîtrise individuelle plus ou moins grande de deux – ou plusieurs – variétés de langues. Cette définition permet de rendre compte de situations beaucoup plus variées, et à partir des discours produits dans ces situations, par les individus bilingues, on peut par la suite proposer de distinguer entre différents types de bilinguismes individuels comme je le fais ici. Cette distinction préalable permet de mettre en évidence l’écueil des approches macro qui ne peuvent rendre compte de la variété des discours 21 Commune située dans l’Ouest du département, à l’embouchure du fleuve Maroni et de la Mana. Certains sont mêmes plurilingues puisqu’ils déclarent pratiquer le créole guyanais et le sranan tongo, mais ces langues n’apparaissent que très rarement dans les enregistrements. 22 -6- Contacts de langues en Guyane française bilingues en partant d’un bilinguisme sociétal et d’une macro situation au lieu d’étudier des bilinguismes individuels et des micro situations. Un aperçu de la situation sociolinguistique dans le village Un questionnaire de pré enquête sociolinguistique a permis de déterminer quelles langues apparaissent dans le répertoire verbal des enfants du groupe. Ces langues sont au nombre de cinq : kali’na, français, créole guyanais, nenge tongo et sranan tongo, reflétant ainsi la situation linguistique du village. Cependant, toutes ne sont pas parlées par tous les enfants et surtout si elles apparaissent dans les pratiques déclarées il n’en va pas de même au niveau des pratiques observées, certaines langues n’apparaissent pas (nenge tongo), d’autres n’apparaissent que dans la mesure où elles sont des langues de contact anciennes et sous la forme d’emprunts attestés (sranan tongo et créole guyanais)23, d’autres enfin apparaissent sous la forme d’emprunts récents (créole guyanais mais surtout français). Les villages d’Awala et de Yalimapo sont à l’image de la Guyane française en ce sens que s’y côtoient plusieurs langues. Il se caractérise toutefois par son mono ethnisme, les contacts entre populations de langues différentes étant réduits à des interactions avec des interlocuteurs bien spécifiques : à l’école située à Awala, du fait de la présence d’enseignants métropolitains24 et créoles ; à Yalimapo, du fait de la présence de touristes. En dehors de ces situations, les Kali’na sont en contact avec d’autres communautés pour des raisons commerciales lorsqu’ils se rendent à Mana, ville plurilingue s’il en est25 puisque nombre de langues y sont parlées, ou pour des raisons scolaires puisque les enfants sont scolarisés au collège de Mana26 et au lycée de Saint-Laurent27. Par ailleurs, les Kali’na se rendent fréquemment, aussi pour des raisons commerciales, au Surinam (Albina)28. Enfin, les médias introduisent certaines langues dans le quotidien des Kali’na, le français et le créole guyanais notamment, mais aussi le sranan tongo et le néerlandais par le biais d’une radio libre (« Radio Galibi ») du village kali’na, Galibi, qui se situe sur la rive surinamaise du fleuve Maroni29. Aborder le contact par le biais d’un modèle macro ne permet pas, comme je vais le montrer ci-dessous, de rendre compte de la dynamique linguistique dans ce village. Les langues « parlées » sont au nombre de six : la langue maternelle de tous les habitants, le kali’na et des langues secondes, le français, le créole guyanais, le sranan tongo, le nenge tongo30 et le néerlandais. Le créole guyanais est bien implanté dans le village pour diverses raisons, l’histoire du contact avec cette langue date d'un certain temps déjà et la génération des grands-parents et des parents parle cette langue, de plus certains habitants du village sont membres de familles d’Iracoubo, un autre village kali’na, où cette langue joue un rôle 23 Notons aussi la présence d’emprunts à l’espagnol et au portugais datant des premiers temps de la colonisation : alakapusa « fusil » < esp. arcabuz. 24 Certains enseignants vivent dans le village, mais nous n’avons aucune information quant aux relations qu’ils entretiennent avec les membres de la communauté kali’na. 25 Voir l’article de Jolivet (1991) qui décrit la situation sociolinguistique dans cette ville. 26 Jolivet (1991), Léglise (2004). 27 Léglise & Migge (2003). 28 Cette liste des situations de contact n’est certainement pas exhaustive. 29 Au Surinam le néerlandais est la langue officielle, langue de scolarisation, tandis que le sranan tongo est le véhiculaire principal. 30 Le nenge tongo est difficile à définir, il s’agit actuellement d’un des principaux véhiculaires dans l’Ouest du département, connu sous le nom de « taki taki », mais ce terme est dépréciatif et ambigu puisqu’il peut désigner alternativement n’importe lequel des parlers businenge, mais aussi le sranan tongo ou encore une koïnê interdialectale, la « langue du fleuve », en constitution sur le Maroni et à Saint-Laurent. Cf. Document de travail IRD-CNRS-CELIA, « Les langues de Guyane ». -7- Contacts de langues en Guyane française important. On peut ainsi observer dans les productions des enfants la présence d’emprunts totalement intégrés à la langue : [1] tiliko [tilitʒɔ] < cr. triko “T. shirt” Le sranan tongo, tout comme le néerlandais, est parlé de manière variable, il s’agit là d’une ancienne langue de contact comme l’attestent de nombreux emprunts : [2] palanka < sr. pranga « planche » De plus, certains villageois sont apparentés à des habitants de Galibi, d’autres viennent du Surinam du fait de la migration massive qui a eu lieu lors de la guerre civile dans ce pays. La présence du nenge tongo est quant à elle essentiellement liée à son statut grandissant de langue véhiculaire de l’Ouest guyanais. Enfin, la présence du français est plus récente et elle est essentiellement liée à la scolarisation massive datant de la génération des parents des enfants du groupe, la compétence en français de la génération des grands-parents est très variable, certains ont été scolarisés dans les homes catholiques, d’autres non ; les parents ont tous été scolarisés loin de leurs villages, ils sont tous bilingues kali’na-français, tandis que la génération actuelle est scolarisée depuis son plus jeune âge à l’école primaire de la commune. Établir une hiérarchie sur la base du statut et de la fonction des langues en présence placerait obligatoirement le kali’na dans une position de forte minorisation et tout observateur extérieur prédirait un avenir sombre à cette langue. Elle est en effet doublement minorisée, officiellement par le français, et en tant que langue vernaculaire par trois langues véhiculaires (le français, le créole guyanais et le nenge tongo). Mais le modèle diglossique n’est pas adéquat à cette situation en ce sens que les langues ne sont pas ici dans un rapport d’exclusion rigide. Le modèle du conflit linguistique, certes plus dynamique que le précédent, est lui aussi trop rigide en ce qu’il ne conçoit les relations entre langues dominantes et dominées que dans une visée conflictuelle et, partant, ne conçoit comme conséquence de ce type de relation que la mort de la langue minorée. Les tensions sont présentes, mais elles se situent au niveau des communautés et pas au niveau de la langue. Au niveau politique, le discours sur la langue, sur la reconnaissance des langues de Guyane, peut être un lieu de conflit, mais au niveau des interactions entre les individus, s’il y a conflit, il n’est pas plus marqué que dans n’importe quelle communication entre monolingues, il n’est que le reflet des « bruits » existant dans toute interaction. C’est donc le modèle bilinguiste qui semble le plus adéquat pour expliciter la situation linguistique à Awala-Yalimapo, il n’est traité ici que dans le cadre de quelques interactions mais en développant cette approche en variant les interlocuteurs et les situations on pourra avoir un aperçu de la réalité des pratiques linguistiques dans le village. Nous verrons ci-dessous que les enregistrements révèlent déjà un certain nombre de processus linguistiques à partir desquels on peut poser des hypothèses sur la macro situation et sur l’avenir du kali’na. Discours bilingues en situation scolaire Les données quantitatives dont je fais état dans un premier temps servent de base à la description et à leur analyse qualitative qui suit. Dans la salle de classe deux types de discours se dégagent selon le sexe des interlocuteurs : les filles et les garçons du groupe n’ont pas répondu de la même manière à la consigne de l’exercice de français. Le français devrait être ici la langue d’interaction – du moins principalement – or, l’analyse quantitative montre que ce n’est pas le cas : les enregistrements comptabilisent 3426 tours de parole (TP) qui se répartissent en TP français -8- Contacts de langues en Guyane française (TPF), TP kali’na (TPK) et TP mixtes (TPM), ainsi que des prises de parole résiduelles (PPR)31. Schéma 1 « Comparaison de la distribution des tours de parole dans la SDC » 70% Filles 60% Garçons 50% 40% 30% 20% 10% 0% TPF TPK TPM PPR Ce schéma montre que les filles tendent à employer le français beaucoup plus fréquemment (60%) que les garçons (30%) pour lesquels le kali’na et les formes mixtes apparaissent comme les codes de prédilection (respectivement 40% et 20%, contre 30% pour le français). Dans la cour de récréation, cet écart entre filles et garçons n’est plus vrai comme l’atteste le schéma suivant : Schéma 2 : « Comparaison de la distribution des tours de parole dans la CDR » 70% 60% 50% 40% Filles 30% Garçons 20% 10% 0% TPF TPK TPM PPR puisque l’on observe que quantitativement les langues des TP se répartissent de manière relativement équivalente, même si chez les garçons le kali’na reste beaucoup plus présent. La présence dans une même situation de types discursifs différents pose un certain nombre de problèmes : comment classer ces discours ? Doit-on tous les aborder de la même manière ? Mais surtout, dans la mesure où ils sont le fait d’un même groupe de locuteurs dits « bilingues », comment mettre en relation ces discours avec la définition de l’individu bilingue ? Autant de questions pour lesquelles nous cherchons ici à apporter des éléments de réponse. Caractérisation du discours dans la salle de classe Certes, le discours dans la SDC est un discours d’apprenant, mais il n’en reste pas moins un discours bilingue puisque l’on y trouve la trace de deux – ou plusieurs – langues 31 Les PPR font références à des tours de parole de type « ehm » ou « ehm ehm » pour lesquels il est impossible d’attribuer une langue d’origine particulière. -9- Contacts de langues en Guyane française dont la juxtaposition présente des modalités variées selon le sexe des interlocuteurs. Chez les filles32, l’interaction se fait essentiellement en français où sont insérés des séquences ou des items en kali’na, ces alternances étant liées à des problèmes de compétence ou ayant des fonctions communicatives bien précises. On évoquera pour référer au discours des filles, le terme d’ « alternance conversationnelle » (Auer, 1999), un mode discursif où la juxtaposition des deux codes est perçue et interprétée comme localement significative par les participants, c’est-à-dire le fait que les participants eux-mêmes considèrent qu’à un moment donné le passage à telle langue, tel code ou telle variété signale un changement contextuel ou cotextuel ou encore un problème de compétence. Analyser un discours de ce type implique de passer par les méthodes de l’analyse conversationnelle afin de dégager les changements de code que les bilingues exploitent « pour marquer diverses fonctions linguistiques telles que la structuration de l’énoncé, l’introduction du discours rapporté, l’inférence conversationnelle » (Matthey & al., 1997 : 157). La recherche dans ce domaine a ainsi dégagé un certain nombre de fonctions pour ces alternances33. Nous pourrions reprendre ici toutes les études menées sur ce sujet pour finalement conclure qu’elles ne présentent que des listes de fonctions dépendantes à chaque fois d’une paire de langue particulière ou d’une situation (macro ou micro) spécifique. Ces listes ne sont jamais finies car les alternances conversationnelles varient selon les interlocuteurs, la situation de communication, la situation sociolinguistique, etc. C’est pourquoi Auer (1996) propose de les expliciter au travers d’une typologie basée sur leur séquentialité. Il dégage ainsi des macro séquences qui permettent selon lui de rendre compte de toutes les alternances apparaissant dans les productions des bilingues. Cette typologie dégage deux grands types d’alternances : les « alternances codiques » (changement de la langue de l’interaction) et les « transferts »34. Ces deux types d’alternances se divisent chacune en alternances et incorporations35 « relatives-auxparticipants » et alternances et incorporations « relatives-au-discours » (Auer, 1996 : 21). Dans le premier cas l’alternance donne des indications sur les préférences des participants pour l’une ou l’autre langue et l’incorporation est liée à la compétence dans l’une ou l’autre langue. Dans le second cas, l’alternance et l’incorporation se rattachent au contexte ou au cotexte de l’interaction, l’alternance relative-au-discours est un commentaire « métapragmatique » (Auer, 1999 : 310) sur l’interaction en cours dans la mesure où elle la marque comme étant bilingue. Les cas d’incorporation sont fréquents dans le discours SDC, ils touchent essentiellement deux catégories : le lexique et les particules discursives. Les incorporations n’ont que très rarement fait l’objet d’études approfondies dans la recherche sur les interactions bilingues36, pourtant elles présentent un intérêt certain dans ce domaine. Deux stratégies se dégagent : elles peuvent servir de béquille ou elles peuvent avoir une fonction communicative. [3] une personne qui fait (.) ehm (.) malu 32 Nous faisons dans cette section essentiellement référence au discours des filles dans la mesure où celui des garçons ne présente que très peu de divergence avec celui de la cour de récréation. 33 Zentella (1997 : 80-114) propose ainsi une liste de vingt-deux fonctions discursives pour les alternances codiques. 34 Nous préférons le terme d’incorporation car celui de transfert fait référence à un courant de l’étude de l’acquisition des langues secondes : l’analyse contrastive. 35 Incorporation est ici à prendre au sens où Boyd & alii (1991 : 463) l’entendent, à savoir : « tous les cas d’utilisation (productive) par des locuteurs bilingues d’un matériel appartenant à une langue dans un discours qui se base sur une autre langue », et plus spécifiquement, ici, des incorporations d’items lexicaux employés seuls (et non pas incorporation de syntagmes). 36 Ce sont essentiellement les théoriciens de l’acquisition des langues secondes (interférences) et ceux du contact de langues (emprunt) ou du bilinguisme (mélange codique) qui s’y sont intéressés. - 10 - Contacts de langues en Guyane française coton « Une personne qui fait, ehm, du coton. » Dans cet exemple, le locuteur semble confronté à une lacune en français (momentanée ou non) portant sur le nom coton et a recours au kali’na en substituant au nom français coton son équivalent kali’na malu. La marque d’hésitation ehm apparaît fréquemment dans le cas de ces incorporations de type « béquille ». Ce type d’incorporation a été pendant longtemps identifiée par les spécialistes de l’acquisition des langues secondes comme une stratégie de transfert ou plus exactement, une erreur. Actuellement, les stratégies interlinguales font l’objet de recherches où la notion d’interférence évolue vers celle de « bouée transcodique »37. Les alternances ne sont plus considérées comme le simple besoin du locuteur de remédier à une lacune, mais sont la trace d’une tension acquisitionnelle. L’apprenant n’est pas un locuteur passif subissant l’influence de sa langue maternelle, il est acteur de son propre apprentissage en faisant appel à toutes les ressources linguistiques auxquelles il a accès pour réaliser son intention de communication. Ainsi, les incorporations telles que celle de l’exemple [3] « constituent des cas permettant d’examiner la manipulation de la langue dans le comportement intentionnel de l’enfant : ce dernier est focalisé sur un but communicatif ; il emploie des moyens alternatifs pour l’atteindre lorsqu’il estime que le moyen initial ne réussit pas. » (Jisa & al., 1994 : 29). Toutes les séquences d’alternances liées à des stratégies d’autocorrection, de traduction, de reformulation ou de discours métalinguistique observées dans le discours des enfants sont la marque d’une tension acquisitionnelle et la preuve que le discours des enfants dans la SDC est un discours d’apprenants-bilingues plutôt qu’un parler bilingue. Cependant toutes les incorporations ne sont pas liées à la compétence. On trouve ainsi un certain nombre de marques discursives comme dans l’exemple [4] : [4] Après (.) otɨ (.) ya une personne dans un hamac. euh L’emploi de otɨ permet au locuteur de se donner du temps pour structurer son message en ponctuant le discours. Le changement de langue accentue l’hésitation, il permet de focaliser l’attention sur la difficulté rencontrée. On observe de même de nombreux cas d’alternances codiques, trop nombreux pour que nous en présentions ici une liste exhaustive. Les alternances relatives-aux-participants mettent en évidence les choix préférentiels des locuteurs et des séquences de négociation sur la langue entre les participants. Ainsi, dans l’exemple [5], M est un des rares garçons du groupe à choisir d’essayer de répondre à la consigne « exercice de français » : [5] M il y a (.) un enfant (.) à côté du chien N a’a’ (.) tawoye’ ? « Okay ! Debout ? » M tan=po « Assis. » N kama’ « Vas-y ! » M sa mère est à côté 37 Moore, 1996. - 11 - Contacts de langues en Guyane française La quasi-totalité de cet enregistrement présente des séquences de ce type : M commence la description en français38, N poursuit par des questions ou des commentaires en kali’na et M donne toutes les informations complémentaires dans cette langue. Lorsque N indique par une marque discursive – ici kama – qu’il a fini de dessiner, M reprend la description d’un nouvel élément en français et ainsi de suite. Il y a donc ici deux choix préférentiels divergents, M choisit le français et N le kali’na, mais aussi des séquences de négociation où M converge vers N en acceptant son choix de langue préférentiel. Les alternances relatives au discours varient en fonction de très nombreux critères déjà évoqués ci-dessus. A titre d’exemple, [6] montre une séquence où l’alternance est liée au fait que l’un des locuteurs se met à taquiner son interlocuteur : [6] G H G H G H G un sac (.) avec des linges là d=dans sur un bois’ ? à côté d’un bois après’ ? attends’ après ehm ehm (8) aino san’ (.) ot= pa anenepa wa’ « Attends ! Je ne vois rien ! » H lunettes am= se man (.) katu’ « Et alors ! Tu veux des lunettes ? » G ehm’ ? H lunettes am= se man katu’ ? « Eh ! Tu veux des lunettes ? » G lunettes pa wa’ « Je ne porte pas de lunettes ! » (rires) H kama’ « Vas-y ! » G madame (.) ça y est’ Dans cette séquence, à la ligne 7, G sort du cadre contraignant de l’exercice et passe au kali’na. En sortant du mode de la description, elle permet à H de la suivre dans cette langue. L’échange, qui a lieu sur le mode de la taquinerie, se fait alors en kali’na, jusqu’à ce que H indique à G qu’elle a terminé de dessiner – kama – ce qui permet à G de retourner au français39. Les différentes fonctions décrites ici présentent une liste non exhaustive et relèvent de l’interprétation. Ce qu’il convient de retenir c’est qu’elles s’inscrivent dans des séquences spécifiques et que celles-ci varient en fonction de facteurs non linguistiques (tels que la situation de communication ou la présence d’un interlocuteur monolingue) ou de facteurs discursifs (tels qu’un changement de thème, une parenthèse dans le discours, etc.). En ce sens, ces alternances ne diffèrent pas de celles produites par des locuteurs « monolingues » ayant accès à des variétés de langues ou des registres de langues différents. Le problème principal que posent ces interactions est la différence entre le discours des filles et celui des garçons, c’est-à-dire entre des enfants qui s’astreignent à répondre à la consigne et ceux qui refusent de le faire. Ces différences peuvent s’expliquer par le fait que les enfants emploient pour résoudre la tâche des stratégies d’apprenants différentes. Ces 38 On observe que ses productions en français présentent de nombreuses traces d’hypercorrection, comme avec il y a au lieu de ya beaucoup plus fréquent à l’oral. 39 Le retour au français à la dernière ligne est cependant lié à l’obligation de parler à un interlocuteur monolingue en français. - 12 - Contacts de langues en Guyane française stratégies peuvent être mises en relation avec la notion de « profil d’apprenant »40 qui « part du constat qu’il existe des stratégies préférentielles chez certains étudiants pour résoudre les problèmes liés à certaines tâches ; [...] » (Pochard, 1993 : 3). Py (1993 : 9) propose ainsi d’identifier les profils d’apprenants en montrant que ceux-ci progressent dans leur appropriation d’une langue seconde en se mobilisant autour de trois pôles : « la construction d’un système de connaissances linguistiques ; l’ajustement aux normes de la langue cible et l’accomplissement de tâches spécifiques faisant appel à la langue cible ». Les profils d’apprenants sont ainsi identifiés selon que l’individu accorde la priorité au système41 en manifestant « un comportement exploratoire et plutôt ludique face à la langue » (Pochard, 1993 : 6) ; à la norme42 en révélant ainsi « une certaine volonté d’assimilation sociale » (Pochard, 1993 : 6) ou à la tâche43 en cherchant avant tout à « réussir l’exercice demandé » sans se préoccuper des consignes. Au vu de ces hypothèses, on peut ainsi identifier dans le corpus SDC deux grandes tendances : un groupe d’apprenants (essentiellement des filles) s’est focalisé sur la norme en employant le français comme langue principale de l’interaction et ce malgré les difficultés de certains pour le faire, tandis que l’autre groupe (essentiellement les garçons) s’est centré sur la tâche en ne se posant aucune contrainte quant à la langue à employer. Bien évidemment toute typologie est réductrice et le choix d’une stratégie principale n’exclut pas l’emploi d’autres stratégies au cours de l’interaction : « entre ces trois profils prototypiques, il existe, théoriquement, un nombre illimité de combinaisons intermédiaires susceptibles de rendre compte de la variabilité observée chez les apprenants » (Pochard, 1993 : 6). Caractérisation du discours dans la cour de récréation Ce discours diffère du précédent tant quantitativement, puisque le kali’na est la langue la plus fréquemment employée, que qualitativement comme nous allons maintenant le montrer. Les marques transcodiques apparaissant dans ce discours sont essentiellement des incorporations44. Rares en effet sont les alternances codiques telles que définies ci-dessus. Lorsqu’elles apparaissent, elles sont essentiellement liées aux participants et plus particulièrement à la présence d’un interlocuteur monolingue. Ce type de discours peut être relié à ce que Auer (1999) qualifie de mélange de langue insertionnel : c’est-à-dire un discours duquel se dégage une langue de base, langue principale de l’interaction, le kali’na, dans laquelle sont incorporés des items d’une autre langue (essentiellement le français). Le mélange de langues répond ici à deux principes, celui de systématicité et celui de variabilité. Les mélanges codiques sont construits selon les règles du langage et par extension selon celles de chacune des langues intervenant dans l’énoncé « mélangé », ce qui explique la systématicité de certaines formes de mélanges. Les productions mixtes ne répondent donc pas à des règles qui seraient spécifiques aux productions des bilingues : ce qui vaut pour le discours monolingue vaut aussi pour le discours bilingue (Halmari, 1997 : 203). Partant, selon Auer (1999), l’analyse du mélange de langues doit passer par la linguistique descriptive, l’objectif étant de déterminer les règles qui président à la juxtaposition de deux – ou plusieurs langues – dans une même phrase. Notre hypothèse est que ce sont des 40 Voir les travaux de Pochard (1993) ou Py (1993). Apprenant « curieux ou joyeux ». 42 Apprenant « docile ». 43 Apprenant « efficace ». 44 Sur la totalité des marques transcodiques du corpus, 80% sont des incorporations d’items français dans un discours par ailleurs en kali’na. 41 - 13 - Contacts de langues en Guyane française universaux linguistiques qui déterminent l’organisation des structures mixtes : si un élément en LX est l’élément qui gouverne une structure donnée, alors cette structure s’organisera selon les règles de LX. Le principe de systématicité tel qu’il a été présenté ci-dessus se veut une continuité de la tendance à concevoir les mélanges comme des phénomènes relevant d’universaux de langage45. La notion de langue matrice est retenue ici, mais au lieu de la considérer comme un construit sociolinguistique, le critère de définition est strictement linguistique : la LM est la langue qui détermine l’organisation morphosyntaxique d’un constituant ou d’une proposition. La systématicité des mélanges s’observe essentiellement au niveau des groupes adpositionnels ou de la prédication verbale et non verbale. L’exemple [7] présente un cas de prédication verbale qui met en évidence le fait que dans les groupes verbaux mixtes, l’ordre des mots varie en fonction de la langue du verbe fléchi. [7] a) b) tu vois owi wewe num bois « tu vois un morceau de bois » une montre s-imelo-i 1A/3P-dessiner-parf « j’ai déjà dessiné une montre » On constate ainsi que dans [7a] l’ordre des mots est celui du français avec un verbe fléchi en français, tandis qu’en [7b] le verbe fléchi étant en kali’na, c’est l’ordre des mots de cette langue qui est respecté. Ces règles ne sont en aucun cas spécifiques au kali’na comme le montre l’exemple suivant, basé sur la paire de langues farsi-anglais : [8] Entre le verbe et son objet a) You’ll buy xune-ye jaedid. 2° aux.fut acheter maison-poss nouvelle « Tu vas acheter une nouvelle maison. » b) Ten dollars dad-e. dix dollars donner-passé « Elle a donné dix dollars. » (Mahootian, 1993 : 150) En farsi les groupes nominaux objets sont situés à gauche du verbe, or dans le cas de [8a], l’objet farsi xuneye jaedid est placé à droite de celui-ci suivant l’ordre de l’anglais. Inversement, dans le cas de [8b] c’est l’objet anglais ten dollars qui est placé à gauche du verbe suivant l’ordre du farsi. Nous proposons pour expliciter ces mélanges de nous appuyer sur un principe qui vaut autant pour les langues naturelles que pour les structures issues du contact entre deux langues : « the head of a phrase is [...] the element that determines the syntactic function of the whole phrase » (Payne, 1997 : 31). Par conséquent, dans les mélanges codiques, si la tête (adposition, verbe) d’un syntagme est en LX alors les propriétés syntaxiques des éléments constitutifs de ce syntagme sont dépendantes de la grammaire de LX. La variabilité des mélanges s’observe en kali’na mais aussi dans d’autres paires de langue, elle « est considérée comme l’une des caractéristiques essentielles des systèmes linguistiques, langagiers, communicationnels » (Blanchet, 2000 : 119). Divers facteurs sont 45 Tendance qui s’est accentuée dans la recherche sur les mélanges codiques depuis environ deux décennies. - 14 - Contacts de langues en Guyane française susceptibles d’influer sur le système : des facteurs linguistiques tels que la typologie des langues, des facteurs macro sociolinguistiques tels que les conditions historiques du contact ou le statut des langues en présence et des facteurs micro sociolinguistiques tels que les caractéristiques individuelles des locuteurs et leur attitude vis-à-vis de leurs propres productions. Nous ne développerons dans un premier temps que l’un de ces facteurs, le facteur typologique. La proximité ou la distance typologique des langues en contact est fréquemment évoquée dans la littérature dans la mesure où les particularités morphologiques des langues en contact semblent avoir une influence sur les types de mélanges observés dans différentes situations de contact, ainsi que sur leur direction. Ainsi, pour reprendre les indices typologiques proposés par Comrie (1981 : 39-50), lorsque deux langues dont l’une serait, dans le continuum basé sur le critère de « synthèse », plutôt proche du pôle polysynthétique et, dans le continuum basé sur le critère de « fusion », plutôt proche du pôle agglutinant, tandis que l’autre tendrait plutôt vers le pôle des langues fusionnelle ; certaines études ont montré46 que le contact présentait alors les caractéristiques suivantes : - Une asymétrie des alternances (la langue qui tend vers les pôles agglutinant et polysynthétique des continuums devient la langue « matrice » où sont incorporés des items ou constituants de la langue « subordonnée » 47). - Une tendance à l’intégration morphosyntaxique dans la langue matrice des items incorporés. La paire de langue kali’na-français entre ainsi dans le groupe des langues où les mélanges codiques se font essentiellement de manière unidirectionnelle avec une langue matrice qui semble le plus souvent clairement identifiée. Cette asymétrie est selon Halmari (1997 : 201) une « tendance universelle » pour les paires de langues où l’une des deux langues a une morphologie qui permet l’incorporation d’items de l’autre langue mais interdit l’inverse. Ceci s’explique selon Halmari (1997 : 211) par le fait que les éléments appartenant à des langues qui ont des systèmes morphologiques riches doivent conserver leur morphologie dans les structures mixtes puisque cette morphologie est essentielle pour marquer les relations grammaticales. A l’opposé, les éléments appartenant à des langues qui ont des systèmes morphologiques plus « pauvres » n’ont pas cette nécessité de porter des marques morphologiques et peuvent ainsi adopter la morphologie de la langue matrice. Par ailleurs, contrairement au discours dans la salle de classe, ponctué d’hésitations, dans la cour de récréation le discours est fluide et les mélanges de langues sont aisés. Ils n’ont pas de fonction communicative à proprement parler et posent plus des problèmes linguistiques qu’énonciatifs. En ce sens, ce discours peut être qualifié de parler bilingue ordinaire, c’est-à-dire un parler où « le passage d’une langue à l’autre est coulant ; […] n’entrave pas la communication, ne provoque aucune répétition, aucune des questions de compréhension ou de clarification qui caractérisent la communication dite « exolingue » (lorsque l’une des langues est mal maîtrisée par l’un des participants) » (Deprez, 1999 : 81). La question qui se pose en ce qui le concerne, et qui touche cette fois à l’avenir du kali’na, est de savoir si lorsque les mélanges codiques tendent à ne plus apparaître comme un choix marqué, la langue se situe dans une phase transitoire pouvant – mais pas obligatoirement conduire au développement d’un code mixte plus ou moins autonome. Cette hypothèse est retenue par Auer (1999 : 310) qui propose de décrire les discours bilingues sous l’angle d’un 46 Nahuatl-espagnol (MacSwan, 1997) et finnois-anglais (Halmari, 1997). Quoique sur ce point les avis divergent puisque certains auteurs attribuent la stratégie d’incorporation d’items au statut des langues (Backus, 1991 : 523, par exemple) : les paires de langues minorée/dominante conduisant selon eux à un mélange de langue insertionnel où la langue minorée incorpore un grand nombre d’éléments de la langue dominante. 47 - 15 - Contacts de langues en Guyane française continuum pouvant aller du mélange de langues à la création de langues mixtes, phénomène qualifié par l’auteur de « fusion de lectes ». Ainsi, cette langue parlée par les enfants dans la cour de récréation et propre à un groupe de pairs est susceptible de se stabiliser et de devenir le mode de communication privilégié des personnes de cette génération. S'il est par la suite transmis tel quel aux générations suivantes, ce parler bilingue sera le catalyseur d’un important changement linguistique qui touchera la communauté dans son entier. Cependant, l’approche strictement linguistique qui semble ici expliciter la forme que prend le mélange de langue ne semble pas suffisante pour définir ce processus et déterminer ce que deviendra ce parler bilingue. L’approche systémique peut ainsi être contrebalancée par une approche plus micro qui s’intéresserait plus aux attitudes des locuteurs vis-à-vis de leurs propres productions, ou encore à des approches longitudinales qui permettraient de décrire avec plus de précision l’évolution des répertoires linguistiques de ces locuteurs. Les questions de variations linguistiques et de changement linguistique ne peuvent donc pas faire l’impasse d’un travail sur l’identité bilingue et biculturelle. On ne peut en effet occulter le fait que la communauté dont il est question ici est dans une situation de reconstruction identitaire dont on va nécessairement trouver des traces dans la langue. Conclusion Les résultats de cette étude permettent de montrer que même dans une micro situation telle que l’école, différents discours bilingues sont identifiables. Analyser ces discours par le biais d’une approche mono disciplinaire n’aurait pas permis de rendre compte de leurs particularités. Le travail sur le discours dans la cour de récréation implique une approche linguistique ou un travail sur les attitudes des locuteurs tandis que celui de la salle de classe semble impliquer une approche énonciative et le recours aux théories de l’acquisition des langues secondes. De plus, en ce qui concerne le discours observé dans la cour de récréation, il faudrait pour pouvoir étayer la conclusion mener, par le biais d’une approche plus anthropologique, une recherche auprès d’un groupe de pairs plus âgés (16/25 ans) afin de déterminer dans quelle mesure il y a réellement systématisation du discours chez cette génération – et, partant, chez les générations futures -, et trace d’un réel changement linguistique. Aborder le kali’na aujourd’hui uniquement par la linguistique descriptive ne permet pas de faire état de toutes les variations qui caractérisent l’état actuel de la langue. Les résultats de cette recherche ont permis de montrer qu’une approche micro sociolinguistique révèle des discours divers et permet de mieux comprendre la macro situation et de poser des hypothèses pour l’avenir de cette langue. Le fait de partir des interactions, des bilinguismes individuels et de comparer les données à une micro situation permet de relativiser 1) l’objet contact de langue et 2) l’objet bilinguisme. Ce sont là des objets complexes et seuls des analyses de situations variées permettent d’en rendre compte. Aujourd’hui dans de nombreuses disciplines en sciences sociales c’est l’individu – ou plutôt les relations entre individus - qui est mis au centre de la recherche, ses actions ou ses productions ne sont plus envisagées comme étant socialement déterminées par la macro situation, au contraire celle-ci change et évolue au gré de ses interactions. Partir des discours et des interactions plutôt que de la langue, permet ainsi d’identifier différents phénomènes dans les situations de contact. Au vu des données analysées ici, on peut donc poser l’hypothèse de deux discours différents : (1) le premier qui se situe sur l’axe endolingue-bilingue et qui peut recevoir l’appellation de parler bilingue ordinaire ou de mélange de langue insertionnel ; - 16 - Contacts de langues en Guyane française (2) le second qui se situe sur l’axe exolingue et qui relève plus de discours d’apprenants avec des phénomènes tels que les bouées transcodiques et qui peut recevoir l’appellation d’alternance conversationnelle. Ce qui est significatif pour les locuteurs dans le cas de (1), c’est le fait de « choisir » de « parler mélangé ». Pour le chercheur, plusieurs points de vue sont possibles pour l’analyse : (a) une approche plus socio/anthropo-logique qui porterait sur les attitudes et la signification identitaire de ce parler ou (b) une approche plus linguistique portant sur la description du parler. L’un ne va pas sans l’autre, une analyse portant uniquement sur le système pourrait porter à croire que l’on est face à du changement linguistique, mais ceci peut être confirmé ou infirmé par les attitudes des locuteurs eux-mêmes. Selon les attitudes et l’évolution des pratiques des locuteurs on sera dans de la variation ou du changement. Dans le cas de (2), la problématique n’est pas le choix de la langue, ce qui est significatif ce sont les procédés d’alternance dans le cours de l’interaction et le fait que les locuteurs identifient les deux langues comme étant distinctes. On est dans du discours, dans de la variation. Bibliographie Alby (S.), 2001 : Contacts de langues en Guyane française : une description du parler bilingue kali’na-français, thèse de doctorat, Université Lyon II. 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