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Les modes de transition du tissu productif régional en Provence-Alpes-Côte d’Azur Jacques Garnier, Annie Lamanthe, Caroline Lanciano-Morandat, Ariel Mendez, Delphine Mercier, Frédéric Rychen To cite this version: Jacques Garnier, Annie Lamanthe, Caroline Lanciano-Morandat, Ariel Mendez, Delphine Mercier, et al.. Les modes de transition du tissu productif régional en Provence-Alpes-Côte d’Azur : Une étude comparative de quatre sites. [Rapport de recherche] Laboratoire d’économie et sociologie du travail (LEST). 2004, pp.395. ฀halshs-00086337฀ HAL Id: halshs-00086337 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00086337 Submitted on 18 Jul 2006 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License Laboratoire d'Economie et de Sociologie du Travail Unité Mixte de Recherche 6123 35 Avenue Jules Ferry - 13626 Aix-en-Provence Cédex LES MODES DE TRANSITION DU TISSU PRODUCTIF REGIONAL EN PROVENCE-ALPES-COTE D’AZUR Une étude comparative de quatre sites Jacques GARNIER Annie LAMANTHE Caroline LANCIANO-MORANDAT Ariel MENDEZ Delphine MERCIER Frédéric RYCHEN Mars 2004 Université de Provence – U1 – 3 place Victor Hugo 13331 Marseille Cédex 03 Université de la Méditerranée – U2 – 58, bd Charles Livon – 13284 Marseille Cédex 07 2 LES MODES DE TRANSITION DU TISSU PRODUCTIF REGIONAL EN PROVENCE-ALPES-COTE D’AZUR Une étude comparative de quatre sites Jacques GARNIER Annie LAMANTHE Caroline LANCIANO-MORANDAT Ariel MENDEZ Delphine MERCIER Frédéric RYCHEN Mars 2004 “ Le présent document constitue le rapport scientifique d’une recherche financée par le Conseil régional de PACA, la DRTEFP de PACA et le Conseil général des Bouches du Rhône. Son contenu n’engage que la responsabilité de ses auteurs. Toute reproduction, même partielle, est subordonnée à l’accord des auteurs. ” REMERCIEMENTS Cette recherche a pu être menée à bien grâce aux concours financiers du Conseil régional de Provence Alpes Côte d’Azur, de la Direction régionale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle de Provence Alpes Côte d’Azur et du Conseil général des Bouches du Rhône. Nous avons rencontré 280 personnes, chefs d’entreprises, cadres, ouvriers, fonctionnaires, responsables professionnels et associatifs, syndicalistes, sans compter les passants interrogés dans la rue. Tous nous ont reçus avec intérêt, disponibilité et chaleur. Nous tenons à les remercier vivement. Nous tenons aussi à remercier les étudiants qui, à un moment ou l’autre ont apporté leur concours à nos investigations : d’abord Cyrille Hours, étudiant en DEA au LEST, pour sa contribution lors de la passation et l’exploitation du questionnaire ainsi que Christèle Dondeyne doctorante au LEST, Antoine Veschi et Stéphanie Sanino étudiants en DESS au CEREFI. Nous tenons enfin à assurer de notre gratitude et de notre amitié toutes celles et tous ceux qui, au Laboratoire d’Economie et de Sociologie du Travail, nous ont aidés par leurs discussions et leur soutien matériel. SOMMAIRE INTRODUCTION GENERALE........................................................................................................ 9 CHAPITRE 1. RUPTURES, CONTINUITES, TENSIONS : LES TEMPS ET LES ACTEURS DE LA TRANSITION ......................................................................................................................... 19 CHAPITRE 2. LE TISSU AGRO-INDUSTRIEL DE LA BASSE VALLEE DU RHONE : UN SYSTEME PRODUCTIF LOCAL EN TRANSITION ....................................................................... 87 CHAPITRE 3. LE BASSIN MINIER DE PROVENCE, TERRITOIRE INCERTAIN, TRANSITION INACHEVEE ..............................................................................................................................185 CHAPITRE 4. L’ « AROMATIC VALLEE », L’INDUSTRIE GRASSOISE DE L’AROMATIQUE ET DE LA PARFUMERIE : POLE D’EXPERTISE INCONTOURNABLE OU MARGINALISE ?.......263 CHAPITRE 5. PAR-DELA LA VILLE-USINE : LES NOUVELLES FRONTIERES DU TISSU PRODUCTIF DE LA CIOTAT ......................................................................................................327 Introduction générale 10 Soulever le voile d’incertitude sur les transitions futures Les tissus productifs de la région Provence Alpes Côte d’Azur ne sont pas tous semblablement engagés dans le mouvement de mondialisation mais aucun n’échappe aux effets accélérés de la phase actuelle d’internationalisation des échanges et de trans-nationalisation des organisations productives. Ils ne sont pas tous identiquement concernés par le mouvement actuel de réactivation des territoires mais aucun n’échappe aux diverses modalités par lesquelles les entreprises s’insèrent aujourd’hui, de manière renouvelée, dans les réseaux sociaux constitutifs de ces territoires. Ces tissus évoluent désormais, par conséquent, de manière duale. A la fois insérées dans le mouvement de trans-nationalisation et ancrées dans celui de territorialisation, leurs trajectoires sont toutes traversées par des tensions annonciatrices d’infléchissements, de bifurcations ou de crises. Elles conduisent toutes à des transitions. Mais ces transitions ne sont pas clairement perceptibles aujourd’hui. Tout acteur soucieux de l’intérêt général qui souhaiterait anticiper, accompagner, infléchir ou encadrer ces transitions - notamment les acteurs publics - se heurte à l’incertitude. Le présent rapport a pour but de contribuer à dissiper cette incertitude en mettant à profit les analyses et les conclusions qu’il est possible de tirer de l’observation des transitions passées. Ce rapport est destiné à trois acteurs publics : d’une part, le Conseil régional de Provence Alpes Côte d’Azur et la Direction régionale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle qui se sont associés dans le cadre du contrat de plan Etat / Région pour financer cette recherche et, d’autre part, le Conseil général des Bouches du Rhône qui s’est joint à eux. Il vise, précisément, à éclairer à leur intention les transitions à venir, à lever une partie de l’incertitude qui les voile encore et à formuler, dans cette perspective, un certain nombre de conclusions et de recommandations. Mettre à profit l’analyse des transitions passées L’équipe du Laboratoire d’Economie et de Sociologie du Travail qui l’a rédigé considère en effet que l’anticipation des transitions futures peut prendre opportunément appui sur l’analyse des transitions passées ou présentes ayant affecté ou affectant encore aujourd’hui les tissus productifs de cette région. Dans cette perspective, quatre transitions ont été observées et analysées, toutes les quatre s’étant déroulées pour l’essentiel au cours des 25 dernières années. Il s’agit de : . celle qui a affecté le développement du tissu des activités agro-alimentaires de la Basse Vallée du Rhône, . celle au cours de laquelle se sont articulées la fermeture des activités minières du Bassin minier de Provence et l’émergence des activités nouvelles de micro-électronique de la Haute Vallée de l’Arc, . celle qui a marqué le développement des activités d’aromatique et de parfumerie de Grasse dans les Alpes Maritimes, . et celle consécutive à la fermeture du chantier naval de La Ciotat au cours de laquelle l’édification des zones d’entreprises d’Athélia / Gémenos / Aubagne s’est conjuguée avec une réoccupation du site de l’ancien chantier. 11 Quatre orientations de recherche La première des orientations de recherche adoptées par l’équipe procédait de l'hypothèse - on peut dire de la conviction - de ce que les transitions passées ayant affecté le devenir des tissus productifs de cette région n’étaient pas seulement les produits de quelques grandes tendances économiques et sociales générales, de divers événements fortuits complètement imprévisibles ou de certains choix explicites ou implicites effectués par les grands acteurs industriels ou administratifs, mais qu’elles étaient aussi conditionnées, de manière inégale mais de manière générale, par des permanences ou des rémanences inscrites dans les structures géographiques, institutionnelles, sociales et cognitives constitutives des territoires. Et cette orientation était conforme à la proposition selon laquelle l’analyse des transitions du passé est de nature à éclairer les probables transitions à venir. La deuxième des orientations adoptées procédait de l'hypothèse qu’il était indispensable et probablement efficace de distinguer, dès l’origine, deux catégories de transitions bien différentes les unes des autres par leur nature même : d’une part des adaptations et d’autre part des reconversions. Dans la première, les activités traditionnelles se maintiennent mais doivent se transformer, l’évolution s’opérant selon une certaine continuité, les nouvelles activités émergeant fréquemment dans une relative filiation avec les anciennes. Dans la deuxième, l’évolution du tissu productif se fait par rupture, les activités traditionnelles disparaissant plus ou moins complètement, les nouvelles activités s’implantant sans lien de filiation nécessaire avec les premières. La transition du tissu productif de l’aromatique et de la parfumerie de Grasse et celle des activités agro-industrielles de la Basse Vallée du Rhône relevaient de la première catégorie tandis que la transition du tissu productif du Bassin minier de Provençal et celle consécutive à la fermeture du chantier naval de La Ciotat relevaient de la seconde. La troisième orientation était liée à un questionnement autour de ce que l’on convenait d’appeler le « recyclage » des ressources. L’hypothèse était avancée selon laquelle les ressources naturelles, humaines, institutionnelles, technologiques, infrastructurelles, etc, associées aux activités anciennement installées sur un territoire, étaient diversement réutilisées - ou « recyclées » - par les activités nouvelles ou plus récentes. On pouvait penser qu’elles étaient peu recyclées dans les situations de transition-rupture ayant opéré après la fermeture du chantier naval de La Ciotat ou au cours du processus de fermeture des puits des houillères de Provence et qu’elles l’étaient davantage ou beaucoup plus dans les situations de transition-continuité caractéristiques de l’évolution du tissu agro-industriel de la Basse Vallée du Rhône ou de celle des activités d’aromatique et de parfumerie de Grasse. Une quatrième orientation, enfin, procédait de l’hypothèse selon laquelle, au cours de la transition, la re-composition des tissus productifs s’articule généralement avec leur re territorialisation. L’idée était avancée que les transformations de l’activité de chacun des quatre tissus productifs allaient de pair avec un changement substantiel non seulement dans les lieux d’implantation des entreprises mais aussi dans la nature même du rapport entre ces entreprises et les diverses ressources constitutives du territoire. Et ici encore, on était tenté de penser que la reterritorialisation du tissu productif était sensiblement plus accentuée dans les situation de transition-rupture que dans celles de transition-continuité. 12 Distinguer les transitions-ruptures et les transitions-continuités L’idée centrale qui animait l’équipe de recherche était donc bien celle qui opposait ou, du moins, qui distinguait les transitions-rupture et les transitions-continuité. Cette distinction devait révéler son efficacité. Tout d’abord et très rapidement, l’équipe de recherche s’est rendue compte qu’une telle distinction permettait de construire deux « modèles » de transition qui n’avaient pas été imaginés au commencement : deux modèles dont la confrontation mettait bien en évidence l’articulation et la cohérence très fortes entre des configurations d’acteurs, des formes de territorialisation et des modes de transition. . Le modèle de la rupture s’appliquait, rappelons-le, à La Ciotat et au Bassin minier de Provence. Dans un cas comme dans l’autre, l’Etat avait été l’acteur central de la régulation : ici en pilotant de manière attentive les restructurations successives opérées pendant trente ans dans une branche d’activité considérée comme stratégique pour la nation et en subventionnant massivement la fabrication des navires, là en assumant avec constance une fonction de tuteur, d’entrepreneur et de planificateur dans un secteur énergétique longtemps considéré, lui aussi, comme stratégique pour la nation. Dans un cas comme dans l’autre, des régulations sociales très équipées garantissaient à la fois l’efficacité de l’organisation du travail et la stabilité de très volumineux collectifs ouvriers : ici par le moyen du rapport des forces, des concertations et des négociations constantes entre le patronat de la construction navale et les principales organisations syndicales ouvrières françaises, là dans le cadre du rapport de coopération / conflit entre l’Etat, l’entreprise publique Charbonnages de France et les grandes organisations syndicales ouvrières et dont était résulté en son temps le très stable « statut du mineur ». Dans un cas comme dans l’autre, les volumineux collectifs de travail étaient gérés de manière fortement stabilisée dans le cadre de « marchés internes du travail » étroitement régulés autour d’accords, de règles et de coutumes diverses construites localement et dans lesquelles opéraient aussi bien les solidarités syndicales que les réseaux familiaux ou encore les connivences corporatives : ici dans le milieu très clos et géographiquement très confiné du grand chantier naval, là dans le milieu des villages et des familles de mineurs du bassin de Gardanne / Meyreuil. Car dans un cas comme dans l’autre, le tissu productif, le tissu social et l’organisation urbaine étaient très étroitement articulés les uns aux autres dans le cadre de villes-usines ou d’usines-villes : ici dans une cité ouvrière blottie au fond de sa crique, au bord de ses quais, sous ses grues et portiques et avec le concours multiple du tissu associatif ou politique qui organisait aussi bien l’habitat qu’une partie du système de soins et des loisirs, là dans le chapelet des villages, autour de la cité centrale de Gardanne, au pied des terrils et au bord des carreaux et avec un concours semblable de réseaux associatifs ou politiques.. Dans les deux cas, par conséquent, le tissu productif était partie intégrante aussi bien que partie intégrée d’un système socio-productif territorialisé quasiment clos sur lui-même, socialement régulé par des réseaux locaux et dont la cohérence et la pérennité étaient garanties par la force de l’Etat et des ses conceptions stratégiques. Très cohérents, très intégrés et très stabilisés, réciproquement spécifiés dans tous les éléments de leur fonctionnement, les deux systèmes se trouvaient d’autant plus chargés de rigidités et d’irréversibilités et, par conséquent, d’autant plus vulnérables à tout événement pouvant affecter tel ou tel de leurs principes centraux ou à tout accident leur imposant une bifurcation. Il n’est pas étonnant, dès lors, que la modalité principale de leur évolution ait été la rupture : ici lorsque l’Etat décida de cesser le versement de ses aides 13 massives, là lorsque le même Etat décida de conduire les houillères de Provence vers leur fermeture définitive. . Le modèle de la continuité s’appliquait, rappelons-le aussi, au tissu agro-industriel de la Basse Vallée du Rhône et à celui de l’aromatique et de la parfumerie de Grasse. Dans un cas comme dans l’autre, l’Etat était moins présent dans la régulation, celle-ci étant assurée depuis de longues décennies, de manière très décentralisée, par les réseaux tissés entre les acteurs locaux : ici entre les exploitants agricoles, les entreprises de conditionnement ou de transports et les institutions professionnelles qui leur étaient associées, là par les liens patrimoniaux reproduits au sein des dynasties de familles grassoises attachées à leur enracinement dans l’espace géographique et dans l’espace social local. Dans un cas comme dans l’autre le tissu productif était constitué non pas par des grands établissements mais par un grand nombre d’ entreprises de taille petite ou moyenne : ici par plusieurs centaines d’exploitations agricoles, d’entreprises de conditionnement, de transformation, d’expédition ou de transport des fruits et des primeurs de la Basse Vallée du Rhône, là par quelques dizaines d’entreprises de taille moyenne à capitaux familiaux. Dans un cas comme dans l’autre, l’organisation productive, la vie sociale et l’organisation urbaine étaient l’objet d’une articulation proche du schéma de la ville-usine sans être pour autant structurés de manière unifiée par les institutions associées à un groupe social dominant : ici dans les petites villes de Cavaillon, Carpentras, Chateaurenard et Saint Martin de Crau, là dans les quartiers centraux de la cité grassoise. Dans un cas comme dans l’autre, les entreprises avaient suscité avec leurs salariés des relations personnalisées de fidélité, de légitimité, de confiance et d’engagement réciproques - des « espaces professionnels domestiques » - propres à garantir, de génération en génération, l’apprentissage des savoirs et des savoir-faire, des normes et des impératifs de toutes sortes attachés à leurs activités particulières : ici dans le monde diversifié de l’agriculture, de la transformation et du transport au sein duquel l’impératif de flexibilité avait toujours été manifeste, là dans le monde clos et protégé de l’élaboration des matières premières, de la composition et de la réalisation des produits finis de la parfumerie au sein duquel les méthodes et les secrets de fabrication pouvaient se transmettre. Dans les deux cas, par conséquent, le tissu productif était constitutif d’un système fortement ancré dans le territoire – « système productif local » dans le premier cas, « district industriel » dans le deuxième - mais d’une manière qui les différenciait très nettement du premier modèle. Au lieu d’être régulés de manières durables mais rigides par des dispositifs de financement, d’organisation ou de gestion nationaux placés sous la tutelle directe ou indirecte de l’Etat, ils l’étaient par des réseaux sociaux locaux activables de manière évolutive et flexible. Au lieu d’être stabilisés de manière rigidifiante par des marchés internes propres aux grandes entreprises, ils l’étaient de manière souple et flexible par des espaces professionnels domestiques ouverts. L’un et l’autre promis à des chocs ou des conjonctures nouvelles, ils possédaient, par conséquent, les moyens de s’y adapter progressivement. Il n’est pas étonnant, dès lors, que la modalité principale de leur évolution ait été la continuité : ici dans la conjoncture nouvelle d’élargissement des marchés et de domination de la Grande distribution, là dans la conjoncture de segmentation et de mondialisation des filières de l’aromatique et de la parfumerie. 14 Saisir les tensions à l'œuvre dans les transitions La distinction ainsi opérée entre les deux modèles de transition était bien faite pour ordonner l’analyse comparative des quatre tissus productifs observés et cela apparaîtra clairement dans le cours des pages qui suivent. Mais elle était faite aussi pour être dépassée. Car les investigations approfondies conduites auprès de chacun de ces tissus ont aussi permis d'en caractériser les transitions d'une manière qui n'était pas envisagée au départ, dont les pages qui suivent rendent compte également et qui pointe, notamment, les tensions autour desquelles ces transitions s'ordonnent aux différents points de vue de : 1. l'articulation entre dynamique productive et dynamique urbaine, 2. la géographie politique des tissus et les concurrences territoriales, 3. les liens entre le tissu productif et le territoire, 4. l'articulation des logiques d'entreprise et des logiques de zone, 5. les transitions du marché du travail, 6. et enfin, pour conclure, les dynamiques d'acteurs et les processus de transition. Ces six thèmes constituent la trame de chacune des cinq parties du présent rapport : d'une part, des quatre chapitre rendant compte de façon synthétique des analyses effectuées sur les différents tissus productifs observés (chapitres II, III, IV, V) et, d'autre part, de la partie comparative qui les précède (chapitre I). Chacun de manière différente et ensemble de manière complémentaire, ces thèmes déclinent le questionnement qui a sans cesse soutenu les investigations de l'équipe : la question de l'évolution du rapport entre l'appareil productif et le territoire ou, plus précisément, la question de l'évolution du rapport entre 1. les catégories d'acteurs, 2. les catégories d'entreprises et 3. les catégories de zones (de territoires) parties prenantes à la transition. Une équipe qui interroge les acteurs et les témoins Les parties successives de ce texte rendent compte, en outre, de la répartition du travail opérée entre les six membres de l'équipe. . L'ensemble de l'équipe a conçu collectivement le texte comparatif et en a confié la rédaction à Jacques GARNIER, économiste, Maître de conférences à l'Université de la Méditerranée, animateur de l'équipe, . Annie LAMANTHE, sociologue, Ingénieur de recherche LEST / Centre associé au CEREQ, a réalisé l'investigation dans le tissu agro-industriel de la Basse Vallée du Rhône et en a rédigé la synthèse, . Caroline LANCIANO-MORANDAT, sociologue, Ingénieur de recherche au CNRS, a réalisé l'investigation dans le Bassin minier de Provence avec l'assistance de Jacques GARNIER et en a rédigé la synthèse, . Ariel MENDEZ, Professeure de Sciences de gestion à l'Université de Franche Comté, a réalisé l'investigation dans le tissu de l'aromatique et de la parfumerie de Grasse et en a rédigé la synthèse, . Delphine MERCIER, sociologue, Chargée de recherche au CNRS, a réalisé l'investigation dans le tissu productif de La Ciotat avec l'assistance de Jacques GARNIER et en a rédigé avec lui la synthèse ; elle a piloté la conception et l'exploitation du questionnaire passé auprès des 15 entreprises des quatre zones d'investigation avec l'assistance de Cyrille HOURS, étudiant en 3ème cycle au LEST, . Frédéric RYCHEN, économiste, Maître de conférences à l'Université de la Méditerranée, a participé aux différentes étapes d'exploitation des travaux de terrain et a réalisé l'harmonisation et la synthèse comparative des fiches statistiques de zone. Le travail de l'équipe a été avant toute chose une longue et patiente démarche d'écoute et d'échange auprès des acteurs et des témoins de la transition. Convaincus des vertus et familiarisés aux exigences du travail sur le terrain, les unes et les autres ont mis en œuvre parallèlement un ensemble de méthodes et d'outils largement fondés sur un souci d'interactivité : . des entretiens auprès des chefs d'entreprise, des cadres, des ouvriers ainsi que des syndicalistes de certaines de ces entreprises ( 189 entretiens au total ), . des réunions ou entretiens collectifs avec les mêmes catégories d'interlocuteurs ainsi qu'avec certaines associations de chefs d'entreprises ( 15 au total), . des entretiens et réunions auprès des représentants des institutions publiques ou associatives parties prenantes aux processus de transition ( 92 au total), . la passation d'un questionnaire auprès des dirigeants d'entreprise en coopération ou avec l'accord des associations de chefs d'entreprises locales ( 145 réponses au total), . la participation à diverses journées d'études, colloques ou manifestations professionnelles, . l'analyse des données statistiques avec la coopération ou la bienveillance des producteurs d'information, notamment l'Agence d'Urbanisme du Pays d'Aix et l'Observatoire Régional des Métiers. Mais l'essentiel de la démarche collective a bien consisté à arpenter l'espace et à arpenter le temps. Entrer par le territoire, entrer par le secteur, entrer par le temps Sommes-nous entrés par le territoire ? Nous sommes bien entrés, en effet, par des zones géographiques particulières dans le périmètre desquelles le tissu productif auquel nous avions décidé de nous intéresser s’était constitué, enraciné et reproduit au fil des décennies et nous nous sommes efforcés d’y comprendre le rapport qui s’établissait entre ce tissu et les différentes composantes de la société locale. Mais, au sein de ce territoire, nous avons focalisé notre attention sur une partie seulement de l’ensemble du tissu productif. Dans la Basse Vallée du Rhône, nous n’avons approché que les activités agro-industrielles et pas celles du BTP ni de la mécanique ; à l’Est de l’ancien Bassin minier de Provence, nous n’avons approché que les activités de la micro-électronique et pas celles de la logistique ni de la chimie ou de la métallurgie ; à Grasse, nous n’avons approché que les activités de l’aromatique et de la parfumerie et dans le territoire associé à la reconversion du chantier naval de La Ciotat, nous n’avons approché que les activités créées sur le site de l’ancien chantier et celles regroupées dans les zones d’entreprises d’Athélia, de Gémenos et d’Aubagne. Sur chacun des territoires nous nous sommes donc focalisé sur un espace industriel particulier. Sommes-nous donc entrés par les secteurs productifs ? Certes oui, comme on vient de le dire. Mais cette entrée sectorielle n’a pas été systématique et elle a pu évoluer en cours de recherche : l’investigation dans l’agro-industriel se portant plus que prévu à l’origine vers les activités de logistique ; l’investigation dans le Bassin minier devant s’intéresser plus que prévu à des entreprises sous-traitantes ne rentrant pas immédiatement dans une catégorie sectorielle 16 répertoriée à l’origine ; l’investigation à La Ciotat devant cibler davantage qu’on avait pu le prévoir les activités liées à la maintenance-réparation de Grande plaisance. Cette entrée sectorielle a même dû laisser la place, dans certains cas, à une approche plus diversifiée et incertaine. Ainsi de l’investigation sur les zones d’entreprises créées à la périphérie de La Ciotat dont les contenus foisonnants et pluri-sectoriels décourageaient à priori toute approche sectorielle. Nous sommes surtout entrés, en fait, par le temps. Nous sommes entrés par le temps de l’histoire des zones, par le temps de leurs transitions : celui de la continuité dans certains cas, celui de la rupture dans d’autres mais toujours un temps scandé par des chocs extérieurs, par des événements internes ou par des phases de mutation sociale. En arpentant les territoires, c’est aussi ce temps historique que nous arpentions. De Gardanne à Rousset, en 10 kilomètres de trajet de voiture, nous changions aussi d'époque : ici nous nous inscrivions dans les siècles de l’ancien système technique et d’une société révolue, là nous pénétrions dans le temps accéléré des processus concurrentiels mondiaux dans lesquels se trouvent emportés désormais les activités et les hommes de la micro-électronique. Du site de l’ancien chantier naval de La Ciotat aux vastes zones d’activités d’Athélia et de Gémenos, à un ou deux quart d’heures de distance, nous changions aussi de période mais nous changions aussi de territorialité : quel rapport, quel lien entre ces deux types de sites et d’activités ? Les seconds remplaçaient-ils vraiment les premiers ? Y avait-il eu réellement transition des un aux autres ? N’est-ce pas les décideurs publics qui avaient décrété que les nouvelles zones d’entreprises remplaçaient l’ancien chantier ? Ces zones d’entreprises n’appartenaient-elles pas davantage, désormais au vaste archipel des zones industrielles de la grande métropole marseillaise plutôt qu’au territoire ciotadain stricto sensu ? Et ne pouvait-on en dire de même des sites de la micro-électronique de la Haute Vallée de l’Arc par rapport aux activités disparues ou transformées de l’ancien Bassin minier de Provence ? Douter, questionner et répondre Nous arpentions le territoire et le temps mais nous formulions parfois quelques doutes sur la pertinence de notre questionnement initial. L’approche des transitions-continuités n’était-elle pas une démarche tautologique ? En approchant les transitions-ruptures, ne nous laissions-nous pas conduire par le discours institutionnel sur ce qui était peut-être des reconversions en trompel’œil ? En doutant, cependant, nous faisions notre métier. Ces doutes, en effet, ainsi que les réflexions qu’ils stimulaient allaient efficacement alimenter une série de conclusions, de questions, de réponses et de recommandations formulées à la fin de chacune des six parties du texte comparatif présenté dans les pages qui suivent. Ce texte est tout d’abord destiné aux élus et aux fonctionnaires du Conseil régional de Provence Alpes Côte d’Azur, de la Direction régionale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle ainsi que du Conseil général des Bouches du Rhône. Nous souhaitons qu’il puisse aussi faire l’objet, par les extraits ou les résumés qui en seront tirés, d’une diffusion auprès des très nombreux chefs d’entreprises, cadres et ouvriers, fonctionnaires des collectivités territoriales et responsables d’organismes professionnels, syndicaux et associatifs qui nous reçus, qui nous ont consacré du temps avec intérêt et générosité, que nous tenons à remercier très chaleureusement et avec lesquels, nous l’espérons, d’autres échanges et coopérations seront possibles à l’avenir. 17 18 Chapitre 1 Ruptures, continuités, tensions : les temps et les acteurs de la transition (synthèse comparative des quatre cas) 20 L'analyse des quatre transitions telle qu'elle est présentée dans les chapitres qui suivent celui-ci met en évidence des processus caractérisés par des incertitudes, par des tendances contradictoires, par des alternatives possibles, par des déséquilibres ou par des équilibres précaires, par des contraintes et des opportunités ou, en d'autres termes, par des tensions. Ces tensions sont communes aux quatre tissus productifs mais elles se manifestent de manière différenciée de l'un à l'autre et ceci, pour deux raisons. La première est que chacun de ces tissus possédait antérieurement des caractéristiques particulières, parfois très différentes de celles des trois autres, la deuxième étant que les transitions qu'ont connues ces tissus ont été générées par des chocs, des événements ou des tendances eux-mêmes parfois très différents d'un cas à l'autre. Le choix a été fait de présenter ici une synthèse comparative des quatre transitions sur la base d'une thématique construite autour de ces tensions. "L'articulation entre dynamique productive et dynamique urbaine", "la géographie politique des tissus et la concurrence des territoires", "les liens entre le tissu productif et le territoire", "l'articulation des logiques d'entreprises et des logiques de zones", "les transitions du marché du travail", "les dynamiques d'acteurs". Sur le registre de chacun de six thèmes, il est possible, en effet, de saisir à la fois l'évolution des rapports entre les catégories d'acteurs, les catégories d'entreprises et les catégories de territoires parties prenantes au processus de transition ainsi que les tensions qui naissent de ce processus. D'une manière générale, il apparaît que le processus transitionnel affecte plus ou moins profondément la nature du rapport du tissu productif au territoire en faisant émerger non seulement des modalités nouvelles de localisation des entreprises mais aussi des principes nouveaux d'occupation et de construction de ce territoire. C'est ce qui sera mis en évidence dans les quatre premières parties de ce chapitre. Il affecte également le mode de régulation du marché du travail en laissant entrevoir non seulement des déséquilibres nouveaux mais aussi des principes inédits dans la structuration même de ce marché. C'est ce qui ressortira de la cinquième partie de ce chapitre. Et il affecte enfin, plus globalement, les configurations et les dynamiques par lesquelles les différentes catégories d'acteurs - parmi lesquels les acteurs publics régionaux interagissent dans le développement productif régional en confirmant la mutation des principes organisationnels et géo-administratifs par lesquels ce développement opère désormais. 1. De la ville - usine aux conflits d’usage du territoire : une nouvelle articulation entre dynamiques productives et dynamiques urbaines Les anciennes "ville-usine" : cohérences et vulnérabilités Forme canonique de l’organisation industrielle héritée des deux siècles précédents, le modèle de la ville-usine s’était longtemps pérennisé dans chacune des quatre zones de notre investigation. La Ciotat, Gardanne et Grasse relevèrent parfaitement de ce modèle jusqu’aux années 70 ou 80 tandis que plusieurs des petites villes de la Basse Vallée du Rhône s’en rapprochaient encore il y a peu de temps. Ce modèle se caractérisait principalement par la concentration en un même lieu de l'appareil productif, de l'habitat et de la quasi totalité de la vie sociale, avec ce que cela comportait d'adéquation entre le processus productif et les conditions de reproduction des ressources qui lui étaient nécessaires (métiers, qualifications, normes de vie sociale, imaginaires collectifs, formes de solidarité, etc). Il en résultait une forte capacité régulatrice de la société 21 locale autour des principes de fonctionnement de son processus productif. Il en résultait aussi une singulière absence de plasticité et d’adaptabilité de cette société dans le cas où une crise brutale viendrait atteindre l’intégrité et la pérennité de ce même processus productif et, à contrario, pour des raisons qu'on évoquera plus loin, une singulière capacité d'adaptation dans le cas où l'évolution de ce processus se ferait de manière lente. D'une zone à l'autre, cependant, le modèle s’inscrivait dans des rapports historiques et spatiaux différents. Ces rapports étaient de deux types : "mono-polaire" et "multi-polaire". Le type mono-polaire était celui de La Ciotat et de Grasse : l'appareil productif y avait toujours été totalement concentré au centre de la ville ou dans sa proche périphérie. Le type multi-polaire était celui du Bassin minier de Provence et des petites cités de la Basse Vallée du Rhône : l'appareil productif y avait toujours été réparti entre plusieurs sites, villes ou villages et si, dans le Bassin minier, il avait fini par se "cristalliser" sur la ville de Gardanne cela était dû à la fois à la fermeture successive des différents puits dispersés en milieu rural et au développement de l'usine d'alumine de Péchiney en plein centre de cette ville. Et l’on peut dire aujourd’hui que les transformations ultérieures de l'articulation entre les dynamiques productives et les dynamiques urbaines de nos quatre zones n'ont pas été de même nature selon que l'on se trouvait dans un rapport de type mono-polaire ou dans un rapport de type multi-polaire. Dans le premier cas, l'évolution s'est manifestée par une disjonction grandissante entre l'appareil productif et la ville avec déstructuration du centre-ville tandis que, dans le deuxième, l'évolution s'est manifestée par l'émergence de formes nettement moins radicales de disjonction et de déstructuration. Ainsi, la structure même de l’ancienne articulation entre le tissu productif et l’organisation urbaine préfigurait-elle déjà, en partie tout au moins, la plus ou moins grande capacité du territoire à s’adapter de manière plastique aux éventuels chocs ou conjonctures de crise. La sortie de l'usine de la ville L’éclatement ou l’altération de la configuration ville-usine n’allait pas advenir, cependant, dans les seules conjonctures de chocs ou de crises. Les formes nouvelles que prend le développement du tissu productif à partir du début des années 70 se situent dans la tendance générale observée à l’époque à une sortie de l'usine de la ville. En fait, les formes nouvelles prises alors par l’articulation entre les dynamiques productives et les dynamiques urbaines ne sont pas de même nature selon que l'on se situe à Grasse et dans la Basse Vallée du Rhône ou à La Ciotat et dans le Bassin minier de Provence. A Grasse comme dans la Basse Vallée du Rhône, il y a bien eu progressivement, dès le début des années 70, un mouvement général de sortie des usines depuis les centre-villes vers les périphéries et ceci, pour les raisons que l'on connaît bien : différentiels de valeur et de rendement des actifs fonciers en milieu urbain et péri-urbain, commodités du transport des biens, etc. Dans les deux cas, les entreprises sont allées s'installer sur les zones industrielles nouvelles qui étaient créées dès cette époque par les communes ou les Chambres de commerce. Il en va différemment dans le Bassin minier de Provence où très peu d'entreprises ont quitté la ville et les villages pour s'installer sur les nouvelles zones de Peynier-Rousset et plus tard sur celles de Gréasque et de Fuveau et où les deux zones d'activités créées à Gardanne ont essentiellement servi à accueillir les activités externalisées depuis les sites miniers et depuis l'usine d'alumine. Et il en va différemment aussi, à La Ciotat, où les zones d'entreprises créées à Athélia, Gémenos et Aubagne 22 à la fin des années 80 n'ont en rien - ou qu'extrêmement peu- accueilli des activités issues de l'ancien appareil productif de construction navale. Par-delà cette différenciation, on peut cependant considérer que, sur chacune des quatre zones, l'articulation entre dynamique productive et dynamique urbaine s'est inscrite dans le mouvement général qui, depuis les années 70 jusqu'à aujourd'hui, n'a cessé de disjoindre les lieux d'habitat des lieux de production et les a respectivement circonscrits dans les espaces citadins et dans les zones d'activités (zones industrielles, zones artisanales, parcs d'activités, etc). Dans la très dense région urbaine associée à l'agglomération marseillaise, cette articulation superpose désormais l'archipel des cités où l'on habite et l'archipel des zones d'activités où l'on travaille, les uns et les autres constituant ensemble une trame continue mais complexe sur laquelle se dessinent progressivement les nouveaux réseaux d'infrastructures de transport et les nouveaux réseaux de mobilité alternante des individus. Continue mais complexe du point de vue géographique, la nouvelle articulation entre la dynamique productive et la dynamique urbaine apparaît aussi comme très hétérogène du point de vue sociologique. Elle est notamment le support de recompositions socio-démographiques importantes. Tissus productifs et recompositions socio-démographiques Les différentes cités parties prenantes aux nouvelles formes d'articulation entre dynamique productive et dynamique urbaine connaissent en effet des recompositions sociales profondes. Ces recompositions peuvent différer très sensiblement de l'une à l'autre des quatre zones. A Grasse, la sortie des usines vers les zones d'activités périphériques conjuguée au départ des anciens habitants du centre vers les villages alentour a produit une paupérisation du centre-ville. Dans la Basse Vallée du Rhône, les petites cités-usines comme les villages qui les jouxtent sont peu à peu affectées par le développement de la fonction résidentielle. Dans le Bassin minier de Provence, les villages qui furent le plus marqués par l'industrie ont encore tendance à conserver une population relevant des catégories populaires tandis que la plupart de ceux qui furent marqués par la ruralité, c'est-à-dire le plus grand nombre, ont tendance à être de plus en plus attractifs auprès des familles plus aisées, notamment celles des cadres. A La Ciotat, le caractère résidentiel de la ville s'accentue d'autant plus que l'activité industrielle a disparu du centre alors que les ingénieurs et cadres employés sur la nouvelle zone d'entreprises sont fortement attirés par les sites, les services et les agréments offerts dans l'ancienne ville-usine. Disjonction générale des espaces citadins et des zones d'activités, attractivité résidentielle et touristique grandissante, différenciation des valeurs respectives des actifs fonciers urbains et périurbains, pérennité de la structuration et du marquage social de certaines cités : plusieurs facteurs se conjuguent donc de manière différenciée de l'une à l'autre de nos quatre zones. Et cette différenciation opère de manière telle que chacun des espaces urbains inclus dans ces zones se définit moins par sa soumission à un mouvement socio-démographique tranché ou par son appartenance à l'une ou l'autre des aires d'influence des grandes villes proches (Marseille, Aix, Avignon, Cannes-Antibes) que par la manière particulière dont ces facteurs s'y conjuguent. Ainsi, la disjonction générale entre les espaces urbains et les espaces productifs génère-t-elle désormais, ou tout du moins pour l'instant, une sorte de balkanisation sociale encore peu 23 stabilisée et dont l'évolution sera probablement arbitrée à l'avenir dans le cadre de ce qu'il convient d'appeler des conflits d'usage du territoire. Les conflits d'usage du territoire Dans la Basse Vallée du Rhône, l'attractivité résidentielle et touristique conjuguée aux nouvelles facilités de circulation inter-régionale générées par le passage du TGV exerce sur le prix du foncier une pression qui pousse certains agriculteurs à céder leurs terres et qui incite à de nouvelles formes d'usage du sol, en particulier de nouvelles formes d'usage des zones d'activités. Un mouvement s'ébauche consistant à éloigner des espaces urbanisés certaines activités trop consommatrices d'espace à l'image de certaines entreprises de transport et de logistique délocalisées vers les sites du pourtour de l'étang de Berre. Et une tendance se manifeste aussi consistant dans la formation d'une offre d'immobilier d'entreprise plus dense et plus diversifiée susceptible d'attirer les services de certaines entreprises de la région parisienne. A La Ciotat, la pression résidentielle d'origine marseillaise, l'arrivée d'importantes cohortes de cadres et d'ingénieurs travaillant sur les zones d'Athélia ainsi que la perspective de développer localement des services hôteliers, résidentiels et ludiques susceptibles de fixer les clients des entreprises de Grande Plaisance : de nombreux facteurs concourent à accentuer la pression sur le marché foncier. Dans le Bassin minier de Provence, outre la pression exercée par les poussées résidentielles déjà évoquées, les débats et tensions se développent concernant l'usage futur des zones libérées au cours des dernières années et des derniers mois par les Charbonnages de France. A Grasse enfin la remontée de la pression résidentielle et touristique depuis le littoral de la Côte d'Azur conjuguée au projet des élus locaux de reconquérir le centre-ville paupérisé contribue également à une tension ou des conflits quant à l'usage du territoire. La tension générale sur l'usage du sol et la hausse du prix des actifs fonciers qui en résulte comportent des conséquences et des enjeux importants. D'une part, et si l'on se place au point de vue sociologique , les prix d'achat et de location des logements commencent à inciter les jeunes générations à rechercher un logement ailleurs que dans leur cité d'origine à tel point qu'une ville comme La Ciotat, ancienne ville ouvrière, peut très rapidement devenir une cité de villégiature occupée par de nouveaux habitants aisés. D'autre part, et si l'on se place au point de vue du développement industriel, les arbitrages ne sont pas stabilisés entre les usages plus ou moins intensifs, plus ou moins high-tech et plus ou moins productifs du sol et des zones d'activités, en particulier dans le Bassin minier et dans la Basse Vallée du Rhône. Ces tensions et conflits d'usage du territoire apparaissent désormais de manière explicite dans les propos des différents protagonistes parties prenantes au développement de l'appareil productif. Il ne semble pas cependant que, dans chacune de nos quatre zones pas plus qu'aux niveaux départementaux et régional, des lieux, des instances ou des occasions de débattre de ces tensions et de leurs enjeux aient été suscités à ce jour. 24 Résumé et conclusions . Régulation A la forme canonique de la ville-usine s'est largement substituée la nouvelle forme canonique de la zone d'activité disjointe de l'espace urbain. L'ancienne forme permettait une régulation sociale riche et cohérente mais d'une rigidité qui a accentué les transitions-ruptures, notamment à La Ciotat. La nouvelle forme conduit à une régulation sociale plus souple et flexible mais plus pauvre dans laquelle les migrations alternantes et les pérégrinations quotidiennes se substituent aux anciennes formes de sociabilité. . Disjonction La disjonction entre l'espace urbain et l'espace productif ouvre la voie à des occupations sociologiquement très différenciées ou ségréguées des villes et villages. Dans les espaces urbains multipolaires (Basse Vallée du Rhône, Bassin minier de Provence), la disjonction entre espace urbain et espace productif est moins forte que dans les espaces urbains monopolaires (La Ciotat, Grasse). . Arbitrage Les changements dans l'articulation entre la dynamique productive et la dynamique urbaine s'opèrent sur un fond de conflits d'usages du territoire, facteurs potentiels de bouleversements sociologiques et éventuellement de ségrégations sociales durables. L'arbitrage dans ces conflits d'usages n'est pas stabilisé mais il semble qu'il soit surtout régulé, pour l'heure, par le jeu du marché. 2. De l'intervention publique à la concurrence des territoires : la géographie politique des tissus Les dispositifs publics d'intervention et d'animation et leurs limites Les transitions opérées sur chacune de nos quatre zones ont parfois pris appui sur des dispositifs d'aide, d'aménagement ou d'animation particuliers, généralement créés par des regroupements d'acteurs publics - départementaux, régionaux, nationaux - inspirés par des projets et des logiques largement autonomes et souvent disjoints des seuls projets et logiques communaux ou intercommunaux. Ces dispositifs ont opéré de manière très différenciée selon qu'on se trouvait dans le cas des transitions-continuités ou dans celui des transitions-ruptures. A La Ciotat, deux institutions, pour l'essentiel, sont intervenues : d'une part, la société d'économie mixte Semidep (Société anonyme d’économie mixte de développement économique et portuaire) principalement constituée par le Conseil régional Paca, le Conseil général des Bouches du Rhône et la Caisse des Dépôts afin de gérer l'évolution du site de l'ancien chantier naval, d'autre part, Provence Industrialisation, société anonyme constituée à l'initiative de l'Etat pour attirer les investisseurs sur les nouvelles zones d'entreprises. Sur le Bassin minier de 25 Provence, deux types d'institutions, pour l'essentiel, sont intervenues : d'une part, la société d'économie mixte Sofirem (Société Financière pour faciliter l’Industrialisation des Régions Minières) constituée principalement par Charbonnages de France, destinée à aider aux aménagements et implantations d'entreprises en prévision du déclin progressif des activités minières, d'autre part, la cellule de conversion créée à l'initiative de Charbonnages de France en vue de réactiver le tissu productif du bassin et enfin, plus récemment, le Cremsi (Centre Régional d’Etude de Micro-électronique et Systèmes Interactifs) créé à l'initiative du Conseil régional de Provence Alpes Côte d'Azur et du Conseil général des Bouches du Rhône en vue d'inciter à une coordination plus poussée des efforts de recherche / développement entrepris par les grands et les petits établissements de la micro-électronique. Dans le Vaucluse, comme dans tout tissu productif agricole, les interventions directes ou indirectes de l'Etat étaient nombreuses mais aucun dispositif de mission spécialement destiné à régler une crise ou à impulser une évolution majeure n'avait été créé. Et la parfumerie de Grasse, pour sa part, n'avait jamais été dotée d'un quelconque dispositif particulier d'aide, d'aménagement ou d'animation. Les actions publiques institutionnalisées s'étaient donc bien concentrées principalement sur les deux zones et les deux tissus productifs affectées de ce que nous avons appelé des transitions-ruptures. Les deux tissus sujets à ce que nous avons appelé des transitions-continuités - l'aromatique et la parfumerie de Grasse et l'agro-industriel de la Basse Vallée du Rhône - n'ont jamais été tout à fait ignorés des grands acteurs publics. L'un comme l'autre, en effet, et plus encore le second n'ont jamais cessé de devoir se soumettre, s'adapter, mettre à profit ou réagir aux politiques publiques : la politique agricole nationale puis européenne dans un cas, les réglementations nationales et européennes sanitaires, sécuritaires et environnementalistes dans les deux. Mais aucun des deux tissus n'a été l'objet d'une intervention, d'un aménagement ni d'une animation de même envergure que celles qui furent opérées dans les zones de transition-rupture. A Grasse, les entreprises le plus anciennement ancrées ont toujours été d'autant plus réticentes aux interventions ou aux animations publiques qu'elles se considéraient comme assurées de leurs positions dominantes et qu'elles entendaient se pérenniser dans la tradition de leurs attitudes non coopératives et dans leur "culture du secret". Et si certains dispositifs d'animation économique se sont développés ou s'esquissent aujourd'hui dans la Basse Vallée du Rhône, ils sont davantage redevables des dynamiques institutionnelles locales que des lourdes opérations engagées par l'Etat et grandes collectivités publiques dans les transitions-ruptures. A La Ciotat comme dans le Bassin minier de Provence, en revanche, les dispositifs publics ont opéré de manière centrale et lourde mais il semble que, dans les deux cas, ils n'aient pu assumer et réussir qu'une partie de la mission qui leur avait été assignée : attirer des entreprises, créer des emplois et contribuer à l'apaisement social dans un cas, faciliter l'implantation d'investisseurs et accompagner le repli en bon ordre de certaines activités liées à la mine dans l'autre. Mais dans les deux cas ils ont opéré d'une manière souvent trop déconnectée des acteurs locaux pour pouvoir véritablement assurer ce que nous avons appelé le "recyclage" des anciennes ressources au profit des activités nouvelles, c'est-à-dire pour pouvoir, au sens littéral du terme, assurer la reconversion des anciennes activités. A La Ciotat, les deux institutions créées ont agi dans un contexte de crise économique, de troubles politiques et de déstructuration sociale qui les a conduit à ne solliciter, n'écouter, n'échanger et ne dialoguer que très peu avec les principaux acteurs du développement local. Et, sur le bassin minier, les Charbonnages de France et les services déconcentrés de l'Etat n'ont pas réellement cherché à organiser, de manière dynamique, la reconversion des petites entreprises sous-traitantes associées jusque-là à cette activité ou à celle de la Centrale thermique. 26 En écho aux propositions avancées dans l'introduction de ce texte, on vérifie bien que la transition des tissus de l'aromatique et de la parfumerie a été assumée dans la continuité, d'une manière autonome et quasiment auto-régulée, par les acteurs locaux parties prenantes à ces activités tandis que la transition des tissus productifs de La Ciotat et du Bassin minier nécessitait, pour des raisons touchant aux ruptures sociales et politiques générées le concours des aides, des interventions et de l'animation des acteurs publics, notamment de l'Etat. Mais on doit convenir aussi que, dans ce deuxième cas de figure, les différents dispositifs publics créés, généralement efficaces dans leurs performances quantitatives (implantations d'entreprises, créations d'emplois) n'ont qu'assez faiblement opéré en relation organisée avec les acteurs économiques locaux et, qu'en conséquence, ils n'ont que peu contribué au "recyclage" c'est-à-dire au transfert des anciennes ressources vers les nouveaux tissus productifs. Seul dans ces dispositifs, le Cremsi, désormais très informé par les besoins et les stratégies des petites entreprises technologiques de la micro-électronique, apparaît comme acteur de la transition. Peut-être représente-t-il une forme d'intervention publique plus précisément adaptée à la phase actuelle de transition des tissus productifs régionaux : celle qui consiste à se positionner dans la mondialisation et la concurrence des territoires. Moins présents dans les transitions-continuités, les dispositifs publics d'aide, d'aménagement ou d'animation économique ont bien joué un rôle central et moteur dans les transitionsruptures. Plus soucieux des résultats quantitatifs de leurs actions que de la qualité du processus de transition, ils n'ont qu'assez peu contribué au "recyclage" des ressources anciennes dans les activités nouvelles. La concurrence territoriale et les nouvelles formes d'intervention publique Sur les quatre zones, la transition est toujours en cours . Sur chacune d'entre elles, elle prend aujourd'hui un cours nouveau. Jusqu'ici, les conditions de l'intervention publique dans la transition étaient nettement différenciées selon qu'on était dans le cas de figure de la transitionrupture ou dans celui de la transition-continuité. Dans le premier cas, il y avait d'abord à prévenir à enrayer une grave crise sociale locale. L'Etat s'investissait dans le traitement de cette crise et il le faisait d'autant plus qu'il avait des responsabilités dans le déclenchement de la crise : ici fermeture du bassin minier, là fermeture du chantier naval. Dans le deuxième cas, il y avait à accompagner l'évolution d'un tissu productif dont la pérennité n'était pas remise en cause. Les différents acteurs publics s'y investissaient d'une manière modeste et, on l'a vu, selon que les acteurs productifs y étaient ou non favorables. Aujourd'hui, les conditions de l'intervention publique sont tout autres et, surtout, elles sont de plus en plus semblables sur l'ensemble des quatre zones. Dans chacune, en effet, il s'agit désormais d'affermir, de défendre ou de repositionner le tissu local dans la compétition mondiale. Dans la Basse Vallée du Rhône comme dans l'aromatique et la parfumerie de Grasse tout autant que dans la micro-électronique désormais installée sur le Bassin minier ou encore dans la Grande plaisance de La Ciotat, il s'agit de faire en sorte que les entreprises ne soient pas conduites à se délocaliser ailleurs, que d'autres entreprises soient attirées pour venir renforcer ou renouveler ce tissu et surtout, que les conditions du rapport entre le tissu productif et le territoire procurent des avantages comparatifs déterminants aux entreprises constitutives de ce tissu. Les acteurs publics sont conduits, dès lors, sur chacune de nos quatre zones, à se placer dans une perspective de "concurrence des territoires" et à adopter ce que certains de nos collègues 27 appellent une démarche de "construction territoriale" (Zimmermann, 1998) en coopération avec les acteurs productifs. Et cela ne peut se faire que si, entre ces deux catégories d'acteurs productifs privés d'une part, publics administratifs ou de mission d'autre part - les conditions de la coopération sont réalisées. Là se trouve, sans doute, l'enjeu des nouvelles formes d'intervention économique coordonnées entre les Conseils régionaux et généraux, l'Etat et les institutions intercommunales. Différenciées dans le passé selon qu'on avait affaire aux transitions-continuités ou aux transitions-ruptures, les conditions actuelles de l'action publique dans les transitions du tissu productif ont tendance à s'unifier dans une perspective nouvelle : celle de la construction territoriale en coopération avec les acteurs productifs dans une posture de concurrence des territoires. Les deux facettes et les incertitudes de l'intercommunalité Sur chacune de nos quatre zones, la mise en place des institutions intercommunales comporte des enjeux du point de vue du développement de l'appareil productif. Ces enjeux révèlent l'incertitude et les deux facettes du processus actuel de regroupement des communes. D'une part, les rivalités historiques locales ont pu aiguiser les réticences de certaines collectivités d'une même zone à soumettre leurs efforts de développement à une même démarche intercommunale ou à la tutelle d'une collectivité plus puissante qu'elles, par exemple dans la Basse Vallée du Rhône. Une même commune peut, en outre, se trouver soumise à des alternatives de regroupement qui l'embarrassent parce qu'elles peuvent la conduire à des sujétions économiques et politiques non souhaitées, par exemple dans le cas de Gardanne. Et, dans ces différents cas de figure, le risque existe de voir se maintenir ou se renforcer des forces centrifuges, des forces d'inerties ou des situations de balkanisation préjudiciables aux initiatives en faveur du développement local. D'autre part, le processus de coopération intercommunale apparaît, à l'inverse, comme un facteur d'intégration autour de problématiques ou de projets élargis, réducteur de balkanisation et propice à de nouvelles formes de coordination. C'est ce que l'on observe aujourd'hui, dans la zone de Grasse, où les collectivités parties prenantes à la communauté d'agglomération en viennent à s'interroger sur l'opportunité d'articuler le développement des activités d'aromatique et de parfumerie aux dynamiques innovantes en cours sur les sites de Sophia Antipolis. C'est ce qu'on observe à La Ciotat dont les différentes zones d'activités, qu'il s'agisse de celles d'Athélia ou de celles du site affecté à la Grande plaisance, pourraient avoir dans l'avenir un développement davantage coordonné au niveau de la métropole marseillaise et de sa communauté urbaine. Ce qu'il reste d'inachevé dans la démarche intercommunale fait subsister encore des pesanteurs sur la gestation de projets intégrés du point de vue du développement de l'appareil productif. Il aboutit parfois à des situations d'atermoiement ou d'incertitude au regard des faits transitionnels que nous avons entrepris de comprendre. Ainsi en est-il dans le Pays d'Aix où la Communauté d'agglomération, soucieuse de renforcer l'ancrage des activités associées à la micro-électronique accorde, à la fois, des aides fiscales importantes à certaines entreprises implantées sur la commune de Rousset (intégrée désormais à la Communauté) et un financement élevé à l'Ecole de Micro-électronique implantée par l'Ecole des Mines sur la commune de Gardanne (qui ne fait pas 28 partie, pour sa part, du moins pour l'instant, de cette Communauté). A moins que cette démarche apparemment ambivalente ne soit une façon audacieuse de faire prévaloir la perspective d'une dynamique de projet sur celle de la dynamique institutionnelle. Fauteur de risques de balkanisation ou facteur de dynamique de projet, le processus de coopération inter-communale peut devenir - articulé aux démarches stratégiques ou opérationnelles des autres grandes collectivités locales - la forme d'action publique la mieux adaptée à la compétition des territoires lorsque les incertitudes qui l'affectent et les apprentissages qu'il assume aujourd'hui auront été dépassés. Résumé et conclusions . Convergence Jusqu'à une période récente, les modalités de la transition ne sollicitaient pas semblablement l'intervention des acteurs publics : indispensables dans les cas de transition-rupture, les dispositifs publics d'aide, d'aménagement ou d'animation étaient peu utiles ou inopportuns dans les cas de transition-continuité. Désormais, en contraste, une tendance commune à tous les modes de transition se fait jour : celle d'une intervention publique décentralisée dans la perspective de la concurrence des territoires. . Déblocage Là où des situations séculaires de développement industriel local auto-centré avaient pu subsister sans intervention publique - dans le cas, notamment de l'aromatique et de la parfumerie de Grasse - les nouvelles formes de compétition économique et de concurrence des territoires rendent indispensables et, d'une certaine manière, débloquent les coopérations jusque-là refoulées entre les entreprises et les acteurs publics locaux. . Incertitudes et apprentissages Par-delà les incertitudes et les apprentissages qui l'affectent encore, le processus de coopération inter-communale - articulé aux autres niveaux de l'action publique locale apparaît comme un des vecteurs les plus propices aux démarches de coopération entre les acteurs publics et les acteurs productifs privés rendues indispensables par la concurrence des territoires. 3. De l'ancrage à la dé-territorialisation : les liens entre le tissu productif et le territoire Les anciennes formes d'ancrage du tissu productif dans le territoire Sur chacune de nos quatre zones, jusqu'à ce que les unes et les autres entrent en transition, le tissu productif était ancré et fixé en quelque sorte. Il était fixé, tout d'abord, physiquement et comme naturellement, dans la mesure où il était tributaire de la permanence et de la fixité d'une 29 ressource naturelle particulière : le lignite et la bauxite pour le Bassin minier de Provence, les légumes primeurs et les fruits pour la Basse Vallée du Rhône, l'agriculture florale pour la parfumerie de Grasse et la baie en eau profonde pour le chantier naval de La Ciotat. Sur cet ancrage naturel la dynamique productive avait construit un rapport beaucoup plus spécifié par création de ressources matérielles, professionnelles, cognitives et organisationnelles associées aux différents appareils productifs de la mine, de l'industrie et du négoce agroalimentaire, des process de l'aromatique et de la parfumerie ainsi que de la construction des grands navires pétroliers, méthaniers ou porte-conteneurs. A ces ressources spécifiées avaient été ajoutées d'ailleurs, au fil des décennies, une grande variété d'institutions de formation, de transfert de technologie, de recherche, de coordination professionnelle, etc, qui renforçaient encore l'ancrage de l'appareil productif dans le territoire local. Cette fixation physique et cet ancrage industriel dans le territoire prenaient appui, enfin, sur une matrice sociale qui préexistait parfois depuis longtemps sur le territoire ou que l'industrie avait été amenée à y construire : ainsi des riches et complexes réseaux professionnels et relationnels associés à l'activité agro-industrielle dans la Basse Vallée du Rhône, ainsi des réseaux familiaux et syndicaux très structurés qui régissaient, à Gardanne-Meyreuil, à la fois les trajectoires professionnelles et une part importante des relations inter-entreprises de sous-traitance, ainsi des dynasties familiales dont étaient issues les générations successives des chefs d'entreprises ou les "nez" de la parfumerie de Grasse, ainsi enfin des structures urbaines, des réseaux familiaux et ethniques et des solidarités syndicales qui informaient, à La Ciotat, les trajectoires professionnelles et l'organisation du travail dans le chantier de construction navale. Physiques et naturelles, industrielles et construites, relationnelles et héritées, plusieurs types de ressources accumulées et systémiquement associées contribuaient jusqu'ici à fixer profondément et à ancrer durablement chacun des quatre tissus productifs dans le territoire local. Ancrages territoriaux et stratégies globalisantes : une tension nouvelle A cet ancien rapport entre le tissu productif et le territoire est en voie de se substituer désormais un rapport d'un autre type. Pour l'heure, plus exactement, c'est une tension inédite qui s'instaure : la tension entre d'une part, une dynamique endogène et un ancrage fortement territorialisé des tissus productifs et, d'autre part, une dynamique d'échanges et de mobilité déterritorialisée des entreprises constitutives de ces tissus. Cette tension procède des diverses interactions entre les stratégies de groupes, les logiques de branche, les fonctions des établissements et les ressources présentes sur le territoire. Dans la micro-électronique implantée sur le Bassin minier de Provence, dans la logistique associée aux activités agro-industrielles de la Basse Vallée du Rhône, dans l'aromatique et la parfumerie grassoise ou encore sur les zones d'entreprises d'Athélia et de Gémenos, ces interactions peuvent produire des formes nouvelles et parfois accentuées de découplage entre le tissu productif et le territoire . Un grand nombre d'entreprises de nos quatre zones s'insèrent désormais dans des firmes fonctionnant en réseaux transnationaux ou intégrées dans des firmes elles-mêmes transnationales. L'envergure et la configuration de ces réseaux et de ces firmes sont susceptibles d'évoluer avec une grande rapidité et une grande volatilité et de modifier en conséquence, avec la 30 même rapidité et la même volatilité, les modalités de leur insertion dans les territoires locaux. Les firmes de la micro-électronique n'ont plus forcément le même intérêt qu'avant à implanter leurs usines de fabrication de semi-conducteurs dans une région française comme la Provence à quelques dizaines de kilomètres des centres de conception de la région grenobloise et elles peuvent souhaiter installer leurs "fonderies" dans le sud-est asiatique. Les firmes de l'activité agro-industrielle, leurs partenaires de la logistique ou leurs clients de la grande distribution peuvent avoir plus qu'avant intérêt à déployer les réseaux de leurs filiales et établissements sur un espace pluri-régional du sud au nord de l'Europe et, dès lors, leur disposition à s'ancrer sur les sites de la Basse Vallée du Rhône relève moins qu’avant de la proximité des producteurs de primeurs de cette zone que des équipements, infrastructures, savoir-faire ou facilités relationnelles qui s'y trouvent concentrées et associées. De même, les firmes dans lesquelles sont intégrées certaines des entreprises de l'aromatique et de la parfumerie arbitrent différemment, aujourd'hui, entre leurs raisons de se pérenniser à proximité de leurs partenaires et de leurs concurrents de Grasse et celles qui peuvent les pousser à se rapprocher des principaux centres décisionnels, industriels ou urbains européens, généralement fort éloignés de la Côte d'Azur. Les conditions qui fondent le rapport au territoire des entreprises aujourd'hui implantées ou susceptibles de s'implanter sur les zones d'entreprises d'Athélia, Gémenos et Aubagne - par exemple de Gemplus ou par exemple, encore, les diverses entreprises d'instrumentation médicale installées à Athélia - sont également volatiles. Et de même en est-il des raisons qui fondent le rapport au territoire des petites et moyennes entreprises technologiques essaimées depuis ST Microelectronics et toujours installées sur les sites de Rousset ou de Fuveau : l'arbitrage qu'elles font entre leur ancrage dans les réseaux professionnels ou relationnels locaux et leur localisation éventuelle sur d'autres sites européens peut changer lui aussi. La tendance à la mondialisation des marchés et celle qui conduit à la globalisation des stratégies de firmes sont telles que, désormais les entreprises de chacun de nos quatre tissus vont être amenées à arbitrer de manière en partie imprévisible entre leur ancrage dans le territoire local et leur mobilité dans les réseaux et organisations trans-nationaux. Les marges de manœuvre des responsables d'entreprises Dans cette démarche d'arbitrage, les directions locales d'établissements sont à la fois dans une position fragile et contradictoire et dans une posture charnière qui leur procure encore une certaine marge de manœuvre. D'une part, les managers locaux des grandes entreprises sont soumis aux injonctions stratégiques et aux critères de gestion des niveaux supérieurs de leurs firmes et, à ce titre, ils se trouvent contraints. Soit ils sont contraints de faire passer auprès de l'administration et des populations locales le message exigeant de leurs supérieurs qui réclament toujours plus d'avantages comparatifs - fiscaux ou autres - ou le message menaçant évoquant le risque de délocalisation ; soit ils sont contraints de faire passer en sens inverse, auprès de ces mêmes supérieurs, le message rassurant ou encourageant évoquant les avantages et les "performances" de leur site d'implantation ou de leur région de référence. Ils se trouvent ainsi en position d'assumer dans leur personne la tension déjà évoquée ici entre ancrage et déterritorialisation. D'autre part, ces managers peuvent être parties prenantes aux différentes instances de consultation, de réflexion, de concertation ou de négociation locales et, à ce titre, ils peuvent être 31 actifs et innovateurs : soit actifs dans la création d'institutions nouvelles telles que le Cremsi dans le Bassin minier, l'ex-association Promes dans la micro-électronique, les associations de chefs d'entreprises à La Ciotat, à Athélia ou à Grasse ou encore dans le développement des technopôles locaux, soit actifs dans la négociation de dispositifs fiscaux entre leurs hiérarchies et les pouvoirs publics locaux. Ils se trouvent alors, ainsi, dotés de marges de manœuvre dont la crise de Gemplus illustre bien le caractère limité mais dont l'évolution du milieu microélectronique de la Haute Vallée de l'Arc illustre aussi le caractère réel. Si l'on se place non plus au point de vue du manager intégré dans une firme mais à celui des dirigeants de petites ou moyennes entreprises, le statut de ces derniers au regard des contraintes et des marges de manœuvre possibles est sensiblement différent. Toutes nos investigations, qu'elles aient été conduites par entretien, par réunion ou par questionnaire, qu'elles aient été faites auprès des patrons de la parfumerie grassoise, des ingénieurs créateurs d'entreprises dans la micro-électronique, des marins chefs d'entreprises de La Ciotat ou des industriel de l'agro-alimentaire, révèlent bien la même tension à laquelle le chef d'entreprise est soumis et dans laquelle il est contraint d'arbitrer. Mais elles mettent bien en évidence aussi les marges de manœuvre dont il dispose et dont il use le plus souvent. Ces marges de manœuvre sont, dans son cas, de nature stratégique puisqu'il a la plus grande liberté pour orienter l'évolution du métier de son entreprise. Elles sont personnelles et subjectives puisqu'il les met en œuvre en intégrant sa propre trajectoire personnelle, son plus ou moins grand attachement à la société locale et aux agréments des sites. Et elles font de lui, en somme, pour les autres décideurs locaux, un acteur avec lequel il est possible de négocier et de construire à l'image de ceux qui ont construit et fait évoluer le Cremsi, de ceux qui ont commencé de coopérer avec la Semidep à La Ciotat ou encore de ceux qui animent le Club des entrepreneurs dans la parfumerie. Contraints par leur organisation lorsqu'ils sont les managers locaux d'une grande firme, par les impératifs de la gestion lorsqu'ils dirigent une petite ou moyenne entreprise, les responsables d'entreprises n'en sont pas moins dotés, à des degrés divers, de marges de manœuvre personnelles qui les constituent en interlocuteurs possibles pour les autres décideurs parties prenantes au développement des tissus productifs locaux. Résumé et conclusions . Tension Alors que les ressources naturelles et les ressources industrielles qu'ils leur avaient articulées conduisaient jusqu'ici les entreprises à s'ancrer et se fixer profondément dans le territoire local, la transition actuelle tend à les soumettre à une tension de plus en plus incontournable entre l'ancrage dans le territoire local et l'insertion dé-territorialisée dans les réseaux et les organisations trans-nationales. . Marges de manœuvre Soumises plus que les autres à cette tension, les entreprises intégrées dans les grandes firmes arbitrent en fonction de données stratégiques relativement indifférentes aux conditions générales du développement local mais leurs managers locaux disposent de certaines marges 32 de manœuvre qui peuvent constituer certains d'entre eux, dans une certaine mesure, en agents de ce développement. . Engagement Les dirigeants des petites et moyennes entreprises constitutives des tissus productifs locaux doivent plus qu'avant mettre en œuvre des démarches stratégiques anticipatrices mais ils ont aussi, dans une certaine mesure, la possibilité de mettre à profit leurs aspirations ou leurs trajectoires sociales personnelles pour s'engager de manière efficace dans les démarches collectives de développement local. 4. Comment les entreprises arbitrent dans leur rapport au territoire local : les "logiques d’entreprises" Le regard que nous portons sur les entreprises à l'intérieur de chacune de nos quatre zones d'investigation est, avant toute chose, informé par l’intention de comprendre les transitions du tissu productif local, c’est-à-dire, les dynamiques socio-économiques locales par lesquelles ces tissus se transforment. L’approche que nous faisons des logiques d'entreprises est donc liée à cette intention de discerner des dynamiques socio-économiques « de zone » et elle nous conduit, par conséquent, à ne pas dissocier le repérage des «logiques d’entreprises » du repérage de ces « logiques de zone ». Avant de dégager les interdépendances qui les associent au cours de la transition, on définira ici l'une et l'autre de ces deux catégories de logiques. Configurations d'entreprises et logiques de zones La très grande variété des types d'entreprises Lorsqu’on balaie les quatre zones, on y trouve la quasi-totalité du spectre des types d’entreprises, aussi bien du point de vue de la forme juridico-financière que de celui de la taille, de la fonction principale, de l’origine d’implantation ou encore du marché. 1. Du point de vue du statut juridico-financier, on trouve des grands établissements filiales de firmes trans-nationales, des petits établissements filiales de firmes trans-nationales, des PME individuelles (en société ou autre) à capitaux familiaux locaux, des TPE individuelles à capitaux familiaux locaux ou non locaux, d’anciennes PME absorbées par des firmes régionales, d’anciennes PME absorbées et intégrées dans les réseaux de firmes trans-nationales, etc. 2. Du point de vue de la fonction principale, on trouve des entreprises de fabrication, des entreprises de négoce, des entreprises de commercialisation, des entreprises de stockage / logistique, des entreprises de service aux entreprises, des entreprises de service aux particuliers, des entreprises bureaux d’étude / ingénierie, etc, et des entreprises qui associent l’une ou plusieurs autres de ces différentes fonctions (seuls les services aux particuliers ont été exclus de notre investigation). 3. Du point de vue de l’intégration, on trouve des entreprises ayant une fonction très développée de donneur d’ordres, des entreprises ayant une fonction très développée de sous-traitance, des entreprises ayant une fonction très développée de coopération / partenariat, des entreprises complètement autonomes, etc. 4. Du point de vue du marché, on trouve des entreprises à marché mondial ou à marché régional (continental, sud-européen) ou à marché local. 5. Du point de vue de 33 l’implantation, on trouve des entreprises implantées depuis très longtemps, d’autres implantées plus récemment par délocalisation, par essaimage ou par création. La diversité des configurations d'entreprises Ces différents types d'entreprises ne se retrouvent pas forcément tous sur chacune des quatre zones. Chacune de ces zones est caractérisée, en fait, par une certaine d'assemblage ou encore par une certaine configuration de types d'entreprises. Et l'on va voir qu'en somme, à chacune des zones correspond un certain type de configuration d'entreprises qui définit ou, tout du moins, qui renseigne sur la logique dominante prévalant dans cette zone (par souci de précision et de cohérence, on sera amenés à distinguer dans les tissus productifs non pas quatre mais six zones). L’activité micro-électronique implantée sur les zones de Rousset-Peynier-Fuveau et au-delà dans le Pays d’Aix consiste dans l’assemblage : 1.de grandes entreprises de fabrication, filiales insérées dans les réseaux de grandes firmes trans-nationales, 2. de petites entreprises de prestation de services insérées dans les réseaux de grandes firmes trans-nationales, 3. de petites ou moyennes entreprises technologiques issues d’essaimages en provenance, pour la plupart, des deux grandes entreprises de semi-conducteurs de Rousset, 4. de petites entreprises sous-traitantes à capitaux familiaux locaux, 5. de petites entreprises sous-traitantes insérées dans les réseaux de grandes sociétés régionales ou nationales de service aux entreprises. L’activité du tissu productif anciennement associé à la mine, à la centrale thermique et à l’usine d’alumine de Gardanne est constitué de l’assemblage : 1. de PME de services aux entreprises à capitaux familiaux d’origine locale, 2. d’équipes d’entreprises filiales insérées dans les réseaux de groupes nationaux ou trans-nationaux de services aux entreprises. L’activité d'aromatique et de parfumerie de Grasse consiste dans l’assemblage : 1. de grandes et moyennes PME industrielles à capitaux familiaux d’origine locale, 2. d’anciennes PME devenues filiales et insérées dans les réseaux de groupes industriels internationaux, 3. d'établissements de groupes trans-nationaux, 4. de TPE issues des restructurations successives. L’activité agro-industrielle de la Basse Vallée du Rhône consiste dans l’assemblage 1. d'exploitations agricoles aux statuts variés, 2. de PME de transformation, de négoce ou de logistique à capitaux familiaux d’origine locale, 3. d’anciennes PME des mêmes activités devenues filiales de groupes industriels ou logistiques d’envergure nationale ou internationale, 4. de filiales de groupes industriels ou logistiques nationaux ou trans-nationaux. L’activité de Grande plaisance sur le site de l'ancien chantier naval de La Ciotat consiste dans l’assemblage de PME à capitaux familiaux d’origines locale ou extra-locale françaises ou étrangères, 2. de petites entreprises filiales insérées dans les réseaux de groupes industriels transnationaux, 3. des premières équipes d’une entreprise de taille moyenne insérée dans le réseau d’un groupe industriel trans-national. L’activité des « zones d’entreprises » d’Athélia, Gémenos et Aubagne est constituée de l’assemblage de toutes les types d’entreprises évoqués plus haut, leur taille à quelques exceptions près étant petite ou moyenne. 34 L’analyse et la comparaison de ces configurations d'entreprises permet de dégager des correspondances - des congruences - entre ces configurations d'une part et, d'autre part, ce qu'on appellera ici les "logiques de zone" c'est-à-dire les principes généraux qui président à la régulation des tissus productifs déployés sur chacune de ces zones ainsi que les modalités de la transition qui s'y déroule. On peut distinguer quatre types de logiques de zone. Les « logiques de zone » Une première logique est celle qui prévaut dans l'aromatique et la parfumerie de Grasse, dans l’agro-industriel de la Basse Vallée du Rhône ainsi que sur le site DIAM de l'ancien chantier naval de La Ciotat. C’est une logique de système productif local ou de district industriel où les formes de concurrence et de complémentarité entre les entreprises opérant dans un même secteur d'activité et sur une même zone géographique s’inscrivent dans un espace relativement homogène de circulation de l’information, d'accumulation et de spécification de ressources. C’est une logique de reproduction et d'innovation. Les configurations d'entreprises y révèlent généralement la coexistence entre des PME à capitaux familiaux et des filiales de grands groupes industriels ainsi que les traces d'une substitution partielle des secondes à une partie des premières. La deuxième est celle qui prévaut sur les vastes zones industrielles, plus précisément, les « zones d’entreprises » issues du dispositif de reconversion du chantier naval de La Ciotat. C’est une logique d’ « agglomération péri-urbaine » d’entreprises où les infrastructures et les externalités caractérisant généralement les zones d’activités se conjuguent aux effets particuliers du dispositif des « zones d’entreprises » pour attirer une grande diversité d’unités de production nouvelles récemment créées et d’unités anciennes redéployées ou délocalisées en provenance de villes proches –notamment Marseille – ou lointaines. La configuration des types d'entreprises n'y révèle pas de manière immédiatement visible une quelconque dynamique ou un quelconque processus de transition répertoriable. La troisième est celle qui prévaut sur le site des activités micro-électroniques de Rousset-PeynierFuveau et au-delà dans le Pays d’Aix. C’est une logique qui relève de la catégorie des grands sites industriels classiques où deux grandes entreprises très technologiques insérées dans des firmes d’envergure mondiale ont suscité les essaimages, les délocalisations durables ou passagères d’autres entreprises technologiques ainsi que l’activation de diverses entreprises soustraitantes traditionnelles. Du point de vue de la transition, la configuration des types d'entreprises qui y sont implantées révèle bien les traces d’une dynamique d’essaimages et d’adaptations à des conjonctures fortement contrastées. Une quatrième logique peut être observée sur les sites du tissu d'industrie lourde proprement gardannais. C’est une logique de « conversion incertaine » où les petites entreprises à capitaux familiaux, sous-traitantes et fournisseurs des grands donneurs d’ordres du Bassin minier et de l’usine d’alumine, sont conduites à des transitions au cours desquelles elles doivent changer de métier et affronter la concurrence des filiales de groupes industriels multi-sites plus puissants. Les configurations de types d'entreprises observées sur les sites et sur les zones de déploiement de nos tissus productifs permettent de dégager quatre « logiques de zone » : une logique de "système productif local ou de district industriel", une logique d'"agglomération péri- 35 urbaine", une logique de "grand site industriel classique" et une logique de "conversion incertaine" « Logiques d’entreprises » et « Logiques de zones » Ces différentes logiques de zone sont en étroite interdépendance avec ce que l’on qualifiera ici de « logiques d’entreprise » c’est-à-dire avec la manière dont les entreprises sont conduites à faire leurs choix stratégiques ou, en d’autres termes, avec la façon dont elles résolvent leurs problèmes de développement. Les logiques d’entreprise sont composites car elles opèrent sur plusieurs registres, notamment : 1. le registre produit / marché, 2. le registre d'implantation, 3. le registre de captation / construction de ressources et aussi, 4. le registre de logistique. Sur ces différents registres, les logiques d’entreprise apparaissent le plus souvent comme des tensions à maîtriser, comme des positionnements à choisir ou comme des alternatives à gérer. On proposera ici que les manières différenciées par lesquelles les entreprises présentes sur une zone arbitrent dans ces tensions, ces positionnements ou ces alternatives, concourent par leurs complémentarités ou du seul fait de leur coexistence, à renforcer, infléchir ou altérer la logique de zone qui y a cours, c'est-à-dire, concourent à la définition et à l'impulsion, sur cette zone, d'un certain type de transition. Sur le registre du rapport produit / marché Sur ce registre, les logiques d’entreprises se manifestent, le plus souvent, par une tension entre les pôles opposés que constituent deux démarches technico-productives : 1. d’une part, la démarche de production en grande quantité de produits standards vendus sur un marché régulé par les prix, 2. d’autre part, la démarche opposée, consistant à vendre des produits spécifiques, c’est-à-dire des produits dédiés, déclinés, « packagés », spécifiés aux points de vue des délais, quantité, qualité, usage ou entretien dans le cadre de relations particulières avec les clients. Les modalités diverses par lesquelles les entreprises arbitrent dans cette tension suggèrent qu’elles s’inscrivent respectivement, sur chacune des zones, dans un modèle particulier de rapport entre le tissu productif et le territoire local et qu’elles participent de manière différenciée à la pérennisation ou à l’infléchissement des « logiques de zone » qu’on y a décelées. Les deux principales entreprises de micro-électronique du Bassin minier (ST Microelectronics et Atmel) ainsi que la quasi totalité des petites entreprises technologiques qui sont implantées à proximité sont conduites à se situer, entre ces deux positions polaires opposées, dans des positions intermédiaires qui articulent les deux démarches. Après avoir fondé longtemps son métier sur la fabrication de séries limitées de produits spécifiques dédiés (les Asics) Atmel a été conduite à fabriquer plutôt des produits standards en grandes séries. Après avoir fondé longtemps son métier sur la fabrication en grandes séries de produits standards, ST Microelectronics a été conduite à fabriquer de plus en plus de produits spécifiques dédiés. L’arbitrage entre les deux démarches a donc été jusqu'ici, chez ces deux producteurs, évolutif et hésitant. Il semble bien, cependant, que la tendance chez eux soit désormais d’épouser la démarche des quantités / standard - celle dite des "fondeurs" - adoptée aujourd'hui par un nombre grandissant d'industriels sur l'ensemble de la planète et qui risque de les mettre en compétition directe avec les producteurs implantés dans les pays de l’est européen, du sud-est asiatique et, demain, de la Chine. Ils ont ainsi tendance à adopter la démarche qui peut justifier qu’un jour prochain - par exemple lors du 36 prochains saut technologique dans le secteur - leur firme arbitre de manière défavorable au renouvellement des investissements en Provence. Et, de ce point de vue, on peut dire que la logique de ces entreprises peut, un jour plus ou moins proche, les conduire à distendre leur relation au territoire local. Le positionnement des entreprises de la parfumerie de Grasse n’est pas sans analogie. Sur l’amont de la filière où se situent ces entreprises, les marchés internationaux sont de plus en plus investis par des entreprises produisant en grande quantité des produits standards face auxquels les PME de Grasse ne sont pas compétitives et face auxquelles – ne serait-ce que pour des raisons de dimension et d’emplacement disponible dans l’espace urbain grassois – elles ne pourront jamais l’être. Ces entreprises sont alors conduites à pratiquer des démarches les mettant à l’abri de la seule concurrence par les prix au profit de la recherche de positions monopolistiques : 1. soit par le positionnement sur des produits-marchés exigeant une réactivité et une flexibilité que seules autorisent les coopérations et les liens inter-entreprises locaux, 2. soit par la recherche de «niches» commerciales particulières, 3. soit par l’association de l’image de leur produit à un lieu de fabrication - Grasse - qui continue de représenter un label mondialement reconnu. Et, de ce point de vue, on peut dire que la logique des entreprises de parfumerie les conduit à conserver ou à renforcer leurs liens avec le territoire local. C’est dans des termes très analogues encore que peut être formulé un même type de positionnement en ce qui concerne les activités agro-industrielles de la Basse Vallée du Rhône. De plus en plus dépendantes du secteur de la grande distribution et de plus en plus soumises à la pression sur les prix que celui-ci impose à ses fournisseurs, les entreprises locales sont conduites, elles aussi, à arbitrer entre les deux positions polaires de la quantité / standard et de la spécification. Mais la plupart d'entre elles ne disposent pas de l’espace physique disponible pour jouer la carte de la grande quantité. Elles sont alors conduites à adopter des démarches de spécification de leurs produits, notamment par la création de labels et de certifications, et à resserrer leurs liens avec les différentes instances professionnelles, administratives et technologiques locales. Entre les deux positions polaires, l’arbitrage dans cette zone est donc variable mais il a tendance à s’effectuer, cependant, dans le sens d’un maintien ou d’un renforcement du lien avec le territoire local. Les entreprises installées sur le site DIAM de l'ancien chantier naval de La Ciotat sont, pour la quasi totalité d'entre elles, des prestataires de services associés aux activités de maintenance / réparation / refit des bateaux de Grande plaisance. Elles ont avec chacun de leurs clients des relations bilatérales de coopération poussée sur chacune des opérations très spécifiques qu'elles effectuent pour eux. Mais plusieurs d'entre elles se sont engagées déjà dans la voie de la fabrication ou de la prestation de produits en séries. Elles on donc tendance à se situer dans une position intermédiaire proche du pôle produits spécifiés. Quant aux entreprises qui avaient été jusqu’ici associées aux industries lourdes de Gardanne, pour la plupart prestataires de services spécialisées, elles ne sont généralement que peu concernées par ce type de tension même si certaines d’entre elles ont été amenées récemment à se reconvertir en conjuguant à leur métier de prestataire de service diverses activités de fabrication ou de distribution de pièces et d’outils industriels. 37 Ainsi, gérée ou arbitrée diversement d’une entreprise à l’autre, la tension relative au rapport produit / marché n’en épouse pas moins un profil particulier sur chacune de nos zones et confirme l’existence, sur chacune d’entre elles, d’un rapport particulier entre le tissu productif et le territoire ou, en d’autres termes, d’une « logique de zone » particulière. 1. De plus en plus soumise à l’impératif quantité / standard dans la micro-électronique de Rousset, la tension peut conduire à l’avenir à une disjonction accrue entre le tissu productif et le territoire local et à mettre en péril la logique de site industriel classique qui s’y était esquissée jusqu’ici. 2. De plus en plus pesante sur les entreprises de l’agro-industriel de la Basse Vallée du Rhône et sur celles de l'aromatique et de la parfumerie de Grasse, la tension tend à y être arbitrée dans le sens d’une plus grande spécification des produits et d’un resserrement des liens entre le tissu productif et le territoire. Diverses forces concourent donc à y préserver la logique de système productif local qui y a prévalu jusqu'ici. 3. Le caractère limité de cette tension et la prévalence de la prestation spécifique sur le site DIAM de La Ciotat conforte la tendance, sur ce site, à des relations inter-entreprises fortement ancrées dans le territoire local de type "district". 4. Quant aux manifestations de cette tension sur les vastes zones d’activités d’Athélia-GémenosAubagne, elles sont tellement diverses qu’on ne peut en déduire une quelconque tendance générale quant à l'évolution de la logique de zone. Sur le registre de l’implantation Sur ce registre, les logiques d’entreprises s’inscrivent sur un continuum s’échelonnant depuis les manifestations les plus « administrées » des grands plans industriels nationaux jusqu’aux manifestations les plus durables de l’ancrage et de la reproduction territorialisée en passant par les multiples formes de délocalisation, d’essaimage ou de création. Les modalités diverses par lesquelles les entreprises se situent entre ces différentes formes d’implantation suggèrent, ici aussi, qu’elles s’inscrivent respectivement, sur chacune des zones, dans un modèle particulier de rapport entre le tissu productif et le territoire local et qu’elles participent de manière différenciée à la pérennisation ou à l’infléchissement des « logiques de zone » qu’on y a décelées. Dans la micro-électronique de Rousset-Peynier-Fuveau, les deux grandes entreprises actuelles et celle qui a disparu depuis un an (Nanomask) avaient été implantées, soit dans le cadre du deuxième plan « composants » national suscité par l’Etat à la fin des années 70, soit dans ses suites immédiates. Cinq parmi la vingtaine de petites entreprises technologiques implantées aujourd’hui ont fait partie des cohortes successives d’essaimages d’ingénieurs en provenance de la principale des grandes entreprises du site (ST Microelectronics). Plusieurs parmi les autres petites entreprises ont été implantées avec des capitaux personnels, sur les sites locaux, par des ingénieurs eux-mêmes issus par essaimage d’autres entreprises ou laboratoires scientifiques locaux ou parisiens. Toujours parmi les petites entreprises, quelques-unes ont été créées ou délocalisées sur ces sites – de manière souvent précaire – par les filiales de grandes firmes partenaires des constructeurs de machines spécialisées dans la micro-électronique. Ainsi, la déclinaison des modalités d’implantation des entreprises de ce secteur dans la Haute Vallée de l’Arc révèle bien, à la fois, une certaine polarisation des petites entreprises autour des deux grands établissements moteurs et la précarité des relations établies avec eux. 38 Les formes d’implantation des entreprises constitutives de l’activité agro-industrielle de la Basse Vallée du Rhône relèvent d’un éventail beaucoup plus réduit. Ce sont avant tout des entreprises implantées depuis longtemps avec des capitaux familiaux ou personnels d’origine locale, qui se sont reproduites et ont évolué jusqu’à aujourd’hui. Ce sont aussi des entreprises créées, absorbées ou délocalisées par des groupes industriels ou logistiques extra-régionaux. Ici, la déclinaison des modalités d’implantation des entreprises révèle bien, à la fois, l’ancrage durable dans le tissu rural et agricole local, l’irruption de capitaux industriels extérieurs et certaines formes d’éclatement du tissu liées à l’activité de logistique. Elle confirme la tendance déjà signalée de pérennisation d'un rapport spécifié au territoire local. Dans la parfumerie de Grasse, ce sont également l'ancrage durable dans le tissu local et l'éclatement de la filière - de manière analogue à ce qui vient d'être signalé plus haut pour ce qui concerne l'agro-industriel - qui apparaissent à l’observation : des modalités qui révèlent comment une activité en voie d'internationalisation et de segmentation peut continuer à s’ancrer sur un territoire encore pourvu de ressources relationnelles, patrimoniales et aussi, d'une "image" attractive et valorisante. Sur le site DIAM de La Ciotat, le grand nombre de créations, de délocalisations de TPE en provenance du reste de la France ou de l’étranger ainsi que l’arrivée récente de plusieurs très petits établissements insérés dans les réseaux de firmes transnationales - toutes ces implantations ayant un rapport direct avec l’activité de réparation-maintenance-refit de bateaux de Grande plaisance - révèlent bien la nouveauté du marché et la nouveauté du milieu productif local. L’absorption récente d’une de ces entreprises, particulièrement en difficulté, révèle aussi la précarité des structures d’un tissu très fortement ancré et très fortement dépendant des équipements et des aménités du site. Quant aux grandes zones d’activités d’Athélia-Gémenos-Aubagne, si toutes les modalités possibles d’implantation y sont observées, on doit remarquer, cependant, que le dispositif particulier de défiscalisation mis en place - en l’occurrence l’exonération de l’impôt sur les bénéfices - a eu un effet d’écrémage dans la mesure où il a principalement attiré des entreprises en expansion en attente de bénéfices importants sur le court et le moyen terme. Rien, en tout cas, dans les modalités d’implantation ne dénote à priori une forme particulière de rapport entre les entreprises et le territoire local. Très variées, par conséquent, les différentes modalités d’implantation propres à chacune des zones épousent des profils différenciés et confirment le développement ou l’infléchissement, sur chacune d’entre elles d’un modèle particulier de rapport entre le tissu productif et le territoire ou, c'est-à-dire, d’une « logique de zone » particulière. 1. Sur les sites de micro-électroniques de la Haute Vallée de l’Arc, la polarisation relativement précaire des petites entreprises autour des deux établissements moteurs ne remet pas en question la logique de site industriel classique mais elle en souligne le caractère vulnérable. 2. Dans l’agro-alimentaire de la Basse Vallée du Rhône comme dans la parfumerie de Grasse, le resserrement des liens que certaines entreprises entretiennent avec le territoire local coexiste avec diverses tendances à la délocalisation et confirme malgré tout la pérennisation de la logique de système industriel local . 39 3. Sur le site DIAM de La Ciotat, une dynamique entrepreneuriale récente esquisse ce qu’on pourrait qualifier de logique de district industriel si le poids politique des interventions publiques n’y était pas encore dominant. 4. Les vastes zones d’activité d’Athélia, de Gémenos et d’Aubagne continuent, pour leur part, d’apparaître comme des espaces de cohabitation très hétérogènes entre un grand nombre d’entreprises aux logiques les plus diverses et justifient le qualificatif incertain d’ "agglomération péri-urbaine " que nous leur avons donné pour l’instant. Sur le registre de la consommation / construction de ressources Sur ce registre, les logiques d’entreprise s’inscrivent dans ce qui pourrait être une alternative mais qui apparaît plutôt, ici aussi, comme une tension entre deux modalités du rapport des entreprises aux ressources locales : 1. d’une part, un rapport de «consommation » consistant de la part de l’entreprise à faire seulement usage des ressources humaines, des savoir-faire, des savoirs technologiques, des réseaux de coopération, des réseaux commerciaux ou des infrastructures préexistants, 2. d’autre part, un rapport de « construction » consistant, de la part de ces entreprises, à participer, en coopération avec d’autres acteurs, à la transformation ou à la création de ressources nouvelles. Les modalités diverses par lesquelles les entreprises arbitrent dans cette alternative ou dans cette tension suggèrent, ici encore, qu’elles s’inscrivent respectivement, sur chacune des zones, dans un mode particulier de rapport entre le tissu productif et le territoire local et qu’elles participent de manière différenciée à la pérennisation ou à l’infléchissement des « logiques de zone » qu’on y a décelées. Pour ce qui concerne la micro-électronique de la Haute Vallée de l’Arc, les deux grandes entreprises se sont toujours efforcées de susciter, dans l’appareil de formation local, la disponibilité de certaines catégories de main d’œuvre et elles ne sont jamais restées indifférentes aux efforts que les pouvoirs publics et les petites entreprises locales faisaient pour organiser un partage de certaines ressources technologiques et scientifiques locales (le Cremsi puis l’école de la micro-électronique). Il apparaît, cependant, que depuis leurs implantations originelles jusqu’à aujourd’hui, elles se sont davantage comportées en consommatrices de ressources locales qu’en constructrices. Il en va différemment pour les petites entreprises technologiques qu’elles ont suscitées ou qui se sont rapprochées d’elles. Celles-ci se sont trouvées à l’origine de diverses démarches visant à construire ensemble et partager des ressources scientifiques et technologiques, en l’occurrence, le Cremsi. Dans la tension consommation / construction, les entreprises de la micro-électronique arbitrent donc de manière différenciée selon qu’elles sont grandes et motrices ou petites / technologiques, révélant ainsi le caractère classique, dualiste et évolutif, de la zone. Les entreprises de l’agro-alimentaire de la Basse Vallée du Rhône semblent n’avoir jamais cessé de reproduire, d’améliorer et de construire des ressources – humaines, technologiques, commerciales – par le truchement des denses réseaux professionnels et relationnels qui les traversent et en coopération avec les divers organismes suscités par les collectivités publiques tels que l’Agroparc d’Avignon et les trois Marchés d’Intérêt National. Si certaines sociétés de négoce ou de logistique se bornent désormais à « consommer » les diverses ressources infrastructurelles et institutionnelles locales, la tendance est plutôt, de la part du grand nombre de PME locales à renforcer leurs démarches de « construction » de ressources (réseaux, labels, technologies). Dans 40 la tension consommation / construction, elles ont donc tendance à arbitrer d’une manière qui renforce la dynamique endogène locale. Les entreprises de l'aromatique et de la parfumerie de Grasse ne se sont pas trouvées jusqu'ici dans une phase de construction collective de ressources. La plupart de ces ressources - humaines, technologiques, commerciales - sont construite ailleurs qu'à Grasse, en France ou à l'étranger, et celles qui sont reproduites ou créées sur place le sont dans le sein privatif de chaque entreprise. Toutes les entreprises, cependant, trouvent librement sur place le minimum de ressources collectives disponibles qu'elles partagent quasiment sans le vouloir. Mais alors que les entreprises filiales de firmes trans-nationales ont plutôt en la matière une stricte attitude de consommation, c'est chez les PME grassoises que s'observent aujourd'hui les premiers frémissements de construction collective. Les entreprises du site DIAM de La Ciotat, d’abord consommatrices des ressources de l’ancien chantier - conservées et adaptées par la société d’économie mixte locale - se sont progressivement placées dans une position de construction de ressources par la médiation, elle aussi récente, de leur association. Leur rapport déjà très fort au territoire local s’en est trouvé plus intense qu’auparavant mais n’est pas encore stabilisé. Sur les zones d’activités d’Athélia-Gémenos-Aubagne, rien ne laisse paraître que les entreprises aient un comportement très poussé de construction de ressources. La participation parfois active de certaines d’entre elles – ou de leur association – à la promotion de certains aménagements ne les écarte pas de la tendance générale qui en fait avant tout des consommatrices de ressources. Ainsi, arbitrée de manière différenciée d’une entreprise à l’autre, la tension relative au rapport consommation / construction de ressources n’en épouse pas moins un profil particulier sur chacune de nos zones et confirme l’existence, sur chacune d’entre elles, d’un rapport particulier entre le tissu productif et le territoire, c’est-à-dire, d’une «logique de zone » particulière. 1. Gérée différemment selon qu’on a affaire aux deux grandes ou aux différentes catégories de petites entreprises, cette tension confirme bien le dualisme caractérisant de plus en plus l’évolution du site industriel classique de la micro-électronique dans la Haute Vallée de l’Arc. 2. Plutôt arbitrée dans le sens de la «construction » pour ce qui concerne l’agro-alimentaire de la Basse Vallée du Rhône, la tension semble ne se manifester que par quelques frémissements dans la parfumerie de Grasse où les tentatives des pouvoirs publics pour engager diverses démarches « constructives » avec les entreprises se sont heurtées jusqu’ici à la réticence de la plupart d’entre elles ; la « logique de district » s’avérant davantage prise en charge collectivement dans le premier cas que dans le second. 3. Esquissée sur le site DIAM de La Ciotat, la démarche de construction semble révéler plutôt une prise en charge collective de la « logique de district ». 4. L’absence d’une telle tension et la dominance du comportement « consommateur » sur les grandes zones d’activités d’Athélia et de Gémenos ne font que confirmer ces zones dans leur « statut » d’agglomérations péri-urbaines insérées collectivement dans le territoire de manière passive. 41 Sur le registre de la logistique Sur ce registre, les logiques d’entreprise se positionnent sur une sorte de continuum entre les deux pôles extrêmes que sont : 1. d’une part une très forte dépendance à l’égard des infrastructures, équipements et localisation géographiques propices à la réception, à l’expédition et au stockage de produits industriels ou de produits agricoles et, 2. d’autre part, une totale indifférence à l’égard de telles infrastructures, équipements ou localisation géographiques. Les modalités diverses par lesquelles les entreprises se positionnent sur ce continuum suggèrent, ici encore, qu’elles sont caractérisées sur chacune de nos zones par un mode particulier de rapport entre le tissu productif et le territoire local et qu’elles participent de manière différenciée, sur celui-ci, à la pérennisation, à l’infléchissement ou à l’altération des « logiques de zones » qui nous paraissent y avoir cours. La nature des processus et des cycles de production dans la filière micro-électronique fait que les deux grandes entreprises de la Haute Vallée de l’Arc sont fortement dépendantes vis à vis de l’impératif de logistique et que la proximité d’un aéroport est essentielle pour eux. Cet impératif, cependant, ne contraint pas outre mesure les conditions de leur implantation pas plus qu’il ne contraint leurs différents partenaires et sous-traitants locaux. Ces différentes entreprises se trouvent donc assez largement indifférentes à la présence d’infrastructures, de réseaux et d’équipements de logistiques spécialisés autres que la proximité d’un grand aéroport. Et, de ce point de vue, elles ne se trouvent ni très captives ni tout à fait libres dans leur rapport au territoire local. Il en va différemment pour un grand nombre d’entreprises de l’agro-alimentaire de la Basse Vallée du Rhône très fortement contraintes, à l’inverse, par la nécessité d’un branchement directe aux réseaux de transports routiers et ferroviaires, par la proximité d’activités auxiliaires des transports, par la disponibilité de superficies adaptées aux opérations de stockage et par la présence des dispositifs matériels et organisationnels associés aux échanges intermodaux. Ces entreprises ne sont pas toujours unanimement réceptives aux efforts faits par les acteurs publics locaux en vue de créer diverses « plates-formes » et autres dispositifs matériels et organisationnels en la matière. Elles n’en sont pas moins fortement contraintes par ce type de dispositif au point que certaines d’entre elles, désireuses de desserrer l’étau que représentent pour elles aussi bien le manque d’espaces que le prix des actifs fonciers, en viennent à se délocaliser à proximité des nouveaux équipements de logistique aménagés dans la Crau. Qu’elles soient anciennement ancrées ou qu’il s’agisse d’entreprise à implantations multiples plus récemment installées, un grand nombre de ces entreprises sont captives du territoire de la Basse Vallée du Rhône. Les entreprises de l'aromatique et de la parfumerie de Grasse ne sont indifférentes, pour leur part, ni à la présence proche de l'aéroport ni ternational ni aux pressants et lancinants problèmes posés par la circulation automobile et, de ce point de vue, c'est moins la question de la logistique qui suscite l'ancrage territorial que la question de l'ancrage qui suscite le problème de logistique. C’est sur les grandes zones d’activités d’Athélia-Gémenos-Aubagne que l’impératif de logistique opère le plus. Une proportion importante de l’activité installée sur ces zones ( plus du tiers) est le fait d’entreprises produisant des biens matériels pour un marché régional - soit le proche marché provençal et plus particulièrement celui de l’agglomération marseillaise, soit le 42 marché des régions de l’Arc latin du Piémont à la Catalogne - et pour lesquelles le branchement sur le réseau autoroutier les reliant à ces marchés est essentiel. Ces zones constituent des «pôles logistiques » dont la fonction de gestion des stocks et des flux traverse les diversités sectorielles, technologiques et capitalistiques et qui se conjugue, en fin de compte, avec une structure très atomisée et relativement pauvre des relations interentreprises. Ici, le rapport des entreprises au territoire n’est pas fondé sur l’ancrage territorialisé dans des réseaux d’échanges et de relations mais plutôt sur la proximité des marchés urbains et des infrastructures de transport et de stockage. A la fois enclaves a-territoriales et substituts à la ville-usine, ces zones d’activité définissent un rapport au territoire ambivalent, sans doute adapté aux nouvelles formes de déploiement des entreprise en direction de leurs marchés, mais aussi et en même temps, dépendant des tissus urbains locaux. Ainsi, le positionnement des entreprises entre les deux pôles extrêmes de la dépendance et de l’indifférence vis à vis des facilités de logistique épouse-t-il bien un profil particulier sur chacune de nos zones et confirme l’existence, sur chacune d’entre elles, d’un rapport particulier entre le tissu productif et le territoire, c’est-à-dire d’une logique de zone spécifique. 1. Plus proche de l’indifférence que de la dépendance, le positionnement des entreprises de micro-électronique de la Haute Vallée de l’Arc est conforme à la logique d’un producteur d’objets industriels peu pondéreux s’alimentant ou exportant par les voies aériennes. 2. En revanche, si les entreprises d’agro-alimentaire de la Basse Vallée du Rhône ont des positionnements aussi divers, c’est, d’une part, du fait que leur attachement aux ressources locales se conjugue avec un éclatement géographique grandissant des marchés d'approvisionnement et de vente. De ce point de vue, leur positionnement sur le registre de la logistique exprime bien la tension évoquée plus haut entre d’une part, une démarche de production de produits standards sur un vaste espace marchand indépendant du territoire et, d’autre part, une démarche de spécification de leurs produits par resserrement des liens avec les autres producteurs locaux. 3. La parfumerie de Grasse n'est pas indifférente à la disponibilité des facilités de la logistique, 4. C’est l ‘ensemble des zones d’Athélia-Gémenos-Aubagne qui manifeste un type nouveau - et désormais très courant - de rapport entre l’appareil productif et le territoire : la zone d’activité conçue à la fois comme enclave logistique et comme appendice de la ville. Résumé et conclusions Les « logiques d’entreprises » observées sur les quatre tissus apparaissent comme des réponses particulières apportées par chaque entreprise en vue de gérer ou de maîtriser différentes « tensions » qui s’imposent à elles, notamment dans les registres 1. du rapport produit / marché, 2. du rapport consommation / construction de ressources, 3. de l’implantation, 4. de la logistique. Ces logiques sont généralement transversales aux secteurs d’activité, aux tailles et aux formes juridiques d’entreprises. Chacun des quatre tissus productifs possède une «logique de zone » caractéristique des modalités particulières de coordination, de coopération et de rapport au marché qui y prévalent : des logiques de « système productif local », « district industriel », « agglomération péri-urbaine », « grand site industriel classique », « conversion incertaine ». 43 Les logiques / Les registres Logique de système productif local ou de district industriel Le registre produit / marché Le registre d'implantation Production en grande quantité de produits standards vendus sur un marché régulé par les prix du marché. Vente de produits spécifiques (produits dédiés, déclinés, spécifiés aux points de vue des délais, quantité, qualité, usage ou entretien dans le cadre de relations particulières avec les clients). Zone 2 : Ancrage durable dans le tissu rural et agricole local et irruption de capitaux industriels extérieurs et certaines formes d’éclatement du tissu liées à l’activité de logistique. Zone 1 : Activité en voie d'internationalisation et de segmentation continuant à s’ancrer sur un territoire encore pourvu de ressources relationnelles, patrimoniales et aussi, d'une "image". Zone 3 : Implantations ayant un rapport direct avec l’activité de réparation-maintenance-refit de bateaux de Grande Plaisance. Cette implantation se combine avec la permanence de précarité des structures d’un tissu fortement ancré et dépendant des équipements et des aménités du site. Zone 4 : Le dispositif particulier de défiscalisation mis en place a eu un effet d’écrémage attirant des entreprises en expansion en attente de bénéfices importants sur le court et le moyen terme. Zone 5 : Implantation dans le cadre du deuxième plan « composants » national suscité par l’Etat à la fin des années 70. Zone 6 : Polarisation des petites entreprises autour des deux grands établissements moteurs et permanence d’une précarité des relations établies avec eux. Implantation Le registre de captation / construction de ressources Ancrage Fort Ancrage suscité Ancrage imposé Ancrage fragile Zone 2 : Certaines sociétés de négoce ou de logistique se bornent à « consommer » les diverses ressources infrastructurelles et institutionnelles locales. La majorité des PME locales renforcent leurs démarches de « construction » de ressources (réseaux, labels, technologies). Zone 1 : Les entreprises produisent et autoconsomment sur place le minimum de ressources nécessaires, notamment en matière de ressources humaines, d’image et de savoir-faire. Zone 3 : D’abord consommatrices des ressources de l’ancien chantier, les entreprises se sont progressivement placées dans une position de construction de ressources par la médiation, de leur association. Zone 4 : Les entreprises n’ont pas un comportement très poussé de construction de ressources. La participation parfois active de certaines d’entre elles – ou de leurs associations – à la promotion de certains aménagements ne les écarte pas de la tendance générale qui en fait des consommatrices de ressources. Zone 5 : Rapport de « consommation » consistant de la part de l’entreprise à faire seulement usage des ressources humaines, des savoir-faire, des savoirs technologiques, des réseaux de coopération, des réseaux commerciaux ou des infrastructures préexistants Zone 6 : Rapport de « construction » consistant, de la part de ces entreprises, à participer, en coopération avec d’autres acteurs, à la transformation ou à la création de ressources nouvelles. Ressources Construction de ressources Consommation de ressources Consommation de ressources Construction de ressources Le registre de logistique Zone 2 : Qu’elles soient anciennement ancrées ou qu’il s’agisse d’entreprise à implantations multiples plus récemment installées, un grand nombre de ces entreprises Zone 4 : Le rapport des entreprises au territoire n’est pas fondé sur l’ancrage Zone 5 : Ces différentes entreprises se trouvent donc assez largement 44 Logique d’ « agglomération périurbaine » Logique des grands sites industriels classiques Logique de « conversion incertaine » Logistique récemment installées, un grand nombre de ces entreprises sont captives du territoire de la Basse Vallée du Rhône. Zone 1 : La concentration dans l’agglomération de Grasse n’est aujourd’hui pas plus que dans le passé contrainte par un impératif logistique particulier. Zone 3 : Leur rapport déjà très fort au territoire local s’en est trouvé plus intense qu’auparavant mais n’est pas encore stabilisé. pas fondé sur l’ancrage territorialisé dans des réseaux d’échanges et de relations mais plutôt sur : 1. la proximité des marchés urbains ou régionaux 2. l’usage partagé d’un ensemble d’infrastructures et de réseaux de transport de marchandises 3. la proximité d’un bassin de ressources humaines et d’un riche bassin de services aux entreprises 4. l’image positive que procure leur localisation dans un lieu de beauté naturelle fortement connoté de bienvivre. assez largement indifférentes à la présence d’infrastructures, de réseaux et d’équipements de logistiques spécialisés autres que la proximité d’un grand aéroport. Et, de ce point de vue, elles ne se trouvent ni très captives ni tout à fait libres dans leur rapport au territoire local. Lien Fort et Faible Lien Fort Lien Faible Zone 1 : Aromatique et parfumerie de Grasse Zone 2 : Agro-industriel de la Basse vallée du Rhône Zone 3 : Site Diam de l’ancien chantier naval Zone 4 : Les « zones d’entreprise » issues du dispositif de reconversion de la Ciotat Zone 5 : Le site des activités micro-électroniques de Rousset-Peynier-Fuveau et au-delà dans le Pays d’Aix Zone 6 : Les sites du tissu productif proprement gardannais 45 Lien Faible Chacun des quatre tissus productifs observés est caractérisé par une configuration particulière d’entreprises dont les logiques se combinent d’une manière conforme à la logique de zone qui y prévaut. Dans chacun de ces tissus, l’évolution des diverses logiques d’entreprises contribue à renforcer, infléchir ou altérer la logique de zone et, par conséquent, à orienter la transition du tissu productif dans un certain sens. Par suite, toute action visant à accompagner, aider ou stimuler le développement des entreprises d’un tissu productif particulier - notamment les actions conduites par les acteurs publics – devrait envisager tout à la fois de permettre à chacune d’entre elles de maîtriser les tensions qui s’imposent spécifiquement à elle et de faire en sorte que l’ensemble des entreprises d’un même tissu confortent la logique de zone jugée souhaitable pour ce tissu. 5. La convergence vers un nouveau modèle : les transitions du marché du travail Les anciennes régulations du marché du travail : deux modèles très contrastés La prégnance des grands marchés internes dans le Bassin minier Provençal et à La Ciotat Les configurations des anciens tissus productifs du Bassin minier Provençal et de La Ciotat illustrent un premier modèle de marché du travail bien caractéristique des ville-usines des XIXème et XXème siècle. Dans les deux cas, depuis plus d'un demi-siècle, on avait affaire à une très forte structuration de l’organisation du travail et de l’emploi autour du « marché du travail interne » d’une grande entreprise. Dans les deux cas cette organisation se prolonge et prend appui à la fois sur les structures de la vie urbaine locale et, dans les deux cas, par suite, la fermeture de l’entreprise dominante a des conséquences majeures sur ces dernières. Dans le Bassin minier de Provence, le marché du travail était structuré par les deux marchés internes de l’usine Péchiney et des Houillères de Provence. Celui des Houillères était d'autant plus dominant qu’il intégrait l’organisation de l’emploi du troisième gros établissement local : celui de la Centrale thermique. Le marché interne des Houillères était un sous-ensemble du vaste marché interne de l’entreprise publique multi-sites nationale Charbonnages de France. Il était fortement « équipé » par des institutions négociées entre l’Etat, les grands syndicats ouvriers et la direction de l’entreprise, notamment le « statut du mineur » et la « convention minière » et il fonctionnait localement en activant ou en laissant jouer les solidarités familiales, villageoises et syndicales sous forme d’une « gestion partagée » qui se prolongeait jusqu’aux petites entreprises sous-traitantes locales. A La Ciotat, de manière assez semblable, le marché du travail était structuré par le marché interne du chantier naval. Celui-ci n’était certainement pas intégré à un quelconque marché interne national comme l'étaient les Houillères de Provence mais, de fait, il décalquait les structures, les grands accords et les autres règles opérant dans l’ensemble de la profession au sein des cinq grands chantiers navals français et qui étaient négociées régulièrement entre les sociétés propriétaires et les grandes organisations syndicales ouvrières. Il fonctionnait localement en activant ou en faisant jouer, lui aussi mais sous des formes un peu différentes, les solidarités 46 syndicales et urbaines locales : à la différence de ce qui se passait dans le Bassin minier, ces solidarités n’exerçaient que très peu d’influence sur la gestion de l’emploi dans les entreprises sous-traitantes, lesquelles se situaient plutôt sur un marché concurrentiel déployé depuis Marseille jusqu’à Toulon dans les cités littorales vouées à la construction et à la réparation navales. La prégnance des « espaces professionnels domestiques » dans l’agro-alimentaire et la parfumerie Un autre modèle de marché du travail, très différent du premier, est illustré par les configurations des deux autres anciens tissus productifs de l’activité agro-industrielle de la Basse Vallée du Rhône et de l'aromatique et la parfumerie de Grasse. Dans ces deux cas, on avait traditionnellement affaire à une forte structuration du marché du travail par des « espaces professionnels domestiques » (Lamanthe, 1993) très ancrés dans les réseaux professionnels et familiaux locaux. Dans les activités agro-industrielles de la Basse Vallée du Rhône, le recrutement, la mobilisation, la mobilité et l’engagement dans le travail des salariés prenaient appui sur un ensemble de relations durables instaurées entre les directions d’entreprises - souvent des directions familiales – et des réseaux sociaux locaux. Ces relations faites de fidélité et de loyauté étaient aussi construites sur la base du partage de règles, de valeurs, de savoir-faire et de projets professionnels qui permettaient la construction et la pérennisation de professionnalités adaptées au mode de production en vigueur. Dans l'aromatique et la parfumerie de Grasse, la gestion familiale des entreprises se trouvait encore plus affirmée que dans l’agro-industriel de la Basse Vallée du Rhône et la régulation du marché du travail dans le cadre d’un « espace professionnel domestique » se vérifiait aussi. Moins rural et sans doute moins ouvert à la mobilité inter-entreprise, l’atmosphère locale n'en était pas moins porteuse, elle aussi, de valeurs, de normes, de savoir-faire et de projets professionnels qui s’apprenaient sur le tas dans l’entreprise et qui se transmettaient souvent, de génération en génération, au sein des familles. Sur l'ensemble des quatre zones, le marché du travail avait longtemps été régulé par des espaces fortement institutionnalisés, garants à la fois de la stabilité de l'emploi, de la reproduction des normes de solidarité et des comportements individuels exigées par les processus de production : soit des "marchés internes" fortement structurés, soit des "espaces professionnels domestiques" fortement ancrés dans le territoire. La convergence vers un nouveau modèle de marché du travail local La disparition ou l’altération des deux modèles anciens Au cours de la transition, ces deux modèles vont soit disparaître soit être altérés et, tout d’abord, le modèle qui prévalait dans le Bassin minier et au chantier naval La Ciotat. La fermeture progressive de la mine conduit à la disparition complète du marché interne qui lui était associé, de ses prolongements professionnels au sein des entreprises sous-traitantes et de ses prolongements sociaux au sein de la ville de Gardanne et des villages du bassin. Des restes de 47 l’ancien marché du travail, seul demeure le marché interne de l’usine Péchiney. Parallèlement, l’implantation sur le bassin des deux nouvelles grandes unités de production de microélectronique - Atmel et ST Micoelectronics – réintroduit la gestion des hommes sous la forme des marchés internes. Mais cette forme y est très altérée désormais, aussi bien dans sa configuration sociale interne que dans ses prolongements au sein des entreprises sous-traitantes et dans la société locale. La brusque fermeture du chantier naval de La Ciotat, pour sa part, conduit à la disparition totale du marché interne qui lui était associé ainsi que de ses prolongements sociaux au sein de la cité. Et dans les entreprises nouvellement implantées à la suite des efforts publics de reconversion, que ce soit Gemplus ou les autres entreprises installées sur les différentes zones d'entreprises, aucune forme de marché interne comparable n’apparaîtra plus désormais. Le deuxième modèle ne disparaît pas mais se trouve sensiblement altéré. Dans l’agro-industriel de la Basse Vallée du Rhône comme dans l'aromatique et la parfumerie de Grasse, l’ « espace professionnel domestique » au sein duquel le marché local du travail s’était structuré s’étiole. Les exigences liées aux conditions de production deviennent telles que les entreprises, dès les années 70 et 80, ont tendance à adopter des outils de gestion de leur personnel, notamment sous la forme de relations, conventions ou contrats avec les établissements d’enseignement professionnel et avec divers organismes publics et privés de régulation du marché du travail. Elles ont tendance à embaucher moins qu’avant du personnel peu qualifié formé ensuite sur le tas au cours de la vie professionnelle et à mobiliser davantage deux types particuliers de main d’œuvre. D’une part, elles recrutent des individus diplômés ou détenteurs de diverses certifications, certains de ces titres étant préparés et acquis loin du territoire local, notamment dans la région parisienne pour ce qui concerne certains métiers de la parfumerie. Et, dès lors, les individus détenteurs de titres deviennent plus mobiles et adoptent parfois - notamment dans la parfumerie - des stratégies individuelles de mobilité inter-entreprises. D’autre part, elles font appel à des salariés « sans qualité » particulière qui doivent se conformer à de nouvelles normes comportementales. Ainsi se développe un marché du travail beaucoup plus étendu et concurrentiel et ainsi s’étiole progressivement l’ « espace professionnel domestique » dont il était partie constituante et structurante. La convergence vers des formes plus concurrentielles et plus complexes à la fois Aux deux anciens modèles de marché du travail succèdent alors des formes nouvelles qui semblent converger vers ce qui pourrait être considéré comme un modèle nouveau si elles n’apparaissaient pour l’instant qu’à l’état d’ébauches incertaines et peut être réversibles. Ces formes nouvelles peuvent être analysées selon deux approches complémentaires comme l’envers et l’endroit d’une même réalité. Une première approche peut chercher à mettre en évidence le caractère hiérarchisé de la gestion du personnel par les entreprises. Elle insiste sur la tendance des entreprises à se centrer ou se recentrer sur leur cœur de métier et à ne réserver la stabilité et les avantages de leurs règles internes qu’au noyau dur des salariés qui leur sont le plus précieux. Ceci n’est pas nouveau mais s’observe plus qu’avant, en revanche, dans les petites et moyennes entreprises de chacune de nos quatre zones, que ce soit celles de l’agro-industriel, de l'aromatique et de la parfumerie, de la micro-électronique et de l’ancien bassin minier ou encore celles qui se sont implantées sur les vastes zones d’activité d’Athélia-Gémenos-Aubagne. Et ceci est d’autant plus visible que le noyau dur s'articule de manière grandissante avec une périphérie de plus en plus étendue 48 composée d’une part, des entreprises sous-traitantes effectuant une part croissante d’activités externalisées par les grandes entreprises et, d’autre part, des agences de travail intérimaires. Ces agences sont sollicitées d’autant plus souvent par les entreprises que ces dernières sont dans l’impossibilité de prévoir leurs carnets de commandes et leurs plans de charge, qu’elles veulent instituer la flexibilité de l’emploi, qu’elles se heurtent à certaines pénuries locales de compétences ou qu’elles tiennent à instaurer des périodes d’essai avant l’embauche de leurs nouveaux salariés. Cette première approche du nouveau marché du travail ajoute ainsi un chapitre aux observations effectuées il y a longtemps déjà à l’appui de l’hypothèse d’une stratification du marché du travail à moins qu’elle ne permette d’étayer celle de la dilution des marchés internes dans les marchés externes ( Durand 2001) Une deuxième approche peut chercher à mettre en évidence le caractère plus flou et plus complexe du marché du travail local. Elle insiste sur la réduction du périmètre de l’entreprise proprement dite, sur le caractère à la fois incertain et mouvant de ses frontières et sur la diversité grandissante des contrats qu’elle passe avec les salariés ou avec les autres institutions qui les emploient ou qui les mettent à son service. Ceci s’observe avant tout dans les grands et dans les moyens établissements productifs de nos quatre zones et tout particulièrement à Gemplus et dans la parfumerie de Grasse. Tout se passe comme si l’entreprise sollicitait d’autres institutions pour qu’elles viennent s’« encastrer » en quelque sorte dans ses structures et y réaliser à sa place certaines opérations matérielles ou immatérielles. Ainsi en est-il des entreprises sous-traitantes qui viennent effectuer des tâches dans l’enceinte même des locaux de l'entreprise donneur d’ordres. Ainsi des agences d’intérim qui prennent en charge une partie de la politique du personnel (contrats d’adaptation, de qualification, etc) de l’entreprise. Ainsi des cabinets de conseil ou de consultants qui - ainsi qu'ils le font à Gemplus - ont pour mission d’organiser et de gérer les plans sociaux de l’entreprise. Ainsi encore des très petites entreprises essaimées depuis les grandes unités de production et qui, soit en restent captives, soit s’en émancipent quelque temps pour mieux se faire racheter par elles ultérieurement. Tout se passe en somme comme si l’entreprise se faisait investir elle-même par des institutions extérieures qui viennent « nider » chez elle. Tout se passe comme si une nouvelle institutionnalisation du marché du travail, beaucoup plus décentralisée, beaucoup moins négociée et construite et beaucoup plus complexe, se substituait à l’ancienne institutionnalisation que constituait le marché interne. Aux anciennes formes stabilisantes du marché du travail se substituent désormais, progressivement, des formes plus segmentées, moins négociées et construites, plus marchandes et à la faveur desquels se développent avec une grande rapidité des modalités d'institutionnalisation qui brouillent à la fois les frontières de l'entreprise et la généralité des règles. L’option pour la qualité et les nouvelles tensions Ainsi qu’on l’a déjà évoqué en comparant les logiques d’entreprises de nos quatre zones, les producteurs, lorsqu’ils perçoivent leur handicap sur des marchés de produits standards où la compétition se trouve arbitrée par les prix, ont tendance à rechercher des positions monopolistiques ou des niches dans lesquelles l’option pour la qualité est essentielle. Cette option a toujours un effet structurant sur la demande de travail. Mais cet effet est de nature très variable et peut être parfois contradictoire. 49 Dans l'aromatique et la parfumerie de Grasse, la résistance à la pression du marché international des grands produits intermédiaires standardisés conduit la plupart des entreprises locales à jouer la carte de la qualité en s’appuyant aussi bien sur les arts anciens plus ou moins secrets qu’elles détiennent dans le traitement des produits naturels floraux que sur les savoir-faire particuliers et les coutumes comportementales dont les générations d’ouvriers locaux ont été jusqu’ici les vecteurs. Et, de ce point de vue, on peut dire que l’option pour la qualité joue en faveur d’un maintien d’un niveau élevé de qualification de la plupart des salariés. Dans l’agro-industriel de la Basse Vallée du Rhône, la tendance est également à l’introduction de normes, de labels et de procédures de certification impliquant de plus en plus une main d’œuvre de qualité moyenne-basse mais dotée de capacités lui permettant d’assumer les exigences en voie de généralisation d’hygiène, de propreté, de rapidité, de flexibilité et de productivité. Et, de ce point de vue, on peut dire que l’option pour la qualité joue plutôt dans la direction du maintien d’un niveau bas ou moyen de qualification conjugué à un accroissement des exigences comportementales. Certes, dans les deux grands établissements de la micro-électronique , l’importance grandissante prise, au cours des dernières années, par les services de marketing et de développement a encore rehaussé le haut niveau d’exigence concernant le recrutement et la formation de certains ingénieurs, ce recrutement s’effectuant au sein d’un espace professionnel mondial. Certes, la plupart des ingénieurs et cadres d’une entreprise comme ST Microelectronics sont conviés à une formation continue exigeante dans le cadre, notamment de ST University. Mais l’option pour la qualité, en particulier l’option pour la propreté maximum à laquelle sont contraints les fabricants de semi-conducteurs, conduit aujourd’hui à la robotisation croissante du processus de production avec pour conséquence une baisse relative du niveau de qualification exigé des opérateurs et une augmentation corrélative des qualités comportementales qu’exigent d’eux les entreprises. Et, de ce point de vue, on peut dire que l’option pour la qualité joue nettement, à terme, à la fois dans la direction d'une baisse du niveau technique et du niveau de diplôme exigé et dans celle d'une hausse des exigences comportementales individuelles. Il en va différemment pour les petites et moyennes entreprises opérant en sous-traitance pour ces grands établissements de la micro-électronique ainsi que pour les petites entreprises de Bassin minier ayant opéré jusqu’ici en sous-traitance pour les activités plus anciennes de la Mine, de la Centrale thermique et de l’usine d’alumine de Péchiney. Une tendance se dégage, dans l’ensemble de ces entreprises, dans la direction d’un renforcement du noyau des cadres dirigeants, commerciaux, informatique et qualité tandis que grandissent aussi les exigences de type comportemental vis à vis des opérateurs. Et ces tendances s’observent aussi, dans un très grand nombre des entreprises implantées sur les zones d’entreprise d’Athélia-Gémenos-Aubagne. Le marché du travail sur lequel recrutaient jusqu’ici les petites entreprises du site de l’ancien chantier naval de La Ciotat était composé de trois segments : d’une part, le vivier encore restant des ancien salariés du chantier, d’autre part, le bassin de compétences associé à ce qu’il restait en Provence des anciennes activités de construction et de réparation navale et enfin, un marché du travail beaucoup moins territorialisé, déployé depuis la Bretagne et l’Angleterre jusqu’à la Nouvelle Zélande. Mais le recrutement et la gestion de ces ressources humaines furent longtemps, à l’image des entreprises de Grande plaisance créées sur le site : des aventures entrepreneuriales d’anciens marins passionnés. Avec le développement rapide du marché en 50 Méditerranée et avec l’apparition sur ce marché d’entreprises d’envergure importante et de professionnalisme avéré - telle Monaco Marine - apparaissent aujourd’hui des outils de gestion, des normes de qualité d’hygiène et de sécurité ainsi que des procédures de certification qui vont conduire les entreprises à modifier leurs pratiques de recrutement et de gestion du personnel. Cela n’altérera que lentement le caractère artisanal de l’activité de Grande plaisance mais on peut dire que ce type d’option pour la qualité modifiera rapidement les relations des entreprises de cette activité avec l’appareil de formation local. Si l’option pour la qualité à des effets différenciés sur le niveau de la qualification exigée des salariés, on observe cependant qu’elle développe dans la quasi totalité des entreprises de nos quatre zones une exigence renouvelée en ce qui concerne les qualités comportementales des salariés. La montée de cette exigence est d’ailleurs un des paramètres à prendre en compte dans l’analyse du thème de l’ « inadaptation » de la main d’œuvre. Rhétorique et réalités de l’ « inadaptation » Le thème de l’ « inadaptation de la main d’œuvre » aux besoins des entreprises est un thème récurrent dans le discours des responsables d’entreprises depuis le début des années 70. On sait de quelle manière il n’a cessé d’interpeller les chercheurs pour ce qui concerne la compréhension des relations entre l’appareil de formation et l’appareil productif et l’on sait comment au Lest, l’analyse sociétale a pu contribuer à l’élucidation de ce problème. Il semble qu’on assiste aujourd’hui à une nouvelle phase de l’évolution des espaces de qualification en France et il n’est pas impossible que l’entrée par les « modes de transition du tissu productif régional » constitue un levier adéquat pour amorcer une compréhension de cette nouvelle phase. Ces changements s'insèrent-ils dans les cohérences sociétales préexistantes en sollicitant les principes de fonctionnement opérant déjà dans les espaces de qualification : s'agit-il de "changements organiques" ? (J.J. Silvestre, 1986)1 Ne sont-ils que des adjonctions aux dispositifs institutionnels constitutifs de ces cohérences préexistantes : s'agit-il de "changements mécaniques" ? Ou bien expriment-ils la mise en mouvement et la génération de formes nouvelles de comportements et de rapports sociaux : s'agit-il de "changements structurels" ? Tout d’abord, on assiste à la disparition ou à l’altération substantielle de deux instances de régulation du travail et de l’emploi qui stabilisaient le marché du travail et qui, par leurs vertus socialisantes, garantissaient au niveau local des territoires une assez large «adaptation » entre les besoins à moyen terme des entreprises et les qualités du travail offert : d’une part les « marchés internes » des grandes entreprises et, d’autre part, les « espaces professionnels domestiques ». Le Bassin minier de Provence et La Ciotat possédaient chacun l’un des plus structurés de ces marchés internes et les ont perdus. La parfumerie de Grasse et l’agro-alimentaire de la Basse Vallée du Rhône possédaient chacun l’un des plus efficaces espaces domestiques de la région et, à des degrés plus ou moins élevés, les voient aujourd’hui se tarir. Parallèlement, on assiste à une accentuation des situations d’incertitude pesant sur les entreprises. Dans la micro-électronique, l’incertitude porte sur l’évolution de la conjoncture à moyen terme et sur les conditions de maîtrise, toujours à moyen terme, de l’évolution de la 1 JJ Silvestre (1986) Marchés du travail et crise économique : de la mobilité à la flexibilité, Formation-emploi, n°14, avril-juin, pp. 54-62 51 technologie. Dans la parfumerie comme dans l’agro-industriel et comme dans la Grande plaisance, elle porte sur l’évolution du marché, souvent à court terme. Dans la plupart des grandes ou des petites entreprises implantées sur les vastes zones d’activités d’Athélia-GémenosAubagne, elle porte sur l’un ou l’autre de ces différents registres et, généralement aussi, elle s’accentue. En face de la disparition ou de l’altération des anciennes instances de régulation du travail et de l’emploi, l’accentuation de ces différentes formes d’incertitude provoque, précisément, de l’inadaptation. Cette incertitude et cette inadaptation suscitent alors, de la part des entreprises, des réponses qui relèvent de ce qu’on appelle le « marché externe » mais qui sollicitent de plus en plus les formes institutionnelles publiques et privées flexibles diffuses et non hiérarchisées que sont le travail intérimaire, la sous-traitance, l’agence nationale pour l’emploi, les cabinets de conseil, les dispositifs d’insertion, les entreprises intermédiaires, etc Parallèlement, aussi, on assiste à un rapide développement des outils de gestion de la qualité notamment sous les formes procédurales associées aux labels et aux certifications et qui impliquent généralement une sollicitation accrue des aptitudes comportementales des salariés. La disparition ou l’altération des deux anciennes instances de socialisation au travail que constituaient les marchés internes et les espaces professionnels domestiques qui, précisément, garantissaient une forte stabilisation des aptitudes comportementales, constitue, de ce point de vue, un autre facteur d’inadaptation. Mais ici, les entreprises semblent se trouver démunies : une ressource a disparu que le système actuel de formation professionnelle ne produit qu’imparfaitement. Le thème récurrent de l’inadaptation de la main d’œuvre est d’autant plus exprimé aujourd’hui par les dirigeants d’entreprises que les anciennes instances de régulation du marché du travail - le marché interne et l’espace professionnel domestique – sont en voie de disparition ou d’altération profonde. Résumé et conclusions . Régulations Alors qu’ils avaient longtemps été régulés par des espaces institutionnalisés fortement stabilisateurs et socialisateurs – des « marchés internes » et des « espaces professionnels domestiques », les marchés du travail associés à nos quatre tissus productifs sont désormais régulés par des dispositifs hétéroclites où opèrent à la fois le libre jeu du marché et un ensemble d’institutions favorables à la flexibilité, notamment les agences de travail intérimaire. . Brouillage Les nouvelles modalités de régulation du marché du travail s’articulent aux structures de l’entreprise de telles sortes qu’elles en brouillent les frontières et génèrent des configurations intermédiaires entre le marché du travail interne et le marché du travail externe. 52 . Inadaptation. La disparition ou l’altération des anciennes formes de régulation du marché du travail accentue d’autant plus les situations d’ « inadaptation » de la main d’œuvre que ces formes constituaient des cadres pérennes de la stabilisation des normes d’emploi et des normes de comportement au travail. . Incertitude Les nouvelles modalités institutionnalisées de régulation du marché du travail ne sont pas encore stabilisées et il en résulte une situation de transition incertaine qui ne facilite pas les démarches intégrées de gestion de l'emploi, de l'insertion et de la formation. 6. Les logiques d’acteurs Plus encore que les logiques propres à chaque catégorie d’acteurs, il convient d’évoquer ici les configurations auxquelles donne lieu l’interaction de ces différentes logiques sur chacune de nos quatre zones ainsi que l’évolution de ces configurations. C’est ainsi, d’ailleurs, qu’on pourra progresser encore un peu dans la comparaison de leurs trajectoires transitionnelles. Dans cette perspective, il convient de saisir à la fois les contrastes originellement très accusés entre ces configurations et le mouvement de convergence générale qui semble les rapprocher aujourd’hui. Les acteurs évoqués ici sont à la fois les institutions publiques intervenant dans la transition de nos tissus, les entreprises, les acteurs collectifs syndicaux, professionnels ou associatifs et aussi, les individus. Les deux anciennes configurations d’acteurs : cohérence et territorialisation Jusqu’aux années 80, les quatre zones pouvaient être rangées dans l’un ou l’autre de deux systèmes de configurations d’acteurs. Tous deux étaient caractérisés par une très forte cohérence aux vertus régulatrices et stabilisantes ainsi que par un très fort ancrage territorial. Mais ils se distinguaient fortement l’un de l’autre par la nature des acteurs qui y opéraient et par le champ dans lequel ils opéraient. Dans un premier système - celui dont relevaient le chantier naval de La Ciotat et le Bassin minier de Provence - les acteurs étaient pour l’essentiel d’envergure nationale et épousaient des logiques d’action à caractère également national ou sociétal. Dans le second celui dont relevaient l’agro-alimentaire de la Basse Vallée du Rhône et l’aromatique et la parfumerie de Grasse - les acteurs étaient, pour l’essentiel, d’envergure locale et épousaient des logiques d’action professionnelles ou locales qui n’opéraient pas directement au niveau national. La configuration triangulaire et le rôle central de l’Etat Le tissu productif de La Ciotat comme celui du Bassin minier de Provence se reproduisaient dans le cadre de la configuration triangulaire constituée entre l’Etat, les grandes sociétés et les grandes organisations syndicales ouvrières. L’Etat, partie prenante au Bassin minier, était à la fois l’Etat stratège garant de l’indépendance énergétique nationale, l’Etat entrepreneur tuteur des Charbonnages de France et l’Etat patron garant du statut du mineur. A La Ciotat, l’Etat était à la 53 fois le stratège garant de l’indépendance navale nationale, l’Etat colbertiste tuteur de fait des grands chantiers de construction navale et l’Etat régulateur des relations professionnelles entre partenaires sociaux. Dans les deux cas, cet Etat omnipotent partageait la régulation nationale du secteur avec des sociétés capitalistes ou publiques incapables d’affronter sans son aide une concurrence internationale grandissante et avec des organisations syndicales soucieuses à la fois de la défense de l’emploi et de la pérennité d’une industrie qu’elles considéraient, elles aussi, comme un secteur stratégique. Dans les deux cas, la régulation nationale s’articulait aux structures sociales et urbaines locales d’une manière telle que les deux villes-usines - ici la petite ville de La Ciotat et là le système urbain centré autour de Gardanne-Meyreuil - se trouvaient dotées d’une grande spécification de leurs ressources, d’une grande cohérence sociale et culturelle mais aussi de fortes irréversibilités pouvant conduire, on l’a déjà souligné, à des situations de crise et de rupture. Nationalement et localement régulée, la configuration d’acteurs de ces deux tissus avait un caractère triangulaire affirmé. Il en allait autrement pour les deux autres tissus. La configuration locale et le rôle central des réseaux professionnels et relationnels Le tissu productif agro-industriel de la Basse Vallée du Rhône comme celui de l’aromatique et de la parfumerie de Grasse se reproduisaient dans le cadre de configurations plus complexes opérant, pour leur part, à un niveau et dans des champs de nature plus locale. Certes, par sa politique agricole ou par la politique agricole européenne dont il était le support ou le relais, l’Etat était bien actif dans le tissu agro-industriel. Les deux tissus productifs n’en étaient pas moins largement exempts du poids des grandes entreprises publiques comme de l’influence des organisations ouvrières. Dans les deux cas, les acteurs principaux étaient enracinés et comme constitutifs du territoire. Exploitations agricoles de fruits et légumes, petites ou moyennes unités du conditionnement, de la transformation ou de l’expédition des fruits et des primeurs, produisant toutes pour des marchés régionaux ou national dans un cas, exploitations agricoles florales, unités de production de matières premières ou de compositions, les PME locales étaient dans les deux cas les acteurs centraux. Celles-ci, dirigées par des chefs d’entreprises issus du terroir ou des cités locales, s’inséraient dans un espace industriel également local composé notamment des organismes professionnels, consulaires, administratifs et éducatifs. Emergées du milieu rural ou du milieu urbain, elles participaient aussi dans les deux cas, ainsi qu’on l’a déjà indiqué précédemment, d’un espace professionnel domestique au sein duquel les relations de l’entreprise à ses salariés étaient durablement stabilisées par des coutumes de solidarité, d’engagement réciproque et d’inter-connaissances. Indissociables des réseaux professionnels et des réseaux relationnels qu’elles avaient construits et qui, en retour, leur permettaient de se reproduire, les petites et moyennes entreprises des deux tissus se trouvaient donc au centre d’une régulation collective autonome, génératrice d’une forte spécification des ressources, d’une grande cohérence sociale et culturelle et aussi, du fait du caractère très local de ces acteurs et de la nature très flexible de leur configuration, d’une grande capacité d’adaptation aux chocs et aux conjonctures. Les uns étant régulés nationalement autour de l’acteur central étatique, les autres se trouvant localement régulés autour des réseaux professionnels et relationnels, les tissus productifs locaux ont longtemps été pilotés par des configurations d’acteurs génératrices de cohérence 54 sociale et économique mais très différenciées dans leur degré de résistance aux chocs extérieurs et aux conjonctures. L'altération des anciennes configurations d’acteurs Avec le repli général de l’interventionnisme économique de l’Etat, avec l’accélération de l’internationalisation des échanges et de la globalisation des stratégies de firmes, avec l’accroissement de la légitimité et des moyens d’action économique des collectivités territoriales, des combinatoires nouvelles affectent les logiques et les configurations d’acteurs dans chacune de nos quatre zones et ceci, dès le milieu ou la fin des années 80. Le repli de l'Etat et l'émergence d'acteurs publics et entrepreneuriaux nouveaux A La Ciotat comme dans le Bassin minier, l’Etat s’efforce, par des interventions d’envergure, de limiter l’ampleur des conséquences sociales que ses décisions ont provoquées, brusquement ici, lentement là, au sein des deux tissus productifs. Mais ses interventions annoncent aussi, dans une large mesure, son retrait. Parties prenantes à l’ancien jeu triangulaire et en relation directe avec le repli de l’Etat, les grandes sociétés capitalistes ou publiques abandonnent ou redéploient leurs capitaux tandis que les organisations syndicales doivent renoncer aux bastions organisés et combatifs qu’elles avaient jusque-là conservés sur les deux sites. Des acteurs publics nouveaux, renouvelés ou re-légitimés apparaissent alors à l’occasion de la transition. D’une part, les collectivités territoriales - Conseil régional, Conseil général, Communes - renforcées dans leurs compétences depuis les lois de décentralisation et, d’autre part, les Chambres de commerce et d’industrie et les autres organismes professionnels. Les premières sont conduites dans un premier temps, sur deux de nos quatre zones, à jouer les « pompiers » pour éviter une crise sociale et politique trop grave. Elles se joignent ensuite aux secondes et, plus tard, aux nouvelles collectivités inter-communales, pour participer à des opérations de coordination et d’animation économique telles qu'Agroparc et Orius dans la Basse Vallée du Rhône ou le Cremsi dans le Bassin minier de Provence. Les unes et les autres, cependant, ne se départissent pas toujours complètement des logiques institutionnelles qui les conduisent parfois à se concurrencer ou à coopérer de manière quelque peu formelle. Apparaissent aussi de nouvelles catégories d'entreprises : soit les filiales des grandes firmes de la micro-électronique implantées à Rousset, soit les petites entreprises de la Grande plaisance implantées à La Ciotat, soit les multiples types de sociétés occupant les vastes zones d'entreprises d'Athélia, Gémenos et Aubagne. Et, parmi elles, se remarquent quelques figures entrepreneuriales nouvelles en Provence comme les ingénieurs créateurs d'entreprises high tech de Rousset et d'Athélia, les marins chefs d'entreprise du site Diam de La Ciotat et aussi les managers délocalisés des grands unités de production de la micro-électronique. L'altération des configurations anciennes et les nouvelles démarches de l'action publique Dans la Basse Vallée du Rhône comme à Grasse, rien ne change des diverses modalités de l'intervention étatique. Bien des choses, en revanche, évoluent dans le tissu productif proprement dit. Dans l'agro-industriel et dans la parfumerie, des filiales de firmes nationales ou trans nationales s'ajoutent ou se substituent aux petites et moyennes entreprises locales et les unes et 55 les autres sont conduites à conforter ou à adapter leurs stratégies au regard de l'accentuation de la compétition économique par les prix. Dans l'un comme dans l'autre de ces deux tissus, les espaces professionnels domestiques commencent à perdre de leur substance, laissant pénétrer davantage encore les pratiques du marché là où des réseaux, des valeurs et des coutumes construits localement réglaient les relations entre employeurs et salariés. Ces évolutions n'empêchent pas que se pérennisent une insertion réelle et, bien souvent, un profond attachement au territoire de la part des chefs et des cadres des petites et moyennes entreprises avec tout ce que cela comporte de résistance aux tentations de délocalisation. Sans la bouleverser, elles n'en modifient pas moins de manière consistante la configuration des acteurs parties prenantes aux tissus productifs. Et de même en est-il des modalités nouvelles d'intervention des acteurs publics locaux. S'impliquant davantage qu'avant dans le développement technologique et dans l'animation économique des activités agro-industrielles de la Basse Vallée du Rhône, les collectivités territoriales - Conseil régional, Conseil général, Communes et, plus récemment, institutions intercommunales – n’ont commencé que récemment à esquisser des coopérations avec les entreprises de l’aromatique et de la parfumerie de Grasse : surmontant les habitudes d'ignorance ou de méfiance qui s'étaient instaurées entre eux, les deux catégories d’acteurs contribuent aujourd’hui à modifier sensiblement la configuration de l’animation économique locale. Sans bouleverser le mode de régulation et la configuration des acteurs autant qu'elle y conduit dans les systèmes triangulaires du Bassin minier et de La Ciotat, la transition conduit, ici aussi, à une régulation et une configuration sensiblement plus affectées par les firmes et leurs stratégies globalisantes, davantage réglées par le marché concurrentiel et nettement plus influencées par les initiatives de développement technologique et d'animation économique des acteurs publics locaux. Entre l'un et l'autre des deux types de système, une convergence apparaît. La convergence vers des configurations et des logiques nouvelles Les configurations associant les acteurs impliqués dans la transition de nos quatre tissus productifs semblent converger aujourd’hui, à la fois, vers une forme commune et semblent s'inscrire dans des perspectives et des problématiques communes et généralement nouvelles. Une configuration bipolaire qui se cherche L’Etat ayant eu tendance à se replier et les institutions européennes étant aujourd’hui, en France, en matière industrielle, davantage des « instruments » au service des acteurs locaux que des protagonistes directs du développement local, il semble que la forme commune dominante des configurations d’acteurs puisse se définir par le rapport établi entre deux pôles : d'une part le pôle des entreprises, filiales de firmes trans-nationales ou sociétés locales, toutes plus ou moins traversées par une même tension entre les forces qui les poussent vers l'inscription dans les espaces économiques a-territoriaux du marché et celles qui les ancrent dans les structures physiques et sociales des territoires locaux et, d'autre part, le pôle des acteurs publics locaux, collectivités territoriales et organes déconcentrés de l'administration, tous plus ou moins soucieux de susciter des dynamiques endogènes de développement technologique et d'animation 56 économique au sein de ces territoires. Entre ces deux pôles, un rapport reste à stabiliser et à ajuster. Sur nos quatre zones d'investigation, en effet, la nature et l'intensité des relations entre ces deux types de pôles font l'objet d'hésitations, de recherches, de réussites ou d'échecs et, à ce titre, sont appelées à se définir davantage. Dans les activités agro-industrielles de la Basse Vallée du Rhône les démarches institutionnelles tentées aux cours des dernières années dans une perspective d'animation économique ne paraissent pas avoir toujours suffisamment mis à profit l'existence et la prégnance des réseaux professionnels et relationnels locaux. Dans le Bassin minier de Provence, les dispositifs mis en place en vue de la reconversion n'ont pas toujours cherché à recycler les anciennes ressources vers les activités nouvellement accueillies, en particulier pour ce qui concerne la réorientation des entreprises et des personnels de la sous-traitance de la mine et de la centrale thermique. A La Ciotat, la disjonction entre le traitement économique et le traitement social de la crise a sécrété un disjonction correspondante entre les sites d'accueil des activités nouvelles et la plupart des ressources anciennement associées aux activités de construction navale. Quant aux entreprises de l'aromatique et de la parfumerie de Grasse, elles avaient pour la plupart d'entre elles, jusqu'à une période récente, refusé toute coopération consistante avec le pôle de l'action publique locale. Entre le pôle des entreprises et celui des acteurs publics locaux, un rapport plus efficace reste à trouver : un rapport dans lequel les seconds pourraient être davantage attentifs aux espaces et aux réseaux sociaux préexistants, un rapport dans lequel serait collectivement pris en charge la perspective de concurrence des territoires, un rapport qui emprunterait, par exemple, aux efforts faits par tous pour développer et pérenniser les activités de micro-électronique de la Haute Vallée de l'Arc. Engagement et marges de manœuvres des nouveaux dirigeants d’entreprises Un autre point de convergence des configurations d'acteurs réside dans l'apparition ou l'affirmation de deux types - ou de deux figures - d'acteurs particuliers possédant une certaine marge d'autonomie au niveau local : d'une part les nouveaux responsables de petites entreprises et, d'autre part, les managers locaux des firmes trans-nationales. Chercheurs ou ingénieurs créateurs d'entreprises relativement nombreux sur le site de Rousset et sur celui d'Athélia où ils se sont implantés à la suite d'une opération d'essaimage, marins créateurs d'entreprise implantés sur le site de l'ancien chantier naval de La Ciotat ou encore, anciens cadres essaimés depuis plusieurs entreprises grassoises de la parfumerie : une nouvelle catégorie de dirigeants d’entreprises a émergé depuis le milieu des années 80 qui est progressivement devenue un protagoniste, diffus mais très actif, dans les démarches de construction de ressources locales. On les a vus à l’œuvre, notamment, dans la montée en puissance du Cremsi, dans l’activation récente des relations entre les entreprises de la parfumerie et les acteurs publics régionaux ainsi que dans les premières actions d’animation conduites par les associations de chefs d’entreprises sur les sites Athélia et Diam de La Ciotat. Bien qu'une proportion importante des managers locaux des filiales ou établissements de firmes trans-nationales se cantonnent ou soient contraints de garder une position distanciée vis à vis du tissu productif et de la société locale, certains d’entre eux ont pu devenir, eux aussi, des interlocuteurs actifs dans les démarches de construction de ressources. Avocats de leurs firmes 57 auprès des autres décideurs locaux et, réciproquement, avocats de leurs établissements ou de leur site auprès des dirigeants de leurs firmes, ils disposent en fin de compte d’une certaine marge de manœuvre. Les uns et les autres, généralement attachés au territoire local par des liens affectifs divers et personnellement engagés dans celui-ci au travers de leurs trajectoires professionnelles ou citoyennes, sont souvent devenus pour les autres protagonistes du développement des tissus productifs, des interlocuteurs avec lesquels il est possible de négocier et d’entreprendre certaines démarches de construction de ressources. Sur nos quatre tissus productifs, les configurations d’acteurs convergent vers un rapport de nature bipolaire où doivent coopérer des acteurs publics locaux dotés de pouvoirs accrus et des entreprises dont on ne doit ni surestimer ni minimiser les marges de manœuvre dans la perspective de la construction de ressources. Résumé et conclusions . Différenciation Les logiques de chacun des acteurs parties prenantes à la transition de nos quatre tissus productifs doivent être rapportées aux formes et à la dynamique des configurations d’acteurs qui y prévalaient dans le passé et à celles des nouvelles configurations qui s’y font jour actuellement. Ces configurations étaient très différenciées : dominées dans certains cas par le rapport triangulaire établi entre l’Etat, les grandes entreprises et les grandes organisations syndicales tandis que, dans d’autres cas, le rapport dominant associait essentiellement des acteurs locaux. . Transition Alors que l’Etat a eu tendance à se retirer, d’autres acteurs ont pris une place grandissante dans la régulation des tissus productifs. D’une part, les collectivités territoriales, les organismes d’animation consulaires ou professionnels et, d’autre part, un nombre grandissant d’entreprises qui se trouvent insérées dans deux types d’espaces à la fois : l’espace des relations marchandes et organisationnelles transnationales et l’espace social et économique du territoire local. Une transition s’est opérée. . Convergence Contrastant avec les situations passées où deux types très différenciés de configuration prévalaient, on assiste aujourd’hui à la convergence vers un modèle unique de configuration d’acteurs et de régulation : un modèle dans lequel prévaut le rapport bi-polarisé entre des acteurs publics d’envergure et des acteurs entrepreneuriaux dirigés par des responsables qui ne sont pas complètement dépourvus de marges de manœuvre, un modèle qui semble n’en être aujourd’hui qu’au stade de l’expérimentation et de l'apprentissage. 58 CONCLUSIONS Le déplacement du regard Lorsque notre équipe a engagé cette recherche, son objet était constitué par les tissus productifs régionaux dont il s’agissait de comprendre les modes de transition. Les registres sur lesquels étaient situées nos orientations, nos perspectives et nos hypothèses étaient alors ceux de « tissus productifs », de « transition », de « recyclage des ressources » et de « re-territorialisation ». Après dix-huit mois d’investigation sur le terrain, notre regard et notre attention se sont aiguisés. Toujours centrés sur le même objet et toujours cadrés dans les mêmes perspectives, ce regard et cette attention se sont progressivement et légèrement déplacés. Ils ont fini par saisir, dans l’épaisseur et la complexité des réalités, des objets, des thèmes et des questionnements situés sur des registres imprévus au commencement. Alors que notre objet principal était le tissu productif, celui que nous évoquons au moins autant désormais est l’entreprise. Alors qu’en matière de transition, nous avions fixé notre problématique autour des thèmes de la rupture, de la continuité et de la différenciation, nous évoquons aussi désormais ceux de la tension, de l’incertitude, de l’apprentissage, du déblocage et de l’engagement. Tandis qu’en matière de recyclage des ressources, nous avions focalisé nos interrogations sur les questions de rupture, de continuité, de permanence, de rémanence, nous envisageons aussi désormais celles d’apprentissage, de coopération, de nouveaux acteurs, de marges de manœuvre et de rapports entre acteurs publics et entreprises. Tandis qu’en matière de re-territorialisation, nous insistions sur les questions de localisation et d’implantation, nous nous plaisons à analyser désormais des dynamiques productives, des dynamiques urbaines et des espaces de négociation. Au cours de notre parcours, en somme - et les pages qui précèdent en témoignent - notre regard et notre attention se sont insensiblement déplacés d’un point de vue extérieur, simplifiant, systématisant et conceptualisant à un point de vue plus intérieur, complexifiant, questionnant et surtout beaucoup plus proche des préoccupations opérationnelles, des perspectives de l’action et des comportements des acteurs. Cette conclusion est destinée, par un retour sur nos préoccupations originelles, à en revenir aux orientations, aux perspectives et aux questions générales. Elle comporte deux courtes parties : la première traite de la transition des tissus productifs en termes de perception, de connaissance, de compréhension, la seconde évoque la transition en termes d’action. La connaissance de la transition Les élus et les fonctionnaires des trois institutions publiques auxquelles ce rapport est destiné peuvent constater, à sa lecture, que la transition des tissus productifs est à la fois une question de temps, une question de territoire et, par-delà les contraintes et les déterminations imposées par l’un et l’autre, une question de choix délibérés et assumés par les différentes catégories d’acteurs impliqués. On pourra en tirer quelques enseignements. 59 La transition est une question de temps La transition des tissus productifs régionaux est d’abord une question de temps et ici, le «s » de temps doit être entendu au sens pluriel que sa position peut indiquer. C’est le temps intériorisé par les acteurs, c’est le temps des moments-clés et c’est l’échelle des temps, c’est-à-dire, la temporalité. C’est le temps intériorisé par les individus et les groupes. Alors que diverses alertes ou menaces avaient averti les uns et les autres bien à l’avance, c’est le temps éternel dans lequel les ouvriers, les cadres et la plupart des habitants de La Ciotat avaient projeté le devenir de leur chantier naval avant que celui-ci ne s’avère définitivement mortel. Alors que les ouvriers de la mine et les habitants de Gardanne étaient prédisposés, eux aussi, à situer dans l’éternité le devenir de l’exploitation de leur bassin, c’est le temps de la longue planification étatique qui les a conduits, en fin de compte, à accepter malgré tout sa fermeture. Et c’est aussi le temps maîtrisé des tissus de l’agro-industriel de la Basse Vallée du Rhône et de la parfumerie de Grasse : maîtrisé parce qu’épargné par les chocs et les conjonctures mortelles. C’est aussi le temps des moments-clés, des événements ou des retournements qui scandent l’histoire de chacun des tissus et qui y produisent aussi bien des bifurcations que des cristallisations ou encore des impulsions ou sursauts. A Grasse, l’échec que constituent les rachats et les reventes de certaines entreprises – les anciennes filiales de la Sanofi en sont un parfait exemple- se révèlent être en même temps des moments d’éclosion des essaimages qui vont revitaliser le tissu. A La Ciotat, l’aventure avortée du projet Grand Mistral s’avère être l’événement qui fonde l’éclosion du vivier d’où vont émerger un grande partie des petites entreprises des marins chefs d’entreprises. Le deuxième Plan Composants dans le Bassin minier comme la création de Gemplus à Gémenos et à La Ciotat constituent, eux aussi, des événements originels, fondateurs ou emblématiques qui découpent le temps en un avant et un après. C’est encore les échelles du temps , c’est-à-dire les temporalités : l’articulation et parfois la disjonction des temporalités. La temporalité relativement homogène de l’histoire du tissu agroalimentaire s’explique probablement par la densité des espaces professionnels et relationnels qui s’y reproduisent et qui autorisent une gestion collective flexible adaptée face aux divers chocs reçus de l’extérieur du fait de l’évolution de la nature des marchés ou de celle du poids de la grande distribution. A l’inverse, l’inadéquation parfois constatée entre les besoins d’emploi et les types de formation associés aux activités de la micro-électronique s’explique par la disjonction permanente entre la temporalité de l’industrie, celle des politiques d’entreprises et celle des institutions de formation caractéristiques de ce secteur dans le Bassin minier. De même, la disjonction entre le traitement social et le traitement économique de la crise de La Ciotat est en rapport direct avec le poids et la durée du deuil que l’ensemble des ciotadins ont dû faire consécutivement à la fermeture de « leur » chantier et que les administrations autant que les grandes entreprises ont bien perçu. Et, de même, peut-on parler de disjonction des temporalités entre les acteurs peu pressés de la fermeture de la mine et ceux qui gèrent la reconversion des sous-traitantes qui n’ont agi, pour leur part, ni suffisamment tôt ni suffisamment vite. 60 C’est dire qu’en matière de gestion des transitions du tissu productif : . Tout n’est pas écrit à l’avance et l’imprévu fait partie de l’équation du temps, . La coordination des acteurs et des actions ne peut pas toujours faire l’objet d’une démarche uniforme sur un registre temporel uniforme et la disjonction des temps fait aussi partie du programme, . La stratégie de reconversion ou d’adaptation doit faire des choix mais aussi anticiper autant que possible les effets de ces choix. La transition est une question de territoire La transition des tissus productifs, c’est aussi le territoire. C’est le territoire délimité, c’est celui du calcul et de l’optimisation économiques et c’est celui socialement marqué dans toute son épaisseur sociale et sa complexité. C’est le territoire délimité, circonscrit dans des limites de type géographique, administratif ou fonctionnel. Et nous avons appris que ce territoire est à la fois un espace pertinent et un espace qu’il faut dépasser. Il est pertinent en ce sens que les délimitations qui en sont faites constituent effectivement le cadre de la connaissance statistique et surtout celui de l’action des institutions publiques régionale, départementales, communales et inter-communales : un cadre dont on a bien vu que son évolution et ses réorganisations actuelles comportent des enjeux importants en matière de développement économique local. Mais il faut aussi le dépasser dans la mesure où l’un des effets des transitions des tissus productifs est, précisément, de redistribuer les activités à l’intérieur ou vers l’extérieur de l’espace dans lequel elles étaient circonscrites : redistribution du centre vers la périphérie comme à Grasse et dans l’agro-industriel, redistribution décalée dans le cas du Bassin minier, redistribution dans un espace d’un autre niveau et d’un autre ordre dans le cas de La Ciotat. C’est aussi le territoire du calcul économique. D’abord parce que, concédant tant soit peu à la tradition des analyses économiques spatiales, on peut le considérer comme un espace sur lequel les implantations d’entreprises procèdent d’une démarche d’optimisation dans laquelle interviennent stocks, flux, distances, tailles des marchés et prix de la ressource foncière. Et l’on a bien saisi que ce type de démarche donne une grande partie de leur sens au nombre et à la nature des implantations d’entreprises, notamment sur les grandes zones d’Athélia, de Gémenos et d’Aubagne. Ensuite parce que la valeur des ressources foncières suscite, sur chacun de nos quatre terrains d’investigation et de manière encore plus accentuée qu’avant, des conflits d’usage du territoire dont l’arbitrage s’effectue, certes, par les règles d’ordre public mais aussi, largement, par la loi du marché et le calcul optimisateur qui lui est associé. Mais c’est aussi le territoire complexe de la vie sociale et de son inscription active dans les structures géographiques héritées ou construites : le territoire dans l’épaisseur de ses structures urbaines, de ses classes, de ses groupes et de ses réseaux sociaux, dans les traces et les pesanteurs des coutumes, des valeurs, des représentations et des symboles hérités de l’histoire On a bien mesuré à quel point les transitions des tissus productifs se trouvaient contraintes ou stimulées, brusquées ou lissées, accélérées ou ralenties par ces réalités. Et l’on a bien mesuré aussi à quel point ces deux réalités de l’organisation productive et de la structuration sociale du territoire interagissaient à tout moment dans la transition. 61 C’est dire qu’en matière de gestion des transitions du tissu productif : . les délimitations territoriales qui contraignent souvent l'action publique devraient être dépassées autant que possible, . le territoire continue plus que jamais d'être à la fois lieu géométrique de gestion des flux et des stocks et lieu d'interaction entre des structures sociales et des dynamiques productives. . les conflits d’usage du territoire se révèlent être à la fois sources de tensions économiques et de re-configurations sociales plus ou moins souhaitables. La transition est aussi une question de choix effectués par les acteurs La transition des tissus productifs, c’est aussi des choix engagés par des hommes, des groupes ou des institutions qui s’imposent parfois brusquement et dont il ne reste plus qu’à gérer les effets ou qui, à l’inverse, sont longuement mûris selon des processus locaux qui peuvent demeurer stériles ou qui peuvent s’avérer féconds. Les choix peuvent être imposés depuis l’extérieur soit par l’Etat soit par les firmes. Les choix du premier ont fortement marqué la transition à La Ciotat et dans le Bassin minier aussi bien dans les décisions qui ont conduit à l’arrêt des activités que dans celles qui avaient pour but d’en limiter les conséquences. Ils ont été beaucoup moins spectaculaires dans le tissu de l’agroindustriel et dans celui de l’aromatique et de la parfumerie. Mais, dans tous les cas, ils se sont raréfiés, seul le secteur de la micro-électronique faisant encore l’objet d’une démarche suivie dans le cadre d'une politique industrielle nationale, par exemple, au travers de la création de l’Ecole de micro-électronique de Gardanne. Egalement imposés depuis l’extérieur, les choix des firmes ont marqué chacune des transitions. Ces choix continuent à être attendus, désirés ou redoutés à juste titre dans la mesure où ils ont généralement des effets structurants à la fois sur le tissu de sous-traitance, sur l’emploi local, sur la vie sociale locale et ceci se vérifie aussi bien pour l’évolution des stratégies de firmes dans la micro-électronique de la Haute Vallée de l’Arc que pour le devenir de Gemplus à Gémenos et à La Ciotat, pour les investissements d’Endesa et de GDF à la centrale thermique de Gardanne, pour ceux de Péchiney dans la même ville ou encore pour les stratégies de groupes chez les parfumeurs de Grasse. Face à ces choix privés, l’Etat dispose moins qu’avant de la capacité d’accompagner, d’infléchir ou de parer aux effets. Les institutions locales - région, départements, communes, inter-communalités, organismes consulaires et autres organismes de mission - se trouvent dès lors "en première ligne ". Ces institutions ne jouent plus du tout le même rôle que celui assumé longtemps par l'Etat. Nettement moins bien dotées que lui en moyens qui leur permettraient de mettre fin ou, à l'inverse, de susciter le démarrage d'activités de grande envergure, elles se trouvent, en revanche, en position favorable pour participer en coopération avec les entreprises à des opérations d'activation, d'accompagnement ou d'intégration des tissus productifs locaux. Opérant bien souvent encore en ordre dispersé et perturbées probablement encore quelque temps par la mise en place des instituions inter-communales, elles font ensemble l'apprentissage d'une mission qui n'avait pas lieu d'être dans les anciennes villes-usines ou dans les anciens complexes d'industrie lourde : celle de ce que nous avons appelé ici la construction des nouveaux tissu industriels régionaux. Cette construction, d'ailleurs, est en fait une co-construction qui ne peut s'engager 62 qu'en coopération plus ou moins poussée avec les entreprises et, plus précisément, avec les chefs d'entreprise. Car les choix dont dépendent aujourd'hui les trajectoires transitionnelles sont aussi le fait d'individus. Le fondateur principal de Gemplus n'est pas la seule figure ayant opéré en ce sens sur nos quatre terrains. Les figures les plus actives sont, en effet, des cadres supérieurs de grands établissements mais ce sont aussi, bien souvent, les patrons de petites entreprises récemment créées qui savent bien, les uns et les autres, que le développement de leurs propres entreprises est lié à celui de leurs partenaires, de leurs concurrents et de leurs clients locaux et qui possèdent à un degré élevé le sens de l'insertion dans les réseaux de coopération. Animateurs du Cremsi dans le Bassin minier, fondateurs ou animateurs des associations de chefs d'entreprises à Athélia ou sur le site Diam de La Ciotat, promoteurs du Club des entrepreneurs à Grasse ou personnalités des réseaux professionnels de l'agro-alimentaire, ils constituent progressivement, désormais, des individualités qui joueront un rôle important dans le face à face coopératif entre les acteurs publics locaux et les tissus d'entreprises. C'est dire qu'en matière de gestion des transitions des tissus productifs : . par-delà les fortes contraintes temporelles et les très forts déterminismes économiques, géographiques et sociaux, il y a la place pour certains choix, . les choix faits aujourd'hui par les instituions publiques du développement local supposent la coopération avec les entreprises, . les projets de développement des entreprises sollicitent l'action collective. La transition et l'action La première de nos orientations de recherche consistait à proposer que l'anticipation des transitions futures pourrait utilement prendre appui sur l'analyse des transitions passées. Il est possible, en effet, parmi les conclusions de cette partie comparative, de souligner trois enseignements quant à la portée future des transitions observées du point de vue de l’action : la première a trait à la question de la convergence des transitions, la seconde à la question de la complétude des tissus productifs et la troisième aux conditions de l'aide aux entreprises. Par-delà la convergence : la rémanence des modes de transition Quel que soit l'angle choisi pour l'observation - dynamique productive et dynamique urbaine, géographie politique des zones, rapport entre tissu productif et territoire, logiques d'entreprises, dynamiques du marché du travail, logiques d'acteurs - nous avons chaque fois saisi les indices incontestables d'une convergence des modes de transition. Alors qu'à l'origine, nous avions discerné deux modèles bien distincts de cohérence socioéconomique possédant chacun une configuration d'acteurs particulière, dotés chacun d'une régulation propre du marché du travail, articulant chacun de manière très spéciale une dynamique endogène et un rapport à l'économie nationale et débouchant chacun sur un mode de transition particulier - d'une part la transition-continuité et d'autre part la transition-rupture - nous discernons désormais, par dessus tout, l'évolution de chacun de nos quatre tissus productifs vers ce qui n’est certainement pas un modèle unique mais qui constitue un ensemble relativement convergent de formes communes : dans lequel l'Etat est devenu largement absent ou en retrait, 63 dans lequel les régulations socio-économiques doivent composer avec la disjonction nette entre les lieux de la vie quotidienne et les lieux de la production et dans lequel le marché du travail se trouve régulé par des formes d'institutionnalisation beaucoup plus éclatées qu'auparavant. Cette convergence, pourtant n'épuise pas les enseignements que l'on peut tirer des transitions passées. Dans aucun des quatre tissus la transition n'est aujourd'hui terminée. Elle s'y poursuit dans chacun et elle semble devoir s'y poursuivre encore pour une durée non déterminée. Dans chacun la transition doit encore être assumée, gérée voire pilotée. Et dans chacun, les conditions actuelles de la transition héritent des conditions de la transition passée. C'est-à-dire que, par-delà leur convergence, les quatre trajectoires transitionnelles divergent encore malgré tout parce qu'elles sont contraintes chacune par une dépendance de sentier spécifique, parce qu'elles sont portées chacune en quelque sorte par un déterminisme de zone et parce qu'en fin de compte, chacune procède plus ou moins des deux cohérences socio-économiques et des deux modes de transitions discernés dès l'origine : celui de la rupture et celui de la continuité. Le tissu de l'aromatique et de la parfumerie de Grasse et celui de l'agro-industriel de la Basse Vallée du Rhône ont connu par le passé et connaissent encore aujourd'hui des évolutions dépourvues de chocs soudains et massifs, construites et régulées toujours par les mêmes espaces et les mêmes réseaux de coordination et de relation et déroulées dans le temps avec une adaptabilité et une flexibilité importantes. Les deux tissus, en somme, ont connu par le passé et connaissent encore aujourd'hui des évolutions que l'on peut qualifier de "changements organiques ». Dès lors, la transition actuelle et la transition future y sollicitent plutôt un pilotage accompagnateur prenant appui le plus qu'il est possible sur les réseaux professionnels ou relationnels préexistants. Le tissu du Bassin minier et celui de La Ciotat ont connu par le passé et connaissent encore aujourd'hui des évolutions au cours desquelles des composantes industrielles nouvelles, attirées ou suscitées par des dispositifs ou des programmes d’origine étatique, se sont déployés sur des lieux eux-mêmes nouveaux pour se substituer aux activités anciennes. Si l'on excepte le cas remarquable des activités de Grande plaisance implantées sur le site de l'ancien chantier naval de La Ciotat, l'évolution passée des deux tissus et l'évolution qu'on y observe aujourd'hui se sont donc effectuées par substitution d'une nouvelle logique à l'ancienne et l'on peut considérer à cet égard que la transition s'y est opérée et s'y opère encore aujourd'hui sur le mode du "changement structurel". Dès lors, la transition actuelle et la transition future y sollicitent plutôt un pilotage très actif visant à déclencher des dynamiques endogènes de type organique susceptibles de fixer durablement des éléments de tissu encore vulnérables et volatiles. C'est dire qu'en matière de gestion des transitions des tissus productifs : . chaque tissu conserve un type de réactivité conforme à la nature de ses évolutions passées, . certains tissus nécessitent davantage une démarche collective d'accompagnement, . d'autres tissus nécessitent plutôt une démarche collective de dynamique endogène. La complétude garante de l'adaptabilité Toujours dans la perspective de l’action, il importe de signaler un risque auquel sont soumis chacun de nos quatre tissus productifs ainsi que les conditions dans lesquelles il peut être surmonté ou écarté. Ce risque est celui de la tendance à une trop grande spécialisation. Le cas 64 du tissu de l’aromatique et de la parfumerie de Grasse nous enseigne en particulier qu’un rétrécissement excessif du spectre des activités dans ce domaine est de nature à détruire progressivement les proximités techniques et sociales, les facilités d’approvisionnement croisé, la dynamique de synergies peu visibles mais bien présentes, le climat industriel spécifique enveloppant les lieux, c’est-à-dire, en somme, les externalités susceptibles de fixer ou d’attirer encore des producteurs soucieux de contrebalancer par les vertus de la qualité, de la flexibilité et de la spécificité celle qui leur est désormais inaccessibles de la compétitivité par les prix. Et ce qui est vrai du risque de trop grande spécialisation du tissu productif de Grasse l’est aussi de celui de la micro-électronique dans le Bassin minier. Les tissus productifs les moins vulnérables à ce type de risque sont, par suite, ceux qui ont su conserver des configurations productives diversifiées sur lesquelles peuvent, à l’inverse, se construire des adaptations, des réorientations et des innovations techniques ou organisationnelles. Le tissu des activités agro-industrielles de la Basse Vallée du Rhône est exemplaire à cet égard. Multi-polaire dans sa dimension urbaine, il est aussi pluri-sectoriel puisqu’il intègre à la fois la production des fruits et des légumes ainsi que l’emballage, le conditionnement, le négoce, la transformation, le transport et la logistique associés à la valorisation de ces produits agricoles. Il est aussi diversifié du point de vue des logiques d’entreprises qui y ont cours et des groupes sociaux qui y sont parties prenantes. Cette quadruple diversité géographique, sectorielle, financière et sociale lui confère, au total, une complétude qui le garantit contre les chocs conjoncturels ou structurels et qui s’avère propice aux combinatoires techniques et économiques innovantes. Cette complétude constitue donc non seulement un antidote à la disparition des externalités sécrétées par une trop grande spécialisation mais aussi une base d’adaptabilité et de pérennisation innovante des tissus. C’est dire qu’en matière de gestion des transitions des tissus productifs : . Dans un période de volatilité accrue de la localisation des entreprises, toute tendance au rétrécissement du spectre des activités d’un tissu peut être interprété comme une vulnérabilisation accrue, . Le maintien ou le renforcement de la diversité / complétude d’un tissu peut contribuer à l’adaptabilité innovante de ce tissu, . La perspective de diversité / complétude doit s’articuler avec l’exigence de compétitivité des entreprises. Aide aux entreprises et normes de management C’est à des conclusions analogues que nous avons été conduits en ce qui concerne l’appréciation que l’on doit porter sur la gestion des entreprises, cette question de l’appréciation – de l’évaluation, de la notation, etc – étant centrale dans les politiques d’aides conduites aujourd’hui par plusieurs institutions publiques, notamment les conseils régionaux et, plus ou moins directement, par les institutions inter-communales. Dans chacun de nos quatre tissus productifs nous avons pu noter que, indépendamment des considérations purement micro-économiques portées sur son management, chaque entreprise se trouvait partie prenante à une configuration particulière de types d’entreprises et que c’est le jeu des complémentarités des logiques d’entreprises au sein de cette configuration - sur les différents registres du rapport produit / marché, de l’implantation, de la consommation/construction des 65 ressources et de la logistique – qui conférait au tissu productif local son niveau de performance, c’est-à-dire son niveau de résistance aux chocs, d’attractivité, de pérennité, d’adaptabilité et d’innovation. Il nous est apparu, par suite, que l’orientation de chaque entreprise devait être jugée tout autant à l’aune de la contribution particulière qu’elle apportait aux performances de la configuration locale qu’à ses seules performances propres. La diversité des logiques d’entreprises opérant dans l’agro-industriel de la Basse Vallée du Rhône semble contribuer de manière déterminante à la plasticité et à l’adaptabilité de ce tissu. Une diversité analogue des logiques d’entreprises s’observe dans les activités liées à la Grande plaisance sur le site de l’ancien chantier naval de La Ciotat et semble aussi contribuer à la dynamique de développement qui s’y esquisse. Une semblable diversité est longtemps demeurée dans l’aromatique et la parfumerie de Grasse et peut-être est-il imaginable d’en susciter une de même nature dans le tissu des activités de micro-électronique de la Haute Vallée de l’Arc. Autant dire que les actions visant à accompagner, aider ou stimuler le développement des entreprises - notamment les actions conduites par les acteurs publics – devraient être attentives tout autant aux performances collectives générées par la diversité et la complémentarités des logiques d’entreprises sur un même tissu productif qu’aux seules performances microéconomiques de chacune des entreprises constituantes de ce tissu. C’est dire qu’en matière de gestion des transitions des tissus productifs : . Les critères de performance à prendre en compte dans l’accompagnement ou l’impulsion des entreprises ne devraient pas procéder d’une norme gestionnaire absolue, . Peut-être conviendrait-il de construire une batterie de critères permettant d’évaluer à la fois les performances de chaque entreprise et celles de l’ensemble localisé qu’elles constituent dans un tissu productif. Transformations du marché du travail et acteurs décentralisés Profondément transformés en 20 ans, les marchés du travail associés à chacun des quatre tissus productifs évoluent vers des formes de régulation nouvelles au sein desquelles la hiérarchie des acteurs s’est modifiée. Les marchés internes des grandes entreprises et les espaces professionnels domestiques insérés dans la société locale ont cédé la place à des formes faisant davantage de place au marché, moins de place aux règles et conventions et plus de possibilités d’intervention aux institutions décentralisées que sont les agences de travail intérimaire, l’agence nationale pour l’emploi, les cabinets de recrutement ou de consultants, les associations et entreprises intermédiaires, etc. Les nouvelles régulations accentuent très sensiblement la précarisation des situations d’emploi d’une manière qui conduit à l’inéquité et parfois et à l’inefficacité. Quelque fluides et flexibles qu’elles soient, ces formes ne parviennent pas, pour l’instant, à résoudre le lancinant problème fréquemment évoqué par les chefs d’entreprise de l’ « inadaptation » de l’offre à la demande de travail. Dans la résolution de ce problème, qui se complique aujourd’hui d’une montée des exigences des employeurs en matière d’aptitudes comportementales, il n’est pas certain que ces nouvelles régulations soient les mieux équipées. 66 Dans des tissus productifs beaucoup plus atomisés et segmentés que par le passé, les formes concurrentielles du marché du travail occupent un espace sensiblement plus important qu’avant, les interfaces entre les travailleurs salariés et les entreprises se multiplient et tout cela présente le risque de voir opérer plus qu’avant sur ces marchés des mécanismes inégalitaires. En revanche, les formes d’institutionnalisation beaucoup plus décentralisées de leur régulation impliquent des responsabilités beaucoup plus importantes et, peut-être aussi, des marges de manœuvres plus immédiates aux institutions publiques, professionnelles, syndicales ou citoyennes opérant au niveau local. C’est dire qu’en matière de gestion des transitions des tissus productifs : . Les formes plus décentralisées de régulation des marchés du travail sécrètent davantage de fluidité mais ne sont pas forcément équipées pour résoudre certains problèmes que les anciennes formes – marchés internes, espaces professionnels – parvenaient à régler. . Dans la recherche d’efficacité et d’équité, la responsabilité des acteurs publics et privés locaux se trouve accrue. La question se pose d’accroître aussi leurs moyens d’action. Au total, nous pouvons conclure que la transition des tissus productifs n’est pas achevée et que : . les acteurs locaux auront, de fait autant qu’en droit, une plus grande responsabilité dans la gestion de ces transitions, . ruptures ou continuités, les transitions sont affaire de temp(s) : des temps différenciés d’une institution à l’autre, d’un groupe social à l’autre, d’un individu à l’autre, . quelles que soient les très fortes contraintes, opacités et incertitudes générées par le processus actuel de mondialisation, tous les acteurs locaux disposent à des degrés divers de marges de choix. 67 68 Annexe : Fiche statistique Comparative 70 1. Délimitation de la zone d’étude 1.1. Définition des zones Les territoires d’étude sont assez différents les uns des autres. Le bassin minier de Provence (BMP) regroupe l’ensemble des communes faisant partie du bassin minier autour de la ville de Gardanne. Cette zone urbanisée vers Gardanne, marquée par une longue histoire de reconversion minière, se trouve à l’articulation de l’agglomération marseillaise et aixoise. Cette zone possède aussi son propre bassin d’expansion vers Trets dans la basse vallée de l’Arc. La zone Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard (CCC) est composée de trois pôles d’activités qui regroupent de manière significative les activités agroalimentaires. Cette zone est moins à l’habitat moins dense regroupe une population importante. La zone d’Aubagne-Gémenos-LaCiotat (AGL) est fortement marquée par l’expansion de l’agglomération marseillaise. La délimitation de cette zone répond à la volonté de cerner le bassin d’emploi concerné par la reconversion des chantiers navals de La Ciotat. La zone d’activités aromatiques de Grasse regroupe l’ensemble des communes autour de Grasse qui rassemblent les activités de la transformation des arômes. C’est une zone assez dense et fortement urbanisée où les activités industrielles entrent en conflit avec l’habitat dans l’occupation des sols. 1.2. Indicateurs Les indicateurs utilisés pour mener les comparaisons sont construits pour rendre compte des spécificités de chacun des territoires, mais aussi pour tenir compte de leur dynamique spécifique par rapport à la moyenne régionale. L’indicateur de spécificité est le rapport de la part de la variable dans le total de la zone d’étude avec la part de cette même variable dans le total régional. Cet indice de spécificité a été normalisé à 0, lorsque la part de la variable sur la zone est égale à la part de cette même variable au niveau régional. La valeur de l’indice de spécificité est égal à la différence en pourcentage par rapport à la norme régionale. L’indicateur de dynamique est un indicateur qualitatif qui estime le taux de croissance de l’indice de croissance de la zone par rapport à l’indice de croissance au niveau régional. Lorsque la différence des taux de croissance est au moins une fois supérieure au taux de croissance régional, l’indicateur qualitatif est doublé ++ ou --. Si cette différence est deux fois supérieure, l’indicateur est triplé +++, ---. Enfin si cette différence est inférieure à une fois le taux de croissance régional, l’indicateur sera simple +, -. Des codes couleurs sont associés aux deux indicateurs selon la même logique. Plus la couleur est foncée, plus la différence avec la moyenne régionale est forte. Si les positionnements des spécificités et des dynamiques sont analysés simultanément, il est possible de placer les territoires dans des comportements particuliers par rapport à la moyenne régionale : Dynamique positive Dynamique négative Spécificité positive Développement Réajustement Spécificité négative Rattrapage Dépression 71 2. Caractéristiques démographiques de la zone 2.1. La population totale Tableau 1 - Population totale en 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. BMP CCC AGL ZAG PACA Population totale 99 Part dans la population PACA 92 564 2,1% 228 776 5,1% 103 165 2,3% 185 710 4,1% 4 506 151 Evolution Population 90-99 Dynamique 1,61 ++ 1,16 + 0,54 - 0,98 + 0,63 Part des moins de 30 ans Spécificité 37,93% 7% 37,00% 5% 34,40% -3% 34,37% -3% 35,40% Part des Plus de 60 Ans Spécificité 17,69% -27% 21,30% -12% 24,20% 0% 24,30% 1% 24,10% La zone la plus fortement peuplée est celle de Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard (CCC) qui représente le double de la population de la zone Aubagne-Gémenos-LaCiotat (AGL). La deuxième zone la plus peuplée est celle de la Zone Aromatique de Grasse (ZAG). Cette dernière est deux fois plus peuplée que la zone du Bassin Minier de Provence (BMP). La zone du bassin minier de Provence est deux fois et demi plus petite que la zone CarpentrasCavaillon-Chateaurenard . La dynamique des zones fait apparaître une forte progression de la population intercensitaire dans le bassin minier de Provence qui est le seul à connaître un taux de progression plus d’un 50% supérieur à la moyenne. Seule la zone d’Aubagne-Gémenos-LaCiotat présente une dynamique négative. La spécificité de la structure par âge des territoires d’étude révèle un rajeunissement pour les zones de Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard et plus particulièrement pour celle du bassin minier de Provence dont la part des plus de 60 ans diminue assez fortement. En revanche, les deux autres zones d’étude voient leur population jeune régresser. 72 2.2. Ancienneté et type de la résidence Tableau 2 - Ancienneté de la résidence 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. BMP CCC AGL ZAG PACA Part dans la zone Spécificité 12,9% -19% 14,5% -9% 14,3% -11% 18,0% 13% 16,0% Part dans la zone Spécificité 35,9% -4% 36,2% -3% 35,6% -5% 39,7% 6% 37,5% Part dans la zone Spécificité 51,2% 10% 49,3% 6% 50,1% 8% 42,3% -9% 46,5% Depuis moins de deux ans Depuis 2 à 9 ans Depuis plus de 9 ans L’ancienneté du lieu de résidence montre une certaine stabilité de la population à l’exception de la zone aromatique de Grasse où la part des ménages résidant depuis plus de 9 ans est inférieure à la moyenne régionale et où les ménages résidant depuis moins de 9 ans est supérieure à la moyenne régionale. Cette spécificité de la zone d’activités aromatiques de Grasse est représentative de l’attractivité de ce territoire côtier qui semble connaître un turnover de la population plus important qu’ailleurs. 73 2.3. Population résidente Tableau 3 - CSP au lieu de résidence (population de 15 ans ou plus) 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. BMP CCC AGL ZAG PACA Agriculteur Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 0,3% 1,9% 0,3% -9,6% -40,4% -15,6% -57% 171% -61% + + 0,7% -33,0% + Artisans, Commerçants, Chefs d'entp. Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 4,1% 1,8% 0% ++ 4,6% -3,1% 12% + 3,9% -1,5% -5% + Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 7,9% 39,5% 36% ++ 4,4% 23,3% -24% + 6,3% 14,4% 8% + Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 14,7% 45,0% 29% + 10,0% 45,0% -12% + 11,9% 19,3% 4% - Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 16,5% 31,6% -4% ++ 15,3% 27,6% -11% + 18,0% 23,3% 6% + Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 11,6% -1,7% -7% + 16,6% 11,2% -1,9% -13,5% 22% -10% + - Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 18,0% 27,7% -24% + 22,2% 19,7% -6% + 23,0% 14,2% -3% - Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 26,8% 2,5% 4% +++ 24,0% 3,3% -7% +++ 25,4% -5,9% -2% --- 4,1% -9,5% + Cadres, Profession intellectuelles sup 5,8% 13,9% -- Professions intermédiaires 11,4% 23,8% -- Employés 17,1% 15,2% -- Ouvriers 12,5% -9,9% + Retraités 23,7% 16,3% -- Autres, sans activité 25,8% -1,6% + La répartition par CSP ne dévoile pas de très fortes spécificités à part pour la catégorie des agriculteurs. En effet, la zone de Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard montre ici son profond ancrage dans les activités agricoles. Même si cette CSP est en réajustement (spécificité positive, dynamique négative), les agriculteurs y sont une fois et demi plus nombreux que dans la moyenne régionale. Ceci est confirmé par les spécificités négatives dans les autres CSP. 74 A cet égard, les autres zones d’étude montrent leur caractère urbain avec des populations d’agriculteurs plus faibles que la moyenne régionale, ce qui peut expliquer la croissance relative de cette part de la population dans ces zones. Les dynamiques des CSP sont un peu plus contrastées, notamment dans la CSP Autres et sans activité où les différences sont plus marquées du fait de la faible évolution régionale de cette CSP. Il est difficile de donner une explication à ce phénomène étant donné la composition complexe de cette catégorie Autres, sans activité. Nous renvoyons le lecteur à l’analyse comparative de la population active et du chômage pour avoir des renseignements plus précis. Il n’en demeure pas moins que les zones d’études présentent des dynamiques opposées. Les dynamiques particulières des autres CSP se trouvent dans la zone du bassin minier de Provence où les CSP Artisans, commerçants, chefs d’entreprises ; Cadres, professions intellectuelles supérieures et employés connaissent un développement sensible qui démontre un processus de développement assez important sur la zone touchant de manière assez large différentes catégories socio-professionnelles. Il semblerait que la montée de l’urbanisation et des services qui expliquent la croissance des CSP commerçants, employés voire professions intermédiaires soit accompagnée d’une élévation des compétences localisées sur la zone du fait de la croissance significative des cadres et professions intellectuelles supérieures, CSP déjà surreprésentée sur la zone. 2.4. Evolution de la population active. Tableau 4 - Population active 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. BMP Population active totale 99 Part dans la population PACA Evolution Population active 90-99 Dynamique Part des demandeurs d'emploi Spécificité CCC 41 951 100 988 0,9% 2,2% AGL ZAG PACA 45 136 81 831 1 928 045 1,0% 1,8% 7,3 + 11,2 + 6,2 15,00% 15,90% 17,20% -13% -8% -1% 15% -13% 17,30% 22,5 +++ 11,20 + La population active totale suit la répartition de la population totale entre les zones d’étude. Toutefois, les écarts entre les zones se resserrent. La dynamique de la population active laisse apparaître une particularité sensible de la zone du bassin minier de Provence qui a connu une croissance très forte de sa population active. Ceci confirme les analyses précédentes qui laissaient entrevoir un processus de développement marqué par l’urbanisation et l’implantation ou le développement de nouvelles activités. La part des demandeurs d’emploi dans les zones d’étude est plus faible que la moyenne régionale. C’est notamment le cas pour les zones du bassin minier de Provence et de la zone aromatique de Grasse. Seule la zone AubagneGémenos-LaCiotat est proche de la moyenne régionale. Il semblerait que malgré un développement de la population active, il n’y ait pas eu une dynamique de création d’emplois suffisante pour répondre aux demandes des nouveaux arrivants et aux pertes d’emplois. 75 2.5. Lieu de résidence et lieu de travail Tableau 5 - Lieu de résidence - lieu de travail en 1999 (actifs ayant un emploi) Source : Portrait de Territoire, Insee. BMP CCC AGL ZAG PACA Même commune Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 24,1% -5,4% -56% + 40,4% -18,0% -27% - 45,3% -4,5% -18% + 36,7% -12,1% -34% - 55,4% -10,3% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 75,9% 34,1% 70% + 59,6% 41,0% 34% + 54,7% 20,1% 23% - - 44,6% 27,4% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 54,9% 29,2% 135% - 26,0% 79,5% 11% ++ 43,6% 14,2% 86% - 57,8% 36,8% 147% - 23,4% 37,6% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 96,2% 33,2% 156% + 45,4% 40,6% 21% + 37,6% 19,9% 0% - 60,8% 25,0% 62% - 37,6% 26,5% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 3,8% 62,1% -46% + 14,2% 42,6% 103% + 7,0% 22,8% 0% - 2,5% 9,6% -64% - 7,0% 32,7% Communes différentes Dont: Même Unité urbaine Même département Départements différents Les liaisons entre le domicile et le travail font apparaître une dissociation entre le lieu de résidence et le lieu de travail, liée à l’étalement urbain, mais surtout à la péri-urbanisation ou la métropolisation des espaces. En effet, on constate que les zones d’étude sont sous représentées dans la population qui travaille et réside dans la même commune, alors qu’elles sont sur représentées lorsqu’il s’agit de lieu de résidence et de travail dans la même unité urbaine et dans le même département. Dans cette tendance générale, il semble logique que la zone de Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard soit moins touchée par le phénomène, même si on assiste à une dynamique marquée par un certain rattrapage. Les zones du bassin minier de Provence et des activités aromatiques de Grasse sont exemplaires pour des raisons sensiblement différentes. La zone du bassin minier de Provence se situe dans une triple logique d’articulation avec l’agglomération marseillaise, l’agglomération aixoise et les communes de la basse vallée de l’Arc. Le dynamisme de ces zones explique les fortes spécificités des navettes domicile-travail inter-communales. La zone d’activités aromatiques de Grasse dispose des mêmes spécificités, mais avec des liaisons plus spécifiquement centrées sur l’unité urbaine du fait d’une topographie des lieux qui concentre l’habitat sur une bande côtière. Pour être complet dans notre analyse, nous devons noter la spécificité de la zone de Carpentras-CavaillonChateaurenard en ce qui concerne les liaisons domicile-travail inter-départementales. En effet, La zone d’emploi d’Avignon est à cheval sur trois départements et deux régions. Il ne s’agit donc pas là d’un étalement spatial exceptionnel mais plutôt d’une particularité dans le découpage administratif du territoire. 76 2.6. Le revenu Tableau 6 - Revenu net imposable moyen en Euros, en 2000 Source : Portrait de Territoire, Insee. BMP Montant Spécificité 15 848 14% CCC 12 802 -8% AGL 14 665 6% ZAG 16 926 22% PACA 13 842 Nous constatons une relative uniformité des zones d’études au regard du niveau du revenu net imposable. Seule la zone de Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard se trouve en dessous de la moyenne régionale. Le caractère moins urbanisé et plus agricole de la zone est sans doute une des explications majeures de ce classement. La zone du bassin minier de Provence a un revenu supérieur à la moyenne ce qui peut confirmer le développement de classes sociales à forts revenus sur la zone : mouvement déjà constaté dans l’analyse des CSP de la population résidente. La spécificité positive de la zone d’activités aromatiques de Grasse est plus flagrante, mais résulte sans doute d’un phénomène plus profond lié à une sélection sociale fortement influencée par la rareté et la cherté de l’habitat dans cette zone. 77 3. Caractéristiques socio-économiques de la zone 3.1. Les caractéristiques de l’emploi 3.1.1. Niveau de formation Tableau 7 - Niveau de formation au lieu de résidence (pop. non-scolarisée +15 ans) 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. BMP CCC AGL ZAG PACA Aucun diplôme Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 18,5% -0,3% -9% + 25,6% -21,0% 26% + 19,7% -28,5% -3% - 18,0% -29,2% -11% - 20,3% -28,0% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 13,2% -6,4% -18% + 16,7% -6,5% 4% + 15,5% -12,3% -3% - 16,0% -10,0% 0% + 16,0% -10,8% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 8,2% 20,2% -16% + 8,0% 24,0% -18% + 9,6% 15,1% -2% + 10,2% 13,8% 4% + 9,8% 12,1% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 25,9% 39,3% 13% + 24,4% 42,9% 7% + 9,6% 15,1% -58% - 22,5% 42,2% -2% + 22,9% 32,6% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 13,5% 32,7% 2% + 11,4% 29,3% -14% + 24,1% 27,8% 81% + 14,2% 17,5% 7% - 13,3% 19,3% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 10,4% 84,2% 21% + 7,7% 86,3% 22% + 13,1% 21,5% 52% - 8,7% 55,5% 1% + 8,6% 55,4% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 10,4% 113,3% 13% + 6,0% 102,4% -35% + 8,9% 62,7% -3% - 10,5% 65,5% 14% - 9,2% 72,7% CEP BEPC CAP ou BEP BAC ou BP BAC +2 Niveau Supérieur Le niveau de formation est assez homogène dans les différentes zones par rapport à la moyenne nationale. Toutefois, nous voyons apparaître une typologie des cursus scolaires. La zone du bassin minier de Provence et la zone d’activités aromatiques de Grasse présentent des spécificités positives pour les hauts niveaux de formation. Alors que la zone de Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard a plutôt des spécificités positives dans des niveaux de formation inférieurs et professionnels. 78 La zone d’Aubagne-Gémenos-LaCiotat a un profil assez différent puisqu’elle présente des spécificités positives plus fortes dans des niveaux de formation intermédiaires ou élevés (BAC, BAC+2), mais ne dispose pas de spécificités pour les niveaux de formation supérieurs à BAC+2. Ceci s’explique par la faiblesse des formations universitaires dans cette zone, au même titre que la zone de Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard. 3.1.2. Principales formes d’emploi des salariés Tableau 8 - Principales formes d’emploi des salariés, lieu de résidence 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. BMG CCC AGL ZAG PACA CDI Part dans la zone Spécificité 64,6% 8% 63,6% 6% 61,0% 2% 65,9% 10% 59,9% Part dans la zone Spécificité 6,5% -33% 10,6% 9% 10,2% 5% 9,1% -6% 9,7% Part dans la zone Spécificité 1,1% -15% 1,9% 46% 1,4% 8% 1,3% 0% 1,3% Part dans la zone Spécificité 2,4% -14% 4,0% 43% 2,3% -16% 2,8% - Part dans la zone Spécificité 2,4% -4% 2,6% 4% 2,3% -10% 2,5% - Part dans la zone Spécificité 22,7% -4% 18,4% 22% 21,0% -11% 19,1% -19% 23,7% CDD Intérim Emploi aidé Apprentissage, Stage Fonction Publique La nature des emplois occupés par les résidents des zones d’étude montre une bonne représentation des emplois stables (CDI). La zone du bassin minier de Provence et la zone d’activités aromatiques de Grasse ont des profils assez similaires où les formes d’emplois précaires (interim, emploi aidés, apprentissage) ou publics sont sous représentées systématiquement par rapport à la moyenne régionale. En revanche les systèmes productifs de la zone de Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard et de la zone d’AubagneGémenos-LaCiotat semblent avoir recours plus intensément aux formes d’emplois plus flexibles. La zone de Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard favorise ainsi l’intérim qui semble être plus adapté à la gestion de processus de production agricoles dépendant des saisons ou des aléas climatiques. La zone d’Aubagne-Gémenos-laCiotat est moins marquée par l’intérim, mais plutôt par le recours au CDD et surtout aux emplois aidés. Cette caractéristique montre que le tissu local est toujours dépendant de l’aide publique, même si les aides économiques plus directes ont fortement régressé. 79 3.1.3. Statuts au lieu de travail Tableau 9 - Statuts au lieu de travail en 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. BMP CCC AGL ZAG PACA Salariés Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 87,7% 32,1% 2% +++ 82,3% 17,9% -5% ++ 88,9% 36,8% 3% +++ 85,3% 15,5% -1% ++ 86,4% 7,6% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 36,0% 49,1% -11% ++ 32,4% 33,0% -20% + 40,2% 41,0% -1% ++ 41,6% 29,5% 3% + 40,5% 18,5% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 15,9% 106,2% -9% + 17,2% 17,3% 79,2% 104,7% -1% -1% + + 15,8% 93,0% -9% + 17,4% 70,2% Dont Femmes Dont Temps Partiel Non salariés 11,1% 3,2% -18% ++ 14,7% 13,6% -6,1% -12,2% 8% + Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 12,3% 17,7% -0,7% -18,0% -10% 30% + - Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 3,9% 5,3% -6,4% -26,5% -7% 26% + - 3,6% 4,2% 4,2% 1,2% -11,9% -16,8% -14% 0% ++ + Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 1,2% 1,4% -6,4% -30,3% 0% 22% + - 1,0% 1,2% 1,2% 7,9% -16,5% -20,0% -17% 0% ++ + Dont Femmes Dont Temps Partiel Les entreprises des zones d’études ont recours de plus en plus à des formes d’emplois salariés. De ce point de vue l’emploi salarié est dans une dynamique de développement ou de rattrapage puisque les indicateurs dynamiques sont tous orientés vers une forte croissance par rapport à la moyenne régionale. L’emploi des femmes semble aussi profiter de cette tendance positive, mais il s’agit plutôt d’un rattrapage que d’un véritable essor du fait de la faiblesse initiale des spécificités de l’emploi féminin salariés dans les zones d’étude. L’emploi non salarié est plus présent dans la zone de Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard puisque cette forme d’emploi est plus adaptée aux exploitations agricoles mais aussi aux entreprises familiales et aux microentreprises, plus présentes dans le domaine de l’agriculture. Il semble toutefois que cette spécificité soit en voie de réajustement puisque la dynamique est plutôt négative. 80 3.1.4. Les emplois par CS au lieu de travail Tableau 10 - Emplois au lieu de travail en 1999 par catégorie socioprofessionnelle – Source : Portrait de Territoire, Insee. BMG CCC AGL ZAG PACA Agriculteur Part dans la zone Spécificité 0,9% -40% 4,5% 200% Part dans la zone Spécificité 8,3% 10,2% -5% 17% 0,7% -53% 1,5% 7,4% 10,5% -15% 21% 8,7% 0,6% -60% Artisans, Commerçants, Chefs d'entp. Cadres, Profession intellectuelles sup Part dans la zone Spécificité 14,2% 11% 8,5% 12,3% 17,2% -34% -4% 34% 12,8% Part dans la zone Spécificité 25,8% 20,2% 24,3% 23,0% 7% -16% 1% -5% 24,1% Part dans la zone Spécificité 23,7% 25,6% 32,6% 29,3% -27% -21% 0% -10% 32,6% Part dans la zone Spécificité 27,1% 30,9% 22,9% 19,3% 33% 22% 13% -5% 20,3% Professions intermédiaires Employés Ouvriers La structure de l’emploi par catégories sociales dans les entreprises révèle quelques spécificités des zones d’études. En effet, si la structure régionale touchée par la tertiarisation de l’économie, met au premier plan les employés (32,6%) et les professions intermédiaires (24,1%), cette structure par catégories sociales n’est adoptée que par la zone d’AubagneGémenos-LaCiotat et la zone d’activités aromatiques de Grasse. La zone du bassin minier de Provence et la zone de Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard ont une structure par catégories sociales plus spécifique qui met en avant le poids des ouvriers (resp. 27% et 31%). Nous constatons ici la prégnance d’un mode d’activité traditionnel. La zone du bassin minier de Provence se démarque par une sur représentation des professions intermédiaires alors que la zone de Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard dévoile une très forte spécificité des agriculteurs en cohérence avec les constatations précédentes. 81 3.2. Les caractéristiques de l’activité économique 3.2.1. Les emplois par secteur d’activité de la population travaillant sur la zone Tableau 11 - Emplois au lieu de travail en 1999 par secteur d’activité Source : Portrait de Territoire, Insee. BMP CCC AGL ZAG PACA Agriculture Part dans la zone Spécificité 2,4% -23% 9,4% 203% 1,5% -52% 2,2% -29% 3,1% Part dans la zone Spécificité 28,1% 149% 14,6% 29% 17,6% 56% 15,9% 41% 11,3% Part dans la zone Spécificité 6,8% 11% 7,2% 18% 5,6% -8% 7,1% 16% 6,1% Part dans la zone Spécificité 62,7% -21% 68,7% -14% 75,3% -5% 74,9% -6% 79,5% Part dans la zone Spécificité 15,0% -2% 20,3% 33% 19,8% 29% 15,9% 4% 15,3% Part dans la zone Spécificité 9,7% -16% 8,3% -28% 12,5% 9% 16,0% 39% 11,5% Part dans la zone Spécificité 5,3% -40% 6,1% -22% 6,9% -22% 9,6% 9% 8,8% Industrie Construction Tertiaire Dont Commerce Dont Services aux Entreprises Dont services aux Particuliers Les remarques faites précédemment sur la structure par catégories sociales de l’emploi sur les zones peuvent être éclairées par la structure de l’emploi par secteur d’activité. L’importance de l’emploi ouvrier dans la zone du bassin minier de Provence s’explique par une spécificité importante de l’emploi industriel. Il est intéressant de noter au passage la relative faiblesse de l’emploi des secteurs tertiaires dans cette zone qui pourrait expliquer que la dynamique précédemment évoquée liée au processus d’urbanisation soit plutôt le fait d’une dynamique d’activité externe à la zone d’étude (agglomération marseillaise et aixoise) qu’une dynamique interne fortement ancrée. Pour la zone de Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard, c’est la très forte spécificité du secteur agricole qui semble se confirmer. La faiblesse du secteur tertiaire doit être nuancée par un développement notable des commerces et des services aux particuliers qui semble être favorisé par une urbanisation plus diffuse et par une moindre concurrence des zones urbanisée proches. Le secteur industriel garde une spécificité positive dans la zone d’Aubagne-Gémenos-LaCiotat et dans la zone d’activités aromatiques de Grasse. Cette spécificité industrielle est accompagnée d’une spécificité dans les services aux entreprises dans la zone d’activités aromatiques de Grasse alors que dans la zone d’Aubagne-Gémenos-LaCiotat le tertiaire s’est développé plutôt dans une optique commerciale que dans l’appui au tissu industriel. La 82 présence d’une offre importante dans l’agglomération marseillaise et aixoise est peut être une explication à ce phénomène. 3.2.2. La composition du tissu productif Tableau 12 - Etablissements actifs sur la zone au 01.01.2000 Source : Portrait de Territoire, Insee. BMP CCC AGL ZAG PACA Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 11,4% 16,7% 28% +++ 10,9% -5,5% 22% - 10,8% 2,7% 21% ++ 9,7% 5,2% 9% +++ 8,9% -3,8% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 2,7% 0,0% 13% + 3,1% 0,0% 29% + 2,3% -2,0% -4% + 1,6% -2,3% -33% + 2,4% -3,1% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 14,5% 0,5% 25% ++ 14,7% 0,1% 27% ++ 10,2% -1,1% -12% + 14,3% -3,6% 23% - 11,6% -3,4% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 26,3% 4,6% -7% +++ 32,7% -1,2% 16% + 30,6% 9,7% 8% +++ 25,1% 9,6% -11% +++ 28,3% -2,6% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 47,9% 26,0% -6% + 41,7% 20,7% -19% + 48,4% 25,4% -5% + 50,9% 35,7% -1% ++ 51,2% 16,8% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 14,3% 39,3% 0% + 10,7% 31,0% 22% + 13,8% 50,7% -3% + 18,4% 63,8% 29% ++ 14,3% 30,1% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 10,8% 20,4% -30% + 12,2% 18,8% -21% + 12,4% 14,2% -20% - 12,7% 34,1% -18% ++ 15,5% 15,2% Part dans la zone Evolution 90-99 Spécificité Dynamique 15,8% 30,1% 14% + 12,5% 26,1% -9% + 16,5% 19,2% 20% + 11,4% 30,8% -17% + 13,8% 16,7% Industrie Dont IAA Construction Commerces et réparations Autres services Dont Services aux Entreprises Dont Services aux Particuliers Education, Santé, Action Sociale 83 La composition du tissu productif fait apparaître une situation plus contrastée que celle de l’emploi entre les différentes zones. L’industrie bien qu’étant un secteur d’activité marginal dans la répartition des établissements productifs dispose de spécificités positives et d’une dynamique forte qui la place comme un secteur en développement dans l’ensemble des zones. La spécificité des établissements des industries agroalimentaires n’est Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard en comparaison avec les spécificités de la population résidente et de l’emploi. Cette caractéristique pourrait industries agroalimentaires a subi de profondes concentrations qui ont grande taille susceptibles de faire face à l’élargissement de la concurrence. pas fortement marquée dans la zone de et la dynamique rencontrées lors de l’étude s’expliquer par le fait que le secteur des favorisé l’émergence d’établissements de Le secteur de la construction montre une dynamique de développement qui combine à la fois des spécificités positives et une dynamique favorable notamment dans la zone du bassin minier de Provence et dans la zone de Carpentras-Cavaillon-Chateaurenard. Ces deux zones d’étude sont celles qui présentent encore des opportunités sensibles d’expansion de l’habitat. Le secteur des commerces et de la réparation est avec le secteur industriel est celui qui connaît les plus forts taux de croissance dans les zones d’étude par rapport à la moyenne régionale. Les services n’ont pas de spécificités positives dans les terrains d’étude bien que la dynamique positive marque un certain rattrapage par rapport à la moyenne régionale. Cette situation générale des services peut être précisée notamment au sujet des établissements de services aux entreprises qui sont en développement sensible dans la zone d’activités aromatiques de Grasse ; Particularité déjà signalée lors de l’étude de l’emploi par secteur. La zone d’activité aromatique de Grasse est celle qui connaît la croissance la plus forte des établissements tous type de services confondus. La zone d’Aubagne-Gémenos-LaCiotat est la seule zone d’étude à présenter à la fois des spécificités négatives et une dynamique défavorable dans la localisation des établissements de services aux particuliers. Ce résultat surprenant est peut être lié à une recomposition du tissu tertiaire dans une optique métropolitaine qui favoriserait une centralisation des établissements dans les pôles des agglomérations ou par la présence significative des services d’éducation de santé et d’action sociale qui assureraient une couverture satisfaisante des besoins. La dynamique de rattrapage dans le secteur des services aux entreprises se confirme, mais semble concerner des entreprises de petite taille, étant donné que ce mouvement n’est pas fortement partagé par la dynamique de l’emploi dans ce secteur. 84 Tableau 13 - Etablissements Taux de création en 2000 Source : Portrait de Territoire, Insee. BMP CCC AGL ZAG PACA Part dans la zone Spécificité 13,4% 20% 12,0% 7% 8,9% -21% 8,9% -21% 11,2% Part dans la zone Spécificité 14,4% 14% 12,8% 2% 10,1% -20% 5,6% -56% 12,6% Part dans la zone Spécificité 16,3% -8% 14,3% -20% 12,6% -29% 15,6% -12% 17,8% Part dans la zone Spécificité 13,6% -11% 14,0% -8% 12,4% -19% 14,4% -6% 15,3% Part dans la zone Spécificité 13,5% -2% 13,1% -5% 12,1% -12% 13,7% -1% 13,8% Part dans la zone Spécificité 17,6% 9% 15,2% 22% 14,8% -9% 16,5% 2% 16,2% Part dans la zone Spécificité 14,3% -20% 15,4% -13% 17,0% -4% 14,9% -16% 17,8% Part dans la zone Spécificité 9,2% 21% 8,6% 13% 6,7% -12% 7,5% -1% 7,6% Industrie Dont IAA Construction Commerces et réparations Autres services Dont Services aux Entreprises Dont Services aux Particuliers Education, Santé, Action Sociale Le taux de création des établissements est sensiblement équivalent dans les différents secteurs d’activités au niveau régional, a part dans le secteur de l’éducation, de la santé et de l’action sociale. Les spécificités des différents terrains par rapport à cette moyenne régionale ne sont pas fortement marquées. De manière générale le taux de création de nouveaux établissements est plus faible dans les zones d’étude par rapport à la moyenne régionale ce qui dénote un manque de dynamisme entrepreneurial. Les secteurs industriels et celui des services aux entreprises sont les seuls qui connaissent un taux de création plus élevé et une croissance supérieure à la moyenne. Bien que n’étant pas surprenant, la zone d’activités aromatiques de Grasse est la seule à avoir une spécificité fortement négative dans la création d’industries agroalimentaires. 85 86 Chapitre 2 Le tissu agro-industriel de la basse vallée du Rhône : un système productif local en transition 88 Le tissu agro-industriel de la basse vallée du Rhône est constitué par un ensemble d’activités, apparu localement dans la seconde moitié du 19è siècle. Il s’est initialement constitué sur la base de l’émergence, à cette époque, d’une production agricole de fruits et légumes primeurs associée à une activité d’expédition, qui envoyait les produits provençaux vers les villes et notamment vers Paris. Sur ce couple initial est venue se greffer une activité de transformation, qui s’est peu à peu industrialisée. On peut considérer que cet ensemble a fait système, dans la mesure où il procède d’une nécessaire articulation entre ces différentes activités : historiquement, entreprises de production agricole, de négoce-expédition, de transformation, de transports ou encore de services (fabricants et fournisseurs de matériel, d’emballages, de produits, organisations professionnelles…) interviennent dans la chaîne du travail des fruits et légumes, de leur production jusqu’à leur consommation finale. Ce système est constitué d’un maillage d’unités productives de petite taille réparties dans un tissu de petites villes organisées autour de plusieurs pôles (Cavaillon, Châteaurenard, Carpentras-Monteux et Avignon). Il s’apparente à un « système productif localisé » : composé essentiellement de PME, s’y articulent des activités entretenant des relations productives, économiques et commerciales. On le considère ici comme un tissu en transition, dont les facteurs tiennent principalement à des éléments exogènes (évolution du contexte concurrentiel). Cette transition s’opère dans une certaine « continuité » entre l’ancien et le « nouveau » : le tissu évolue sur ses activités de base, il recycle ses ressources traditionnelles et en crée de nouvelles, sans rupture. Malgré tout, et ceci pour différentes raisons qui seront développées dans le corps du texte, son avenir reste incertain. 1. Délimitation et choix méthodologiques L’entrée dans la problématique de la « transition » de ce tissu productif a été double, elle en délimite les contours et l’objet. Une entrée par les « pôles » historiques Elle s’est faite, d’une part, à partir des « pôles » géographiques sur lesquels il est traditionnellement implanté : c’est-à-dire Cavaillon, Châteaurenard, Carpentras et Avignon, en incluant les communes situées dans leurs alentours. Chacun de ces pôles se caractérise par la présence ancienne d’un marché de producteurs, qui s’est maintenue jusqu’à nos jours sous la forme des MIN (Marché d’Intérêt National) ou marché-gare actuels, et par un maillage d’entreprises dédiées aux activités agro-industrielles. Ce tissu n’est cependant pas figé dans ses limites historiques, il se déploie plus largement et de façon différenciée sur de nouveaux territoires. C’est pour pendre en considération ce phénomène qu’un cinquième pôle, autour de Saint-Martin de Crau, a été rajouté aux quatre premiers. Voici les regroupements de communes qui ont été faits pour délimiter chaque pôle : . Pôle de Châteaurenard : Barbentane, Cabannes, Châteaurenard, Eyragues, Graveson, Maillane, Mallemort, Mollégès, Noves, Orgon, Plan d’Orgon, Rognonas, Saint-Andiol, Sénas, Verquières. . Pôle de Cavaillon : Caumont, Châteauneuf de Gadagne, Cavaillon, Cheval-Blanc, Isle sur la Sorgue Mérindol, Le Thor, Les Taillades, Robion. 89 . Pôle de Carpentras : Althen-des-Paluds, Aubignan, Bedarrides, Caromb, Carpentras, Entraigues, Loriol-du-Comtat, Mallemort du Comtat, Mazan, Monteux, Pernes-les-Fontaines, Sorgues, Vedène, Velleron. . Pôle d’Avignon : Avignon, Le Pontet, Les Angles, Morières, Villeneuve-les-Avignon . Pôle de Saint-Martin de Crau : Aureille, Eygalières, Eyguières, Fontvieille, Grans, Lamanon, Les Baux, Mas Blanc Alpilles, Maussane, Miramas, Mouriès, Saint-Martin de Crau, Saint-Rémy de Provence, Salon de Provence. Ces regroupements ne correspondent pas à des découpages préexistants (les zones d’emploi, par exemple, ne permettent pas d’isoler et d’identifier la dynamique de chaque pôle). Ils n’ont pas non plus été opérés en fonction d’une logique privilégiant les dynamiques inter-urbaines et l’attraction de ces communes par chaque ville centre du pôle, ou encore les inter-communalités. C’est plus un souci « pragmatique » et de faisabilité empirique qui a présidé à la composition de ces pôles, en tant qu’elle a visé à délimiter et arrêter un périmètre autour de chaque ville centre. Ces découpages n’ont donc pas de réelle valeur en soi. Ils ont principalement été utiles pour l’approche statistique. Par ailleurs, ils doivent être compris comme visant à éclairer la dynamique plus générale d’un tissu qui s’étend sur une zone composée par l’ensemble des ces communes. Sur chacun de ces pôles, il s’est agi de saisir les principales évolutions du tissu agro-industriel : devenir des activités traditionnelles et des relations qu’elles entretiennent, devenir des ressources traditionnellement liées à ces activités, repérage de nouvelles activités et de nouvelles ressources, mobilisations d’acteurs et dynamiques locales… Une entrée par les activités Une approche par les activités traditionnellement présentes dans le tissu agro-industriel a complété la précédente : production agricole de fruits et légumes, négoce-expédition-distribution des fruits et légumes frais, transport-logistique de fruits et légumes et de produits alimentaires, industries de transformation, fabricants et fournisseurs de matériel, d’équipements et de produits spécialisés, services connexes : conseil, assistance technique, formation, organisations professionnelles…. Cette approche a eu pour objectif de saisir les problématiques et enjeux de compétitivité dans chacune de ces activités, les modalités d’adaptation des unités productives, l’évolution et/ou le renouvellement du tissu d’entreprises, les relations avec les autres activités… Ainsi, le champ de l’enquête est circonscrit à ces activités, d’une part, excluant par là tout ce qui concerne par exemple l’économie viticole ; et, de l’autre, aux pôles géographiques traditionnels et spécialisés dans ces activités, excluant notamment la zone d’Apt (production et transformation de la cerise). En 1999, 459 742 personnes, soit 10.2% du total régional, résident dans cet ensemble de communes, 201 056 sont actives. 171 505 personnes travaillent dans ces communes (résidentes ou non), soit 10.9% de l’ensemble des personnes travaillant en région. Cet ensemble compte 25 678 établissements actifs au 01.01.2000, représentant 9.4% du total régional (source : INSEE). En 2000, on y compte 4652 exploitations agricoles (16% du total régional) et 12 578 UTA (Unité de Travail Annuel) dans le secteur de l’agriculture (24.8% des UTA agricoles régionales totales) (source RGA). En 2001, les établissements de commerce de gros de fruits et légumes y sont au nombre de 199 et emploient 2453 salariés (soit respectivement 46.6% et 55.7% du total 90 Commerce de gros de fruits et légumes régional) ; l’industrie agro-alimentaire représente 139 établissements, employant 3712 salariés (13.2% et 23.5% du total IAA régional) ; le transport de marchandises (inter-urbain et de proximité) compte 283 établissements et 4678 salariés (16.7% et 23.5% du total régional) (établissements employeurs, chiffres au 31.12, source Assedic). Le recueil des données a suivi quatre modalités : . La recherche documentaire (documents fournis par les interlocuteurs, sites Internet, rapports, articles, presse locale et spécialisée…). . La réalisation d’entretiens . Soixante institutions ont été visitées (éventuellement à plusieurs reprises et éventuellement pour réaliser des entretiens avec plusieurs personnes, au total 73 personnes ont été rencontrées ainsi que deux collectifs). Les entretiens se sont déroulés entre juin 2002 et fin juillet 2003. Ils ont duré entre 30 minutes et 4 heures selon les interlocuteurs. Le choix des institutions rencontrées, et notamment des entreprises, a suivi la double logique pôle/activité. On a aussi cherché à représenter les différentes logiques (produits, technologies, date d’implantation) et les différents sous-systèmes présents. Les fournisseurs et les entreprises de services implantés localement ont été enquêtés, en tant qu’éléments du système et de la dynamique locales. Concernant l’industrie, les entreprises transformant des fruits et légumes (ou en ayant transformé dans le passé) ont été privilégiées. Ces choix ont du composer avec la disponibilité des personnes. L’accueil a généralement été favorable, les interlocuteurs souvent intéressés par l’enquête et ses résultats. Des difficultés ont été rencontrées en fin de période du fait de l’entrée en saison de certaines activités (transport-expédition de fruits et légumes frais, transformation de la tomate, production de pêches et nectarines…)1 . . Passation d’un questionnaire. 221 entreprises ont été destinataires du questionnaire, sur les 1000 environ comptabilisées sur l’ensemble des pôles : 52 envois pour le transport-logistique ; 52 pour les services (conseil, organismes de formation, fournisseurs…) ; 58 pour la transformation et la restauration collective ; 58 pour le négoce-distribution. Les entreprises ont été retenues en fonction du double critère de leur activité et de leur localisation, il a de plus été tenu compte de leur poids et de leur représentativité dans le tissu. Un des objectifs du questionnaire a été de mieux saisir les liens (économiques, commerciaux, relationnels…) entre les entreprises et entre les activités. . Analyse statistique . Sur la base de l’agrégation des communes de chaque pôle, un travail de d’analyse des statistiques suivantes a été réalisé : INSEE : « Portraits de territoire », qui constitue un cadrage général des zones étudiées ; ASSEDIC : Effectif des établissements par tranche de taille et effectif salariés en Naf 700, qui donne des informations sur la composition fine du tissu d’entreprises ; Recensement général de l’agriculture (RGA) : données comparatives des RGA de 1979, 1988 et 2000 ; Par ailleurs, différentes publications de l’ORM ont été mobilisées ainsi que les données fournies directement par les personnes rencontrées. 1 On se reportera à l’annexe 2 pour la liste détaillée des entretiens. 91 2. Un tissu productif en transition Un ensemble d’activités qui date du milieu du 19è siècle Dans une zone située dans la basse vallée du Rhône, dans les départements du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône, se constitue, dans la seconde moitié du 19è siècle, une activité de production et d'expédition de fruits et légumes primeurs qui est à l'origine du tissu productif actuel. Cette zone comprend, dans le Vaucluse, le Comtat Venaissin (partie du département située entre le Rhône, la Durance et le Mont Ventoux, ayant historiquement fait partie des Etats du Pape) et, dans les Bouches-du-Rhône, la région de Châteaurenard située dans le prolongement Sud-Est du Comtat, sur l'autre rive de la Durance, dans une même unité géographique (plaine). Dès le début du siècle, cette zone connaît une ébauche de culture maraîchère , mais celle-ci va prendre de l'ampleur à partir de la seconde moitié du 19è siècle. Trois conditions principales y président : - la crise des activités traditionnelles locales (la culture du ver à soie et celle des plantes tinctoriales sont concurrencées par les produits industriels ; le vignoble subit les attaques du phylloxera) et leur abandon progressif ; - les évolutions techniques et la mise en place d’équipements : généralisation de l’irrigation (canal de Carpentras), développement du chemin de fer (possibilité de transport des primeurs vers les villes) ; - l’établissement des premiers marchés dans les villes de Cavaillon et Châteaurenard, qui se spécialisent dans les fruits et légumes primeurs (le marché de Châteaurenard est créé en 1875 ; un syndicat provençal d’expéditeurs voit le jour en 1880). Cette activité est le fait de petits exploitants qui s’installent sur les surfaces libérées par le morcellement des grandes propriétés. Ils développent un système de cultures intensives qui se combine à une organisation commerciale particulièrement adaptée à l’écoulement des primeurs vers les grandes villes, par l’intermédiaire d’un réseau dense d’expéditeurs. Ceux-ci achètent sur les marchés physiques, regroupent l’offre et la dirigent vers les lieux de consommation. L’activité de transformation vient se greffer sur ce système, notamment avec l’implantation des premières conserveries dès la fin du 19è siècle. L’émergence de cette activité tient à la possibilité que la production de primeurs, alors en plein développement, offre de traiter les surplus du marché du frais. Ce lien originel avec l'agriculture se traduit dans la localisation des entreprises : elles s’implantent principalement dans les villes qui possèdent un marché (la ville de Carpentras apparaît ainsi, selon un de nos interlocuteurs, comme « la Mecque de la conserve » tant elle est couverte de petites conserveries). Il se traduit, ensuite, dans la rationalité qui sous-tend l'activité où « l'attitude spéculative traditionnellement observée sur le marché des fruits et légumes frais se retrouvait de la même manière chez les conserveurs » (Labonne, 1968). Les conserveries traitent traditionnellement l'ensemble des produits agricoles disponibles, qu'il s'agisse des légumes (épinards, haricots, asperges, champignons, blettes, céleris, truffes) ou des fruits utilisés pour les confitures ou la fabrication de fruits au naturel (cerises, fraises, pêches, poires, pommes). C'est cependant la tomate qui prédomine dans la mesure où presque toutes les usines la transforment. La tomate va être à l’origine de l’apparition d’une véritable industrie de transformation : au départ essentiellement artisanale, la conserve de tomates connaît dans l’entre-deux guerres une industrialisation des techniques, des matériels et des produits (apparition de la concentration sous vide notamment) de même que, progressivement, se constitue une offre de tomates plus spécialement destinées à la conserve et donc moins liée à l’activité primeur, sur des exploitations de cultures extensives (polyculture des zones périphériques aux zones de maraîchage). 92 Les années 60 : industrialisation et continuité des logiques et des structures A la fin de la seconde guerre mondiale, ce tissu possède encore bon nombre de ses traits originels : petites unités indépendantes, système de commercialisation via les expéditeurs, caractère primeur de la production, transformation basée sur l’écoulement des surplus. A partir du début des années 60, s’engage un vaste mouvement de transformation de la société et de l’économie française auquel le tissu agro-industriel régional ne va pas échapper. Les activités et structures productives locales seront directement concernées par les mesures préconisées à l’occasion des IVè et Vè Plans (1962/1965 – 1966/1970) et par les lois d’orientation agricole de 1960, 1962 et 1964 qui constituent les principaux vecteurs des projets de modernisation engagés à vaste échelle par les pouvoirs publics et les fractions modernistes du patronat. Au cours de cette période, l’agriculture s’industrialise, avec une transformation des méthodes culturales, un recours plus grand aux produits industriels (intrants, mécanisation), des exploitations moins nombreuses, plus spécialisées, plus productives et sur des cultures plus intensives. Au niveau local, se développent les grands vergers de pommes de variétés standardisées (golden). Les MIN (Marchés d’Intérêt National) sont créés dans la première moitié des années 60 (implantation sur leur site actuel en 1957 pour Châteaurenard, 1963 pour Carpentras et 1965 pour Cavaillon). L’objectif visé est de remplacer les marchés initialement installés au cœur de villes et dont l’extension est limitée faute place ; il s’agit aussi de créer les lieux et les conditions devant permettre la concentration physique de l’offre des produits agricoles et de centraliser la rencontre avec les acheteurs que sont les expéditeurs. Dans la transformation, les entreprises sont incitées par les pouvoirs publics à se moderniser, à se concentrer (encouragement et soutien à la création de grosses unités de production et à la fermeture des plus petites) et à se regrouper en vue de la commercialisation de leurs produits. L’objectif est de mieux répondre à une demande croissante en produits transformés, en augmentant les quantités et la qualité et en régularisant la production et les prix. Ceci nécessite un plus grand détachement de la transformation vis à vis du marché du frais qui occasionne d’importantes fluctuations dans les quantités de produits disponibles pour les conserveries. Une forte incitation est faite au développement d’une offre de produits agricoles à destination spécifique de la transformation. Dans la région, en continuant son détachement des exploitations primeurs, la culture de la tomate de conserve accélère son développement, mais sur des périmètres de plus en plus distants du cœur de la zone maraîchère (elle s’étend notamment vers le nord du Vaucluse où la coopérative de transformation Le Cabanon a été créée en 1947). Les lois d’orientation agricoles mettent en place le système de l’économie contractuelle, dont l’objectif est de régulariser et d’assurer l’approvisionnement des transformateurs, par l’intermédiaire d’un contrat passé avec les producteurs sur la base d’un prix fixé par convention. La première organisation inter-professionnelle française, -dont la mission est de faire vivre ce nouveau type de relation-, voit le jour à Avignon en 1958 : il s’agit de la Société nationale interprofessionnelle de la tomate de conserve (Sonito). Cette évolution passe aussi par la recherche variétale, l’expérimentation et la vulgarisation de nouveaux procédés et matériels auprès des producteurs et des transformateurs que réalise le Centre technique de la conservation des produits agricoles (CTCPA) via sa station expérimentale implantée à Puyricard en 1964. C’est aussi la période où s’implantent localement les premiers établissements de groupes extra-régionaux ou étrangers qui se rapprochent ainsi de leurs sources d’approvisionnement. 93 On pense à l’installation au Pontet, en 1963, de l’usine de production Liébig qui utilise alors les légumes frais produits localement pour la fabrication de ses potages. Mais ces établissements ont eu tendance à se spécialiser dans les activités de seconde transformation, la première transformation restant plutôt l’apanage des entreprises locales. Ces changements dans le tissu agro-industriel régional doivent être compris en lien avec des phénomènes plus généraux. Les évolutions qui traversent la société française, d’une part : avec la transformation des modes de consommation, liée à la salarisation croissante des femmes et l’élévation du niveau de vie, la demande en produits alimentaires transformés prend une nouvelle expansion et se popularise ; l’apparition des premiers supermarchés accompagne l’avènement de la consommation de masse. Le marché commun, d’autre part : mis en place à la fin des années 50, il se dotera d’emblée d’une politique agricole commune et jouera un rôle croissant dans le développement, l’orientation et le devenir de ces activités avec l’adoption de mécanismes de régulation du marché, avec la perspective d’opportunités à l’export doublée d’une confrontation nouvelle à des concurrences sans cesse élargies... Il ne cessera d’être, en fonction des différentes étapes que son développement empruntera, un des éléments déterminant des évolutions locales. De cette phase d’industrialisation amorcée au début des années 60, il en résulte une modification effective des structures productives locales, notamment en matière de concentration (par exemple si on comptabilise 66 établissements transformant la tomate en Provence entre 1960 et 1965, ils ne seront plus que 51 entre 1966 et 1970 ; en 1954, 30 entreprises produisent 50% du total des tomates transformées françaises, elles ne seront plus que 4 pour en produire autant en 1964). Ce tissu conserve cependant ses principaux traits originels : malgré les fortes incitations à la concentration, les petites entreprises indépendantes, privées et développant des logiques individuelles restent prédominantes (on n’assiste pas, comme dans d’autres régions, à un développement important des coopératives) ; la production spéculative de primeurs alliée à l’expédition reste le cœur de la zone, la transformation n’y ayant pas totalement réussi son décollage dans la mesure où l’offre de produits agricoles continue d’être principalement orientée vers le frais. Ces caractéristiques du tissu ont été à l’origine de bien des diagnostics pessimistes sur son devenir, notamment de la part des pouvoirs publics et des acteurs institutionnels qui constataient son incapacité, ou sa résistance, à entrer dans les modèles de développement et d’organisation préconisés par eux en vue de favoriser son adaptation à un contexte nouveau. Force est cependant de constater que ce tissu a pu en définitive traverser cette phase en s’adaptant dans une certaine continuité de structure et de logique mais sans que pour autant les ressorts de son adaptation aient été établis. Depuis lors, cette problématique est posée de façon récurrente. Les facteurs de la transition actuelle Auteurs et interlocuteurs s’accordent pour dire que ce tissu a connu une très bonne prospérité jusque dans le milieu des années 70, l’ensemble des parties prenantes ayant pu en bénéficier et s’enrichir. C’est à partir de ce moment que cette prospérité s’effrite. Les ressorts de cette prospérité sont attaqués sous le coup d’un certain nombre d’évolutions de contexte, dont certaines s’amorcent dans la période que nous venons de décrire mais qui ne feront que se poursuivre et se complexifier depuis lors. On datera cependant des années 90 le début de la phase de « transition » dans laquelle ce tissu est actuellement engagé, en tant qu’elle marque une accélération des tendances l’œuvre et l’exacerbation de tensions qui conduisent à poser assez 94 directement la question de sa pérennité et de son devenir. On ne retracera pas ici tous les événements concourant à cette transition mais on propose de retenir, de façon un peu schématique, quels en ont été les principaux facteurs déclencheurs, et qui concernent, même si ils y ont des implications différentes, l’ensemble des activités. Deux grands facteurs combinés sont à l’origine de cette transition : la montée de la logique du marché et de la distribution (évolution des modes de consommation, poids de la grande distribution, dans un contexte de crise économique) ; la libéralisation et l’internationalisation des échanges (marché unique européen, Organisation Mondiale du Commerce - OMC), renforcées par l’amélioration des techniques de circulation de l’information et du transport. Depuis son apparition dans les années 60, la grande distribution n’a cessé de prendre de l’ampleur et de se concentrer pour devenir aujourd’hui la principale modalité de réalisation des achats. En tant que client et débouché pour la production agricole et alimentaire, son poids est maintenant considérable : elle est devenue un interlocuteur incontournable. Elle pratique la centralisation des achats (les achats sont réalisés par un acheteur unique au niveau national puis distribués entre les différents magasins), fait jouer la concurrence et exerce une forte pression sur les prix. Elle se situe dans une logique de prix bas, de profit maximum et de captation des gains de productivité réalisés par les fournisseurs, et développe des pratiques commerciales visant à reporter la charge d’une partie de ses frais et de sa trésorerie ainsi que le stock, son coût et sa gestion aux fournisseurs ou à des prestataires (entreprises de transport, de logistique, platesformes de distribution…). Ceux-ci sont conduits à travailler en flux tendus (les commandes sont passées au jour le jour, pour une livraison le lendemain ou dans la journée même) et à combiner ces impératifs avec ceux de la saisonnalité et des fluctuations de la production, notamment d’origine climatique, ce qui n’est pas sans impact sur les logiques productives et les modes d’organisation du travail. La prégnance de cet opérateur a inversé les logiques productives : on produit désormais en fonction des desiderata et des impératifs de la consommation et de la distribution, et à leur rythme, pour satisfaire le marché et les consommateurs avec une montée des exigences sur la qualité et la sécurité des produits, le travail systématique sur des cahiers des charges très stricts entraînant des contrôles aussi très stricts. La libéralisation et l’internationalisation des échanges ont conduit à un élargissement des zones géographiques de mise en concurrence, d’abord par la voie du marché unique européen puis par celle des accords GATT-OMC. Dans cette « compétition », la production provençale (couple production/expédition notamment) perd certains de ses atouts : elle perd son caractère de production de primeurs puisque les produits espagnols, notamment, arrivent plus tôt sur le marché (chevauchement de maturité des pêches nectarines avec l’Espagne par exemple) ; elle rencontre la concurrence d’autres régions françaises mieux adaptées aux logiques dominantes car la production s’y est installée de façon plus récente et sur des schémas plus directement industriels, la concurrence des pays méditerranéens au sein de l’Union européenne et une concurrence mondiale pour les produits standardisés (les pommes par exemple, avec la montée des importations venant de l’hémisphère sud qui viennent télescoper les stocks provençaux) de la part de pays dont les conditions de production ne sont pas les mêmes, notamment en terme de main-d’œuvre (prix plus élevés et moins de volumes pour la région provençale). Ces facteurs ont produit un choc sur un tissu jusqu’alors prospère, remettant en cause les fondements de cette prospérité et les logiques qui la supportaient. Pour autant, on ne peut dater 95 d’un moment précis l’éclatement de ce choc ou l’associer à un événement particulier. Il doit plutôt être compris comme un processus ayant débuté dans les années 80 mais dont les effets ont été très directement perceptibles dans les années 90, et qui est toujours en cours (la grande distribution continue de se concentrer, les aires de concurrence s’élargissent…). On peut donc considérer que, au moment de l’enquête, ce tissu continue d’être en transition, il poursuit son adaptation à un environnement et à un contexte qui ne sont pas pour l’heure stabilisés. Cette transition se fait dans une certaine continuité. Dans ce tissu, les activités traditionnelles sont toujours présentes et dynamiques. La « transition » a cependant fait émerger de nouvelles logiques productives et organisationnelles soit qu’elles sont le résultat de l’adaptation des entreprises traditionnelles (implantées de longue date ou de façon plus récente mais sur des créneaux traditionnels), soit qu’elles sont liées à l’implantation de nouvelles entreprises. De nouveaux modes de relations se sont établis entre les activités, avec l’émergence de nouveaux opérateurs, affaiblissant les circuits traditionnels. 3. L’articulation entre dynamique productive et dynamique urbaine Les activités agro-industrielles de la basse vallée du Rhône sont réparties, historiquement, sur un tissu de petites villes gravitant autour des pôles que sont Châteaurenard, Cavaillon, Carpentras et Avignon. De ce fait, les dynamiques productives y ont été, de tous temps, extrêmement imbriquées aux dynamiques de ces villes. Qu’en est-il dans la période récente ? Des pôles qui restent marqués par les activités agro-industrielles Le calcul du poids que représentent les activités agro-industrielles sur les communes de chacun de ces pôles montre que ces activités continuent d’y avoir une certaine importance tant sur le plan des établissements présents que sur celui des emplois offerts. Le degré de spécialisation dans le domaine agro-industriel et dans ses différentes composantes varie cependant d’un pôle à l’autre, révélant par là des spécificités propres à chacun d’eux2 . Le pôle de Châteaurenard possède le plus haut de degré de spécialisation dans les activités agro-industrielles telles que définies ci-dessus : elles regroupent, en effet, 42% de l’ensemble des effectifs salariés. Le commerce de gros de fruits et légumes est le premier employeur, avec 1390 salariés, soit 13.0% de l’effectif salarié total du pôle, et 104 établissements. Les Transports routiers de marchandises (de proximité et inter-urbains) occupent la seconde position : ils emploient 840 personnes, soit 7.8% de l’ensemble. Les Services aux cultures productives et la Fabrication d’emballages en bois se classent parmi les dix premiers employeurs, avec respectivement 307 et 249 salariés. Les IAA, dans leur ensemble, représentent 635 emplois, soit 5.9% du total. En 2000, le pôle compte 1204 exploitations agricoles et 3593 UTA totales3 . 2 On se reportera à l’annexe 1 pour la liste des activités retenues dans le calcul du degré de spécialisation et pour les tableaux détaillés. 3 UTA : Unité de Travail Annuel ou équivalent temps plein annuel d’actifs salariés, chefs d’exploitation et actifs familiaux (Source : Recensement général de l’Agriculture). 96 Degré de spécialisation dans les activités agro-industrielles (en effectifs salariés et en % des effectifs totaux de chaque pôle)4 Fruits et légumes IAA et alimentaire Transport Entreposage Fabrication de matériel, Emballages, Conditionnement à façon Total Pôle de CAVAILLON Pôle de CHATEAURENARD Pôle de CARPENTRAS Pôle d’ AVIGNON Pôle de MARTIN ST. 1246 (7.9%) 1902 (18.0%) 540 (2.6%) 286 (0.7%) 149 (0.8%) 1321 (8.0%) 1198 (11.1%) 1885 (9.1%) 1934 (4.6%) 781 (4.2%) 1716 (10.4%) 4283 (26.1%) 1422 (13.2%) 4522 (42.0%) 2079 (10.0%) 4504 (21.7%) 1417 (3.4%) 3537 (8.7%) 1106 (6.0%) 2036 (11.1%) Le pôle de Cavaillon arrive en seconde position en matière de spécialisation, les activités agroindustrielles emploient un peu plus de 26% du total des salariés. Le premier employeur est ici le Transport routier de marchandises inter-urbain avec 1030 personnes, soit 6.3% du total, et 35 établissements (au total, le Transport routier de marchandises emploie 1267 salariés, soit 7.7% de l’ensemble). Le Travail temporaire arrive en seconde position avec 5.3% des effectifs. Le Commerce de gros de fruits et légumes est proportionnellement nettement moins présent que dans le pôle de Châteaurenard : il emploie 3.6% des effectifs totaux, soit 589 personnes. Les Industries alimentaires n.c.a, l’Entreposage non frigorifique, les Services aux cultures productives se classent parmi les 10 premiers employeurs. Au total, les IAA emploient 843 personnes, représentant 5.1% des effectifs salariés du pôle. 738 exploitations agricoles, représentant 1914 UTA, y sont implantées. Les activités agro-industrielles regroupent près de 22% des effectifs salariés du pôle de Carpentras. Le Transport routier de marchandises inter-urbain y est le premier employeur avec 1118 salariés, soit 5.4% des effectifs totaux, et 44 établissements (au total, le Transport routier de marchandises emploie 1359 personnes). Il est suivi du Travail temporaire (717 personnes, 3.5% du total). La Fabrication de condiments et d’assaisonnements arrive en quatrième position avec 526 salariés (2.5% du total). Les IAA, dans leur ensemble, sont plus représentées que dans les autres pôles avec 1687 personnes et 8.1% du total. Le pôle compte 1303 exploitations agricoles sur lesquelles travaillent 2894 UTA. Sur le pôle de Saint-Martin de Crau, les activités agro-industrielles regroupent 11.1% de l’effectif salarié total, il possède donc un degré moindre de spécialisation. Ici, aucune activité agro-industrielle ne compte parmi les dix premiers employeurs. Le Travail temporaire est l’employeur le plus important, avec 1623 salariés, soit près de 9% du total, atteignant un niveau bien supérieur à celui qui est le sien dans les pôles précédents. De même, le Commerce de détail y est nettement plus représenté (13.4% des effectifs totaux). Au niveau plus agrégé, ce sont les Services aux entreprises qui emploient le plus de salariés (près de 17% du total). L’ensemble 4 Attention, la source ASSEDIC ne comptabilise que les emplois offerts dans le privé (la fonction publique est donc exclue de ces données) 97 Transport routier de marchandises, affrètement, entreposage regroupe 3.6% des effectifs totaux. Il y a 1217 exploitations agricoles, représentant 3713 UTA. Avignon est un cas plus particulier puisqu’il s’agit d’un pôle urbain (par ailleurs, les communes du pôle situées hors région Paca n’ont pas pu être prises en compte dans ces statistiques). Le Travail temporaire arrive en tête avec 5.5% des effectifs totaux. Au niveau plus agrégé, on note le poids des Services aux entreprises (16.1%), du Commerce de détail, qui emploie près de 16% du total. L’ensemble Transport routier de marchandises, affrètement, entreposage ne représente ici que 2.1% du total. Seules 190 exploitations sont implantées sur ce pôle, avec 464 UTA. Ces données permettent d’observer que chaque pôle possède ses propres spécificités : Châteaurenard reste très orienté sur le Commerce de gros de fruits et légumes, Cavaillon se caractérise par les poids du Transport de marchandises et plus généralement des activités de services, et Carpentras est plus tourné vers les IAA. Plus largement, les caractéristiques socio-démographiques des populations 5 vivant et travaillant dans ces pôles révèlent elles-mêmes des profils assez spécifiques par rapport aux moyennes départementales et régionales. De ce point de vue, les pôles de Châteaurenard, Cavaillon et Carpentras ont des caractéristiques plus marquées et très similaires : - ces pôles connaissent une croissance démographique, la population y est plus jeune qu’en moyenne régionale et la population active y augmente plus fortement ; les demandeurs d’emploi y est sont proportionnellement moins nombreux qu’en moyenne régionale et que dans les autres pôles ; - le poids plus élevé des agriculteurs, des artisans-commerçants-chefs d’entreprises et des ouvriers caractérise la population résidente. Le niveau de formation de cette population est luimême plus faible que dans les moyennes ; les diplômés de l’enseignement professionnel de niveau V (CAP et BEP) y ont plus de poids. On observe aussi que, parmi les résidents actifs, les fonctionnaires sont moins représentés qu’ailleurs ; - la part de l’emploi indépendant dans la population travaillant dans ces pôles est plus importante qu’ailleurs. Les emplois sont plus masculins, la part des femmes parmi les salariés est plus faible qu’ailleurs. L’emploi tertiaire y est moins représenté, sauf à Cavaillon, au contraire de l’emploi agricole et industriel. Les ouvriers arrivent en tête dans l’ensemble des catégories socioprofessionnelles, à l’inverse des autres pôles où ce sont les employés qui sont au premier rang ; la part des artisans-commerçants-chefs d’entreprises et des agriculteurs (sauf pour Cavaillon) reste au-dessus des moyennes départementales et régionales. Ces caractéristiques socio-démographiques reflètent le poids des secteurs agro-industriels dans les activités de ces pôles et la structure des populations qui y sont associées. Au-delà de ces proximités structurelles, quelques différences sont à noter, notamment entre Cavaillon et les deux autres pôles, plus proches dans leurs caractéristiques, Châteaurenard apparaissant comme le plus « typé ». Cavaillon est plus tertiaire (en relation notamment avec le poids qu’y a le transport), -les agriculteurs y sont moins représentés, de même que les emplois industriels, ce pôle possédant un profil moins ouvrier- et la structure des niveaux de formation de la population résidente est plus élevée. Carpentras a une population proportionnellement plus 5 Source Insee, Recensement général de la population 98 jeune que les autres. Le pôle de Saint-Martin, quant à lui, semble occuper une position intermédiaire : en effet, à part quelques traits qui les opposent, il possède les mêmes grandes caractéristiques que les trois autres mais elles y sont moins prononcées, ce pôle se situant plus dans les moyennes départementale et régionale. Enfin, le pôle d’Avignon a des caractéristiques très spécifiques, à la fois par rapport aux autres pôles et par rapport aux moyennes (notamment vauclusiennes). Avignon possède déjà ou a déjà outrepassé les caractéristiques régionales sur beaucoup de points : la population augmente très peu, elle est plus pauvre, la part des demandeurs d’emploi est plus élevée que dans les autres pôles ; dans le même temps les niveaux de formation supérieurs y sont plus représentés ; la structure de l’emploi est très tertiaire, caractérisée par un très fort taux d’employés et peu d’indépendants parmi la population qui y travaille. Une dynamique de petites villes Pour la trame des petites villes qui composent les différents pôles, les activités agro-industrielles conservent une importance effective, nous l’avons vu ci-dessus avec l’emploi, mais aussi sur le plan des orientations qu’elles privilégient en matière de développement économique et sur celui de leur identité. Une des principales stratégies déployée par ces petites villes pour attirer de nouvelles entreprises consiste à créer et/ou à renforcer, dans leur périphérie, des zones d’activité souvent dédiées aux activités agro-industrielles et à favoriser l’implantation des entreprises dans ces activités. Dans cette optique, elles développent des stratégies de communication (notamment par l’intermédiaire de leurs sites Internet) dans lesquelles leur identité agricole et agroalimentaire reste un argument de premier rang, très souvent associé à celui de leurs atouts en matière de localisation géographique (proximité des voies de communication et du bassin de consommateurs du sud-est) et proposent un ensemble de services dont l’objectif est l’information et l’aide aux implantations nouvelles. Les villes centres des pôles ont généralement une à plusieurs zones d’activité dédiées aux activités agro-alimentaires sur leur territoire, et dont elles désirent assurer le développement. Toutes ces villes (sauf Saint-Martin de Crau) possèdent l’atout de la présence d’un MIN (ou marché-gare pour Carpentras), structures qui, dans la configuration actuelle, deviennent des acteurs incontournables du développement économique local et dont on peut considérer qu’ils constituent autant d’exemples d’une adaptation de ressources anciennes à une situation nouvelle. En effet, les MIN, qui ont été créés dans les années 60 afin de regrouper sur un même lieu l’offre de produits agricoles mis à la vente par les producteurs, ont vu leur mission initiale remise en cause par une évolution des modes de commercialisation. Tout en conservant une activité de marché, plus ou moins développée selon les cas, ils se sont orientés plus massivement vers la gestion immobilière et le développement de l’espace inscrit dans leur périmètre : location des bâtiments existants, construction de nouvelles structures où viennent s’implanter des entreprises des secteurs agro-alimentaires ou de la distribution… Dans ce sens, ils se constituent en zones d’activité spécialisées, affichant pour certains un rôle de pépinières se proposant de faciliter une première implantation, et à moindre frais, à des entreprises désirant s’installer localement. Les MIN offrent aussi pour cela des services collectifs. Ils continuent d’être des lieux physiques de marché, de moindre ampleur, et de proposer des services aux producteurs et expéditeurs, ou grossistes qui les fréquentent. A Cavaillon et Avignon, le marché des fruits et légumes concerne désormais plutôt les ventes en direction des détaillants et des grossistes que des expéditeurs. Carpentras possède un marché aux pépinières et aux produits horticoles qui est en expansion. Châteaurenard conserve son orientation traditionnelle de marché de producteurs, élargissant son 99 aire d’influence, et reste une référence en matière de prix. La nouvelle municipalité a cependant souhaité pouvoir diversifier les activités et les emplois présents sur son territoire, notamment par l’intermédiaire d’une zone spécialisée dans le tertiaire de bureau, et ceci afin que le sort économique de la commune soit moins tributaire de celui des activités fruits et légumes, encore très présentes. Les MIN sont aussi directement à l’origine de la création d’outils et de ressources nouvelles en direction des entreprises (par exemple : un site Internet qui permet aux horticulteurs de vendre leurs produits, à Carpentras ; une zone d’activité spécialisée dans les fruits et légumes bio à Cavaillon…). Cette dynamique est le fait de petites villes relativement autonomes les unes par rapport aux autres. Elle est interprétée par nombre de nos interlocuteurs comme le fruit et le révélateur d’importantes rivalités intercommunales. Avec la création tous azimuts de zones d’activité, par exemple, chaque collectivité locale semble travailler en solo pour attirer de nouvelles entreprises sur son propre territoire et se situe en concurrence avec les autres, concurrence dans laquelle par ailleurs le niveau de la taxe professionnelle est un argument majeur. Ces rivalités intercommunales se traduisent aussi dans les logiques et stratégies de regroupement dans l’intercommunalité. Elles recoupent des divergences politiques, des craintes d’être absorbées par les plus gros (Avignon notamment), et révèle un certain esprit d’indépendance de chaque commune6 . La complexité de la situation est par ailleurs amplifiée par le fait que ce tissu agroindustriel est à cheval sur deux départements (dans ce sens, la logique du tissu productif se trouverait en quelque sorte « en butte » avec ces découpages administratifs). Pour la plupart de nos interlocuteurs, cette rivalité intercommunale et les concurrences qu’elle engendre auraient un effet plutôt négatif en terme de développement économique. On peut cependant se demander si, en définitive, la concurrence entre les pôles et entre les communes ne produit pas un effet redoublé d’attirance qui finit par profiter à l’ensemble de la zone (en favorisant une complémentarité dans les capacités d’accueil des entreprises et dans le type d’entreprise accueillie), même si certaines opérations se font au profit de certaines communes et au détriment d’autres. Pour en saisir les aspects positifs, il faudrait alors plutôt raisonner en terme de « système productif local ». C’est, de notre point de vue, l’absence d’une telle vision globale qui conduit à ce diagnostic. Par ailleurs, une amorce de « division du travail » semble se faire jour au sein du territoire, avec une tendance à la spécialisation de chaque pôle. Cette spécialisation s’opère par la voie des choix stratégiques faits par chaque collectivité locale mais aussi du fait des contraintes, opportunités et ressources que rencontre chacune d’elle (degré de proximité par rapport aux grands axes de circulation, au regard duquel Cavaillon est avantagé ; situation au pied du Mont Ventoux qui engage Carpentras à jouer de la qualité de vie en cherchant à attirer des activités à fort taux de cadres ; présence de la gare TGV pour Avignon ; saturation de l’espace et de la circulation qui n’engage pas Cavaillon et Châteaurenard à favoriser l’implantation de structures logistiques qui vont alors s’implanter sur d’autres communes, Monteux, Salon, Grans…). A travers le positionnement actuel des MIN, par ailleurs, l’expression de stratégies, choix et positionnements différenciés se fait plutôt en terme de recherche de complémentarité, sans toutefois que les craintes d’une concurrence avérée ou potentielle ne soit 6 Peut-on voir dans cette caractéristique le résultat du fait que chacune d’entre elle a une longue histoire et se demander si ce n’est pas leur appartenance historique au Comtat Venaissin, resté dans le giron des Papes jusqu’après la révolution française, qui contribua à leur donner cette identité et cet esprit d’indépendance, un peu à la manière des villes italiennes ? 100 complément évacuées. Ce positionnement des uns par rapport aux autres est aussi le moyen de l’expression d’une identité. Des conflits dans l’usage du territoire Les possibilités de développement du tissu productif, et les orientations stratégiques que les communes peuvent définir, sont extrêmement conditionnées par les disponibilités foncières qui existent sur leur territoire. Les disponibilités en terrains et, partant, leur prix sont des éléments déterminants dans ce que peuvent offrir ou non les communes aux entreprises qui souhaitent s’installer. Ils orientent les choix du type d’activité et du type d’entreprise qu’elles peuvent et veulent, ou non, attirer. Partout, cette question fait problème. Nos interlocuteurs s’accordent pour dire que les demandes d’implantation sont nombreuses, la zone dans son ensemble est attractive, mais qu’il n’y a plus de place pour accueillir les entreprises ou bien les prix sont trop élevés. Les demandes nombreuses émanant d’entreprises de transports et de logistique, qui sont très intéressées par des implantations locales, ne peuvent plus être satisfaites sur toutes les communes car ce sont des activités qui ont besoin de beaucoup d’espace. Ainsi, la ville de Cavaillon, qui veut continuer d’attirer des entreprises de ces activités, met l’accent sur les structures qui se satisfont de superficies limitées. La disponibilité foncière devient un élément de poids dans les concurrences intercommunales. On assiste à un certain glissement du tissu agro-industriel vers le sud, avec des implantations logistiques de grande ampleur sur le pôle de Saint-Martin de Crau et que l’on peut interpréter comme une forme de division spatiale entre activités ayant besoin de grands espaces et celles qui en demandent moins. Les entreprises et/ou activités nécessitant beaucoup d’espace (grandes exploitations, plates-formes logistiques) sont renvoyées vers le sud de la zone (en Crau, sur les pourtours de l’Etang de Berre). La faible disponibilité de terrains et leur cherté influent aussi directement sur les projets d’extension des entreprises déjà installées qui, pour ces raisons, peuvent être amenées à changer d’implantation. L’activité agricole est particulièrement sensible à cette question foncière. D’une part, le parcellaire hérité de l’histoire longue de la zone oriente les possibilités (et impossibilités) de développement des exploitations qui, localement, ne peuvent accéder à de grandes surfaces. Elle conditionne donc le type d’agriculture qui peut se faire sur la zone. Les grandes exploitations se développent ailleurs, en Crau ou dans la région Languedoc-Roussillon. Par ailleurs, le problème du foncier représente aujourd’hui une barrière à l’installation de jeunes agriculteurs. Entre résidentiel, tourisme et activités productives, les concurrences entre différents modes d’usage du territoire sont particulièrement marquées sur la zone. La forte densité de population, l’attirance touristique, l’urbanisation et la déconcentration urbaine produisent tout à la fois une forte pression foncière et un mitage du parcellaire qui posent problème aux activités productives (peu de terrains disponibles, toutes les activités ne sont pas les bienvenues partout ; difficultés rencontrées par les agriculteurs pour s’installer ou s’agrandir…). A travers ces conflits dans l’usage du foncier, on voit bien que c’est la question de la vocation de la zone et celle de son devenir qui sont explicitement posées. Les caractéristiques socio-démographiques De ce point de vue, les évolutions socio-démographiques des dix dernières années viennent révéler les transformations de cette vocation. Elles peuvent être vues tout à la fois comme un 101 facteur et une résultante des transitions en cours dans le tissu productif et, plus largement, dans l’usage économique, social et symbolique de ce territoire. Sur le plan socio-démographique, la zone agro-industrielle conserve des spécificités par rapport aux moyennes départementales et régionales, nous l’avons vu. Cependant, entre 1990 et 1999, elle semble avoir été le lieu d’un phénomène partiel de rattrapage de ces moyennes : certaines catégories sur-représentées ont tendance à connaître les plus fort taux de diminution, et inversement. Ainsi, dans la période, l’effectif des non salariés travaillant sur l’ensemble Châteaurenard/Cavaillon/Carpentras, chute de 18% pour 10.6% dans les Bouches du Rhône, 12.5% dans le Vaucluse et 12.2% en moyenne régionale ; cette chute est particulièrement liée à la baisse plus forte que connaissent dans ces trois pôles les effectifs d’agriculteurs. A l’inverse, les salariés voient croître leur effectif plus qu’ailleurs : +17.9% contre +6.1% dans les Bouches du Rhône, +10.1% dans le Vaucluse et +7.6% en région. De même, la part des femmes dans l’emploi salarié augmente plus qu’ailleurs : +28.0% pour +16.7% dans les Bouches du Rhône, +21.3% dans le Vaucluse et +18.5% en région. Dans la population qui réside dans cet ensemble, les effectifs des catégories Cadres, professions intellectuelles, Professions intermédiaires et Employés s’accroissent proportionnellement plus qu’ailleurs : respectivement +23.3%, +45.0% et +27.6% (+13.9%, +23.8% et +15.8% en région). Par contre, dans la population résidente, les effectifs de la catégorie des Ouvriers et ceux de la catégorie des Artisans, commerçants et chefs d’entreprises chutent, mais proportionnellement moins que dans les moyennes régionales et départementales. Ce phénomène de rattrapage partiel est aussi particulièrement visible en ce qui concerne les niveaux de formation de la population résidente : on y observe une augmentation plus importante qu’ailleurs du nombre de personnes diplômées : (+24% pour les titulaires du BEPC pour +12.1 en moyenne régionale ; +42.9% pour les titulaires de CAP-BEP, +32.6% en région ; +86.3% pour les titulaires du Bac, +55.4% en région et +102.4% pour les titulaires de diplômes de niveau Bac+2, +72.7% en région). Par contre, el s effectifs des catégories les moins diplômées chutent, mais proportionnellement moins que dans les moyennes. Pour l’heure, ce phénomène partiel de rattrapage pourrait être le révélateur d’une transformation en cours de la population (notamment liée aux effets de la déconcentration urbaine d’Avignon) et/ou d’une tendance à une polarisation plus grande de la population résidente, le « rattrapage » ne concernant qu’une partie de celle-ci7 . 4. Les logiques d’entreprises Nous l’avons dit, les activités de base sont toujours présentes et dynamiques dans cette zone mais, dans chacune d’elles, sont apparues de nouvelles logiques productives et organisationnelles. Dans le même temps, ce sont aussi les relations entre les activités qui ont eu tendance à se modifier. C’est cependant la diversité qui caractérise ce tissu, avec une pluralité de logiques d’entreprises et de sous-systèmes de relations qui peuvent être considérés comme complémentaires, révélant par là sa densité et sa richesse. 7 On se reportera à l’annexe 1 pour les tableaux détaillés 102 L’agriculture et le négoce des fruits et légumes L’analyse des données des deux derniers RGA (Recensement Général de l’Agriculture), 1988 et 2000, permet de saisir les évolutions connues par l’agriculture au cours de la décennie écoulée. On constate qu’elle a été l’objet de modifications importantes. On observe aussi que la zone étudiée ici possède certaines spécificités : au-delà des variations entre les différents pôles, on observe que la zone suit les tendances générales d’évolution (diminution du nombre d’exploitations et des surfaces utilisées, élévation des superficies moyennes, réduction de la population active, notamment d’origine familiale) où elles sont en quelque sorte amplifiées par rapport aux moyennes départementales et régionales ; les cultures de fruits et de légumes frais sont particulièrement touchées par ces tendances au profit d’une montée des cultures sous serres et abris hauts. Le pôle de Saint-Martin-de-Crau suit une évolution moins contrastée, restant en général plus proches de moyennes. . Une forte diminution du nombre des exploitations agricoles combinée à l’augmentation des superficies moyennes La baisse du nombre des exploitations agricoles est générale. Elle varie cependant entre un maximum de – 45.4% sur Avignon à un minimum de –30.7% sur Carpentras (-34.7% en moyenne régionale), pour l’ensemble des exploitations. Les exploitations professionnelles8 , quant à elles, voient leur effectif chuter plus fortement sur les pôles que dans les moyennes départementales et régionales : -47.9% pour le pôle de Cavaillon, –42.1% pour Avignon, -41.3% pour Châteaurenard, et -39.6% pour Carpentras et (-29.4% en moyenne régionale). Le pôle de Saint-Martin-de-Crau est le seul à se situer au niveau des moyennes, avec une baisse de 22.9%. Entre les deux recensements, les superficies moyennes des exploitations professionnelles ont partout augmenté : elles sont passées de 11.3 hectares à 13.7 sur le pôle de Châteaurenard, de 11.1ha à 17.7 sur celui de Cavaillon, de 14.2ha à 22.8 à Carpentras de 33ha à 45 à SaintMartin-de-Crau. C’est sur ce dernier pôle que les superficies moyennes sont les plus importantes, elles se situent cependant dans la moyenne des Bouches du Rhône. A Châteaurenard et à Cavaillon, les superficies restent inférieures aux moyennes départementales ; Carpentras se situe dans la moyenne vauclusienne. . Une diminution de la population agricole totale mais des exploitations qui deviennent plus salariales La population active agricole (en UTA) baisse partout. Cette baisse est cependant proportionnellement plus forte sur l’ensemble des pôles Châteaurenard/Cavaillon/Carpentras que dans les moyennes départementales. Le pôle de Cavaillon a subi la plus forte diminution, avec 29.7%, suivi de près par Châteaurenard avec -29.4% et –24.2% à Carpentras pour –23.6% dans les Bouches du Rhône et –20.8% pour le Vaucluse. Avignon a connu une très forte baisse avec –43.5%. La population active a le moins baissé sur Saint-Martin, où l’effectif se maintient. C’est principalement la main-d’œuvre familiale qui est responsable de la baisse des effectifs de la population active agricole totale. Si elles chutent partout, les UTA familiales ont cependant 8 Exploitation professionnelle = exploitation qui atteint une dimension économique d’au moins 8 UDE, soit 12 hectares équivalent blé, et utilise au minimum l’équivalent du travail d’une personne occupée à ¾ de temps pendant une année, soit 0.75 UTA 103 plus fortement diminué dans l’ensemble des pôles qu’en moyennes départementales. C’est le pôle de Cavaillon qui connaît la plus forte chute avec –53.0%, suivi de celui de Châteaurenard avec –51 .4%, puis Avignon avec –47.1% et Carpentras avec –43.9%, pour –42.0% dans les Bouches du Rhône et –36.9% dans le Vaucluse. Saint-Martin-de-Crau connaît la baisse la moins forte, avec -33.0%. A l’inverse, partout (sauf sur Avignon), les UTA réalisées par les salariés augmentent. Cette augmentation est très forte sur Saint-Martin-de-Crau, avec +38.0% et sur Carpentras +11.8%, plus faible sur Cavaillon avec +2.5% et sur Châteaurenard avec et +1.1%. La part des UTA réalisées par les salariés dans les UTA totales est maintenant quasiment partout supérieure à celle des UTA réalisées par la main-d’œuvre familiale (sauf en moyenne départementale vauclusienne, où sa part reste légèrement en-deçà de 50% du total) : elle s’élève à 64.2% sur le pôle de Saint-Martin-de-Crau, 60.7% sur celui de Cavaillon, 54.2% sur Châteaurenard, 53.0% à Avignon (54.4% en moyenne Bouches du Rhône et 49.2% en moyenne vauclusienne). . En ce qui concerne plus particulièrement les productions de fruits et légumes, on observe une baisse des exploitations et des superficies consacrées à ces cultures Le nombre d’exploitations cultivant des vergers a baissé partout, et toujours de plus de 50%, sauf sur Carpentras, avec -45.3%. Les exploitations cultivant des pommiers sont particulièrement affectées par cette tendance (entre –69.7% et –49.1%, pour une moyenne vauclusienne de – 59.1%, chiffres disponibles uniquement pour le Vaucluse). Les superficies en vergers ont connu une évolution semblable, mais plus modérée (entre –10.6% sur Saint-Martin-de-Crau et –27.7% sur Châteaurenard), alors que sur certains pôles comme Saint-Martin-de-Crau, Châteaurenard et Cavaillon les superficies avaient connu une tendance à l’accroissement dans la décennie précédente, très forte même sur le pôle de Saint-Martin-de-Crau avec une augmentation de 91.0%. D’une façon générale, les superficies en vergers diminuent proportionnellement plus fortement que les superficies totales. Par contre, les superficies moyennes se sont partout accrues. C’est le pôle de Saint-Martin-de-Crau qui possède les superficies moyennes les plus importantes, avec 18.7ha (pour 10.5ha en moyenne dans les Bouches du Rhône), suivi de Cavaillon avec 12.8ha, Avignon (9.3ha) et Châteaurenard (9.2ha), les superficies moyennes les plus faibles étant localisées sur le pôle de Carpentras (2.8ha). De la même façon, les superficies consacrées aux légumes frais ont fortement diminué dans la période considérée : -32.0%, sur le pôle de Châteaurenard qui connaît la baisse la plus faible, -42.7% pour Saint-Martin-de-Crau, -40.0% à Cavaillon, -45.9% à Carpentras et -62.4% sur Avignon (-40.4% pour les Bouches du Rhône et – 51.7% pour le Vaucluse). Elles connaissent des baisses nettement plus importantes en proportion que les superficies totales sur chaque pôle. Les superficies consacrées aux tomates ont particulièrement diminué dans le Vaucluse et dans les pôles vauclusiens (-79.3% pour le département, -75.9% pour Cavaillon, -91.0% pour Carpentras et –53.1% à Avignon) et sur SaintMartin-de-Crau (-57%), et moins fortement dans les Bouches du Rhône (-31.0%) et sur le pôle de Châteaurenard (-36.5%). A l’inverse, on note partout, sauf sur Avignon et sur Cavaillon (ce dernier maintenant ses superficies), une augmentation des superficies en légumes sous serres (+51.2% sur Carpentras, +11.5% en moyenne vauclusienne), en serres et abris hauts (+16.0% sur Châteaurenard, +1.9% sur Saint-Martin, pour +7.9% en moyenne sur les Bouches du Rhône), alors même que le nombre d’exploitations ayant des serres et abris hauts poursuit une tendance à la baisse entre 1988 et 2000 (ces chiffres sont disponibles uniquement pour les Bouches du 104 Rhône : -25.3% pour Châteaurenard, -66.6% pour Saint-Martin-de-Crau et –28.2% en moyenne Bouches du Rhône)9 . L’ensemble de ces données révèle un effet de concentration dans l’agriculture , accompagné d’un changement de profil des exploitations : elles sont moins familiales et possèdent plus souvent un statut collectif ; la baisse du nombre d’exploitations n’entraîne par une diminution comparable des volumes produits, ce qui tend à prouver que des gains de productivité importants ont été réalisés. Pour le système primeur régional, la période qui débute avec la décennie 80 marque la fin d’une époque qui, aux yeux de nombre de nos interlocuteurs, pouvait apparaître comme un sorte d’âge d’or, une longue période de prospérité. La confrontation avec la concurrence des produits de l’Europe du sud représente un premier choc que ce système a eu à subir avec l’ouverture du marché unique en 1992. Depuis lors, les aires de mise en concurrence n’ont cessé de s’élargir, avec notamment l’entrée en scène des pays de l’hémisphère sud sur un marché de plus en plus mondialisé pour les produits les plus standardisés comme les pommes, et avec les perspectives prochaines d’effacement des barrières douanières avec les pays d’Afrique du nord. Dans ce contexte, l’agriculture provençale perd son atout de production de primeur. Elle est aussi plus directement confrontée à la concurrence d’autres régions françaises où l’agriculture est plus récente et a pu s’implanter sur de grandes surfaces permettant des cultures à grande échelle et mécanisables. La position hégémonique de la grande distribution constitue le deuxième facteur de cette transformation du contexte général : concentration des acheteurs, centralisation des achats, exigence en terme de qualité, délais, prix et volumes la caractérisent. Les propos recueillis pour caractériser ce contexte et la situation de la production provençale de fruits et légumes mettent particulièrement l’accent sur les points suivants : - la disparité des conditions de la concurrence (coûts de production, réglementations) ; - l’alourdissement des contraintes réglementaires et administratives, des contrôles et des procédures ; - la réalisation d’efforts importants en terme de qualité (via les référentiels et cahiers des charges imposés par les clients, la réglementation européenne, les certifications volontaires) qui engagent des investissements mais qui ne sont pas systématiquement payés d’effets de retour (en général, ils permettent un simple maintien sur le marché) ; - des insatisfactions grandissantes sur la politique agricole commune (suppression à terme des aides, modification des conditions de l’Organisation Commune des Marchés…). Les principales stratégies d’adaptation à ce contexte ont joué et jouent sur plusieurs registres : une adaptation technique et culturale : renouvellement et diversification des variétés, généralisation de nouveaux systèmes de culture pour certains produits, comme les serres verres pour les tomates… ; mécanisation des cultures et des récoltes, -qui rencontre cependant les limites du parcellaire local qui ne peut évoluer vers de grandes superficies-, automatisation des tâches de conditionnement recherchant l’accroissement des volumes produits, la réalisation de gains de productivité et une diminution du recours à la main-d’œuvre ; 9 Pour les tableaux détaillés, voir l’annexe 1 105 - la distinction par la qualité, la différenciation des produits (produits de terroir, appellations : AOC, IGP, certification de produits, marques privées), la sécurité alimentaire (lutte raisonnée...), permettant de justifier des prix plus élevés ; - des stratégies multi-bassins : élargissement des gammes produites ou commercialisées en recourant à des produits venant d’autres régions ; - le développement d’une agriculture « alternative » : agriculture biologique (avec une filière qui se structure), agriculture paysanne, production de ceinture verte. Ces stratégies ont été fortement initiées et soutenues par l’ensemble des réseaux professionnels, consulaires, d’expérimentation et de diffusion de l’information qui existent au plan local. Les avis et diagnostics sur les capacités d’adaptation des producteurs sont cependant partagés. Pour certains de nos interlocuteurs, globalement, l’agriculture locale aurait fait preuve d’une bonne réactivité pour faire face aux conditions dans lesquelles elle est désormais placée, en puisant notamment dans ses capacités traditionnelles d’adaptation, capacités à saisir des opportunités, à s’approprier les grandes démarches volontaristes des pouvoirs publics, -même si ce n’est pas toujours dans le sens attendu par ces derniers-, et à jouer plusieurs cartes, y compris celle d’une économie informelle qui a pu constituer une soupape de sécurité pour certains exploitants à certains moments. D’autres interlocuteurs voient l’avenir de l’agriculture locale dans la capacité qu’elle montrera à s’inscrire dans la logique des grands distributeurs, c’est-à-dire à opérer des regroupements, à concentrer son offre et à rationaliser la production pour être à même de proposer des volumes importants et pour peser suffisamment comme interlocuteur de la grande distribution. C’est cette voie que préconise le niveau européen avec l’OCM fruits et légumes (Organisation Commune des Marchés), à travers laquelle les producteurs sont notamment incités à se regrouper en organisations de producteurs (OP) pour commercialiser leurs produits et adapter leur offre au marché. Ils restent cependant très sceptiques sur les capacités et la volonté des producteurs locaux à entrer dans cette logique. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, et contrairement à d’autres régions, l’organisation reste limitée : dans les fruits et légumes, le taux d’organisation est de 13% pour les Bouches du Rhône et de 40% dans le Vaucluse en mars 2000 ; il est de 65% en Languedoc-Roussillon et 55% en moyenne nationale, selon Montigaud. Elle vient buter sur les rationalités issues de l’histoire de ce tissu, plus orientées sur des logiques individuelles et attachées à des cultures et pratiques plus spéculatives que prospectives et orientées sur le long terme. Signalons que, à l’heure actuelle, les aides sont réservées aux seules exploitations adhérentes à des OP et que, de ce fait, un grand nombre d’exploitations de la région s’en trouve exclu, ce qui contribue à accroître les concurrences entre les exploitations locales et à fragiliser celles qui ne peuvent bénéficier des soutiens. Notons aussi que l’entrée dans un modèle techniciste ne garantit pas le succès, de nombreuses exploitations en difficulté sont parmi celles qui avaient joué cette carte. D’une façon générale, la difficulté pour la production agricole locale aura été de passer d’une période relativement facile et prospè re à une période où les conditions de concurrence sont devenues beaucoup plus dures pour elle. Si beaucoup d’exploitations ont eu à en souffrir de cette situation et ont du trouver la voie d’une adaptation à ces nouvelles conditions au risque sinon de disparaître, le changement s’est en partie combiné avec un renouvellement de génération, les jeunes étant plus directement en prise que leurs aînés avec ces nouvelles conditions. Par ailleurs, les acquis de la période antérieure ont permis à certains de s’en sortir, notamment à travers la vente d’une partie de leur patrimoine immobilier. 106 Les évolutions de contexte soulignées plus haut ont aussi entraîné des profondes modifications dans les modes de commercialisation et chez les opérateurs de la commercialisation. On observe, en effet, une perte d’importance des opérateurs et des modes de commercialisation « traditionnels » (sur les MIN, par les expéditeurs, ce qui se traduit par une baisse du nombre des entreprises dans cette activité). Cette modification est expliquée, d’une part, par le poids croissant de la grande distribution qui recherche des opérateurs de grande taille, capables de lui fournir d’emblée des volumes importants, et fait directement appel à de gros opérateurs, les petites entreprises n’ayant pas accès à ce circuit. D’autre part, la politique européenne a incité à remettre la commercialisation de leurs produits dans les mains des producteurs, via les OP, certaines se sont dotées de bureaux de vente et de marques propres. On observe un mouvement de structuration des entreprises du négoce, qu’elles fonctionnent sur forme d’organisations de producteurs, de coopératives, d’entreprises d’expédition ou de grossistes : regroupements, concentration, association d’expéditeurs avec des OP. Le poids et les pratiques des clients de la grande distribution, le type de relations qu’ils engagent avec leurs fournisseurs, expliquent aussi une modification dans les façons de travailler, à travers notamment les exigences formulées en terme de suivi de cahiers des charges et de référentiels et en matière de délais (travail en flux tendus). Les stratégies ont privilégié l’élargissement des gammes proposées, l’étalement de l’offre de produits sur l’année, et l’accès à des volumes ce qui a conduit à élargir les zones d’approvisionnement aux bassins de production d’autres régions françaises et/ou d’autres pays (recours à l’importation, implantation multi-bassins sous différentes formes : mise en réseau, accords de commercialisation…) ; la distinction par la qualité et la recherche de valeur ajoutée à travers la diversification des produits et des conditionnements, l’orientation vers une transformation du produit (4è gamme). Signalons que le commerce de gros de fruits et légumes reste le fait de structures modestes : 66.3% des établissements employeurs de la zone ont moins de 10 salariés et plus de 70% des effectifs totaux sont employés dans des établissements de moins de 5010 . D’une façon générale, les relations entre production et négoce ont tendance à sortir du gré à gré qui a prédominé dans la période antérieure, notamment avec le système des MIN. On observe cependant que co-existent plusieurs sous-systèmes de relations entre production et commercialisation, qui mettent en relation des types d’entreprises et de circuits de commercialisation différents : - les plus petites exploitations sont sur des circuits courts, commercialisant sur les marchés locaux ou sur les MIN ; - les exploitations moyennes vendent par l’intermédiaire d’un expéditeur, sur des circuits qui peuvent être longs (expédition dans d’autres régions, export), dans un système qui reste relativement traditionnel ; - des entreprises moyennes ou de plus grande taille commercialisent via une organisation de producteurs, qui peut recourir à différentes modalités : expéditeur agréé, bureau de vente, coopérative, Sica… ; en général, elles vendent à la grande distribution en France et à l’étranger ; - les très grosses exploitations spécialisées commercialisent directement leurs produits à la grande distribution française et à l’export ; - des exploitations développent des modèles « alternatifs » : agriculture de ceinture verte (vente directe, ouverture de magasins spécialisés fruits et légumes) ; agriculture biologique (vente 10 Pour les tableaux détaillés, on se reportera à l’annexe 1 107 directe, circuits de distribution spécialisés) ; agriculture « paysanne » (portage de paniers chez les consommateurs, marchés paysans) ; production de terroir vendue sur un marché local de consommation… La situation la plus fréquente est cependant celle où les exploitations, bien que majoritairement dans un circuit, combinent les différentes possibilités. La transformation Sur la zone étudiée, les industries agro-alimentaires représentent un total de 3712 salariés et 139 établissements employeurs (source Assedic, au 31.12.2001). La transformation et la conservation des fruits et légumes concerne 16 établissements, qui emploient 293 salariés. En terme d’effectif, les Industries alimentaires n.c.a. (non comprises par ailleurs) arrivent en tête avec 30.3% du total, suivi de la Fabrication de condiments et assaisonnements (14.8%), de la Fabrication industrielle de pain et pâtisserie fraîche (7.2%), de la Transformation du thé et du café (6.5%) et de la Production de Viandes de boucherie (6.1%), ces branches étant les cinq premiers employeurs. Plus de 87% des établissements emploient moins de 10 salariés et regroupent environ 30% des effectifs ; près de 41% des salariés travaillent dans les établissements employant entre 50 et 199 personnes. Il n’y a aucun établissement supérieur à 500 salariés11 . Ces quelques données permettent de souligner les principales caractéristiques du tissu des industries agro-alimentaires : un certain éclatement des activités dans la fabrication de produits diversifiés, le faible poids des activités explicitement identifiées comme travaillant les fruits et légumes (cette faiblesse doit cependant être relativisée dans la mesure où de nombreux établissements utilisent des fruits et légumes sans être identifiés dans un code NAF spécifique du travail des fruits et légumes), la part importante des petites entreprises dans l’emploi. Il se caractérise par la co-existence en son sein de différents types d’établissements : - des entreprises indépendantes sur des créneaux traditionnels (première transformation, liée à l’agriculture locale, notamment dans la transformation de la tomate) ; - des établissements de production de groupes nationaux et étrangers ou de multinationales ; - un volant important de TPE et PME indépendantes de création plus récente, sur des produits très diversifiés. Ces catégories, parce que placées initialement dans des situations et des contextes différents, ont connu des évolutions contrastées dans les années récentes. Une autre ligne de clivage tient à l’activité des établissements. De ce point de vue, il faut distinguer la première et la seconde transformation : les conditions et contraintes dans lesquelles elles sont placées ne sont pas identiques. La première transformation occupe une position maintenant délicate, car confrontée de façon concomitante aux évolutions des aides européennes et à une concurrence exacerbée. La transformation de la tomate est particulièrement touchée par cette situation. La tomate de conserve est historiquement liée à la zone, à la fois pour sa production et pour sa transformation. Les établissements de transformation de la région comptent toujours parmi les plus importants au plan national. C’est une filière structurée dans le cadre d’une inter-profession (la Sonito : Société interprofessionnelle de la tomate de conserve), dont un des objectifs est de réguler les relations entre les producteurs et les transformateurs et qui a été mise en place à la fin des années 50. Cette activité a connu des changements importants dans les décennies 80 et 90. 11 Pour les tableaux détaillés, on se reportera à l’annexe 1 108 La production s’est déplacée progressivement vers d’autres centres de gravité : le nord du Vaucluse, la Drôme, le sud-ouest et la Camargue où des rizières ont été louées pour des plantations de tomates. De ce fait, elle s’est détachée de plus en plus des exploitations maraîchères pour s’implanter dans des exploitations de polyculture, de plus grande taille et sur lesquelles la plantation et la récolte ont été mécanisées. Concentration et accroissement des rendements caractérisent l’évolution de ces toutes dernières années : la Sonito comptabilisait 1000 producteurs au niveau national en 1999, ils sont 420 en 2003 pour des volumes qui sont restés identiques, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur produisant 20% du total avec 128 producteurs sur un total de 596. Ce glissement s’explique à la fois par la petite taille des exploitations qui se trouvent au cœur de ce qui fut le berceau de cette activité mais aussi par l’orientation vers les débouchés du marché du frais que privilégient les producteurs locaux. Ce trait est souvent évoqué pour expliquer la faiblesse du développement de la transformation industrielle des fruits et légumes dans notre région, relativement à d’autres. Plusieurs entreprises déclarent avoir du cesser leur activité, faute de trouver localement les approvisionnements suffisants aux plans de la quantité et de la régularité. La première transformation de la tomate est maintenant inscrite dans un marché mondial et doit faire face à de très fortes concurrences de la part des pays de l’Europe du sud (l’Italie plus particulièrement) et d’origine extra-communautaire : la montée récente de la Turquie et surtout de la Chine, dont le concentré est maintenant importé en Europe du fait des accords pris dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce, inquiète particulièrement les opérateurs locaux (les entreprises locales ont perdu la marché national du concentré en direction de la seconde transformation). Cette activité est aussi directement concernée par les modifications de la politique agricole commune et du régime des aides communautaires, dont les critères ont changé à plusieurs reprises (système de quota par entreprise puis seuil national). Le système interprofessionnel français est affaibli par l’interdiction du niveau européen de fixer un prix minimum par voie conventionnelle, les accord doivent maintenant se faire entre chaque transformateur et une organisation de producteurs. Nos interlocuteurs ont aussi souligné une certaine disparité des conditions de la concurrence au niveau européen, notamment parce que les pays concurrents bénéficient d’aides supplémentaires via les fonds européens drainés par l’Objectif 1 (régions en retard de développement). Cette activité est réalisée, au niveau régional, par 11 usines, sur un total de 22 en France, représentant 59% des volumes transformés (10 sont implantées dans le Vaucluse, une dans les Bouches du Rhône). Au niveau mondial, l’appareil productif est dans une phase d’importante concentration. Dans la région, ce mouvement se traduit par des cessations d’activité de petites entreprises, des rachats par des sociétés extra-régionales ou étrangères et des implantations multisites pour se rapprocher des bassins de production. Les entreprises, dans leurs stratégies d’adaptation et de développement, ont généralement cherché à augmenter leur valeur ajoutée et leurs marges en accroissant leurs productions de seconde transformation (sauces, ketchup, plats cuisinés…) ; les plus petites se sont orientées vers le travail en sous-traitance pour des industriels ou vers la fabrication de produits spécifiques (plats cuisinés à connotation provençale, produits biologiques…). Les établissements de groupe ne sont pas tous placés dans la même situation (les groupes n’ont pas tous la même stratégie ; les établissements sont positionnés sur des technologies, des produits et des marchés différents). On peut cependant les considérer comme appartenant à une même 109 catégorie car ils connaissent de grandes évolutions similaires du fait notamment de leur statut d’établissement dont le sort dépend de décisions prises ailleurs. Ce qui frappe au premier abord ce sont les nombreux changements de main dont ils ont été l’objet dans la décennie qui vient de s’écouler, à plusieurs reprises pour certains d’entre eux. Plusieurs rachats se sont réalisés au bénéfice de groupes anglo-saxons et américains. Ces établissements, qui pour beaucoup se sont implantés dans la zone dans les années 60 pour se rapprocher de leurs sources d’approvisionnement en fruits et légumes frais, n’ont maintenant plus de liens avec l’agriculture locale (ils ont abandonné la première transformation). Ils entraînent par contre souvent, dans leur périphérie, un volant de PME sous-traitantes et s’approvisionnent auprès d’entreprises locales en produits de première transformation. Il sont situés dans des sphères de concurrence de plus en plus larges qui les conduisent sur des productions de grand volume avec un renouvellement rapide de leurs produits et de leurs conditionnements grâce à des investissements en recherche et développement. Malgré l’appartenance de certains à des groupes internationaux de grande envergure, ils n’en déclarent pas moins ressentir vivement les pressions exercées par la grande distribution vis à vis de laquelle ils pensent n’avoir que peu de marges de manœuvre. La fabrication de produits vendus sous marques distributeurs, qui prend maintenant une certaine ampleur, apparaît ainsi à double tranchant : si elle leur permet d’augmenter leurs ventes et de soutenir leur activité, ces produits font une concurrence à ceux qu’ils vendent sous leur propre marque (ils sont moins chers et mieux placés dans les rayons). De façon croissante, les stratégies échappent au niveau local. Les TPE et PME représentent un autre cas de figure. Comme nous l’avons vu ci-dessus, elles sont nombreuses. Aux côtés des petites entreprises anciennes dont certaines sont apparues entre les deux guerres ou dans l’immédiat après guerre, nombre d’entre elles ont été créées dans les années 80, cette dynamique de création semblant quelque peu s’être ralentie dans les années récentes. Elles sont dans des situations contrastées : si on observe des cas de cessations d’activité (le chef d’entreprise prend sa retraite et il n’y a pas de repreneur), de faillites (soit par absence de compétences en gestion et management de chefs d’entreprises qui sont avant tout de bons techniciens, soit par difficulté à faire face à la croissance), des ouvertures du capital ou de rachats qui privent le fondateur du contrôle de l’entreprise, plusieurs cas de développement « exemplaire » et rapide sont souvent cités. Les PME ont des activités et des stratégies diversifiées. Certaines ont été créées sur des créneaux spécifiques : produits de terroir, produits haut de gamme (confiserie notamment). D’autres fabriquent des produits de plus grande consommation, à destination de la grande distribution, de type plats cuisinés, qui impliquent cependant une stratégie de distinction vis à vis des produits industriels de gros volumes. Les perspectives ouvertes par l’émergence de la 4è gamme ont suscité de nombreuses créations de petites structures mais peu ont tenu, cette activité étant réalisée aujourd’hui principalement par trois unités dont deux peuvent être considérées comme des établissements de groupe. Des entreprises se sont principalement orientées vers la sous-traitance pour de plus gros industriels locaux. La présence de plus grosses entreprises entraîne une demande dans ce sens, des chefs de petites entreprises sont par ailleurs souvent des anciens salariés de ces établissements, ils ont créé leur propre unité suite à des fermetures de sites ou à des démissions. D’une façon générale, la fabrication de produits sous marques de distributeurs se développe aussi de façon importante chez les PME. L’export a connu une certaine expansion, il est encouragé par les pouvoirs publics, les organisations consulaires et professionnelles. 110 Si les liens de ces entreprises avec l’agriculture sont variables, de nombreuses unités, y compris de création récente, continuent de transformer des produits agricoles qui sont issus de la région quand ils sont disponibles en saison (pommes pour la pâtisserie, tomates pour les plats cuisinés, salades pour la 4è gamme, fruits pour le jus, les compotes, les confiseries, olives pour la tapenade…). On observe un mouvement assez général de rationalisation et de structuration des petites unités, et ceci pour différentes raisons : la croissance, qui conduit à mettre en place des fonctions et des niveaux intermédiaires remplis avant par le chef d’entreprise mais qu’il ne peut plus assurer seul ; l’ouverture au marché de la grande distribution, nécessitant des productions sur cahier des charges, de plus gros volumes ; le contexte concurrentiel général qui conduit à rechercher une augmentation des rendements, des gains de productivité ; la réglementation en matière d’hygiène et de sécurité alimentaire ; l’arrivée de nouveaux dirigeants via des rachats ou des successions, et développant des visions et des pratiques plus « managériales ». Ces transformations ne vont cependant pas sans poser problème dans les entreprises dans la mesure où elles confrontent des formes d’organisation et des modes de gestion du personnel traditionnels à de nouvelles pratiques et de nouvelles exigences. Les propos que nous avons recueillis auprès des dirigeants de PME pour caractériser la situation actuelle mettent principalement l’accent sur les points suivants : l’inégalité de relations dans lesquelles ces petites unités sont avec la grande distribution ; des disparités dans les conditions de concurrence avec l’étranger (le leitmotiv est la disparité en terme de charges sociales) ; un alourdissement des contraintes réglementaires (sécurité alimentaire, environnement, qualité…) et, enfin, les difficultés de recrutement (nous y reviendrons dans la partie consacrée au marché du travail). Le transport Le transport se caractérise aussi par une diversité de logiques, de situations et de types d’entreprises. Sur la zone étudiée, on comptabilise 323 établissements employeurs ayant pour activité le transport de marchandises (inter-urbains et de proximité), l’affrètement, l’entreposage frigorifique et l’organisation de transports internationaux. Ces établissements emploient un total de 5787 salariés au 31.12.2001 (source Assedic). Les établissements de moins de 10 salariés représentent près de 64% du total et emploient 14.3% des effectifs. Près de 55% des effectifs sont employés par des établissements de moins de 50 salariés. Les établissements de plus grande taille, employant entre 200 et 499 personnes, représentent moins de 7% de l’emploi total. Il n’y aucun établissement de plus de 500 salariés. Ces activités sont très fortement implantées sur les pôles de Châteaurenard, Cavaillon et Carpentras12 . Précisons toutefois que toutes les entreprises recensées dans ces statistiques ne peuvent être imputées au travail des fruits et légumes ou plus généralement des produits alimentaires mais qu’il n’est pas possible d’isoler celles qui sont spécialisées dans ces domaines. Comme les autres activités, le transport de marchandises a connu des transformations assez lourdes dans les deux décennies qui viennent de s’écouler. Le niveau européen est venu transformer la donne, qu’il s’agisse des déréglementations dans le cadre de la libéralisation des 12 Pour les tableaux détaillés, voir annexe 1 111 échanges qui ont accru les tensions concurrentielles et les pressions sur les prix ou les problèmes liés au déficit d’harmonisation entre les pays de l’Union Européenne. Les conditions d’exercice de l’activité et du travail ont fait l’objet de nouvelles réglementations nationales (attestations de capacités, formations obligatoires, réglementation sur le temps de travail…). Le secteur des transports est dans une phase de concentration, avec la constitution de grands groupes nationaux qui absorbent des unités de plus petites. Il est aussi dans une phase d’expansion et créée des emplois : sur la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les effectifs salariés des entreprises du transport routier de marchandises se sont accrus de 9.6% entre 2000 et 2001 ; dans le Vaucluse, les effectifs du transport de marchandise et de l’entreposage ont augmenté de 4.8%. D’une façon générale, les relations avec la clientèle se sont considérablement modifiées. La grande distribution, qui est devenue un client principal, a développé des pratiques d’externalisation de certaines fonctions, d’abord en matière d’entreposage puis progressivement en préparation des commandes, des livraisons, de gestion des flux, d’emballage… Ceci a conduit à l’émergence d’une offre en prestation de services logistiques, notamment de la part de nombreuses entreprises de transport. Elles y voient une possibilité de développement de leur activité et d’accroissement de leurs marges, l’activité seule de transport subissant de très fortes pressions sur les prix. Les pratiques des entreprises de production et de distribution de travail en flux tendus ont accru les besoins en transports, reportant sur cette activité la gestion des fluctuations de leur activité et leurs besoins en flexibilité. Le recours croissant à l’informatique (de type EDI par exemple) facilite cette évolution. La zone est fortement investie par les activités de transport, d’entreposage et de distribution. Tous les grands groupes nationaux du transport y sont présents. Les grosses sociétés implantées localement seraient en voie de se spécialiser sur des destinations différentes, ce qui réduirait le niveau de la concurrence qu’elles ont pu se livrer. Elles sont toutes dans des stratégies multi-sites, avec des implantations croissantes sur Perpignan et l’Espagne pour les fruits et légumes. Quasiment toutes font une offre de prestation logistique soit de façon combinée avec leur activité de transport, soit de façon indépendante en créant de nouvelles sociétés. Concernant le transport des fruits et légumes, on observe cependant le maintien d’une diversité de structures et de logiques qui, pour partie, correspond aux différents circuits de commercialisation mentionnés plus haut : des petites sociétés spécialisées assurent les transports de courte distance (du producteur chez un autre transporteur, chez l’expéditeur), le relais est ensuite pris par des sociétés plus importantes qui assurent les livraisons sur les longues distances. Apparemment, peu de grosses sociétés ne font que le transport des fruits et légumes. Le transport, la logistique et la distribution sont à l’origine de fortes demandes d’implantation sur la zone et alimentent nombre d’implantations nouvelles, qu’elles soient liées à l’alimentaire, les grands distributeurs sont présents avec leurs plates-formes de distribution- ou non (sociétés qui développent des nouveaux services aux entreprises comme la numérisation des documents papier réalisée par Diva Néopost ; plate-forme de messagerie de La Poste, toutes deux implantées sur Cavaillon). C’est aujourd’hui plutôt ces activités qui seraient porteuses de la dynamique économique locale. Sur l’ensemble des pôles, sauf celui d’Avignon, on observe que ce sont les établissements de services aux entreprises qui ont connu la plus grosse augmentation de leurs effectifs entre 1993 et 2000 (entre +28.7% sur le pôle de Carpentras à +51% sur celui de SaintMartin-de-Crau), ces établissements restant cependant relativement sous-représentés dans ces pôles par rapport aux moyennes départementales et régionales. 112 Mais cette dynamique réitère les problèmes déjà évoqués de disponibilité foncière : la logistique nécessite des superficies qui ne sont que peu disponibles localement. A cette dynamique sont donc attachés les enjeux de développement des plates-formes qui permettront l’implantation sur de grosses superficies (à Grans-Miramas avec Clésud ou à Saint-Martin-deCrau avec Ecopole) en complément des offres de plus petites superficies qui peuvent être faites sur les autres pôles. Avec les perspectives d’une augmentation croissante du transport dans les années qui viennent, un autre enjeu est attaché au développement des projets de chantiers et plates-formes rail-route et de transport combiné (extension du site d’Avignon Courtine et projet de création d’une plate-forme dédiée aux produits frais sur Cavaillon) qui permettront de délester les voies routières et de réduire les nuisances environnementales. Localement, il existe aussi un tissu nombreux d’entreprises de fournisseurs et fabricants de matériel, d’emballage ou de conditionnement dont le sort est lié à celui des activités agroindustrielles. Les quelques observations qui ont pu y être faites nous permettent de mettre en évidence des tendances déjà observées par ailleurs : une concentration dans la fabrication d’emballages en bois avec le regroupement dans une même entité de plusieurs entreprises locales (rappelons que cette activité regroupe plus de 300 emplois sur le pôle de Châteaurenard) ; l’intégration dans un groupe américain de l’établissement de fabrication des boîtes métal de Carpentras (emploie 70 personnes) qui alimente le bassin local de transformation ; des dynamiques entrepreneuriales émanant de sociétés existantes se traduisent par la création d’entreprises dans la fabrication de matériel pour le travail des fruits et légumes sur des créneaux de nouveaux produits (matériel de mesure de la qualité gustative des fruits par exemple). 5. Les liens entre le tissu productif et le territoire Les liens entre le tissu productif et le territoire restent forts. On peut cependant noter que, au moins pour une partie des entreprises présentes, ils se modifient. En effet, au cours de la dernière décennie, le tissu agro-alimentaire est traversé de façon croissante par des logiques extraterritoriales, de différentes natures et de différents ordres. Concurrentiel, d’abord, notamment avec l’élargissement des mises en concurrence directe des produits agricoles (stratégies de la grande distribution, Union européenne) avec ceux des pays producteurs qui arrivent en même temps (perte de l’atout primeur), d’abord au niveau européen (Espagne, Italie, Grèce, Portugal, projets d’ouverture aux produits des pays méditerranéens tiers) puis au plan international (place croissante des produits importés dans l’activité de commerceexpédition-distribution locale : élargissement des gammes de produits, tensions croissantes sur les prix). Stratégique, ensuite : des entreprises locales sortent partiellement du territoire en s’inscrivant de manière croissante dans des stratégies multi-sites (élargissement des volumes et des gammes de produits), voire en délocalisant une partie de leur activité (implantations d’exploitations au Maroc par exemple). On observe aussi la multiplication de l’implantation d’établissements de groupes nationaux (transporteurs, distributeurs) dont la principale raison tient aux atouts de la position géographique de ce tissu, mais qui peuvent se renverser avec le temps : ces entreprises moins insérées localement n’hésiteront pas à partir. Des changements de capitaux et des rachats 113 d’entreprises font que les directions et les cadres de nombre d’établissements ne sont plus d’origine locale, ils sont donc moins imprégnés et partie prenante du tissu, ils sont peut-être appelés à y rester moins longtemps. Enfin, se pose la question du maintien d’établissements de groupes de plus ancienne implantation : d’une part, leur sort est lié à des stratégies qui les dépassent largement ; d’autre part, ils ont pour la plupart perdu les raisons initiales de leur implantation locale qui était l’approvisionnement en produits agricoles. Pourtant, l’ensemble de ces propos mérite d’être nuancé, et ceci pour plusieurs raisons. D’une part, parce que ce territoire attire et attache . Il fait l’objet de nombreuses demandes d’implantation. De ce point de vue, la composition même du tissu est un atout de premier ordre. Il fonctionne en effet aujourd’hui sur la base d’une sédimentation historique qui en constitue une des principales richesses : les activités présentes contribuent à la présence d’un ensemble de compétences articulées et complémentaires autour des fruits et légumes et de l’alimentaire (présence des activités de base et des services connexes, transport-logistique, fabrication de matériel, d’emballages, imprimeries, services qualifiés : conseil, laboratoires, recherche, centres techniques, formation, organisations professionnelles…) qui attirent de nouvelles entreprises et de nouvelles activités, susceptibles de mobiliser directement ou plus indirectement ces compétences et ces services. C’est un lieu de savoir-faire reconnus. Chaque pôle possède une réputation propre, ses propres atouts en matière de développement économique : Châteaurenard est reconnu pour le travail des fruits et légumes frais, Carpentras possède une notoriété en matière d’épices, à Cavaillon ce sont les savoir-faire en transport-logistique et distribution qui attirent. L’argument de la qualité de la main-d’œuvre et des savoir-faire locaux arrive parmi les critères les plus souvent cités par les entreprises qui désirent s’implanter localement, selon une étude réalisée en 2002 par la Chambre de commerce et d’industrie d’Avignon et de Vaucluse (CCIAV). Les dynamiques et les synergies qui se dessinent autour d’Agroparc viennent renforcer ce potentiel traditionnel, avec le développement de ressources en formation supérieure, rechercheexpérimentation et services aux entreprises. Cet premier atout se double du fait que ce tissu est très bien situé sur les axes de circulation et proche des grands marchés de consommation du sud. Ces deux arguments arrivent en tête des raisons évoquées par les entreprises dans l’étude de la CCIAV. D’autre part, concernant les établissements de groupes anciennement implantés, il n’y a pas nécessairement de fatalité à ce qu’ils quittent la région. Leur présence, et leur maintien, est aussi déterminé par la dynamique du tissu productif local. Par exemple, l’établissement de fabrication de boîtes métal de Carpentras n’a de raison d’être que par l’existence de conserveries en nombre suffisant dans un périmètre proche. A l’inverse, sa présence a pu favoriser l’implantation de nouvelles unités (en fabrication d’aliments pour animaux notamment) qui utilisent ses produits. Le poids encore tangible de la production agricole locale, et l’image qu’elle draine, sont des éléments incontournables pour la localisation dans la zone de certaines entreprises, y compris quand les centres de décision sont ailleurs et quand les approvisionnements se font sur des territoires plus larges. Si un détachement croissant de certaines activités ou parties d’activité du tissu vis-à-vis de la production locale et plus généralement de la production agricole se fait avec le temps, l’agriculture reste d’importance pour l’attrait de la zone, qu’il s’agisse des possibilités d’approvisionnement ou de l’identité et de l’image qu’elle permet de valoriser. Globalement, les sorts et les dynamiques économiques des différentes activités restent liés. Par ailleurs, et même si ce n’est pas la tendance dominante, les mouvements qui s’opèrent au sein des 114 groupes à travers les filialisations et les rachats peuvent dans certains cas être favorables aux sites locaux. Ainsi, dans un groupe, les fermetures d’établissements dans d’autres pays européens se sont faites au profit des unités provençales qui ont gagné des effectifs. En étant racheté par un groupe américain l’établissement Liébig du Pontet sort de son statut d’établissement de production pour gagner en autonomie et intégrer des fonctions de siège social, à travers lesquelles il est conforté, au moins pour le moment. Enfin, l’image Provence et le cadre de vie sont des atouts majeurs pour cette zone. L’aspect symbolique, à travers l’image Provence ou celle de « jardin » de la France, est intrinsèquement lié à certains produits, ce qui rend les sociétés captives d’une implantation sur le territoire. On observe ensuite que ces références, associées à celles d’authenticité et de santé (à travers le concept de « régime méditerranéen ») sont de plus en plus mobilisées et que nombre de petites unités se sont créées sur des produits estampillés « terroir ». Le cadre de vie attire et attache : plusieurs cas nous ont été cités de délocalisations qui ont été évitées en partie du fait de l’attachement des cadres dirigeants à la région. 6. Les transitions sur le marché du travail Dans les années 80, et avec un mouvement d’accélération dans la dernière décennie, les activités du tissu agro-industriel se sont inscrites dans un ensemble de transformations qui tiennent tant à l’environnement économique et social global (modification des habitudes alimentaires, élargissement des mises en concurrence, contexte réglementaire européen, prépondérance de la grande distribution avec des exigences sur la qualité, les prix, les délais / montée des niveaux d’éducation) qu’à des modifications au plan local (évolution de la population rurale) et des structures productives (stratégies d’adaptation, structuration des PME, concentration, montée de nouveaux dirigeants et de nouvelles rationalités…). Les entreprises évoluent aujourd’hui dans un ensemble de contraintes, -tension sur les prix et marges faibles, exigences de délais et de qualité de la part des clients…-, qui se traduisent sur les modes de gestion des salariés : montée des exigences vis-à-vis des salariés (hygiène, qualité, productivité, flexibilité) sans contrepartie (salaires bas, conditions de travail difficiles), gestion précarisante des emplois (intérim/CDD) tout en ayant besoin de fidéliser et de professionnaliser le personnel (fiabilité/hygiène et sécurité alimentaire…). Dans le même temps, il y a un tarisseme nt dans la production locale des qualités attendues par les entreprises et un tarissement de la main-d’œuvre saisonnière fournie par les pays européens (augmentation du niveau de vie en Espagne et au Portugal) qui se traduisent par des difficultés importantes de recrutement en permanents et en saisonniers, dans l’ensemble de ces activités. Les développements qui suivent focalisent l’attention sur les principaux points de tension portés conséquemment sur le marché du travail. Des difficultés de recrutement dans toutes les activités Concernant l’emploi et les qualifications, les activités de base du tissu agro-industriel se caractérisent par quelques grands traits communs et par quelques grandes tendances communes d’évolution. 115 Ce sont tout d’abord des activités de main-d’œuvre où les niveaux de qualification s’élèvent mais qui restent ouvertes aux faibles qualifications . Dans la période considérée, les niveaux de qualification ont eu tendance à s’élever d’une façon générale. Les entreprises ont accru leur recours à du personnel technicien et d’encadrement : cadres commerciaux, cadres et techniciens qualité, personnel d’encadrement ; les niveaux de qualification se sont élevés en production : conduite de ligne, techniciens de maintenance, chefs d’équipe…. Cependant, les activités continuent de se caractériser par le recours à un personnel de niveau de qualification technique moyen-bas relativement abondant, ce sont des activités de main-d’œuvre (opérateurs de ligne, manutentionnaires…), et qui continuent d’offrir, pour ce type de personnel, des possibilités de promotion interne. Par contre, partout et pour tous les types de personnel, les attentes se font de plus en plus fortes en matière de comportement, en lien notamment avec les problématiques d’hygiène et de sécurité alimentaire, indépendamment des qualifications techniques possédées par ailleurs. Ces activités se caractérisent ensuite par le fait qu’elles sont soumises à des fluctuations, et ceci de façon croissante. Aux traditionnelles saisons et campagnes, viennent s’ajouter les fluctuations liées à la consommation et au développement du travail en flux tendus pour les clients. Elles ont donc recours à une importante main-d’œuvre temporaire, employée pour des durées et sur des contrats variés : personnel en contrat saisonnier ou en CDD (cueillette, conditionnement dans la production agricole, entrée des matières premières dans la transformation), intérimaires (qui sont de plus en plus souvent employés dans les périodes de saison et mobilisés sur les à-coups de production). Enfin, toutes rencontrent des difficultés de recrutement. Ces difficultés concernent tout autant le personnel qualifié, -conducteurs de ligne, techniciens de maintenance, responsables de production-, que le personnel d’exécution : travailleurs temporaires, manutentionnaires, opérateurs de ligne. Elles tiennent à la fois au peu de candidats intéressés par les emplois offerts dans ces activités et à la difficulté pour les employeurs de trouver les personnes qui conviennent. Les arguments les plus souvent mobilisés pour expliquer cette situation mettent l’accent sur la conjonction entre salaires peu élevés et conditions de travail difficiles : chaleur ou froid positif, bruit, rendement, travail en 3X8, fluctuations des rythmes de travail qui sont tributaires de commandes passées dans l’urgence et d’une marchandise périssable, travail en flux en tendus (« à la dernière minute on dit aux gens demain il faut démarrer à telle heure ou alors on leur demande de rester plus tard le soir »). D’une façon générale, ces secteurs sont l’objet d’une mauvaise image et d’une mauvaise réputation (on sait que les conditions de travail y sont difficiles). Les employeurs insistent aussi tout particulièrement sur les difficultés qu’ils rencontrent pour trouver les personnes qui conviennent à leurs souhaits. Concernant le personnel d’exécution, il y a peu d’exigences en matière de niveau de formation et de diplômes (savoir lire et écrire est cependant un minimum requis dans la transformation), les salariés étant généralement formés sur le tas après leur recrutement. Pour les emplois plus qualifiés, les diplômes les plus demandés sont le bac-pro et le BTS. Ce sont cependant les critères comportementaux qui sont les plus mis en avant dans les recrutements, - motivation, ponctualité, rigueur, régularité, propreté-hygiène-, mais qui semblent aussi le plus faire défaut. Les employeurs déplorent un absence générale de motivation, les difficultés qu’ils ont à stabiliser leur personnel, l’absentéisme et le turn-over sont élevés, des gens viennent travailler quelques jours puis ne reviennent plus. Le contexte propre à la zone est aussi mis en avant pour expliquer ces difficultés qui seraient, aux dires de certains, moins 116 prononcées dans d’autres régions : concurrence entre les activités sur un même type de maind’œuvre, travail clandestin, populations en difficulté (instabilité des ménages, main-d’œuvre peu mobile, problèmes de surendettement…). La recherche de solutions à ces difficultés mobilise de nombreux acteurs locaux, pour lesquels l’enjeu est double : faire en sorte que les entreprises trouvent la main-d’œuvre qui leur convient ; améliorer la situation du chômage. Des initiatives ont pour objectif d’attirer des jeunes encore scolarisés vers ces métiers, d’autres ciblent plus particulièrement les demandeurs d’emploi. Dans les deux cas, il s’agit principalement d’informer sur l’éventail des métiers offerts, les conditions de travail, les possibilités d’évolution en cours de carrière : édition de brochures sur les métiers, forum des métiers, convention entre les organisations professionnelles et le rectorat ; opérations conduites par la FRIAA et l’ANPE qui proposent aux demandeurs d’emploi intéressés de réaliser des Evaluations en milieu de travail (il s’agit pour la personne de passer quelques jours dans une entreprise afin qu’elle puisse se rendre compte de ce en quoi consiste le travail proposé et s’il lui convient). On déplore cependant une importante déperdition en cours en route des personnes engagées dans ce type d’action. Afin de réduire le taux de défection après embauche, les entreprises cherchent à accroître la sélection du personnel à l’entrée. On voit se développer de nouvelles relations entre les entreprises les plus importantes et les sociétés d’intérim à qui elles délèguent ce travail de sélection avant embauche. Celui-ci consiste aussi à informer au préalable les candidats sur les conditions de travail qu’ils rencontreront dans l’entreprise et sur les exigences qui seront formulées à leur égard (visite de l’usine, formation à l’hygiène, suivi individualisé…). Les contrats temporaires sont massivement utilisés comme des filtres avant une embauche définitive où chaque partie peut s’observer et se tester avant un engagement à plus long terme. Pour certains dirigeants, l’exigence d’un diplôme minimum, d’un niveau minimum de formation ou d’une expérience dans le secteur apparaissent maintenant comme des moyens d’opérer une première sélection à l’entrée pour le personnel d’exécution. Les entreprises souhaitent aussi fidéliser plus leur personnel. En ce qui concerne l’emploi non permanent, les groupements d’employeurs apparaissent comme une solution intéressante mais encore assez peu répandue. Une remise en cause des modes traditionnels de gestion des salariés et de relations entre employeurs et salariés D’une façon générale, ces difficultés et insatisfactions sont en partie le reflet d’une remise en cause des modes traditionnels de gestion des salariés et des relations entre employeurs et salariés. Les modes traditionnels de gestion de la main-d’œuvre sont ici caractéristiques de petites entreprises, indépendantes, à forte dimension familiale exerçant dans le milieu rural ou à proximité de petites villes et ayant besoin d’un personnel fiable et suffisamment disponible pour leur permettre de faire face aux fluctuations de leur activité. Elles recrutent une main-d’œuvre locale, aux qualifications techniques peu élevées mais sur laquelle l’employeur peut compter. Dans ce type d’activités, traditionnellement, les salariés font preuve d’un grande stabilité et d’une grande fiabilité, ils sont capables de s’insérer dans des petits collectifs de travail et dans le caractère très familial de ces entreprises. Les relations employeurs-salariés, qui s’opèrent sur le mode paternaliste, sont fondées sur la proximité et l’inter-connaissance : les rapports sont personnalisés, le patron connaît chaque salarié. Le lien de travail s’inscrit plus largement dans la 117 société locale des villages et petites villes dans lesquels sont installées les entreprises. Il repose sur une forme d’engagement et d’arrangements réciproques : l’employeur apporte une certaine sécurité de l’emploi, il autorise une adaptation des horaires et des postes aux situations personnelles, dispense des aides diverses ; en contrepartie, les salariés se comportent loyalement vis à vis de l’entreprise, assurent un certain niveau de productivité dans leur travail, adhèrent aux buts l’entreprise. Ces caractéristiques dessinent un « espace professionnel domestique », typique des petites unités du milieu rural, qui met en relation une offre et une demande de travail qui se correspondent (Lamanthe, 1998). Au cours de ces deux dernières décennies, cependant, s’est opéré un désajustement croissant entre la demande de travail émanant des entreprises et l’offre faite par les populations locales, se traduisant notamment par les difficultés de recrutement et de stabilisation du personnel nouvellement recruté. Côté offre , la montée des niveaux scolaires chez les jeunes, d’une part, la transformation de la population des zones rurales (qui deviennent des lieux de résidence de nouvelles couches de population qui vont travailler dans d’autres aires), de l’autre, contribuent au désintérêt croissant des populations locales pour ces activités aux conditions de travail difficiles et aux bas salaires. Ceci doit aussi être rapporté à la reprise économique de la fin des années 90 qui a élargi les possibilités d’emploi, fait jouer des concurrences entre secteurs et entre entreprises et contribué à « vider» certains « réservoirs » (notamment celui des jeunes primo sortants potentiellement embauchables dans ces activités). On pourrait dire aussi que le « paternalisme » ne marche plus, ou moins bien, aujourd’hui, dans ces populations. Côté demande , l’état d’esprit paternaliste reste prépondérant dans de nombreuses petites entreprises, soit parce qu’elles sont anciennes, soit parce que, bien que de création plus récente, elles se sont assez « naturellement » inscrites dans ce type de relations avec leurs salariés. Mais on observe d’une façon générale que le contexte concurrentiel et réglementaire dans lequel elles évoluent les conduit à se structurer et à développer de nouvelles pratiques de gestion (structuration et rationalisation organisationnelle, mise en place de niveau intermédiaires, plus grande formalisation…), qui conduisent à une plus grande distanciation entre employeur et personnel. De nouvelles exigences sont formulées vis-à-vis des salariés en matière de productivité, de rendement et de comportement, sans contrepartie. On observe aussi que de plus en plus d’entreprises sortent de cet état d’esprit : il peut s’agir d’entreprises implantées de longue date mais qui ont changé de dirigeant (succession père-fils, rachat par des investisseurs) ou d’entreprises nouvellement implantées. Ainsi, des clivages se font jour au sein de toutes les activités qui composent le tissu, selon le profil du dirigeant et la logique globale dans laquelle s’inscrit l’entreprise, ainsi que ses modes d’inscription dans le tissu local. De plus en plus de cadres dirigeants ne sont pas d’origine locale et/ou sont dans un autre état d’esprit (logiques de rentabilité, de management) : les fils des fondateurs des PME locales ont fait des études ; le recours est fait de façon croissante à des dirigeants salariés, venant de l’extérieur, inscrits dans une logique de mobilité dans laquelle le passage dans la zone représente un moment ponctuel de la carrière ; les cadres sont moins souvent issus du rang et plus souvent de jeunes diplômés. Ces dirigeants développent une gestion plus distanciée, moins médiée par du relationnel et des arrangements inter-individuels, plus fondée sur une formalisation des relations (notamment à travers la négociation avec des délégués, des sections syndicales, des mandatés). L’engagement dans ce type de relations déstabilise les habitudes des salariés les plus anciens : les règles du jeu changent, les employeurs changent de registre et les salariés se positionnent 118 différemment étant moins prêts à accepter ce qu’ils acceptaient auparavant en pensant pouvoir y trouver une contrepartie. Les jeunes, quant à eux, s’y inscrivent plus facilement tout en étant plus prêts à défendre leurs droits. On voit éclater, de ce fait, des conflits et des grèves, ce qui était assez rare jusqu’à présent. Le marché du travail des saisonniers dans la production agricole Le travail saisonnier agricole pose un problème spécifique. Les difficultés de recrutement trouvent leur origine dans la même conjonction entre mauvaise image, conditions de travail difficiles, bas salaire et tarissement des circuits traditionnels de recrutement de cette maind’œuvre. Un rapport remis en mai 2001 fait le diagnostic d’une double inadéquation, qualitative et quantitative, entre offre et demande de travail saisonnier agricole. Le tarissement des circuits traditionnels de recrutement en serait principalement à l’origine : avec la disparition de la population rurale et locale « habituée et désireuse d’exécuter ces travaux pour compléter ses revenus » qui se trouverait remplacée par une population urbaine, d’étudiants ou de demandeurs d’emploi, « peu accoutumée et peu résistante », d’une part, avec le tarissement des sources européennes de travailleurs saisonniers, l’Espagne et le Portugal, dont les niveaux de vie ont augmenté, de l’autre. Par ailleurs, la reprise économique aurait accru les difficultés, en ôtant de ces circuits des saisonniers potentiels ayant trouvé un emploi dans un autre secteur, les besoins des exploitations ayant pu se trouver dans certaines régions « sans commune mesure avec les disponibilités locales ». Le recours à une main-d’œuvre saisonnière étrangère est une pratique ancienne dans la production provençale de fruits et légumes. Depuis 1974, les exploitants ont la possibilité d’introduire, pour la saison, des salariés étrangers dans le cadre de contrats gérés par l’Office des Migrations Internationales. Les salariés maghrébins, essentiellement marocains, sont aujourd’hui les principaux concernés. L’argument des difficultés de recrutement conduit les exploitants agricoles à une demande croissante en direction de ce type de contrat alors même que les pouvoirs publics tentent d’en limiter le recours au profit de l’embauche des demandeurs d’emploi locaux (ainsi, l’autorisation d’introduire un saisonnier sous contrat OMI est soumise à la preuve faite par l’exploitant que l’offre d’emploi n’a pas pu être couverte par une main-d’œuvre locale en recherche d’emploi). La situation est particulièrement tendue dans les Bouches du Rhône qui est à l’origine de 50% de l’ensemble des contrats de ce type signés chaque année en France. Alors qu’un accord-cadre départemental avait été signé en 1995 entre les deux parties afin de limiter l’usage de ces contrats au renouvellement de ceux qui existaient déjà afin de les supprimer à terme, les pouvoirs publics accordaient à nouveau en 2001, sous la pression des organisations professionnelles agricoles, la possibilité d’introduire des primo-arrivants : 4094 contrats sont alors signés contre 2858 l’année précédente. Cette situation apparaît bien comme une spécificité des Bouches-du-Rhône : dans le département du Vaucluse, par exemple, où l’on retrouve les mêmes productions, le recours aux contrats OMI est comparativement très faible. Cette pratique serait plus particulièrement liée à un type d’agriculture, plus développé dans les Bouches du Rhône qu’ailleurs. On observe que le contexte concurrentiel et les modes d’adaptation privilégiés par les exploitants agricoles y ont, dans les 10 dernières années, considérablement modifié les structures et les logiques productives ainsi que les modes de gestion de la main-d’œuvre : les exploitations se sont concentrées, les besoins en main-d’œuvre saisonnière se sont accrus d’autant, les exploitations sont plus 119 spécialisées et plus salariales ; cette évolution s’est accompagnée, selon l’ITEPSA des Bouches du Rhône, d’une précarisation de l’emploi : tendance au remplacement progressif des permanents par des temporaires (près de 60% des contrats OMI ont été prolongés jusqu’à 7 et 8 mois en 2000) et montée du temps partiel dans l’emploi permanent. Avec l’implantation de grands vergers industriels et de serres verres, s’est développée une agriculture capitalistique positionnée sur le marché de la grande distribution auquel elle tente de répondre tant en terme de volumes et de qualité que de prix. Ces exploitations subissent très fortement les pressions concurrentielles des pays positionnés sur les mêmes créneaux, certaines sont fragilisées par la lourdeur des investissements qu’elles ont consentis pour entrer dans cette logique dans un contexte où les prix ne sont pas favorables aux producteurs et de perte de l’atout primeur de la production provençale, et par leur spécialisation poussée à l’extrême. Dans un contexte d’élargissement croissant des mises en concurrence des agricultures de pays aux conditions inégales et de captation des gains de productivité et de la valeur ajoutée par la grande distribution, la main-d’œuvre serait aujourd’hui la seule variable d’ajustement à leur portée. Dans un tel système, la main-d’œuvre étrangère introduite par contrat, du fait des conditions dans lesquelles elle est placée, est une main-d’œuvre intéressante : elle connaît bien les exploitations et le travail puisqu’elle revient chaque année pour y rester la plupart du temps jusqu’à 8 mois sans pour autant bénéficier d’une reconnaissance de sa qualification en terme de salaire ; au regard des niveaux de vie du pays d’origine et pour pouvoir revenir par la suite, elle est prête à accepter les conditions qui lui sont faites ; elle est entièrement disponible puisqu’elle est venue pour faire le plus d’heures possible. D’une façon générale, et au-delà du cas propre aux Bouches du Rhône, l’inégalité des conditions de la concurrence est soulignée par la plupart de nos interlocuteurs. De ce fait, ils sont conduits à ne plus voir d’autres solutions à leurs difficultés que l’alignement des salaires et charges sur ceux des pays concurrents. Une étude réalisé par le GEOPA – groupe employeurs des organisations professionnelles agricoles au niveau européen-, fait apparaître les différentiels suivants en terme de coût horaire (coût total horaire calculé à titre indicatif en euros) : 8.52 en France, 6.05 en Espagne et 3.63 au Portugal, pour des durées légales de travail variables elles aussi. Par ailleurs, dans certains pays européens (on cite en particulier l’Allemagne), les salariés étrangers introduits pour la saison dérogent aux minima dont bénéficient les nationaux, notamment en matière de salaire horaire et de couverture sociale. Selon certaines analyse, le recours croissant en Europe à une main-d’œuvre étrangère disponible et en position d’accepter les conditions les plus rudes, qu’elle soit introduite légalement ou clandestine, est une conséquence de la mondialisation libérale et constitue ce qui peut être vu comme une forme de « délocalisation sur place » de l’emploi (Réa, Terray). Pour notre région, des questions fondamentales se posent : les exploitants entrés dans la logique dominante ont-ils aujourd’hui d’autres choix possibles, compte-tenu du système de contraintes dans lequel ils sont placés, que de jouer sur la variable main-d’œuvre pour tenter de s’en sortir ? va-t-on vers une dérégulation du marché du travail des saisonniers agricoles d’origine étrangère qui verrait leur sortie du droit du travail et des couvertures sociales ? Déjà, pour ses détracteurs, le contrat OMI est un CDD au rabais, induisant des formes de « discrimination légale » (ces salariés cotisent au même taux que les autres tout en bénéficiant de moins de droits : ils perdent leur couverture sociale à la fin de leur contrat car ils doivent repartir dans leur pays ; n’étant pas résidents ils ne pourront pas bénéficier des Assedic auxquelles ils cotisent pourtant ; ils ont des difficultés à faire valoir leurs droits à la retraite quand ils ne sont pas sur place…). Dans le même sens, certains abus que ces salariés peuvent subir ont été récemment mis à jour : - non respect des conditions 120 légales de travail et des conventions collectives (dépassement d’horaires, pas de repos hebdomadaire, paiement des heures au SMIC quelle que soit la qualification de l’emploi…) ; non respect des conditions de logement : insalubrité, surpeuplement, manque d’hygiène et non respect des consignes de sécurité, eau non potable… (CODETRAS, Mémorandum, janvier 2003). Enfin, on soulignera un dernier point qui nous semble important pour caractériser les paradoxes de la situation actuelle : cette dépréciation du travail salarié s’opère à un moment où les exploitations agricoles sont de plus en plus soumises à des impératifs de qualité qui impliquent directement la réalisation du travail et où se diffusent des normes internationales, élaborées notamment par la grande distribution nord-européenne, qui contiennent explicitement des exigences en matière de conditions de travail. Reste alors à savoir comment les impératifs de coût, d’une part, et les impératifs de qualité, de l’autre, vont pouvoir s’articuler dans l’avenir. La question reste ouverte. Dans le même temps, les ministères de l’agriculture et de l’emploi poursuivent leurs efforts pour attirer des demandeurs d’emplois vers ces secteurs (« définition d’une politique globale pour l’emploi saisonnier », protocole entre l’ANPE et les deux ministères, plans d’actions concertées sous l’égide des Préfets, accord-cadre des partenaires sociaux sur les saisonniers…), ouvrant peut-être par là d’autres pistes pour l’avenir. Les problématiques soulevées dans les deux points précédents : difficultés de recrutement, tarissement des populations traditionnelles qui alimentaient ces marchés du travail et la montée du chômage, contribuent à une multiplication de tentatives de remise au travail de personnes éloignées de l’emploi qui sollicitent particulièrement les activités liées aux fruits et légumes (production, conditionnement, transformation). Dans ce sens, on observe l’émergence d’initiatives, à travers l’insertion par l’économique, qui cherchent tout à la fois à résoudre les problèmes d’insertion rencontrées par certaines catégories de population et une part des difficultés de recrutement des entreprises. La montée des dispositifs d’insertion par l’économique Dans les années 90, on observe une montée des structures d’insertion par l’économique œuvrant dans le secteur des fruits et légumes. L’insertion par l’économique est définie comme ayant pour « objet de permettre à des personnes sans emploi qui rencontrent des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion sociale et professionnelle ». Elle concerne des catégories de population bien définies et des modalités de mise au travail bien particulières, s’adressant à des personnes qui n’ont pas accès à un emploi dans les conditions normales du marché (bénéficiaires du RMI, chômeurs de longue durée, handicapés, sortants de prison, jeunes chômeurs sans qualification...). Leur embauche ouvre droit à des aides de l’Etat auprès des structures employeurs (financement de l’accompagnement) et à des exonérations de cotisations patronales. Les personnes sont embauchées en CDD, pour une durée maximale de 24 mois. Elles peuvent l’être sur des contrats particuliers : contrats d’orientation, CIE, contrats de qualification ou d’apprentissage. Les personnes embauchées ne peuvent pas être payées en dessous du montant normal de rémunération prévu conventionnellement pour le poste occupé. Leur embauche s’inscrit dans un parcours, social et professionnel, et dans l’élaboration d’un projet que la structure employeur doit aider à formuler et à accompagner. De ce fait, l’emploi est souvent assorti de formation. 121 Le développement de telles structures dans le secteur des fruits et légumes peut s’expliquer de différentes manières : le poids de ces activités dans la zone ; le public concerné est majoritairement de niveau V et moins, il est orienté vers les entreprises de main-d’œuvre ouvertes aux personnes peu qualifiées ; la politique publique incite les structures à travailler en direction des secteurs qui rencontrent des tensions en main-d’œuvre. Il existe différents types de structures, s’adressant à des publics différents, selon leur plus ou moins grand éloignement d’avec l’emploi dit normal. Certaines relèvent du secteur associatif (associations intermédiaires) d’autres sont situées dans le secteur concurrentiel (entreprises d’insertion, entreprises de travail temporaire d’insertion). Les différentes structures n’ont pas les mêmes objectifs vis à vis de leur public et du secteur. Elles émanent d’initiatives d’origine souvent fort variée (missions locales, mutualité sociale agricole, syndicalisme agricole, milieu de l’insertion, entreprises...). Toute la palette se retrouve dans les activités agro-industrielles de la zone. - Structures de mise en relation entre des personnes en recherche d’emploi saisonnier agricole et des agriculteurs, producteurs et expéditeurs, entreprises du secteur de l’agro-alimentaire en recherche de main-d’œuvre saisonnière, formation d’équipes, accompagnement et suivi des personnes sur les exploitations, service d’aide pour les formalités administratives. Relais Travail Saisonnier (réseau de 5 antennes sur le Vaucluse, pris en charge par différentes structures : centre social, MSA, MLI). Pour cette structure, les emplois saisonniers sont un outil d’insertion permettant de construire l’employabilité des personnes et de les ramener progressivement vers le travail. Le public est principalement issu des quartiers défavorisés d’Avignon, jeunes et adultes (femmes d’origine étrangères n’ayant jamais travaillé, hommes anciens du bâtiment qui ont été licenciés, qui n’ont plus de ressources ; jeunes sans expérience et sans qualification...). En 2000, 863 personnes se sont inscrites (inscription volontaire, à l’initiative de la personne), dont 202 RMIstes, 69 demandeurs d’emploi, 156 chômeurs de longue durée ; sur ce total 482 ont travaillé et certains plusieurs fois (les autres ne se sont plus manifestés après leur inscription, -ce sont eux qui doivent relancer-, ou bien n’ont pas pu travailler, ou ont refusé le travail proposé). Le critère, c’est la motivation de la personne pour travailler. RTS emploie deux personnes à temps plein. - Associations intermédiaires, dont la mission est la mise à disposition de salariés à titre onéreux mais sans but lucratif, dans des conditions dérogatoires au droit relatif au travail temporaire. Présence Verte Services a pour origine et soutien la Mutualité Sociale Agricole du Vaucluse. Elle propose du personnel aux exploitants agricoles, coopératives, associations, collectivités locales (travaux de courte durée, coup de main ponctuel). Son objectif est « la réponse aux problèmes de main d’œuvre dans le milieu rural, et l’accompagnement socio-professionnel des salariés en vue d’un emploi... ». Elle a 4 agences réparties dans le département. APEA (Association pour l’Emploi en Agriculture) des Bouches du Rhône, association départementale soutenue par la FDSEA, qui s’intègre dans un réseau national (ANEFA, soutenu par la FNSEA). Les missions concernent les emplois saisonniers de courte durée. En 2000, 102 personnes ont effectué 156 contrats (moins de 20 jours en moyenne) (source : ITEPSA 13). 122 - Entreprises d’insertion, elles produisent des biens et des services et leur activité est exercée aux conditions du marché. Aqueduc (Saint-Martin de Crau, production de tomates), 8 postes ont été conventionnés en 2000, 7 personnes ont effectivement été embauchées (source ITEPSA 13). Sarl Agri Action (Bouches du Rhône), 8 personnes conventionnées en 2000, 13 effectives (ITEPSA 13). Socofel (Châteaurenard) est une entreprise d’insertion qui conditionne des fruits et légumes. C’est une SA, qui a été créée en 1997 par des personnes du milieu des fruits et légumes (formation, grande distribution, presse, insertion) dans le but d’insérer des personnes. - Entreprises de travail temporaire d’insertion, dont le but est de faciliter l’insertion professionnelle des personnes au moyen de la conclusion de contrats de travail temporaire. Leur activité est soumise à l’ensemble de la réglementation juridique sur les entreprises de travail temporaire. Réflex insérim (Chateaurenard, complémentaire au GEIQ Fruits et légumes) Laser 84 (MSA de Vaucluse) - Groupements d’employeurs pour l’Insertion et la Qualification. Il s’agit d’un groupement d’employeurs dont l’objectif est l’insertion et la qualification de personnes en difficulté au moyen d’un parcours ayant comme support un contrat de travail (cette appellation fait l’objet d’un label et d’une charte nationale). Il a pour vocation de permettre aux entreprises de se regrouper pour employer une main-d’œuvre qu’elles n’auraient pas, seules, les moyens de recruter. GEIQ Fruits et légumes (Châteaurenard) (conditionnement – expédition) GESTE (GEIQ agro-alimentaire et grande distribution, Avignon). Il regroupe 12 entreprises dans ces activités. Il a été créé en 1994 par deux entreprises qui avaient l’habitude de se partager des intérimaires, ayant une saison complémentaire. Il recrute des personnes pour réaliser successivement les travaux saisonniers de ces différentes entreprises, dans le but de les fidéliser. Il emploie 25 personnes. Certaines salariés sortants du GEIQ peuvent être embauchés dans un groupement d’employeur « normal », Géode, où ils sont alors recrutés en CDI, toujours pour couvrir des emplois saisonniers mais plus qualifiés. On note aussi des expériences telles que celle que réalise l’association Semailles (création 1997, Avignon). La production et la distribution de légumes et de fruits biologiques en ceinture verte favorise l’insertion de personnes en difficultés socio-professionnelles tout en offrant une consommation de qualité. Peut-on aujourd’hui tirer un bilan de cet ensemble d’initiatives ? Les quelques éléments que nous avons pu recueillir à ce propos mettent en évidence l’ampleur limitée de ce type de dispositifs : ils concernent relativement peu de personnes, ils ne peuvent être vus comme des solutions de remplacement aux contrats habituels ni à eux seuls permettre de résoudre les difficultés de recrutement. L’ITEPSA des Bouches du Rhône comptabilise en 2000, pour les 123 structures intervenant en milieu agricole, 192 contrats d’insertion par l’économique sur un total de 2428 contrats de travail (dont 1313 sont de droits commun) ; le GEIQ agro-alimentaire souligne la place réduite de ces contrats dans le total des saisonniers employés avec le cas d’une entreprise qui embauche 200 saisonniers sur lesquels 10 seulement sont en contrat d’insertion ; la FDSEA des Bouches du Rhône met en évidence que ces contrats se font dans leur majorité sur des durées courtes et les voit plutôt dans une complémentarité avec les contrats des saisonniers introduits par l’OMI qui sont, eux, sur des durées plus longues… 7. Les dynamiques d’acteurs Le tissu agro-industriel se caractérise par la richesse et la densité de ses réseaux d’acteurs . Ceux-ci sont porteurs de différents types de dynamiques : territoriales (qui sont le fait des collectivités locales dans leur action de développement économique), inter-entreprises (relations entre les activités qui composent le tissu), institutionnelles et publiques (dynamiques autour des aides publiques ou de la création de ressources collectives), professionnelles (importance du rôle joué par les organisations professionnelles). Dynamiques de création de ressources nouvelles et/ou d’adaptation des ressources existantes en vue du développement économique Comme nous avons pu le voir plus haut, les communes de la zone sont pour la plupart dans des dynamiques d’activation et/ou de création de ressources en vue d’attirer des entreprises sur leur territoire, dans les activités agro-industrielles et connexes. Cette dynamique passe majoritairement par la création de zones d’activité, souvent spécialisées, et la mise en place de services par les municipalités pour faciliter l’accueil et l’implantation de nouvelles unités, dans le cadre de politiques de soutien à la création d’entreprises (pépinières d’entreprises, aides) et aux activités existantes. Dans ce domaine, le paysage se transforme par l’arrivée de nouveaux acteurs qui ont maintenant la compétence dans ce domaine : mise en place des inter-communalités ; création, à l’initiative d’un ensemble d’acteurs institutionnels (Conseil général, Chambre de commerce et d’industrie, Chambre d’agriculture, Union patronale, Association des maires de Vaucluse, Université d’Avignon) d’une agence de développement dans le Vaucluse (Adev). La Chambre de Commerce et d’Industrie d’Avignon et de Vaucluse (CCIAV) s’est elle-même récemment orientée vers l‘approche territoriale et développe des actions de « marketing territorial ». La formation professionnelle peut être considérée comme une ressource du développement économique, susceptible de contribuer au maintien d’entreprises et à l’implantation de nouvelles unités à travers une offre qui réponde aux besoins et à leurs évolutions. Ce domaine a été l’objet d’une forte mobilisation de la part des acteurs concernés qui fait que, du point de vue des activités présentes, la zone se caractérise par une offre spécialisée abondante, diversifiée et qui a su se renouveler. L’Observatoire régional des métiers met d’ailleurs en évidence le fait que, d’une façon générale, l’offre de formation professionnelle dépasse la moyenne régionale dans les zones d’emploi de la basse vallée du Rhône, de même que la part des effectifs scolarisés dans les filières professionnelles y est elle-même supérieure à la moyenne de la région (13% contre 10.7%). Toujours selon l’ORM, la formation professionnelle est tournée en grande partie vers le 124 niveau V, les spécialités agricoles (elles représentent 10% de l’offre de formation initiale et continue pour 5% en région) et la production. L’appareil semblerait globalement en phase avec le contexte socio-économique : la demande en qualifications de base est importante. Toutes les spécialités liées aux activités du tissu agro-industriel y sont bien représentées, ainsi que les différentes dispositifs de formation proposant une offre à tous les niveaux. Cette offre est proposée par un maillage d’établissements et d’organismes de formation continue spécialisés : on note l’importance des établissements du ministère de l’agriculture, qu’il s’agisse des établissements de formation initiale ou de formation continue, publics ou privés, offrant une gamme de spécialités allant des métiers de la production à ceux de la transformation et de la commercialisation ; une offre existe au sein des établissements du ministère de l’éducation nationale pour les métiers plus techniques (électrotechnique, automatismes…) ; le secteur des transports et de la logistique est aussi bien représenté (notamment sur Cavaillon). Les mobilisations d’acteurs ont à la fois concerné l’adaptation de l’offre existante et le développement de dispositif nouveaux. La période se caractérise par le développement d’une offre de niveau supérieur. Un IUT orienté sur les techniques de commercialisation, le conditionnement-emballage et le génie biologique, ainsi qu’un IUP agro-sciences, proposant notamment des licences et maîtrises professionnelles dans le domaine des fruits et légumes, ont été créés au sein de l’Université d’Avignon. L’ISEMA (Institut supérieur d’enseignement au management agro-alimentaire), créé par la CCIAV, propose des formations supérieures spécialisées dans les domaines de la commercialisation, distribution, logistique et l’innovation alimentaire en lien avec les Universités d’Avignon et de Montpellier. Cette offre locale est par ailleurs complétée par celle des universités voisines d’Aix-Marseille. Les possibilités de formation par la voie de l’apprentissage ont été développées, avec l’ouverture à des spécialités où elle était peu présente (dans les industries agro-alimentaires avec la création de l’IFRIA, Institut de formation régionale des industries agro-alimentaires) et le développement des formations supérieures dans cette voie (BTS à l’IFRIA et au CFAI d’Avignon, Centre de formation des apprentis de l’industrie, orienté vers les formations en automatismes et électrotechnique). Le domaine de la formation continue a fait lui-même l’objet d’adaptations, avec par exemple la mise en place de CQP (certificats de qualification professionnelle) et de CAP par Unités capitalisables, les accords d’engagement de développement de la formation (EDDF), une adaptation de la formation aux petites entreprises dans le secteur de la transformation… Les acteurs sont nombreux et spécialisés sur les secteurs présents : éducation nationale, établissements publics et privés liés au ministère de l’agriculture, université, OPCA de branches, organisations professionnelles, organismes de formation continue, consulaires, centres techniques…, entre lesquels se nouent des coopérations et des collaborations dont l’optique reste plus celle des branches et secteurs d’activité qu’elle n’est à proprement parler territoriale, bien que tout cela se joue dans un espace géographique bien circonscrit, chacun participant de façon indirecte et non directement coordonnée à alimenter un pôle de compétences. En même temps, la situation n’est pas sans rencontrer des difficultés ou problèmes : certaines formations attirent peu les candidats (notamment dans les niveaux V en apprentissage) et, comme le souligne l’ORM, dans les zones d’emploi de la basse vallée du Rhône les jeunes continuent d’être nombreux à sortir du système éducatif sans qualification, leur taux de chômage restant élevé. Ces jeunes rencontrent des problèmes de mobilité, ce qui pose assez directement la question de savoir si l’offre de formation de proximité est suffisante dans ces zones à caractère rural et renvoie à 125 l’importance de la mise en place d’actions de formation post-scolaires au plus près de ces zones, via notamment les programmes régionaux de formation destinés à ce public et les groupes techniques locaux mis en place par le Conseil régional pour les construire. Dynamique de création de ressources collectives La création de ressources collectives a été l’objet d’un importante mobilisation d’acteurs , avec des initiatives visant le renforcement du pôle agro-alimentaire (création d’Agroparc) ou à en améliorer les synergies, les mises en réseau (création d’Orius). Agroparc a été créé en 1990 par un partenariat institutionnel entre le Conseil général du Vaucluse, la vile d’Avignon et le Conseil régional. C’est un technopôle orienté principalement sur les spécialités agro-alimentaire : « les compétences qui y sont développées concernent globalement l’univers des fruits et légumes, depuis les semences et la sélection variétale jusqu’à la fabrication, la conservation et la distribution des produits alimentaires élaborés ». Il regroupe aujourd’hui un ensemble de ressources en matière de recherche-technologie et de formation supérieure permettant de valoriser et de fédérer des ressources déjà implantées et contribuant à en faire venir de nouvelles. Il rassemble en effet sur un même espace des centres de recherche, techniques, de transfert de technologie et d’expérimentation : INRA, CTCPA (Centre technique de la conservation des produits agricoles), GRAB (Groupement de recherche en agriculture biologique), CRITT agro-alimentaire (Centre régional d’innovation et de transfert de technologies) et des laboratoires privés ; des centres de formation initiale et continue spécialisés : IUT agro-alimentaire, IUP d’agro-sciences, lycée agricole François Pétrarque, ISEMA, IFRIA ; des organisations professionnelles (réunies notamment dans un bâtiment commun au sein de la Maison de l’alimentation) ; une pépinière d’entreprises (Créativa) et des entreprises, au nombre de 85. L’ensemble fait l’objet d’une animation assurée par l’association Agroparc se traduisant par des réunions à thème, journées techniques et forums, contribution à l’animation de salons spécialisés (Mifel, Secur’Food…), édition d’une lettre… dans un partenariat avec les organisations présentes sur le site. Plus récemment, sur Agroparc, a été créée une plate-forme technologique « Transformation et conservation des produits agro-alimentaires », fruit de la mobilisation de nombreux acteurs (établissements scolaires, professionnels de l’IAA, structures de recherche), inscrite dans un projet national et financée par le Contrat de Plan Etat-Région. La plate-forme technologique est vue comme un outil territorial destiné à promouvoir et institutionnaliser la mission de soutien à l’innovation des établissements publics d’enseignement et de formation, en coopération avec les centres techniques et de recherche et les entreprises. Elle s’adresse en priorité aux PME-PMI à qui elle peut offrir : travaux finalisés, formations, prestations de service, expertises… Agroparc (à travers le site Internet de la ville d’Avignon) se présente comme étant devenu dans ses dix ans d’existence « le centre de référence de l’agriculture et de l’industrie agro-alimentaire du Sud de la France, au cœur d’un potentiel interrégional de plus de 1 000 entreprises industrielles, d’un effectif de 50 000 personnes et de 130 000 exploitations agricoles ». Et, effectivement, alors qu’il aura fallu du temps pour que ce site trouve sa voie et sa légitimité il semble bien qu’aujourd’hui il ait réussi son décollage, ayant fait la preuve de son intérêt auprès d’une majorité d’acteurs : d’une part, il contribue à renforcer l’attractivité de la zone et, de l’autre, de réelles dynamiques et synergies, jouant sur les effets de proximité, semblent s’y déployer. 126 Orius est un syndicat mixte composé de collectivités territoriales (Châteaurenard, Plan d’Orgon, Communauté du grand Avignon, Carpentras, Cavaillon), des chambres consulaires (Chambre de commerce et d’industrie du Pays d’Arles, Chambre de commerce et d’industrie d’Avignon et de Vaucluse, Chambres d’agricultures des Bouches du Rhône et de Vaucluse), du Conseil général de Vaucluse et du Conseil régional. C’est un double projet : le projet d’implantation d’une plateforme rail-route sur Cavaillon et un outil d’animation, de fédération et de promotion des pôles agro-alimentaires. Initialement, cet outil avait pour objectif d’attirer des entreprises et de proposer des implantations sur les différentes zones d’activité des pôles. Pour cela, des sites Orius ont été identifiés : ce sont les zones d’activité dédiées en priorité aux filières agroalimentaires et connexes des communes membres (Avignon, Châteaurenard, Plan d’Orgon, Cavaillon, Carpentras), une signalétique commune permet de les identifier. Cette mission première de promotion a été abandonnée au profit d’un travail d’animation visant la mise en réseau des acteurs du territoire couvert. Différentes actions transversales sont proposées : communication sous forme de plaquettes, d’un site internet, d’une lettre d’information ; gestion des déchets organiques à Châteaurenard ; bourse d’emplois agro-alimentaires et logistiques ; contribution aux initiatives locales (salons spécialisés, projet de pôle senteurs saveurs à la gare TGV d’Avignon…). On observe que, en tant qu’outil d’animation, Orius est, pour l’heure, une initiative qui a moins de maturité que celle à laquelle est arrivé Agroparc. C’est un projet mal identifié, qui a du mal à trouver sa place, son utilité, qui a changé à plusieurs reprises d’objectifs. Il semblerait que l’on voie rejouer le même scénario que pour Agroparc à ses débuts. Dans ce tissu, les initiatives de ce type, prises de façon volontariste par les élus et les institutionnels, ont du mal à trouver leur voie et leur légitimité. Parmi d’autres initiatives de promotion collective, on peut citer le projet Priam (programme inter-régional sur l’alimentation méditerranéenne), visant une valorisation des produits régionaux fondée sur l’argumentaire des qualités de l’alimentation méditerranéenne, piloté par le CRITT. Dynamiques autour des politiques publiques Dans cette zone, l’intervention publique n’est pas de même nature, ni aussi volontariste que dans les zones en reconversion. L’Etat intervient de façon cruciale dans le co-financement de projets, et notamment en matière d’infrastructures routières et de grands aménagements. Pour le reste, concernant les activités productives, l’action publique est ici multi-forme, plutôt orientée vers le soutien et l’accompagnement dans des domaines variés : soutien à des actions contribuant au développement des entreprises, soutien à des projets concernant l’emploi ou la formation, ou à des projets portés par les organisations professionnelles… Le Contrat de Plan Etat-Région en est une expression. Des lignes d’action concernent explicitement l’agriculture et l’agroalimentaire. En lien avec l’Etat, le Conseil régional privilégie dans ce domaine deux axes prioritaires : - la modernisation et le maintien des capacités de développement et d’adaptation des entreprises, qui transite par le financement de la recherche et de l’expérimentation (soutien aux stations expérimentales) ; - la valorisation des produits issus de l’agriculture régionale à travers le soutien aux entreprises de conditionnement, d’expédition et de transformation (accompagnement financier pour les équipements et la modernisation des entreprises / aides à l’immatériel : aide au recrutement de cadres export, process, qualité ; aide au conseil ; accompagnement de la promotion des produits). Il soutient aussi ‘installation des jeunes agriculteurs. 127 C’est cependant aujourd’hui le niveau européen qui pèse le plus de poids et ceci pour l’ensemble des activités, notamment à travers la réglementation. L’agriculture et plus largement l’environnement des produits agricoles (transformation, commercialisation) sont concernés de longue date par la politique européenne, via la politique agricole commune : réglementation, système d’aides et d’interventions conditionnés et encadrés. Les dispositions concernant l’Organisation commune des marchés des fruits et légumes interviennent directement sur les structures productives et les modes de commercialisation, via les incitations faites aux producteurs de se regrouper en vue de massifier leur offre. Les interventions européennes en matière de régulation des marchés (retrait, aides à la transformation de certains produits…) comptent dans les équilibres économiques des entreprises des filières concernées. Aussi, les modifications dont leurs règles sont l’objet (conditions d’attribution, réduction progressive des aides ou encore projet de réforme de la PAC qui va complètement bouleverser le système des aides…) sont des éléments perturbateurs des systèmes et des équilibres locaux. Par ailleurs, l’ensemble des aides qui peuvent être octroyées par les niveaux national ou régional est directement soumis aux critères définis à Bruxelles. Ce système d’aide mobilise un important réseau d’acteurs, -organisations interprofessionnelles, échelons régional et départementaux du ministère de l’agriculture, services spécialisés du Conseil régional, organisations professionnelles (Bassin Rhône Méditerranée qui fédère les organisations de producteurs…)-, qui en opère une régulation locale. Des dynamiques inter-entreprises Le tissu agro-industriel de la basse vallée du Rhône constitue un ensemble d’entreprises aux activités articulées. Les relations inter-entreprises y prennent différentes modalités. Ces relations sont en premier lieu d’ordre économique et commercial. Celles-ci peuvent s’inscrire dans le cadre d’une filière d’activités, -production agricole/entreprise de négoce/transport-, soit dans le cadre de relations clients fournisseurs. Ce type de relation est au cœur de ce tissu, il y trouve en quelque sorte sa raison d’être. Traditionnellement les entreprises ont privilégié les relations non formalisées, de gré à gré, notamment dans le couple producteur/expéditeur. Ces relations se fondent sur la parole donnée, la confiance, elles sont fidélisées. Plus récemment, on observe une tendance à la formalisation des relations en lien avec le développement du travail sur cahiers des charges, des certifications, des préoccupations en matière de qualité (traçabilité). La montée de nouveaux opérateurs (grande distribution, organisations de producteurs) et la massification des marchés contribuent très directement à cette évolution. Par contre, des relations contractuelles sont développées de longue date dans la transformation, avec les contrats de culture. Globalement, dans la zone, le système de la contractualisation s’implante difficilement à la mesure de la force de ses traditions orales. La sous -traitance, le travail à façon est un autre mode de relations inter-entreprises. D’une façon générale, la présence des plus gros établissements a donné lieu à des activités de soustraitance réalisées par de plus petites structures : c’est notamment le cas dans la transformation et pour le conditionnement des fruits et légumes frais. Des PME locales se développent par l’intermédiaire des grosses. 128 Les réseaux entre clients et fournisseurs sont importants. On donnera l’exemple de l’établissement de fabrication de boîtes métal de Carpentras qui met en évidence l’importance de ces relations pour les deux parties : « il s’agit d’aider nos clients dans les périodes de campagne, de redémarrage de lignes en saison, de fournir des pièces de rechange. Nous faisons aussi de la formation pour nos clients (sertissage, travail sur les équipements…). Notre emballage évolue, les matériaux évoluent, le service fait évoluer la technique auprès des clients. Et réciproquement, un client qui a un nouveau procédé nous conduit à adapter nos produits. Notre avantage : nous sommes proches géographiquement de nos principaux clients. Il existe une étroite collaboration entre nous et nos clients. Ce sont des relations construites de longue date ». Jouent aussi de façon importante mais de façon moins visible les relations d’inter-connaissance entre les dirigeants : des chefs d’entreprises implantées de longue date se connaissent depuis longtemps, certains sont du même village, ils sont allés à l’école ensemble… L’interconnaissance passe aussi par la mobilité des salariés entre les entreprises. Des anciens salariés d’entreprises locales ont créé leur propre entreprise, soit après démission ou suite à la fermeture de sites. On observe aussi des phénomènes de type «essaimage » : dans certains cas les salariés quittent l’entreprise avec des accords de sous-traitance avec la société mère qui doivent permettre de lancer l’affaire dans un premier temps ; des créations d’entreprises se font à partir d’unités existantes (développement de nouvelles compétences dans la fabrication de matériel notamment). Ces relations d’inter-connaissance peuvent conduire à des coopérations non formalisées (dépannages, coups de mains) entre des entreprises concurrentes. Du fait des caractéristiques du tissu, de son inscription dans un espace local restreint et du fait de son ancienneté, les relations informelles sont nombreuses. Elles concernent tant les entreprises entre elles, que les entreprises et les élus locaux ou les techniciens des services municipaux. La proximité entre les différents opérateurs facilite les échanges d’informations, les contacts, les relations commerciales et leur rapidité, et le relationnel en général, qui est important dans ces activités par tradition et parce qu’elles sont essentiellement composées de PME. Des dynamiques professionnelles Une caractéristique très marquée de ce tissu tient au fait qu’il est très fortement structuré par des logiques professionnelles, qu’elles soient de filière ou de branche. En effet, chaque activité possède son propre réseau d’organisations spécifiques, souvent adossées à des structures nationales mais très implantées localement. Ces organisations couvrent un très large spectre : défense syndicale, information juridique et technique, conseil, formation (via les OPCA et des organismes de formation spécialisés), expérimentation… Le cas le plus le plus prononcé est celui de l’agriculture qui possède y compris son propre appareil éducatif et une multitude d’intervenants, avec un réseau spécifique à la coopération agricole. Le transport et le commerce de gros sont aussi bien structurés. Les entreprises de transformation fonctionnent beaucoup par branche, les plus anciennes étant les plus organisées (on pense à la conserve). Dans cette activité, cependant, des organisations plus transversales se sont implantées localement dans la décennie 90, intéressant les entreprises non affiliées à des logiques de branche ou qui ne s’y reconnaissaient pas (FRIAA, CEPAV). On observe ainsi que ce tissu est plus structuré par les logiques professionnelles que par des logiques à proprement parler territoriales mais, dans la mesure où elles sont très fortement 129 implantées localement, on peut dire qu’elles assurent, pour partie, les dynamiques et les régulations territoriales de ces activités. Ainsi, ces organisations jouent souvent le rôle de médiation entre les entreprises et la puissance publique nationale ou localement ; les relations entre les activités sont elles-mêmes gérées par des organisations émanant des professionnels (inter-professions). C’est peut-être là, avec le relationnel, le mode d’organisation le plus important de ce tissu. On comprend mieux alors pourquoi, face à ce foisonnement d’organisations professionnelles en général implantées de longue date, face à la force des relations informelles elles-mêmes construites de longue date, les initiatives plus purement politiques et/ou technocratiques ou liées à des politiques publiques extra-locales aient du mal à s’immiscer dans ce tissu et à avoir prise sur lui. Certaines dynamiques institutionnelles ont du mal à prendre dans le tissu, révélant une difficulté d’ajustement entre les dynamiques institutionnelles et les dynamiques plus informelles. On a affaire à un tissu très doté en réseau d’acteurs mais dont les dynamiques ne se recoupent pas et ne s’accumulent pas forcément. Conclusion Un système productif local qui se transforme sur ses bases Le tissu agro-industriel de la basse vallée du Rhône peut être considéré comme un système productif local qui fonctionne aujourd’hui sur la base d’une sédimentation historique représentant à la fois, dans le contexte actuel, une source d’atouts et de handicaps. Les activités qui composent ce système constitue nt un ensemble de compétences articulées, complémentaires et reconnues autour des fruits et légumes et de l’alimentaire : savoir-faire, présence de tous les opérateurs pertinents… qui peuvent être considérées comme autant de ressources spécifiques qui attirent de nouvelles entreprises et de nouvelles activités, susceptibles de mobiliser directement ou plus indirectement les compétences, savoir-faire et services présents localement. Nous avons pu voir vu aussi que ce tissu possède des capacités d’adaptation : il a su recycler certaines de ses ressources « traditionnelles » (les MIN par exemple) et les acteurs en présence ont su en créer de nouvelles (on pense aux dynamiques autour d’Agroparc et de la formation professionnelle). Par ailleurs, il est très bien situé sur les grands axes de circulation et proche des marchés de consommation du sud. On a aussi observé la richesse et la densité des réseaux d’acteurs capables de se mobiliser. Dans le même temps, cette sédimentation historique a produit des irréversibilités structurelles qui font que ce tissu est moins directement en cohérence avec le contexte économique et concurrentiel actuel. De ce fait, il connaît certains désavantages par rapport à des régions où les activités se sont structurées plus récemment, sur des bases entièrement nouvelles et plus directement adaptées à ce contexte (production sur des grandes superficies permettant de faire de gros volumes et d’obtenir des gains de productivité croissants avec la mécanisation ; mise en place d’organisations communes de mise en marché ; poids du système coopératif…). Il est donc « condamné » à faire des efforts constants d’adaptation et à construire des équilibres entre 130 ses caractéristiques propres et les données de ce contexte. Ainsi, il se transforme, mais sur la base des organisations et logiques pré-existantes. Au cours de la décennie qui vient de s’écouler, la dynamique a plus été portée par les secteurs de la logistique et du transport (implantation de plates-formes logistiques, d’entreprises du transport et de la distribution), désormais plus attirés par les savoir-faire locaux, les infrastructures, les services et la situation géographique, que par la présence d’une production agricole source potentielle d’approvisionnement. De ce point de vue, on note avec le temps un détachement croissant de certaines activités, ou parties d’activité, d’avec la production locale et, plus généralement, d’avec la production agricole. La présence d’une agriculture conséquente reste cependant d’importance pour l’attrait de la zone, qu’il s’agisse des possibilités d’approvisionnement ou de l’identité et de l’image qu’elle permet de valoriser. Des capacités d’adaptation mais qui butent sur des limites . D’une façon générale, se pose le problème du positionnement des productions régionales vis à vis de concurrents pouvant offrir des prix plus faibles et des volumes plus importants Face à cette concurrence vis à vis de laquelle la région ne peut pas bien se placer, les stratégies privilégient la distinction de l’offre par la qualité des produits et leur sécurité sur le plan sanitaire, leur diversification (variétés, conditionnements), la « segmentation des marchés » (déclinaison d’un produit dans une gamme diversifiée en qualité, en emballage et en prix) permettant d’augmenter la valeur ajoutée des produits et de justifier les prix plus élevés. La création de marques (collectives ou privées) et de labels (Appellation d’origine contrôlée, Conformité de produit, Inscription géographique de provenance… reconnus au niveau européen) entre dans cette stratégie. Elle s’accompagne d’une recherche de gains de productivité et de baisse des coûts de main-d’œuvre (diminution du recours à la main-d’œuvre par la mécanisation, l’automatisation ; pressions des syndicats d’employeurs pour des réductions de charges…). Les entreprises de transformation récemment implantées jouent la carte des produits spécifiques, insistant fortement sur l’image Provence et le régime méditerranéen, qui rencontre pour le moment un bon succès auprès des consommateurs. Par contre, c’est actuellement dans le registre des produits « standards » de première transformation que la concurrence internationale fait porter les tensions les plus extrêmes. . Cependant, cette capacité à déployer des stratégies et à s’adapter ne constitue pas, pour l’heure, une garantie pour la pérennité de ce système, tant les conditions de son devenir échappent désormais aux acteurs locaux et régionaux Le constat selon lequel les capacités d’adaptation du tissu agro-industriel ne lèvent pas toutes les inquiétudes sur son avenir, dans la mesure où la logique dominante actuelle persisterait, voire se renforcerait, est largement partagé par nos interlocuteurs. Une des principales limites que ces capacités rencontrent tient directement aux conditions globales rencontrées par les entreprises, qui apparaissent comme potentiellement destructrices de ce tissu. En effet, jusqu’où l’atout de la qualité et de la diversité peut-il être joué dans un ensemble concurrentiel qui met quasiment toujours en avant une compétition par les prix, dans des conditions inégalitaires de production dans laquelle notre région est désavantagée ? Plusieurs de nos interlocuteurs s’interrogent sur l’avenir même que peuvent y avoir ces activités : jusqu’à quel point y sont-elles tenables de façon 131 rentable et compétitive ? La disparité des conditions de la concurrence au niveau européen est soulignée avec insistance pour tous les secteurs présents. . Le tissu agro-industriel attire des entreprises mais cet attrait rencontre deux grandes limites : celle des disponibilités foncières et celle des disponibilités en ressources humaines qui « conviennent ». La première renvoie aux concurrences en matière d’usage du territoire entre, d’une part, les activités productives et, de l’autre, le résidentiel et le touristique. Nous avons vu que cette concurrence entraîne un déplacement de certaines activités vers le sud (les grandes plates-formes logistiques ; les grandes exploitations) et que des complémentarités se construisent entre les capacités d’accueil des différents pôles du tissu. Concernant la seconde, des solutions sont recherchées en suivant différentes pistes sans toutefois répondre complètement aux difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises. Dans ce domaine, les acteurs locaux butent sur des réalités générales, notamment sur des facteurs socio-démographiques, qui font que, localement, ne sont plus produites les qualités attendues par les employeurs. Concernant le tissu agro-industriel de la basse vallée du Rhône, c’est donc un bilan en demiteinte que nous sommes amenée à faire dans cette conclusion. A l’issue de cette recherche, quelques pistes de réflexion pour l’avenir nous semblent pouvoir être dégagées, notamment afin que les atouts de ce tissu puissent être mieux valorisés et mieux utilisés comme des leviers pour l’action. . Ce tissu constitue un système productif local mais qui n’est pas suffisamment perçu en tant que tel Les logiques d’action privilégient les entrées par filière, branche ou secteur, d’une part, par les dynamiques locales et de concurrence entre les communes, de l’autre. Raisonner en terme de système productif local donnerait une vision d’ensemble plus profitable que les visions fragmentées actuelles en tant qu’elle permettrait de mieux identifier les synergies et complémentarités entre les activités présentes et entre les différents pôles. Se pose toutefois la question du ou des acteurs susceptibles de porter cette vision «systémique ». Il nous semble que la dynamique qui s’était engagée autour d’Orius pourrait être, à certains conditions, un élément de construction d’une telle vision. . La diversité de ce tissu est un atout mais elle n’est pas assez valorisée par l’action publique dans ses actions d’adaptation Les sous-systèmes et la pluralité des logiques que nous avons pu identifier dans chaque activité contribuent à la richesse du tissu agro-industriel. Ces différentes logiques doivent être vues dans leur complémentarité, comme alimentant la dynamique globale d’un même système. C’est aussi un gage de sa solidité car un maillon faible à un moment donné peut toujours être compensé par la présence d’un autre. Or, les politiques publiques ont tendance à privilégier un modèle d’adaptation unique (on pense notamment aux conditions qui président à l’accès aux aides pour la production agricole et la commercialisation) qui a pour conséquence de fragiliser les autres possibilités et de réduire la richesse potentielle du tissu. L’action publique peut-elle prendre acte de cette diversité et apporter son soutien à un ensemble plus large de voies potentielles 132 d’évolution ? Dans ce sens, il s’agirait de pouvoir mieux identifier les logiques à l’œuvre et de les conforter plutôt que de vouloir les transformer à tout prix. L’optique d’une action qui se situerait plus dans la continuité que dans la rupture nous semble pouvoir être profitable à ce tissu. . Les réseaux d’acteurs sont denses et riches mais, dans la mesure où ils ont souvent un caractère peu formalisé, ils ne sont pas assez perçus et mobilisés On a observé un décalage entre les actions émanant d’acteurs publiques ou d’acteurs institutionnels et les réseaux dans lesquels sont inscrits les chefs d’entreprises et les relations inter-entreprises. Ce sont des circuits qui se rencontrent peu. L’absence de vision globale de ce système local contribue à méconnaître et à sous-estimer le poids et l’intérêt des réseaux informels et des relations inter-entreprises. L’action publique et institutionnelle gagnerait en force si elle s’appuyait plus sur ces réseaux, ce sont des ressources potentielles à mobiliser. Ceci nécessiterait, d’une part, de mieux les identifier car il ne se donnent pas à voir d’emblée et, d’autre part, qu’il y ait des acteurs qui se chargent spécifiquement d’opérer cette articulation entre des logiques et des registres de pensée et d’action différents. . Une réflexion plus générale mériterait d’être conduite sur le positionnement régional à privilégier dans le contexte concurrentiel actuel Quelles en sont les conditions ? Sur quelles ressources doit-il s’appuyer et comment les renforcer ? Quelles sont les latitudes d’action réelles des acteurs locaux et régionaux en la matière aujourd’hui ? 133 Bibliographie AFT-IFTIM Paca, Tableau de bord régional de l’emploi et de la formation professionnelle dans les transports routiers et les auxiliaires du transport 2001 AGEFAFORIA, Etudes «Nouveaux facteurs d’évolution, quelles incidences pour les formations sectorielles », rapport final, décembre 2001 AGROPARC, Cartographie régionale des formations agroalimentaires en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Avignon, 2002 Blanc Gilles et alii (2002), Quel développement agricole pour le bassin de vie de Cavaillon ? mémoire de DESS, Aix-en-Provence, Université de la Méditerranée, 81p. 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Pôle de Cavaillon : Caumont, Châteauneuf de Gadagne, Cavaillon, Cheval-Blanc, Isle sur la Sorgue Mérindol, Le Thor, Les Taillades, Robion. . Pôle de Carpentras : Althen-des-Paluds, Aubignan, Bedarrides, Caromb, Carpentras, Entraigues, Loriol-duComtat, Mallemort du Comtat, Mazan, Monteux, Pernes-les-Fontaines, Sorgues, Vedène, Velleron. . Pôle d’Avignon : Avignon, Le Pontet, Les Angles, Morières, Villeneuve-les-Avignon . Pôle de Saint-Martin de Crau : Aureille, Eygalières, Eyguières, Fontvieille, Grans, Lamanon, Les Baux, Mas Blanc Alpilles, Maussane, Miramas, Mouriès, Saint-Martin de Crau, Saint-Rémy de Provence, Salon de Provence. 1.2 Caractéristiques générales A de nombreux points de vue, on observe une certaine homogénéité, et une spécificité, de la zone CCC (Châteaurenard-Cavaillon-Carpentras) par rapport aux autres et aux moyennes départementales et régionale. La zone CCC est en croissance démographique, avec une croissance de la population active plus forte qu’en moyennes (effet de déconcentration urbaine d’Avignon ?). La part des demandeurs d’emploi est inférieure à la moyenne régionale et que dans les autres zones. Elle dispose d’une population plus jeune qu’au niveau régional Parmi les résidents, une part des agriculteurs, artisans-commerçants-chefs d’entreprises et des ouvriers plus élevée que dans les autres zones et que les moyennes, mais une logique de rattrapage des moyennes dans la période 90-99 (les catégories sur-représentées sont celles qui perdent le plus d’effectifs et inversement). La population résidente a un niveau de formation moins élevé qu’en moyennes régionale et départementales ; une plus forte présence des diplômés professionnels de niveau V (CAP et BEP). Une logique de rattrapage : les effectifs des diplômés de BEPC, Bac+2 et supérieur augmentent plus qu’ailleurs. Les ménages y sont plus stables : la part des ménages installés depuis plus de 9 ans est plus élevée qu’ailleurs ; c’est l’inverse pour les ménages installées depuis moins de deux ans (ce qui tendrait à dire que l’apport de population par migration pour résidence tend à se stabiliser? ; les ménages installés ont tendance à rester). Les revenus imposables sont plus élevés qu’en moyennes. La part des salariés est inférieure aux moyennes et aux autres zones (présence des agriculteurs, artisanscommerçants-chefs d’entreprises), mais là aussi avec une tendance au rattrapage des caractéristiques moyennes départementales et régionales . La part des femmes parmi les salariés est plus faible, mais leur effectif s’accroît de façon plus importante qu’ailleurs. Le tertiaire est moins représenté dans ces zones, sauf à Cavaillon. L’agriculture y est sur-représentée, la part de l’industrie reste élevée. Les ouvriers arrivent en tête dans les CS, ce qui n’est pas le cas pour les autres zones où ce sont les employés qui sont au premier rang ; la part des artisans-commerçants-chefs d’entreprises et d’agriculteurs (sauf pour Cavaillon) sont au-dessus des moyennes. Les établissements industriels sont proportionnellement plus présents que dans les autres zones, sauf pour Cavaillon. Si les établissements des Autres services arrivent en tête, ils sont sous-représentés dans ces zones. La part des commerces et de la réparation se situent au-dessus des moyennes. On observe une baisse du nombre d’établissements industriels et une augmentation de celui des établissements des autres services (notamment services aux entreprises). 139 Dans l’ensemble de ces traits structurels proches, on observe quelques différences, notamment entre Cavaillon et les deux autres zones, plus proches dans leurs caractéristiques. C’est à propos de la structure de l’emploi que l’on note les plus fortes différences : Cavaillon est plus tertiaire (poids du transport), il y a moins d’agriculteurs, moins d’industrie, un profil moins ouvrier. La structure des niveaux de formation de la population résidente varie quelque peu (le niveau de formation est plus élevé). Carpentras a une population proportionnellement plus jeune. La zone de Saint-Martin semble occuper une position intermédiaire (à part quelques oppositions, elle a généralement les mêmes caractéristiques que les zones CCC, mais de façon moins prononcée, et se situe plus dans les moyennes départementale et régionale). Avignon a des caractéristiques très spécifiques, à la fois par rapport aux autres zones et par rapport aux moyennes ; elle est assez éloignée des caractéristiques vauclusiennes. Avignon possède déjà ou a déjà outrepassé les caractéristiques régionales sur beaucoup de critères. C’est une zone dont la population augmente très peu, plus pauvre, la part des demandeurs d’emploi est plus élevée que dans les autres zones, dans le même temps elle possède plus qu’en moyennes des niveaux de formation supérieurs. La structure de l’emploi est très tertiaire, très fort taux d’employés, très fort taux de salariés dans la population travaillant sur la zone ; le plus faible taux de croissance du nombre d’établissements. 2. Caractéristiques démographiques 2.1. La population totale Par rapport aux moyennes régionale et départementales (13 et 84), les pôles de Châteaurenard, Cavaillon et Carpentras voient leur population augmenter plus fortement entre 1990 et 1999, de même que par rapport aux pôle d’Avignon et de Saint-Martin. La part des moins de 30 ans est plus faible que les moyennes départementales respectives pour Châteaurenard, Cavaillon (nettement plus faible pour cette dernière) et Saint-Martin. Par contre Avignon et Carpentras sont nettement au-dessus des moyennes. Dans tous les cas, la part des jeunes est partout supérieure à la moyenne régionale ; la part des personnes âgées de plus de 60 ans est nettement en dessous de la moyenne régionale. Tableau 1 - Population totale en 1999 Source : Portrait de Territoire Châteaurenard Cavaillon Carpentras CCC Avignon Saint-Martin Population totale en 59 028 1999 +1.14 Evolution 90-99 66 202 +0.99 103 546 +1.27 228 776 +1.16 127 433 +0.07 103 533 +0.72 Part des moins de 30 36.5% ans 31.5% 38.0% 37.0% 38.3% 36.6% Part des plus de 60 21.0% ans 22.7% 20.7% 21.3% 22.1% 21.5% 140 Population totale en 1999 Bouchesdu-Rhône Vaucluse PACA Population totale en 1999 Evolution 90-99 1 835 719 +0.47 499 685 +0.75 4 506 151 +0.63 Part des moins de 30 ans 37.7% 37.0% 35.4% Part des plus de 60 ans 21.3% 22.3% 24.1% 2.2. Ancienneté de la résidence Les zones CCC ont des taux de ménages ayant emménagé depuis moins de deux ans légèrement en dessous des moyennes : Châteaurenard 13.9%, Cavaillon 14.1% et Carpentras 15.0% (13 : 15.6% ; 84 : 15.3% ; Paca : 16.0%), pour 17.8% sur Avignon et 15.6% sur Saint-Martin (qui est dans les moyennes). A l’inverse la part des ménages installés depuis plus de 9 ans y est plus élevée : 50.6% pour Châteaurenard ; 49.8% pour Cavaillon ; 48.3% pour Carpentras contre 45.6% pour Avignon et 47.8% pour Saint-Martin. En moyenne : 47.3% pour le 13, 48.4% dans le 84 et 46.5% en Paca. Tableau 2 - Ancienneté de la résidence 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Châteaurenard Effectif % Cavaillon Effectif % Carpentras Effectif % Avignon Effectif % Saint-Martin Effectif % .Ménages ayant emménagé depuis moins de deux ans 3145 13.9% 3729 14.1% 6022 15.0% 9741 17.8% .Ménages ayant emménagé depuis 2 à 9 ans 8052 35.5% 9512 36.1% 14 672 36.7% 20 029 36.6% 14 996 36.6% .Ménages ayant emménagés depuis plus de 9 ans 11 464 50.6% 13 138 49.8% 19 324 48.3% 24 962 45.6% 19 597 47.8% Ensemble 22 661 100.0% 26 379 100.0% 40 018 100.0% 54 732 100.0% 6405 15.6% 40 998 100.0% 141 CCC Effectif % Bouches du Rhône Effectif % Vaucluse Effectif % PACA Effectif % Ménages ayant emménagé depuis moins de deux ans 12 896 14.5% 117 192 15.6% 30 638 15.3% 303 281 16.0% .Ménages ayant emménagé depuis 2 à 9 ans 32 236 36.2% 278 602 37.1% 72 749 36.3% 710 506 37.5% .Ménages ayant emménagés depuis plus de 9 ans 43 926 49.3% 355 193 47.3% 96 762 48.4% 882 515 46.5% Ensemble 89 058 100.0% 750 987 100.0% 200 149 100.0% 1 896 302 100.0% 2.3. Population résidente Châteaurenard : par rapport aux moyennes départementale et régionale, se caractérise par un plus fort taux d’agriculteurs, d’Artisans, commerçants, chefs d’entreprises, d’Ouvriers. Sur ces trois catégories, le pôle a les plus forts taux. A l’inverse, les Cadres, professions intellectuelles supérieures, les Professions intermédiaires et les employés sont moins représentés qu’en moyennes départemental et régionale. Les professions qui sont proportionnellement plus représentées sont aussi celles qui ont perdu des effectifs au cours de la période 90-99 alors que les autres se sont accrus et ce plus fortement que les moyennes départementale et régionale (+34.1% pour les cadres professions intellectuelles supérieures pour +14.9% en 13 et +13.9 en Paca ; PI : +62.2%, +22.9, +23.8 ; employés : +36.7%, +12.5%, +15.2%). De même la part des retraités a augmenté plus qu’en moyenne, la part des Autres sans activité professionnelle a progressé alors qu’elle a chuté en moyennes, mais elle leur reste inférieure. Les spécificités dans les caractéristiques professionnelles de la population résidente restent marquées (agriculteurs, artisans, ouvriers), mais avec une tendance au rattrapage des moyennes. Le pôle de Cavaillon a un profil très proche de celui du département du Vaucluse, avec une part légèrement inférieure d’agriculteurs (1.2% pour 1.7%) et une part légèrement supérieure d’Artisans, commerçants, chefs d’entreprises (4.8% pour 4.3%). Par contre, il se distingue de la moyenne régionale à la mesure où le département du Vaucluse lui-même s’en distingue (plus fort taux d’agriculteurs, artisans-commerçants-chefs d’entreprise, et d’ouvriers, suivant en cela une même tendance que Châteaurenard, mais moins prononcée et moins fort taux pour les autres catégories). Dans la période 90-99, la chute est très forte pour les agriculteurs, et moindre pour les ouvriers. Les autres catégories voient leur effectif croître : comme pour Châteaurenard mais de façon moins prononcée car les taux sont nettement supérieurs aux moyennes du département et de la région. C’est la seule zone où la part des Artisans, commerçants et chefs d’entreprise s’est accrue (+0.3%). La part des Autres sans activité professionnelle a augmenté (+5.6%) comme à Châteaurenard (elle a chuté au niveau départemental et à celui de la région), mais elle reste inférieure à la part départementale et régionale. La part des retraités se situe dans la moyenne régionale (plus élevée qu’au niveau départemental). Cavaillon se distingue du département du Vaucluse car il y a moins d’agriculteurs, mais suit le même profil pour le reste. Par contre, il se distingue des proportions régionales. La tendance d’évolution est la même que pour Châteaurenard, mais de façon plus modérée. Le pôle Carpentras suit aussi le profil départemental. Ce qui le distingue c’est le net plus fort taux d’ouvriers, taux voisin de celui de Châteaurenard. Par rapport à la région il y a plus d’agriculteurs, d’Artisans, commerçant, chefs d’entreprises, plus d’Ouvriers ; moins de cadres et professions intellectuelles supérieures, moins d’employés. Pour cette zone également, on observe une même tendance d’évolution que pour les deux précédentes : plus forte diminution des catégories qui perdent des effectifs (qu’en moyenne départementale, sauf pour les ouvriers qui chutent moins, mais moins forte chute qu’au niveau régional) et plus forte augmentation des catégories qui en 142 prennent (qu’au niveau départemental et régional). La part des retraités augmente proportionnellement plus qu’en moyennes mais reste inférieure au taux départemental et régional. Même remarque pour la part des Autres sans activité professionnelle (ils augmentent plus mais leur part est moindre). Avignon se caractérise par des taux d’agriculteurs (0.2%), d’artisans-commerçants-chefs d’entreprises (3.5%) et d’ouvriers (11.9%) plus faibles qu’en moyenne départementale et régionale. A l’inverse, la part des Cadres, professions intellectuelles supérieures (6.4%), des PI (11.9%) et Employés (16.8%) est plus élevée qu’au niveau départemental et régional (sauf pour les employés). Dans la période 90-99, la part des Ouvriers a fortement chuté. Contrairement à l’ensemble des zones, l’effectif des employés a lui-même chuté (-1.1), les agriculteurs ont moins chuté que partout ailleurs (mais c’est aussi dans cette zone qu’ils sont proportionnellement les moins nombreux), les Artisans-commerçants-chefs d’entreprises ont perdu plus d’effectifs qu’en moyenne départementale (-6.1), Seuls les catégories Cadres, professions intellectuelles supérieures (avec +4.1) et PI (avec +6) ont vu leur effectif croître, mais c’est dans de proportions bien moindres que dans les autres zones et que dans les moyennes. Dans le même temps, la population de 15 ans et plus ne s’est accrue que de 1.5% entre 90 et 99. Ce qui confirmerait l’idée que ce sont les zones périphériques qui attirent de nouvelles populations. C’est dans cette zone que les Autres sans activité professionnelle occupent la part la plus forte part (27.5%) et chutent de 1.7%. Le pôle de Saint-Martin se situe dans un profil voisin des zones CCC : plus d’agriculteurs (1.2%), d’artisanscommerçants-chefs d’entreprises (3.8%), plus d’ouvriers (13.8%). Mais chacune de ces catégories y possède cependant un poids qui est moindre que dans ces zones. A l’inverse, les autres catégories y sont plus fortement représentées, même si c’est moins qu’en moyenne départementale et régionale (Cadres et professions intellectuelles supérieures : 5.3%, PI : 1.8% ; Employés : 16.3%). Les agriculteurs voient leur effectif chuter de 33% (dans la moyenne régionale mais moins fortement que pour Châteaurenard et Cavaillon) ; les Artisans-commerçants-chefs d’entreprises perdent proportionnellement moins d’effectif qu’en moyennes (mais plus que dans les zones CCC) ; les Ouvriers perdent 3% (proche de CCC). Les autres catégories voient leur effectif augmenter, de façon supérieure au niveau du 13 et de la région, mais l’effectif reste inférieur aux zones CCC. La part de la catégorie Autres sans activité professionnelle est plus élevée que dans les zones CCC, qu’en moyennes départementale et régionale (26.4%), mais elle y a plus fortement chuté (-5.6). C’est aussi la zone où la part des retraités a le plus progressé (+24.2%). Saint-Martin dispose de caractéristiques dans la composition de la population résidente qui sont dans une structure voisine de celle des zones CCC (à l’opposé des moyennes), mais dans des proportions moindres. Même remarque pour les tendances de l’évolution des catégories résidentes. 143 Tableau 3 - CSP au lieu de résidence (population de 15 ans ou plus) 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Châteaurenard % .Agriculteurs .Artisans, commerçants, chefs d’entreprises .Cadres, professions intellectuelles supérieures .Professions intermédiaires .Employés .Ouvriers .Retraités .Autres sans activité professionnelle Evol 90-99 en % % Carpentras Evol 90-99 en % % Avignon Evol 90-99 en % % Saint-Martin Evol 90-99 en % % Evol 90-99 en % 3.1% -43.0 1.2% -46.6 1.6% -33.0 0.2% -22.2 1.2% -33.4 4.8% -2.4 4.8% +0.3 4.3% -5.9 3.5% -6.1 3.8% -6.5 4.1% + 34.1 4.9% +17.0 4.3% +22.6 6.4% +4.1 5.3% +18.6 11.1% 15.0% 17.1% 21.6% + 62.2 + 36.7 - 1.3 + 20.1 10.8% 15.2% 15.6% 23.7% +32.9 +20.9 -3.9 +17.5 11.1% 15.5% 17.0% 21.6% +44.6 +27.4 -1.1 +21.0 11.9% 16.8% 11.9% 21.7% +6.0 -1.1 -12.1 +16.9 11.8% 16.3% 13.8% 21.2% +28.1 +19.7 -3.0 +24.2 23.1% 48062 Ensemble 100.0% + 5.6 23.8% 54 223 100.0% +5.6 24.6% 83 397 100.0% +0.6 26.4% 84 541 +1.5 100.0% -5.6 + 13.0 CCC % .Agriculteurs .Artisans, commerçants, chefs d’entreprises .Cadres, professions intellectuelles supérieures .Professions intermédiaires .Employés .Ouvriers .Retraités .Autres sans activité professionnelle 144 Cavaillon Evol 90-99 en % +10.0 Bouches du Rhône % Evol 90-99 en % 27.5% 105044 +11.3 100.0% Vaucluse % -1.7 PACA Evol 90-99 en % % Evol 90-99 en % 1.9% -40.4 0.4% -35.9 1.7% -29.3 0.7% -33.0 4.6% -3.1 3.4% -8.0 4.3% -4.1 4.1% -9.5 4.4% +23.3 6.6% +14.9 4.8% +12.8 5.8% +13.9 10.0% 15.3% 16.6% 22.2% +45.0 +27.6 -1.9 +19.7 12.3% 17.0% 11.5% 20.7% +22.9 +12.5 -11.7 +15.6 10.8% 15.7% 15.5% 22.8% +25.2 +18.2 -5.7 +19.1 11.4% 17.1% 12.5% 23.7% +23.8 +15.2 -9.9 +16.3 24.0% 185 682 Ensemble 100.00% +3.3 28.0% 1513409 100.0% -2.6 25.2% 406 833 100.0% -0.1 +11.4 +5.3 25.8% 3740145 +7.5 100.0% -1.6 +6.5 +8.0 2.4. Evolution de la population active Dans toutes les zones, sauf celle d’Avignon (-3.3), la population active s’accroît. On remarque cependant que sur les zones CCC et sur celle de Saint-Martin, elle s’accroît plus fortement que les moyennes départementale et régionale. C’est Carpentras qui connaît la plus forte augmentation (+12.1%), suivi de Châteaurenard (+11.9%), de Saint-Martin (+10.1%) puis de Cavaillon (+9%) ; 13 : +5.9%, 84 : +5.9% ; Paca : +6.2%. La part des demandeurs d’emploi en 1999 est inférieure à la moyenne régionale pour les zones CCC : Châteaurenard 14.9%, Carpentras 16.1%, Cavaillon 16.6% (région Paca : 17.3%) et inférieure à la moyenne du 13 (19.5%), dans la moyenne du 84 pour ce qui est de Cavaillon et Carpentras (16.3%). Avignon (avec 18.2%) et Saint-Martin (avec 17.4%) ont une part de demandeurs d’emploi nettement plus élevée, même si Saint-Martin se situe en dessous de la moyenne départementale 13. Tableau 4 - Population active 1999 – Source : Portrait de Territoire, Insee. Châteaurenard Cavaillon Carpentras Avignon Saint-Martin Population active totale en 1999 26 906 Evolution 90-99 + 11.9 28 863 +9.0 45 219 +12.1 54 573 -3.3 45 495 +10.1 Part des demandeurs d’emploi en 1999 14.9% 16.6% 16.1% 18.2% 17.4% du Vaucluse Paca CCC Population active totale en 1999 100 988 Evolution 90-99 +11.2 Part des demandeurs d’emploi en 1999 15.9% Bouches Rhône 799 061 +5.9 214 871 +5.9 1 928 045 +6.2 19.5% 16.3% 17.3% 2.5. Lieu de résidence et lieu de travail A Châteaurenard et Carpentras, proportionnellement moins d’actifs travaillent et résident dans la même commune (38.8% et 37.4%) que dans les autres zones et en moyennes, 46.6% pour Cavaillon, 49.4% pour Saint-Martin et 56% pour Avignon (47.9% en 84, 55.4% en Paca, 61.1% en 13). De ce point de vue, les zones CCC connaissent les plus faibles taux. Mais la différence tient au fait que pour Carpentras 40.5% des personnes ne travaillant pas dans la commune de leur résidence travaillent dans la même unité urbaine. Pour Châteaurenard les personnes travaillent pour 31.5% dans un autre département (position de Châteaurenard). En ce qui concerne Cavaillon, 11.3% seulement dans la même unité urbaine mais 42.4% dans le même département (56.7% pour Carpentras). 20.2% des résidents d’Avignon travaillent dans un autre département. Les effectifs des résidents qui travaillent dans la commune de leur résidence sont partout en baisse. 145 Tableau 5 - Lieu de résidence - lieu de travail en 1999 (actifs ayant un emploi) Source : Portrait de Territoire, Insee. Châteaurenard % .Travaillent et résident dans la même commune Evol 90-99 en % % Carpentras Evol 90-99 en % % Avignon Evol 90-99 en % % Saint-Martin Evol 90-99 en % % Evol 90-99 en % 38.8% -20.2 46.6% -15.7 37.4% -18.4 56.0% -18.8 49.4% -5.7 61.2% +42.3 53.4% +38.1 62.6% +41.9 44.0% +14.4 50.6% +28.5 17.1% 29.7% +57.4 +46.8 11.3% 42.4% +41.5 +37.2 40.5% 56.7% +95.9 +40.3 30.4% 23.7% +11.2 +11.2 2.2% 45.0% +19.2 +24.4 31.5% 22 825 Ensemble 100.0% +38.3 11.0% 24 020 100.0% +41.8 5.8% 37 830 100.0% +59.5 20.2% 44 460 +11.1 100.0% +18.3 5.6% 37 475 -7.0 100.0% +38.6 . Travaillent et résident dans deux communes différentes : - de la même unité urbaine - du même département - de départements différents + 9.1 CCC % .Travaillent et résident dans la même commune Evol 90-99 en % +6.4 Bouches du Rhône % Evol 90-99 en % Vaucluse % PACA Evol 90-99 en % % Evol 90-99 en % 40.4% -18.0 61.1% -8.1 47.9% -16.5 55.4% -10.3 59.6% +41.0 38.9% +25.5 52.1% +32.9 44.6% +27.4 26.0% 45.4% +79.5 +40.6 20.0% 34.8% +30.6 +24.7 17.5% 39.1% +67.6 +32.9 23.4% 37.6% +37.6 +26.5 14.2% 84 675 Ensemble 100.0% +42.6 4.1% 640 906 100.0% +32.7 13.0% 179 217 100.0% +32.9 7.0% 1 589 021 100.0% +32.7 . Travaillent et résident dans d eux communes différentes : - de la même unité urbaine - du même département - de départements différent 146 Cavaillon +9.2 +2.6 +3.6 +3.3 +8.0 2.6. Le revenu Tous les pôles ont des revenus inférieurs à la moyenne. Tableau 6 - Revenu net imposable moyen en Euros, en 2000 (ensemble des foyers fiscaux) Source : Portrait de Territoire, Insee. Châteaurenard Cavaillon Carpentras Avignon Saint-Martin 12889 12670 12840 12831 13541 CCC Bouches Rhône du Vaucluse Paca 12802 13742 12682 13842 3. Caractéristiques socio-économiques de la zone 3.1. Les caractéristiques de l’emploi 3.1.1. Niveau de formation Châteaurenard. La population résidente est plus souvent titulaire d’aucun diplôme , du CEP, du CAP ou BEP qu’en moyenne départementale et régionale. A l’inverse, les titulaires du BEPC, de Bac ou BP, d’un bac+2, d’un diplôme de niveau supérieur sont moins représentés qu’au niveau 13 et régional. Si l’effectif des non titulaires et des titulaires de CEP chute moins fortement qu’au niveau départemental et régional, les effectifs des autres catégories croient de façon nettement supérieure. Le pôle de Châteaurenard dispose d’une population résidente au niveau de formation moins élevé que dans le département et la région. Mêmes remarques que pour les CSP : des spécificités mais une tendance au rattrapage. Cavaillon a ne structure proche de celle de Châteaurenard, avec cependant un moins fort taux de personnes n’ayant aucun diplôme et un peu plus de diplômés du BEPC, Bac+2 et diplôme supérieur. En ce qui concerne l’évolution 9099 : l’effectif des non titulaires et des titulaires de CEP a baissé, mais moins qu’en moyenne départementale ou régionale ; les autres ont progressé plus fortement qu’en moyennes. Par rapport à Châteaurenard, les titulaires de diplômes supérieurs ont plus progressé (+153.6%), les autres ayant aussi progressé mais moins fortement. Carpentras présente un peu plus de non titulaires qu’au niveau départemental et régional (20.3%), un peu plus de titulaires de CAP-BEP. Toutes les autres catégories sont moins représentées. En ce qui concerne l’évolution, l’effectif des non titulaires et des titulaires de CEP a baissé, mais moins qu’en moyenne; tous les autres niveaux ont vu croître leurs effectifs de façon nettement plus importante qu’en moyenne. Les effectifs diplômés de Bac+2 et du niveau supérieur se sont moins accrus que dans les deux autres zones. Avignon a une structure différente des zones ci-dessus et du département de Vaucluse. Elle se rapproche plus des caractéristiques des Bouches du Rhône. La part des non titulaires et des titulaires de CEP, CAP-BEP est plus faible qu’au niveau 84 (mais plus forte qu’en région Paca) ; la part des titulaires de BEPC, Bac ou BP, Bac+2 et diplôme supérieur est plus élevée qu’au niveau départemental. Pour les deux premiers, leur part est inférieure à celle qui est la leur au niveau régional, par contre la part des diplômés Bac+2 et supérieur est plus élevée sur Avignon qu’en Paca. Dans la période 90-99, la part des sans diplômes et des titulaires de CEP baisse, très fortement pour les seconds (16.9%). Les effectifs des autres niveaux augmentent mais de façon plus modérée que dans les moyennes et dans les autres zones. Un profil particulier d’Avignon (à mettre en relation avec le fait que la population a très peu augmenté). 147 Saint-Martin. Une population au niveau plus élevé que dans les zones CCC : part plus élevée des titulaires de BAC ou BP, Bac+2 et diplôme de niveau supérieur. Le pôle est plus proche des moyennes départementales (13) et régionale concernant les non titulaires et les titulaires de CEP (taux cependant plus élevés), la part des titulaires de CAP-BEP est plus élevée. La part des BAC-BP, Bac+2 et diplôme de niveau supérieur est plus faible qu’en 13 et qu’au niveau régional. En ce qui concerne l’évolution 90-99 : l’effectif des non titulaires et des titulaires de CEP a baissé, mais moins fortement qu’en 13 et qu’au niveau Paca (dans des proportions voisines des zones CCC). Tous les autres niveaux ont vu leur effectif s’accroître : de façon plus forte qu’au niveau 13 pour tous les niveaux, et qu’en région Paca (sauf pour le CAP-BEP qui croît plus au niveau régional). Hormis le niveau BEPC (qui croît plus qu’à Carpentras mais moins que dans les deux autres zones), tous les autres niveaux croient moins fortement que dans les zones CCC. Le pôle de Saint-Martin est dans une situation qui serait intermédiaire Tableau 7 - Niveau de formation au lieu de résidence (population non scolarisée 15 ans et +) 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Châteaurenard % Evol 90-99 en % Cavaillon % Carpentras Evol 90-99 en % % Evol 90-99 en % Avignon % Evol 90-99 en % Saint-Martin % Evol 90-99 en % .Titulaire : - d’aucun diplôme - du CEP - du BEPC - du CAP ou BEP - du BAC ou BP - d’un diplôme de BAC+2 - d’un diplôme de niveau supérieur Ensemble 148 27.0% 17.3% 7.7% 23.8% 11.1% -22.1 -5.0 +25.8 +48.6 +36.7 24.5% 17.7% 8.5% 23.7% 11.5% -20.8 -6.5 +16.6 +41.7 +29.4 25.5% 15.8% 8.0% 25.3% 11.5% -20.5 -7.5 +28.9 +43.4 +32.4 22.0% 14.8% 9.3% 22.1% 12.7% -23.0 -16.9 +1.0 +16.5 +10.3 22.5% 16.3% 8.8% 24.4% 12.7% -20.8 -5.2 +19.2 +29.7 +22.0 7.6% +120.5 7.8% +87.2 7.8% +80.1 9.0% +31.8 8.2% +78.2 5.6% +114.4 6.5% +153.6 6.0% +90.5 10.2% +54.3 7.2% +81.6 43 582 100.0% + 12.2 49 162 100.0% +9.3 75 603 100.0% 76 921 +0.6 100.0% +10.2 92 851 +12.0 100.0% CCC % Evol 90-99 en % Bouches du Rhône % Evol 90-99 en % Vaucluse % PACA Evol 90-99 en % % Evol 9099 en % .Titulaire : - d’aucun diplôme - du CEP - du BEPC - du CAP ou BEP - du BAC ou BP - d’un diplôme de BAC+2 - d’un diplôme de niveau supérieur 25.6% 16.7% 8.0% 24.4% 11.4% -21.0 -6.5 +24.0 +42.9 +29.3 22.0% 14.5% 9.0% 22.6% 12.7% -27.8 -12.9 +11.4 +28.9 +19.1 23.6% 16.7% 8.5% 23.9% 12.2% -22.8 -9.3 +14.7 +33.4 +24.0 20.3% 16.0% 9.8% 22.9% 13.3% -28.0 -10.8 +12.1 +32.6 +19.3 7.7% +86.3 9.1% +59.3 7.9% +58.1 8.6% +55.4 6.0% 168 347 Ensemble 100.0% +102.4 10.1% 1331981 100.0% +75.1 7.2% 367 716 100.0% +80.5 9.2% 3355389 100.0% +72.7 +11.2 +5.4 +7.4 +6.3 3.1.2. Principales formes d’emploi des salariés Dans les trois zones CCC, la part des CDI est plus élevée que dans les autres zones et que dans les moyennes : Châteaurenard 64.2%, Carpentras 63.8%, Cavaillon 62.5% ; pour 60.1% sur Saint-Martin et 57.8% sur Avignon ; 60.7% dans le 13, 61.2% dans le 84 et 59.9% en Paca. La part des CDD y est aussi plus élevée : 10.7% sur Châteaurenard et Carpentras, 10.4% sur Cavaillon (légèrement inférieure à la moyenne 84) ; 9.9% sur Avignon et 9.8% sur Saint-Martin ; 8.5% dans le 13, 10.6% dans le 84 et 9.7% en Paca. Châteaurenard se caractérise par un taux d’intérim qui est le plus faible parmi les zones : 1.4%, (pour 1.4% en moyenne 13 et 1.3% en moyenne Paca) ; Cavaillon et Carpentras ont les plus forts taux (2.0% et 2.1% ; 1.8% en moyenne 84). Avignon : 1.6% et SaintMartin : 1.7%. Par contre, on observe que c’est dans les zones CCC que la part de titulaires de la fonction publique est la plus faible : 19.6% pour Cavaillon, 18.5% pour Châteaurenard, 17.5% pour Carpentras ; pour 24.6% pour Avignon et 22.3% pour Saint-Martin ; respectivement 23.8%, 23.7% et 20.5% pour les moyennes 13, Paca et 84. Nous notons qu’il y a plus de CDI et plus de contrats précaires sur les zones CCC et moins de fonctionnaires. 149 Tableau 8 - Principales formes d’emploi des salariés, lieu de résidence 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Châteaurenard Effectif % Cavaillon Effectif % Carpentras Effectif % Avignon Effectif Saint-Martin % Effectif % .CDI .CDD .Intérim .Titulaires fonction publique 11 852 1984 250 64.2% 10.7% 1.4% 12 574 2088 409 62.5% 10.4% 2.0% 20 333 3409 658 63.8% 10.7% 2.1% 22 731 3909 642 57.8% 9.9% 1.6% 19 392 3182 546 60.1% 9.8% 1.7% 3416 18.5% 3948 19.6% 5581 17.5% 9666 24.6% 7187 22.3% Ensemble 18 451 20 115 CCC Effectif % 31 851 Bouches du Rhône Effectif % 20 607 Vaucluse Effectif % 32 264 PACA Effectif % .CDI .CDD .Intérim .Titulaires fonction publique 44 759 7481 1317 63.6% 10.6% 1.9% 342 299 48 070 7962 60.7% 8.5% 1.4% 91 721 15 861 2721 61.2% 10.6% 1.8% 813 864 131 599 17 786 59.9% 9.7% 1.3% 12 945 18.4% 134 349 23.8% 30 785 20.5% 322 800 23.7% Ensemble 70 417 564 218 149 740 1 358 969 3.1.3. Statuts au lieu de travail La part des salariés est inférieure à la moyenne régionale sur Châteaurenard (78.4%), Cavaillon (83.8%), Carpentras (83.2%) et Saint-Martin (85.4%). Elle est particulièrement basse sur Châteaurenard. Ceci est à mettre en relation avec le poids des CSP d’agriculteurs et d’artisans, commerçants chefs d’entreprises résidant sur ces zones. Toutes se situent aussi en dessous de leurs moyennes départementales. Avignon occupe une position très différente avec plus de 90% de salariés, taux nettement supérieur à toutes les moyennes. On observe aussi que dans ces zones, la montée des effectifs salariés et la baisse de ceux des non salariés entre 90 et 99 est plus forte que sur Avignon et dans les moyennes départementales (est-ce encore une tendance au rattrapage qui se marque là ?), et particulièrement forte sur Châteaurenard (Châteaurenard +22.8% ; Cavaillon +15.7% ; Carpentras +17.1% ; Saint-Martin +20.2% ; 13 +6.1% ; 84 +10.1% ; Paca +7.6% ; Avignon +2.7%). De même, on constate que la part des femmes parmi les salariés est toujours plus faible dans les zones CCC et à Saint-Martin que dans les moyennes et sur Avignon, particulièrement faible à Châteaurenard, Saint-Martin occupant là aussi une position intermédiaire et Avignon une position « hors normes » (des emplois plus masculins sur ces zones). De même on observe que les effectifs de femmes salariées ont augmenté plus vite dans les zones CCC et sur Saint-Martin que dans les moyennes et que sur Avignon (la plus forte augmentation étant sur Châteaurenard). 150 Tableau 9 - Statuts au lieu de travail en 1999 o Source : Portrait de Territoire, Insee. Châteaurenard % . Salariés dont : - femmes -temps partiel . Non salariés dont : - femmes -temps partiel Ensemble Evol 90-99 en % Cavaillon % Carpentras Evol 90-99 en % % Evol 90-99 en % % Evol 90-99 en % +22.8 83.8% +15.7 83.2% +17.1 90.4% +2.7 85.4% +20.2 32.4% 15.0% +33.0 +65.0 37.6% 18.3% +24.0 +91.5 37.7% 17.6% +28.9 +77.7 44.3% 19.8% +13.6 +54.7 38.9% 19.4% +30.6 +80.4 21.6% -24.9 16.2% -14.7 16.8% -14.9 9.6% -2.4 14.6% -10.8 6.2% 1.6% 17 608 100.0% -39.5 -45.0 5.1% 1.3% 23 702 100.0% -20.7 -16.2 5.0% 1.3% 32 073 100.0% -19.1 -26.1 3.0% 0.0% 64 849 +10.1 100.0% -4.8 +5.4 4.9% 1.2% 33 273 +2.2 100.0% -11.9 -15.0 + 7.9 +9.4 82.3% Evol 90-99 en % +17.9 Bouches du Rhône % Evol 90-99 en % 89.0% +6.1 36.4% 17.2% +28.0 +79.2 40.9% 16.7% 17.7% -18.0 5.3% 1.4% 73 383 Ensemble 100.0% -26.5 -30.3 % . Non salariés dont : - femmes -temps partiel Evol 90-99 en % Saint-Martin 78.4% CCC . Salariés dont : - femmes -temps partiel % Avignon +9.4 Vaucluse % 84.4% Evol 90-99 en % +10.1 86.4% +7.6 +16.7 +71.3 39.1% 18.8% +21.3 +70.9 40.5% 17.4% +18.5 +70.2 11.0% -10.6 15.6% -12.5 13.6% -12.2 3.4% 0.9% 655 800 100.0% -14.8 -15.9 4.7% 1.4% 185 215 100.0% -19.2 -18.2 4.2% 1.2% 1576808 +5.9 100.0% -16.8 -20.0 +4.0 % PACA Evol 9099 en % +4.4 3.1.4. Les emplois par CS au lieu de travail Sur Châteaurenard, Cavaillon et Carpentras, ce sont les ouvriers qui arrivent en tête, bien au-delà des moyennes de référence. Sur Avignon et Saint-Martin, ce sont les employés qui arrivent en tête. Saint-Martin se situant dans les moyennes Bouches-du-Rhône et Paca et Avignon bien au-delà, et notamment de la moyenne vauclusienne (29.5%). Châteaurenard et Carpentras ont un taux d’agriculteurs, d’artisans-comerçants-chefs d’entreprises supérieur aux moyennes départementales respectives et régionale. A l’inverse les autres catégories sont moins présentes. 151 +14.4 Cavaillon est en deçà de la moyenne vauclusienne en ce qui concerne la part des agriculteurs, mais au-dessus pour les artisans-comerçants-chefs d’entreprises, en dessous pour les autres. Saint-Martin, est au-dessus de la moyenne 13 pour ces deux catégories, ainsi que pour celle des ouvriers, au-dessous pour les autres sauf pour les employés où il se situe dans la moyenne départementale. Avignon se caractérise par des traits inversés : moins d’agriculteurs, d’artisans commerçants chefs d’entreprises et d’ouvriers qu’en moyenne vauclusienne et plus des autres catégories. En ce sens, elle suit la tendance régionale mais en l’amplifiant. Tableau 10 - Emplois au lieu de travail en 1999 par catégorie socioprofessionnelle – Source : Portrait de Territoire, Insee. Châteaurenard Effectif en % Cavaillon Effectif en % Carpentras Effectif en % Avignon Effectif Saint-Martin en % Effectif en % .Agriculteurs exploitants .Artisans, commerçants et chefs d’entreprises .Cadres, professions intellectuelles supérieures .Professions intermédiaires .Employés .Ouvriers 1424 8.1% 628 2.6% 1256 3.9% 220 0.3% 937 2.8% 1897 10.8% 2517 10.6% 3090 9.6% 4268 6.6% 2851 8.6% 1198 6.8% 2161 9.1% 2905 9.1% 8590 13.2% 3705 11.1% 3070 3979 6040 17.4% 22.6% 34.3% 4800 6570 7026 20.3% 27.7% 29.6% 6964 8241 9617 21.7% 25.7% 30.0% 17 495 21 487 12 789 27.0% 33.1% 19.7% 7176 10 457 8147 21.6% 31.4% 24.5% Ensemble 17 608 100.0% 23 702 100.0% 32 073 100.0% CCC Effectif .Agriculteurs exploitants .Artisans, commerçants et chefs d’entreprises .Cadres, professions intellectuelles supérieures .Professions intermédiaires .Employés .Ouvriers Ensemble 152 Bouches du Rhône en % Effectif en % Vaucluse Effectif en % 64 849 100.0% Paca Effectif en % 3308 4.5% 5349 0.8% 6845 3.7% 23 396 1.5% 7504 10.2% 44 939 6.9% 16 636 9.0% 137 472 8.7% 6264 8.5% 96 440 14.7% 18 758 10.1% 201 686 12.8% 172 937 26.4% 204 038 31.1% 132 097 20.1% 655 800 100.0% 41 293 54 684 46 999 185 215 14 834 20.2% 18 790 25.6% 22 683 30.9% 73 383 100.0% 22.3% 380 057 24.1% 29.5% 513 410 32.6% 25.4% 320 787 20.3% 100.0% 1 576 808 100.0% 33 273 100.0% 3.2. Les caractéristiques de l’activité économique 3.2.1. Les emplois par secteurs d’activité de la population travaillant sur la zone Le tertiaire arrive partout au premier rang. Châteaurenard (avec 62.2%), Carpentras (67.6%) ont les plus faibles taux (en-deçà de toutes les moyennes : 13 79.9%, 84 73.4%, Paca 79.5%). A Cavaillon, les activités tertiaires sont plus présentes, avec 75.1% (qui se situe au-dessus de la moyenne vauclusienne mais en dessous de la moyenne régionale) et de même à Saint-Martin (77.8%) qui se situe au-dessous de la moyenne des Bouches du Rhône et de celle de la région. Avignon est au-delà de toutes les moyennes (84.7%). La part de l’agriculture est nettement plus élevée dans les zones CCC et sur Saint-Martin qu’en moyenne régionale. Elle est très forte sur Châteaurenard, avec 15%. Cavaillon, avec 6.9% se situe cependant en dessous de la moyenne vauclusienne (7.6%). Carpentras se situe au dessus avec 8.3%. Saint-Martin est très au-dessus de la moyenne des Bouches-du-Rhône. De même, sur Châteaurenard et Carpentras, la part de l’industrie reste élevée (15.1% et 16.6%), bien au-dessus des moyennes départementales et régionales, Cavaillon se situe en dessous de ces moyennes (11.6%) ainsi que Saint-Martin (9.5%) et Avignon (9.5%). La part de la construction est aussi plus élevée sur Châteaurenard et Carpentras (7.7% et 7.5%) que sur les autres zones et dans les moyennes. Cavaillon se situe dans la moyenne départementale (6.4% ; 84 : 6.4%), de même que Saint-Martin (5.5% ; 13 : 5.3%), Avignon a le plus faible taux (4.6%). Dans le tertiaire, sur Châteaurenard, les commerces sont sur-représentés par rapport aux moyennes, les services aux entreprises et aux particuliers sont sous-représentés. Même situation pour Cavaillon, sauf en ce qui concerne la part des services aux entreprises, dans la moyenne vauclusienne. A Carpentras tout semble sous-représenté. Saint-Martin se situe dans la moyenne départementale pour le taux de commerces, au-dessus pour les services aux particuliers et au-dessous pour les services aux entreprises. Avignon, sur tous les indicateurs, se situe au-delà des moyennes vauclusiennes et régionales sauf pour les services aux particuliers dont le taux est inférieur à celui de Paca. Tableau 11 - Emplois au lieu de travail en 1999 par secteur d’activité Source : Portrait de Territoire, Insee. Châteaurenard Effectif en % Cavaillon Effectif en % Carpentras Effectif en % Avignon Effectif en % Saint-Martin Effectif en % .Agriculture .Industrie .Construction .Tertiaire dont : -commerce -services aux entreprises -services aux particuliers 2646 2658 1354 10 950 15.0% 15.1% 7.7% 62.2% 1633 2738 1524 17 807 6.9% 11.6% 6.4% 75.1% 2647 5319 2421 21 686 8.3% 16.6% 7.5% 67.6% 791 6157 3001 54 900 1.2% 9.5% 4.6% 84.7% 2378 3168 1846 25 881 7.1% 9.5% 5.5% 77.8% 4061 1100 970 23.1% 6.2% 5.5% 5284 2267 1567 22.3% 9.6% 6.6% 5586 2718 1937 17.4% 8.5% 6.0% 11 876 7990 5048 18.3% 12.3% 7.8% 4972 2503 2633 14.9% 7.5% 7.9% Ensemble 17 608 100.0% 32 073 100.0% 23 702 100.0% 64 949 100.0% 33 273 100.0% 153 CCC Effectif .Agriculture .Industrie .Construction .Tertiaire dont : -commerce -services aux entreprises -services aux particuliers Ensemble Bouches du Rhône en % Effectif en % Vaucluse Effectif en % Paca Effectif en % 6926 10 715 5299 50 443 9.4% 14.6% 7.2% 68.7% 12 480 84 664 34 497 524 159 1.9% 12.9% 5.3% 79.9% 14 165 23 132 11 899 136 019 7.6% 12.5% 6.4% 73.4% 49 037 178 323 95 763 1 253 685 3.1% 11.3% 6.1% 79.5% 14 931 6085 20.3% 8.3% 93 980 83 767 14 .3% 12.8% 31 900 17 564 17.2% 9.5% 240 992 181 443 15.3% 11.5% 4474 6.1% 44 884 6.8% 13 465 7.3% 139 322 8.8% 73 383 100.0% 655 800 100.0% 185 215 100.0% 1 576 808 100.0% 3.2.2. La composition du tissu productif En % d’établissements, l’industrie est plus représentée sur Châteaurenard et Carpentras (11.5% et 11.7%) que dans les moyennes départementales (13 : 9.1% ; 84 : 10.3%) et régionale (8.9%). Cavaillon se situe au-dessous de la moyenne vauclusienne (9.5%) ; Saint-Martin se situe en dessus de la moyenne des Bouches -du-Rhône (9.5%), mais tous deux au-dessus de la moyenne régionale. Avignon a le plus faible taux (8.1%). Au premier rang on trouve partout les « autres services ». Les zones CCC ont cependant toutes un taux plus faible que les autres zones et que les moyennes (Châteaurenard a le taux le plus faible : 38.9% ; Cavaillon 43.2% ; Carpentras : 42.2%). Saint-Martin se situe en-deçà des moyennes Bouches-du-Rhône et Paca. Avignon, est au-dessus de la moyenne régionale (51.9%). Dans les autres services, la part des services aux entreprises est plus faible sur les zones CCC et sur Saint-Martin que dans les moyennes ; idem pour les services aux particuliers pour les zones CCC seules ; Saint-Martin se caractérisant par un taux plus élevé que les moyennes. En ce qui concerne les commerces et la réparation, toutes les zones se situent au-dessus de leurs moyennes départementales respectives et de la moyenne régionale, le taux étant le plus élevé pour Châteaurenard (35.2%). Entre 1990 et 1999, le nombre d’établissements de l’industrie baisse partout, sauf sur Saint-Martin où il progresse de 9.7% ; la baisse est moins prononcée sur Châteaurenard (-1.5%) et plus forte que les moyennes sur Cavaillon (-7.6%) et sur Carpentras (6-4%). Très forte baisse sur Avignon : -10.5%. Ce sont les Autres services qui augmentent le plus, les zones CCC suivent les moyennes départementales ; Saint-Martin connaît une progression plus forte. Partout cette augmentation est liée à celle du nombre des établissements de services aux entreprises (très forte augmentation pour Saint-Martin). Cavaillon et Saint-Martin ont connu les plus forts taux de progression du nombre d’établissements (+10.3%, +14.1%). Les autres zones se situent au-dessous des moyennes. 154 Tableau 12 - Etablissements actifs sur la zone au 01.01.2000 – Source : Portrait de Territoire, Insee. Châteaurenard % .Industrie dont : IAA .Construction .Commerces et réparations .Autres services dont : services aux entreprises services aux particuliers éducation, santé, action sociale Ensemble Evol 93-00 en % % Carpentras Evol 93-00 en % % Avignon Evol 93-00 en % % Saint-Martin Evol 93-00 en % % Evol 93-00 en % 11.5% -1.5 9.5% -7.6 11.7% -6.4 8.1% -10.5 9.5% +9.7 3.3% 14.5% 0.0 -1.2 2.8% 14.0% 0.0 +5.3 3.3% 15.2% 0.0 -2.6 2.1% 8.3% 0.0 +0.7 3.1% 11.3% +14.6 +9.2 35.2% 38.9% -1.7 +15.4 33.3% 43.2% +4.1 +22.9 30.9% 42.2% -5.0 +21.9 31.6% 51.9% -4.8 +11.9 30.8% 48.5% -1.7 +29.8 10.4% 12.0% +32.5 +9.6 10.9% 12.8% +33.0 +24.3 10.8% 11.8% +28.7 +20.3 16.3% 14.7% +13.9 +14.6 11.8% 15.7% +51.0 +28.6 10.1% +19.2 12.6% +30.6 13.9% +26.1 14.5% +10.9 15.2% +27.5 2947 +4.4 3998 +10.3 5 095 +5.0 8282 +3.2 5356 +14.1 CCC % .Industrie dont : IAA .Construction .Commerces et réparations .Autres services dont : services aux entreprises services aux particuliers éducation, santé, action sociale Ensemble Cavaillon Evol 90-99 en % Bouches du Rhône % Evol 90-99 en % Vaucluse % PACA Evol 90-99 en % % Evol 90-99 en % 10.9% -5.5 9.1% -3.2 10.3% -3.6 8.9% -3.8 3.1% 14.7% 0.0 +0.1 2.4% 9.6% -5.2 +1.1 3.1% 13.6% -3.9 +8.3 2.4% 11.6% -3.1 -3.4 32.7% 41.7% -1.2 +20.7 28.6% 52.6% -5.4 +15.8 30.0% 46.1% -2.0 +22.8 28.3% 51.2% -2.6 +16.8 10.7% 12.2% +31.0 +18.8 15.8% 13.2% +32.2 +12.9 12.5% 14.6% +28.6 +24.0 14.3% 15.5% +30.1 +15.2 12.5% 12 040 +26.1 +6.5 16.3% 96 652 +13.3 +5.6 13.1% 29 199 +23.2 +9.4 13.8% 271 971 +16.7 +6.2 155 Tableau 13 - Etablissements Taux de création en 2000 Source : Portrait de Territoire, Insee. Châteaurenard .Industrie dont : IAA .Construction .Commerces et réparations .Autres services dont : services aux entreprises services aux particuliers éducation, santé, action sociale Ensemble 156 Carpentras Avignon Saint-Martin 14.7 13.8 9.4 11.2 10.1 12.2 14.1 20.0 12.1 8.3 16.0 9.6 8.5 19.1 15.0 13.1 11.3 15.2 12.8 13.7 14.2 13.8 14.0 13.0 12.4 12.1 12.7 17.9 15.3 14.9 17.2 13.6 13.7 17.0 13.9 12.7 12.7 7.1 13.6 9.9 13.8 6.7 8.1 13.6 13.0 CCC .Industrie dont : IAA .Construction .Commerces et réparations .Autres services dont : services aux entreprises services aux particuliers éducation, santé, action sociale Ensemble Cavaillon Bouches du Rhône Vaucluse Paca 12.0 10.6 11.2 11.2 12.8 14.3 13.0 18.0 13.0 15.7 12.6 17.8 14.0 13.1 14.2 13.0 13.8 13.6 15.3 13.8 15.2 15.4 15.8 17.3 14.9 17.3 16.2 17.8 8.6 13.5 7.0 13.6 8.8 13.7 7.6 14.5 3.2.3. Les principales activités de la zone Tableaux 14 - Les dix premiers employeurs (effectif salarié). Niveau NAF 700 Source : Assedic 2001 Tableau 14a – Châteaurenard – Activités Naf 700 Salariés Etablissements Effectif 1. Commerce de gros de fruits et légumes 2. Transports routiers de marchandises interurbains 3. Travaux de maçonnerie générale 4. Fabrication d’emballages en bois 5. Services aux cultures productives 6. Supermarchés 7. Production de viande de boucherie 8. Commerce de gros de matériaux de construction et d’appareils sanitaires 9. Transports routiers de marchandises de proximité 10. Commerce de gros de produits laitiers, œufs, huile TOTAL % du total Effectif effectif zone Taille moyenne 1390 13.0% 104 13.4 674 377 307 249 245 6.2% 3.5% 2.8% 2.3% 2.2% 39 84 12 3 10 17.3 4.5 25.6 83.0 24.4 208 1.9% 1 208.0 174 1.6% 10 17.4 166 1.5% 24 7.0 155 1.4% 1 155.0 107 74 100% 1477 7.3 157 Tableau 14b – Cavaillon – Activités Naf 700 Salariés Etablissements Effectif 1. Transports routiers de marchandises interurbains 2. Travail temporaire 3. Hypermarchés 4. Commerce de gros de fruits et légumes 5. Commerce de détail automobile 6. Industries alimentaires nca 7. Entreposage non frigorifique 8.Services aux cultures productives 9. Travaux de maçonnerie générale 10. Organisations associatives nca TOTAL % du total Effectif effectif zone Taille moyenne 1030 871 621 6.3% 5.3% 3.8% 35 9 3 29.4 96.7 207.0 589 461 398 367 350 337 263 3.6% 2.8% 2.4% 2.2% 2.1% 2.0% 1.6% 2 35 3 5 1 96 41 294.5 13.2 132.6 73.4 350.0 3.5 6.4 16431 100% 2000 8.2 Tableau 14c – Carpentras – Activités Naf 700 Salariés Etablissements Effectif 1. Transports routiers de marchandises interurbains 2. Travail temporaire 3. Travaux de maçonnerie générale 4. Fabrication de condiments et assaisonnements 5. Commerce de détail automobile 6. Activités de nettoyage 7. Fabrication de pièces techniques en matière plastique 8.Fabrication de produits explosifs 9. Organisations associatives nca 10. Supermarchés TOTAL 158 % du total Effectif effectif zone Taille moyenne 1118 717 669 5.4% 3.5% 3.2% 44 8 161 25.4 89.6 4.2 526 486 438 2.5% 2.3% 2.1% 4 55 22 131.5 8.8 20.0 418 397 391 390 2.0% 1.9% 1.8% 1.8% 1 3 63 816 418.0 132.3 6.2 24.4 20787 100% 2636 7.9 Tableau 14d –Avignon – Activités Naf 700 Salariés Etablissements Effectif % du total Effectif effectif zone Taille moyenne 1. Travail temporaire 2. Hypermarchés 3. Fabrication de produits céramiques réfractaires 4. Restaurants 5. Organisations associatives 6. Commerce de détail habillement 7. Commerce de véhicules automobiles 8.Action sociale autre 9. Activités de nettoyage 10. Activités générales de sécurité sociale 2320 1842 5.5% 4.4% 26 4 89.2 460.5 1236 1174 1095 916 3.0% 2.8% 2.6% 2.2% 1 157 188 168 1236.0 7.5 5.8 5.4 877 796 737 2.1% 1.9% 1.7% 65 12 27 13.5 66.3 27.3 718 1.7% 4 179.5 TOTAL 41975 100% 4271 9.8 Tableau 14e –Saint-Martin – Activités Naf 700 Salariés Etablissements Effectif % du total Effectif effectif zone Taille moyenne 1. Travail temporaire 2. Activités de nettoyage 3. Hypermarchés 4. Commerce de véhicules automobiles 5. Supermarchés 6. Gestion d’infrastructures de transports terrestres 7. Maçonnerie générale 8.Hôtels et restaurants 9. Commerce de gros alimentaire non spécialisé Organisations associatives 10. Autres action sociale 1623 517 478 8.8% 2.9% 2.6% 8 20 3 202.9 25.8 159.3 477 462 2.6% 2.5% 46 14 10.4 33.0 449 436 417 2.4% 2.3% 2.2% 2 93 48 224.5 4.7 8.7 382 382 334 2.0% 2.0% 1.8% 2 57 22 191.0 6.7 15.2 TOTAL 18404 100% 2487 7.4 159 Tableaux 15 - Les huit premiers employeurs (effectif salarié) en divisions Source : Assedic 2001 Tableau 15a – Châteaurenard – Activités Salariés Effectif 1. Commerce de gros alimentaire 1713 2. Construction 1051 % du total 15.9% 9.7% 3. Transports routiers de marchandises 840 7.8% 4. Services aux entreprises 665 6.2% 5. IAA 635 5.9% 6. Hôtels et restaurants 581 5.4% 7. Commerce de détail à prédominance alimentaire 490 4.5% 8. Santé et action sociale 416 3.9% Ensemble commerce de gros : 2383 22.1% Transports routiers de marchandise + entreposage + affrètement : 1031 9.6% Ensemble commerce de détail : 950 8.8% Tableau 15b – Cavaillon – Activités Salariés Effectif 1. Services aux entreprises 1809 2. Construction 1314 160 % du total 11.0% 8.0% 3. Transports routiers de marchandises 1267 7.7% 4. Santé et action sociale 1106 6.7% 5. Commerce de détail à prédominance alimentaire 986 6.0% 6. Commerce de gros alimentaire 967 5.9% 7. IAA 843 5.1% 8. Commerce et réparation 813 automobile 4.9% Transports routiers de marchandise + entreposage + affrètement : 1969 12.0% Ensemble commerce de détail : 2095 12.7% Ensemble commerce de gros : 1720 10.5% Tableau 15c – Carpentras – Activités Salariés Effectif % du total 1. Services aux entreprises 2492 12.0% 2. Construction 2149 10.3% 3. IAA 1687 8.1% 4. Transports routiers de 1359 marchandises 6.5% 5. Santé et action sociale 1230 6.0% 6. Autres commerces de détail en magasins spécialisés 1095 5.2% 7. Commerce et réparation automobile 986 4.7% 8. Commerce de détail alimentaire en magasins spécialisés 899 4.3% Transports routiers de marchandise + entreposage + affrètement : 1683 8.1% Ensemble commerce de détail : 2499 12.0% Ensemble commerce de gros : 1741 8.4% Tableau 15d –Avignon – Activités Salariés Effectif 1. Services aux entreprises 6774 % du total 16.1% 2. Autres commerces de détail en magasin spécialisé 3233 7.7% 3. Santé et action sociale 3227 7.6% 4. Hôtels et restaurants 2770 6.7% 5. Construction 2504 5.9% 6. Commerce de détail à prédominance alimentaire en magasin non spécialisé 2464 Ensemble commerce de détail : 6634 15.8% 5.8% 7. Fabrication d’autres produits minéraux non métalliques 1623 Ensemble commerce de gros : 3442 8.2% 3.8% 8. Commerce et réparation de véhicules automobiles 1469 3.5% Transports routiers de marchandise + entreposage + affrètement : 873 2.1% 161 Tableau 15e –Saint-Martin – Activités Salariés Effectif 1. Services aux entreprises 3095 % du total 16.8% 2. Santé et action sociale 1708 9.3% 3. Construction 1417 7.7% 4. Hôtels et restaurants 1289 7.0% 5. Commerce de détail à prédominance alimentaire en magasin non spécialisé 1088 5.9% 6. Commerce et réparation de véhicules automobiles 852 4.6% 7. Autres commerces de détail en magasin spécialisé 825 4.5% 8. Services auxiliaires du transport 741 4.0% 162 Transports routiers de marchandise + entreposage + affrètement : 672 3.6% Ensemble commerce de détail : 2475 13.4% Ensemble commerce de gros : 1301 7.1% Calcul du degré de spécialisation . Activités retenues (en NAF 700) : Fruits et légumes : Agriculture 01.1A (Culture de céréales, cultures industrielles), 01.1C (Culture de légumes ; maraîchage) ; 01.1F (Culture fruitière) ; 01.3Z (Culture et élevages associés) ; 01.4A (Services aux cultures productives) ; Transformation 15.3A (Transformation et conservation de pommes de terre) ; 15.3C (Préparation de jus de fruits et de légumes) ; 15.3E (Transformation et conservation des légumes) ; 15.3F (Transformation et conservation de fruits) ; Produits 24.1J (Fabrication de produits azotés et d’engrais) ; 24.2Z (Fabrication de produits agro-chimiques) ; 24.6E (Fabrication d’huiles essentielles) ; Matériel agricole 29.3A (Fabrication de tracteurs agricoles) ; 29.3C (Réparation de matériel agricole) ; 29.3D (Fabrication de matériel agricole) ; Commerce de gros 51.3A (Commerce de gros de fruits et légumes) ; 51.6N (Commerce de gros de matériel agricole). Transport et entreposage : 60.2L (Transports routiers de marchandises de proximité) ; 60.2M (Transports routiers de marchandises interurbains) ; 63.1D (Entreposage frigorifique) ; 63.1E (Entreposage non frigorifique) ; 63.2 A (Gestion d’infrastructures de transports terrestres) ( ?) ; 63.4B (Affrètement) ; 63.4C (Organisation de transports internationaux) . Fabrication d’emballages : 20.4Z (Fabrication d’emballages en bois) ; 21.2A (Industrie du carton ondulé) ; 21.2B (Fabrication de cartonnages) ; 21.2C (Fabrication d’emballages en papier) ; 26.1E (Fabrication de verre creux) ; 28.7C (Fabrication d’emballages métalliques légers). Fabrication d’équipements : 29.2H (Fabrication d’équipements d’emballage et de conditionnement) ; 29.5E (Fabrication de machines pour l’industrie agro-alimentaire). Conditionnement à façon : 74.8D Alimentaire : Industries agricoles et alimentaires (15.1A à 15.9T sauf les codes intégrés aux fruits et légumes) ; Commerce de gros alimentaire (51.1N Intermédiaires du commerce en produits alimentaires ; 51.1P Centrales d’achats alimentaires ; 51.2E Commerce de gros d’animaux vivants ; 51.3C à 51.3W sauf 51.3L Commerce de gros de tabac) ; Traiteurs, organisation de réception (55.5D) ; Restauration collective sous contrat (55.5C). Certains codes n’ont pas été intégrés : ils ne renvoient pas explicitement ni uniquement aux principales activités retenues (comme le travail intérimaire) tout en pouvant cependant leur être partiellement liés. . Source : ASSEDIC, effectifs au 31.12.2001. Attention cette source ne prend que très mal en compte l’agriculture. Les établissements comptabilisés sont les établissements employeurs. 163 COMMERCE DE GROS DE FRUITS ET LEGUMES Répartition des effectifs par tranche de taille d’établissement – Assedic – 2001 Zone Châteaurenard en % Cavaillon en % Carpentras en % Avignon en % Saint-Martin en % Total en % 1-9 269 19.3% 137 23.2% 123 61.2% 26 13.1% 18 24.3% 573 23.4% 10-49 733 52.7% 219 37.2% 78 38.8% 99 49.7% 42 56.7% 1171 47.7% 50-199 388 28.0% 0 0 74 37.2% 14 19.0% 476 19.4% 200-499 0 233 39.6% 0 0 0 233 9.5% Total 1390 100.0% 589 100.0% 201 100.0% 199 100.0% 74 100.0% 2453 100.0% COMMERCE DE GROS DE FRUITS ET LEGUMES Répartition des établissements par tranche de taille d’établissement – Assedic – 2001 Zone Châteaurenard en % Cavaillon en % Carpentras en % Avignon en % Saint-Martin en % Total en % 1-9 63 60.6% 31 72.0% 21 80.8% 7 50.0% 10 83.3% 132 66.3% 10-49 37 35.6% 11 25.7% 5 19.2% 6 42.8% 2 16.7% 61 30.6% 50-199 4 3.8% 0 0 200-499 0 1 2.3% 0 1 7.2% 0 0 5 2.5% 1 0.5% 0 Total 104 100.0% 43 100.0% 26 100.0% 14 100.0% 12 100.0% 199 100.0% 173 IAA Répartition des effectifs par branche – Ensemble de la zone – Assedic 2001 .Production de viandes de boucherie .Préparation industrielle de produits à base de viandes . Préparation de jus de fruits et légumes .Transformation et conservation de légumes . Transformation et conservation de fruits . Fabrication d’huiles et de graisses raffinées . Fabrication d’autres produits laitiers . Fabrication de glaces et sorbets . Meunerie . Fabrication d’aliments pour animaux de ferme . Fabrication d’aliments pour animaux de compagnie . Fabrication industrielle de pain et de pâtisserie fraîche . Cuisson de produits de boulangerie . Biscotterie, biscuiterie, pâtisserie de conservation . Chocolaterie, confiserie . Fabrication de pâtes alimentaires . Transformation du thé et du café . Fabrication de condiments et assaisonnements . Industries alimentaires nca . Production d’eaux de vie naturelles . Fabrication de spiritueux . Production de boissons rafraîchissantes TOTAL Effectifs % 226 175 11 155 127 4 16 8 102 44 192 268 121 39 85 24 237 546 1125 5 8 194 3712 6.1 4.7 0.3 4.2 3.4 0.1 0.4 0.2 2.7 1.2 5.2 7.2 3.2 1.0 2.3 0.6 6.5 14.8 30.3 0.1 0.2 5.3 100.0% IAA Répartition des établissements et des effectifs par tranche de taille d’établissement – Assedic – 2001 - Ensemble de la zone Châteaurenard Etablissements Effectifs Cavaillon Etablissements Effectifs Carpentras Etablissements Effectifs Avignon Etablissements Effectifs Saint-Martin Etablissements Effectifs Total Etablissements Effectifs 174 1-9 10-49 50-199 200-499 Total 50.0% 27.2% 33.3% 14.8% 11.1% 24.8% 5.6% 33.2% 100.0% 100.0% 66.6% 7.3% 16.6% 8.0% 11.2% 33.3% 5.6% 51.4% 100.0% 100.0% 50.0% 5.9% 30.0% 23.8% 17.5% 55.9% 2.5% 14.4% 100.0% 100.0% 77.8% 11.5% 11.1% 10.2% 8.3% 39.9% 2.8% 38.4% 100.0% 100.0% 86.7% 56.3% 10.3% 43.7% 0 0 0 0 100.0% 100.0% 67.4% 13.0% 19.9% 17.2% 9.9% 40.8% 2.8% 29.0% 100.0% 100.0% TRANSPORT /LOGISTIQUE/ENTREPOSAGE* Répartition des effectifs par tranche de taille d’établissement – Assedic – 2001 Zone 1-9 10-49 50-199 Châteaurenard 203 662 151 en % 20.0% 65.2% 14.8% Cavaillon 166 484 551 en % 10.4% 30.2% 34.4% Carpentras 210 433 1027 en % 12.5% 26.0% 61.5% Avignon 181 465 195 en % 21.5% 52.3% 21.2% Saint-Martin 66 252 341 en % 10.0% 38.2% 51.8% Total 826 2296 2265 en % 14/3% 39.7% 39.1% * Transports de marchandises de proximité ; Transports de marchandises frigorifique ; Organisation des transports internationaux. 200-499 Total 0 1016 0.0% 100.0% 400 1610 25.0% 100.0% 0 1670 0.0% 100.0% 0 841 0.0% 100.0% 0 659 0.0% 100.0% 400 5787 6.9% 100.0% inter-urbains ; Affrètement ; Entreposage TRANSPORT /LOGISTIQUE/ENTREPOSAGE* Répartition des établissements par tranche de taille d’établissement – Assedic – 2001 Zone 1-9 10-49 50-199 Châteaurenard 43 27 2 en % 59.7% 37.5% 2.8% Cavaillon 45 18 5 en % 65.2% 26.1% 7.2% Carpentras 55 18 11 en % 65.5% 21.4% 13.1% Avignon 44 17 2 en % 70.0% 27.0% 3.0% Saint-Martin 19 11 5 en % 54.3% 31.4% 14.3% Total 206 91 25 en % 63.8% 28.2% 7.7% * Transports de marchandises de proximité ; Transports de marchandises frigorifique ; Organisation des transports internationaux. 200-499 Total 0 72 0.0% 100.0% 1 69 1.5% 100.0% 0 84 0.0% 100.0% 0 63 0.0% 100.0% 0 35 0.0% 100.0% 1 323 0.3% 100.0% inter-urbains ; Affrètement ; Entreposage 175 176 AGRICULTURE Evolution du nombre d’exploitations agricoles entre les recensements agricoles de 1979, 1988 et 2000 Châteaurenard Effectif Evol en % Cavaillon Effectif Evol en % Carpentras Effectif Evol en % Avignon Effectif Evol en % Saint-Martin Effectif Evol en % Exploitations professionnelles 1979 1988 2000 1911 1624 953 -15.0% -41.3% 1054 826 430 -21.6% -47.9% 1596 1338 808 -16.1% -39.6% 261 190 -27.2% 110 -42.1% 1022 932 718 -8.8% -22.9% Total exploitations 1979 1988 2000 2738 2118 1204 -22.6% -43.1% 1620 1213 738 -25.1% -39.1% 2455 1880 1303 -23.4% -30.7% 488 348 -28.7% 190 -45.4% 2339 1876 1217 -19.8% -35.1% (suite) Bouches du Rhône Effectif Evol en % Vaucluse Effectif Evol en % PACA Effectif Evol en % Exploitations professionnelles 1979 1988 2000 5830 5128 3534 -12.0% -31.1% 8323 7091 4875 -14.8% -31.2% 24822 21667 -12.7% 15291 -29.4% Total exploitations 1979 1988 2000 13646 10143 5797 -25.7% -42.8% 12867 10463 7832 -18.7% -25.1% 57160 44579 -22.0% 29093 -34.7% AGRICULTURE Evolution des superficies moyennes (en ha) entre les recensements agricoles de 1979, 1988 et 2000 Châteaurenard Cavaillon Carpentras Avignon Saint-Martin Exploitations professionnelles 1979 1988 2000 9.8 11.3 13.7 15 11.1 17.7 11.8 14.2 22.8 15.3 16.7 11.3 31 33 41.5 Total exploitations 1979 1988 2000 7.4 9.2 12.6 9.4 8.1 11.0 7.9 9.8 14.0 8 9 11.7 15.6 17.1 26.1 (suite) Bouches du Rhône Vaucluse PACA Exploitations professionnelles 1979 1988 2000 22 27 42 15 17 23 21 25 40 Total exploitations 1979 1988 2000 11 16 28 11 13 16 11 15 24 AGRICULTURE Evolution des superficies et du nombre d’exploitations (vergers, légumes frais, serres et abris hauts) entre les recensements, pôles des Bouches du Rhône Vergers Exploitations Superficies Légumes frais Exploitations Superficies Serres et abris hauts Exploitations Superficies Ensemble Exploitations Superficies Châteaurenard %79/88 %88/00 Saint-Martin-de-Crau %79/88 %88/00 Bouches du Rhône %79/88 %88/00 -24.7% +3.1% -50.9% -27.7% -38.4% +91.0% -51.0% -10.6% -35.5% +2.6% -53.7% -9.2% -27.5% -26.1% -45.4% -32.0% -23.1% -17.3% -45.8% -42.7% -30.5% -6.8% -47.6% -40.4% -25.3% +16.0% -22.8% -6.3% -43.3% -19.6% -66.6% +1.9% -20.7% +15.0% -34.5% +1.8% -28.2% +7.9% -26.3% +8.6% -42.8% +1.1% AGRICULTURE Evolution des superficies et du nombre d’exploitations cultivant des vergers et des pommiers entre les recensements, pôles du Vaucluse Vergers Exploitations Superficies Pommiers Exploitations Superficies Total Exploitations Superficies Vaucluse %79/88 %88/00 Cavaillon %79/88 %88/00 Carpentras %79/88 %88/00 Avignon %79/88 %88/00 -24.4% -6.5% -46.0% -20.4% -27.6% +0.07% -55.0% -23.6% -28.7% -18.6% -45.3% -17.8% -33.6% -10.0% -51.4% -25.3% -34.3% -3.8% -59.5% -24.7% -22.2% +5.8% -58.1% -24.0% -53.5% -21.3% -69.7% -7.5% -49.1% -0.9% -49.1% -29.6% -19.0% -7.0% -25.2% -6.6% -25.8% -15.9% -39.4% -21.0% -23.8% -8.1% -30.7% -8.2% -28.4% -11.5% -45.4% -32.6% AGRICULTURE Evolution des superficies entre les recensements, par production Légumes frais 79/88 88/00 Légumes frais sous serre 79/88 88/00 Serres et abris hauts 79/88 88/00 Melons 79/88 88/00 Tomates 79/88 88/00 Vergers 79/88 88/00 Châteaurenard Saint-Martin Cavaillon Carpentras Avignon Bouches du Rhône Vaucluse -26.1% -32.0% -17.3% -42.7% -12.0% -40.0% -15.0% -45.9% -39.3% -62.4% -6.8% -40.4% -20.8 % -51.7% - - +55.7% 0% +131.8% +51.2% +28.1% -9.7% - +74.5% +11.5% +16.0% +1.9% - - - +7.9% - +76.0% -33.6% -1.4% -60.3% -4.4% -41.7% +30.7% -28.1% -22.2%% -9.5% +5.5% -40.0% -10.6% -46.0% -23.3% -36.5% -13.6% -57.0% -37.5% -75.9% -54.5% -91.0% -45.7% -53.1% -18.4% -31.0% -43.4% -79.3% +3.1% -27.7% +91.0% -10.6% +0.07% -23.6% -18.6% -17.8% -10.0% -25.3% +2.6% -9.2% -6.5% -20.4% AGRICULTURE Evolution de chaque catégorie d’UTA entre les recensements agricoles de 1979, 1988 et 2000 UTA familiales 79/88 88/00 UTA salariées totales 79/88 88/00 dont UTA mo occasionnelle 79/88 88/00 UTA TOTALES 79/88 88/00 (y.c. ETA-CUMA) Châteaurenard Saint-Martin Cavaillon Carpentras Avignon Bouches du Rhône Vaucluse -17.6% -51.4% -27.8% -33.0% -19.6% -53.0% -17.3% -43.9% -32.4% -47.1% -25.1% -42.0% -16.6% -36.9% -14.1% +1.1% -1.7% +38.0% -5.6% +2.5% -5.0% +11.8% -45.1% -39.8% -14.0% +3.3% -8.6% +6.7% +6.1% -7.7% +0.1% +28.8% +3.7% +13.1% +3.6% +10.2% -21.5% -15.5% 0.0% -4.2% -2.1% +12.3% -16.3% -29.4% -17.5% 0.0% -14.4% -29.7% -13.3% -24.2% -39.3% -43.5% -21.0% -23.6% -13.8% -20.8% AGRICULTURE Part de chaque catégorie d’ UTA aux RGA de 1979, 1988 et 2000, en % du total UTA familiales 79 88 00 UTA salariées totales 79 88 00 UTA Totales (y.c. ETA-CUMA) dont UTA mo occasionnelle 79 (part dans UTA salariés totaux) 88 00 Châteaurenard Saint-Martin Cavaillon Carpentras Avignon Bouches du Rhône Vaucluse 63.0% 62.0% 42.7% 60.6% 53.1% 35.6% 62.0% 58.2% 38.9% 67.5% 64.3% 47.6% 44.8% 49.9% 46.7% 62.7% 59.4% 45.0% 65.3% 63.2% 50.4% 36.8% 37.8% 54.2% 39.1% 46.6% 64.2% 37.7% 41.6% 60.7% 32.2% 35.4% 52.2% 55.0% 49.8% 53.0% 37.0% 40.2% 54.4% 34.4% 36.5% 49.2% 100.0% 100.0% 100.0% 100.0% 100.0% 100.0% 100.0% 16.8% (45.6%) 21.3% (56.3%) 27.9% (51.5%) 21.8% (55.8%) 26.5% (56.9%) 34.1% (53.1%) 22.7% (60.2%) 27.5% (66.2%) 44.2% (73.0%) 21.0% (65.2%) 25.2% (71.2%) 36.6% (70.2%) 12.7% (23.1%) 16.4% (33.0%) 24.6% (46.3%) 16.6% (44.7%) 20.9% (52.0%) 26.3% (48.2%) 18.3% (53.3%) 20.8% (57.0%) 29.5% (60.0%) Annexe 2 - Liste des entretiens réalisés 177 178 COLLECTIVITES TERRITORIALES / ADMINISTRATIONS Conseil Régional (Direction de l’agriculture et des ressources naturelles - Service de l’agriculture et de l’agro-alimentaire) (Marseille) Mairie de Châteaurenard FONCTION de la (des) ACTIVITE/POLE personne(s) rencontrée(s) . Présidente de la Filière fruits et légumes commission agriculture et forêt . Chargé de mission fruits et légumes Premier adjoint, responsable de l’Economie Mairie de Carpentras Directeur de l’action économique – directeur du marché gare Mairie de Cavaillon Directeur du service (Service des affaires directeur du Comité de économiques) bassin d’emploi Direction Régionale de Directeur adjoint l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DRTEFP) (Marseille) Direction Régionale de Chargé de mission fruits l’Agriculture et de la Forêt et légumes (DRAF) (Marseille) Direction régionale de Chargé de mission platesl’équipement (DRE) formes logistiques (Marseille) Orius Provence Directeur (Avignon) Observatoire Régional des . Directeur scientifique métiers . Chargé de mission (Marseille) Territoires Châteaurenard Carpentras Cavaillon Filière fruits et légumes Filière fruits et légumes Logistique Ensemble des pôles Agroparc Ensemble recherche 179 ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES / CHAMBRES CONSULAIRES Chambre régionale d’agriculture (Aix-en-Provence) Chambre de Commerce et d’Industrie d’Avignon et du Vaucluse (Avignon) Chambre d’agriculture du Vaucluse (Avignon) Fédération Régionale des Industries AgroAlimentaires (FRIAA) (Avignon) Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles du Vaucluse (FDSEA) (Avignon) Syndicat des Négociants Expéditeurs Exportateurs de Fruits et Légumes (SNEEFEL) (Châteaurenard) Fédération National du Transport Routier (FNTR) Bouches du Rhône (Marseille) Union Locale CGT de Châteaurenard FONCTION de la (des) ACTIVITE/POLE personne(s) rencontrée(s) CFDT Bouches du Rhône Marché d’Intérêt National (MIN) de Châteaurenard Marché d’Intérêt National (MIN) de Cavaillon Bassin Rhône Méditerranée (BRM) (Avignon) Société Nationale Interprofessionnelle de la Tomate (SONITO) (Avignon) Solidarité paysanne (Plan d’Orgon) Collectif de Défense des Travailleurs Etrangers dans l’Agriculture (CODETRAS) (Marseille) 180 . Directeur adjoint Filière fruits et légumes . Chargé de mission fruits et légumes Chargé d’études, service Filière fruits et légumes du développement Vaucluse territorial Conseiller économique et Filière fruits et légumes commercial Vaucluse Agroparc . Directeur Transformation . Chargée de mission Agroparc formation Animatrice légumes fruits et Production Vaucluse Agroparc agricole Secrétaire général Expédition – négoce Châteaurenard Secrétaire général Transport - Logistique Permanent Châteaurenard Elu production agricole Directeur Production agricole Châteaurenard Directeur Cavaillon Directeur Directeur Ensemble filière fruits et légumes Production et Transformation Tomates Directeur Production Membres Production FONCTION de la (des) ACTIVITE/POLE personne(s) rencontrée(s) Exploitation agricole, Chef d’exploitation - Production agricole tomates, en organisation de responsable organisations (tomates) producteurs (OP) professionnelles (Pertuis) Exploitation agricole, Chef d’exploitation Production agricole maraîchage hors OP (légumes) (Grans) Exploitation arboricole en Chef d’exploitation - Production agricole OP responsable organisations (pommes) (Althen-des-Paluds) professionnelles Exploitation agricole de Chef d’exploitation, Production agricole maraîchage hors OP / responsable fruits et (légumes) Confédération Paysanne légumes Confédération (Saint-Martin-de-Crau) paysanne Plate-forme de distribution Directeur -gérant Négoce – Distribution de grand distributeur Cavaillon (Cavaillon) Expéditeur Chef d’entreprise Expédition – négoce (Carpentras) Carpentras Grossiste . Directeur des Négoce (Châteaurenard) approvisionnements Châteaurenard . Responsable Assurance qualité Bureau de vente d’OP Directeur Négoce (bureau de vente (Avignon) d’Organisations de Producteurs) Agroparc Expéditeur produits bio Directeur Expédition produits bio (Cavaillon) Cavaillon ENTREPRISES SICA Salariées, déléguées du (Maillanne) personnel SICA (Mallemort-du- . Directeur Comtat) . Responsable assurance qualité Plate-forme distribution Coordinateur fruits et produits bio légumes (Cabannes) Entreprise de . Directrice générale conditionnement produits . Directrice commerciale. frais Chefs d’équipe (Châteaurenard) . Salariés Entreprise de Chef d’entreprise transformation responsable professionnel (Le Thor) Entreprise de Responsable transformation administrative et (Châteaurenard) financière Entreprise de Responsable du personnel transformation (Monteux) Expédition Expédition Distribution produits bio Conditionnement fruits et légumes frais Entreprise d’insertion Cavaillon Transformation Transformation Châteaurenard Transformation 181 Entreprise transformation (Le Pontet) PME régionales Entreprise transformation (Le Thor) Entreprise transformation (Saint-Andiol) de Responsable Formation Collectifs en Agefaforia de Directeur Emploi et Transformation formation Transformation Transformation de Chef d’entreprise Entreprise de transformation (Cavaillon) Entreprise 4è gamme (Isle-sur-la-Sorgue) Entreprise de conditionnement à façon (Bédarrides / Avignon) Transport frigorifique (Cavaillon) Entreprise de transport / logistique (Cavaillon) Entreprise de fabrication de boîtes métal (Carpentras) Entreprise de fabrication de matériel (Cavaillon) Chef d’entreprise Responsable ressources humaines Directeur d’usine Transformation Transformation Arrêt de l’activité Cavaillon des Transformation Président . Directeur commercial . Responsable logistique Directeur d’établissement Gérante Entreprise de fabrication de Fondateur de l’entreprise matériel (Cavaillon) Entreprise de conseil (Saint-Rémy-de-Provence) Entreprise de conseil (Montfavet) 182 Chef d’entreprise Chef d’entreprise Transformation / Conditionnement à façon Transport Cavaillon Transport – Logistique Cavaillon Fabrication de boîtes métal Carpentras Fabrication de machines pour le conditionnement des fruits et légumes frais Cavaillon Fabrication d’appareils pour mesurer la qualité gustative des fruits et légumes frais Cavaillon Conseil en organisation, management, qualité Conseil en stratégie et marketing agri-agro MARCHE DU TRAVAIL / INSERTION / FORMATION Direction Départementale de l’Agriculture des Bouches du Rhône (Service de l’Inspection du Travail et de la Protection Sociale Agricole) (Marseille) Geste-Géode (Avignon) FONCTION de la (des) ACTIVITE/POLE personne(s) rencontrée(s) Relais Travail Saisonnier (RTS) (Avignon) Plan Local pour l’Insertion et l’Emploi (PLIE) (Avignon) Agefaforia (Avignon) Directeur Directeur Production Bouches du Rhône . Directrice . Assistante directrice Transformation Groupement d’employeurs pour l’Emploi, l’Insertion et la Qualification / Groupement d’employeurs Production Travail saisonnier Responsable Projets Ensemble de la filière insertion et emploi Responsable antenne Transformation Méditerranée - adjointe Formation continue responsable économie (OPCA du secteur agromairie de l’Isle-sur-la alimentaire) Sorgue Agroparc Institut Supérieur Directeur Négoce-distribution d’Enseignement au Transformation Management AgroFormation supérieure Alimentaire (ISEMA) Agroparc (Avignon) 183 184 Chapitre 3 Le Bassin minier de Provence, territoire incertain, transition inachevée 186 La zone choisie comme territoire d'analyse est issue d’un découpage administratif qui s’est appuyé sur l’histoire de cette zone géographique : Le «bassin minier » couvre 17 communes attenantes : Belcodène, Châteauneuf-le-Rouge, Cadolive, Simiane-Collongue, SaintSavournin, Mimet, Peypin, La Bouilladisse, Gréasque, La Destrousse, Gardanne, Meyreuil, Rousset, Peynier, Trets, Fuveau, Bouc Bel Air1. Ces différentes communes ont, en commun, d’avoir abrité, selon des durées très variables, une activité d’extraction de lignite, et d’avoir, par rapport aux communes environnantes un pourcentage de résidents élevé travaillant à la mine. Ce regroupement de communes est devenu un « territoire » dans le sens où, dans le cadre du Pacte Charbonnier, il est l’objet d’une politique délibérée de reconversion industrielle du gouvernement et des acteurs publics locaux et européens 2 depuis 1986. Mais ce découpage peut être contesté dans la mesure où, d'une part, il est plutôt une donnée a posteriori, et qu’il ne se justifie historiquement que comme une zone d’influence de la mine plutôt que comme la réelle possession par une commune d’un puits de charbon3 ou d’une population de mineurs et, d'autre part, le périmètre défini pour bénéficier des aides à la reconversion, a varié. Le bassin minier est localisé au centre d'un espace à la fois très habité et dont la concentration en activités productives est forte. Il est limitrophe de la métropole marseillaise, de la zone industrielle de l'étang de Berre, de celle d'Aix-les-Milles, de celle d'Aubagne-Gemenos, et de la zone commerciale de Plan de Campagne. Il peut être considéré en terme d'habitat comme appartenant à l'environnement d'Aix ; toutefois le lieu de travail des actifs se partage assez égalitairement entre la zone d'Aix (33%), celle de Marseille (28%) et celle de leur lieu de résidence dans le bassin minier (24%). Il est situé sur un nœud de communication, train, autoroutes, proximité de l'aéroport et du port de Marseille. Les 17 communes regroupent un peu plus de 90 000 habitants pour une superficie de 333km2. La population résidente s'est longtemps caractérisée par le nombre de ses ouvriers et de ses cadres industriels et par ses commerçants mais la proportion d'ouvriers diminue depuis une dizaine d'années tandis que celles des employés et des professions intermédiaires augmente. Par ailleurs, le nombre des actifs sur la population totale (45,3%) est plus important que dans le département (43,5%) et dans la région (42,8%), la part des demandeurs d'emplois y est plus faible (6,3% contre 8,5 et 7,4%) ; il apparaît pourtant que comparativement le taux de chômage y progresse plus vite. Le bassin minier est un territoire productif ancien. Le tissu industriel s'est développé à partir du XVIIème siècle dans une région de propriétés agricoles grâce à la présence de lignite. L'extraction et la commercialisation de ce charbon comme source d'énergie a été à l'origine de l'installation d'entreprises industrielles, cimenteries, chimie etc… La mine a aussi préparé la zone à sa "vocation industrielle"(Mioche 1994) dans le sens où, elle a permis l'émergence , d’une part, d'une catégorie de travailleurs à la fois paysans et ouvriers et, d’autre part, d'entreprises. L'installation de l'usine Pechiney sur Gardanne, la rationalisation des descentes entre les puits de 1 Les données quantitatives qui sont citées dans cette synthèse sont détaillées dans la partie statistique du rapport. Elles sont principalement issues de traitements spécifiques sur des données de l'INSEE et des ASSEDIC, mais aussi des études de l'AUPA sur le bassin minier de Provence. 2 Plan Etat-Région, Objectif 2 des fonds structurels européens…. 3 Ainsi, Coudoux, par exemple ou le lignite a été extrait pendant une courte période n’est pas dans le bassin minier alors que Bouc Bel Air qui n’a, à notre connaissance, jamais abrité de puits, appartient à cette zone. Par ailleurs, dans l’après-guerre, Saint Zacharie était comptabilisé dans le bassin minier qui réunissait alors 18 communes. 187 mine à la Libération, la construction de la Centrale thermique, ont concentré une activité, préalablement répartie sur le bassin, sur Gardanne/Meyreuil. Dès les années 70, comme différentes informations pouvaient laisser prévoir une fermeture de la mine, les pouvoirs publics ont d'abord implicitement encouragé les nouvelles installations d'entreprise sur le site, puis, à partir de 1986, des stratégies et des aides explicites à la reconversion ont été mises en œuvre. En 1979, une entreprise de Micro-électronique (Eurotechnique, devenue SGS Thomson puis ST Microelectronics –STM-) est créée à Rousset puis une autre, en 1985, par essaimage (ES2 devenue ATMEL) de la première contribuant à l'émergence d'un tissu industriel de haute technologie sur le bassin minier. Le développement de la zone d'activité de Peynier-RoussetFuveau a rapidement contrebalancé celle de Gardanne/Meyreuil, puis de nombreux "villages" ont aussi tenté d'attirer des entreprises en développant des zones dédiées à cet effet. Le système productif du bassin minier est industriel (28% des emplois en 99, 11% des établissements en 2000). Il est principalement organisé autour de cinq établissements appartenant à des groupes industriels (environ 30% des emplois en 2002) et de leurs prestataires de services (environ 10% des emplois en 99, 14% des établissements en 2000) ; trois de ces établissements peuvent être qualifiés comme appartenant à l’industrie lourde et à des secteurs d'activités distincts, énergie et chimie (extraction de lignite, production d'électricité ou d'alumine), tandis que les deux autres sont classés dans les technologies de l'information et de la communication. Leur clientèle est celles d'autres entreprises industrielles, leurs marchés et leurs concurrents sont internationaux. Globalement leurs produits sont plutôt de type standardisé, mais depuis quelques années, deux des entreprises étudiées se sont en partie réorientées pour spécifier une partie de leur fabrication en fonction de la demande d'un client. Les entreprises sous-traitantes de ces établissements constituent une part notable du tissu productif du bassin. Elles étaient jusqu'il y a quelques années des PMI-PME liées exclusivement à chacun des donneurs d'ordre. Depuis, d’une part, les grandes entreprises de prestations de services se sont intéressées au marché que constitue le bassin et, d’autre part, les PMI-PME se diversifient. L'activité du bassin minier est aussi liée à la présence d'autres PMI-PME non liées aux grands établissements industriels principalement dans le secteur du commerce (15% des emplois en 99, 11% des établissements) ou du service aux particuliers (10% des emplois en 99, 11% des établissements en 2000). Les entreprises de plus de 100 salariés représentent, en 2002, 39% des établissements de la zone. Ce territoire se caractérise aussi par le poids de l'Etat ou des acteurs publics. L'appartenance de certaines de ces entreprises au secteur de l'énergie et la fragilité de ce tissu productif depuis la guerre justifient les interventions massives des pouvoirs publics. Ainsi, les concessions minières ont été nationalisées à la Libération pour donner à "l'Etat-nation" les moyens de sa politique de reconstruction nationale, la centrale comme les houillères sont gérées par "l'Etat entrepreneur". Depuis, les aides implicites ou explicites de l'« action publique » (Etat, CE, collectivités territoriales…) à la reconversion du territoire se sont multipliées sous diverses formes depuis la fin des années 50. Le bassin minier se définit aussi par l'intensité de ces relations professionnelles. Au fil du temps, autour de l'industrie lourde et du pôle Gardanne/Meyreuil, se sont constituées des habitudes de recours aux conflits et de négociations entre partenaires sociaux. Les nouvelles conditions de travail et d'emploi dans les grandes entreprises et chez les prestataires de produits/services de la zone de Peynier/Rousset/Fuveau ont renouvelé la forme de ces tensions et de ces relations. 188 1. Les choix méthodologiques Les contours du bassin minier tels que définis par l'histoire, puis par l'administration, ont été, dés le début, le cadre de notre étude, c'est-à-dire que nous ne nous sommes pas interrogés sur la pertinence ou la légitimité du découpage à l’origine du territoire « bassin minier ». La zone de nos investigations est donc strictement délimitée géographiquement et définie a priori. Ainsi, nous n'avons pas tenu compte d'une spécificité sectorielle de l’activité de la zone, nous ne nous sommes pas placés dans une position de recherche d’un éventuel effet « districts industriels ». Notre objectif principal a été de saisir la configuration du bassin minier dans sa globalité et de suivre ses recompositions successives. • Nous avons, en effet, choisi de prendre en considération l’histoire longue du territoire, dans la mesure où il nous a semblé que l’analyse des multiples transitions que ce dernier a subi, ou éventuellement engendré, (processus exogène ou/et endogène) permettait de mieux comprendre ses capacités actuelles à se renouveler. • Notre second choix a été de saisir le système productif du bassin minier en privilégiant une « entrée » par les entreprises. L’intervention des acteurs publics locaux, services déconcentrés de l'Etat (formation, emploi…), fonction territoriale, autres collectivités locales, associations professionnelles, union locale des syndicats de salariés…. est analysée indirectement par ses effets sur la recomposition du bassin minier au même titre que la politique foncière ou la mobilité des habitants de la zone. Ainsi, nous n'avons fait des investigations sur des acteurs publics (entretiens etc.) que dans la mesure ou ils avaient été cités par une entreprise. • Nos investigations dans les entreprises ont été réalisées parallèlement dans le secteur de l'industrie lourde et dans celui des hautes technologies afin de ne pas introduire de biais dans notre appréhension du réel, et donc ne pas ajouter de différenciation supplémentaire de celles produites par le territoire lui-même ou par la région. Notre méthodologie s'est déroulée en trois étapes : • Le recueil de données statistiques auprès de l'INSEE, des ASSEDIC et de l'AUPA et leurs traitements secondaires (voir annexe1). • Des entretiens qualitatifs auprès de 22 entreprises (36 responsables d'entreprise ou cadres fonctionnels, 25 ingénieurs, techniciens et ouvriers/opérateurs, 5 responsables ou délégués syndicaux) et 17 acteurs publics locaux (24 entretiens) (voir annexe 2). • Une enquête légère par questionnaire auprès d'entreprises (115 questionnaires envoyés, 31 réponses) du bassin minier permettant de confirmer les entretiens ou d'atteindre une plus large population d’entreprises. Dans les entreprises, nous avons essayé d'avoir des entretiens avec plusieurs individus ayant des positions diverses dans l'organisation ; cela a été possible dans les grandes entreprises mais rarement dans les PME. Nous avons privilégié les responsables du site, des ressources humaines, des achats mais, selon les opportunités, d'autres contacts ont été aussi pris, avec des responsables 189 de la formation, de l'information, des relations sociales…. Dans deux des grandes entreprises (l'une appartenant à l’industrie lourde, l'autre à celle des hautes technologies), nous avons pu réaliser des entretiens avec des salariés, ingénieurs, techniciens, ouvriers/opérateurs. Par ailleurs, nous avons aussi développé des relations avec des responsables syndicaux locaux et des représentants syndiqués du personnel de certaines entreprises. Ces investigations lourdes dans les entreprises nous ont permis successivement d'appréhender les trajectoires de produits fabriqués sur la zone, les stratégies et les relations des entreprises entre elles (relations de prestations de produits/services), le mouvement de qualification et d’acquisition de professionnalité des travailleurs, leurs conditions de formation et d’emploi, sur leur mobilité et sur leurs organisations collectives. L’enjeu actuel Le bassin minier a été l'objet de multiples déstabilisations depuis quelques années, les entreprises de la vieille industrie localisées autour de Gardanne ferment ou sont fragilisées, les grands établissements de la micro-électronique de Peynier-Rousset-Fuveau subissent cycliquement des crises. Actuellement, le bassin minier est donc dans une phase de transition qui pourrait remettre en cause à terme la pérennité même du territoire. En effet, cette zone a été massivement soutenue par l'action publique, ces aides vont être maintenant limitées…va-t-elle garder son attractivité et ses avantages dans ce nouveau contexte ? Ce bassin était, par ailleurs, partagé entre deux pôles industriels, celui de Gardanne/Rousset, celui de Peynier/Rousset/Fuveau, conformément à la différenciation produite par l’histoire, et entre l’industrie lourde et celle des hautes technologies. Avec la fermeture de la mine, avec les difficultés des sous-traitants de la micro-électronique, avec les nouveaux découpages en communautés de communes, que va devenir le territoire "bassin minier » ? A-t-il des atouts pour subsister, ou les communes, les secteurs industriels vont-ils s’agglomérer différemment? Les nouvelles configurations émergentes continueront-elles d’articuler la dynamique productive et la dynamique socio-démographique ? 2. L’histoire / la transition La transition de Garou a été, a priori dans notre projet, définie comme une reconversion, c’est-àdire comme une transition «ou des crises ont conduit à une reconversion radicale des capacités productives, des qualifications des salariés et à une évolution des emplois offerts ». Un processus de reconversion continue sans événement unique «déclenchant » Au fil de nos investigations, notre hypothèse de départ s’est confirmée : le bassin minier est depuis toujours « en mouvement » mais, depuis la seconde guerre mondiale, la dynamique productive corollaire de bouleversements s’est renouvelée et les changements se sont accélérés. Territoire agricole où le lignite était extrait de façon individuelle pour la consommation en 190 énergie d’une famille, il se transforme une première fois4 lorsque l’extraction de ce minerai devient une activité marchande qui oblige à une certaine division et organisation du travail. La constitution des concessions minières et d’autres entreprises comme Pechiney, leur agencement dans un système productif à partir du début du XIXème siècle est une autre étape du développement local. Le redressement économique et industriel des années d’après-guerre, qui exige une production massive d’énergie et de matières premières (comme l’alumine), est l’âge d’or du bassin minier de Provence, même si cette période est courte puisque le processus de récession et de reconversion commence des le début des années 60. Depuis lors, différentes dates marquent l’histoire locale : l’installation d’une première usine de micro-électronique à Rousset, la diversification de Pechiney vers les alumines techniques, la fermeture de certains puits de charbon, le creusement d’autres… D’autres événements sont encore plus spectaculaires : le plan charbonnier, l’inauguration par le Premier ministre de nouvel atelier 8 pouces chez STM, la fermeture de la mine…La transition-reconversion d’aujourd’hui est, pour le bassin minier, une transition parmi d’autres. Il pourra nous arriver, au cours de cette synthèse, de qualifier un type d’industrie, une zone, un « monde » selon le moment de son apparition sur le territoire, en réalité, cela ne correspondra qu’à une facilité d’écriture. Il ne nous paraît pas pertinent de bâtir notre réflexion en définissant et en opposant ce qu’est l’ancien (la configuration sociale construite par l’industrie lourde au siècle dernier) et ce qu’est le nouveau du territoire (celui des entreprises de nouvelles technologies). Cette opposition entre « les gueules noires » et les « blouses blanches » est une représentation du territoire produite par les habitants et par les acteurs économiques locaux. Elle induit qu’il y a deux « mondes » séparés, cohérents et irréductibles par nature. Notre propos est de suivre l’évolution du bassin minier sans privilégier a priori un éventuel ou futur découpage. Le changement nous paraît être une interaction continue entre des formes économiques et sociales (entreprise, institution, commune, salariés, résidents…) qui évoluent et d’autres qui restent stables. Ce processus se réalise dans le temps par des ruptures ou par des inflexions successives, selon une datation variée, une vitesse différente entre un ancien qui reste ancien, un ancien où se mêle du nouveau et un nouveau coexistant avec l’ancien, un nouveau-nouveau, entraînant en définitive des modifications dans la configuration d’ensemble du territoire. Dans le bassin minier, par rapport à d’autres zones étudiées, il serait possible d’identifier et d’expliquer certaines de ces transformations, d'imaginer certaines tensions liées à ce changement, sans pourtant être en mesure de préciser le moment exact d’une crise ou d’une transition. Quel est par exemple le moment où le bassin minier, communauté de villages miniers, s’est partagé entre une concentration urbaine autour de Gardanne/Meyreuil et des villages agricoles ; quand s’est-il scindé entre l’Ouest et l’est, etc…Cette incapacité à nommer un événement unique et « déclenchant » une transition, ou une date qui soit à l’origine d’un bouleversement sur la zone, pourrait nous inciter à parler d’une transition-mutation de la zone comme dans le cas de l’agroalimentaire du Vaucluse ou de la parfumerie de Grasse. Toutefois, même s’il n’existe pas de choc unique, l’actuelle transition du bassin minier est une remise en cause du système antérieur qui oblige à parler de reconversion. 4 Le danger d'utiliser le passé pour clarifier la situation présente est de reconstruire le premier à partir de la seconde prenant celle-ci comme modèle. Il est évident que nous allons tomber partiellement dans ce travers. Toutefois, un modèle sert à désigner et non à expliquer, aussi nous prenons ce risque. 191 Ce processus long, non linéaire qui est toujours en cours et dont nous ne savons pas exactement à quoi il va aboutir, est donc dé crit, dans ce texte comme un exemple, parmi d’autres, de reconversion d’un système productif : l’évolution de chaque unité productive, de chaque catégorie professionnelle, de chaque commune, du niveau de formation des salariés…. influencent différemment l’ensemble du système, la zone, les différentes communes et réciproquement. Chaque unité de ce territoire a été l’objet de ce processus de reconversion continue selon sa propre spécificité et sa propre temporalité Ce territoire industriel s’est construit, d’une part autour de grands établissements industriels dépendant de groupes nationaux ou internationaux, de leur réseau de sous -traitants, de fournisseurs et de clients localisés dans la zone mais aussi au niveau régional, et autour de petites entreprises produisant des biens et des services aux habitants. A l’origine, ces entreprises appartenaient à l’industrie «lourde » (extraction de houille, transformation de minerai, production d’électricité). Ce type d’industrie donnait une configuration particulière au territoire situé alors en terre agricole. Au fil du temps, cette zone a changé. D’une part, les entreprises se sont modernisées, réorganisées, mécanisées, automatisées, elles ont modifié la forme de leurs relations avec leur clientèle et leurs sous-traitants. D’autre part, d’autres types d’entreprises se sont installés sur le bassin minier avec des spécialisations différentes en particulier dans les hautes technologies, de nouveaux clients, des nouveaux usages de la sous-traitance. Au-delà des événements ou des conjonctures exogènes et identifiables au bassin minier qui ont infléchi la trajectoire productive d’une unité industrielle, le bassin minier a changé globalement en raison de l’évolution des savoirs et des savoir-faire, des techniques, du niveau de formation de ses habitants, du type d’intervention des acteurs publics…comme n’importe quelle zone de la communauté européenne. Toutefois, le patrimoine construit par le territoire, mais aussi par chacune des unités le composant, a spécifié aussi la manière dont la zone s'est approprié les évolutions générales d’une société. Ainsi, l’internationalisation des marchés, le mouvement des fusions et des restructurations a frappé le bassin minier comme chaque territoire. Mais du fait de son long ancrage historique, de sa spécialisation productive, du poids de l’intervention de l’organisation de sa classe ouvrière, il a peut-être réagi d’une façon spécifique. Notre propos n’est, cependant, pas de mettre en lumière ou d’expliquer cette éventuelle spécificité dans cette synthèse qui pourra être traitée dans la comparaison. La reconversion actuelle peut aboutir à l’éclatement du territoire L’ « actuelle » transition-reconversion du bassin minier est celle qui voit l’industrie lourde décliner, peut-être jusqu’à voir chacun des établissements de cette forme d’industrie fermer l’un après l’autre, et qui met en lumière le caractère fragile, peu stabilisé de l’industrie microélectronique . La période est aussi caractérisée par l’absence de décisions sur des choix alternatifs pourtant essentiels, par l’ampleur des controverses, des tensions et des conflits sur l’avenir du bassin entre tissu productif et lieu d’habitat… Même si la période est essentielle pour le futur du bassin, elle peut être aussi celle où le territoire est définitivement remis en cause. Cette transition n’est pas achevée, elle n’est pas close. Notre analyse est donc elle-même transitoire…. 192 3. L’articulation entre dynamique productive et dynamique urbaine De multiples transitions aboutissant à la configuration du bassin minier Le territoire s’est construit à la fois autour d’un secteur agricole qui s’étendait sur les 17 communes du bassin minier et sur des «villages » qui abritaient les puits de mine. Certains puits ont rapidement fermé (Trets, Rousset…). D’autres ont contribué, au contraire, au développement de certaines communes (Gardanne, Meyreuil, Gréasque…) : les entreprises minières ont, en effet, installé auprès de chaque puits des ouvroirs de tri et de lavage du lignite, ces activités ont, rapidement, conduit à la création de petits ateliers, d'activités mi-artisanale, mi-industrielle (maçonnerie, électricité, mais aussi cimenterie, etc.), juridiquement indépendants des concessions mais dont c’était le principal client . L'activité industrielle s'est donc intégrée à l'activité agricole même si certains "villages" ont été rapidement "spécialisés » dans l'une ou l'autre de ces deux activités. L’installation de Pechiney puis la concentration des puits de descente de mine en 1945, et la construction de la Centrale thermique (1953) ont concentré l'activité sur Gardanne/Meyreuil et ont contribué à faire de Gardanne une ville-usine. Corrélativement, ce mouvement a diminué l‘activité productive dans les autres villages qui sont devenus peu à peu des lieux d'habitation. Si Gardanne concentrait alors une part notable de l'appareil productif, de l'habitat et de la vie sociale et politique, si cette ville était le centre de régulation de la société locale, il n'en demeure pas moins qu'une autre part du territoire restait rythmée par l'activité agricole et était peu attirée par la cité minière. A partir des années 1960, pour compenser la récession de l’activité charbonnière, les houillères ont pris l’initiative de créer des zones industrielles (ZI) à Gardanne et à Rousset (la zone Palun à Gardanne en 1963 ; la zone de Rousset en 1967). De façon plus informelle, Pechiney a contribué à l’émergence dans son environnement direct, d’un espace d'implantation pour ses prestataires de services. Les municipalités des différentes communes, soit directement, soit par la voie de sociétés d’aménagement local, soit par leur soutien aux associations d’entrepreneurs ont poursuivi cette politique et il existe maintenant au moins une zone industrielle ou parc à vocation artisanale, commerciale et de service par commune. Cette logique de création des ZI a permis à certains villages de récupérer des activités productives perdues lors de la période précédente sans devenir des villages-usines (Garnier 1991): le village de Rousset est resté un village résidentiel et de petit commerce tandis que la ZI de Peynier, Rousset, Fuveau s'est développée à l’extérieur des agglomérations…. Mais malgré le déménagement de certaines activités vers les ZI ou les parcs d'activité créés dans ses pourtours, la représentation que les habitants du bassin minier ont de Gardanne n’a pas varié, elle continue d’être perçue comme une ville-usine en raison en particulier de la proximité de l'usine d'alumine du centre-ville. Le bassin minier possède quasiment toutes les formes d’imbrication des activités productives dans l’habitat, et principalement les deux formes emblématiques que sont la ville-usine et la ZI séparée de la zone d’habitat. La première, Gardanne, a vu son apogée dans les années 50-60, la deuxième, Rousset, s’est développée dans les années 70. L'activité productrice du bassin reste plus industrielle que ne l'est le reste du département ou de la région, même si le commerce et les autres services se développent. Actuellement, et malgré 193 l'implantation de ZI dans la plupart des agglomérations, elle se partage principalement entre les ZI de Gardanne-Meyreuil et celle de Peynier-Rousset-Fuveau, ces deux ensembles étant indépendants l’un de l’autre. Si la ZI de Peynier-Rousset-Fuveau peut être considérée comme dédiée à la micro-électronique, les ZI de Gardanne/Meyreuil qui étaient autrefois réservées à l'industrie lourde et à la sous-traitance des grandes entreprises donneuses d’ordre sont devenues comme les autres ZI du bassin, généralistes. La dynamique des entreprises à l'origine de la constitution du territoire, clive maintenant le bassin en deux, d’un côté, Gardanne/Meyreuil, de l’autre, Peynier/Rousset/Fuveau. Ainsi, l’installation des grandes entreprises de microélectronique, le développement de la sous-traitance dans la ZI de Peynier/Rousset/Fuveau ont largement contrebalancé le pôle de Gardanne/Meyreuil, la micro-électronique étant rapidement devenue le premier employeur du bassin minier. Une recomposition de l’appareil productif qui va de pair avec une recomposition socio-démographique : Dès leur implantation, les entreprises phares du bassin, les concessions minières et Pechiney ont eu des politiques actives de logements sociaux : des quartiers entiers ou des villages ont été ainsi construits, de façon séparée entre les deux entreprises, pour regrouper les habitations de mineurs, d'une part, et celles des salariés de Pechiney, d'autre part. Cette pratique avait alors comme objectif de stabiliser la main d’œuvre sur la zone et de la rendre captive d’une entreprise en particulier. Après guerre, les Houillères de Provence ont poursuivi cette tradition, mais depuis une vingtaine d'années, le contexte économique ayant changé, ces politiques ont été remises en cause. Les logements, propriétés des entreprises, ont donc été soit acquis par leurs habitants (les deux entreprises ont eu des politiques actives d’accession à l’habitat), soit vendus sur le marché. Il semble qu’une telle pratique soit reconduite pour les nouveaux retraités de la mine. L’époque où l’entreprise souhaitait, devant une éventuelle pénurie de main d’œuvre, pérenniser ses relations avec ses salariés, est révolue et les entreprises du bassin, anciennes et nouvelles, ne se préoccupent que peu de l’habitat de leurs salariés. Le lien direct entre emploi et habitat, qui contribuait à articuler dynamique productive et dynamique urbaine est brisé, d'autres formes de mises en relation plus indirectes vont émerger. Il reste sur le territoire, dans les discours des habitants, jeunes ou vieux, une certaine nostalgie de ces temps où les salariés, lorsqu’ils avaient été « fidèles » à une entreprise, bénéficiaient automatiquement d’avantages sociaux en complément du salaire (« salaire social » : Naville 1970, Rolle 83) La population résidente du bassin minier a fortement augmenté depuis 10 ans. Cette explosion démographique aurait commencé en 1970 (croissance 82-90 : 3,83%, 90-99 :1,61%). Elle serait plus importante qu’à Aix (82-90 : 0,26%, 90-99 :0,90%), que dans le département (90-99 : 0,47%), ou la région (90-99 :0,63%). La croissance du nombre des habitants de Gardanne a été forte entre 82 et 90 alors que celle de la zone de Peynier-Rousset-Fuveau était moyenne ; entre 90 et 99, la tendance se renverse, la croissance de Gardanne se réduit et celle de PRF s’envole5 . Globalement, cette croissance est due principalement à l’apport de la population extérieure (90% entre 75 et 82), certaines communes croissant plus rapidement que d’autres (Bouc-Bel-Air). 5 Le nombre des habitants de Cadolive, Chateauneuf, Savournin, Mimet ainsi que Rousset croit particulièrement. Pour la plupart anciennement agricoles, ces communes attirent les populations de cadre travaillant dans les zones productives environnantes. 194 Le bassin minier se caractérise par l’importance de sa population active par rapport à sa population totale (45,3% contre 43, 5% dans le département et 42,8% dans la région), par l’augmentation de cette population active (22, 5% entre 90 et 99 contre 5 ;9% pour le département et 6,2% pour la région), par un nombre de demandeurs d’emplois moindre(14% de la population active en 99, contre 19,5% pour le département et 17, 3% pour la région) même s’ils sont est augmentation. Il joue ici le rôle de médian entre la zone de Peynier-Rousset-Fuveau et Gardanne ; Gardanne a ainsi moins de population active et plus de demandeurs d’emplois alors que la zone de PRF en a plus. Par ailleurs, on observe que le bassin minier compte plus de contrats à durée déterminé que le reste du département, moins d’intérim, d’emplois aidés ou de titulaires de la fonction publique. Le nombre de jeunes est légèrement supérieur à celui que des Bouches du Rhône, et nettement supérieur à PACA mais inférieur à celui d’Aix. Il y a moins de personnes âgées qu’à Aix, ou que dans les Bouches du Rhône, ou que dans PACA. Part des moins de 30 ans Part des plus de 60 ans Bassin minier 37,93% Aix 42,62% Bouches du Rhône 37,7% PACA 35,4% 17,69% 19,58%, 21,3% 24,1% Source INSEE Lorsque l’on considère l’ensemble de la zone, on constate que Gardanne a nettement plus de jeunes que la zone de Peynier-Rousset-Fuveau et que l’ensemble de bassin minier, mais qu’il y en a moins qu’à Aix. Le nombre de personnes âgées est plus important à Gardanne que dans le bassin minier et surtout que dans la zone de Peynier-Rousset-Fuveau mais moins important qu’à Aix. La densité de Population de Gardanne (716) rejoint celle d’Aix (721) mais se différencie nettement de celle de l’ensemble du bassin minier (278) et surtout de PRF (187). Le bassin se sépare entre deux zones qui se différencient nettement, dans leur croissance, par l’âge de leur habitants. Gardanne possède une population d’âge très contrastée, beaucoup de jeunes et de personnes âgés (comme à Aix). La zone de Peynier-Rousset-Fuveau a une population en âge de travailler importante par rapport à celle du bassin minier, du département et de la région. Le bassin minier se distingue du reste de son environnement par l’importance du nombre de ses ouvriers et cadres (territoire industriel) et par ses commerçants. Par contre, ce territoire est en profondes transformations, transformations liées probablement à la fois à la reconversion industrielle et à la hausse du foncier. Le territoire abrite, de façon privilégiée une population d’ouvriers même si cette catégorie a tendance à diminuer (recul de 4 points entre 90/99). Il devient de plus en plus un lieu de résidence pour employés (+2,1), professions intermédiaires (+1,7) et cadres (+1,2). L’augmentation du prix du foncier dans les pays d’Aix a effectivement été générale, elle a modifié la composition socio-démographique de cette zone qui est devenue un lieu de résidence de catégories sociales moyennes et élevées. Mais cette augmentation a rejailli aussi sur le bassin minier qui s’est transformé en une zone d’habitation pour les classes moyennes. Ainsi, alors que le bassin était une zone d'emplois pour ses habitants, il devient peu à peu un espace productif 195 employant à la fois des résidents et des non-résidents, et un lieu d'habitation pour des salariés travaillant à la fois dans le bassin et dans ses environs. Ce changement agit sur la composition socioprofessionnelle du territoire. Ainsi, on observe effectivement qu’en 90, le bassin était majoritairement habité par des ouvriers et qu'il devient en 99 un lieu de résidence pour employés, professions intermédiaires et cadres. A contrario, une part notable des actifs du bassin travaillerait soit dans les pays d’Aix, soit dans la métropole marseillaise (CPA : 33%, MPA : 28%). Dans les entretiens effectués dans l'ensemble du bassin, le prix élevé du foncier est décrit, de façon récurrente, comme un handicap pour le développement productif : dans les PME de Gardanne, les jeunes ouvriers ou employés n’habitant plus chez leurs parents ne pourraient plus se loger à proximité de leur lieu de travail, ce qui serait une gêne pour la disponibilité demandée à ces salariés en terme d’horaire de travail ; dans les entreprises de Rousset, ces mêmes catégories auraient aussi des lieux d’habitations de plus en plus éloignées de leurs lieux de travail, dans le Var ou le haut Var considéré comme moins onéreux. Les syndicats de la zone remarquent qu’alors que, dans la période précédente, l’ouvrier lorsqu’il devenait "ouvrier professionnel" pouvait commencer d’acquérir son propre logement, cet espoir n’est plus envisageable pour les jeunes générations, ce qui changerait la configuration sociale du bassin. Ce renversement bouscule l'ensemble du territoire , ses différentes communes, qu'elles aient appartenu au système industriel ou à l'activité agricole, et leurs habitants, qu'ils aient été attirés par Aix ou par Marseille. S’il est possible de généraliser, la zone de Peynier-Rousset-Fuveau peut être décrite comme un nouveau lieu d’habitation, cependant, elle a su maintenir des paysans et est très active industriellement. Elle s’intègre facilement à la zone d’Aix, parce que les cadres sont bien représentés et sa population ouvrière est en très rapide régression. Gardanne se différencie nettement par l’importance de sa population ouvrière, des sans activités, des retraités, mais la part de ces catégories diminue dans l’ensemble tandis que celle des cadres et des employés augmente fortement. De la même façon, cinq autres communes ont connu une désagrégation prononcée de leur base ouvrière au cours des années 90, en particulier La Bouilladisse et dans une moindre mesure Meyreuil, Fuveau, Trets, Rousset (voir données Aupa). La différenciation du territoire ne semble plus se faire seulement selon des critères géographiques (le Nord du bassin a des moyens de communication qui le rapproche d'Aix, le sud de Marseille, le centre de Gardanne) ou selon les distinctions sociales (les catégories moyennes et aisées du nord sont attirées par Aix, les catégories plus «populaires » du centre et du Sud sont attirées par Marseille ou par Gardanne). 196 1 er niveau de différentiation Communes catégories moyennes et aisés 2 er niveau de Communes concernés différentiation Dominante Chateauneuf, catégories aisées Belcodène, Bouc bel air, Peynier Dominante catégories moyennes Communes « populaires » Répartition socio -professionnelle (Observations AUPA) Les 3 communes de la CPA comptent une part importante de cadres (inf à 20%) tandis que Belcodène se distingue par le fait qu’il présente sur l’ensemble du bassin minier, le taux le plus fort de professions intermédiaires (24%). Simiane, Mimet, Toutes ces communes présentent une Fuveau, La destrousse, proportion de cadres et de professions Cadolive intermédiaires légèrement au dessus de la moyenne du bassin. Les composantes ouvrières et employées s’inscrivent dans la moyenne. Avec présence Peypin, Rousset, La Pour ces communes , la présence des cadres notable des Bouilladisse, St - est faible et la composante ouvrière est classes moyennes Savournin, Meyreuil importante. Avec sous Gréasque, représentation Trets. marquée des catégories aisées. Gardanne, Dans ces 3 communes, les cadres et les professions intermédiaires sont peu présents. La proportion d’actifs ouvriers reste fort e à Gardanne et à Trets alors qu’à Gréasque, elle s’est fortement réduite du fait de la mise à la retraite des mineurs. Niveau de chômage inférieur à 10%,, de pauvreté6 inférieur à 9%, de précarité7 inférieur à 2% à part Peynier qui a un taux de chômage oscillant entre 10 et 13% A part pour Cadolive, Mimet qui se rattache « à la dominante aisée », les autres communes ont plutôt un niveau de chômage entre 10-13% de pauvreté entre 9-12%, de précarité entre 2-3% A part Meyreuil qui a un niveau de chômage entre 10-13% de pauvreté entre 9-12%, de précarité entre 2-3%, et Peypin un niveau de pauvreté entre 9-12% ? les autres communes se rattachent «à la dominante aisée ». Niveau de chômage, de pauvreté (part de la population à bas revenus), de précarité (par de la population bénéficiant du RMI) élevés pour Gardanne et Trets Sources Aupa L'ensemble des dimensions géographiques et sociales, en terme d'activités interagissent les unes avec les autres pour arriver à une nouvelle configuration du territoire . Les communes qui ne sont plus ou n'ont jamais été des zones productives et des bassins d’emplois, et qui sont restées des zones agricoles attirent les catégories «aisées » et moyennes. Être à l'écart de la dynamique urbaine et productive semble un avantage pour devenir une zone de résidence pour cadres : sont ainsi concernées les communes considérées auparavant comme isolées et qui sont dispersées sur le bassin minier au Nord et au Sud. Leurs habitants ont des mobilités professionnelles et sociales qui les conduisent soit vers Aix soit vers Marseille. Gardanne reste, pour certains d'entre eux, une ville commerciale et de services dont ils ont un usage différent de celui qu’ils ont de leur village d’habitation et des grandes villes voisines, cet avantage pourrait s'accroître. Par contre, les quatre communes qui sont encore « le premier lieu d’emploi des actifs » du bassin, Gardanne, Rousset, Trets, Gréasque ont des résidents appartenant pour leur majorité à des catégories populaires. Ils ont des mobilités professionnelles et sociales moindres par rapport à celles des habitants des autres communes, mais sont plus attirés par les zones commerciales extérieures au bassin en particulier par Plan de Campagne. L'augmentation du prix du foncier dans communes avoisinantes et dans les pays d'Aix peut entraîner encore une fois, dans les années à venir, une augmentation du bâti en faveur des populations appartenant aux catégories moyennes et un flux de nouveaux habitants. 6 7 Part de la population à bas revenus Part de la population bénéficiant du RMI. 197 Il semble que le territoire évolue maintenant entre trois zones : • Le cœur historique du bassin minier (Gardanne, Meyreuil, Mimet, Gréasque) qui s’est construit sur un lien fort entre dynamique productive et dynamique urbaine mais dont le socle productif est en déclin. • La haute vallée de l’Arc (Rousset, Fuveau, Peynier) qui est à la fois un lieu de résidence et un lieu productif mais où il y a dissociation entre les catégories résidentes et le monde du travail. • Les communes à vocation résidentielle. Dans ce paysage, la ville de Trets reste isolée même si elle tend de plus en plus à se rapprocher des communes de la haute vallée de l’Arc en accueillant des prestataires de services de la microélectronique. S’il existe une nouvelle cohérence entre l’évolution du tissu productif et les catégories socioprofessionnelles des nouveaux habitants du bassin, il n’en reste pas moins que les habitants traditionnels ont des difficultés à s’adapter aux changements du paysage productif et urbain. Les conflits d'usage du territoire La concurrence entre industriel et foncier se retrouve aussi dans les controverses autour des terrains disponibles dans les communes, en particulier ceux libérés par Charbonnages de France – CDF- à l'occasion de la fermeture des mines8 . Privilégie-t-on les terrains industriels ou les zones d’habitations ? Ces débats qui opposent les politiques, les acteurs publics, les syndicats, les habitants recouvrent ceux sur l’avenir du territoire : doit-il rester une zone productive ou devenir un lieu de résidence pour classes moyennes et développer des services aux particuliers ? Le bassin minier peut-il rester une enclave industrielle dans une région qui se tourne vers les activités de service ? La CAPA (Communauté des agglomérations du pays d’Aix) s’oriente, semble-t-il, vers le soutien aux entreprises de hautes technologies existantes tout en espérant pour l’avenir le développement accru du tourisme, des services aux particuliers, du commerce, des activités sociales qui permettrait d’augmenter le nombre d’emplois. Au contraire, la municipalité de Gardanne continue de croire et d'agir pour la pérennité du tissu de PME-PMI artisanales, industrielles et de services et lutte pour que les terrains disponibles gardent une vocation productive. Toutefois, la question centrale du Bassin minier reste le prix du foncier qui comme dans toute la région, reste un handicap pour les entreprises employant des jeunes ou des salariés de bas niveau de qualification. Alors que la dynamique productive clive le territoire entre distingue les communes du sud et du Nord de celles configuration en train d'émerger pourrait tenir compte du différenciant des grandes cités comme Marseille et Aix services plus spécifiques que ceux des villages du bassin. 8 l'Est et l'Ouest, la dynamique urbaine de l'Est et de l'Ouest. La nouvelle rôle de Gardanne comme "bourg" se et réunissant certains commerces et Notons que des débats du même type ont eu lieu il y a quelques années lorsqu'il s'est agi de vendre certains logements de salariés de Pechiney et des Houillères, les anciens résidents devaient-ils être privilégiés ou les ventes devaient-elles se faire au prix du marché ? 198 4. Les logiques d’entreprises Les logiques des entreprises du bassin minier sont liées, d'une façon ou d’une autre, aux différentes interventions de l'Etat et des acteurs publics sur la zone depuis longtemps. Même si nous choisissons dans cette partie de ne traiter que des logiques d'entreprises, celles-ci sont en interaction avec les dynamiques d'acteurs ( 7). La variété des entreprises Le bassin minier est dominé par la présence de cinq établissements de groupes industriels nationaux ou internationaux, appartenant à des secteurs différents. Ces entreprises sont à l'origine d'un réseau de fournisseurs et de sous-traitants. Parallèlement, diverses PMI-PME industrielles, artisanales, commerciales se sont implantées au cours du temps. Les emplois se répartissent majoritairement dans les entreprises ayant plus de 100 salariés (40%9 ), puis dans celles ayant entre 10 et 99 salariés (37,2%) et enfin dans celles de moins de 10 salariés (22, 8%). La zone Peynier-Rousset-Fuveau se distingue nettement de celle de Gardanne ; la première est totalement dominée par les grandes entreprises, la seconde est plus diversifiée et se répartit entre TPE individuelles, PME-PMI et grands établissements. Avec la fermeture de la mine, cette différenciation s'accroît. Répartition des emplois selon la taille des entreprises (en pourcentage et au 01/01/2002) Plus de 100 salariés Entre 10 et 100 salariés Moins de 10 salariés Source INSEE Bassin minier 40% 37, 2% 22, 8% PRF 65,9% 23,5 11,6% Gardanne 29,4% 44,1% 26,5% Les cinq établissements que nous qualifions du terme "grand" ont en fait des effectifs très variés : la Centrale thermique compte environ 240 salariés, les houillères avant la fermeture du puits Y, 550, Pechiney, 550, alors que les deux entreprises de Rousset ont respectivement environ 1200 (Atmel) et 3000 salariés (STM). Les trois premières voient leur nombre de salariés diminuer alors que les secondes, nonobstant les crises, ont des effectifs qui augmentent. Les PME-PMI se distinguent selon qu’elles sont en relation directe avec le consommateur de leurs produits/services ou qu’elles sont les producteurs d'un bien intermédiaire pour une autre entreprise. Lorsque l'on regarde le degré de spécialisation à partir du nombre de salariés, on observe une certaine dispersion entre différents secteurs : le premier secteur représenté est "la fabrication d'équipements de radio, de télévision et de communication" (le premier employeur du bassin minier est la micro-électronique), le second, "les services aux entreprises et les activités informatiques", le troisième "l'industrie lourde". Les secteurs de la "santé et de l'action sociale", de la "construction", du "commerce de détail et de la réparation d'articles domestiques" suivent rapidement. La zone Peynier-Rousset-Fuveau est évidemment spécialisée dans "la fabrication d'équipement de radio, de télévision et de communication" comme Gardanne l'est, mais d'une façon moins prégnante, dans "l'industrie lourde". Cette commune se distingue, par ailleurs, par la présence de "commerces de détail et de réparation d'articles domestiques", de "services aux entreprises », par « ses activités informatiques", de "construction". 9 Données ASSEDIC 199 Globalement, les grands établissements sont des entreprises de production : ce sont des fabricants à grande échelle de produits plutôt standardisés, peu impliqués dans les processus d’innovation industrielle. C'est le cas des producteurs d’énergie comme les Houillères et la Centrale dont les innovations techniques sur le matériel sont effectuées par le centre de recherche central au groupe Charbonnages de France situé dans la région parisienne. L'établissement Pechiney a modifié depuis quelques années sa trajectoire vers une spécification de sa production et une spécialisation autour des métiers de l’alumine : il ne produisait jusqu'à il y a une dizaine d'années que de l'alumine métallurgique nécessaire à la fabrication d'aluminium (clientèle interne au groupe) ; il a reconverti depuis une partie de sa production vers des alumines techniques utilisées par différents clients extérieurs au groupe ; il abrite, par ailleurs, une unité d'ingénierie qui travaille essentiellement pour les installations de nouvelles usines d'alumines à l'étranger et un centre de recherche spécialisé, localisé à Gardanne mais aussi dans l'ensemble du groupe. L'établissement STM était à l'origine dédié à la seule fabrication de puces en grandes séries ; il s'est doté, depuis, d'importants services techniques chargés du design, de la spécification de certains produits en fonction de la demande etc… , cette nouvelle orientation est une stratégie qui doit permettre au site de résister à la concurrence interne et externe au groupe. L'usine Atmel (ES2) est un essaimage d'Eurotechnique (actuellement STM) qui avait lors de sa création comme vocation de devenir le spécialiste des produits ASIC, c'est-à-dire que son créneau était très spécifique à ce type de prototype, que sa production était «de petites séries » et effectuée pour une clientèle limitée et identifiée. En fait rapidement, en raison du coût des installations, l'établissement est revenu à des produits plus standards, sur des grandes séries. Il est ainsi devenu un concurrent de STM. Les prestataires de produits/services sont principalement regroupés autour de Gardanne et sur la zone de Peynier/Rousset/Fuveau. Ils peuvent d'abord être distingués selon qu’ils sont des filiales de groupes ou qu'ils sont "indépendants". Les premiers ont un poids de plus en plus important sur le territoire au détriment des seconds qui résistent mal aux aléas de conjoncture. Ils peuvent, ensuite, être différenciés selon le type de produits/services qu'ils proposent à leur clientèle : les unités assurant le fonctionnement et l'entretien courant du site, les intervenants lors de travaux, les fournisseurs de matériels spécifiques ou d'énergie qui assurent de façon permanente l'entretien et le suivi des matériaux fournis ou des installations relatives à cette fourniture, les unités qui prennent en charge une partie d’un processus de production très spécialisée…. Globalement, dans tous les « grands » établissements industriels du site, la soustraitance est "de technicité" ou "de spécialité". En effet, la stratégie de ces grands établissements est, depuis de nombreuses années, d’une part, de concentrer leurs ressources sur le "cœur" de leur métier et d’autre part, de déléguer les activités qui nécessitent d'autres compétences à des entreprises de service. Les entreprises sous-traitantes proposent donc, de plus en plus souvent, à la fois la fourniture d'un produit (un repas, des produits chimiques, un robot…) et leur entretien et leur maintenance. La plupart de ces fournisseurs/prestataires effectuent de la sous-traitance interne (la prestation sous-traitée est accomplie dans les locaux du donneur d'ordre), mais certains sont plutôt aussi orienté sur la sous-traitance externe (la prestation est effectuée hors des locaux du donneur d'ordre). Globalement, on peut dire que la sous-traitance du bassin minier est plutôt de type horizontal ("en râteau") ou mixte (à la fois sous-traitance horizontale et sous-traitance verticale dite en "cascade"). Les prestations très spécialisées sont plutôt le fait de PMI-PME indépendantes, celles plus génériques, le fait de filiales de grands groupes. Cependant, la déstabilisation actuelle du territoire redonne un avantage aux filiales qui ont une offre de plus en plus spécifique et une meilleure capacité à s'adapter aux fluctuations et à la diversité de la 200 demande. Si certaines de ces filiales interviennent sur l'ensemble du bassin minier, d'autres sont plus liées à un secteur : ainsi, les PME-PMI qui étaient précédemment liées de façon souvent exclusive à un donneur d'ordre cherchent à se diversifier. Ce mouvement a commencé à se développer, depuis quelques années, autour de Gardanne (dès les rumeurs de fermeture de la mine) avec des succès variés, il s'amorce sur la zone de Peynier:Rousset. La fragilité des grands établissements industriels interagit avec les prestataires de fournitures/services et, sans nouvelles implantations industrielles sur le bassin minier, ces derniers sont obligés de s'ouvrir sur une nouvelle clientèle au sein du département (l'étang de Berre, la métropole marseillaise, Cadarache), de la région ou plus largement encore. Les prestataires appartenant à la mouvance de la micro-électronique, qui ont plus souffert ces dernières années que ceux de Gardanne, sont aussi plus aptes à utiliser les outils de diversification mis en place par les pouvoirs publics locaux. Les PMI-PME que nous qualifions d’« indépendantes » par rapport à celles qui sont soustraitantes, sont réparties sur l'ensemble du territoire, Gardanne, Meyreuil, Gréasque, Fuveau, Trets, Rousset, Peynier…principalement. A part quelques PME de secteurs très divers (Agroalimentaire, textile, cimenterie…), ces sociétés offrent des produits et des services aux particuliers ou aux collectivités: ce sont des commerces de détails ou appartenant à la grande distribution, des entreprises de bâtiment et de construction, des établissements socio-sanitaires… Elles ne sont pas liées à l'activité industrielle du bassin minier mais à la présence de résidents. Elles ne participent donc que peu à la déstabilisation du territoire (la mise à la retraite anticipée des mineurs ne diminue que faiblement leur pouvoir d'achat, par contre leur inactivité forcée augmente, selon certains petits entrepreneurs du bassin, leur propension à rendre des services "au noir" ; ce qui constituerait une nouvelle concurrence pour les TPE artisanales). Elles constituent, au contraire, le socle pérenne de l'activité économique du bassin. Par ailleurs, les aides accordées par la cellule de reconversion de la mine ont été à l'origine de la création ou de l'installation de TPE sur des segments d'activité divers, informatiques, matériels spécialisés etc… Comme s'est assez souvent le cas, la durée de vie de ces entreprises est souvent courte. Les stratégies des entreprises Selon le type de capitaux qui les détient, selon leur origine, leur secteur…les entreprises de la zone ont des stratégies différentes. Ces politiques, soit activent la concurrence entre les firmes, soit créent une synergie sur le territoire, soit sont en contradiction entre elles, provoquant tensions où conflits. Les établissements des grands groupes financiers suivaient jusqu'il y a une dizaine d'années des logiques industrielles qui privilégiaient les investissements de long terme. Depuis, certains d’entre eux se sont fait racheter ou ont fusionné avec des groupes multinationaux, d'autres sont en cours de rachat. Les nouveaux propriétaires sont des actionnaires qui exigent une rendement rapide des capitaux qu'ils ont investis (fonds de pension etc…), imposant aux directions des groupes un haut niveau de rentabilité (Vercellone 2003). Les marchés de ces entreprises sont mondiaux dans des activités où la concurrence est forte. La nécessité que ces firmes ont de réaliser des bénéfices à court terme, la fragilité des marchés et la concurrence les incitent, d’une part, à diminuer leurs coûts de production, d’autre part, à construire un appareil de production flexible et adaptable aux fluctuations de la conjoncture et des marchés. Alors que dans les périodes précédentes, ces entreprises s'étaient construit des réseaux de fournisseurs et de soustraitants qui leur étaient exclusifs, aujourd'hui elles font jouer, entre les prestataires de 201 produits/services, la concurrence par les coûts. Alors qu'elles privilégiaient les relations de proximité avec eux, elles préfèrent aujourd'hui le meilleur prix. Ainsi, selon les périodes (crise ou embellie), les firmes jouent de la complémentarité/concurrence entre recours à la prestation de produits/services et/ou politiques d'emploi ( Durand 2004 ; Lanciano-Morandat 2004). Elles externalisent certaines activités, puis les internalisent afin d'éviter des licenciements, en faisant appel à de la main d'œuvre précaire ou en la supprimant. Ces mouvements déstabilisent les fournisseurs, les entreprises de sous-traitance et le marché du travail local. Parallèlement, les investissements de R/D ont tendance à se tasser et ces grands établissements diminuent en tendance leurs engagements dans les relations Science-Industrie. Si les objectifs de ces grands établissements sont les mêmes : diminution des coûts, flexibilité de l'appareil productif, ils n'utilisent pas les mêmes outils lorsqu'ils sont confrontés à une crise, ni les mêmes temporalités pour arriver à leurs fins. La direction de la Centrale thermique, pour se préparer à la privatisation a, sous la conduite de son acheteur, tenté de diminuer brutalement ses coûts pour rejoindre le standard européen. Pour ce faire, elle a réduit au maximum une soustraitance installée depuis des années sur son site de production en endogénéisant leurs activités et en diminuant ainsi le nombre des licenciements requis. Cette stratégie directe a provoqué des mouvements de personnel (solidarité entre les salariés du donneur d'ordre et de la sous-traitance) qui l'ont obligé à reculer. Pechiney a renégocié, en l’étalant dans le temps, ses contrats de prestations de service, les gérant de façon sourcilleuse tout en développant son appareillage commercial : bureaux, recrutement de commerciaux etc. Atmel semble avoir agi plus rapidement, elle a réexaminé toutes ses relations industrielles en privilégiant systématiquement le « moins coûtant ». Elle a provoqué par-là même le départ ou la fermeture d'entreprises sur le pôle Peynier-Rousset-Fuveau et l'installation de nouveaux prestataires de produits/ services. Elle a procédé pareillement pour flexibiliser son potentiel d’emplois : licenciements accompagnés, suivis de recrutements dès que la conjoncture s'améliore. STM a eu une stratégie plus diversifiée, agissant à la fois en interne et en externe : elle a diminué d'abord de façon drastique ses coûts et frais de production, elle a distingué les activités "internalisables" de celles qu’il lui coûterait trop cher de réaliser en interne où qui étaient trop éloignées de son cœur de compétences. Alors qu’au début des années 2000, elle a employé beaucoup de CDD, elle recourt maintenant plutôt à l'intérim. Les groupes de prestations de service se sont implantés dans la région à la faveur du développement industriel de l'étang de Berre. A partir de leurs implantations dans cet environnement (« leurs bases »), ils ont la capacité de se redéployer, en tant que de besoin, en créant ou en fermant des antennes à proximité de l'un de leurs clients dans le département. Les établissements de l’ « industrie lourde » ont jusqu'à présent été parmi les entreprises de la zone, ceux qui utilisaient le plus ces prestataires de services "génériques" ; la présence de «leur sous-traitant » dans leur environnement proche restait alors un avantage dans la mesure où elle permettait de réduire l’importance de l’outillage et le nombre de travailleurs du prestataire sur leur site. En effet, alors qu'ils employaient dans les années 60 des PMI-PME gardannnaises, spécialisées sur un métier, et avec lesquelles ils étaient liés par des « contrats d'obligation de moyens », ils se sont tournés, depuis quelques années, vers les filiales des grands groupes pour se réorganiser autour de « contrats d'obligation de résultats ». Ces nouvelles pratiques ont permis aux grands établissements de Gardanne de se réorganiser en interne, aux filiales prestataires de développer leurs marchés et de s'implanter sur le bassin minier. 202 Dans la zone de Rousset, les filiales des groupes de prestations de services sont plus spécialisées. Selon leur type de métiers, elles peuvent ou non être en concurrence avec les PMI-PME locales issues des essaimages de la micro-électronique. Ainsi, celles qui sont dans des métiers proches de celui de la micro-électronique (services informatiques spécialisés, construction d'outils pour la micro-électronique, recyclage de silicium…) sont en compétition avec les PME-PMI de al zone tandis que celles qui offrent des produits/services "d'accompagnement" à la production de puces (stockage des fluides, nettoyage industrielle….) ne le sont pas. Toutefois, on observe que si, à la période précédente, les prestataires de produits/services avaient un avantage concurrentiel à s'installer à proximité de leur donneur d'ordre, cela n'est plus le cas pour les sous-traitants de la micro-électronique qui sont introduits dans le métier ; en effet, le transport des puces, comme des circuits informatiques ne semblent plus entraîner des sur-coûts. Cette nouvelle donnée est un atout supplémentaire pour les filiales dans leur compétition avec les PMI-PME locales : les premières peuvent supprimer leur implantation locale en continuant de travailler avec les établissements de la zone, mais, a contrario, les PMI-PME ont du mal à trouver une clientèle audelà de la région. Par ailleurs, si l'on constate que les filiales "génériques" utilisent de la sous-traitance en cascade pour s'adapter à la demande des donneurs d'ordre, cette pratique est peu utilisée dans la prestation de produits/services spécialisée où la flexibilité est plutôt réalisée par le recours à de la main d'œuvre précaire. Les entreprises d'intérim, que nous considérons ici comme des prestataires de main d'œuvre, ont globalement, en tant que filiales de groupe, la même stratégie que les autres filiales sur le territoire. Mais, en tant pourvoyeur de travailleurs, la proximité avec le client reste essentielle, elles ont donc implanté des filiales aux environs des lieux éventuels d'embauche. Face aux incertitudes des marchés des établissements industriels et à la concurrence des groupes de prestations de services, les PME-PMI locales de prestations de produits/services adoptent des logiques de survie : elles diversifient leur clientèle (vers plusieurs clients appartenant à différents secteurs, vers un espace géographique plus large) et leur activité, tout en restant centrées sur leur métier ou leur spécialité. Une de leurs stratégies, rencontrées aussi bien dans la zone de Gardanne que dans celle de Peynier-Rousset-Fuveau, est de compléter l’activité première de la firme en devenant concessionnaire de machines industrielles dans le secteur de sa spécialité. La vente, l'entretien de ce matériel devient vite une activité régulière, gage de la pérennité de l'entreprise, mais elle peut être aussi un moyen de conquérir de nouveaux clients. Ces entreprises, pour s'adapter aux fluctuations de la demande, privilégient le recours à une flexibilité des horaires de travail. En cas de grave crise, elles ne pratiquent pas la sous-traitance « en cascade » mais elles préfèrent licencier leur personnel permanent pour le remplacer des contrats de travail à durée limitée ou par de l’intérim. Par le biais des associations professionnelles, certaines d’entre elles coopèrent avec le système d’enseignement supérieur et de recherche pour bénéficier à la fois de capacités d’innovation, de compétences renouvelées et des financements publics afférents à ce type de relations. Les stratégies des PME-PMI non liées aux établissements industriels sont aussi variées qu'ils le sont eux-mêmes. Les firmes dont l'activité est la fabrication et la commercialisation d'un produit, sont implantées sur le bassin minier en raison, soit de leur histoire ou de celle de leurs dirigeants, soit de l'attraction que le territoire exerce sur elles (les zones industrielles, les aides liées à la fermeture de la mine….). Leur clientèle est relativement stable, plus large que celle du bassin minier, le plus souvent régionale. Les entreprises spécialisées dans le commerce, le bâtiment, les 203 services aux particuliers, en particulier dans le domaine de la santé, bénéficient de l'augmentation du nombre des résidents et cherchent à s'adapter à la nouvelle population de cadres moyens. Elles profitent aussi globalement de leur proximité avec les collectivités locales et de leur soutien. Les nouvelles entreprises implantées pour renouveler le territoire, ont ciblé une clientèle qui va audelà du bassin minier. Dans la période qui débute où l’obtention d’aide sera plus difficile, elles devront démontrer la viabilité de leur entreprise. 5. Les liens entre le tissu productif et le territoire L'activité industrielle a été à la base à la fois du tissu productif et du territoire. Mais de la même façon que les liens tissu productif/territoire se sont construits autour de l’extraction de lignite, ils peuvent se défaire au moment où la mine ferme. Aussi, des éléments négatifs comme positifs peuvent être avancés quant à l’avenir de ces liens. La construction historique de ces liens : de la communauté villageoise à la communauté de métier L’activité minière a, de tout temps, rythmé la vie du territoire. Avant que le lignite ne soit extrait pour être vendue comme source d'énergie, les propriétaires agricoles, les métayers, les ouvriers agricoles… prélevaient du lignite des couches les plus superficiels (le lignite affleurait sur le sol) pour leur usage domestique. Cette activité était saisonnière et complémentaire des travaux des champs. Pour les ouvriers, elle pouvait être un travail requis par le patron ou une tâche réalisée pour leur propre compte. Rapidement, le lignite a été commercialisé à des cimenteries, briqueteries… implantées localement. Il était extrait par des équipes exploitant des portions de veines pour le compte d'un négociant marseillais. L'organisation en "bande", en équipe, reposait sur la force des liens familiaux existant entre le responsable de l'équipe et les mineurs qu’il employait (Cornu 1975). Ainsi, il existait fin XVIII, début XIX siècle, 51 "descenderies", qui pouvaient être exploitées par plusieurs bandes, dans les différents villages du bassin minier. Le travail de la mine était ainsi enchâssé d’abord dans chaque famille et puis dans chaque communauté villageoise. La loi de 1791 met les substances minérales sous le contrôle de la nation et distingue l’exploitation des sols de celle des sous-sols. Conformément à ses nouvelles responsabilités et pour gérer de façon plus rationnelle la source d'énergie qu'est le charbon, le gouvernement de Napoléon 1er institue le régime des concessions (perpétuelles ou temporaires). Ce contrôle de l'Etat va aboutir à une certaine rationalisation de l'extraction et à sa modernisation. Le nombre de concessions accordées est alors de 24, il ne sera plus que de 3 en 1935. Les effectifs de ces entreprises passent de 3000 en 1935 à 6200 à la Libération. Si le nombre des entreprises a diminué et le nombre de travailleurs a augmenté, le nombre d'unités d'exploitation est, alors, resté quasiment stable ; de ce fait, le lien tissu productif/village, l’ « enchâssement » du travail minier dans la famille et dans le village n’ont pas remis en cause. Chaque village avait un puits, un atelier de traitement du charbon, des ateliers-entreprises juridiquement indépendants de la concession et qui vivaient de ou à côté de cette activité. Les habitants de la commune étaient employés sur place, ils travaillaient selon leur sexe, leur âge, leur force physique dans l’une ou l’autre de ces unités. Les concessions avaient calqué leur organisation du travail sur celui de la période antérieure, c'est-à-dire qu'elles avaient laissé le processus d'extraction, le recrutement et la gestion de la main d'œuvre au contremaître, ex-chef de bande, qui bénéficiaient d’une 204 « position » dans le village. La hiérarchie familiale était utilisée comme support de la subordination dans l’organisation productive. La famille d’abord, puis la communauté des gens de la mine, toutes deux ancrées sur le territoire sont, donc, toujours intervenues dans le régime minier. Les concessions ont, dès l’origine, utilisé la famille, la communauté, l’insertion sur le territoire pour fidéliser la main d’œuvre dont elles avaient besoin. D’abord en confortant le pouvoir du père de famille à partir de son rôle d’intermédiaire entre l’entreprise et les autres employés de la mine. Ensuite, en ayant un politique active de logements autour des villages ou grâce à la création de « cités minières » (Murard, Zylberman, 1976) comme Biver ou Thubet : chaque travailleur était logé et disposait d’un lopin de terre lui permettant de produire une partie des légumes et fruits consommés, de "bricoler" pour compléter son salaire. Enfin, en encourageant la solidarité au sein de la communauté par l’incitation à la création des caisses de secours en cas d’accident ou de maladie, à la construction d’écoles (catholiques) et d’église, de coopératives d’achats ….. Ce « salaire social » lié à la terre et au collectif villageois a contribué à renforcer encore le lien matériel entre le mineur et le territoire. La communauté des gens de la mine était alors une « communauté des villages ». L’établissement Pechiney a, comme les concessions, utilisé à cette époque le même type de politique paternaliste (recrutement à partir de la famille, hiérarchie familiale transplantée dans l’atelier, logement des ouvriers, écoles, comité d’entraide…) pour capter et discipliner sa main d’œuvre. Il s’est ainsi constitué, dans la commune de Gardanne, les premières communautés de métiers distincts, la « communauté minière » et celle de Pechiney. Les premiers conflits, nés autour des accidents, ou des licenciements dans un puits, ou dans un atelier autour d'un village, ou de la fermeture d’un site, ont renforcé la communauté villageoise. Ainsi, lorsque les premiers syndicats s’organisent, ils le font autour d’une concession mais souvent aussi autour d’un village. Ainsi, rapidement, dès les années 35, on observe la création de solidarités ou l’organisation de manifestations ou de revendications communes entre les ouvriers de Pechiney et les mineurs. Se constitue ainsi une classe ouvrière gardannaise qui devient bientôt pour les habitants de la région emblématique du bassin minier. Ce mouvement de constitution d’un tissu industriel, de communautés de village et de métier, et d’une classe ouvrière, est corrélative d’une première scission du territoire : d’une part, les villages ayant des puits de mine et une activité industrielle, des habitants, mineurs ou ouvriers, d’autre part, les villages comme Rousset ou Trets, dont l’activité d’extraction de lignite a été de très courte durée qui sont retournés à leur vocation agricole première, leurs résidents étant propriétaires, métayers ou ouvriers agricoles. Les communes industrielles sont ainsi regroupées au Sud-Ouest et les communes agricoles au Nord-Est. La constitution du groupe Charbonnages de France (CDF) en 1945 a été à l’origine, par sa politique de rationalisation, d’une part, d’une nouvelle rupture entre un certain nombre de villages miniers et l’activité industrielle et, d’autre part, de l’émergence du pôle GardanneMeyreuil. Certains villages ont, en effet, vu leurs puits de descente fermés, ce qui a contribué ainsi à la diminution de leur activité productive et à la fin du lien entre lieu de vie/lieu d’emploi (les ateliers des houillères ferment, les mineurs sont transportés en car vers les puits de descente restés en activité, les ateliers-entreprises ont des difficultés à poursuivre leurs activités). A cette rationalisation s’est ajoutée la construction de la Centrale thermique, puis l’installation du siège des Houillères de Provence à Meyreuil, ce qui a renforcé le pôle gardannais par rapport aux 205 autres communes minières. La nationalisation et la réglementation du travail ont, par ailleurs, contribué à remettre en cause, au moins formellement, le poids du chef de famille dans l’obtention d’un emploi sur le territoire. Le statut du mineur comme la convention collective de la chimie pour Pechiney ont institué des règles d’embauches et de carrières négociées avec les syndicats, donnant à ces derniers, un rôle de représentant des travailleurs. La montée de cet acteur collectif –les syndicats-, en particulier, dans la mine, a contribué à rassembler le bassin minier et sa classe ouvrière autour de la ville de Gardanne. Cette ville-usine a commencé, ainsi, de construire sa position dans l’industrie lourde en s’appropriant la représentation symbolique des travailleurs. La remise en cause du chef de bande/père de famille, de l’enchâssement du travail dans la famille vont de pair avec le fait que les femmes de mineurs sont de moins en moins employées par les houillères : l’installation à Aix de l’usine Thomson10 en 1961 devient pour elles un débouché dans la mesure où leur habilité manuelle est appréciée dans cet établissement spécialisé dans les semi-conducteurs à base de silicium. Petit à petit, les « communautés de métiers » se substituent aux « communautés de villages » et l’activité industrielle, la classe ouvrière se regroupent réellement ou symboliquement autour de Gardanne. Le long processus de reconversion de la mine renforce le territoire «bassin minier » Dans les années 1970, alors que le lien tissu productif /territoire se distendait au profit d’une centration sur Gardanne/Meyreuil, Charbonnages de France, en prenant appui sur le « bassin minier » pour reconvertir des mineurs puis le tissu industriel, a redonné une chance à ce territoire. Le groupe nationalisé a, en effet en 1960, en échange de l’embauche de certains de ses salariés après des licenciements économiques, accordé à trois entreprises des terrains viabilisés à Rousset. Les aménagements réalisés à cette époque ont été à l’origine de la création de l’actuelle Zone Industrielle. Dans la dynamique du plan « Composants », des entreprises de micro-électronique s’y sont installées, un certain nombre de conditions nécessaires à ce type de production étant réunies sur la zone: le terrain était plat, les ressources en eau étaient disponibles, les aménités régionales permettaient d’attirer de la main d’œuvre de haut niveau, la présence d’un premier terreau d’entreprises de micro-électronique et des unités de recherche académiques dans la région permettaient d’espérer d ‘en des développements futurs … Ces « avantages » n’étaient pas une spécificité du territoire, d’autres sites pouvaient aussi être choisis pour constituer un pôle de haute technologie. Cependant, l’un des atouts de Rousset était de faire partie du « bassin minier » et ainsi de pouvoir bénéficier des aides diverses accordées par l’Etat et par l’ensemble des acteurs publics à un territoire classé d’abord comme étant en récession, puis en reconversion. En s’installant, ces établissements ont été à l’origine d’un tissu local de sous-traitants qui ont euxmêmes contribué à la richesse globale du territoire. Le lien entre territoire et tissu productif s’est alors renforcé, redonnant une place au pôle Peynier-Rousset-Fuveau par rapport à celui de Gardanne. La fermeture de la mine n’a été explicitement décidée que dans les années 1993-1994, mais depuis le début des années 60 et après la période glorieuse d’après-guerre où le charbon était promu comme ressource essentielle à la reconstruction nationale, les plans d’adaptation et de 10 qui appartiendra par la suite à Thomson CSF puis deviendra la SESCOSEM . 206 récession des charbonnages11 se succèdent dans des contextes sociaux difficiles. Entre les années 70 à 90, différentes politiques charbonnières alternent, se contredisant l’une par rapport à l’autre, selon la situation économique (les chocs pétroliers) et les gouvernements. Ces atermoiements, s’ils déstabilisent les salariés et la population de Gardanne/Meyreuil, ne remettent pas en cause le choix de la direction des houillères de continuer à moderniser l’appareil productif ; elle prend même la décision de creuser en 1982 le puits Y (il sera exploité à partir de 89 et c’est celui qui a fermé en février 2003). En 1986, les recrutements cessent et est créée au sein du groupe de CDF, une cellule de reconversion: il s’agissait alors pour le groupe, sans annoncer explicitement une éventuelle fermeture de la mine, d’inciter grâce à des aides financières à la création ou à l’installation d’entreprises sur une zone élargie à Aix et à Luynes12 . Ces aides étaient données sans contrepartie en terme d’emplois, mais la seule annonce des postes offerts par les entreprises aidées devait sensibiliser les mineurs à une éventuelle mobilité. A partir de 1993, la politique de fermeture des puits d’extraction de charbon est arrêtée et ses conditions clairement explicitées : la fermeture du puits de Gardanne est prévue pour 2005, les salariés des houillères bénéficieront de mesures d’âge leur permettant de prendre leurs retraites de façon anticipée et avantageuse (le plan charbonnier dit « plan Longuet » est signé par les syndicats à l’exception de la CGT), des mesures de ré-industrialisation du bassin sont mises en œuvre. Les mises à la retraite anticipée sont considérées comme « un règlement social » et définitif des problèmes des mineurs encore en activité à la fermeture13 . Sont, par ailleurs, clairement dissociées les mesures de reconversion du tissu productif et la situation des habitants du bassin minier, en particulier celle des jeunes, c’est-à-dire de ceux qui auraient pu être les futurs salariés de la mine. La ré-industrialisation est confiée à la «Mission pour le développement économique du Bassin Minier de Provence » qui poursuit le travail de la cellule de reconversion de Charbonnages de France, mais avec la collaboration des services déconcentrés du ministère de l’industrie et du ministère de l’emploi, du travail et de la formation professionnelle, avec ceux de la Région et du département et grâce à des crédits européens, nationaux et locaux. Cette mission aide les entreprises dans la mesure où ces dernières créent des emplois sur la zone : ainsi, les subventions accordées, depuis 85, ont permis la création effective de 5600 emplois au 31/12/200114 , essentiellement sur le pôle Peynier-Rousset-Fuveau. Corrélativement, conscients des difficultés de mobilités entre Gardanne et Rousset15 , les services déconcentrés de l’emploi et ceux de l’Education nationale réunissent autour d’eux les entreprises, les municipalités, les associations professionnelles.. dans le but de faire en sorte que les résidents bénéficient des emplois créés sur le bassin minier. Des réunions périodiques entre ces différents acteurs sont 11 Dans cet environnement national, la production provençale est moins remise en cause que celle du Nord et du Pas de Calais en raison de l’épaisseur de ces tailles et de la possible mo dernisation de son procédé d’extraction. Toutefois, elle montre tous les signes du déclin: si 6 puits étaient en service en 1946, en 1961, il n’en restait que deux (Biver et Meyreuil) ; en 1946, les mineurs étaient 6182, en 1963, 3000, en 1970, 2400… 12 Les entreprises de la micro-électronique bénéficient de ces aides. 13 Un accord signé par l’ensemble des syndicats à l’exception de la CGT permettra aux mineurs ayant 42 ans et 22 ans d’ancienneté de partir avec 87% de leur salaire (« Dépense préalable d’activité », DPA) alors que le plan Longuet prévoit proposait une DPA avec départ à 45 ans et 25 ans d’ancienneté. 14 Les chiffres communiqués par la mission de CDF montrent que 7636 emplois ont été crées mais que 2051 l’ont été sur Aix ou Aix les Milles. On note que les communes bénéficiaires dans le bassin minier de ces emplois sont d’abord celles du pôle PRF(84%), puis Bouc Bel Air (8,2%), Gardanne-Meyreuil (4,8%), le reste du bassin (3%). Dans ces chiffres, il est tenu compte des cessations d’activité, des déménagements…connus. 15 Les problèmes de l’entreprise SESCOSEM d’Aix, puis sa fermeture n’ont que peu donné lieu à des mobilités de personnel vers Rousset. 207 organisées pour élaborer des stratégies, des plans d’actions et pour assurer leur suivi. Aucun avantage explicite n’est accordé aux entreprises mais, d’une part, sont mis en place des formations permettant aux jeunes d’être directement « employables » par la micro-électronique et, d’autre part, l’administration prête assistance aux firmes qui le désirent dans leur processus de recrutement et informe les habitants des emplois à pourvoir et des compétences demandées. Malgré un certain nombre d’aléas, ces dispositifs ont contribué, au-delà de l’image négative que certains ont pu avoir des jeunes de Gardanne, à ce que l’embauche des opérateurs des entreprises de micro soit très majoritairement réalisée au sein du bassin minier (pas forcément Gardanne mais l’ensemble des villages du bassin). Ces dispositifs ont ainsi contribué à renforcer le lien tissu productif-territoire, même si c’est en confortant le pôle Peynier-Rousset-Fuveau au détriment de celui de Gardanne-Meyreuil. L’installation d’une Ecole des Mines spécialisée dans la micro-électronique à Gardanne pourrait aussi être un facteur de cohésion du bassin minier. Les projets de sa direction sont de proposer des formations d’ingénieurs spécialisés en micro-électronique,( en effet, les entreprises ont pour le moment tendance à recruter des ingénieurs généralistes) mais aussi d’être un terreau des relations science-industrie et ainsi, de contribuer à l’innovation dans les entreprises. Le symbole de construire à Gardanne une école des mines pour le tissu des hautes technologies de Rousset, est fort d’espérance pour le territoire. L’activation de la mobilité professionnelle entre la ville de Gardanne, qui perd des emplois, et le pôle de Rousset, qui en crée, est un des enjeux des politiques des acteurs publics locaux depuis longtemps. Il est difficile de mesurer avec exactitude les flux des salariés originaires de Gardanne et employés à Rousset : d’une part, les dispositifs publics ont privilégié les jeunes issus du bassin minier, d’autre part, les entreprises, de façon différenciée, ont embauché des jeunes de la région. Un des obstacles au recrutement systématique des résidents du bassin minier et de Gardanne est que, de tout temps, les directions des établissements de micro-électronique ont craint de voir la combativité des ouvriers de Gardanne s’étendre à Rousset16 . Leurs précautions n’ont pas empêché que se créent dans leurs unités industrielles des sections syndicales qui sont devenues de plus en plus revendicatives au fil des crises conjoncturelles du secteur. Toutefois, la constitution des syndicats de salariés sur la base du bassin minier a aussi contribué aux échanges et aux solidarités entre Gardanne et Rousset et a renforcé le lien tissu productif-territoire. De même, les associations d’entrepreneurs comme GIHVA (Groupement des industriels de la Haute Vallée de l’Arc ) ou le CREMSI (Centre Régional d'Etude de Microélectronique sur le Silicium), dont l’influence couvre une grande partie du bassin minier contribuent aussi à cette cohésion. Les conflits autour des liens tissu-productif/territoire Si certaines politiques ont tenté de renforcer les liens tissu productif-territoire, plusieurs événements et pratiques ont actuellement pour conséquence une certaine dilution de ces liens : La politique de Charbonnages de France, puis des acteurs publics a consisté à ré-industrialiser le territoire et à privilégier les créations et les installations d’entreprises, l’implantation des nouvelles technologies sans tenir compte ni des savoirs et des savoir-faire accumulés par l’industrie lourde, ni des qualifications de ses salariés, ni d’une possible mobilité des 16 C’est une des raisons qui ont fait qu’ils étaient hésitants à employer les femmes de mineurs travaillant à la SESCOSEM d’Aix et les jeunes de Gardanne. 208 travailleurs…. Elle est à l’origine d’une cassure entre un territoire lié à l’ancien système productif et une nouvelle dynamique productive qui n’a pas de lien spécifique, à part les subventions, avec ce territoire. • Parmi les arguments des directions des établissements de la micro-électronique pour plaider, vis-à-vis de leurs directions de holdings et de leurs actionnaires, le maintien des installations industrielles à Rousset, se trouvent la compréhension des acteurs publics des problèmes du secteur et la persistance des aides publiques. Or, la fin de l’activité minière a comme conséquence la fin des subventions induites par la reconversion du bassin. Ainsi, le maintien de ces subventions ou d’exonérations fiscales, la participation aux investissements lourds, le développement des relations science-industrie deviennent, de plus en plus, une contrepartie de la stabilisation de l’entreprise sur la zone, de son extension, de ses emplois. Les acteurs publics locaux sont sensibles à ces pressions au risque de se voir reprocher des distorsions aux règles de la concurrence. • Si les grands établissements ont contribué à développer sur le territoire un tissu de soustraitants, la récession des activités de l’industrie lourde et les crises de la micro-électronique, comme nous l’avons vu, ont une répercussion forte sur ces derniers et sur le lien qu’ils entretiennent avec le territoire : les grandes entreprises ont une politique de flexibilisation de leur dispositif productif qui les conduit à alterner des phases où elles externalisent une partie de leur activité et des phases où elles internalisent : cette stratégie contrecarre directement l’activité des prestataires de services et peut les amener à déménager ou à se diversifier auprès d’une clientèle hors territoire. Par ailleurs, les grands établissements privilégient de plus en plus le coût de la prestation, ce qui, d’une part, amoindri l’avantage de la proximité donné à la période précédente, d’autre part, favorise les grandes entreprises de sous-traitance localisées à l’extérieur du bassin. Le lien jadis fort entre le tissu productif et le territoire est en train de s’amoindrir malgré les efforts des acteurs publics. Une chose est de savoir quel est l’avenir du bassin minier en tant que territoire, une autre chose est le lien entre le nouveau territoire quel que soit son périmètre et le tissu productif à venir. Si la cohérence/cohésion entre ces deux derniers n’est pas prouvée, il n’y pas de raison pour que les entreprises de micro-électronique restent implantées sur le bassin minier. Celui-ci risque alors de devoir amorcer une nouvelle transition plus rapidement que prévu. 6. Quelles transitions du marché du travail ?17 Le bassin minier a été l’objet, déjà, de multiples transitions. Du marchandage à la construction de marchés internes Comme nous l’avons vu, l’extraction du lignite a commencé par être une activité saisonnière complémentaire du travail agricole. Puis, lorsque ce minerai a été commercialisé, les propriétaires 17 Cette partie du rapport reprend certains éléments d’une contribution à un colloque : C Lanciano-Morandat « Les mutations de l’organisation productive du bassin minier de Provence :prestations de services et marchés du travail ». 209 marseillais des exploitations ont sous-traité le travail d’extraction de lignite à un mineur qui assure sa production, son transport et sa vente (Cornu 1975). Le mineur se voit accorder « un chantier » en contrepartie de quoi il reçoit une certaine somme d’argent avec laquelle il paie son équipe de travail (autour de 10 personnes), le matériel nécessaire à l’extraction, le transport du charbon. Il était responsable du recrutement, de sa rémunération de son équipe, de sa « bande ». Ce dispositif de production que l'on peut qualifier de "marchandage"18 était supporté par la famille plus ou moins élargie du mineur, chef de bande (ce que nous avons appelé l’enchâssement du travail dans la famille). Dès le XVIIIème siècle, les concessions privées d’extraction de charbon19 ont organisé leur production et leur hiérarchie à partir du système antérieur basé sur la « bande » et le marchandage. Elles ont distingué le marché du travail des permanents de celui des précaires: ainsi, elles employaient des mineurs pour le travail au fond à titre permanent et des saisonniers pour le travail de jour (tri, lavage..). Ces derniers, soit étaient embauchés localement au sein de la famille du mineur (enfants, femmes…), les petits garçons ayant vocation à devenir les futurs mineurs permanents, soit appartenaient à la main d’œuvre immigrée, recrutée directement dans les pays d’origine. L’établissement Pechiney, qui avait comme fournisseur les concessions, mais qui était aussi en concurrence avec elles dans la captation d’une main d’œuvre industrielle rare, a, dès son installation, tenté de construire un marché interne, mais face aux aléas du marché de l’alumine, il a privilégié le recours au marché du travail externe, c’est-à-dire qu’il a procédé selon ses besoins et de façon instantanée par successions de recrutements et de licenciements (voir par la fermeture momentanée du site). Le marché du travail se caractérisait ainsi par une juxtaposition entre de multiples marchés internes locaux(villages), un volant de travailleurs précaires et quelques salariés agricoles. Pendant cette période, la formation se fait sur le tas, l'apprentissage du mineur suit les différentes phases de la division du travail et du processus de production. Le salarié privilégié dans l'organisation est celui d'âge moyen, la première qualité demandée est la force physique et/ou l'endurance. Le système de rémunérations est lié à la productivité (travail à la tâche). Les entreprises se concurrencent, par ailleurs, pour stabiliser leurs salariés permanents, par des incitations portant sur le salaire social (logements, écoles, centres d’achat, centre médical…). L’élargissement et l’organisation des marchés internes A la Libération, les produits des entreprises du bassin minier commencent d'entrer en concurrence avec ceux d’autres entreprises au niveau national, européen et mondial. Cette compétition les conduit à ajuster plus précisément qu'à la période antérieure, leurs produits à la demande de leur clientèle. Par ailleurs, la législation du travail, qui valorise les contrats de travail explicites les incite à minimiser le recours au travail précaire, à organiser leurs marchés internes du travail, à institutionnaliser les relations professionnelles. 18 Un travailleur prend sur lui d'en faire travailler un autre. Corrélativement à la nationalisation des sous-sols, l'extraction du charbon devient une activité industrielle permanente, régulée par l’Etat qui définit le régime des concessions (délimitation des exploitations, redevance envers les propriétaires fonciers, création d’un corps d’ingénieurs des mines, collecte des taxes sur l’exploitation du charbon..). 19 210 Les concessions minières sont nationalisées et regroupées dans un groupe au niveau national tandis que localement elles fusionnent dans un même établissement ce qui entraîne une rationalisation, puis une première modernisation de l’extraction. Le statut du mineur généralise les emplois permanents à l’ensemble de l’entreprise et permet l’intégration des journaliers ; toutefois, dans la classification comme dans la réalité, il continue d’y avoir une segmentation nette entre une main d’œuvre de fond, valorisée et une main d’œuvre de jour. Le statut impose la négociation comme base de relations entre les salariés et le patronat et il réglemente les conditions d’emplois. Mais contrairement à l’image qu’il en a été donné, d’une part, il vise à « normer » les comportements des travailleurs et d’autre part, il permet les licenciements sous certaines conditions, en particulier économiques. Ainsi, il prévoit dans quels cas ils peuvent avoir lieu, ce qui est très novateur pour l’époque et va permettre à la direction d’entreprendre rapidement après la guerre les premières réductions d’effectifs. Il permet aussi les redéploiements d’effectifs au sein du groupe sur le territoire national ou dans d’autres établissements, comme c’est le cas lors de la création de la Centrale thermique. Les embauches continuent de se faire dans l’enchâssement entre organisation du travail et famille. La prédominance du marché du travail interne est indéniable et le statut ne prévoit pas le recours au travail précaire pour rendre flexible l’organisation productive. Mais il n’est pas « fermé » (Paradeise 1988) sur lui–même, l’entreprise ayant la possibilité de supprimer des emplois pour raisons économiques. La stratégie utilisée par la direction des houillères de Provence est suivie par celle de la Centrale thermique, mais aussi avec quelques variantes par celle de Pechiney. Cet établissement a organisé la gestion de sa production autour d’un marché interne; toutefois, il peut utiliser aussi, de façon marginale, la possibilité qui lui est donnée de recourir à des contrats précaires. Les entreprises prestataires de service sont, alors, exclusivement attachées soit au groupe Mine/Centrale, soit à Pechiney, de la même façon qu'à la période précédente les employés d'un établissement n'avaient pas d'avenir dans l'autre entreprise. Globalement, les appareils de production de l'ensemble des entreprises du bassin, se modernisent (mécanisation et organisation en continu) sans que les établissements aient la possibilité de recruter de la main d'œuvre plus qualifiée. Pour adapter leurs salariés recrutés sur leurs aptitudes physiques aux nouveaux outils, aux nouveaux savoirs, aux nouvelles pratiques, ils doivent les reconvertir assez radicalement. La formation sur le tas n'est plus suffisante, les entreprises se dotent donc d'un appareil de formation en interne, utilisant à la fois, les compétences des ingénieurs et des nouveaux recrutés, et celles des fournisseurs de matériel pour diffuser les nouvelles techniques. Sur l’ensemble du bassin minier, les relations industrielles se sont institutionnalisées dans le sens où le droit (le statut du mineur comme la convention collective de la chimie) a imposé aux grands établissements à la fois des contrats de travail explicites, des négociations entre le patronat et la représentation salariale et un meilleur niveau d’hygiène et de sécurité. Sur le territoire, l'alliance entre les directions d'entreprise et les pères de famille glisse peu à peu vers une "convention" entre directions-ingénieurs et syndicats d'ouvriers à laquelle sont intégrées les entreprises soustraitantes et leurs salariés. Cette convention est utilisée, par les uns comme par les autres, pour mobiliser les travailleurs. Par ailleurs, les conflits ont tendance à se focaliser autour de l’évolution des rémunérations. 211 Globalement, la zone se caractérisait donc à la fin des années 60 par la puissance de ces deux marchés internes (Marsden 1989, Eyraud, Marsden, Silvestre 1990) distincts l’un de l’autre. Les mobilités entre les entreprises étaient quasiment inexistantes et jugées «impossibles » par les dirigeants comme par les salariés. Mais les deux entreprises disposaient aussi pour accroître ou diminuer leur capacité de production d’un volant de main d’œuvre constitué par les salariés de prestataires de services. Les entreprises-premières et les sous-traitantes étaient reliées soit professionnellement, soit par des relations privées (familiales) construites sur le territoire. Ces liens permettaient d’étendre le système hiérarchique des entreprises à l’ensemble du bassin minier. Les marchés internes des deux entreprises peuvent être décrits « étendus » (Lam 2000) à la sous-traitance (« exclusion sélective » Garonna, Ryan 1989. La fragmentation des marchés du travail Les années 1970 se caractérisent par un durcissement de la situation économique. L'intégration des établissements du bassin minier dans des groupes multinationaux conduit ceux-ci, à recourir, de plus en plus souvent, à de la main d'œuvre précaire. Entre les différents types d’emplois émerge un continuum de possibilités de contrats différents allant de l'emploi permanent au chômage non indemnisé. Les entreprises utilisent tour à tour ces possibilités, selon la situation économique conjoncturelle. Les trois entre prises de l’industrie lourde ont continué la stratégie qu’elles avaient adoptée à la période précédente en essayant de résister à la détérioration de leurs marchés20 . Pechiney s'est diversifié en produisant des produits spécifiques, la centrale a augmenté ses capacités de production contribuant ainsi à l'augmentation de l'extraction du lignite. Les difficultés économiques que ces entreprises ont rencontré ont restreint encore leur possibilité d’embaucher des salariés permanents et ont augmenté leur recours à la sous-traitance. Certains salariés ont été amenés à quitter l’entreprise à partir de plans négociés, mais globalement, on peut dire que leur appartenance à ces établissements et le soutien que ces firmes leurs ont apporté, leur ont permis de se reclasser, alors, relativement facilement sur le marché du travail local. Ainsi, les électriciens, qui travaillaient au fond de la mine et avaient acquis des compétences spécifiques et reconnues (en raison des risques d’explosion du travail d’électricité en milieu confiné), ont été embauchés par EDF. Ces entreprises ont continué de moderniser leur appareil de production en allant souvent jusqu’à une robotisation totale de leur processus ; c’est en particulier le cas des houillères. Ces politiques les ont conduit à investir massivement dans la formation de leurs salariés : formations réalisées pour Pechiney, grâce à des collaborations avec le système éducatif et donc légitimées à l’extérieur de l’entreprise (les formations « qualifiantes »), formations internes aux houillères et à la Centrale, les premières supportées par les ingénieurs et par les fournisseurs des matériels automatisés, les autres par les concepteurs des processus, c’est-à-dire les ingénieurs d’EDF ou du centre de recherche de charbonnage (CERCHAR). Lorsque les deux établissements de micro-électronique s'installent sur le site de Rousset, le marché de la "puce" est très porteur. Leur clientèle est, dés l'origine, mondiale. Leur activité 20 Le charbon d’importation est livré sur le port de Marseille à un moindre coût que celui de Gardanne. Pechiney doit s’intégrer dans un groupe multinational et fluidifier sa production pour améliorer sa productivité 212 s'organise selon les périodes et selon les entreprises, soit sur une production standard, soit sur une production spécifique ciblée sur un client particulier. Ainsi, alors qu'elles avaient été construites pour être complémentaires, elles sont rapidement devenues concurrentes dans un univers très compétitif où le risque et le chantage à la délocalisation est permanent. Lors de leur installation, elles ont comme stratégie de développer leur marché interne tout en se constituant un réseau de prestataires de service. Leurs stratégies de ressources humaines différent selon les catégories de personnel. Les ingénieurs opérant en tant que spécialistes d’une technique dans les services d’ingénierie comme ceux qui encadrent la fabrication sont recrutés au niveau national ou international. Les écoles, souvent généralistes qui les ont formées, les ont souvent d’abord envoyé dans ce type d’entreprise en tant que stagiaires. La connaissance de ce milieu et l’attrait du travail dans les hautes technologies ont alors facilité leur recrutement. L’acquisition de leur professionnalité s’est principalement effectuée par des mobilités au sein de l’établissement et au sein du groupe, mais certaines carrières de spécialistes sont aussi possibles, en particulier, autour de certaines techniques, du développement et de la recherche. Par ailleurs, les entreprises, donneuses d'ordre et prestataires, développent des relations contractuelles et des mobilités de chercheurs précaires avec les unités de recherche publique pour bénéficier et produire des connaissances nécessaires à l'innovation donc à la pérennisation de leurs activités. Il était prévu que les techniciens et les opérateurs soient recrutés localement. Mais comme les directions des établissements, doutaient de la capacité de la main d’œuvre locale de travailler en salles blanches, elles ont sollicité les pouvoirs publics pour qu’ils les aident à sélectionner et/ou à former une ressource humaine de niveau Bac, Bac+2. Les salariés recherchés étaient alors des jeunes dont la micro-électronique devait être le premier emploi. Ce choix devait permettre, d’une part, de spécifier cette ressource selon les besoins précis de l’atelier de fabrication (fab 4,5 et 6 pouces) et, d’autre part, d’éviter les individus non aptes au travail en salles blanches. Les services déconcentrés de l’Etat et ceux de l’Education Nationale en collaboration avec les établissements se sont investis dans des programmes de remise à niveau, ont proposé des contrats FormationEmploi devant déboucher sur un recrutement…En interne, des dispositifs de formation impressionnants sont mis en place pour accompagner ce processus d’adaptation. Mais, avant que ces différents programmes n’aboutissent, une crise sectorielle a frappé ces entreprises les empêchant de tenir leur engagement et les conduisant à licencier pour l’une, les salariés sur contrats à durée déterminée (CDD, contrats Emploi-Formation, Stagiaires…), pour l’autre, les salariés permanents ; dans le même temps, les sous-traitants ont été amenés à employer de plus en plus d'intérimaires. Dans ce secteur, les rémunérations se placent largement au-dessus de celles des prestataires de services et sont supérieures à ceux de la vieille industrie. Pourtant, comme dans ce secteur des nouvelles technologies, les relations professionnelles se sont construites rapidement sur des revendications autour des conditions de travail et sur la segmentation entre les conditions d'emploi à l'intérieur de la zone. La situation de l’emploi Dans un territoire où les résidents connaissent moins que les autres habitants le chômage, on observe un pourcentage de salariés plus important, par rapport au total des actifs que dans la région, mais moindre que dans le département. Ce pourcentage de salariés est, par ailleurs, en forte augmentation (en particulier des femmes et des temps partiels). Gardanne et la zone 213 Peynier-Rousset-Fuveau confirment leur appartenance aux zones d’emplois de salariés (Gardanne : en 99, 89,4%, évolution 99/90 :17,2% ; PRF : 91,6%, évolution 99/90 : 47,9% ; Bassin minier : 87,7%, évolution 99/90, 32, 1%). Le territoire réaffirme son appartenance au « monde industriel » mais il enregistre aussi une croissance du tertiaire. Emplois au lieu de travail en 1999 par secteur d’activité (INSEE) .Agriculture .Industrie .Construction .Tertiaire dont : -commerce -services entreprises -services particuliers Ensemble Bassin minier PRF Gardanne Effectif en % Effecti en % f Effe ctif 565 6711 1625 14992 2,4 28,1 6,8 62,7 141 2910 212 2980 2,3 46,6 3,4 47,7 3574 aux 2310 15,0 9,7 685 559 aux 1266 5,3 100.0 % 23 893 en % Bouches du PACA Rhône Effectif en % Effectif en % 82 1794 340 3980 1,3 29,0 5,5 64,2 12 480 84 664 34 497 524159 1.9% 12.9% 5.3% 79.9% 3.1% 11.3% 6.1% 79.5% 11,0 9,0 809 572 13,1 9,2 93 980 83 767 14 .3% 240 992 15.3% 12.8% 181 443 11.5% 356 5,7 264 4,3 44 884 6.8% 139 322 8.8% 6 243 100.0 % 6196 100.0 % 655800 100.0 % 1576808 49 037 178323 95 763 1253685 100.0 % Comme son histoire le laissait prévoir, le bassin minier garde une population de salariés ouvriers importante (27, 1% contre 20,1% dans le département et 20, 3% dans la région) et relativement peu d’employés ; cette population est mieux représentée à Gardanne (28,8%) et dans la zone Peynier-Rousset-Fuveau (29,2%) que dans le reste du bassin. La situation de l’emploi telle qu’elle est présentée est celle observée avant la fermeture de la mine et avant la crise de la micro-électronique. Toutefois, les avantages accordés par les pouvoirs publics aux entreprises s’installant sur le bassin minier, avaient déjà pu produire leur effet. La crise actuelle et des bouleversements du marché du travail de plus en plus imprévisibles La mondialisation des marchés, le poids pris par le capital financier sur le capital industriel, l'accentuation de la compétition sur les coûts de production, les fusions entre groupes multinationaux déstabilisent l'ensemble du territoire. La mine après un long et incertain processus de fermeture a brutalement cessé son exploitation. Les mineurs ont été mis à la retraite de façon très anticipée bouleversant le tissu social de Gardanne, les travaux de fermeture des puits de mine sont effectués par des prestataires de services très spécialisés en collaboration avec quelques techniciens et ingénieurs des houillères. Aucune tentative d'utilisation ou de conservation des savoirs et les savoir-faire incorporés par l'établissement, par ses salariés, ses prestataires de services depuis la fin de la guerre n'est et n'a été envisagée alors que les mutations dans l'outillage et le travail ont été particulièrement intenses. Certains jeunes qui auraient pu avoir eu un avenir dans la mine ont pu, à la suite de 214 contrats « emploi-formation », être recrutés à la Centrale thermique. D’autres ont été rapidement "requalifiés" pour la micro-électronique, mais leur sortie du système de formation a, malencontreusement, coïncidé avec les licenciements dans ces entreprises. La Centrale thermique attend, sans projet, d'être privatisée. Elle a internalisé les tâches sous-traitées et renvoyé vers les houillères le personnel toujours sur statut du mineur pour qu’il profite des mesures d'âge. L'établissement de Pechiney, dont le groupe vient d'être racheté par une multinationale nordaméricaine, est en concurrence défavorable avec une unité de ce groupe, ses salariés sont « en attente ». Les deux établissements de la micro-électronique tentent de sortir de la dernière crise de la filière sans être dé-localisés. Leurs outils pour résister à cette situation divergent. Atmel, d'une part, renforce sa gestion de mise en concurrence entre unités de production interne et externe aboutissant à des fermetures de prestataires de service dans le bassin, d'autre part, fait varier ses effectifs en procédant successivement à des licenciements et à des recrutements. STM a une politique plus étalée: internalisation du maximum de tâches dans l'entreprise, compression des dépenses, suppression des CDD et des emplois aidés, recours à l'intérim ou à des contrats de type "mission". Cette période correspond, en effet, pour cet établissement, à la fermeture de l’atelier 6 pouces21 , « fab 6 » et au transfert de la totalité de la production sur l’atelier 8 pouces, « fab 8 ». Ce moment, qui peut être vu comme spécifique à STM, est, pour nous, un indicateur de l’évolution du système de production de la micro-électronique, des professionnalités des acteurs de cette industrie et intéresse, à ce titre, un territoire dont le premier employeur est ce secteur. La fab 8, donc, est beaucoup plus automatisée que la fab 6 et nécessite paradoxalement une ressource humaine interne moins qualifiée, en ingénieur comme en opérateur. En effet, si l’ingénierie du processus de production relève des compétences des ingénieurs du groupe, les différentes machines automatisées, les robots…sont fournis par des entreprises américaines et japonaises. Ces entreprises proposent d’assurer cet appareillage si l’entretien et les réparations ne sont faites que par leur propre personnel. En raison du coût élevé de ces machines, des pièces défectueuses et des pannes, la direction ne peut qu’accepter. La présence permanente ou ponctuelle et l’autorité technique des ingénieurs de ces fournisseurs remettent en cause le rôle de l’ingénieur de l’entreprise ; parallèlement, l’automatisation des tâches et l’informatisation des contrôles de qualité a minoré le temps de présence de l’ingénieur dans l’atelier et donc son rôle d’ « encadrant » des salariés de production. Alors que l’opérateur de la fab 6 avait été recruté et formé pour être autonome dans son travail, pour garder la maîtrise de sa relation avec la machine, pour savoir réagir aux incidents « en équipe », il est demandé à celui de la fab 8 d’obéir strictement aux consignes données pour s’insérer dans l’organisation automatisée du process, sans gêner ou intervenir dans son fonctionnement.. A la période précédente, l’humain était une aide, il n’est plus vu que comme un 21 L’industrie de la micro-électronique doit, pour faire face à la demande de sa clientèle et à la concurrence, innover de façon permanente. Ces innovations sont surtout liées à la miniaturisation ; elle permet de mettre plus d’informations sur une même puce et plus de puces sur une même plaquette de silicium. Le terme « 6 pouces » ou « 8 pouces » indique le diamètre de la plaquette. Certaines de ces innovations imposent des sauts technologiques qui entraînent la rédéfinition des installations industrielles, un renouvellement des machines, une nouvelle formation pour le personnel. Le passage de la 6 pouces à la 8 pouces est de cet ordre. 215 risque de détérioration des outils. Ainsi, comme la première compétence qui est demandé à ce nouvel opérateur est de respecter strictement les consignes données, la direction du personnel, d’une part, est inquiète du transfert des opérateurs de la fab 6 à la fab 8, d’autre part, a modifié le profil des embauches des quelques individus recrutés de la fab 8 : l’opérateur de la fab 6 serait « trop » formé et autonome pour s’adapter aux nouvelles conditions de travail, il pourrait être à l’origine de plus d’incidents que quelqu’un n’ayant pas sa professionnalité. Le choix des nouveaux recrutés, des intérimaires pour la plupart, se ferait sur des comportements au sein du collectif, sur des qualités de « savoir-être » plutôt que sur une compétence en matière technique. Cette nouvelle stratégie amène la direction à élever l’âge des recrutés et à privilégier des individus ayant une expérience préalable du monde du travail. Corrélativement à cette évolution de la place de l’ingénieur et de la nouvelle « figure » de l’opérateur, les fonctions du technicien sont de plus en plus incertaines en fabrication : les personnels en fonction demandent donc, de plus en plus souvent, à être orientés vers les services communs en particulier vers la formation. Ce bouleversement interne aux grands établissements augmente le recours de ces derniers à la main d’œuvre précaire. Dans le même temps, il influe sur le territoire puisque certaines tâches très spécialisées sont confiées à des entreprises extérieures à la zone. Ainsi, les entreprises sous-traitantes, pour la plupart et dans le meilleur des cas, ont été obligées de licencier et n'ont plus recours qu'à l'intérim. Globalement sur le territoire, les seules entreprises qui voient leurs effectifs croître sont les entreprises d'intérim. Les services de formation n'interviennent plus que chez ces prestataires de main d'œuvre, les partenariats avec les unités de recherche ne recouvrent plus que des aides publiques à des PME. Les établissements semblent réagir à la crise en se rétractant sur eux-mêmes autour d'un petit cœur de compétences génériques, en dehors de quoi, ils ont recours au marché externe et à l'intérim. Les différentes interventions des acteurs publics locaux sur le marché du travail ont pris en compte les besoins immédiats des directions d’entreprises lors de leurs installations mais aussi à chacune des crises conjoncturelles qu’elles ont affrontées. Ce choix a permis le développement des collaborations public/privé ; il a donné aux groupes multinationaux et à la population locale une bonne image de l’administration française. Mais, il n’a pas permis, d’une part, de réfléchir sur les atouts du territoire en terme de savoir et de savoir-faire, et sur les nouvelles «spécialités productives » que pouvaient induire ses ressources, d’autre part, de prévoir les variations des besoins des industriels. Cette incapacité à faire de la prospective, mais aussi le décalage entre les temporalités financières, industrielles et celles de la formation ont minoré l’efficacité du dispositif mis en place, et obligent à réfléchir sur le type d’action possible sur les marchés locaux du travail. 7. Les dynamiques d’acteurs Le bassin minier a toujours été dominé par les interventions de l’Etat et maintenant par celles des acteurs publics. Les entreprises, les municipalités, les associations professionnelles, les syndicats, les salariés comptaient et comptent toujours sur la puissance publique pour assurer la dynamique productive et l’emploi sur le territoire. Le relatif effacement de l’Etat, général à l’ensemble du pays, a permis l’émergence de nouveaux acteurs sans que ne soit remis en cause le poids des acteurs publics et celui des grandes entreprises industrielles. 216 La prégnance de l’Etat et l’émergence de nouveaux acteurs publics et privés L’Etat a, donc, joué dans le passé plusieurs rôles : organisateur de la concurrence économique dès Napoléon 1er, régulateur des relations sociales dès les années 1920, capitaliste industriel rationalisant et modernisant des établissements par la nationalisation dans les années d’aprèsguerre, promoteur des législations sociales, planificateur de l’implantation des nouvelles technologies, soutien financier des investissements des entreprises , principal acteur de l’aménagement du territoire… Depuis, les lois de décentralisation et le développement des institutions communautaires ont été à l’origine de l’émergence de nouveaux acteurs publics locaux ou ont redonné du pouvoir à ceux qui existaient : la région et le département, les services publics déconcentrés, les communes, les acteurs consulaires, les communautés d’agglomérations, les associations professionnelles, les syndicats etc. qui ont en grande partie compensé le retrait de l’Etat. Ce changement a entraîné, sur le territoire, de nouvelles dynamiques, de nouvelles politiques, de nouvelles pratiques de coopération, de nouvelles tensions par rapport à celles observées pendant la période antérieure. Le rôle de gestionnaire des ressources et des investissements industriels et d’aide aux entreprises est encore tenu par les services déconcentrés du ministère de l’industrie en collaboration avec le Conseil régional, le Conseil général. Mais ces acteurs cèdent, de plus en plus, la place aux communautés d’agglomération qui, grâce à la perception de la taxe professionnelle, ont des moyens d’intervention de plus en plus importants. Ainsi, l’Etat a été à l’origine du versement des premières aides à l’installation des entreprises de micro-électronique. Puis , différents acteurs publics au niveau local, national et communautaire ont contribué aux investissements de l’atelier « 8 pouces » de STM. L’exonération de la taxe professionnelle obtenue une nouvelle fois par STM, en échange du maintien de son établissement sur le site, relève de la Communauté des agglomérations des pays d’Aix (CAPA). La géographie politique du bassin minier tourne donc maintenant largement autour l’appartenance des communes à la CAPA ou de leur refus de la rejoindre . Dans ce sens, ce regroupement des communes casse le bassin minier : il sépare, par exemple, Gardanne de Meyreuil, deux communes longtemps imbriquées l’une dans l’autre22 . En effet, Gardanne se tient à l’écart de ce regroupement pour conforter sa spécificité, industrielle et ouvrière, en se rapprochant de la Communauté d’Agglomération Garlaban, Huveaune, Sainte Baume (CAGHSB) à l’intérieur de laquelle se trouve Aubagne. Néanmoins, pour que ce projet soit envisageable, il faudrait que la continuité territoriale entre cette commune et la CAGHSB soit confirmée. Se poserait alors la question de l’intérêt de Gardanne de se couper des communes environnantes et des capacités financières de la CAPA (en particulier dans les financements de l’Ecole de la micro-électronique de Gardanne en partie pris en charge par la CAPA). L’opposition de Gardanne à une intégration dans la CAPA tient aussi, nous semble-t-il, à des différences politiques confortées par la puissance de certains symboles. La mairie d’Aix, alors socialiste, a été à l’origine de la CAPA. Cette étiquette lui a permis de s’installer dans un département et dans une région marqués à gauche et d’attirer certaines communes autrefois liées à Gardanne dont la municipalité est communiste. Le changement de majorité à Aix n’a pas remis en cause ce regroupement même si des tensions ont été perceptibles, mais il a conforté la mairie de Gardanne dans son refus d’accepter un tel rapprochement. Les projets d’avenir des deux 22 Le siège social des houillères était implanté et la Centrale thermique y est localisée. 217 entités semblent effectivement incompatibles actuellement : la CAPA soutient, d’une part, les entreprises de haute technologie ou considérées comme «propres » par les mouvements écologiques, ou employant majoritairement des cadres, et, d’autre part, les services aux particuliers et le tourisme. Gardanne veut pérenniser son tissu de petites entreprises à vocation artisanale et industrielle et son milieu ouvrier et employé. Toutefois, même si au moment de la fermeture de la mine, l’intégration de Gardanne, représentante de l’industrie lourde, de la combativité ouvrière et des gueules noires, aux pays d’Aix serait mal perçue, on peut à juste titre se demander si cette commune aura longtemps intérêt à s’écarter de la dynamique aixoise. Parallèlement, ces dernières années, les services déconcentrés du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, en collaboration avec les services du rectorat, ont tenté des collaborations avec les entreprises pour former les jeunes du bassin minier aux métiers de la micro-électronique et ainsi favoriser leur employabilité. Même si les résultats de ces initiatives ont été minorés par la conjoncture économique, il n’en demeure pas moins que ces dernières sont inscrites dans les nouvelles pratiques de négociation possibles dans le bassin minier. Si les syndicats ont été tenus à l’écart de ces opérations, diverses associations locales se sont mobilisées pour participer à l’adaptation de la population jeune aux nouvelles conditions d’emplois. Le bassin minier a, aussi, profité d’actions effectuées au niveau régional autour de l’enseignement supérieur, de la recherche, des catégories ingénieurs et chercheurs. Ces actions étonnent et sont souvent critiquées par une partie des acteurs individuels du bassin minier (éducateurs, enseignants, les industriels de l’industrie lourde…) qui comptaient plus sur des opérations touchant les petits entrepreneurs ou les jeunes de niveau Bac. Elles visent d’abord à asseoir la présence des grandes entreprises sur la zone, ensuite à conforter l’appartenance de celle-ci au monde des hautes technologies et peut-être aussi à conforter l’unité du territoire. L’installation d’une école des mines spécialisée dans la micro-électronique à Gardanne est une de ces opérations, le travail entrepris par le CREMSI en est une autre. La création de l’Ecole des Mines n’est pas à l’origine une opération conduite par le système universitaire régional, mais par l’Ecole des Mines de Saint Etienne dont dépend celle de Gardanne. Elle permettrait à la région de bénéficier immédiatement d’une école d’ingénieurs de rang A et d’un établissement rattaché principalement au ministère de l’industrie. Ce projet est accueilli très favorablement par l’ensemble des acteurs locaux en particulier par la mairie de Gardanne. Cette commune a fourni immédiatement des locaux provisoires et un soutien à l’infrastructure, la région, le département ainsi que la CAPA23 se sont engagés à accompagner son financement. Les industriels de la micro-électronique collaborent avec la direction de l’école à la définition du profil du futur ingénieur et à la mise au point de programmes de recherche engageant à la fois les universitaires régionaux et les entreprises. Le CREMSI (Centre Régional d'Etude de Microélectronique sur le Silicium), est une association d’entrepreneurs qui œuvre depuis une quinzaine d’années pour l’accroissement des relations Science–Industrie. Financée à la fois par les collectivités régionales et par les entreprises, elle a d’abord privilégié les grandes entreprises mais depuis quelques années, elle œuvre principalement au rapprochement des PMI-PME de la micro-électronique et des unités de recherche académiques régionales. Après avoir évalué les projets d’innovation des entreprises, 23 Bien que l’école ne soit pas actuellement localisée dans les pays d’Aix 218 elle a la capacité de les orienter vers des partenaires et de participer au financement d’un contrat de recherche, d’une thèse… . D’autres regroupements d’entrepreneurs ont vu le jour autour des zones industrielles, en particulier l’association GIVHA (Groupement des Industriels de la Haute Vallée de l’Arc ) qui est né autour de la gestion de la zone industrielle de Rousset. Sa vocation est de regrouper les entreprises, de les informer, d'écouter leurs préoccupations et leurs attentes, de leur proposer des actions collectives, et de les représenter auprès des acteurs publics. Les syndicats de défense des salariés étaient autrefois insérés directement (pour les houillères) ou indirectement (pour Péchiney) dans la gestion des établissements de l’industrie lourde, et participaient à la régulation du monde du travail et du hors travail. Aujourd’hui avec la fermeture de la mine, les risques qui pèsent sur la Centrale et Pechiney, les crises de la micro-électronique, ces syndicats se sont renforcés (en particulier dans la micro-électronique) et tentent de trouver de nouveaux modes de négociation et de pression sur les entrepreneurs. Ils ont ainsi renouvelé leurs discours et leurs stratégies en tenant compte de la position du bassin minier dans la compétition mondiale et de la concurrence entre établissements, entre spécialités productives au niveau international. L’avenir des acteurs industriels ? Parallèlement à l’émergence de ces nouveaux acteurs, les entreprises de l’industrie lourde, plus ou moins liées à l’Etat, ont perdu de leur puissance au profit des grandes entreprises multinationales. Leurs directions et leurs encadrements autrefois strictement nationaux se sont internationalisés. De la même manière, les établissements des multinationales de haute technologie sont intégrés dans des holdings internationaux. Cet éloignement du management des groupes de la réalité industrielle de chacun des sites est à l’origine, d’une part, d’une moindre prise en compte des spécificités de chacun des établissements au niveau central, d’autre part, paradoxalement, du renforcement du rôle des directions d’établissements dans la zone. En effet, de plus en plus, les directions locales sont conduites à se distinguer de la stratégie globale de leur groupe : sensibles aux intérêts de l’unité locale, aux investissements en matériel ou en ressources humaines, aux relations avec l’environnement, aux avantages du territoire (aménités mais aussi subventions.. ), à des intérêts personnels complexes….elles proposent leurs propres choix stratégiques au groupe dans le but de « positionner » leur établissement dans sa compétition interne. Ainsi, les managements locaux de Pechiney ou celui de STM sont-ils des « porteparoles » de leur unité vis-à-vis du groupe, même si, dans le même temps, ils peuvent apparaître, « sur le terrain » comme des simples exécutants de leur holding et s’ils obéissent strictement aux ordres lorsque ces derniers s’imposent. Jouant de l’éloignement des directions internationales, des temps de décision au sein d’un groupe, ils apparaissent à tous les autres acteurs du territoire (salariés et résidents, PME et acteurs publics locaux…) comme indispensables à la dynamique territoriale même si au-delà des enjeux locaux, ils sont pour finir contraints par les stratégies globales. Par ailleurs, les acteurs qui ont émergé et qui sont le plus liés à la dynamique du territoire sont les chefs d’entreprises des PME-PMI « indépendantes » et ceux des PME-PMI locales de prestations de produits/services. Autrefois ignorés des managements de grandes entreprises (les relations se faisaient au niveau de l’ingénieur) et de la puissance publique, ils tentent de 219 s’imposer comme des acteurs incontournables du développement local, comme ceux qui assurent la stabilité du territoire. Même si les aides de reconversion du bassin minier ont largement profité aux PMI-PME des hautes technologies, globalement, que cela soit à Gardanne ou à Rousset, ces entrepreneurs regrettent que, de tout, mais peut-être encore plus aujourd’hui, les subventions, les exonérations fiscales bénéficient aux grandes entreprises qui ont des moyens de pression sur les acteurs publics. Ce tissu de PME-PMI est toujours dynamique et s’il n’y a plus eu d’essaimage récent à partir des grandes entreprises ou de l’enseignement supérieur et la recherche localisé sur le site de Rousset, trois spin offs de STM sont actuellement « en incubation » sur le campus de Saint Jérôme. L’émergence des nouveaux acteurs sur la zone est un gage du dynamisme de la zone. Pourtant la pérennité du tissu productif continue d’être totalement dépendant du maintien des grands établissements industriels sur le territoire. Conclusion Une transition non délimitée dans le temps La mine a fermé, mais la pérennité de Pechiney, l’avenir de la Centrale thermique, la trajectoire des entreprises de micro-électronique restent incertains. Les mineurs sont à la retraite, éventuellement, ils complètent leurs revenus en concurrençant de façon plus ou moins légale les artisans de Gardanne ; leurs enfants sont, s’ils sont restés sur le territoire, employés soit du secteur de la micro-électronique, soit dans les petites entreprises artisanales, soit au chômage ; les employés de Pechiney sont inquiets comme ceux de la Centrale, d’Atmel ou de STM. Les salariés des sous-traitants sont souvent devenus, après licenciement, des intérimaires…La fermeture de la mine s’est déroulée, pour la direction et les autorités administratives de façon satisfaisante ; les problèmes liés à la récession de l’industrie lourde, à la reconversion d’emplois restent d’autant plus entiers que l’industrie micro-électronique s’est avérée fragile. Gardanne a pris un figure de ville sinistrée dont la population est soit âgée, soit jeune et Rousset n’est pas devenu un centre économique attractif. Trets continue d’être à l’écart du développement productif…La plupart des villages du bassin minier sont devenus des lieux de résidence pour cadres employés dans les pôles d’activités de Marseille, d’Aix ou de Peynier-RoussetFuveau… La transition amorcée lors de la période de récession de l’industrie lourde ne semble pas aboutie, en tout cas les salariés de la zone comme les directions d’entreprise considèrent que le temps des bouleversements n’est pas terminé et que si une nouvelle trajectoire s’amorce pour le territoire « bassin minier », elle n’est pas clairement définie. La transition n’est pas close. Des controverses et des choix non stabilisés Le territoire « bassin minier » a une grande habitude des controverses. Les conditions de la nationalisation des puits à la Libération, celles de la fermeture de la mine, sont l’objet de débats, de discussions, de conflits…Chaque groupe, chaque individu possède sa propre histoire du processus, ses informations incontestables…même si chacun sait que les décisions lui sont extérieures. La transition n’est pas délimitée dans le temps parce que les positions des uns et des autres ne sont pas établies, que des controverses sont en cours, que de nombreux choix sont encore à stabiliser.. Ce temps « d’attente » s’explique par l’imbrication entre des décisions 220 d’ordre public et des politiques d’entreprises, mais aussi par des désaccords au sein des différentes parties prenantes. • La controverse liée au rattachement de Gardanne et de certaines communes à une communauté d’agglomération ou à une autre se poursuit. Elle oblitère certains choix et permet à l’ensemble des acteurs publics locaux de ne pas s’engager sur l’avenir industriel et sur l’aménagement du territoire « bassin minier ». La ville de Gardanne continue de soutenir son tissu industrialo-artisanal et cherche à attirer des industriels, la Capa encourage le secteur des hautes technologies et les activités de services aux particuliers. Les services déconcentrés de l’Etat, devant ces indécisions, n’ont pas la possibilité de définir des objectifs, que cela soit en terme de formation ou d’emploi des jeunes. La place de l’école de la micro-électronique, qui pourrait être un élément d’un avenir commun du bassin minier, risque de pâtir d’une implantation problématique. L’absence de décision ne permet, ni d’insérer complètement les communes du bassin minier rattachées à la CAPA aux pays d’Aix, ni aux communes « irréductibles » de construire leur environnement : Gardanne est de plus en plus à l’écart du réseau routier AixMarseille, Rousset n’a toujours pas de sortie d’autoroute… Nous retrouvons cette indétermination dans les choix stratégiques des grandes entreprises ou dans celles des acteurs publics chargés du développement industriel. La Centrale thermique va-telle se moderniser et augmenter sa capacité de production (tranche supplémentaire) ? Le secteur de la micro-électronique du bassin est spécialisé dans la fabrication de grandes séries mais dispose aussi d’une capacité à finaliser sa production selon les besoins du client. Va-t-il se maintenir sur ce créneau, quitte à ne pas pouvoir résister à la concurrence des « fonderies » asiatiques ? Va-t-il s’orienter vers des trajectoires plus innovantes, où les capacités de ses ingénieurs et celles de la recherche publique locale seraient mieux utilisées mais qui l’obligeraient à se tracer un chemin entre les établissements spécialisés dans le domaine du lien R/D-Production ? Ces choix déterminent les politiques de formation de la zone : le tissu productif va-t-il avoir besoin de diplômés spécialisés dans une technique, dans du commercial, de quel niveau ? Ils sont aussi nécessaires pour que puissent être définies des politiques de recherche académique, et décidés les investissements d’infrastructure qui pourraient rendre la région compétitive par rapport à d’autres. • La géographie du territoire est aussi totalement tributaire de ces choix. Ainsi, certains acteurs de la micro-électronique considèrent qu’il n’est plus nécessaire de se réclamer d’un « bassin minier » qui n’est plus porteur de subvention et d’exonération fiscale. Selon eux, il faudrait mieux se regrouper : • • soit autour au sein du secteur localement : le pôle Est de micro-électronique a depuis toujours des relations au sein de la «métropole marseillaise » (Zimmerman, Rychen) avec Gem + (Gemenos-La Ciotat), avec la ZI et le campus universitaire de Saint Jérôme ; • soit en élargissant le secteur aux technologies de l’information et de la communication en construisant des relations avec la technopôle de Sophia Antipolis. Ces rapprochements intéressants dans le domaine productif le seraient moins dans le domaine urbain. Par ailleurs, la zone Ouest de Gardanne-Meyreuil pourrait, à terme, soit multiplier ses relations industrielles avec la zone d’Aix-les Milles et ses relations commerciales avec la zone de Plan de 221 Campagne, soit se lier à la métropole marseillaise. Ces deux hypothèses réuniraient le productif et l’urbain. La question de l’avenir du regroupement de communes « bassin minier » est posé mais faut-il encore oser énoncer un verdict et proposer des solutions alternatives à la cohérence territoriale qui s’était peu à peu construit… Les difficultés des politiques publiques Chacun des acteurs présents sur le territoire ont des histoires variées, des temporalités et des représentations différentes de ces temps. Ainsi, les grands groupes internationaux auxquels sont soumis certains établissements de la zone suivent le rythme et les délais imposés par la circulation du capital financier, tandis que les directions locales de ces entreprises sont centrées sur des temps industriels, celui mis pour confectionner le produit, celui de la durée des amortissements des machines, celui de la formation sur le tas et de rentabilité d’un salarié… Les acteurs publics locaux comme les communes sont, eux, liés aux emplois du temps prescrit par l’Etat national ou par le niveau européen ou régional en terme financier (impôt, autres types de financement…), mais aussi par les échéances politiques. Les individus sont contraints d’adapter leurs différents « moments de vie », d’intégrer dans leur temps de vie, leur temps de formation, leur temps et leur durée de travail , leur non-emploi….dans des contraintes dont ils ne connaissent pas forcément les justifications. Les syndicats et autres organisations ou associations professionnelles essaient de saisir les différents antagonismes entre ces temps pour concevoir leur action. Ces décalages entre des temporalités variées s’ajoutent aux controverses entre acteurs . Ils empêchent ces acteurs d’envisager et de décider d’un avenir. Notre thèse est qu’ils rendent les politiques publiques difficiles à mettre en œuvre. Un des exemple des plus évidents est la politique de formation et d’emploi sur le territoire décidée pour adapter les jeunes du bassin aux emplois offerts à la Centrale ou dans la micro-électronique. Les différents acteurs concernés ont défini, ensemble, les conditions de la formation et de l’insertion dans l’emploi, ils ont suivi conjointement leur application. Pourtant, le temps de la formation a été trop long, par rapport au temps industriel et lorsque les jeunes ont terminé leurs remises à niveau, les entreprises n’avaient plus besoin de recruter ou avaient changé les profils professionnels requis. L’acteur public ne connaissait pas les contraintes de l’industriel et l’on peut même penser que l’industriel ne savait pas celles que le financier lui imposerait…De nouvelles formes de confrontations entre des intérêts publics et privés sont à imaginer qui permettraient à chacun des acteurs d’anticiper les conduites à tenir dans les processus de reconversion. Quelques pistes concernant l’avenir de la zone Au delà de la pérennité de l’ensemble de communes réunies sous le vocable «bassin minier », on peut s’interroger sur les dangers pour l’avenir économique de celles-ci mais aussi sur leurs atouts : Le scénario le plus catastrophique serait la fermeture des deux derniers établissements de Gardanne accompagnée par le départ de STM et de ATMEL de Rousset, le tissu de sous-traitance formé par les PME-PMI serait alors détruit. Il remettrait définitivement en cause la spécialité 222 productive du territoire qui deviendrait alors un lieu de résidence de classes moyennes et supérieures, de retraités et de touristes, ce qui procurerait un avenir aux entreprises fournissant des services aux particuliers. Les politiques de développement du potentiel de recherche et d’innovation régional seraient vaines comme celles qui visent à augmenter le niveau de qualification des jeunes dans les techniques de production. Il s’agirait de conforter des dispositifs de formation professionnelle dans les domaines de la santé, du tourisme, culturel de l’agriculture etc. et d’améliorer encore les infrastructures de transports. Si, seules, les entreprises de Rousset se maintiennent, le basculement de l’activité productrice sur l’Est du département sera consommé et une nouvelle cassure se produira entre Gardanne et Rousset, entre une population de retraités, d’anciens ouvriers et de commerçants, et une population de techniciens et de cadres. Quelques soient les politiques industrielles menées, les liens des entreprises de la micro-électronique et de leurs sous-traitants avec la recherche publique comme l’attachement de leur ressources humaines de haut niveau à la région pourraient encore consolider leur implantation. L’école de la micro-électronique est un outil de ce renouveau qui peut amener d’autres entreprises à s’installer sur le site. Une des autres chances de la zone serait que les entreprises technologiques liées à la microélectronique se substituent aux fournisseurs de matériels automatisés en ce qui concerne l’entretien et les petites réparations. Cette inflexion dans les trajectoires actuellement prises nécessiterait une collaboration avec les entreprises donneuses d’ordre, avec les unités de recherche académiques, mais aussi des investissements dans la formation qui impliqueraient les acteurs publics. 223 Bibliographie Ange R (2001) La marche des mineurs sur Marseille du 23 mars 1935 (Gueules noires et syndicats rouges de Provence de la crise économique au front populaire). Mémoire de maîtrise sous la direction de monsieur le professeur Chastagneret. Apothéloz- Leisy B (1996): « Le bassin minier de Provence : analyse de la sous-traitance ». Rapport. Apothéloz- Leisy B (1997): « Le coût social de la fermeture de la mine. La sous-traitance régionale face à l’éventualité de la fermeture de la mine en 2005 ». 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Définition de la zone Le choix effectué, en début de recherche lorsque la commande des statistiques à l’INSEE, a été d’appréhender d’abord le bassin minier dans son ensemble, puis de privilégier le suivi de deux pôles : la commune de Gardanne et la zone de Peynier, Rousset, Fuveau (PRF). L’exercice montre que le bassin minier est souvent « le médian » entre ces deux zones qui en constituent en quelques sortes les extrêmes : PRF ayant les indicateurs les plus favorables, Gardanne, les moins. Par ailleurs, dans le but d’appréhender une éventuelle concurrence ou une future recomposition du bassin minier, ces différentes zones sont comparées avec celle d’Aix en Provence et avec le regroupement de communes Gardanne, Bouc-Bel Air, Cabriès, Septèmes, les Pennes que nous appellerons « Zone commerciale Ouest. »(ZCO) : Aix est complètement extérieur au basson minier mais fait partie, avec certaines communes du bassin minier, de le communauté d’agglomération des pays d’Aix (CAPA) ; ZCO regroupe des communes du bassin minier, Gardanne et Bouc Bel Air avec d’autres communes du Nord-Ouest de Marseille. Les données Assedic regroupent les 17 communes du bassin minier1 , Gardanne, PRF complètent les informations de l’INSEE. Elles permettent de mesurer la spécialisation du territoire entre secteurs productifs et entre types d’entreprise. Elles sont traitées dans cette annexe, selon une méthode identique à celles utilisée pour l’INSEE. Les effectifs des entreprises nationalisées (les Houillères et le Centrale thermique) non comprises dans ces informations ont été rajoutés. Le portrait de territoire effectué par l’Aupa (juillet 2002) permet d’avoir, d’une part, une vision plus actualisée du bassin minier et, d’autre part, une individualisation de chacune des 17 communes du bassin minier. Cette analyse détaillée du bassin permet de revenir sur notre hypothèse de départ qui privilégiait un partage entre un effet « Gardanne » et un effet « PRF » et d’avoir des indications sur d’éventuels basculements de communes vers une zone ou une autre et sur d’éventuels regroupements de communes. Par contre, par rapport à notre analyse, l’Aupa privilégie l’influence de la zone d’Aix et de celle de Marseille dans les changements dans le bassin minier en minorant celle d’Aubagne et en excluant celle de la zone commerciale de Plan de Campagne. Sur chaque item, on essayera de comparer : le bassin minier avec le département des Bouches du Rhône, avec, la région. Gardanne, la zone PRF, Aix, la zone ZCO. Les différentes communes du bassin minier. 1.2. Caractéristiques générales L’ensemble des données recueillies mettent en évidence : Une forte interpénétration de la ville et de la campagne La présence des infrastructures de transports, piliers possibles de la reconversion : Gardanne garde un rôle lié à sa place au cœur d’un nœud du centre de communication. Le mouvement de désindustrialisation/reconversion s’accompagne d’un processus de desserrement/ périurbanisation. Les déplacements liées au travail : la partie Nord est tourné vers Aix tandis que la partie Sud a tendance à interagir avec Aubagne et avec la métropole marseillaise. La thèse de l’Aupa est que, plus que tout autre phénomène, l’intercommunalité (à partir des années 90) a fait éclaté le bassin minier, certaines communes rejoignant Aix, les autres restants isolées tout en « regardant » vers Marseille. 1 Belcodène, Châteauneuf-le-Rouge, Cadolive, Simiane-Collongue, Saint-Savournin, Mimet, Peypin, Bouilladisse, Gréasque, La Destrousse, Gardanne, Meyreuil, Rousset, Peynier, Trets, Fuveau, Bouc Bel Air. La 229 2. Caractéristiques démographiques de la zone 2.1. La population totale Globalement, la croissance du nombre d’habitants est forte dans la bassin minier (BM) par rapport à Aix, au département et à la région : Il y a un peu plus de jeunes que dans les Bouches du Rhône, nettement plus que dans PACA mais moins qu’à Aix. Il y a moins de personnes âgées qu’à Aix, que dans les Bouches du Rhône, et dans PACA. La croissance du nombre des habitants de Gardanne a été forte entre 82 et 90 alors que celle de PRF était moyenne ; entre 90 et 99, la tendance se renverse, la croissance de Gardanne se réduit et celle de PRF s’envole. Gardanne a nettement plus de jeunes que PRF, et que l’ensemble de BM mais moins qu’Aix. Le nombre de personnes âgées est plus important à Gardanne que dans le BM et surtout qu’à PRF mais moins qu’à Aix. La densité de population de Gardanne rejoint celle d’Aix, mais se différencie nettement de celle du BM et surtout de PRF. Les deux zones se différencient nettement dans leur croissance, par l’âge de leurs habitants : Gardanne possède une population d’âge très contrastée avec beaucoup de jeunes et de personnes âgées comme à Aix. PRF dispose d’une population d’âge moyen importante par rapport au BM, au département et à la région. L’Aupa souligne que l’explosion démographique qui a commencé en 70 s’explique en grande partie par l’apport de la population extérieure (90% entre 75 et 82) et que certaines communes croissent plus rapidement que d’autres (Bouc-Bel-Air). Tableau 1 - Population totale en 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Population totale en 1999 Evolution 82-90 Evolution 90-99 Part des moins de 30 ans Part des plus de 60ans Densité de population Bassin minier 92 564 3,83 1,61 37,93% 17,69% 278 PRF 13 907 1,81 5,26 32,99% 16,37% 187 Gardanne 19 344 2,10% 0,89% 39,55% 18,53% 716 Bouchesdu-Rhône Vaucluse PACA Population totale en 1999 Evolution 90-99 1 835 719 +0.47 499 685 +0.75 4 506 151 +0.63 Part des moins de 30 ans 37.7% 37.0% 35.4% Part des plus de 60 ans 21.3% 22.3% 24.1% 230 Aix 134 222 0,26% 0,90% 42,62% 19,58% 721 ZCO 68 776 2,02% 0,44% 36,38% 20,18% 503 Evolution de la population du bassin minier 1975-1982 1982-1990 1990-1999 Données Aupa Augmentation du nombre d’habitants +14 239 + 20 841 + 12 439 Solde naturel Solde migratoire + 688 + 2 158 + 3 138 +13 551 +18 683 + 9 031 2.2. Ancienneté et type de la résidence Globalement, les habitants du BM habitent depuis plus longtemps sur la zone que les référents (département, région). Les différenciations sont faibles entre les communes du BM considérées, on note des installations plus récentes dans PRF qu’ailleurs. Tableau 2a - Ancienneté de la résidence 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Bassin minier Effectif .Ménages ayant emménagé depuis moins de deux ans 4 287 .Ménages ayant emménagé depuis 2 à 9 ans 11 930 .Ménages ayant emménagés depuis plus de 9 ans 17 015 % Effectif Gardanne % Effectif % Aix Effectif ZCO % Effectif % 12,9% 15,1% 13,8% 25,1% 11,3% 35,9% 35,4% 36, 7% 37,7% 32,5% 51,2% 49,5% 49,5% 37,2% 56,2% 33 232 Ensemble PRF 5015 100.0% 7269 100.0% 60 880 100.0% 25 258 100.0% 100.0% 231 Bassin minier Effectif Bouches du Rhône Effectif % % Ménages ayant emménagé depuis moins de deux ans 4 287 Vaucluse Effectif % PACA Effectif % 12,9% 117 192 15.6% 30 638 15.3% 303 281 16.0% .Ménages ayant emménagé depuis 2 à 9 ans 11 930 35,9% 278 602 37.1% 72 749 36.3% 710 506 37.5% .Ménages ayant emménagés depuis plus de 9 ans 17 015 51,2% 355 193 47.3% 96 762 48.4% 882 515 46.5% Ensemble 33 232 100.0% 750 987 100.0% 200 149 100.0% 1 896 302 100.0% Le taux de résidence principale est plus important dans le BM que dans les autres référents, en particulier, la région ; cette singularité a tendance à se renforcer. Le BM joue le rôle de médian entre PRF qui se tourne vers Aix et Gardanne qui est elle même attirée par ZCO. Les « autres communes » semblent jouer de plus en plus le rôle de zones résidentielles (résidence principales) pour les actifs travaillant à Aix et à Marseille (phénomène plus récent pour Marseille que pour Aix). Tableau 2b - Logements 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. PRF Gardanne Aix ZCO % résidences principales Bassin minier 92,3 89,2 93,9 88,0 94,6 Augmentation 90/99 22,8 24,2 16,7 17,8 13,3 % résidences principales Augmentation 90/99 Bassin minier 92,3 22,8 Bouches du Vaucluse Rhône 89,3 85,3 11,8 12,5 Paca 75,2 12,0 2.3. Population résidente La comparaison entre les informations sur les tableaux 2 et 3 ne divergent pas réellement pour le bassin minier par rapport aux différences observées au niveau départemental et régional (on observe une accentuation des tendances dues aux % différents de jeunes et de vieux). Globalement le bassin minier se caractérise : - 232 par une moindre proportion des retraités que le département et que la région ; toutefois, le nombre de ces retraités est en forte augmentation entre 90 et 99. - par une moindre proportion des « sans activités » que le département et que la région ; mais l’augmentation de ces sans activités est presque du double de celle du département et de la région. par un peu moins d’agriculteurs ; mais leur diminution est moins forte que dans le département et la région plus d’artisans, de commerçants et de chefs d’entreprises ; et cette catégorie continue d’augmenter plus que dans le département et beaucoup plus que dans la région (ou cette catégorie diminue). plus de cadres, cette catégorie est en très forte augmentation par rapport aux référents . plus de professions intermédiaires : augmentation peu différenciée par rapport aux référents Employés, catégorie dont la proportion est plus faible dans le bassin minier que celle des référents ; augmentation de 50% alors que celles des référents tournent autour de 25%. Ouvriers : proportion plus forte que celles des référents ; diminution moindre. Le bassin minier se distingue par l’importance du nombre de ces ouvriers et cadres (territoire industriel) et par ses commerçants. Par contre, ce territoire est en profondes transformations : ces transformations sont probablement liées, à la fois, à la reconversion industrielle et à la hausse du prix du foncier. Le territoire qui était habitée de façon privilégiée par les ouvriers (recul de 4 points entre 90/99), devient de plus en plus un lieu de résidence pour employés (+2,1), professions intermédiaires (+1,7) et cadres (+1,2). En différenciant les zones du Bassin minier : Ces zones voient leurs différences s’accentuer ; taux d’évolution globale des CSP : BM :17,9%, PRF :22,9%, Gardanne : 11,8% : Les « sans activités » sont plus représentés à Gardanne qu’ailleurs, ce taux dépasse à la fois celui du département et de la région. Les retraités : le taux du bassin minier est représentatif de l’écart entre Gardanne (le plus) et PRF (le moins). Plus d’agriculteurs à PRF qu’à Gardanne ; diminution très forte à Gardanne et légère augmentation à PRF. Artisans, chefs d’entreprises et commerçants : plus grande proportion de PRF, plus forte augmentation, diminution forte de Gardanne. Cadres etc.. :Très faible représentation à Gardanne et forte à PRF (légèrement en dessous d’Aix). Par contre très forte augmentation de l’ensemble du BM en particulier pour Gardanne. Professions intermédiaires : plus importantes à PRF qu’à Gardanne ; mais en forte augmentation à PRF. Employés : plus représenté à Gardanne qu’ailleurs, augmentation plus forte à Gardanne qu’ailleurs : tendance à l’homogénéisation. S’il est possible de généraliser, PRF est un nouveau lieu d’habitation mais dans le même temps, la zone garde des paysans et est très active dans l’industrie. Elle a une proximité avec celle d’Aix, parce que les cadres sont bien représentés et que sa population ouvrière est en très rapide régression. Gardanne possède une part importante de sa population dans la catégorie ouvrière, « sans activité », retraités ; toutefois, cette population ouvrière diminue tandis que les cadres et les employés augmentent fortement. La population de Gardanne se différencie nettement de celle de la zone PRF, mais l’ensemble du bassin minier tend à s’homogénéiser au fil du temps. Six communes du bassin minier ont connu une désagrégation prononcée de la base ouvrière au cours des années 90, en particulier La Bouilladisse (+10 points ; uniquement 12,3% d’ouvriers, montée du nombre d’employés) et dans une moindre mesure Meyreuil (18,3% d’ouvriers, montée du nombre d’employés et de professions intermédiaires), Gardanne (augmentation du nombre de retraités), Fuveau, Trets (augmentation du nombre de cadres), Rousset (augmentation du nombre d’employés). 233 Tableau 3a - Ménages selon la CSP de la personne de référence 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Bassin minier % .Agriculteurs .Artisans, commerçants, chefs d’entreprises .Cadres, professions intellectuelles supérieures .Professions intermédiaires .Employés .Ouvriers .Retraités .Autres sans activité professionnelle Ensemb le PRF Evol 90-99 en % 0,4 % -9,6 % Evol 9099 en % % ZCO Evol 9099 en % % Evol 90-99 en % 0,7 -17,5 0,3 25,0 0,1 -52,7 0,3 -37,0 7,5 7,4 12,8 4,2 -8,3 4,5 -1,7 5,8 -11,9 12,6 35,6 14,9 42,9 5,8 45,8 15,2 13,5 10,9 7,7 17,7 11,3 16,7 26,8 7,9 35,5 50,5 -2,9 20,4 40,5 19,3 10,7 15,5 24,5 7,0 34,4 51,4 -5,3 17,8 66,0 15,2 13,9 21,3 28,2 11,1 19,0 43,2 -9,4 16,1 66,9 15,1 12,8 8,9 23,1 20,3 17,5 22,2 -5,7 16,3 46,3 16,4 11,7 16,4 30,3 8,3 12,0 26,9 -9,7 30,4 39,4 33 195 100% . 22,7 100% 24,0 100% 16,6 100% 18,0 100% % Evol 90-99 en % 0,4 -9,6 Bouches-duRhône % Evol 90-99 en % Vaucluse % Paca Evol 90-99 en % % Evol 9099 en % 0.5% -31.6 2.3% -24.5 0.8% -28.5 6,5 7,5 5.0% -4.2 6.2% -1.7 5.8% -6.3 12,6 35,6 9.6% +12.1 7.0% +9.6 8.3% +10.9 17,7 11,3 16,7 26,8 35,5 50,5 -2,9 20,4 14.6% 13.9% 15.5% 28.7% +17.6 +24.1 -7.8 +12.1 13.0% 11.6% 19.4% 31.2% +17.1 +24.7 +0.5 +16.7 13.4% 13.8% 15.1% 32.0% +18.7 +24.9 -4.9 +13.2 7,9 40,5 12.2% +36.6 9.3% +38.6 10.8% +34.7 +22,7 750 664 100.0% +11.8 200 170 100.0% +12.5 1896150 100.0% +12.0 33 195 Ensemble 100.0% 234 Evol 90-99 en % Aix 6,5 Bassin minier .Agriculteurs .Artisans, commerçants, chefs d’entreprises .Cadres, professions intellectuelles supérieures .Professions intermédiaires .Employés .Ouvriers .Retraités .Autres sans activité professionnelle Gardanne 13,3 Tableau 3b - CSP au lieu de résidence (population de 15 ans ou plus) 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Bassin minier % .Agriculteurs .Artisans, commerçants, chefs d’entreprises .Cadres, professions intellectuelles supérieures .Professions intermédiaires .Employés .Ouvriers .Retraités .Autres sans activité professionnelle Evol 90-99 en % PRF % Evol 90-99 en % Evol 9099 en % % ZCO Evol 9099 en % % Evol 90-99 en % - 9,6% 0,6% 4,7% 0,2% - 22,2% 0,2% -47,9% 0,2% - 42,9% 4,1% 1,8% 4,3% -2,1% 2,9% - 20,0% 3,2% - 7,3% 3,7% - 14,9% 7,9% 39,5% 9,7% 43,5% 4,0% 58,6% 10,8% 13,6% 7,1% 14,7% 16,5% 11,6% 18% 45,0% 31,6% - 1,7% 27,7% 16,1% 15,2% 10,9% 17,1% 42,1% 30,1% -7,4% 24,7% 11,7% 18,7% 14,8% 17,9% 33,3% 26,9% - 8,1% 27,0% 13,0% 14,5% 6,9% 17.5% 21,9% 8,0% -14,8% 18,1% 26,8% 2,5% 26,1% 23,4% 29,8% 1,7% 33,9% 10,0% 100% . % 22,9% 100% Bassin minier .Agriculteurs .Artisans, commerçants, chefs d’entreprises .Cadres, professions intellectuelles supérieures .Professions intermédiaires .Employés .Ouvriers .Retraités .Autres sans activité professionnelle % Aix 0,3% 17,9% Ensemble Gardanne Evol 90-99 en % 11,8% 100% 26,5% 6,3% Paca Evol 90-99 en % % Evol 9099 en % 0,3% - 9,6% 0.4% -35.9 1.7% -29.3 0.7% -33.0 4,1% 1,8% 3.4% -8.0 4.3% -4.1 4.1% -9.5 7,9% 39,5% 6.6% +14.9 4.8% +12.8 5.8% +13.9 14,7% 16,5% 11,6% 18% 45,0% 31,6% - 1,7% 27,7% 12.3% 17.0% 11.5% 20.7% +22.9 +12.5 -11.7 +15.6 10.8% 15.7% 15.5% 22.8% +25.2 +18.2 -5.7 +19.1 11.4% 17.1% 12.5% 23.7% +23.8 +15.2 -9.9 +16.3 -2.6 25.2% -0.1 25.8% -1.6 26,8% 2,5% 28.0% - 9,2% 100% Vaucluse % 13,8% 21,4% 16,9% 12,8% 11,4% - 11,6% 20,4% 37,3% 10,1% 100% Bouches-duRhône % Evol 90-99 en % 16,8% 235 2.4. Evolution de la population active. Globalement, le bassin minier se caractérise par une population active plus importante par rapport à la population totale que dans le département et que dans la région. Par contre, son taux de chômage est moins élevé. Par ailleurs, cette population active croît plus vite que celle des référents. La bassin minier joue ici le rôle de « médian » entre PRF et Gardanne : moins de population active par rapport à l’ensemble de la population à Gardanne et plus de demandeurs d’emplois. Aix et ZCO se trouvent en situation intermédiaire entre les deux extrêmes que sont Gardanne et la zone de PRF. L’évolution des emplois entre 90 et 99 est significative des redéploiements liés à la reconversion mais aussi des nouvelles vocations de certaines communes qui passent de zones productives à zones d’habitations (Meyreuil). En terme d’emplois, pour 4 communes (Trets, Rousset, Gréasque et Gardanne), la première zone d’emplois se trouve sur la commune même ; pour 4 autres (Meyreuil, Fuveau, Peynier, Chateauneuf), la première zone d’emplois est Aix ; pour les autres, c’est Marseille. Seuls, Gardanne et Rousset attirent des salariés d’autres communes. Tableau 4 - Population active 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Bassin minier Population active totale en 1999 41 951 Evolution 90-99 22,5% Part des demandeurs 14,0% d’emploi en 1999 Bassin minier Population active totale en 1999 41 951 Evolution 90-99 22,5% Part des demandeurs d’emploi en 1999 14,0% PRF Gardanne Aix ZCO 6 467 22,6% 8 495 13,2% 57 255 7,0% 30 794 4,1% 12,9% 18,5% 16,6% 15,4% du Vaucluse Paca Bouches Rhône 799 061 +5.9 214 871 +5.9 1 928 045 +6.2 19.5% 16.3% 17.3% du Vaucluse Paca 43,5% 43% 42,8% 8,5% 7,0% 7,4% Tableau 4 bis Bassin minier Population active totale en 1999/ Population 45,3% totale Part des demandeurs d’emploi en 1999/population totale 6,3% Bouches Rhône Part des demandeurs d’emplois/population totale : pourcentage des demandeurs d’emplois X population active/ population totale 236 Bassin minier PRF Gardanne Aix ZCO Population active totale en 1999/ Population 45,3% totale 46,5% 43,9% 42,7% 44,8% Part des demandeurs d’emploi en 6,3% 1999/population totale 6,07% 8,1% 7,1% 6,9% communes Gardanne Rousset Bouc-Bel-AIR Meyreuil Trets Fuveau Gréasque Peynier Peypin Simiane Mimet Destrousse Bouilladisse Belcodène Savournin Chateauneuf Cadolive Evolution 90/99 en nombre + 954 + 1932 + 604 - 450 + 397 + 160 + 52 - 116 + 155 + 155 +193 + 64 +100 + 13 + 109 +144 +185 Evolution moyenne 90/99 en % + 1, 7% + 7, 3% + 3,1% - 2,5% + 2,7% +1,7% + 0,7% - 2% + 2,2% + 2,3% + 6,7% +2% + 3,3% + 0,6% +10% + 14, 4% +30% 237 2.5. Lieu de résidence et lieu de travail Globalement, les habitants du bassin minier n’habitent que peu (par rapport aux référents) dans la commune ou ils travaillent et cette tendance se renforce. Si les habitants de PRF suivent cette tendance, ceux de Gardanne travaillent pour prés de 40% d’entre eux sur la commune. Tableau 5 - Lieu de résidence - lieu de travail en 1999 (actifs ayant un emploi) Source : Portrait de Territoire, Insee. Bassin minier PRF % Evol 90-99 en % % 24,1% - 5,4% 25,8% . Travaillent et résident 75,9% dans deux communes différentes : - de la même unité 54,9% urbaine - du même département 96,2% - de départements différents 3,8% 34,1% 74,2% 29,2% .Travaillent et résident dans la même commune Ensemble 35 948 100.0% 39,8% - 10,2% 68,3% -1,3% 26,8% -12,7% 38,9% 60,2% 33,5% 31,7% 16,2% 73,2% 9,9% 48,5% 34,6% 88,8% 32,8% 66,7% 21,o% 91,9% 8,7% 33,2% 95,89% 38,5% 97,2% 33,0% 87,6% 15,7% 96,9% 9,2% 62,1% 8,7% 46,7% 2,8% 54,7% 12,4% 19,9% 3,1% 36,5% % Evol 90-99 en % 24,1% - 5,4% . Travaillent et résident 34,1% dans deux communes différentes : 75,9% - de la même unité 29,2% urbaine 54,9% - du même département 96,2% 33,2% - de départements différent 3,8% 62,1% 35 948 Ensemble 100.0% +21,8% 238 - 7,3% 23,0% Bouches du Rhône % Evol 90-99 en % 6899 100.0% 11,9% % ZCO Evol 90-99 en % 21, 8% 5 612 100.0% Evol 90-99 en % Aix % Bassin minier .Travaillent et résident dans la même commune Gardanne Evol 90-99 en % 47 614 100% Vaucluse % 3,6% % 25 983 100.0% PACA Evol 90-99 en % % Evol 90-99 en % 61.1% -8.1 47.9% -16.5 55.4% -10.3 38.9% +25.5 52.1% +32.9 44.6% +27.4 20.0% 34.8% +30.6 +24.7 17.5% 39.1% +67.6 +32.9 23.4% 37.6% +37.6 +26.5 4.1% 640 906 100.0% +32.7 13.0% 179 217 100.0% +32.9 7.0% 1 589 021 100.0% +32.7 +2.6 +3.6 +3.3 Evol 9099 en % 2,7% L’argumentaire principal de l’Aupa situe le bassin minier dans l’interpénétration des zones d’influence de Marseille et d’Aix. Un « jeu des forces contradictoires et d’attractions multiples engendrés par un mode de vie métropolitain dissociant sans cesse lieu de travail, de vie et de loisirs » se jouent entre les aires d’influence de ces zones. Globalement, l’Aupa constate en regardant où travaillent les habitants actifs du territoire qu’ils travaillent plus en dehors du bassin (pour les ¾) et que leur déplacements montrent la prégnance économique d’Aix et de Marseille. Tableau 5 bis : Lieu de travail des actifs Lieu de travail des actifs Dans la commune de résidence Dans le commu nauté des pays d’Aix (CPA) Dans la métropole P marseillaise (MPA) Dans la communauté d’agglomération Garlaban, Huveaune, Sainte Baume (Aubagne) Dans les autres territoires 24% 33% 28% 4% 11% Dans le bassin minier, huit communes font partie de la CAPA au moment de l’enquête : Rousset, Meyreuil, Fuveau, Peynier, Rousset, Trets, Chateauneuf, Simiane-Coulonges. L’influence d’Aix est notable (61% travaillent dans la CAPA) mais celle de la métropole marseillaise (MPM) reste importante (25%). Dans les 9 autres communes (Gardanne, Gréasque, Mimet, Saint Savournin, Cadolive, Peypin, La Destrousse, La Bouilladisse, Belcodène), l’influence de MPA dépasse celle de CAPA. Toutefois, à l’intérieur de cet ensemble, Gardanne et Gréasque sont plus dans la mouvance d’Aix que celle de Marseille, par contre, les autres communes s’inscrivent dans la mouvance marseillaise. 2.6. Le revenu Le bassin minier confirme son niveau de revenu supérieur à celui du département et de la région ; cette différence tend à augmenter au cours du temps. A l’intérieur, l’unité BM continue d’être « médian » entre la zone de PRF, dont la population a un revenu supérieur à celui des habitants d’Aix et Gardanne qui a un revenu inférieur à celui du Vaucluse. Tableau 6 - Revenu net imposable moyen en Euros, en 2000 Source : Portrait de Territoire, Insee. Revenu net imposable moyen en Euros, en 1999 Proportion de foyers fiscaux imposés augmentation Bassin minier PRF Gardanne Aix ZCO 15 848 55,6% 16 935 58,1% 12 164 46,3% 16 901 56,6% 15 583 55,4% 2,7% 3,3% 1,5% 1,2% 1,3% 239 Revenu net imposable moyen en Euros, en 1999 Proportion de foyers fiscaux imposés augmentation Bassin minier Bouches du Vaucluse Rhône Paca 15 848 55,6% 13 742 49,5 12 682 46,7 13 842 50,9 2,7% 0,7 0,9 1,1 La radiographie de la structure sociale du territoire réalisée par l’AUPA, casse l’opposition entre ancien système productif et le nouveau système productif. Elle réinsère le bassin comme lieu de résidence : le bassin minier serait d’abord une zone d’habitation fournissant des actifs à Aix et à Marseille et seulement ensuite un bassin d’emploi. Seuls, Gardanne et Rousset garderaient un caractère industriel et productif. Ce changement bouscule les caractéristiques des différentes communes et celles de leurs habitants : la différenciation du territoire ne se fait plus selon des critères géographiques (Nord attirance d’Aix et des catégories moyennes et aisées, Sud attirance vers Marseille et des catégories plus « populaires ») ou totalement industriel mais par un mélange des deux. Ainsi, les communes, où les catégories dominantes « aisées »et moyennes sont majoritaires, sont dispersées sur le territoire : les unes sont dans la zone d’influence de Gardanne, les autres dans celle de Rousset ; les habitants ont des mobilités professionnelles qui les conduisent à travailler soit vers Aix soit vers Marseille. Par contre, les quatre communes, qui sont encore le premier lieu d’emploi des actifs, Gardanne, Rousset, Trets, Gréasque, ont des actifs appartenant pour leur majorité à des catégories populaires. Gardanne et Trets attirent peu les couches aisées. On peut aller jusqu’à soutenir l’existence d’une différenciation entre des zones productives et « populaires » et des zones d’habitation des catégories aisées qui serait indépendante de la géographie. Tableau 6 bis : Les catégories sociales selon les communes 1er niveau de différentiation Communes catégories moyennes et aisés Communes « populaires » 240 2er niveau de communes Observations AUPA différentiation Dominante Chateauneuf, Les 3 communes de la CPA comptent une catégories aisées Belcodène, Bouc bel part importante de cadres (inf à 20%)tandis air, Peynier que Belcodène se distingue par le fait qu’il présente sur l’ensemble du bassin minier, le taux le plus fort de professions intermédiaires (24%). Dominante Simiane, Mimet, Toutes ces communes présentent une catégories moyennes Fuveau, La proportion de cadres et de professions destrousse, Cadolive intermédiaires légèrement au dessus de la moyenne du bassin. Les composantes ouvrières et employées s’inscrivent dans la moyenne. Avec présence Peypin, Rousset, La Pour ces communes , la présence des notable des classes Bouilladisse, St- cadres est faible et la composante ouvrière moyennes Savournin, Meyreuil est importante. Avec sous Gréasque, Gardanne, Dans ces 3 communes, les cadres et les représentation Trets. professions intermédiaires sont peu marquée des présents. La proportion d’actifs ouvriers catégories aisées. reste forte à Gardanne et à Trets alors qu’à Gréasque, elle s’est fortement réduite du fait de la mise à la retraite des mineurs. Tableau 6 ter : Chômage, pauvreté, précarité par communes. Niveau de chômage Niveau de pauvreté Niveau de précarité Taux de chômage en 99 Niveau de pauvreté (part de la population à bas revenus) Inf à 9% De 9 à 12% De 12 à 17% Inf à 17% Niveau de précarité (part de la population bénéficiant du RMI) Inf à 2 % De 2 à 3% De 3 à 5% Inf à 5% Belcodène, Bouc-Bel-Air La Bouilladisse Cadolive Châteauneuf La Destrousse Fuveau Gardanne Gréasque Meyreuil Mimet Peynier Peypin Rousset St-Savournin Simiane Trets Inf à 10% De 10 à 13% De 13 à 17% Sup à 17% 2.7. Le chômage Globalement, le pourcentage des chômeurs dans la population active est moins important dans le bassin minier que dans le département et la région et cela dans toutes les classes d’âge considérées, comme entre les genres. Par contre, l’évolution 90/99 a été plus forte que dans les autres référents : on note en particulier la hausse importante du chômage chez les plus de 50 ans. Les licenciements sont plus importants dans le Bassin minier que chez les autres référents. Par contre si les demandeurs d’emplois croissent plus vite, proportionnellement, les licenciements diminuent alors qu’ils progressent ailleurs. Les demandeurs d’emploi après une première entrée sur le marché du travail sont en nombre plus faible que dans le département ; ils sont en plus forte diminution qu’ailleurs. Comme dans de nomb reuses statistiques considérées, pour le pourcentage de chômeurs dans la population active le bassin minier est le médian entre Gardanne et PRF. Lorsque l’on regarde la structure par âge, on constate que la part des chômeurs « jeunes » dépasse largement les chiffes de PRF et du bassin minier mais aussi ceux du département et de la région et que contrairement à ceux des référents elle progresse. 241 Tableau 6 (4) : Demandeurs d’emplois Bassin minier % Evol 20002001 Licenciement 29,6 -6,4 Démission 5,3 -1,8 Fin d’emploi à durée 33,1 -6,8 limitée Première entrée 4,0 -37,1 Autres circonstances 28,0 -7,5 Ensemble 4193 - 8,4 100 Bassin minier % 242 Evol 20012002 PRF % Gardanne Evol 20002001 % 29,5 4,7 32,1 -8,2 16,0 -10,5 3,6 30,1 -42,1 4,9 -4,2 27,3 -8,8 1079 100 611 100 Bouches du Rhône % Evol 20012002 Evol 20002001 29 4,3 34,5 Aix % -2,8 -20,7 -8,4 Evol 20002001 26,8 5,9 32,1 -0,8 0,9 1,4 -46,5 6,9 -5,4 28,3 -9,9 7756 100 -17,2 -0,4 Vaucluse % ZCO Evol 20012002 -1,2 PACA % Evol 20012002 Licenciement Démission Fin d’emploi à durée limitée Première entrée Autres circonstances 29,6 5,3 33,1 -6,4 -1,8 -6,8 25,7 4,2 32,5 3,0 -2,9 -7,2 25,4 5,2 42,8 0,9 -8,1 -10,3 26,5 4,9 35,1 3,9 -6,2 -6,1 4,0 28,0 -37,1 -7,5 -8,4% 5,6 32,0 -26,3 -6,1 -5,6 3,2 23,4 -30,5 -30,2 -6,9 4,2 29,3 -22,36 -4,6 -4,1 Ensemble 100 100 100 100 % 29,6 4,3 31,5 Evol 20002001 -5,6 -9,7 -5,0 5,7 -17,4 28,9 -6,5 3267 100 -6,5 Tableau 6 (5) : Age des chômeurs Bassin minier De 15 à, 24 ans De 25 à 49 ans De 50 ans et plus Hommes Femmes Ensemble % populat° active 27,5 13,3 11,5 11,1 17,6 14% Evol 90/99 Ensemble % -11,0 38,0 63,1 42,9 22,6 30,6 % pop active 27,5 13,3 11,5 11,1 17,6 14% 26,1 12,2 11,2 11,0 15,3 12,9 Bassin minier De 15 à, 24 ans De 25 à 49 ans De 50 ans et plus Hommes Femmes PRF Evol 90/99 -11,0 38,0 63,1 42,9 22,6 30,6% Gardanne Evol 90/99 -37,3 40,3 73,0 47,0 9,3 24,2 Evol 90/99 34,5 17,0 15,0 14,6 23,1 10,8 23,3 44,2 37,7 14,0 18,5 Bouches du Rhône % pop Evol active 90/99 33,9 -19,0 19,4 40,6 14,8 32,0 17,1 29,4 22,5 23,3 19,5 % 26,1 Aix % ZCO Evol 90/99 27,8 16,8 12,3 15,2 18,2 -19,1 44,6 49,3 45,0 23,1 23,1 16,6 Vaucluse % pop active 30,0 15,7 12,6 13,6 19,8 16,3 % Evol 90/99 28,8 14,8 12,2 12,7 18,5 32,7 15,4 -22,4 30,4 29,6 26,8 11,3 17,8 PACA Evol 90/99 -13,7 37,4 45,7 39,2 16,5 26,0 % pop active 30,0 15,7 12,6 13,6 19,8 16,3 Evol 90/99 -13,7 37,4 45,7 39,2 16,5 26,0 243 3. Caractéristiques socio-économiques de la zone 3.1. Les caractéristiques de l’emploi 3.1.1. Niveau de formation Globalement, le niveau de formation est plus élevé (légèrement) dans le bassin minier que dans le département ou la région ; l’écart se creuse globalement en évolution alors que l’écart diminue pour les niveaux intermédiaires (BEPC ; CAP/BEP ). La tendance se creuse pour les niveaux supérieurs. Gardanne se différencie du BM et encore plus nettement de PRF : il y a un écart positif de 9 points entre les « bas niveaux de formation »(sans diplôme CEP), pour les formations intermédiaires, de 3 point avec le BM et de 6 points avec PRF. Pour les hauts niveaux de formation (au dessus de bac) il y a un écart négatif de 14 points avec PRF et de 10 points avec le BM. Par contre, si l’on compare avec ZCO, on remarque que les bas niveaux de formation sont proportionnellement moins nombreux à Gardanne, les intermédiaires plus nombreux, les haut niveaux moins nombreux (influence de la taille des entreprises probablement). Lorsque l’on compare PRF à Aix, on constate que le niveau de formation est nettement plus élevé à Aix en particulier en raison du nombre de haut niveaux de qualification. L’élévation générale du niveau de formation est très forte dans le BM, mais elle augmente plus fortement à PRF qu’à Gardanne. Le bassin minier est là encore le médian entre d’un côté les bas niveaux, de l’autre les hauts niveaux. Il existe une légère tendance au rééquilibrage entre les zones plus rapide que dans l’ensemble du département et de la région. Les tableaux sur les niveaux de formation par communes montrent que Gardanne et Gréasque ont le plus faible niveau de qualification du bassin. Gardanne a aussi le taux de chômage le plus élevé et Gréasque le plus faible. Tableau 7 - Niveau de formation au lieu de résidence (population non scolarisée 15 ans et +) 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Bassin minier % .Titulaire : - d’aucun diplôme - du CEP - du BEPC - du CAP ou BEP - du BAC ou BP - d’un diplôme de BAC+2 - d’un diplôme de niveau supérieur Ensemble 244 Evol 90-99 en % PRF % Gardanne Evol 90-99 en % % Aix Evol 90-99 en % % ZCO Evol 90-99 en % % Evol 90-99 en % 18,5 13,2 8,2 25,9 13,5 -0,25 -6,4 20,2 39,3 32,7 17,3 11,9 8,4 23,2 14,3 - 18,0 - 6,3 14,2 42,4 9,7 25,0 14,9 7,0 29,9 10,8 -20,7 -11,9 30,6 34,1 43,2 16,3 10,9 8,5 16,7 14,3 - 24,9 -16,7 3,2 17,4 9,2 18,7 14,4 8,8 27,2 12,8 -28,1 -14,6 17,9 27,2 22,7 10,4 84,2 11,9 57,1 7,2 86,6 12,0 39,2 9,2 59,5 10,4 113,3 12,9 88,3 5,2 113,8 21,4 55,3 8,9 76,8 65 887 100.0% 17,9 9 756 100.0% 19,7 13 903 100.0% 11,2 91 374 100.0% 8,0 50 297 100.0% 7,6 Bassin minier % Evol 90-99 en % Bouches du Rhône % Evol 90-99 en % Vaucluse % PACA Evol 90-99 en % % Evol 9099 en % .Titulaire : - d’aucun diplôme - du CEP - du BEPC - du CAP ou BEP - du BAC ou BP - d’un diplôme de BAC+2 - d’un diplôme de niveau supérieur 18,5 13,2 8,2 25,9 13,5 -0,25 -6,4 20,2 39,3 32,7 22.0% 14.5% 9.0% 22.6% 12.7% -27.8 -12.9 +11.4 +28.9 +19.1 23.6% 16.7% 8.5% 23.9% 12.2% -22.8 -9.3 +14.7 +33.4 +24.0 20.3% 16.0% 9.8% 22.9% 13.3% -28.0 -10.8 +12.1 +32.6 +19.3 10,4 84,2 9.1% +59.3 7.9% +58.1 8.6% +55.4 10,4 113,3 10.1% +75.1 7.2% +80.5 9.2% +72.7 +17,9 1331981 100.0% +5.4 367 716 100.0% +7.4 3355389 100.0% +6.3 65 887 Ensemble 100.0% 3.1.2. Principales formes d’emploi des salariés Globalement, le bassin minier possède un ratio « d’emploi permanent/ emplois précaires » analogue à celui du département, supérieur à celui de la région ; mais leur répartition diffère : dans le BM, les CDI sont plus nombreux, les titulaires de la fonction publique moins nombreux ; si l'intérim et les emplois aidés sont nettement moins nombreux, les stages d’apprentissage sont un peu prés équivalents. En termes de formes d’emplois, le bassin minier est peu différencié, Gardanne et PRF ont plus d’emplois aidés que l’ensemble du bassin minier, par contre ces deux zones bénéficient de moins de stages d’apprentissage . La progression sensible du nombre d’emplois de Trets peut s’expliquer par la présence d’une entreprise d’intérim très active fournissant de nombreux salariés au secteur de la micro-électronique dans son ensemble ; une autre de ces sociétés, utilisée aussi par la micro-électronique est localisée, à Gardanne. Tableau 8 - Principales formes d’emploi des salariés, lieu de résidence 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Bassin minier Effectif % .CDI 20 479 64,6% .CDD 2 141 6,5% .Intérim 348 1,1% Emploi aidé 773 2,4% Apprentissage, stage 750 2,4% .Titulaires fonction 7206 22,7% publique Ensemble 31 697 100% PRF Effectif 3 206 337 43 134 92 1099 4911 Gardanne % Effectif % Aix Effectif ZCO % Effectif % 65,2% 6,9% 0,9% 2,7% 1,9% 22,4% 4 153 455 106 195 175 1 253 65,2% 6,9% 0,9% 2,7% 1,9% 22,4% 24 520 3 650 183 1 207 967 11 021 58,6% 8,7% 0,2% 2,9% 2,3% 26,4% 14 655 1 495 258 609 537 5 506 63,6% 6,5% 1,1% 2,6% 2,3% 23,9% 100% 6 337 100% 41 848 100 23 060 100 245 Bassin minier Effectif .CDI .CDD .Intérim Emploi aidé Apprentissage stage .Titulaires fonction publique 20 479 2 141 348 773 750 7206 Ensemble 31 697 % Bouches du Rhône Effectif % 64,6% 6,5% 1,1% 2,4% 2,4% 22,7% 342 299 48 070 7962 17511 14027 134 349 100 Vaucluse Effectif 60.7% 8.5% 1.4% 3,1% 2,5% 23.8% 91 721 15 861 2721 4322 4330 30 785 % 61.2% 10.6% 1.8% 2,9% 3,0% 20.5% 100 564 218 PACA Effectif % 813 864 131 599 17 786 38605 34315 322 800 59.9% 9.7% 1.3% 2,8% 2,5% 23.7% 100 149 740 100 1 358 969 3.1.3. Statuts au lieu de travail La proportion des salariés habitant le bassin minier est un peu plus importante que dans la région mais moins importante que dans le département ; on enregistre, de plus, une forte augmentation de la part des salariés par rapport aux non salariés en particulier des femmes et des temps partiels. Le bassin minier, dans son ensemble, a une part de salariés moindre que Gardanne et PRF ; la proportion des femmes et des temps partiels augmente comme c’est le cas dans le département. Tableau 9 - Statuts au lieu de travail en 1999 - Source : Portrait de Territoire, Insee. Bassin minier % Evol 90-99 en % PRF % Evol 90-99 en % % Aix Evol 90-99 en % ZCO % Evol 90-99 en % % Evol 90-99 en % . Salariés dont : - femmes -temps partiel 87,7 32,1 91,6 47,9 89,4 17,2 89,6 19,9 88,4 22,9 36,0 15,9 49,1 106,2 35,5 12,4 67,7 161,8 35,1 16,1 25,3 71,9 44,2 18,5 27,7 83,0 35,6 17,3 29,7 101,6 . Non salariés dont : - femmes -temps partiel 12,3 -0,7 8,4 2,3 10,6 -9,0 10,4 3,0 11,6 -4,8 3,9 1,2 -6,4 -14,1 2,3 0,8 -23,9 -20,0 3,6 1,4 -9,3 69,2 3,5 1,0 0,0 1,7 3,4 1,0 -7,4 -17,5 Ensemble 100.0% 26,9 246 Gardanne 42,5 100.0% 13,7 100.0% 17,9 100% 18,9 100.0% Bassin minier % . Salariés dont : - femmes -temps partiel . Non salariés dont : - femmes -temps partiel 87,7 Evol 90-99 en % 32,1 Bouches du Rhône % Evol 90-99 en % 89.0% +6.1 Vaucluse % PACA % 84.4% Evol 90-99 en % +10.1 Evol 9099 en % 86.4% +7.6 36,0 15,9 49,1 106,2 40.9% 16.7% +16.7 +71.3 39.1% 18.8% +21.3 +70.9 40.5% 17.4% +18.5 +70.2 12,3 -0,7 11.0% -10.6 15.6% -12.5 13.6% -12.2 3,9 1,2 -6,4 -14,1 3.4% 0.9% -14.8 -15.9 4.7% 1.4% -19.2 -18.2 4.2% 1.2% -16.8 -20.0 +26,9 655 800 100.0% +4.0 185 215 100.0% 23 893 Ensemble 100.0% 1576808 +5.9 100.0% +4.4 3.1.4. Les emplois par CS au lieu de travail (Tableau 12) Le bassin minier se distingue nettement par sa proportion d’ouvriers par rapport au département et à la région. PRF (d’abord) et Gardanne se caractérisent par le pourcentage élevé d’ouvriers par rapport au BM ; par ailleurs, il faut noter que PRF possède un taux élevé dans la catégorie « cadres » alors que Gardanne a plus de « professions intermédiaires ». Tableau 10 - Emplois au lieu de travail en 1999 par catégorie socioprofessionnelle – Source : Portrait de Territoire, Insee. Bassin minier Effectif .Agriculteurs exploitants .Artisans, commerçants et chefs d’entreprises .Cadres, professions intellectuelles supérieures .Professions intermédiaires .Employés .Ouvriers en % PRF Effectif Gardanne en % Effectif Aix en % Effectif ZCO en % Effectif en % 207 0,9 67 1,1 24 0,4 213 0,3 88 0,4 1985 8,3 314 5,0 457 7,4 4 069 6,2 1675 8,0 3400 14,2 1309 21,0 781 12,6 14 026 21,5 2345 11,2 6164 5667 6470 25,8 23,7 27,1 1637 1090 1826 26,2 17,5 29,2 1714 1438 1782 27,7 23,2 28,8 17 675 20 098 9 160 27,1 30,8 14,0 5469 6116 5324 26,0 29,1 25,3 100.0% 6196 Ensemble 23 893 100.0% 6 243 100.0% 65 241 100.0% 21 017 100.0% 247 Bassin minier Effectif .Agriculteurs exploitants .Artisans, commerçants et chefs d’entreprises .Cadres, professions intellectuelles supérieures .Professions intermédiaires .Employés .Ouvriers Ensemble 207 en % 0,9 Bouches du Rhône Effectif en % Vaucluse Effectif Paca en % Effectif en % 5349 0.8% 6845 3.7% 23 396 1.5% 1985 8,3 44 939 6.9% 16 636 9.0% 137 472 8.7% 3400 14,2 96 440 14.7% 18 758 10.1% 201 686 12.8% 172 937 26.4% 204 038 31.1% 132 097 20.1% 655 800 100.0% 41 293 54 684 46 999 185 215 6164 25,8 5667 23,7 6470 27,1 23 893 100.0% 22.3% 380 057 24.1% 29.5% 513 410 32.6% 25.4% 320 787 20.3% 100.0% 1 576 808 100.0% 3.2. Les caractéristiques de l’activité économique 3.2.1. Les emplois par secteur d’activité de la population travaillant sur la zone Ces informations confirment nettement le caractère industriel du territoire par rapport aux référents, le tertiaire étant relativement peu représenté comme les services aux entreprises par rapport au département et à la PACA. Le caractère industriel est fortement « marqué » dans la zone PRF (elle s’écarte en cela d’Aix), d’une façon moindre à Gardanne ou le tertiaire est plus représenté que dans le reste du bassin. Tableau 11 - Emplois au lieu de travail en 1999 par secteur d’activité Source : Portrait de Territoire, Insee. Bassin minier Effectif en % PRF Effectif Gardanne en % Effectif Aix en % Effectif ZCO en % Effectif en % .Agriculture .Industrie .Construction .Tertiaire dont : -commerce -services aux entreprises -services aux particuliers 565 6711 1625 14992 2,4 28,1 6,8 62,7 141 2910 212 2980 2,3 46,6 3,4 47,7 82 1794 340 3980 1,3 29,0 5,5 64,2 625 4 521 2707 57 388 1,0 6,9 4,1 88,0 246 3721 1595 15455 1,2 17,7 7,6 73,5 3574 2310 15,0 9,7 685 559 11,0 9,0 809 572 13,1 9,2 9515 11467 14,6 17,6 4958 2065 23,6 9,8 1266 5,3 356 5,7 264 4,3 5346 8,2 1530 7,3 Ensemble 23 893 100.0% 248 6 243 100.0% 6196 100.0% 65 241 100.0% 21 017 100.0% Bassin minier Effectif .Agriculture .Industrie .Construction .Tertiaire dont : -commerce -services aux entreprises -services aux particuliers Bouches du Rhône en % Effectif Vaucluse en % Effectif Paca en % Effectif en % 565 6711 1625 14992 2,4 28,1 6,8 62,7 12 480 84 664 34 497 524 159 1.9% 12.9% 5.3% 79.9% 14 165 23 132 11 899 136 019 7.6% 12.5% 6.4% 73.4% 49 037 178 323 95 763 1 253 685 3.1% 11.3% 6.1% 79.5% 3574 2310 15,0 9,7 93 980 83 767 14 .3% 12.8% 31 900 17 564 17.2% 9.5% 240 992 181 443 15.3% 11.5% 1266 5,3 44 884 6.8% 13 465 7.3% 139 322 8.8% Ensemble 23 893 100.0% 655 800 100.0% 185 215 100.0% 1 576 808 100.0% 3.2.2. La composition du tissu productif Le taux d’activité est important dans le bassin minier par rapport aux référents (% et évolution 90/99) mais le taux de création est moyen. L’industrie est forte en stock, en croissance et en taux de création, comme la construction, deux secteurs sont en train de décoller, les services aux entreprises et l’éducation, santé, action sociale. Le taux d’activité (comme son évolution 90/99) de PRF est + important que celui de Gardanne et ils sont tous les deux supérieurs au taux du BM. La construction n’atteint pas dans ces deux zones le taux du bassin dans les services. Par rapport aux taux d’évolution de 90/99, on note dans les taux de création un rééquilibrage de Gardanne par rapport à PRF et au BM. Tableau 12 - Etablissements actifs sur la zone au 01.01.2000 Source : Portrait de Territoire, Insee. Bassin minier % .Industrie dont : IAA .Construction .Commerces et réparations .Autres services dont : services aux entreprises services aux particuliers éducation, santé, action sociale Ensemble Evol 93-00 en % PRF % Gardanne Evol 93-00 en % % Aix Evol 93-00 en % % ZCO Evol 93-00 en % % Evol 93-00 en % 11,4 16,7 13,7 31,8 12,7 18,9 7,4 4,1 10,9 0,5 2,7 14,5 0,0 0,5 1,9 13,8 0,0 12,8 3,7 10,2 0,0 -12,2 1,7 6,8 0,0 -1,4 2,7 10,0 0,0 -17,2 26,3 47,9 4,6 26,0 22,6 49,8 2,9 36,6 32,5 44,5 -5,2 24,2 26,4 59,5 5,5 19,5 34,4 44,8 1,8 17,5 14,3 10,8 15,8 39,3 20,4 30,1 15,6 12,3 13,7 45,6 44,4 40,3 10,0 12,6 18,1 75,0 10,4 34,5 23,1 12,9 15,8 24,9 30,0 16,0 12,0 11,4 13,7 32,1 18,1 16,0 100 14,6 100 23,3 100 8,1 100 12,7 100 5,6 249 Bassin minier .Industrie dont : IAA .Construction .Commerces et réparations .Autres services dont : services aux entreprises services aux particuliers éducation, santé, action sociale Ensemble Bouches du Rhône % Evol 90-99 en % % Evol 90-99 en % 11,4 16,7 9.1% 2,7 14,5 0,0 0,5 26,3 47,9 Vaucluse PACA % Evol 90-99 en % % Evol 90-99 en % -3.2 10.3% -3.6 8.9% -3.8 2.4% 9.6% -5.2 +1.1 3.1% 13.6% -3.9 +8.3 2.4% 11.6% -3.1 -3.4 4,6 26,0 28.6% 52.6% -5.4 +15.8 30.0% 46.1% -2.0 +22.8 28.3% 51.2% -2.6 +16.8 14,3 10,8 39,3 20,4 15.8% 13.2% +32.2 +12.9 12.5% 14.6% +28.6 +24.0 14.3% 15.5% +30.1 +15.2 15,8 3813 30,1 14,6 16.3% 96 652 +13.3 +5.6 13.1% 29 199 +23.2 +9.4 13.8% 271 971 +16.7 +6.2 Tableau 13 - Etablissements actifs suivant la taille au 01/01/2002 Source : Portrait de Territoire, Insee. 250 1 à 4 salariés 5 à 9 salariés 10 à 19 salariés 20 à 49 salariés 50 à 99 salariés 100 à 199 salariés 200 à 499 salariés + 500 salariés Bassin minier 2 226 2 595 2 310 3 751 1 797 1 857 804+ 243 (SNPE)=1047 4979 + 560 (HBP)= 5539 % 10,5 12,3 10,9 17,8 8,5 8,8 4,9 26,2 PRF 380 421 412 915 436 896 346 3715 % 5,0 5,6 5,5 12,2 5,8 11,9 4,6 49,4 Total 21 122 100 7521 100 Gardanne 563 532 624 889 309 103 550+560=111 0 4130 % 13,6 12,9 15,1 21,5 7,5 2,5 26,9 100 Tableau 14 - Etablissements Taux de création en 2000 Source : Portrait de Territoire, Insee. .Industrie dont : IAA .Construction .Commerces et réparations .Autres services dont : services aux entreprises services aux particuliers éducation, santé, action sociale Ensemble .Industrie dont : IAA .Construction .Commerces et réparations .Autres services dont : services aux entreprises services aux particuliers éducation, santé, action sociale Ensemble Bassin minier PRF Gardanne Aix ZCO 13,4 13,8 12,1 10,2 11,5 14,4 16,3 25,0 17,0 3,2 17,4 15,1 17,9 14,0 20,8 13,6 13,5 16,0 12,6 13,9 12,8 15,6 13,7 12,9 11,6 17,6 14,3 14,1 14,1 25,0 13,2 17,0 15,1 17,0 12,5 9,2 13,9 11,5 14,2 5,3 13,5 7,5 14,2 6,4 12,9 Bassin minier Bouches du Rhône Vaucluse Paca 13,4 10.6 11.2 11.2 14,4 16,3 13.0 18.0 13.0 15.7 12.6 17.8 13,6 13,5 14.2 13.0 13.8 13.6 15.3 13.8 17,6 14,3 15.8 17.3 14.9 17.3 16.2 17.8 9,2 13,9 7.0 13.6 8.8 13.7 7.6 14.5 Le bassin minier est un territoire industriel de longue date : il s’est écarté ces dernières années de l’industrie lourde pour se spécialiser dans le secteur des hautes technologies (micro-électronique). Mais vu la fragilité de ce secteur, il est aussi nécessaire d’être attentif aux autres potentiels de la zone en particulier ceux qui concourent à la pérennité d’une zone et qui sont liés à la demande de ces habitants actifs : services aux particuliers, construction, commerce…. 3.2.3. Les principales activités de la zone Globalement, la zone est dominée par les activités industrielles liées à la micro-électronique : Composants électroniques, nettoyage industriel, travail temporaire…la zone de PRF se rapproche d’un district spécialisé dans ce secteur. Gardanne reste marqué par l’industrie lourde. 251 Tableau 15 - Les dix premiers employeurs (effectif salarié). Niveau NAF 700 Source : Assedic 2001 Salariés 1- Composants électroniques (fabrications de composants électroniques actifs) (321B) 2-Activités de nettoyage (747Z) 3- Supermarchés (521D) 4-Extraction et agglomération de houille (10.1) 5-Production de matériaux non ferreux (274C) 6- Activités hospitalières (851A) 7- Travaux de maçonnerie générale (452 V) 8- Travail temporaire (745 B) 9- Ingénierie, Etudes techniques (742C) 10-Production et distribution d’électricité Total Total général 252 Etablissements nombre Taille moyenne 11 396 nombre 4 356 % 48,8 1 143 12,8 21 54 622 560 6,9 6,3 13 1 48 560 550 6,2 1 550 500 5,6 6 83 394 4,4 95 4 301 3,4 7 43 259 2,9 36 7 243 2,7 1 243 8 928 21122 100 192 46,5 PRF Salariés 1- Composants électroniques (fabrications de composants électroniques actifs) (321B) 2- Action sociale avec hébergement (8531) 3- Supermarchés (521D) 4-locarions de linge (714A) 5-2-Activités de nettoyage (747Z) 6- Fabrication de machines diverses d’usage général (292K) 7- Commerce de gros de produits chimiques (515L) 8- Fabrication de plaques, feuilles, tube et profilés en plastiques (252A) 9- Fabrication d’instruments scientifiques et techniques (332B) 10- Travaux de maçonnerie générale (452 V) Total Total général Etablissements nombre Taille moyenne 9 475 nombre 4279 % 76,1 239 4,2 3 80 206 196 3,7 3,5 4 1 51 196 150 2,7 6 22 147 2,6 2 73 123 2,2 5 25 118 2,1 2 59 88 1,6 3 29 73 1,3 20 4 5619 100 55 102 253 Gardanne Salariés Etablissements nombre Taille moyenne 1 560 nombre 560 % 27,1 550 26,5 1 550 209 10,1 4 52 204 9,8 5 41 5-Commerce de vehicules automobiles (501Z) 111 5,4 10 11 6- chaudronnerie, tuyauterie (283C) 7- organisations associatives NCA (913 E) 107 5,2 9 12 94 4,5 18 5 8- Activités générales de sécurité sociale (753A) 9- fabrication de vêtement de dessus pour femmes et fillettes (182 E) 10-Fabrication d’équipement de levage et de manutention Total Total général 94 4,5 1 94 87 4,2 5 22 57 2,7 3 19 2073 100 57 36 1-Extraction et agglomération de houille (10.1) 2-Production de matériaux non ferreux (274C) 3- Travail temporaire (745 B) 4- Supermarchés (521D) 4. Description des activités étudiées. 4.1. Définitions des secteurs Source ASSEDIC 2001 ( très faible prise en compte de l’agriculture dans cette source, qui est à compléter par les données du RGA ; les services publics ne sont pas inclus) Critère : les effectifs salariés employés par les activités en Naf700 La composition des rubriques : Composants électroniques (fabrications de composants électroniques actifs) (321B), service aux entreprises+ activités informatiques (74, 72), Industrie lourde (28 (Travail des métaux)+27 (métallurgie)+26 (Fabrications d’autres produits minéraux non métalliques)+ effectifs de HBP+effectifs de SNPE), Santé et action sociale (85), Construction (45), Commerce de détail et réparation d’articles domestiques (52) 4.2. Caractéristiques des activités Le bassin minier est un territoire industriel dont le développement est lié à la présence de grandes entreprises (26,2% des salariés sont employés dans des entreprises de plus de 500 salariés). Le secteur qui emploie le plus est celui de la micro-électronique. La place du secteur du nettoyage peut être considérée comme liée à cette activité. L’industrie lourde reste prégnante. Mais le tertiaire (commerce, activités hospitalières…) a de plus en plus d’importance à côté des activités traditionnelles comme les travaux publics. Les entreprises d’intérim deviennent de plus en plus 254 importantes en terme de salariés ce qui impose que l’on s’intéresse aux contrats de ces entreprises avec les autres entreprises du territoire. PRF est totalement dominé par la micro-électronique, on peut considérer que 80% de son activité est directement liée à cette branche ce qui implique une fragilité lorsque cette industrie est en crise. Gardanne est encore nettement tournée vers l’industrie lourde mais le secteur tertiaire commence à tenir une part de l’activité de la commune non négligeable : commerce, activité sociale, administration, intérim ; cette spécialisation relative pourrait être l’avenir de la commune dans le bassin lorsque les activités industrielles auront soient disparues, soient fortement diminuées. Les données Aupa montrent que l’activité productive est essentiellement tournée autour de Gardanne-Meyreuil, de PRF, Trets n’arrivant pas à se créer comme un centre d’activités productives. Tableau 16 - Le degré de spécialisation de la zone – Source Assedic – calcul de l’auteur Bassin minier 1- Fabrication d’équipements de radio, télévision et communication (32) Services aux entreprises+activités informatiques (74,72) Industrie lourde Santé et action sociale (85) Construction (45) Commerce de détail et réparation d’articles domestiques (52) PRF Gardanne 4395 20,8 4279 76,2 9 0,4 2631 12,5 277 5,0 404 19,5 2069 1860 1655 1486 9,8 8,8 7,8 7,0 114 290 157 257 2,0 5,1 2,8 4,6 1272 146 358 463 61,4 7,0 17,3 22,3 21122 100 5619 100 2073 100 255 Salariés 1- Composants électroniques (fabrications de composants électroniques actifs) (321B) 2-Activités de nettoyage (747Z) 3- Supermarchés (521D) 4-Extraction et agglomération de houille (10.1) 5-Production de matériaux non ferreux (274C) 6- Activités hospitalières (851A) 7- Travaux de maçonnerie générale (452 V) 8- Travail temporaire (745 B) 9- Ingénierie, Etudes techniques (742C) 10-Production et distribution d’électricité Total Total général 256 Etablissements nombre Taille moyenne 11 396 nombre 4 356 % 48,8 1 143 12,8 21 54 622 560 6,9 6,3 13 1 48 560 550 6,2 1 550 500 5,6 6 83 394 4,4 95 4 301 3,4 7 43 259 2,9 36 7 243 2,7 1 243 8 928 21122 100 192 46,5 PRF Salariés 1- Composants électroniques (fabrications de composants électroniques actifs) (321B) 2- Action sociale avec hébergement (8531) 3- Supermarchés (521D) 4-locarions de linge (714A) 5-2-Activités de nettoyage (747Z) 6- Fabrication de machines diverses d’usage général (292K) 7- Commerce de gros de produits chimiques (515L) 8- Fabrication de plaques, feuilles, tube et profilés en plastiques (252A) 9- Fabrication d’instruments scientifiques et techniques (332B) 10- Travaux de maçonnerie générale (452 V) Total Total général Etablissements nombre Taille moyenne 9 475 nombre 4279 % 76,1 239 4,2 3 80 206 196 3,7 3,5 4 1 51 196 150 2,7 6 22 147 2,6 2 73 123 2,2 5 25 118 2,1 2 59 88 1,6 3 29 73 1,3 20 4 5619 100 55 102 257 Gardanne Salariés Etablissements nombre Taille moyenne 1 560 nombre 560 % 27,1 550 26,5 1 550 209 10,1 4 52 204 9,8 5 41 5-Commerce de vehicules automobiles (501Z) 111 5,4 10 11 6- chaudronnerie, tuyauterie (283C) 7- organisations associatives NCA (913 E) 107 5,2 9 12 94 4,5 18 5 8- Activités générales de sécurité sociale (753A) 9- fabrication de vêtement de dessus pour femmes et fillettes (182 E) 10-Fabrication d’équipement de levage et de manutention Total Total général 94 4,5 1 94 87 4,2 5 22 57 2,7 3 19 2073 100 57 36 1-Extraction et agglomération de houille (10.1) 2-Production de matériaux non ferreux (274C) 3- Travail temporaire (745 B) 4- Supermarchés (521D) 258 Annexe 2 - Liste des entretiens réalisés 259 260 Type d’entreprises Nombre d’entreprises enquêtées Les grandes entreprises donneuses d’ordre Les entreprises sous traitantes Les entreprises indépendantes Total 5 Nombre d’entretiens Responsables Ingénieurs, représentants ou cadres techniciens, syndicaux fonctionnels ouvriers 18 25 5 15 16 2 2 22 36 25 5 Type d’acteurs publics Nombre d’acteurs publics Nombre d’entretiens enquêtés Formation-Emploi 6 9 Reconversion industrielle 3 4 Représentants des élus 2 3 + réunions départementaux ou régionaux Représentants syndicaux 4 6 ou élus locaux Associations 2 2 professionnelles Total 17 24 + réunions Total d’entretiens : 90 entretiens. 261 262 Chapitre 4 L' « Aromatic Vallée » L’industrie grassoise de l’aromatique et de la parfumerie : pôle d’expertise incontournable ou marginalisé ? 264 Le projet dans lequel s’inscrit l’étude menée sur l’industrie aromatique et de la parfumerie grassoise avait pour objet d’analyser les mutations de l’appareil productif en PACA à partir des logiques de transition d’industries traditionnelles de quatre zones de la région. Celles-ci avaient été initialement regroupées en deux catégories selon la nature des mutations à l’œuvre : adaptation et reconversion. Dans le premier, les activités traditionnelles se maintiennent mais doivent se transformer, l’évolution s’opère dans une certaine continuité ; de nouvelles activités émergent dans une relative filiation. Dans le second, l’évolution du tissu productif se fait par rupture : les activités traditionnelles disparaissent plus ou moins complètement, de nouvelles entreprises s’installent sans lien obligé avec les premières. Même si l’on peut faire l’hypothèse que les processus en cours sont complexes et qu'au sein d'un territoire, ces logiques peuvent coexister, mais aussi se combiner, voire s’hybrider, les sites sélectionnés relèvent d’un type dominant de logique. L’industrie aromatique et de la parfumerie de la région de Grasse a donc été choisie car elle semblait parfaitement illustrer la logique d’adaptation identifiée. L’analyse de telles mutations revêt un double enjeu pour la région : - d’une part, il s’agit d’identifier les conditions du maintien ou du renouveau de la compétitivité des entreprises implantées dans ces zones ; - d’autre part, de la compétitivité économique des zones dépend la capacité de développement de l’emploi local, ce qui suppose une réflexion sur les modalités d’adaptation des ressources humaines locales et d’attraction de nouvelles ressources potentiellement intéressantes pour le développement des activités traditionnelles. Sur la zone de Grasse plus spécifiquement les questions ont porté sur la nature et les temporalités des transitions à l’œuvre (quelles évolutions ? depuis quand ?), les facteurs d’évolution (quels événements, quelles stratégies en sont responsables ?), ainsi que sur l’analyse du rôle des acteurs dans ces mutations, qu’ils soient publics ou privés. Bien que l’industrie grassoise représente aujourd’hui moins de 10% de l’activité mondiale du secteur de l’aromatique et de la parfumerie, son histoire, les compétences et les savoir-faire construits et maintenus dans la région dans ce domaine, le nombre d’emplois concernés, montrent tout l’enjeu que représente la compétitivité de ce territoire. La synthèse de l’analyse présentée ici s’organisera de la manière suivante : après un rappel de nos choix méthodologiques (1), nous reviendrons sur l’histoire longue de la zone (2), car cela nous permettra d’identifier les temporalités de la transition ainsi que les événements qui ont contribué à la structurer. Après cette entrée chronologique, nous adopterons une présentation plus analytique autour de cinq points : l’articulation entre la dynamique productive et la dynamique urbaine (3) car les mutations industrielles peuvent se trouver en concurrence avec des logiques d’expansion démographique et urbaine ; les logiques d’entreprises à l’œuvre (4) qui sont tout à la fois, causes, conséquences et conditions des mutations en cours ; les liens entre le tissu productif et le territoire (5) dont il s’agit de mesurer la force dès lors qu’elle apparaît comme une condition de la pérennité des activités industrielles ; les transitions du marché du travail (6) ; et enfin les dynamiques d’acteurs (7) qui jouent un rôle majeur dans les transformations. 265 1. Choix méthodologiques et présentation du territoire étudié Choix méthodologiques Les choix méthodologiques ont été, dans le projet, assez différents suivant les terrains et les situations rencontrées. Dans le cas de Grasse, l’objectif était d’analyser les mutations de l’industrie aromatique et de la parfumerie dont l’origine remonte sur la zone au XVIIème siècle. L’analyse du site de Grasse a donc obéi à une double logique : géographique et sectorielle. Une logique sectorielle tout d’abord, puisque nous avons choisi de nous limiter à l’étude des mutations d’un secteur donné. Ce choix de nous focaliser sur cette industrie est lié à la place particulière qu’occupent les entreprises grassoises dans l’industrie aromatique mondiale, mais également au fait que cette industrie constitue aujourd’hui encore le premier employeur de la zone avec environ 9% des effectifs salariés (source : ASSEDIC). Nous n’avons donc pas fait une analyse de l’évolution du territoire dans son ensemble. Nous n’avons pas cherché à savoir s’il existait localement des activités nouvelles susceptibles de devenir des relais de croissance pour le territoire, et comment pouvaient s’opérer d’éventuels transferts de ressources et de savoir-faire entre une industrie présente depuis trois siècles et des activités plus récentes. Cependant, même si cette question n’a pas été posée de façon explicite dans notre étude, la réalité que nous avons rencontrée et les nouvelles problématiques locales nous ont toutefois amenée à envisager des connexions entre le secteur traditionnel étudié et des activités plus récentes, mais plutôt localisées hors du territoire traditionnel de l’industrie de l’aromatique et de la parfumerie. Nous avons donc centré notre recherche sur les activités suivantes : - Parfumerie et aromatique (matières premières, composition, produits finis), ce qui correspond, dans la nomenclature INSEE aux codes : 15.8P (transformation du thé et du café) ; 15.8V (industries alimentaires n.c.a. (non comprises par ailleurs)) ; 24.1C (fabrication de colorants et de pigments) ; 24.1G (fabrication d'autres produits chimiques organiques de base) ; 24.5A (fabrication de savons, détergents et produits d'entretien) ; 24.5 C (fabrication de parfums et de produits pour la toilette) ; 24.6E (Fabrication d’huiles essentielles). - Emballage et conditionnement, c’est-à-dire dans la nomenclature INSEE : 21.2B (Fabrication de cartonnages) (pas d'effectif sur la zone) ; 26.1E (Fabrication de verre creux) ; 28.7C (fabrication d'emballages métalliques légers) ; 74.8D (Conditionnement à façon). - Fabrication d’équipements, c’est-à-dire : 29.2H (Fabrication d’équipements d’emballage et de conditionnement). - Commerce, c’est-à-dire : 51.1R (autres intermédiaires spécialisés du commerce) ; 51.1T (intermédiaires non spécialisés du commerce) ; 51.4L (commerce de gros de parfumerie et de produits de beauté). Une logique géographique ensuite, puisque nous avons circonscrit notre analyse à un territoire dont le cœur est situé à Grasse, mais qui rassemble toutes les communes sur lesquelles sont implantées des entreprises intervenant dans le domaine de l’aromatique et de la parfumerie, soit : Grasse bien sûr, mais également, Mouans-Sartoux, Bar-sur-Loup, Mougins, Saint Cézaire sur Siagne, Saint Vallier de Thiey, Vallauris, Seillans. Quelques entreprises sont localisées à Opio, 266 Comps sur Artuby, Pégomas, Peymeinade, La Roquette sur Siagne, mais cette implantation est beaucoup moins importante que sur les communes précédemment citées. En revanche, l’étude n’a pas porté sur les entreprises de la région situées en dehors de ce périmètre, bien que l’on rencontre des entreprises intervenant dans le secteur, dans le domaine du négoce, ou plus en aval, aussi bien dans les Bouches-du-Rhône que dans les Alpes-de-Haute-Provence. L’objectif de notre démarche a bien été de travailler sur le «district » grassois de l’aromatique et de la parfumerie. Le recueil des données Le terrain a été exploré à partir de quatre sources d’informations : - Recueil de données documentaires sur l'industrie aromatique et de la parfumerie grassoise1 (rapports, articles, données fournies par des institutions locales, Asfo Grasse, Chambre de Commerce et d'industrie, Communauté d'Agglomération…). - Conduite d'entretiens auprès de plusieurs catégories d'acteurs : représentants d'institutions régionales, locales, privées et publiques, chefs d'entreprises et/ou DRH selon les cas, salariés). Une trentaine d'entretiens a été réalisée (voir annexe 2). - Passation d'un questionnaire auprès de toutes les entreprises du bassin de Grasse exerçant une activité dans le domaine de l'aromatique et de la parfumerie. 112 questionnaires ont été envoyés le 20/06/2003. Une vingtaine de questionnaires ont été renvoyés. Le questionnaire est fourni en annexe du rapport. - Analyse statistique d’un territoire constitué par les communes qui, autour de la ville de Grasse, concentrent la majeure partie des activités productives et/ou des lieux d'habitation des salariés des entreprises opérant dans le secteur. Les communes retenues sont : Grasse, Saint Vallier de Thiey, Saint Cézaire sur Siagne, Le Tignet, Spéracèdes, Escragnolles, Le Bar sur Loup, Opio, Chateauneuf de Grasse, Cabris, Peymeinade, Mouans Sartoux, Auribeau sur Siagne, Pégomas, La Roquette sur Siagne, Mougins, Valbonne, Le Cannet, Vallauris. Les données exploitées proviennent de l’ASSEDIC (données sur les effectifs salariés de la zone et les effectifs d’entreprises répertoriés par activité) et de l’INSEE (Portrait de territoire). Ces données permettent de caractériser le degré de spécialisation du territoire, d’en mesurer les évolutions socio-démographiques qui sont à articuler avec la question de l’adaptation des ressources humaines locales et de l’attrait de nouvelles compétences. Le tissu industriel hier et aujourd’hui Sans entrer dans le détail, puisque nous reviendrons sur l’histoire de la zone dans le point suivant, la mutation opérée par le secteur dans la seconde moitié du XXème siècle est déjà perceptible à la lecture du nombre d’entreprises et de leur taille : Effectifs Nombre d'entreprises ou d'établissements 1956 1600 35 1971 2926 31 1989 2770 >40 2001 3500 65 1 On parle d'industrie grassoise de façon élargie. Il ne s'agit bien évidemment pas uniquement des sociétés installées sur la commune de Grasse, mais de toutes les entreprises exerçant dans les communes citées précédemment et qui sont à proximité de Grasse. 267 Sur les cinquante dernières années, on remarque que le nombre d’entreprises a quasiment doublé, tandis que les effectifs, eux ont plus que doublé, les évolutions ayant eu lieu davantage au cours des deux dernières décennies. Mais derrière cette remarquable progression se cache une profonde mutation du tissu productif. Dans les années 50, l’industrie aromatique et de la parfumerie s’organisait autour de grandes entreprises aux noms prestigieux. En 1986, il y avait encore à Grasse 9 entreprises exerçant dans le secteur de l’aromatique et de la parfumerie et ayant un effectif supérieur à 100 salariés. Aujourd’hui, la moitié des entreprises a moins de 50 salariés et ¼ environ moins de 10 salariés. Seules trois entreprises (Mane, Robertet et Charabot) ont un effectif de plusieurs centaines de salariés, le tissu s’est donc progressivement restructuré selon une logique de PME. A cette évolution quantitative, il faut ajouter une évolution des métiers depuis l'amont de la filière, l'extraction et la production de matières premières aromatiques et d'huiles essentielles vers l'aval de la filière, en particulier l'élaboration de compositions parfumantes. Seulement six entreprises de la zone ont encore une activité de production de matières premières : Mane, Charabot, Robertet, Payan-Bertrand, Calchauvet (racheté par Danisco) et Laboratoire Monique Rémy (LMR) racheté en 2000 par le leader mondial du secteur IFF (International Flavors and Fragrances). Derrière ces transformations « objectives » et visibles du tissu productif, il était important de mesurer la nature des mutations en termes de réorientations stratégiques ou de qualifications. En effet, on connaît la grande difficulté des entreprises qui se créent à perdurer au-delà des deux premières années d'existence. Or, une caractéristique tout à fait intéressante du territoire est que la plupart des entreprises qui se sont créées dans les années 80 existent toujours. Il était donc tout à fait légitime de s’interroger sur les capacités de ce tissu et des entreprises qui le composent à pérenniser une activité qui est devenue de plus en plus concurrentielle. 2. L'industrie aromatique à Grasse : histoire et transition Grasse, capitale de la parfumerie L'histoire « industrielle » de Grasse liée à la parfumerie est très ancienne puisque les premières distilleries ont été créées dans la région de Grasse au XVIème siècle. Au 17ème siècle, un florentin, Tombarelli installe à Grasse la première « usine à parfums ». C'est l'époque de la mode des vêtements parfumés, notamment des gants, introduite par Catherine de Médicis. Or dès le Moyen Age, Grasse avait acquis une renommée importante grâce à l'industrie du cuir. Au 18ème siècle, l'activité de la parfumerie se développe tandis que l'industrie de la ganterie migre vers le nord (Grenoble). Grasse passe alors du travail des cuirs parfumés à la fabrication exclusive de parfums. C'est au 19ème siècle que l'industrie de la parfumerie grassoise se développe et acquiert les signes distinctifs qui vont la caractériser jusqu'au milieu du siècle suivant : industrie organisée autour d'affaires familiales, industrie fondée sur des procédés que l'on met au point et que l'on conserve dans le plus grand secret, industrie largement ouverte au-delà de son territoire (Banque de France, 1982). Grâce à l'amélioration des technologies, l'industrie grassoise connaît au XIXème siècle une première diversification de ses produits : les entreprises locales proposent des pâtes aromatisées, des poudres, des huiles parfumées, des savons… 268 Jusqu'au milieu du 20ème siècle, l'industrie se caractérise par : - une organisation économique et sociale centrée autour de quelques entreprises familiales de taille relativement importante (plusieurs centaines de salariés). Ce sont des noms comme Tombarel, Roure, Chiris, Lautier, Méro … - une organisation industrielle située en amont de la filière. Les entreprises grassoises produisent des matières premières naturelles (la culture florale est significative), elles extraient ensuite les matières premières naturelles qui vont servir de base à la réalisation de compositions parfumantes. Certaines entreprises sont apparues dès le milieu du XVIIIème siècle. Les établissements Chiris ont été créés en 1768, Lautier a été créée en 1795. Au XIXème siècle, Grasse et ses environs vont compter jusqu'à 80 entreprises. Robertet, toujours indépendante aujourd'hui est créée en 1850. Roure, disparue récemment est créée en 1820. Ces entreprises à capital familial vont rester indépendantes jusqu'aux années 60, période qui va engendrer une première phase de restructurations à l'origine de l'industrie actuelle. Jusqu'au milieu du XXème siècle, toutes les entreprises transforment des matières premières locales ou des produits d'importation lorsque le climat local ne permet pas la culture des matières premières. Ce sont des sociétés industrielles, qui réalisent les différentes étapes nécessaires à l'obtention de la « concrète » et de «l'absolue ». Mais ces sociétés sont également présentes dans le domaine de la composition parfumante. Elles vont petit à petit intégrer, mais de façon inégale, des activités de synthèse, car elles incorporent bien évidemment des matières premières synthétiques dans leurs compositions. Dès la fin du XIXème siècle, l'industrie de la parfumerie à Grasse est un vrai système productif local : elle emploie une proportion importante de la population grassoise, les agriculteurs passent des conventions avec les parfumeurs auxquels ils assurent l'exclusivité de leur production à un prix fixé à l'avance, l'industrie fait travailler en cascade une multitude de métiers nécessaires à son activité : verriers, ferblantiers, bouchonniers, chaudronniers, imprimeurs, transporteurs… (Rasse, 1987). A cette période, les matières premières naturelles sont les principaux composants des parfums et des produits parfumés. Le développement du monopole de Grasse dans l'industrie de la parfumerie y est intimement lié, car sa situation géographique dans l'arrière-pays cannois, le climat méditerranéen, l'ensoleillement exceptionnel de la zone et sa position abritée des vents les plus froids en font un site favorable à la culture des fleurs. A Grasse, les horticulteurs ont cultivé pendant plus d'un siècle les iris, violettes, œillets, tubéreuses, mimosa, jasmins et roses de mai (ou roses centifolia) entrant dans la composition des parfums. La région fournissait une production florale considérable et de qualité. Le jasmin est sans doute la fleur emblématique du rayonnement de Grasse dans le monde de la parfumerie. En effet, cette fleur est considérée comme l'une des plus nobles et entre dans la composition des grands parfums, notamment du fameux n°5 de Chanel, composé à Grasse. Aujourd'hui, le jasmin utilisé dans les compositions vient le plus souvent d'Asie, d'Inde en particulier, mais également, d'Egypte, de Turquie, d'Afrique du Sud ou du Maroc. Seules 269 quelques parcelles de jasmin seraient encore cultivées à Grasse pour fournir la production destinée à la maison Chanel2 . Mais, dès l'origine, toutes les plantes n'ont pas été cultivées à Grasse. De nombreuses matières premières ont toujours été importées pour les besoins des parfumeurs : ylang-ylang, vanille, eucalyptus… Les entreprises grassoises recherchant des odeurs exotiques nouvelles ont très rapidement installé des cultures, dans les domaines et les territoires d'outre-mer, mais également à Madagascar et dans d'autres pays, dans le but d'approvisionner les usines françaises. Certaines de ces implantations vont d'ailleurs devenir par la suite concurrentes des usines grassoises, du fait des transferts de savoir-faire et de technologie qui vont s'opérer pour les premières phases du traitement des matières premières3 . Les grandes maisons familiales ont donc largement cherché à établir des relations avec l'étranger par l'intermédiaire de courtiers, commissionnaires, représentants, agents ou bureaux commerciaux qui leur assurent des débouchés dans le monde entier et qui vont rechercher les matières premières nécessaires à l'activité. Avant le développement de l'aviation, les grassois ont voyagé autour du monde, en bateau le plus souvent, pour aller chercher les matières premières qui ne pouvaient pas être produites sur place. Bien plus, jusqu'en 1914, Grasse a été la plaque tournante commerciale incontournable de la parfumerie mondiale, notamment concernant les matières premières aromatiques. En effet, tant que les matières premières ont été traitées à Grasse, le commerce des matières premières à destination des sociétés réalisant des compositions parfumantes a majoritairement transité par la ville4 , considérée comme une place d'expertise pour les produits de parfumerie. La fin d'un monopole La première guerre mondiale a porté un premier coup à cette situation privilégiée. Les premiers substituts de synthèse sont apparus à la fin du XIXème siècle, puis se sont développés. Ce sont les industriels de la chimie qui ont porté prioritairement les innovations dans le domaine de la synthèse. Mais des maisons grassoises ont également participé à ce processus. Dès la fin du XIXème siècle, la maison Roure (dont le nom va disparaître définitivement en 2000) se fait connaître par ses innovations en la matière. En 1902, Louis Roure, convaincu que la chimie organique peut apporter d'importantes ressources à l'industrie de la parfumerie, crée à Argenteuil une usine de produits de synthèse, mais sous le nom de son technicien et ami Justin Dupont (Varvat, assoargr.free.fr), et non sous le nom de Roure, pour des questions d'image. Il est en effet important de dissocier l'activité chimique de l'image de Grasse, alors largement positionnée sur le segment de la parfumerie sélective, et de maintenir dans la plus grande discrétion l'intervention de la chimie dans la parfumerie. Toutefois, le succès des matières premières synthétiques n'a cessé de croître tout au long du XXème siècle donnant raison aux industriels comme Louis Roure et venant concurrencer l'activité liée aux matières premières naturelles qui assurait le leadership 2 Cette information est à prendre au conditionnel, car dans son ouvrage, E Roudnitska un des parfumeurs créateurs les plus connus de Grasse écrit que même « le légendaire n°5 de Chanel créé à Grasse contient exclusivement des substances chimiques » (Roudnitska, 1990, p 43). 3 En 1932, les établissements Chiris possédaient des usines de production à Grasse bien sûr, mais également en Calabre, en Sicile, en Bulgarie, en Algérie, en Tunisie, à Madagascar, Mayotte, aux Comores, à la Réunion, en Chine, en Indonésie, en Indochine ; et avaient établi des agences dans différents pays d'Europe, d'Amérique du nord et du sud, en Asie, Australie, Japon… 4 C'était le cas par exemple de l'essence de Néroli qui est un composant essentiel de l'eau de Cologne. 270 aux entreprises grassoises et la cohérence de l'économie locale fondée sur un équilibre agricole et industriel (Galle, 1976). Le manque d'intérêt des entreprises grassoises pour ces nouvelles matières a sans doute contribué à les marginaliser dans l'industrie mondiale de la parfumerie et à les fragiliser face aux grands industriels de la chimie qui vont investir la zone à partir des années 60. Mais, c'est à partir de la seconde guerre mondiale que le déclin de Grasse semble s'être véritablement amorcé. De nouveaux courants commerciaux se sont développés. Ils ne sont plus forcément passés par Grasse. Les matières premières ont été traitées dans des pays au climat propice et proposant une main d'œuvre meilleur marché. La pression foncière dont nous verrons l'importance plus loin a commencé à s'exercer à cette période. La culture des plantes à parfum a connu son apogée entre les deux guerres aux alentours de 1925. Elle a ensuite rapidement décliné pour atteindre aujourd'hui des niveaux extrêmement faibles. Dans les années 30, la qualité médiocre des productions étrangères, et la réputation des plantes à parfum grassoises ont ralenti leur déclin. Mais, malgré la forte demande mondiale en plantes odorantes, et malgré le différentiel de qualité, la production locale de plantes à parfum va céder la place à des productions étrangères contre lesquelles elle ne peut rivaliser en termes de coûts5 . Ce sont les parfumeurs grassois qui entre les deux guerres dominaient l'industrie de la parfumerie ont eux-mêmes amorcé le déclin des cultures florales locales en allant s'approvisionner à l'extérieur. Ces parfumeurs n'ont pas perçu qu'en se coupant du terroir à l'origine de leur réputation ils allaient dans le même temps mettre en danger l'équilibre entier du territoire. La seconde guerre mondiale a constitué un tournant décisif dans l'histoire de la zone. Les réseaux d'échange commerciaux sont désorganisés par le conflit. Les clients traditionnels des parfumeurs grassois commencent à s'adresser directement aux pays producteurs, ce qui amplifie le déclin déjà amorcé de la production locale. Des entreprises américaines vont développer une activité de parfumerie et concurrencer les producteurs grassois. La place de Grasse va toutefois maintenir encore quelques années après la guerre sa position de quasi-monopole dans la commercialisation de matières premières aromatiques puisqu'au début des années 50, elle contrôle encore 95% des échanges. Les matières premières sont encore acheminées à Grasse pour être transformées et mélangées aux productions locales. Progressivement, les clients vont directement s'approvisionner auprès des producteurs locaux de matières premières. En parallèle, la décolonisation va entraîner la nationalisation d'une part non négligeable des usines et domaines détenus par les grassois à l'étranger. D'autres places de transit vont se développer, faisant perdre définitivement à Grasse sa position dominante dans l'industrie aromatique mondiale. Dans les environs de Grasse, ne subsistent donc aujourd'hui que quelques productions florales (rose de mai), violette feuille, jasmin, oranger bigaradier et dans des quantités qui ne peuvent plus être comparées aux productions du début du siècle. Ces productions représentent aujourd'hui des surfaces et un nombre de producteurs réduits, car limités par la pression foncière et des coûts de production élevées. En effet, pour le jasmin et l'oranger, les coûts de production sont surtout constitués par la main d'œuvre de cueillette et sont soumis à la concurrence des pays où les salaires sont très faibles (Inde, Chine, Maroc). 5 En 1939, la concrète de rose de Bulgarie coûte 12000 f, celle de Grasse 28000 f et la concrète de jasmin italien coûte 6000 f contre 12000 f pour celle de Grasse (Farnarier, cité par Rasse, 1987). 271 Finalement les acteurs de la rupture de l'équilibre entre économie agricole et activité industrielle ont été tout autant les industriels de Grasse, les fournisseurs étrangers de matières premières et les cultivateurs eux-mêmes : - Les industriels grassois, on l'a vu, à partir du moment où ils ont exploité à l'étranger, des domaines leur permettant d'obtenir et de traiter des matières premières à des coûts inférieurs à ceux de Grasse. - Les fournisseurs étrangers, dès lors qu'ils ont su exploiter et valoriser leurs propres productions sous forme de concrètes, absolues et huiles essentielles. - Les horticulteurs eux-mêmes qui ont, dans les années 60 commencé à déplanter de façon significative, car subissant le coût élevé d'une main d'œuvre saisonnière, les effets négatifs du morcellement de leurs terrains, et bien évidemment la concurrence des fournisseurs étrangers (Galle, 1976). L'arrivée des groupes étrangers à la zone C'est réellement à partir des années 50 et 60, que s'amorcent plusieurs mutations qui vont modifier significativement le territoire. A la fin de la seconde guerre mondiale et au début des années 50, l'industrie de la parfumerie à Grasse est toujours structurée autour de sociétés à capital familial et local. Une étude, réalisée en 1957 (in Rasse, 1987), indique que l'actionnariat est majoritairement local. En effet, 2/3 des actions sont détenues par des habitants de Grasse ou de la Côte d'Azur, le 1/3 restant étant détenu par des résidents de la région parisienne. A l'opposé de l'industrie mondiale qui se restructure et donne naissance à des multinationales qui vont finalement dominer le secteur, l'industrie grassoise continue de fonctionner sur une logique organisée autour de PME, les plus grandes ayant quelques centaines de salariés. Toutefois, à partir des années 50, le territoire connaît plusieurs phases de restructurations et de regroupements des entreprises locales. Il s'agit d'abord d'un processus endogène. Ce sont d'abord des entreprises de Grasse qui ont commencé à se regrouper. En 1963, Fragonard rachète Muraour Frères ; en 1964, Funel rachète Honoré Payan, Mane et fils acquiert Bruno Court ; en 1966, Robertet prend le contrôle de Cavalier Frères. Mais ce processus ne se généralise pas et ne constitue pas un réel mouvement de restructuration de la zone destiné à réinscrire les entreprises du territoire dans la compétition internationale. Un ancien directeur d'établissement cité par Paul Rasse considère que les liens interpersonnels, d'amitié ou familiaux ont sans doute été à l'origine du refus de la zone à reconsidérer son mode de fonctionnement interne, car ils imposaient de « laisser les petits exister » (p 37). Puis, des entreprises extérieures (françaises puis étrangères) au territoire viennent s'implanter à Grasse en procédant à des acquisitions. L'intervention des groupes étrangers à la zone (français et internationaux) date des années 60. En 1964, un seul établissement de la zone est sous contrôle étranger. Il s'agit de la société C.A.L. (Camilli, Albert & Laloue) qui se développe à travers la société Bérenger Jeune fondée en 1874, et qui est devenue C.A.L. en 1918. L'histoire de cette entreprise est exemplaire des mouvements de capitaux qui vont s'opérer dans l'industrie grassoise à partir des années 60. C.A.L a été rachetée par Coty en 1930. Elle passe sous le contrôle du groupe pharmaceutique Pfizer en 1963. Par la suite, cette entreprise achète la société Marcel Blanc en 1985 et intègre le groupe finlandais Cultor en 1996. Parallèlement, la famille Chauvet 272 acquiert en 1928 les Parfumeries de Seillans fondées en 1884. Entrent ensuite successivement dans le capital Fritzche Brothers Inc en 1928, la famille Adrian en 1948, le groupe Bic en 1987 et Firmenich en 1994. Le groupe Cultor rachète l'ensemble des parts de la société Pierre Chauvet en 1998. Au 1er janvier 1999, les activités matières premières naturelles de C.A.L. et de Chauvet sont fusionnées au sein de la nouvelle entité Calchauvet. Par la suite, Cultor va fusionner avec le groupe Danisco pour former le groupe Danisco Cultor. Dans les années 60, la situation à Grasse va évoluer très rapidement. En 1964, le groupe Unilever achète Bertrand Frères, le groupe Hoffman Laroche prend le contrôle de Roure Bertrand Dupont. En 1966, les établissements Chiris sont rachetés par un groupe nord-américain U.O.P. Ces rachats vont se poursuivre dans les années 70 et 80. En 1975, Schmoller et Bompard passent sous le contrôle des laboratoires Bottu. En 1980, l'entreprise Lautier Fils est rachetée le groupe Rhône Poulenc, tandis que la Sanofi, notamment par l'intermédiaire des laboratoires Clin Midi Aromatique acquis en 1980, prend le contrôle de sociétés anciennes comme Tombarel (en 1981) et Méro-Boyveau (en 1982). Ces acquisitions (qui vont se poursuivre) vont donner lieu à partir des années 80 à des restructurations et vont conduire à une transformation significative de la zone. Ainsi, Lautier va devenir Florasynth, puis passera sous le contrôle de Haarman et Reimer qui deviendra Symrise en 2002 après la fusion avec Dragoco. Les filiales de Clin-Midi seront, quant à elles, cédées à Degussa toujours présent sur la zone. Mais, surtout, ces restructurations vont donner lieu à un important mouvement de création de petites entreprises par des cadres de ces sociétés, soit après une perte d'emploi, parce qu'ils ne partageaient pas leurs nouvelles orientations. Ces groupes multinationaux ne sont bien sûr pas venus à Grasse pour exploiter une main d'œuvre locale bon marché. Ils ont réellement été attirés par la réputation et le prestige des industriels locaux et ont ainsi chercher à bénéficier du capital technique, scientifique et humain concentré sur la zone (Galle, 1976). Ces investissements s'inscrivaient également dans une politique d'intégration verticale dans laquelle il s'agissait de contrôler des créneaux intermédiaires, stratégiques et onéreux, occupés par les industriels grassois (Rasse, 1987). Les groupes extérieurs à la zone ont bénéficié à l'époque de la fragilisation des entreprises locales dont les techniques et les structures économiques et managériales ne correspondaient pas aux évolutions du marché. Cet écart entre les pratiques locales et les attendus des investisseurs vont entraîner le démantèlement d'une partie des établissements grassois et la régénération du tissu par le processus de création d'entreprises précédemment évoqué. La restructuration (des anciens salariés de l’entreprise parlent de «sabotage ») par la Sanofi de sa branche parfumerie est un moment pivot de l'évolution de la zone. La Sanofi a en effet pris le contrôle de plusieurs sociétés grassoises dans le domaine de l'aromatique et de la parfumerie. Puis, un changement de stratégie a conduit à privilégier le développement de la branche pharmaceutique au détriment de la branche parfumerie. Les anciens de la Sanofi reconvertis dans de nouvelles activités parlent très durement de cette période. Toutefois, les restructurations opérées par la Sanofi (et d’autres concurrents) ont eu également l'effet d'une « destruction créatrice ». Ce qui aurait pu conduire à un éclatement de la zone a en fait conduit à sa régénération. 273 Ces restructurations ont donné au territoire sa configuration actuelle : - Un tissu constitué principalement de PME, même si on trouve sur la zone quelques entreprises de taille importante, et d’envergure internationale. - Cette évolution de la taille est intimement associée à la nature de l’activité. En effet, les entreprises qui se sont créées consécutivement au mouvement de restructuration dans les années 80 se sont orientées dans la plupart des cas dans des activités nécessitant moins d'équipement et d'investissement initial : la composition parfumante ou le négoce. Cette orientation, conjuguée au déclin des cultures florales, a conduit à l’abandon, à quelques exceptions près de l’amont de la filière. Ainsi que nous l’avons déjà souligné, seules six entreprises ont encore une activité de production de matières premières. Cette évolution peut s’avérer problématique pour le territoire. Si cette trajectoire de rétrécissement des activités se confirme, elle constitue sans doute un danger à long terme car cette spécialisation peut remettre en cause l'atout du territoire qui consiste à regrouper dans un espace délimité l'ensemble des métiers et activités nécessaires à l'élaboration du produit final (qui, ne l'oublions pas, n'est pas réalisé à Grasse). - Ce rétrécissement du champ d’activités est toutefois contrebalancé par la diversification vers les arômes alimentaires qui représentent aujourd’hui une part significative du chiffre d'affaires de la zone. - Le tissu est en fait hétérogène. Sur la zone cohabitent des PME indépendantes, des entreprises de taille moyenne (plus de 500 salariés) à capital familial et des filiales de groupes non grassois (français et étrangers). Cette précision est tout à fait importante, car ainsi qu'on le verra plus loin, la pérennisation du pôle grassois est à rechercher dans la présence de groupes indépendants dont la stratégie se décide localement. On peut ainsi opposer deux logiques entrepreneuriales : une logique dite financière caractéristique des groupes extérieurs qui ont investi sur la zone ; et une logique industrielle, patrimoniale, qui réunit les entreprises à capital familial du territoire. Ces deux logiques correspondent à la fois à des modes d'insertion différenciés dans l'espace concurrentiel international, à des stratégies différentes, mais également à des modes de gestion des ressources humaines bien distincts. Les années 90 : le durcissement des contraintes On peut considérer que le territoire est entré aujourd’hui dans une nouvelle phase de transition dont on peut repérer l’origine dès la fin des années 80. Le territoire est amené à évoluer sous l’effet de contraintes aussi bien d’ordre économique que réglementaire (les industriels qui ont créé leur entreprise dans les années 80 considèrent qu’aujourd’hui les conditions concurrentielles leur seraient beaucoup moins favorables). Ces contraintes sont de différentes natures : - 274 Les entreprises sont confrontées à une accélération du cycle de vie des produits, tant dans le domaine de la parfumerie que des arômes alimentaires. Le parfum est devenu un objet de mode. Les femmes en changent fréquemment, incitées en cela par les grands groupes de l'industrie du luxe. Dans le domaine des arômes alimentaires, les entreprises ne parviennent plus à prévoir leur activité plus de trois semaines à l’avance, ce qui se répercute sur la gestion de leur main d’œuvre, avec un recours de plus en plus fréquent à une main d’œuvre intérimaire. - Une banalisation du produit. Les compositions aromatiques sont présentes dans de nombreux domaines du quotidien. La démultiplication de l'usage des compositions parfumantes pour des produits peu prestigieux (détergents) entraîne une pression croissante sur les prix qui se répercute en amont sur le choix des matières premières utilisées et la nécessité pour les producteurs de comprimer les coûts de production. - Au cours des dernières années, le secteur a fait l'objet d'un mouvement de concentration significatif, car les entreprises leaders ont multiplié les opérations de croissance externe dans le double but d'accroître leurs parts de marché et d'obtenir une taille critique à l'échelle internationale. Ainsi, le groupe Symrise est né en 2002 de la fusion de deux sociétés Haarman & Reimer et Dragoco ; et IFF a pris en novembre 2000 le contrôle de Bush Boake Allen. On peut noter que le premier groupe français est Mane à la neuvième place, avec une part de marché qui ne représente que le 1/10 du leader mondial. - Actuellement, les facteurs clés de succès dominants dans l'industrie aromatique et de la parfumerie sont la capacité à réaliser des volumes importants et à proposer les prix les plus faibles possibles. Dans le même temps, le marketing devient source d'avantage concurrentiel. Il ne faut pas oublier que, dans la parfumerie fine, le parfum lui-même (le jus) ne représente qu'environ 10% du coût de revient d'un parfum tandis que les coûts liés au marketing (tests, conditionnement, communication) sont majoritaires. Dans ce système, les industriels de Grasse (y compris les plus importants) ne peuvent concurrencer les leaders tant sur le plan des volumes produits, des prix proposés et des moyens marketing mis en œuvre. - Selon un mouvement qui s’est généralisé depuis les années 80, les entreprises qui souhaitent s’inscrire dans l’espace concurrentiel international, sont de plus en plus incitées à se soumettre à des dispositifs de normalisation et de certification visant des objectifs de qualité, voire de sécurité des produits mis sur le marché. Dans l’industrie de l’aromatique et de la parfumerie, les grands groupes situés en aval ne travaillent qu’avec des fournisseurs certifiés. Or, pour nombre de petites entreprises de la zone, la certification est un processus trop coûteux pour être encore envisagé. Ce qui les conduit à se positionner prioritairement sur des marchés moins exigeants en la matière. - Ces dernières années ont vu l’exacerbation de la pression réglementaire . L'industrie aromatique et de la parfumerie grassoise subit le poids des lobbies d'Europe et d'Amérique du Nord qui cherchent à diminuer la part des matières premières naturelles réputées allergisantes dans la composition des parfums. - Dans un contexte de développement des préoccupations environnementales, les entreprises sont également soumises à des contraintes croissantes. A Grasse, cette contrainte s'exerce d'autant plus fort que, par le passé, le développement industriel s'est fait sans aucune réflexion et a abouti à mixer des zones d'habitation, commerciales et industrielles, et qu’aujourd’hui, les institutionnels locaux ont à arbitrer entre le développement de zones résidentielles et l’expansion du tissu industriel. Sous l’effet du durcissement de ces contraintes, les entreprises grassoises sont amenées à faire des choix stratégiques spécifiques pour ne pas disparaître. Nous y reviendrons dans le point 4. Parallèlement à ces évolutions, l’industrie aromatique et de la parfumerie a connu dans son ensemble d’importantes innovations techniques, tant sur le plan des méthodes d'extraction et de purification que sur le plan des techniques d’analyse et de contrôle. Ces dernières sont devenues de plus en plus sophistiquées : spectrographie ultra-violette et infrarouge, chromatographie sous forme gazeuse ou liquide, spectrométrie de masse, résonance magnétique nucléaire, couplage chromatographie-spectrographie de masse…). 275 Ces techniques ont, non seulement pour but, de favoriser l'émergence de nouveaux corps, et donc de permettre l'innovation, mais également de contrôler la qualité des compositions et des matières premières à tous les stades de leur fabrication et de leur transfert. Il s'agit de vérifier à la fois la conservation, la stabilité et l'innocuité des produits. Les contrôles portent sur la qualité et la conformité des matières premières et compositions achetées, fabriquées en interne et vendues (essais et production). Ces tests sont d'autant plus importants aujourd'hui que la pression réglementaire s'accroît sur les industriels sous la double pression consumériste et concurrentielle. Au total, l'activité d'extraction et de transformation des matières premières naturelles est devenue une activité de transformation très élaborée qui exige un niveau de maîtrise technologique élevé, ce qui, on le verra, va se répercuter au niveau de la gestion de la main d’œuvre. Cette revue historique met donc en évidence deux grandes périodes de transition au cours des deux dernières décennies. La première, consécutive aux investissements de groupes extérieurs à la zone, a conduit à une restructuration du tissu en termes de taille d’entreprises et d’activités ; la seconde, davantage liée aux mutations des conditions concurrentielles internationales est à l’origine des choix stratégiques dominants sur la zone. 3. L'articulation entre dynamique productive et dynamique urbaine De la ville-usine à la constitution d’un territoire productif Grasse a longtemps été une « ville – usine ». Les anciennes usines Roure, Molinard, Chiris… se trouvaient à l'intérieur de la ville de Grasse, les alentours étant consacrés à la culture des plantes florales. L'habitat était également concentré dans la ville. Dès le XVème siècle, les ateliers des gantiers parfumeurs étaient situés au cœur même de la ville. Plus tard, la mode des cuirs parfumés passant, les artisans vont se spécialiser dans la parfumerie, mais les ateliers vont rester dans le centre urbain. Une première évolution a déjà eu lieu au cours du XIXème siècle, lorsque les ateliers du centre se sont déplacés vers la périphérie, signant le passage de l’artisanat vers une activité industrielle. Ces ateliers étaient devenus trop exigus, d’accès difficile. Ils ont alors été abandonnés au profit de fabriques construites dans les faubourgs, voire établies dans d’anciens monastères ravis au clergé pendant la révolution (Rasse, 1987). Mais, jusque dans les années 60, voire 70, le schéma dominant a été celui d’une imbrication entre le tissu productif et le tissu urbain, ce dernier s’étendant progressivement audelà de ses frontières initiales, et rejoignant progressivement les fabriques installées en périphérie de la vieille ville. Mais, depuis plusieurs décennies, la ville de Grasse connaît un double mouvement d'externalisation, productive et résidentielle. Cette externalisation se traduit par une fuite des activités productives, mais également commerciales et des habitants depuis le vieux centre historique vers d'autres parties de la commune (qui est très étendue) mais également en direction des communes limitrophes. Ce processus déjà ancien, se poursuit aujourd’hui, ce que confirment les statistiques de l’INSEE (les tableaux statistiques sont présentés en intégralité dans l’annexe 1 consacrée au Portrait du Territoire). 276 Le découplage entre le tissu productif et le tissu urbain a commencé dans les années soixante avec le développement des premières zones d’activité. La première zone aménagée est celle dite « Le Carré ». Elle s’inscrit dans la continuité du périmètre urbain. C’est la plus proche du centre ville, mais surtout elle rassemble des activités tout à la fois industrielles et commerciales et reste très proche des zones d’habitation. La seconde zone d’activité à voir le jour a été celle des Bois de Grasse, dans les années 70. Contrairement à la précédente, elle est située à la périphérie, non pas de la ville, mais de la commune. Il y a là une rupture très claire avec le tissu urbain, d’une part du fait de l’éloignement de la zone avec le centre ville, mais également, du fait de sa spécialisation (elle est consacrée à l’activité industrielle). La configuration physique de la commune (la ville est construite sur un flanc de colline escarpé) a joué en faveur de l’expansion de ces zones qui sont implantées au pied de la ville sur une zone plus propice à la construction et au développement d’activités industrielles (une importante zone d’activité se trouve dans un quartier dit Le Plan de Grasse au nom significatif). Cependant, une spécificité de Grasse (et sans aucun doute un de ses handicaps aujourd'hui) est que les zones d'activité n'ont pas été systématiquement « dédiées », c’est-à-dire consacrées à un type d’activité économique particulière. Quand on circule dans Grasse on est surpris de constater que dans une même aire, cohabitent des unités industrielles, commerciales et d'habitation. Ce qui, dans un contexte de durcissement des contraintes environnementales, entraîne une pression croissante sur les entreprises. Depuis 1995, toutefois, date du changement de municipalité, se développe une nouvelle politique d'aménagement qui s'efforce de rompre avec la politique (ou l'absence de politique) passée en spécifiant les zones à aménager : habitat/commerce/industrie. Ainsi, la vieille zone du « Carré » doit être requalifiée, d’autres zones doivent être étendues ou créées aux limites de la commune (Sainte Marguerite, Saint Marc) dans le but de fournir de nouveaux espaces d’activité et de services aux industriels. La question des services aux entreprises est devenue cruciale car, lors de décisions d’implantation ou d’expansion, ces dernières peuvent être amenées à arbitrer entre plusieurs communes proches en fonction de leur offre en la matière. Ce dernier point explique d’ailleurs que le réaménagement des activités industrielles à l’intérieur de la commune se soit prolongé au-delà de ses limites. Jusqu'en 95-96 (date du changement de municipalité), des entreprises ont quitté la commune de Grasse pour s'installer dans les communes limitrophes (Saint-Cézaire, Mouans-Sartoux notamment). Les principaux motifs invoqués étaient que les taxes y étaient moins élevées, et qu’il y avait une pénurie de terrains disponibles pour des activités productives sur Grasse. Des communes ont également su attirer des entreprises en aménageant des zones d’activité et en proposant un certain nombre de services. Ainsi, à Mouans-Sartoux, dans la zone d’activité de l’Argile, la commune prend en charge la moitié des frais d’entretien de la zone (frais d’éclairage, de jardin, de signalisation). Toutefois, malgré ces « délocalisations » à l’intérieur du territoire, l’attrait de Grasse demeure puissant, puisqu’ainsi que le souligne un industriel, nombre d’entreprises implantées dans des communes limitrophes sont situées « Route de Grasse ». De ce point de vue, l’intercommunalité a permis de lisser entre les communes participantes les niveaux de taxe professionnelle évacuant ainsi les effets négatifs de différentiels de fiscalité. L’analyse du tissu productif à partir des données de l’INSEE permet en outre de mettre en évidence le fait que le tissu productif se régénère actuellement davantage sur le territoire constitué par les communes autour de Grasse qu’à Grasse même. Le taux de croissance des activités industrielles et des services aux entreprises entre 1990 et 1999 illustre parfaitement ce 277 phénomène (sur l’ensemble du territoire, les activités industrielles et les services aux entreprises ont cru respectivement de 5,2% et 63,8% sur la période alors que, sur Grasse, les premières décroissaient de 6,7% et les seconds connaissaient une croissance de 46,5%). Parallèlement, on constate également une dynamique urbaine, avec le départ des grassois du vieux centre vers des zones résidentielles de la commune ou dans des communes limitrophes. Ce phénomène a été d'autant plus facile que le déclin des cultures florales, amorcé dès les années trente et accéléré après la seconde guerre mondiale, a permis de dégager des terrains pour la construction. Il s'est alors produit une paupérisation du centre ville à Grasse dans lequel se concentre une population d’origine étrangère. Le centre ville semble être devenu une sorte de ghetto insalubre (des immeubles se sont effondrés récemment). La désertion du centre par les grassois se traduit par l’existence d’environ 40% de logements vacants ! L'actuelle municipalité est également entrée dans une phase de réhabilitation du centre historique. Depuis 1995, il existe une vision stratégique du renouvellement urbain. D'où la réhabilitation des friches industrielles. L'objectif dans les 5-10 ans à venir est d'amener des activités économiques et commerciales dans le centre ville. Le slogan de la mairie est devenu : « reconstruire la ville sur la ville ». L'objectif est de rendre attractif le vieux centre tout en valorisant et en exploitant le bâti industriel. Ainsi, sur la friche Roure actuellement en cours de réhabilitation, la cheminée d'usine sera conservée, car elle symbolise le passé industriel de la ville. Les recompositions socio-démographiques du territoire L’exploitation des données de l’INSEE « Portrait de territoire » portant sur l’évolution récente de la population (nombre d’habitants, niveau de qualification, catégories socio-professionnelles représentées, formes d’emploi…) confirme l’évolution du statut de la commune de Grasse au sein d’un territoire plus large6 . La comparaison des évolutions socio-démographiques de la commune de Grasse et de ce territoire entre 1990 et 1999 montre que : 1/ Le territoire autour de Grasse est plus attractif que la commune de Grasse elle-même. La population totale croît plus fortement sur l’ensemble du territoire que sur la commune de Grasse, cette évolution étant due à un solde migratoire positif. 2/ Grasse maintient un profil nettement plus ouvrier que le reste du territoire, même si cette catégorie décroît fortement dans les années récentes. Cette présence ouvrière est évidemment un héritage de la tradition industrielle de la ville. 3/ Les communes aux alentours de Grasse attirent davantage les cadres et les professions intellectuelles supérieures (+21,9%) que la commune de Grasse (+8,1%). 4/ Le nombre de retraités diminue sur la commune de Grasse mais s’accroît sur l’ensemble du territoire, ce qui tendrait à confirmer le phénomène de fuite de l’habitat vers des zones résidentielles. On constate également des évolutions convergentes entre les différentes communes, constitutives de la mutation socio-démographique de la zone: 6 Les statistiques prennent en compte les communes de : Grasse, Saint Va llier de Thiey, Saint Cézaire sur siagne, Le Tignet, Spéracèdes, Escragnolles, Le Bar sur Loup, Opio, Chateauneuf de Grasse, Cabris, Peymeinade, Mouans Sartoux, Auribeau sur Siagne, Pégomas, La Roquette sur Siagne, Mougins, Valbonne, Le Cannet, Vallauris. 278 - Forte diminution de la catégorie des agriculteurs ; Régression des ouvriers ; Forte augmentation des professions intermédiaires et des employés ; Elévation du niveau de qualification des résidents de la zone ; Régression des sans diplômes et des plus bas niveaux de qualification ; Elévation du niveau de revenu. Ces données montrent que les transformations du territoire initiées dès les années 50 se poursuivent aujourd'hui : baisse continue de la part de l'agriculture, diminution de la part des ouvriers, sans doute à lier aux évolutions technologiques et à la qualification accrue des emplois, et à la substitution dans la région d’une population de cadres, diplômée, à une population ouvrière, peu diplômée. Toutefois, ces évolutions ne doivent pas masquer l’accroissement des disparités, car dans le même temps, l’élévation de la population active s’accompagne d’une élévation importante du taux de chômage, en particulier sur la commune de Grasse (16.6% de la population active, en croissance de + 51.6% entre 1990 et 1999). L’évolution socio-démographique du territoire est donc très contrastée. Des conflits d'usage du territoire De par la conjonction de la dynamique urbaine, productive et sociologique du territoire, on constate aujourd’hui sur la zone étudiée au moins deux grands conflits d'usage du territoire et de ses ressources. - Un conflit entre le territoire à usage résidentiel et le territoire dédié à l'activité productive. Le risque majeur engendré par ce conflit est que la pression foncière qui en découle limite le développement des entreprises locales et induit des stratégies de délocalisation des activités (un exemple concret : le seul fabricant d'équipement (cuves) pour l'industrie aromatique a installé une nouvelle usine au Muy (83) faute de pouvoir se développer sur Grasse). Ce conflit a été sous l'ancienne municipalité plutôt favorable à la vocation résidentielle. Certains disent que l'ancien maire voulait clairement « casser » l'outil industriel. Aujourd'hui, la situation, bien que toujours défavorable à l'activité industrielle, s'est un peu améliorée. Le mouvement de concurrence entre foncier industriel et foncier résidentiel se poursuit, mais les acteurs publics (la municipalité) s'efforcent d'y remédier. Les projets d’aménagement de la SEM Grasse-Développement7 peuvent être envisagés dans ce sens, même s’ils sont encore considérés comme insuffisants par les industriels locaux. A cela, on peut ajouter l’émergence de la part des institutionnels locaux (à différents niveaux) d’une vraie volonté de maintenir un pôle aromatique sur le territoire qui s'appuierait sur l'expertise de Grasse dans le domaine du naturel. Ces projets, de par leur orientation, posent d’ailleurs la question de la pérennité d’une activité chimique sur la zone. - Un conflit entre la vocation touristique de la région et sa vocation industrielle. Ce conflit se traduit de différentes manières. D'une part, par un conflit entre les municipalités et les communautés d'agglomérations positionnées sur des logiques de développement économique 7 La SEM Grasse Développement est une société d’économie mixte créée en 1975, et dont l’actionnaire principal est la mairie de Grasse. Elle remplit des missions d’aménagement urbain et de développement économique. 279 distinctes. Il existe un conflit traditionnel entre Nice (High tech/Sophia) et Grasse (Low tech/parfumerie). Se développe actuellement un conflit entre Cannes (qui a atteint une saturation de son espace et cherche à s'étendre dans l'arrière-pays) et Grasse qui se sent menacée par cette volonté d'expansion. D'autre part, par un détournement des ressources (humaines) qui pourraient être utilisées dans l'activité industrielle. L'industrie aromatique et de la parfumerie se plaint de la pénurie de main d'œuvre pour certains métiers (CAIC, préparateurs) n'exigeant pas un niveau de qualification très élevé. Il y a différentes raisons à cette pénurie. Mais l'une d'entre elles est certainement liée au fait que l'industrie de l'aromatique et de la parfumerie est concurrencée par l'industrie touristique et hôtelière. Une partie de la population préférerait travailler pendant la saison touristique et bénéficier du chômage (tout en exerçant une activité non déclarée) le reste de l'année. Actuellement, des initiatives émergent dans le sens du dépassement des antagonismes et des conflits, et ce, en provenance de différents acteurs (tous institutionnels) : - - La Chambre de Commerce et d’Industrie prône le développement d'un pôle du vivant qui rapprocherait les activités aromatiques grassoises des activités pharmaceutiques et des biotechnologies développées sur Sophia. Dans les communautés d'agglomérations (Communauté d’agglomération de Sophia Antipolis (CASA), Communauté d’agglomération de Grasse), se développe une nouvelle vision, l'idée que les sites soient associés. Emerge ainsi une volonté de développer les nouvelles technologies à Grasse dans les parfums. Depuis 4 à 5 ans, le Conseil Général, les responsables de la CASA et de l'intercommunalité, c’est-à-dire des institutionnels locaux ont engagé une réflexion dans cette voie. La Communauté d'agglomération de Grasse souhaite également une meilleure intégration de l'activité industrielle et touristique. Les stratégies de Molinard, Galimard et Fragonard en sont un bon exemple (même s'il n'est pas souhaitable non plus que toutes les entreprises aillent dans cette voie). 4. Quelles sont les logiques d'entreprises à l'œuvre ? Une variété de types d'entreprises Nous avons déjà eu l'occasion de souligner l'hétérogénéité du tissu productif local dont la configuration actuelle est issue des restructurations des années 80. Cette hétérogénéité se décline suivant la taille des entreprises, l'origine des capitaux et l'activité exercée. Le tissu industriel local rassemble dans le domaine de l'aromatique et de la parfumerie une soixantaine d'entreprises employant environ 3500 personnes (source : Prodarom) 8 . Une première distinction importante entre ces entreprises relève de l'origine des capitaux, puisqu'une partie des entreprises de la zone ont des capitaux d'origine locale (familiale ou non) tandis que les investissements de groupes étrangers à la zone initiés dans les années 60 ont abouti à ce qu’un nombre croissant d’entreprises locales soient sous contrôle extérieur. Des entreprises 8 Nous avons effectué notre propre recensement. Pour cela, nous avons travaillé à partir de : l'annuaire des entreprises de Grasse Développement, de l'annuaire des professionnels de la parfumerie (matières et essences) de Côte d'Azur Développement, de l'annuaire des pagespro sur internet, de la liste des adhérents de Prodarom. Selon les sources, les données ne concordent pas parfaitement 280 familiales indépendantes cohabitent donc avec des entreprises multinationales françaises et étrangères. Dans certains cas, il s'agit d'établissements de groupes comme Degussa, Symrise ou Muller et Koster. Dans d'autres, il s'agit de filiales (LMR par exemple, filiale du leader mondial IFF). Cette distinction est très importante, car de l'origine des capitaux dépend la localisation des centres de décision, fondamentale en ce qui concerne les questions d'implantation, de maintien et de développement des activités. Une deuxième distinction concerne la taille des entreprises qui composent le tissu local. Là réside une seconde source d'hétérogénéité qui va se répercuter sur les orientations stratégiques locales. Plus de 25% des entreprises ont moins de 10 salariés, plus de 50% ont entre 10 et 49 salariés, 10% ont entre 50 et 99 salariés. Moins de 10% des entreprises ont un effectif supérieur à 100 salariés. Le critère de la taille ne recouvre pas celui de l'origine des capitaux, puisque parmi les entreprises à capital familial on rencontre aussi bien des établissements de grande taille (+ de 500 salariés) que de très petites entreprises. De la même façon, les groupe extérieurs à la zone peuvent n'avoir sur place qu'un bureau ou au contraire avoir une unité de production de taille significative. La troisième distinction concerne l'activité exercée. Une des caractéristiques fondamentales du territoire est la présence dans un espace géographique restreint d'un nombre important d'entreprises exerçant des métiers proches et/ou complémentaires. L'industrie aromatique et de la parfumerie est de façon directe et indirecte le premier employeur de la zone. Dans cet espace, on trouve des entreprises fabriquant des matières premières naturelles (6) et synthétiques (1), des courtiers (une dizaine), des entreprises réalisant de la composition, des fournisseurs d'équipement (cuves). Ces distinctions permettent de comprendre les logiques d'entreprises à l'œuvre. Ces dernières sont stratégiques et relationnelles. Elles contribuent à la fois à caractériser des types d'entreprises et une logique de zone, car ainsi qu'on le verra, l'industrie de l'aromatique et de la parfumerie est organisée selon une logique de district industriel. Des logiques stratégiques multiples Concernant les logiques stratégiques, on peut opposer au moins deux logiques entrepreneuriales : une logique dite financière caractéristique des groupes qui ont investi sur la zone ; et une logique industrielle, patrimoniale, qui réunit les entreprises à capital familial du territoire. Ces deux logiques correspondent à la fois à des modes d'insertion différenciés dans l'espace concurrentiel international, à des stratégies différentes, mais également à des modes de gestion des ressources humaines bien distincts. Des rapports produits/marchés différenciés L'industrie est actuellement dominée par quelques grands groupes américains ou européens: IFF, Firmenich, Givaudan, Symrise qui contrôlent ou ont contrôlé des sociétés grassoises. Les facteurs clés de succès dominants dans l'industrie aromatique et de la parfumerie sont la capacité à réaliser des volumes importants et à proposer les prix les plus faibles possibles. Dans le même temps, le marketing devient source d'avantage concurrentiel. Dans ce système, les industriels de Grasse ne peuvent concurrencer les leaders tant sur le plan des volumes produits, des prix proposés et des moyens marketing mis en œuvre. Leur stratégie est donc de se positionner sur un créneau délaissé par les leaders. Ils opposent aux stratégies de 281 volume des stratégies de niche privilégiant la flexibilité et reposant sur la qualité du produit et du service. Les entreprises de Grasse offrent ainsi un niveau de service, en termes de qualité, délais, quantités vendues, que les leaders du secteur ne sont plus capables de (ou ne souhaitent plus) fournir. Grasse pourrait être considérée comme « le Sentier » de la Parfumerie offrant un degré de flexibilité élevé. Pour les petites entreprises en aval (cosmétiques…), les fournisseurs grassois représentent souvent la seule alternative. Il existe toutefois sur la zone plusieurs groupes stratégiques (au sens de M. Porter, 1980), c’est-àdire que l'on observe des entreprises ayant opté pour des stratégies différentes. Certaines ont choisi de se positionner sur des niches, et se sont focalisées sur des produits à forte valeur ajoutée (c'est le cas de SFA Romani par exemple ou de Laboratoire Monique Rémy), plutôt haut de gamme, tandis que d'autres sociétés comme Expressions Parfumées, malgré leur taille ont fait le choix de ne pas se spécialiser et réalisent des compositions parfumées pour l'ensemble des secteurs : toiletteries, cosmétiques, savonnerie, détergents, produits techniques… Enfin, trois sociétés ont choisi d'exploiter l'image de Grasse, et de l'articuler à une stratégie touristique. Il s'agit de Molinard, Galimard et Fragonard. Toutefois, un point commun à un grand nombre de PME locales est d'avoir fait le choix de stratégies de différenciation de façon à se distinguer des leaders. La différenciation peut porter sur des produits techniques ou sur des marchés éloignés, réputés difficiles (la Birmanie par exemple). De plus, Grasse reste un centre majeur de production de matières premières naturelles et d'arômes naturels. Des entreprises comme Mane, Robertet et Charabot, LMR ou Payan-Bertrand capitalisent et exploitent ce savoir-faire dans le domaine du traitement des matières premières naturelles. Enfin ces positionnements stratégiques induisent les choix réalisés par les entreprises en matière de technologie et de gestion de la main d’œuvre. Certaines ont fait le choix de la robotisation, leur marché étant plus souvent celui de la parfumerie industrielle (sans que cela signifie de grands volumes pour autant), d'autres refusent la robotisation et maintiennent des pratiques productives plus traditionnelles en lien avec une activité tournée vers des marchés très sélectifs et des produits à très forte valeur ajoutée. Cette relation n’est toutefois pas systématique. Les motifs d’implantation : entre raisons affectives et choix stratégiques Une autre forme d’opposition entre les entreprises s’inscrivant dans la logique patrimoniale, et les groupes extérieurs à la zone est le rapport au territoire et, par conséquence, les motifs d’implantation et de maintien dans la région de Grasse. Pour les entreprises dont les dirigeants sont originaires de la région, les motifs d’implantation sont tout autant historiques, affectifs et relationnels. Soit les dirigeants actuels ont hérité de leurs parents d’entreprises dont l’histoire se confond avec celle de la zone et, même lorsque ces entreprises se sont multinationalisées, la responsabilité dont ils se sentent investis vis-à-vis du territoire et des hommes et des femmes qui le composent leur ôte toute envie de délocaliser leur activité. Soit il s’agit de grassois ayant créé leur entreprise dans les vingt dernières années. Certains ont pu faire une partie de leur carrière à l’étranger. Mais, pour cette génération de chefs d’entreprise, leur activité est également intimement liée au territoire. C’est généralement à Grasse ou dans les environs qu’ils sont nés, ils y ont leurs racines et c’est ici qu’ils veulent exercer leur métier. L'attachement de ces dirigeants au territoire est un gage de la pérennité de l'activité. A cela, il faut ajouter que ces entrepreneurs exploitent leurs réseaux de relations familiaux, 282 amicaux, professionnels pour développer leur affaire, notamment lors des premières années. Ces réseaux sont pour les entrepreneurs une véritable ressource car ils peuvent entrer avec leurs clients, leurs fournisseurs, voire leurs concurrents dans une relation du « don contre don » qui favorise l’établissement de relations durables fondées sur la confiance réciproque. Pour les groupes qui ont acquis des entreprises locales ou qui ont implanté un bureau ou un établissement à Grasse, les motivations sont bien évidemment très différentes. Grasse continue de bénéficier d'une renommée mondiale, héritage de son histoire plus que résultat de sa situation actuelle. Pour certains groupes, Grasse joue un rôle de vitrine nécessaire dans une activité où l'impact de l'image est puissant. Le groupe italien Muller et Koster s'est installé à Grasse en partie pour cette raison. Ils invitent leurs clients à Grasse, et cela contribue à renforcer leur crédibilité. Ces entreprises ont également été attirées par l'existence d'un savoir-faire important et reconnu à Grasse, ainsi que par la concentration sur ce pôle, d’un grand nombre d’entreprises exerçant le même métier. Mais, dans le même temps, ces investissements constituent une menace pour l’avenir du pôle aromatique local, car ces entreprises, dont la stratégie est soumise à des logiques financières plus qu'industrielles ou sociales, n’ont pas d’ancrage territorial suffisamment puissant pour les retenir de façon durable. Des prises de contrôle sur la zone leur permettent de bénéficier dans un premier temps de l'effet d'image de Grasse, encore largement prégnant, de capter le marché de l'entreprise acquise, mais surtout de s’approprier le savoir-faire qui peut ensuite être transféré ailleurs, souvent pour des raisons d'optimisation de la rentabilité. Des sociétés en croissance ou qui ont des problèmes de succession peuvent être des cibles intéressantes pour les groupes extérieurs. Le problème est alors la pérennisation de l'activité sur place en l'absence de ressources spécifiques non transférables. La marginalisation du pôle grassois dans l'espace mondial est, en partie, à relier à des prises de contrôle par des sociétés extérieures, françaises et étrangères, qui ont conduit par le passé à des disparitions pures et simples d’entreprises. Pour l'avenir, une des principales menaces qui plane sur le pôle grassois est bien celle de l'implantation d'entreprises sans ancrage territorial fort (grandes entreprises nationales, FMN) qui peuvent être attirées par l'existence d'un savoir-faire qu'elles peuvent ensuite transférer sur d'autres sites. Des logiques de consommation ou de construction de ressources ? Une qualification pertinente des logiques d’entreprises à l’œuvre réside également dans le rapport aux ressources. On s’accorde aujourd’hui pour considérer qu’une source de compétitivité des entreprises réside dans leur capacité à créer des ressources spécifiques, de qualité, qui leur permettront de se constituer une position originale sur le marché. Or, il semble qu’à Grasse, les entreprises soient aujourd’hui davantage dans une logique de consommation de ressources construites à l’extérieur que dans une position de construction de ressources locales spécifiques. En fait, deux phénomènes se combinent : - il existe une logique de construction individuelle plutôt que collective des ressources ; - le mode de construction traditionnel des ressources sur la zone est aujourd’hui relayé par des modes de construction qui s’opèrent hors du territoire. 283 Là encore, il est possible de distinguer entre les entreprises fortement ancrées dans le territoire et les groupes, qui illustrent parfaitement cette posture d’exploitation de ressources locales sans volonté de construction et de régénération, condition de la perpétuation de l’activité. Concernant le premier point, une longue tradition (sur laquelle on reviendra) a abouti à ce que, à Grasse, le processus de construction de ressources, qu’elles soient humaines, commerciales ou technologiques, soit davantage individuel que collectif. Par individuel, nous entendons le fait que de telles ressources sont constituées par chaque entreprise séparément, et non de façon collective par association de plusieurs industriels. Les ressources humaines (les savoir-faire) se sont toujours constituées à l’intérieur des entreprises, les individus commençant au bas de l’échelle pour ensuite développer leurs compétences au fur et à mesure de leur vie professionnelle. On peut nuancer toutefois cette affirmation, puisque l’Asfo Grasse9 forme pour les entreprises de la région les opérateurs et les CAIC 10 dont elles ont besoin. Mais, il semble que l’Asfo soit utilisé davantage comme un prestataire de service dans le cadre de ce processus de construction individuel des ressources que comme un partenaire dans le cadre d’une réflexion et d’une action collectives. Le constat est encore plus évident concernant les stratégies commerciales des entreprises. Alors que le tissu est composé dans sa majorité de PME, et alors même que ces PME exportent une proportion élevée de leur chiffre d’affaires, il n’existe aucune stratégie de regroupement de leur part dans le but d’explorer des marchés étrangers. Or, on sait combien il est coûteux et difficile pour une PME de travailler à l’étranger. Plusieurs entreprises nous ont relaté les méthodes employées pour obtenir des marchés. Certaines d’entre elles ont développé un réel savoir-faire et ont su se constituer des réseaux importants. Mais il s’agit toujours de stratégies individuelles, et non collectives. Enfin, les ressources technologiques, point sensible aujourd’hui, fonctionnent suivant la même logique. Les plus grandes entreprises de la zone possèdent leur propre système de RechercheDéveloppement. Les plus petites n’ont, quant à elles, pas les moyens de financer une activité de R&D. L'absence sur le territoire d'une activité significative de R&D articulée à l'industrie de la parfumerie est considérée comme un facteur aggravant de sa marginalisation. Or, pour les PME, cela suppose qu'elles acceptent de fonctionner selon le principe de mise en commun de moyens. L'héritage culturel du territoire ne l'a pas permis jusqu'à présent. La création d’une capacité d’innovation fondée sur une compétence collective est sans doute une des conditions de la pérennité du territoire. Concernant le second point, on est forcé de constater que les ressources nécessaires à la réalisation d’une activité aromatique se construisent principalement à l’extérieur de la zone. C’est le cas notamment des ressources humaines, sur lesquelles on aura l’occasion de revenir plus particulièrement, puisque l’offre de formation de salariés qualifiés (techniciens de laboratoire, parfumeurs) n’existe pas sur place. Mais c’est également le cas concernant les ressources technologiques. Le territoire manque d’une articulation entre une recherche privée et une recherche publique qui permettrait de construire une ressource technologique locale spécifique. Or, les liens avec l’université de Nice sont encore trop ponctuels, tandis que certaines entreprises travaillent avec des universités plus éloignées 9 L'Asfo Grasse est un groupement professionnel de formation créé en 1972 sur l'initiative de Prodarom, le Syndicat National des Fabricants de Produits Aromatiques. 10 Conducteurs d’Appareils des Industries Chimiques. 284 (Grenoble par exemple). Les arguments invoqués relèvent de la compétence, mais on peut se demander jusqu’à quel point il ne s’agit pas également de préserver la confidentialité du travail réalisé. Enfin, dans la mesure où les ressources critiques se construisent de plus en plus hors du territoire, on perçoit bien que les grandes entreprises qui sont venues investir localement sont essentiellement dans une posture de consommation des ressources locales qui sont encore spécifiques (savoir-faire, flexibilité, image), tandis que dans le même temps, les ressources humaines ou technologiques dont on faisait mention plus haut sont transférées ou constituées ailleurs. Ce phénomène n’est pas récent, la destinée du centre de recherches de Roure en est un excellent exemple11 . Une logique de district industriel davantage fondée sur la concurrence que sur la coopération Au-delà des logiques d’entreprises que nous avons pu mettre en évidence, il existe à Grasse dans l’industrie aromatique et de la parfumerie, une «logique de zone », c’est-à-dire que ces logiques d’entreprises sont traversées par des principes généraux qui fondent les modes de régulation du tissu productif local. Parmi ces principes généraux, on a déjà évoqué les logiques stratégiques dont on a vu qu’elles conduisaient les entreprises grassoises à se positionner sur l’échiquier international plutôt suivant une logique de flexibilité, de variété et de spécificité, seul moyen aujourd’hui de lutter contre les stratégies des grands groupes internationaux. Mais, la logique de zone se décline également suivant des logiques relationnelles. A Grasse, la configuration de zone s'apparente au district « marshallien »12 dans la mesure où le territoire est constitué de nombreuses entreprises géographiquement proches, alors que dans le même temps, elles entretiennent des liens relativement faibles sans coordination interfirmes significatives. Cela se traduit ici, on l'a vu, par la faiblesse des infrastructures communes, et tire son origine en partie des logiques relationnelles des acteurs locaux. Concernant ces logiques relationnelles, lors des entretiens, spontanément, les interlocuteurs soulignent la prédominance des relations de concurrence entre les entreprises. Les trois grandes sociétés familiales sont directement concurrentes sur les activités de production de matières premières et de composition parfumante et aromatique. Les entreprises qui se sont créées à partir des années 80 sont pour la plupart également concurrentes sur l'activité de composition. Ainsi, de par leur position dans la filière, de par leurs activités, les entreprises sont davantage concurrentes que complémentaires. Toutefois, il a été mentionné à plusieurs reprises l'existence d'une forme de solidarité entre les entreprises du territoire. Mais cela concernerait davantage les plus petites entreprises de la zone. Un chef d'entreprise qui a créé sa société récemment explique qu'il s'est installé à Saint Cézaire plutôt qu'à Grasse pour échapper au phénomène de surveillance mutuelle. « Tout le monde surveille tout le monde, les gens essaient de se piquer des marchés, des fournisseurs. Il y a de l'épiage lors des salons. A Grasse, il y a les ragots… ». 11 Roure possédait un centre de recherches sur Grasse que sa maison-mère a ensuite transféré dans la région parisienne. 12 Dans le district marshallien, les entreprises sont géographiquement proches, mais entretiennent des liens faibles, sans coordination interfirmes significative. Il n’y a pas par exemple d’infrastructures ou de services communs (Perry, 1999). 285 Cette logique de concurrence n'est pas qu'une conséquence du positionnement des entreprises dans la filière. Elle est largement héritée de l'histoire de la zone et des caractéristiques mêmes de l'activité. En effet, une grande difficulté de l'industrie de la parfumerie est l'impossibilité de protéger son activité. Une odeur n'est pas brevetable, car cela reviendrait à livrer sa formule aux concurrents. Cela induit dans l'industrie, et à Grasse notamment, une culture du secret qui empêche les entreprises de coopérer. Mais, la structuration sociale du territoire vient heurter cette logique du secret. Les entreprises s'efforcent depuis des décennies de protéger leur production alors que dans le même temps, les familles sont éclatées entre les entreprises du territoire. Les formules circulent. De plus, les personnes elles-mêmes circulent entre les entreprises. Les parfumeurs notamment n'accomplissent pas nécessairement l'ensemble de leur carrière dans une seule entreprise. Certaines entreprises ont d'ailleurs des stratégies de captation de leurs compétences par des conditions de travail alléchantes et des salaires attractifs. Or, en quittant leur entreprise, les parfumeurs emportent avec eux, leur savoir, leur savoir-faire, voire leurs formules. Enfin, la technologie permet aujourd'hui d'analyser et de décomposer de plus en plus finement la composition des parfums. La logique du secret est peut-être aujourd'hui une représentation du métier partiellement obsolète ? Ce qui permettrait d’amorcer une dynamique qui aboutirait à la constitution des ressources spécifiques nécessaires à la pérennité du territoire. Il existe d’ailleurs à Grasse une nouvelle génération de chefs d'entreprise issus des restructurations des années 80 ainsi que des essaimages plus récents, et qui sont peut-être sur des logiques moins patriarcales que les anciennes entreprises du territoire. Ces chefs d'entreprises coopèrent plus facilement tout à la fois entre eux, mais également avec les acteurs institutionnels locaux qui impulsent des projets pour le territoire. 5. Les liens entre le tissu productif et le territoire Le déclin des formes d'ancrage historiques Le territoire a, dans la région de Grasse, physiquement enfanté le tissu productif et l'activité productive. Le territoire a été la matrice physique de l'activité (du fait de la présence de plantes à parfum) et sociale (à Grasse, nombre de familles étaient directement liées à l'activité de la parfumerie, soit dans l'agriculture, soit dans les usines de la ville et les opérations périphériques nécessaires à l'activité de l'extraction et de la composition aromatique). Aujourd'hui, l'industrie aromatique et de la parfumerie reste le premier employeur de la zone, mais ne représente plus que 9% des emplois totaux. Le tissu productif entretient toujours des liens très étroits avec le territoire, mais ils se sont en partie dématérialisés. Ce qui se passe sur Grasse se produit également dans d'autres territoires : « L'histoire de la civilisation se confond ainsi avec celle d'un détachement progressif du territoire millénaire, mais aussi avec une dématérialisation lente des supports et des produits du travail humain avec la promotion et la circulation accélérée des signes… » (Bougnoux, cité par Rasse, 2000). 286 Le dématérialisation tient d'abord à la régression de la culture des plantes florales sur le territoire. Jusqu'au milieu du XXème siècle, toutes les entreprises présentes sur le territoire transforment des matières premières locales ou des produits d'importation lorsque le climat local ne permet pas la culture des matières premières. Mais, la culture des plantes à parfum a commencé à régresser dès l'entre-deux-guerres du fait de la concurrence des productions étrangères exploitant une main d'œuvre meilleur marché. Aujourd'hui, la culture des plantes florales à Grasse est devenue marginale ainsi que l'illustrent les chiffres suivants : En tonnes 1928 1960 1970 1981 1996 Orangers Roses Jasmin Géraniums Violettes 2000 1600 750 500 <400 <400 <600 >300 <250 <300 <400 <80 <40 <200 <50 >150 150 >200 Sources : Banque de France (1982) et ONNIPAM (1996) La régression des cultures sur Grasse n'est pas imputable uniquement à leur délocalisation. Il faut également y ajouter le développement progressif des matières premières synthétiques, d'abord dans un souci d'innovation (les matières premières synthétiques permettent d'obtenir des notes aromatiques originales et plus diversifiées), puis dans un souci de réduction des coûts et des prix. Aujourd'hui, la pression sur les prix est de plus en plus forte, notamment parce que la grande distribution pèse de plus en plus lourd dans les relations concurrentielles. Les parfums incorporent de plus en plus de matières premières synthétiques dont la production n'a jamais fait partie des compétences du territoire, sauf de façon marginale. Un lien essentiel entre le tissu productif et le territoire est la présence d'un savoir-faire constitué à partir du XVIIIème siècle, que les entreprises locales ont su faire évoluer en même temps que la technologie, et qui s'est transmis au fil des générations au sein des entreprises par formation sur le tas. Même si le schéma traditionnel est de plus en plus remis en cause par une tendance à l'élévation du niveau de qualification, le territoire s'est caractérisé de façon dominante, jusqu'à une période récente, par une construction des qualifications opérant par une transmission orale et interpersonnelle du savoir et du savoir-faire des anciens vers les nouveaux. Cette tradition de formation par expérience et transmission de savoir-faire -qui a malgré tout considérablement évolué ces vingt dernières années- est associée dans les entreprises à des politiques de promotion interne. Les manutentionnaires peuvent par exemple devenir préparateurs (pesage et mélange des ingrédients). Les parfumeurs eux-mêmes commençaient au bas de l'échelle, comme préparateurs, ils effectuaient les « pesées », et faisaient ainsi l'apprentissage des odeurs (un parfumeur peut avoir un répertoire allant jusqu'à 3000 odeurs). Aujourd'hui, les parfumeurs sont formés dans une école située dans la région parisienne : l'ISIPCA13 . Néanmoins, selon les entreprises on constate que 13 L’ISIPCA (Institut Supérieur International du Parfum; de la Cosmétique et de l’Aromatique Alimentaire) est un établissement géré par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Versailles Val D’oise-Yvelines. Il a été créé en 1984 à partir de l’Institut Supérieur International du Parfum fondé en 1970 par JJ Guerlain. 400 élèves y sont formés suivant le principe de l’alternance Ecole/Entreprise. Les intervenants sont à 80% issus du secteur professionnel (www.isipca.fr). 287 dans certains cas, ils continuent à commencer leur carrière au bas de l'échelle (comme préparateurs). Cette évolution de la profession d'une formation sur le tas, par transmission orale et interpersonnelle du savoir-faire à une formation codifiée, réalisée au sein d'une école, sanctionnée par un diplôme, marque une diminution de la spécificité d'une ressource rare et qui, traditionnellement, était associée à Grasse. De façon générale, sur le plan de l'emploi et de la formation, le lien entre le tissu productif et le territoire est en train de se distendre. Du fait de l'évolution des technologies, les entreprises sont demandeuses de salariés plus qualifiés que le tissu local n'est pas en mesure de fournir. Si traditionnellement, la grande majorité des emplois (de l'emploi non qualifié à l'emploi de parfumeur) était occupée par des gens du terroir, aujourd'hui, le lien entre tissu productif et territoire continue principalement d'exister pour les plus bas niveaux. Pour les emplois qualifiés (techniciens de laboratoire, parfumeurs), les formations sont assurées hors de la zone et les salariés ne sont plus systématiquement originaires de la région. Cela pose, pour le territoire, la question de son attractivité pour cette catégorie de salariés. Le lien entre le tissu productif actuel et le territoire est également dans les ressources en équipement, et la présence de métiers et d'activités nécessaires à la réalisation de l'activité aromatique. Dès la fin du XIXème siècle, l'industrie de la parfumerie à Grasse est un vrai système productif local : elle emploie une proportion importante de la population grassoise, les agriculteurs passent des conventions avec les parfumeurs auxquels ils assurent l'exclusivité de leur production à un prix fixé à l'avance, l'industrie fait travailler en cascade une multitude de métiers nécessaires à son activité. Le lien entre le tissu productif et le territoire réside dans la concentration dans un territoire restreint d'un nombre important d'entreprises exerçant le même métier. Nombre d'industriels insistent sur l'atout que constitue cette concentration d'entreprises exerçant dans le même secteur. En particulier, cela leur permet de trouver en permanence les matières premières dont ils ont besoin, soit parce qu'elles sont disponibles chez un courtier, soit parce qu'ils vont les trouver chez un concurrent qui va accepter de les dépanner temporairement. Cette dimension est fondamentale. L'industrie aromatique et de la parfumerie à Grasse possède un atout, un actif spécifique, qui réside dans l'entrelacement des relations concurrentielles et interpersonnelles, même si ces relations peuvent souffrir de la culture du secret déjà évoquée. Cette logique de district permet aux entreprises du territoire d'offrir un niveau de service, en termes de qualité, délais, quantités vendues, auquel les leaders du secteur ne peuvent ou ne veulent pas accéder. Mais, aujourd'hui, le territoire se caractérise par un rétrécissement du périmètre des activités liées à la parfumerie. Si l'on considère quatre phases dans le processus qui conduit au produit final : production de matières premières, extraction/traitement des matières premières, composition, réalisation du produit final (mise en alcool, conditionnement), on observe que les entreprises grassoises ont abandonné la première phase en totalité, ont délocalisé une partie de la seconde, sont fortement concurrencées sur la troisième et sont absentes de la quatrième. Progressivement, les activités liées à la parfumerie et à l'industrie aromatique disparaissent du territoire. Les cultures florales et la première étape de l'extraction qui aboutit à la concrète ont été délocalisées. De même, les activités de conditionnement sont aujourd'hui de plus en plus sous-traitées à l'étranger. Il reste à Grasse l'activité d'extraction qui aboutit à l'absolue, ainsi que toutes les activités de composition parfumante et aromatique, qui sont cependant dominées par les leaders mondiaux. Le territoire est donc sur une trajectoire de rétrécissement des activités qui 288 constitue sans doute un danger à long terme car cela remet en cause l'atout du territoire qui consiste à regrouper dans un espace délimité l'ensemble des métiers et activités nécessaires à l'élaboration du produit final. Le lien entre le tissu productif et le territoire est également de nature affective, familiale, sociale, nombre de dirigeants étant des grassois issus de familles de parfumeurs (le lien est du coup également capitalistique). Le territoire agit également comme une matrice sociale fondant les relations interentreprises et armant leur compétitivité. Pour les plus grandes entreprises, on peut parler de « dynasties ». Mais, pour les plus petites et les plus récentes, le lien est tout aussi fort. Les créateurs d'entreprises aromatiques dans les années 80 et 90 sont d'anciens salariés des grandes entreprises grassoises qui n'envisagent pas de se déraciner pour aller poursuivre leur activité ailleurs. Enfin, le lien entre le tissu productif et le territoire passe par l'image de Grasse et l'exploitation de son statut d'ancienne capitale de la parfumerie mondiale. Grasse est encore dans l'esprit de nombre d'acteurs l'image même de la parfumerie. Les grands groupes amènent leurs clients à Grasse qui est pour eux une excellente vitrine. Cette image est en revanche certainement à valoriser et médiatiser davantage. Elle ne doit cependant pas se nourrir uniquement de la gloire passée mais doit s'appuyer sur des compétences spécifiques à construire ou à renforcer. Stratégies globalisantes et nouveaux ancrages territoriaux L'industrie aromatique et de la parfumerie grassoise est également percutée par des logiques centrifuges qui contribuent à distendre le lien historique entre le territoire et le tissu productif. Il existe ainsi une tension croissante entre d'une part, des entreprises qui demeurent fortement ancrées dans l'économie et les réseaux sociaux locaux et qui privilégient une dynamique de croissance endogène, et d'autre part, des entreprises dont les centres de décision sont très éloignés, qui actionnent des stratégies de mobilité dé-territorialisées et pour lesquelles le rapport au territoire est très volatil et soumis à des considérations financières. Du fait de ces nouvelles logiques, le pôle aromatique et de la parfumerie de Grasse est devenu tout à la fois marginalisé et incontournable dans l'espace concurrentiel mondial. Marginalisé parce que : - Grasse représente moins de 10% du CA du secteur. - Les PME de Grasse ne peuvent concurrencer les leaders du secteur notamment face à des groupes multinationaux de grande taille. - Les matières premières de synthèse prennent une part de plus en plus importante dans les compositions aromatiques alors que le savoir-faire de Grasse repose davantage sur le traitement des matières premières naturelles. - Les centres de décision dans l'industrie mondiale de la parfumerie se situent à New York et Paris. Cette localisation n'est pas nouvelle, en revanche, la situation géographique de Grasse pénalise les entreprises du territoire parce que les processus de décision ont tendance à s'accélérer. L'organisation traditionnelle n'est plus tenable, et un certain nombre d'entreprises grassoises ont ouvert des bureaux à Paris pour se rapprocher des centres de décision. 289 - L'industrie aromatique et de la parfumerie grassoise subit le poids des lobbies d'Europe et d'Amérique du Nord qui cherchent à diminuer la part des matières premières naturelles réputées allergisantes dans la composition des parfums. Enfin, parmi les PME, et surtout les TPE grassoises, nombre d'entre elles ne sont pas certifiées car la certification est un processus trop coûteux. Elles se trouvent donc exclues de certains marchés. Elles cherchent alors davantage à évoluer dans certains types de réseaux industriels et commerciaux ayant les mêmes caractéristiques, donc moins exigeants. Les entreprises grassoises de petite taille travaillent donc généralement peu avec de grands groupes. Incontournable parce que : - Grasse continue de bénéficier d'une renommée mondiale, héritage de son histoire plus que résultat de sa situation actuelle. Pour certains groupes, Grasse continue de jouer un rôle de vitrine nécessaire dans une activité où l'impact de l'image est puissant. - Les entreprises de Grasse possèdent un savoir-faire, semble-t-il inégalé, dans le domaine du traitement des matières premières naturelles. Grasse reste donc un centre majeur de production de matières premières naturelles et d'arômes naturels. - Les entreprises de Grasse offrent un niveau de service, en termes de qualité, délais, quantités vendues, qui leur donne une forme d’avantage concurrentiel. La géographie historique du territoire est sans doute également en train de se modifier en réaction au risque de marginalisation croissante. En analysant les relations entre la dynamique urbaine et la dynamique productive sur le territoire, nous avons pu mettre en évidence une délocalisation des activités productives depuis la commune de Grasse vers des commune avoisinantes sous l'effet de différentiels de fiscalité et de politiques d'attraction en termes de services aux entreprises. De façon évidente, le territoire de référence s'est élargi pour englober de nouvelles communes, même si Grasse reste le pivot du système, ne serait-ce qu'en terme de renommée. Pendant plusieurs années, les sous-ensembles constitutifs de ce territoire ont été davantage dans des relations de concurrence que de coopération. Récemment, les acteurs locaux ont initié de nouvelles relations davantage fondées sur la coopération. Cette évolution marque sans aucun doute la construction d'un lien d'un nouveau type, plus institutionnalisé, entre le tissu productif et le territoire . Sur le plan régional, la géographie politique est longtemps restée une géographie de conflits ou d'ignorance entre le pôle grassois et d'autres pôles productifs locaux. Grasse a ainsi très clairement raté l'arrimage sur Sophia : « Avec Sophia, il y a eu des problèmes politiques, mais il y a eu un problème de volonté des industriels locaux. Ils ont eu peur que les parfumeurs partent. Or, ils sont partis quand même, à l'étranger ou à Paris, quand ils y étaient incités ». Cette incapacité du territoire à bénéficier de la création, du développement et du rayonnement de Sophia Antipolis pèse lourd aujourd'hui. L'absence d'une activité de R&D articulée à l'industrie de la parfumerie pénalise le territoire et les PME qui n'ont pas les moyens de développer cette fonction en interne. Le mouvement qui se dessine aujourd'hui est un mouvement de rapprochement avec Sophia et avec d'autres pôles industriels locaux sous l'impulsion des acteurs institutionnels (Communautés d'agglomération, Chambre de Commerce et d'Industrie). 290 On y reviendra spécifiquement dans le point 7, mais il devient de plus en plus clair qu'une réactivation des forces motrices du territoire passe par une stratégie de coopération des acteurs locaux qui prenne en compte cette nouvelle géographie physique et politique. 6. Les transitions des marchés du travail L'espace de qualification de l'industrie aromatique et de la parfumerie grassoise a fortement évolué depuis vingt ans sous le triple effet des stratégies de diversification des entreprises, de leur industrialisation de plus en poussée et, de leurs politiques de qualité tournées vers l'obtention des labels ISO si précieux sur les marchés des produits, même si, il est important de le souligner, ces évolutions ont concerné les entreprises de façon très inégale. Au cours des 25 dernières années, les entreprises ont réalisé d'importants investissements matériels tant au niveau de la fabrication que des laboratoires d'analyse. Dans le même temps, la part des matières premières de synthèse augmentait dans la composition des produits, alors que l'industrie de la parfumerie et de l'aromatique à Grasse a longtemps été une activité de savoir-faire proche de l'artisanat, ce qui se traduisait dans le niveau de formation initiale des salariés et le mode d'acquisition de la qualification professionnelle. Ce marché du travail, structuré par un espace professionnel de type « domestique » (au sens que lui donnent L. Boltanski et L. Thévenot, 199114 ), ancré dans des réseaux professionnels et familiaux locaux est aujourd'hui sérieusement altéré. Le marché du travail devient à la fois plus concurrentiel et plus complexe, il est de plus en plus traversé par des logiques « centrifuges » tandis qu'émergent de nouvelles formes de régulation. Un « espace professionnel domestique » en mutation L'industrie aromatique et de la parfumerie s'est longtemps caractérisée par une politique de recrutement d'une main d'œuvre peu ou pas qualifiée, formée sur le tas, par « compagnonnage ». Les liens interpersonnels (le bouche à oreille), les réseaux familiaux jouaient un rôle significatif dans les politiques de recrutement. Cette politique avait un double avantage: - Elle permettait un recrutement facile, et ce d'autant que l'offre locale de formation a toujours été inexistante dans le domaine. - Elle limitait le turn-over des personnels qui pouvaient difficilement exploiter un savoir-faire tout à fait spécifique dans d'autres activités. A l'intérieur des entreprises, les politiques de gestion de la main d'œuvre faisaient système avec ces politiques de recrutement. Les entreprises locales n'ont jamais incité leurs salariés à la mobilité. Elles ont toujours, au contraire, favorisé leur stabilité et leur fidélité, en relation avec la logique du secret que nous avons soulignée. L'ancienneté des salariés dans les entreprises du territoire est d'ailleurs assez élevée. Mais, aujourd'hui, dans un contexte de difficulté de recrutement, ces modes de gestion de la main d'œuvre créent un problème dans la transmission du 14 Dans une logique domestique, les personnes sont principalement évaluées par rapport à leur réputation dans un réseau de relations personnelles. C'est la proximité qui fonde la valeur, la « grandeur » des personnes : proximité familiale, amicale, politique. Les salariés sont recrutés pour leur intégration dans le tissu économique et social local, c'est donc le réseau de relations personnelles qui est privilégié. La relation élémentaire entre les individus est la confiance qui repose elle-même sur la proximité des personnes. 291 savoir-faire. Un dirigeant souligne que dans son entreprise, il y a peu de départs, et donc peu de recrutements, ce qui, compte tenu de la pyramide des âges, pourra poser un problème dans la transmission future des savoirs (il n'y a aucun « nez » de moins de 40 ans dans l'entreprise). Cette tradition de recrutement et de formation sur le tas a cependant considérablement évolué sous la pression des contraintes législatives et techniques, ainsi qu'aux exigences d'assurance qualité. Les entreprises ont eu même quelquefois tendance à surenchérir en termes de qualification. Aujourd'hui, en particulier pour les emplois les plus qualifiés, le mode de recrutement devient plus classique, le niveau de qualification s'étant accru alors que, dans le même temps, l'offre de formation ne permet pas de recruter localement. Cette élévation du niveau de qualification n’est cependant pas uniquement imputable aux transformations de l’appareil productif local. Les évolutions observables sur la zone s’inscrivent dans un mouvement général d’élévation du niveau de qualification qui traverse la société dans son ensemble. Les emplois de préparateurs du secteur aromatique font notamment face à des contraintes croissantes auxquelles les entreprises répondent de façon différenciée (Asfo-Grasse, 1995, 1996). - Le métier est engagé depuis plusieurs années dans une période de transition entre une ère où le travail était encore largement artisanal et où le savoir-faire primait sur le savoir-produire, et une ère industrielle où des méthodes pointues sont transférées depuis le secteur de l'électronique et de la pharmacie et où la certification devient un objectif stratégique dans l'obtention des marchés. - Les contraintes en matière d'hygiène et de sécurité dans la manipulation des produits naturels et de synthèse deviennent un facteur clé. - Les procédés obéissent de moins en moins à des méthodes empiriques, mais doivent respecter des normes industrielles. Certaines chaînes de production peuvent être semi ou totalement automatisées. - Les préparateurs qui étaient cantonnés dans des tâches opérationnelles, sans capacités décisionnelles, se voient aujourd'hui confier des tâches plus élaborées supposant des capacités d'initiative, de prévention et de correction des dysfonctionnements. L'éclatement des logiques d'entreprise Toutefois, toutes les entreprises ne sont pas engagées selon la même intensité dans le processus d'industrialisation et de modernisation de l'appareil productif. Les politiques de gestion de l'emploi et des compétences sont liées aux stratégies des entreprises : - D’une part, on peut opposer les politiques des entreprises familiales locales et des entreprises multinationales. Ces dernières mettent en concurrence leurs sites industriels (les salariés sont davantage soumis à des exigences d'efficacité et de rentabilité que les salariés d’entreprises locales). - D’autre part, les entreprises grassoises sont différemment positionnées sur les marchés mondiaux. Aux choix stratégiques correspondent des politiques d'emploi. Ainsi, les entreprises tournées vers l'industrie du luxe et la réalisation de produits à forte valeur ajoutée refusent d'entrer dans le processus de substitution homme/robot tandis que les entreprises davantage tournées vers la parfumerie industrielle sont entrées dans un processus de 292 modernisation de leurs installations modifiant compétences et les qualifications des opérateurs15 . ainsi leurs exigences concernant les Actuellement, semble se construire dans certaines entreprises de la zone un modèle de type cœur/périphérie (Atkinson, 1984) où les entreprises maintiennent un noyau dur de salariés qualifiés qu'elles s'efforcent de stabiliser, tandis que les emplois non qualifiés seront progressivement remplacés par des robots ou de l'emploi non stable (type intérim). Le marché du travail de l'industrie aromatique et de la parfumerie se caractérise aujourd'hui de plus en plus par : - - une pyramide des âges qui montre un vieillissement de la population (la moyenne d'âge des salariés est actuellement supérieure à 44 ans) ; une élévation du niveau de qualification du fait des exigences de certification et de la diversification dans les arômes alimentaires. A cela, il faut ajouter l'automatisation croissante des processus de production qui entraîne une réduction du personnel. Les entreprises ont des exigences croissantes vis-à-vis des salariés qui doivent être plus performants et notamment plus polyvalents (les salariés peuvent être amenés à exécuter des tâches de pesée, de conditionnement et du contrôle). une féminisation des emplois, mais avec une division sexuelle du travail toujours marquée (l'industrie maintient un certain nombre de schémas traditionnels de ce point de vue) une difficulté à recruter (pénurie sur les emplois de CAIC et de préparateurs). Le bassin local ne permet pas de recruter en quantité suffisante des jeunes qualifiés du fait de la carence de l'offre de formation et de la situation de concurrence avec les activités liée au tourisme. une stratification entre les emplois les moins qualifiés où la main d'œuvre est nécessairement locale et les emplois les plus qualifiés où compte tenu de l'offre de formation, les salariés sont de plus en plus souvent originaires d'autres régions. des politiques salariales souvent considérées comme peu attractives, notamment dans les PME. Cette situation contribue à la difficulté de recruter sur certains emplois. L'institutionnalisation des régulations du marché du travail Aux transformations de l'emploi et des modes de gestion de la main d'œuvre par les entreprises, s'ajoutent actuellement celles des modes de régulation institutionnelle. De ce point de vue, le marché du travail connaît plusieurs mutations : - il se structure (acteurs) ; - il se codifie (outils) ; - il se régule différemment. 15 Cette politique concerne principalement les plus petites entreprises. Les grandes entreprises de la zone, même lorsqu’elles se destinent aux marchés de la parfumerie sélective, sont engagées de longue date dans un processus de modernisation de leurs installations. 293 La structuration des acteurs du marché du travail Les entreprises ont longtemps fonctionné de façon autonome, ou en partenariat exclusif avec l'Asfo-Grasse, omniprésent que ce soit au niveau de la formation initiale et continue. Actuellement, de nouveaux acteurs apparaissent sur le marché du travail ou deviennent davantage visibles : - l'ANPE, longtemps absente, et qui ne jouait pas son rôle d'intermédiaire. les agences d'intérim qui jouent un rôle de plus en plus actif dans la gestion de l'emploi, voire dans la construction des qualifications. le GAT16 (Groupement des Acteurs Territoriaux) qui veut agir sur le marché du travail (en favorisant l'insertion des jeunes alors que les entreprises se plaignent de pénurie de main d'œuvre). La codification des savoirs et des modes de gestion Les entreprises ont de plus en plus recours à des outils de gestion de leur main d'œuvre. Deux exemples : - Concernant le recrutement, à des pratiques de recrutement exclusives « par capillarité », typiques du fonctionnement domestique, s'ajoutent des pratiques de recrutement plus classiques (petites annonces, relations avec des lycées ou des écoles). La valeur des personnes se déplace de leur appartenance familiale vers leur niveau de qualification. - Concernant la formation. Même si la formation par compagnonnage, par transmission de l'expérience est toujours importante, le recours aux formations délivrées par l'Asfo sur des questions techniques ou de sécurité est très important. Le marché du travail des parfumeurs est, de ce point de vue, tout à fait emblématique des changements. Le métier de parfumeur a toujours une composante artistique dans la mesure où il s'agit de créer une composition parfumante. Cependant, il a également beaucoup changé, le parfumeur devant aujourd'hui incorporer dans sa pratique un nombre croissant de contraintes liées au marketing (la composition ne doit pas avoir seulement des qualités olfactives intrinsèques, elle doit correspondre à une cible, donc aux attentes d'un marché défini), économiques (les pressions sur les prix vont en s'accroissant, le parfumeur ne peut donc utiliser toutes les matières premières qu'il souhaite si elles augmentent trop le prix du parfum), réglementaires (certains ingrédients, notamment d'origine naturelle, sont soumis à des restrictions en Europe). De plus, le parfumeur doit également avoir des aptitudes comportementales. Il doit être un bon vendeur car les clients souhaitent avoir des relations directes avec celui ou celle qui est à l'origine de la composition. L'apprentissage des parfumeurs est donc aujourd'hui de plus en plus dual. D'une part, il repose sur l'expérience, la pratique et la répétition : pour constituer son répertoire d'odeurs, le parfumeur doit sentir tous les jours les matières premières pour pouvoir les reconnaître, les nommer et les utiliser. D'autre part, il repose sur l'acquisition de connaissances techniques, scientifiques, voire industrielles et économiques qui s'opère par le système de formation. Ce qui marque le marché du 16 Il regroupe des acteurs comme l'ANPE, la DDTE, l'AFPA, la DDASS, l'ASSEDIC, ainsi que la Région et le Conseil Général comme financeurs, plus la Communauté d'Agglomération, la Mission Locale et Grasse Développement comme partenaires. 294 travail de cette profession est donc l'évolution d'une période où le métier s'apprenait sur le tas, se transmettait des anciens vers les nouveaux. Ces derniers commençaient au bas de l'échelle, comme préparateurs, ils effectuaient les « pesées », et faisaient ainsi l'apprentissage des odeurs. Aujourd'hui, les parfumeurs sont formés à l'ISIPCA. Néanmoins, selon les entreprises on constate que dans certains cas, ils continuent à commencer leur carrière au bas de l'échelle (comme préparateurs) car « l'expérience montre qu'une large part de l'acquisition de la connaissance olfactive est d'abord le résultat d'une démarche autodidacte » (Blayn et alii, 1988, p 64). La qualification n'est donc plus spécifique, construite dans un marché interne, mais de plus en plus générale, sanctionnée par un diplôme. Cela peut ainsi déboucher sur la constitution d'un marché externe beaucoup plus développé, où les mobilités inter-entreprises sont plus fréquentes. Le problème majeur pour le territoire est que cette codification des savoirs ne se fait pas dans des instances de formation locales. Il y a un découplage sur le territoire entre l'offre et la demande de formation en particulier, pour les niveaux les plus élevés de qualification, même si le syndicat professionnel Prodarom a ouvert à Grasse en 2002 une école destinée à former des parfumeurs : the Grasse Institute of Perfumery. De nouveaux modes de régulation Les formes de régulation du marché du travail s’inscrivent enfin de façon croissante dans une logique d’extériorisation ou d’externalisation de la main d’œuvre. Un recours croissant à l'intérim pour pallier la pénurie de main d’œuvre L'industrie de la parfumerie et surtout de l'aromatique est une activité saisonnière. Dans un double contexte de pénurie et d’incertitude, les entreprises utilisent de façon croissante les services des agences d'intérim (certaines ont des services spécialisés dans ces secteurs d'activité) notamment pour les activités de conditionnement (activité très féminisée), de production, de préparation (pesée) et tertiaires. Actuellement, l'accélération des processus, la réduction du cycle de vie des produits, dans l'aromatique en particulier, empêchent les entreprises de prévoir leurs besoins en main d'œuvre plus de trois semaines à l'avance. Jusqu'à présent, les entreprises parvenaient à combler leurs besoins ponctuels en main d'œuvre par le biais de l'intérim. Mais il semble que même cette ressource atteigne actuellement son seuil de saturation. Alors que pendant des années, l'intérim était considéré par les entreprises comme une forme de précarisation du personnel incompatible avec leurs valeurs fondamentales, aujourd'hui, il est envisagé comme une solution performante dans des activités qui exigent de la souplesse. L'intérim est considéré comme une source de flexibilité, mais également de plus en plus de compétence car les intérimaires construisent au cours de leurs missions une expérience valorisée par les entreprises. A cela, il faut ajouter le fait que les agences d'intérim ne se contentent pas de jouer un rôle de pourvoyeur de ressources dans le domaine du recrutement. Elles jouent un rôle croissant dans le domaine de la formation et articulent leurs actions avec l'Asfo Grasse, acteur traditionnel dans ce domaine. 295 Plus de mobilités inter-entreprises ? Dans la mesure où la formation sur le tas était importante, la mobilité inter-entreprises était forcément limitée17 . Certains interlocuteurs parlent d'emploi à vie et de relations de fidélité entre salariés et employeurs. Mais, depuis vingt ans, les restructurations ont abouti à des brassages de personnel entre les entreprises. Et aujourd'hui, la codification des savoirs et le recours croissant à l'intérim vient conforter cette logique de circulation des personnes et de l'information. Les plans sociaux récents des filiales des groupes multinationaux alimentent le marché du travail local, même si les salariés des grandes entreprises hésitent à s'engager dans des PME dans lesquelles elles trouvent des conditions salariales moins favorables. Au total, l'évolution défavorable des pyramides des âges, la pénurie de main d'œuvre, ainsi que la difficulté du bassin local à fournir de la main d'œuvre qualifiée pourraient créer à terme un risque d'incapacité de régénération de la zone et de transmission du savoir-faire. Les transformations conduisent un nombre croissant d'acteurs à parler d'inadaptation de la main d'œuvre à leurs besoins. A Grasse, cette inadaptation est à la fois quantitative (les entreprises peinent à recruter sur certaines catégories), et qualitative (les entreprises sont de plus en plus demandeuses d'aptitudes comportementales quelquefois contradictoires qu'elles ne parviennent pas toujours à conjuguer chez les nouveaux salariés : compétence, rigueur, fidélité…). Ce discours d'inadaptation à rapprocher des modes de consommation et de construction des ressources des entreprises évoqués dans le point 4 doit conduire dans le futur à une réflexion globale pour le territoire sur les modes de régulation d'un marché du travail qui redevienne un actif spécifique et une source de compétitivité pour les industriels locaux. Le marché du travail est actuellement en transition entre un modèle traditionnel qui a longtemps fonctionné de façon efficace dans une logique de système, et un modèle plus concurrentiel. C'est cette phase de transition qui fragilise le territoire dans son ensemble. 7. Les dynamiques d'acteurs Le territoire vit et se développe grâce aux différents acteurs qui y exercent leurs métiers ou leurs missions. A Grasse, plusieurs catégories d'acteurs contribuent à le structurer à des degrés divers. Comme on l'a observé pour le marché du travail, le territoire est actuellement entré dans une phase de transition qui marque le renouvellement des dynamiques des acteurs en présence. Les entreprises sont bien évidemment un acteur majeur du territoire. Nous avons vu, dans le point 4, que cohabitaient sur la zone des logiques distinctes suivant l'origine des capitaux, la taille des entreprises et l'activité exercée. Sur la zone, les entreprises sont dans des relations de concurrence plus que de coopération, car elles peuvent simultanément agir en tant que client, fournisseur et concurrent. La profession est très secrète car l'activité de la parfumerie est à michemin entre l'activité industrielle et artistique sans être correctement protégeable par brevet. Dans le même temps, il existe une solidarité de métier sur le territoire, mais les relations entre les industriels sont souvent peu formalisées, et de ce fait peu visibles. 17 Même si on sait, dans le même temps, qu’il a toujours existé des stratégies de captation de savoir-faire entre les entreprises du territoire. 296 Sur le territoire, un acteur collectif joue un rôle significatif : le Syndicat National des Fabricants de Produits Aromatiques Prodarom. Prodarom est un syndicat professionnel national dont les membres sont les fabricants de matières premières pour l'industrie de la parfumerie. Créé en 1898, c'est le seul syndicat national qui soit localisé en province, ce qui reflète la place de Grasse dans l'industrie nationale. En France, il y a environ 120 entreprises dans le domaine de l'aromatique dont plus de la moitié se trouve à Grasse. Prodarom a une cinquantaine d'adhérents : des multinationales, des grandes entreprises grassoises, des PME. Cependant, un certain nombre de PME grassoises n'appartiennent pas à Prodarom. Pour certaines d’entre elles, il est le syndicat de quelques parfumeurs, des grandes entreprises notamment, mais ne représente pas de façon satisfaisante les intérêts des plus petits. Néanmoins, quel que soit son degré réel de représentativité, le syndicat a un poids important sur le territoire : - Dans un contexte de pression réglementaire accrue, il joue un rôle de courroie de transmission entre les niveaux nationaux, européens et internationaux et les entreprises locales. Il collecte et diffuse auprès de ses adhérents les informations dont ils ont besoin dans les domaines réglementaires. - Il assure la représentation et la défense des intérêts des industriels de la profession. Cela l'a conduit récemment à exercer une activité de lobbying au niveau européen pour empêcher l'application du 7ème amendement de la Directive Cosmétiques qui stipule qu'il faut indiquer sur les emballages des produits « nuit à la santé » lorsqu'ils contiennent des produits naturels susceptibles de provoquer des allergies. - Au travers de l'Asfo Grasse, le syndicat joue un rôle structurant dans le fonctionnement du marché du travail local, puisqu'en l'absence d'offre de formation émanant de l'Education Nationale, c'est l'Asfo qui forme la plus grande partie des opérateurs et des CAIC en délivrant des contrats de qualification par alternance. En revanche, les représentants du syndicat partagent la croyance largement présente au sein du territoire selon laquelle il est impossible de mutualiser les ressources technologiques sur la zone. Contrairement à ce qui peut se passer dans d'autres secteurs d'activité comme l’industrie du jouet dans le Jura ou du décolletage en Savoie (Barabel et alii, 2003), le syndicat n'a jamais été à l'origine d'initiatives visant à structurer des ressources collectives dans le domaine de la recherche-développement ou dans le domaine commercial. Son activité est principalement orientée vers des questions réglementaires ou de certification. De par son positionnement, l'action de Prodarom a accompagné, voire renforcé le type de relations dominantes sur le territoire. Enfin, une caractéristique majeure du territoire a longtemps été la carence des acteurs institutionnels locaux (qui peuvent être politiques, territoriaux ou publics), soit du fait de leur absence, de leur désintérêt, voire de l'existence de conflits d'intérêts avec les industriels. On peut ainsi affirmer que jusque dans les années 90, la dynamique dominante sur le territoire résultait d'une logique d'action privée, entrepreneuriale, tandis que les acteurs institutionnels étaient largement absents. Aujourd'hui, au contraire, on assiste à l'émergence d'une nouvelle étape au cours de laquelle les acteurs institutionnels se structurent et manifestent leur volonté d'agir sur le territoire. 297 Pourquoi l'absence ou l'inaction des acteurs institutionnels dans un premier temps ? - - - - Les entreprises n'en ont jamais ressenti le besoin, voire même n'ont pas souhaité d'intervention publique ou collective extérieure à la profession. Les entreprises ont entre elles mêmes des comportements de préservation des secrets de fabrication, de leur clientèle, et plus généralement de leurs pratiques. Elles observent les mêmes comportements vis-à-vis des acteurs institutionnels. Elles n'éprouvent en outre pas nécessairement le besoin de faire appel à l'acteur public. Les entreprises exerçant dans le domaine de l'aromatique (c'est plus vrai dans le domaine de la parfumerie que pour les arômes alimentaires) ont la réputation de disposer des moyens financiers nécessaires à leur développement. Certaines considèrent également que les acteurs publics ne connaissent pas suffisamment le secteur pour leur apporter un soutien efficace. Toutefois, à la fin des années 90, des entreprises du territoire ont bénéficié de protocoles d'accord avec la Région qui leur ont permis de bénéficier d'un soutien financier dans le cadre d'actions de modernisation et de développement sur des marchés étrangers. Les acteurs politiques du département se sont désintéressés de Grasse. Il existe un conflit traditionnel (plus exactement une rivalité) entre les régions est et ouest du département des Alpes-Maritimes. Le développement de Sophia n'a fait que reproduire, voire renforcer cette rivalité pendant des années. La logique de développement du département est plutôt axée sur le tourisme et l'expansion économique du littoral. Or, dans cette perspective l'activité industrielle de Grasse est une « verrue » dans le paysage. En outre, pour le département, la vitrine technologique est Sophia Antipolis, avec ses activités High Tech, propres, ses salariés qualifiés, à l'opposé de Grasse, à l'activité industrielle, traditionnelle, polluante, consommatrice de main d'œuvre peu qualifiée. Une étude réalisée en 2003 pour CAD (Côte d'Azur Développement), l'agence de promotion et de développement économiques de la Côte d'Azur liée au Conseil Général soulignait d'ailleurs l'absence de l'industrie aromatique des technologies clés du département. Les acteurs institutionnels locaux sont longtemps restés peu ou mal structurés. L'ANPE est unanimement reconnue (y compris par elle-même) comme n’ayant pas joué de façon satisfaisante son rôle d'intermédiaire du marché du travail, le groupement des acteurs territoriaux (GAT) qui existe normalement depuis 1967 ne fonctionne réellement que depuis 2003. La municipalité a jusqu'en 1995 alimenté ce processus de repli sur soi en favorisant le développement du foncier résidentiel au détriment du foncier industriel. Ces affirmations sont toutefois à nuancer, l'Etat étant intervenu dans le passé pour éviter des délocalisations. Mais ces interventions sont restées ponctuelles. Mais, actuellement, c'est un tout autre processus qui est en train de se mettre en marche. A différents niveaux, les acteurs institutionnels locaux s'organisent pour agir sur le territoire . - 298 Le changement de municipalité en 1995 est unanimement considéré comme une date clé dans la trajectoire de la commune grassoise. L'équipe municipale a initié un certain nombre d'actions visant à redynamiser le tissu productif local et à donner à l'industrie phare davantage de moyens de pérenniser localement son activité, même si ces moyens sont souvent perçus comme insuffisants par les entreprises. Les moyens octroyés à la SEM GrasseDéveloppement depuis 1995 par la Mairie et les projets qu'elle soutient, notamment en vue d'aménager de nouvelles zones d'activité, en sont un exemple. Un autre exemple de cette volonté réside dans le travail effectué par le Club des Entrepreneurs du Pays de Grasse et dont l'action se conjugue à l'intersection d'initiatives privées et publiques dans le but de renforcer l'attraction et la compétitivité du territoire. Le CDE ne mène pas des actions uniquement en direction de l'industrie de l'aromatique et de la parfumerie. Cependant, il développe actuellement un projet de territoire qui s'appuie sur le savoir-faire reconnu de Grasse, à savoir l'expertise dans le domaine du traitement des produits naturels. L'objectif du CDE est de faire de Grasse le « pôle mondial du naturel ». Cette initiative visant à créer un SPL à Grasse a d'ailleurs reçu le soutien de la DATAR en 2003. Plusieurs projets sont en cours : - créer un laboratoire de R&D sur les produits naturels. - créer une Ecole Nationale qui sera un institut d'enseignement pour la filière des PPAM (plantes à parfum, aromatiques et médicinales). - développer une pépinière d'entreprises technologiques (également sur les activités connexes). - créer un centre d'exposition du savoir-faire. - créer un conservatoire des PPAM. Il existe donc une volonté de créer de nouveaux liens entre les entreprises du territoire, de construire des ressources locales, spécifiques, puisque le laboratoire par exemple devrait être un centre de recherches censé fournir des outils partagés pour les TPE locales. Toutefois, ces projets ne reçoivent pas l'assentiment de tous les industriels. Les grandes entreprises familiales n'ont pas manifesté d'intérêt, sans doute parce qu’elles disposent de ressources technologiques suffisantes en interne. En revanche, plusieurs dirigeants de petites entreprises adhèrent au CDE et participent activement aux réflexions engagées. Le changement de logique est également perceptible au niveau du territoire dans son ensemble, voire au-delà. Les communes du territoire ont longtemps été dans des logiques de concurrence qui se traduisaient notamment par des différentiels dans les taux de taxation et dans une disparité dans les niveaux de services offerts aux entreprises. La mise en place de la Communauté d'Agglomération en 2002 a semble-t-il initié une nouvelle logique davantage axée sur la coopération que sur la concurrence. Cinq communes forment la Communauté d'Agglomération autour de Grasse : Grasse, Mouans-Sartoux, Auribeau sur Siagne, Pégomas, La Roquette sur Siagne. La Communauté d'Agglomération a elle-même un projet de territoire qui va bien au-delà du souci de pérenniser l'industrie aromatique et de la parfumerie (Communauté d’Agglomération Provence d’Azur, 2001, 2002). La réflexion porte sur le territoire dans son ensemble, sur les conditions de son attractivité pour de nouvelles entreprises, mais également pour de nouveaux résidents, ce qui suppose d'offrir des infrastructures adaptées et de repenser l'organisation économique du territoire dans sa globalité (industrie, agriculture, tourisme). Un axe important de cette réflexion réside dans l'ouverture du territoire vers d'autres pôles ou communautés voisines. Ainsi, du fait de l'impact potentiel des évolutions de Sophia Antipolis et d'autres communes du littoral, se développe entre différents acteurs institutionnels une réflexion visant à associer plus étroitement le futur de territoires qui jusqu'à présent, se sont, soit opposés, soit ignorés. Un objectif est notamment de développer des technologies innovantes dans l'industrie aromatique, ce qui, dans un contexte de pression sur la qualité des produits et du fait de l'évolution de la réglementation, semble opportun. Enfin, on peut également mentionner la réflexion menée par la Chambre de Commerce et d'Industrie et dont l'ambition est de construire un pôle des Sciences du vivant dans lequel s'intégrerait l'industrie aromatique et de la parfumerie grassoise. Dans cette démarche, le projet IRT (Initiative Riviera Technologies) rassemble des entreprises de trois secteurs de haute 299 technologie (NTIC, Sciences du Vivant, Sciences de la Terre et Environnement). Il s'agit notamment d'identifier des « clusters », des filières technologiques, dans le but de développer le potentiel technologique de la région. Des entreprises du pôle aromatique grassois participent au projet, la coopération dans le domaine technologique apparaissant comme un moyen de renforcer la compétitivité des entreprises et du territoire. Comment interpréter cette évolution d'une logique du tout privé à une logique où le public s'empare du territoire ? Tant que le tissu productif était matériellement ancré dans le territoire physique, la question des relations entre entreprises et la question de la pérennité du tissu ne se posait pas. La logique privée se suffisait à elle-même. La relation entre l'activité productive et le territoire était évidente, visible. Au moment où le lien entre le tissu productif et le territoire se dématérialise (voir le point 3), les acteurs publics ressentent la nécessité de (re)donner corps au territoire, de le structurer, pour arrimer le tissu productif à un territoire qu'il faut faire exister. Cette institutionnalisation marque le déclin du lien physique, historique, et le développement d'une nouvelle forme d'ancrage du tissu productif dans le territoire qui n'est plus aussi évidente et qu'il faut construire par des actions volontaristes et structurées. Conclusion Quel est le processus de transition à l'œuvre ? Depuis les premières restructurations des années 60, le pôle aromatique grassois a connu une mutation profonde qui se poursuit aujourd'hui. Les transitions à l’œuvre se lisent actuellement sur différentes dimensions : - - - 300 Sur le plan géographique : le territoire tend à s'élargir et va bien au-delà de la commune de Grasse. Si le tissu productif a encore un sens sur un territoire déterminé, il s'étend par un processus de coopération avec des territoires et des tissus productifs connexes sous l'impulsion d'acteurs institutionnels. Sur le plan stratégique : la zone s'est à la fois diversifiée horizontalement vers les arômes alimentaires et recentrée sur quelques étapes de la filière aromatique (extraction complexe et composition). Sur le plan technologique : sauf pour quelques entreprises qui ont fait des choix stratégiques particuliers, les entreprises ont entrepris un processus considérable de modernisation de leur appareil productif tant dans les activités de production que dans les laboratoires. Sur le plan de l'emploi et de la formation : il y a une élévation du niveau de qualification des emplois et des personnels, et de manière générale, une transformation de l'espace professionnel qui maintient des caractéristiques traditionnelles, et dans le même temps se transforme (structuration, formalisation, codification, nouveaux modes de régulation). Sur le plan des dynamiques d'acteurs, différentes logiques sont à l'œuvre. Les logiques privées renvoient dos à dos les stratégies des entreprises multinationales soucieuses de rentabiliser leur appareil productif et celles des entrepreneurs locaux dont l'activité est intimement associée au territoire. Les logiques institutionnelles connaissent un changement significatif depuis la fin des années 90. Jusque là, les prises de position des différents acteurs (ou leur absence) avaient pu contribuer à la fragilisation du territoire. La tendance s'inverse actuellement puisqu'on constate une mobilisation croissante pour participer à la pérennisation de l'activité aromatique à Grasse. Quels risques dans l'avenir pour l'industrie aromatique et de la parfumerie grassoise ? ? Pour l'avenir, une des principales menaces qui plane sur le pôle grassois est l'implantation d'entreprises sans ancrage territorial fort, dont la stratégie est soumise à des logiques financières plus qu'industrielles ou sociales. Le risque que font courir ces investissements est à la fois un risque de délocalisation des activités, mais également un risque de remise en question de la logique d'échange, caractéristique du territoire et qui contribue à sa compétitivité en fondant sa flexibilité et sa réactivité. En effet, ces groupes fonctionnent suivant des logiques Ressources Humaines qui consistent à favoriser la mobilité. Il y a donc sur le territoire moins de stabilisation des personnels, ce qui change les relations interentreprises qui ne peuvent plus reposer sur les liens interpersonnels. ? Un autre danger qui pèse sur le territoire est celui d'une spécialisation excessive de la zone . Or, un de ses facteurs de compétitivité clé est l'existence à Grasse d'un pôle d'activités organisées autour de la parfumerie et de l'aromatique qui permet aux industriels d'exercer leur activité grâce aux ressources qu'ils trouvent localement (matières premières, main d'œuvre… ). Cette possibilité d'obtenir dans un espace géographique restreint toutes les ressources nécessaires à l'activité peut être un puissant moteur de son maintien. Or la disparition d'un certain nombre d'activités réduit cet effet incitatif et par conséquent, les facteurs de compétitivité du territoire. De plus, la solidité du tissu repose sur un trop petit nombre d'entreprises. Les trois grandes entreprises familiales Mane, Robertet, Charabot, font l'essentiel du chiffre d'affaires du territoire. ? La disparition des ressources spécifiques non transférables constitue un risque majeur pour le territoire. Cela se manifeste à plusieurs niveaux : - Le savoir-faire (sauf pour l'extraction) est largement diffusé et existe aujourd'hui dans différentes régions du monde. - Le territoire n'a pas su jusqu'à présent constituer une capacité d'innovation fondée sur une compétence en R&D. - L'insuffisance de l'offre de formation ne permet pas de disposer d'un réservoir de main d'œuvre stable et d'un niveau suffisant. - Cette carence du point de vue des ressources engendre pour le territoire un risque de découplage entre l'activité et la capacité d'innovation, source de compétitivité durable. ? La géographie locale est également un handicap pour le territoire : - Grasse souffre de la tension entre la vocation industrielle et touristique de la région. - Cela induit sur le territoire une pression foncière préjudiciable au développement des entreprises (qui ne trouvent pas d'espace suffisant pour se développer) et à l'installation de la main d'œuvre. 301 - Cette pression accroît le risque de délocalisation des activités aussi bien pour les filiales de groupes étrangers que pour les entreprises locales. Pour ces dernières toutefois, l'attachement au territoire joue le rôle de frein à la délocalisation des activités. ? Les entreprises subissent une pression réglementaire de plus en plus importante. - L'industrie aromatique et de la parfumerie grassoise subit le poids des lobbies d'Europe et d'Amérique du Nord qui cherchent à diminuer la part des matières premières naturelles réputées allergisantes dans la composition des parfums. - Les entreprises sont également soumises à des contraintes environnementales croissantes. A Grasse, cette contrainte s'exerce d'autant plus fort que, par le passé, le développement industriel s'est fait sans aucune réflexion et a abouti à mixer des zones d'habitation, commerciales et industrielles. Compte tenu de ces contraintes environnementales, et du développement de la logique touristique, l'avenir d'un pôle chimie fine sur Grasse est extrêmement problématique. ? Enfin, les relations interentreprises (le poids du secret, l'incapacité à coopérer) restent un handicap pour un territoire qui a peu de poids face aux leaders mondiaux et aux lobbies industriels. Il existe sur la zone de nombreux liens familiaux et amicaux. Mais jusqu'à présent, ces liens n'ont pas constitué de vrais réseaux professionnels institués. Des atouts à remobiliser Les contraintes qui pèsent sur l'activité industrielle de Grasse sont toutefois contrebalancées par un certain nombre de points forts ou d'actions émergentes qui laissent espérer que le territoire est encore capable de se régénérer et de pérenniser son activité. ? La persistance du savoir-faire et de l'image - Dans le domaine du traitement des matières premières naturelles, les entreprises de Grasse détiennent un savoir-faire reconnu. Dans la mesure où ce savoir-faire est incarné dans des personnes et dans des systèmes de relations, même en cas de rachat, le risque de captation et de transfert de ce savoir-faire n'est pas immédiat. Grasse est encore dans l'esprit de nombre d'acteurs l'image même de la parfumerie. Les grands groupes amènent leurs clients à Grasse qui est pour eux une excellente vitrine. ? La spécificité d'un système de relations et d'une économie de la variété - Grasse : le « sentier » de la parfumerie ? Les entreprises de Grasse fournissent une prestation sur mesure (petites séries, délais, qualité). Il s'agit d'un atout à renforcer face aux géants du secteur. L'attachement des dirigeants locaux au territoire est pour le moment un gage de la pérennité de l'activité. Ils y sont nés, ils y ont leurs racines. C'est à Grasse qu'ils veulent exercer leur métier. ? Une capacité de régénération du tissu - 302 Les restructurations industrielles passées ont montré une capacité du tissu à se régénérer. Même si les conditions macroéconomiques ont changé, la persistance d'une spécificité grassoise (qui pour le moment fonctionne et aboutit à des résultats économiques plus que - satisfaisants) dans le savoir-faire et le positionnement stratégique (niche, flexibilité, variété) laisse penser que les conditions d'une pérennisation de l'activité existent toujours. Il existe, contre toute attente, une culture entrepreneuriale à Grasse, alors même que c'est une ville de notables (un interlocuteur décrit la ville comme un « monde à la Balzac »). Dans cette société de notables, il existe des chefs d'entreprises, de vrais innovateurs au sens de Schumpeter. Ce sont eux qui ont régénéré le tissu à partir des années 80. ? La mobilisation des acteurs locaux et régionaux - Enfin, l'existence d'une volonté politique de valoriser le savoir-faire de Grasse sur le pôle du naturel, les travaux menés par le Club des Entrepreneurs sont peut-être l'indice d'une dynamique nouvelle de nature à conforter les capacités endogènes du territoire. Néanmoins dans cette perspective, les acteurs porteurs de ces projets devront surmonter les réticences des entreprises traditionnellement enclines à préserver leurs secrets plutôt qu'à mettre des ressources en commun. On touche là un point clé de la pérennisation du territoire. Mais ainsi que cela a été déjà évoqué, un certain nombre d'entreprises de la zone partagent peut-être une histoire commune susceptible de les rassembler autour d'un projet suffisamment mobilisateur. 303 Bibliographie indicative ASFO-GRASSE (1995) Etude sur la qualification au métier de préparateur Arômes-Parfums et Cosmétiques. Etude régionale. ASFO-GRASSE (1996) Quelles formations diplômantes pour les industries aromatiques et cosmétiques en PACA ? Etude régionale. Atkinson, J. (1984) Manpower Strategies For Flexible Organisations, Personnel Management, august. Banque de France (1982) L'industrie grassoise des produits arômatiques, mai. Barabel, M., Huault, I., Meier, O. (2003) The Changing Face of Industrial Districts in France : Between Embeddedness and Disembeddedness, Egos Colloquium, July. Blayn, J.F. et alii (1988) Questions de parfumerie. Essais sur l’art et la création en parfurmerie. Corpman Editions. Boltanski, L., Thévenot, L. (1991) Les économies de la grandeur, Gallimard , Paris. Communauté d’Agglomération Provence d’Azur (2001) Charte de la Communauté d’Agglomération. Communauté d’Agglomération Provence d’Azur (2002) Rapport Annuel d’Activité. Galle, G. (1976) L'industrie des parfums. Université d’Aix-Marseille 2, IRT. ONIPPAM (1996) Rapport Annuel (Office national interprofessionnel des plantes à parfum, aromatiques et médicinales). Perry, M. (1999), Small Firms and Network Economies, Routledge. Porter, M. (1980) Competitive Strategy, The Free Press. PRODAROM (2002) L'industrie de l'aromatique. Dossier de Presse. Rasse, P. (1987) La Cité aromatique, Serre Editions. Ravix, JT, Grenard, A., Maupertuis, M.A., Krafft, J., Nasica, E., Romani, P.P. (1996) Etude économique du pôle de la chimie fine des arômes et des parfums dans les Alpes Maritimes, Rapport de Recherche, Latapses, octobre. Roudnitska, E. (1990) Le parfum. PUF, Paris. Articles divers • 1998 L'industrie des arômes dope Grasse, l'Usine nouvelle, n° 2654, 10 septembre • 2001 Grasse se glisse dans la mondialisation, Le Figaro Entreprises, 8 octobre. • 2000 Les entreprises de senteurs jouent la complémentarité, l’Usine nouvelle, n° 2744, 24 août. 304 Annexe 1 - Fiche statistique de la zone de Grasse 306 1. Délimitation de la zone d’étude Les communes répertoriées constituent un territoire qui, autour de la ville de Grasse, concentre la majeure partie des activités productives et/ou des lieux d'habitation des salariés de ces entreprises. Les communes retenues sont : Grasse, Saint Vallier de Thiey, Saint Cézaire sur siagne, Le Tignet, Spéracèdes, Escragnolles, Le Bar sur Loup, Opio, Chateauneuf de Grasse, Cabris, Peymeinade, Mouans Sartoux, Auribeau sur Siagne, Pégomas, La Roquette sur Siagne, Mougins, Valbonne, Le Cannet, Vallauris. Composition du territoire. Les communes situées au sud de Grasse sont plutôt de type urbain, périurbain (Grasse, Mouans-Sartoux, Pégomas, Vallauris, Le Cannet, La Roquette). En revanche, les communes situées en amont de la ville (St Vallier, St Cézaire, Spéracèdes…) sont plutôt des zones rurales (petites communes et espaces naturels importants). En fait, plus on se rapproche de la mer, plus le tissu est urbanisé. Intercommunalité La Communauté d’Agglomération existe depuis le 1er janvier 2002. Auparavant, existait une communauté de communes, Provence d'Azur. Mais plusieurs communes sont parties de la communauté de communes : Bar sur Loup, Vence… Bar sur Loup appartient désormais à la Communauté d’Agglomération de Sophia antipolis. Il existe des Communauté d’Agglomération autour de Nice , Cannes, Menton. Il y a 5 communes dans la Communauté d'Agglomération autour de Grasse : Grasse, Mouans-Sartoux, Auribeau sur Siagne, Pégomas, La Roquette sur Siagne. 2. Caractéristiques démographiques de la zone 2.1. La population totale La comparaison entre la commune de Grasse et le territoire complet fait apparaître des différences. Alors que la population grassoise s'accroît dans les mêmes proportions que la population régionale (le différentiel est faible), la population du territoire s'accroît plus fortement, notamment du fait de nouvelles installations. Le solde migratoire est la principale cause d'augmentation de la population locale. La répartition entre les tranches d'âge est également différente : population plus jeune à Grasse que dans le territoire dans son ensemble, part des plus de 60 ans plus faible à Grasse par rapport au reste du territoire et à la région PACA. Nous pouvons en déduire que les personnes les plus âgées quittent la commune pour s'installer dans des communes limitrophes, plus résidentielles. Tableau 1 - Population totale en 1999 Source : Portrait de Territoire Grasse 43874 Zone DA 185710 PACA 4 506 151 +0.65 +0.36 +0.98 +0.75 +0.63% Part des moins de 30 ans 16055 (36.6%) 63839 (34.37%) 35.4% Part des plus de 60 ans 9777 (22.3%) 45134 (24.3%) Population totale en 1999 Evolution 90-99 Due au migratoire solde 24.1% 307 2.2. Ancienneté de la résidence Tableau 2 - Ancienneté de la résidence 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Grasse Effectif Zone DA % Effectif % PACA Effectif % Ménages ayant emménagé depuis moins de deux ans 3169 18.0 13174 17.4 303 281 16.0% .Ménages ayant emménagé depuis 2 à 9 ans 7001 39.7 29711 38.6 710 506 37.5% .Ménages ayant emménagés depuis plus de 9 ans 7467 42.3 33888 44.0 882 515 46.5% Ensemble 100.0% 100.0% 1 896 302 100.0% Nous constatons que la stabilité des populations est assez élevée même si l'ancienneté est moins importante à Grasse. La spécificité par rapport à la moyenne régionale n’est pas fortement marquée. 308 2.3. Population résidente Tableau 3 - Ménages selon la CSP de la personne de référence 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Grasse % .Agriculteurs .Artisans, commerçants, chefs d’entreprises .Cadres, professions intellectuelles supérieures .Professions intermédiaires .Employés .Ouvriers .Retraités .Autres sans activité professionnelle Ensemble Zone DA Evol 90- % 99 en % Evol 9099 en % Paca % Evol 90-99 en % 0.5 -16.7 0.5 -22.6 0.8% -28.5 5.7 -2.7 8.0 -3.5 5.8% -6.3 8.8 +8.1 10.1 +21.9 8.3% +10.9 14.0 13.8 18.5 29.7 +29.2 +26.9 -7.2 -1.2 13.1 13.1 14.7 31.9 +29.1 +29.9 -6.9 +9.8 13.4% 13.8% 15.1% 32.0% +18.7 +24.9 -4.9 +13.2 8.9 +35.4 8.4 +34.4 10.8% +34.7 17636 (100) +7.6 77003 (100) +12.8 1896150 +12.0 (100) Le pourcentage d'agriculteurs est identique pour Grasse et les communes voisines. Il est inférieur à la moyenne régionale et perd des effectifs, proportionnellement moins que l'ensemble de la région. Le territoire en perd davantage que la commune de Grasse. La pression résidentielle sur les terres agricoles périphériques semble s’exprimer fortement. La part des retraités est très élevée (quasiment le tiers des effectifs) mais reste inférieure à la moyenne régionale. Il est tout à fait intéressant de constater que le nombre de retraités diminue sur la commune de Grasse alors qu'il s'accroît sur l'ensemble des territoires. Ce qui tendrait à conforter l'idée de fuite de la commune vers les communes limitrophes, résidentielles. Le pourcentage des ouvriers est plus élevé à Grasse que pour l'ensemble de la région. Il l'est également par rapport à l'ensemble du territoire. Cette catégorie est, après les agriculteurs, la catégorie socio-professionnelle qui diminue le plus, et ce d'autant plus à Grasse. Ces données montrent que les transformations du territoire, initiées dès les années 50, se poursuivent aujourd'hui : baisse continue de la part de l'agriculture, diminution de la part des ouvriers, sans doute à lier aux évolutions technologiques et à la qualification accrue des emplois. La part des cadres, professions intellectuelles supérieures s'accroît, très fortement surtout l'ensemble du territoire (+21.9) contre +8.1 sur la commune de Grasse. Sur la commune de Grasse ainsi que sur l'ensemble du territoire, la catégorie socio-professionnelle qui connaît la croissance la plus importante est celle des personnes sans activité professionnelle, ce qui est également le cas de la région. Sur Grasse, ce sont ensuite les professions intermédiaires qui progressent le plus tandis que pour l'ensemble du territoire, ce sont les employés. 309 L'ensemble du territoire est souvent plus proche de la région PACA que la commune de Grasse qui confirme la persistance de spécificités héritées, même si elles s'amenuisent. 2.4. Evolution de la population active. La population active croît plus sur l'ensemble du territoire que sur la ville de Grasse. Mais dans le même temps cette évolution s'accompagne d'une élévation très importante du taux de chômage, élévation qui concerne surtout la commune de Grasse. Tableau 4 - Population active 1999 – Source : Portrait de Territoire, Insee. Grasse Zone DA Paca 19151 81831 1 928 045 +8.1 +11.2 +6.2 Part des demandeurs d’emploi en 1999 16.6% 15% 17.3% Evolution 90-99 +51.6 +39.8 Population active totale en 1999 Evolution 90-99 2.5. Lieu de résidence et lieu de travail Comme on l'a repéré déjà sur d'autres dimensions, les comportements de Grasse et des communes avoisinantes se distinguent. Le gens travaillent et vivent plus souvent dans la même commune à Grasse, alors que pour l'ensemble du territoire, les phénomènes de migration domicile-travail sont plus importants. Les mouvements se font plutôt entre communes du même département, mais pas nécessairement de la même unité urbaine. La rupture entre lieu de travail et lieu de résidence existe mais prend une forme moins étalée du fait de la topographie particulière des lieux. Il y a peu de mobilité interdépartementale. 310 Tableau 5 - Lieu de résidence - lieu de travail en 1999 (actifs ayant un emploi) Source : Portrait de Territoire, Insee. Grasse % .Travaillent et résident dans la même commune . Travaillent et résident dans deux communes différentes : de la même unité urbaine du même département - de départements différent Ensemble 55.70 Zone DA Evol 9099 en % -14.3 % 36.7 Evol 9099 en % -12.1 PACA % Evol 9099 en % 55.4% -10.3 44.6% +27.4 41.00 +61.1 57.79 +36.8 23.4% +37.6 42.17 +39.3 60.82 +25.0 37.6% +26.5 2.14 15940 (100) +9.3 +2.9 2.51 69402 (100) +9.6 +7.9 7.0% 1 589 021 100.0% +32.7 +3.3 2.6. Le revenu Nous constatons que le revenu net imposable est au dessus de la moyenne régionale ce qui confirme la présence de classe plus aisée dans la zone. Les aménités, la cherté et la rareté de l’habitat peuvent aussi expliquer un phénomène d’auto-sélection des populations aisées sur la zone. Tableau 6 - Revenu net imposable moyen en Euros, en 2000 Source : Portrait de Territoire, Insee. Grasse Zone DA Paca 15251 16926 13842 311 3. Caractéristiques socio-économiques de la zone 3.1. Les caractéristiques de l’emploi 3.1.1. Niveau de formation Nous constatons une élévation du niveau de qualification des résidents de la zone et une régression des sans diplômes et des plus bas niveaux de qualification. La très forte progression des niveaux III, II et plus ainsi que des niveaux V (CAP/BEP) (besoin de formation professionnelle ?) est à noter. La progression des niveaux IV est relativement plus faible. Les plus hauts niveaux progressent plus autour de Grasse qu'à Grasse même. Mais cette progression est moins importante que pour l'ensemble de la région. Tableau 7 - Niveau de formation au lieu de résidence (population non scolarisée 15 ans et +) 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Grasse % Zone DA Evol 90-99 en % % PACA Evol 90-99 en % % Evol 9099 en % .Titulaire : - d’aucun diplôme - du CEP - du BEPC - du CAP ou BEP - du BAC ou BP - d’un diplôme de BAC+2 - d’un diplôme de niveau supérieur Ensemble 20.5 15.6 10.1 22.7 13.1 -30.3 -13.8 +9.8 +37.8 +13.3 18.0 16.0 10.2 22.5 14.2 -29.2 -10.0 +13.8 +42.2 +17.5 20.3% 16.0% 9.8% 22.9% 13.3% -28.0 -10.8 +12.1 +32.6 +19.3 8.8 +60.9 8.7 +55.5 8.6% +55.4 9.2 32 465 (100) +50.5 +3.9 10.5 139 426 (100) +65.5 +8.8 9.2% 3355389 100.0% +72.7 +6.3 3.1.2. Principales formes d’emploi des salariés Les CDI sont majoritaires sur la zone comme sur Grasse, et au-dessus de la moyenne régionale. Ce qui confirme une plus grande stabilité de l'emploi. Toutefois, les formes flexibles d’emplois sont aussi utilisées. On peut souligner à nouveau un comportement spécifique de la Commune de Grasse par rapport à l’ensemble du territoire, plus proche des moyennes régionales. Les CDD y sont en moyenne moins utilisés, tandis que le recours à l’intérim est, lui, plus important. 312 Tableau 8 - Principales formes d’emploi des salariés, lieu de résidence 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Grasse Effectif Zone DA % Effectif PACA % Effectif % .CDI .CDD .Intérim Emploi aidé Apprentissage, stage Titulaires fonction publique 8984 1245 274 353 310 64.33 8.91 1.96 2.52 2.22 38183 5295 756 1356 1312 65.86 9.13 1.30 2.34 2.26 813 864 131 599 17 786 59.9% 9.7% 1.3% 2799 20.04 11074 19.10 322 800 23.7% Ensemble 13965 57976 1 358 969 3.1.3. Statuts au lieu de travail Tableau 9 - Statuts au lieu de travail en 1999 - Source : Portrait de Territoire, Insee. Grasse % Zone DA . Salariés dont : - femmes -temps partiel 88.6 Evol 90-99 en % +6.0 47.2 16.6 . Non salariés dont : - femmes -temps partiel Ensemble % PACA 85.3 Evol 90-99 en % +15.5 +15.7 +67.3 41.6 15.8 11.4 -16.8 14.7 3.1 0.8 15550 (100) -30.9 -23.3 +2.8 4.2 1.2 60017 (100) % Evol 9099 en % 86.4% +7.6 +29.5 +93.0 40.5% 17.4% +18.5 +70.2 -6.1 13.6% -12.2 -11.9 4.2% -16.5 1.2% +11.7 1576808 100.0% -16.8 -20.0 +4.4 Du tableau il ressort qu’il y a une proportion de salariés un peu plus importante à Grasse qu'alentour. Le taux de féminisation est plus important. La part des salariés s'accroît et ce, surtout sur l'ensemble du territoire. Enfin le taux de croissance du temps partiel est impressionnant (très élevé pour l'ensemble du territoire). 313 3.1.4. Les emplois par CS au lieu de travail Nous constatons qu’il existe plus de professions intellectuelles supérieures sur l'ensemble de la zone que sur la commune de Grasse. Ce contraste marquerait une opposition entre Grasse plus ouvrière et les autres communes alentour plus marquée par les cols blancs. Toutefois, la différence du taux d'ouvriers n'est pas significative (moins de 1%). Tableau 10 - Emplois au lieu de travail en 1999 par catégorie socioprofessionnelle – Source : Portrait de Territoire, Insee. Grasse Effectif .Agriculteurs exploitants .Artisans, commerçants et chefs d’entreprises .Cadres, professions intellectuelles supérieures .Professions intermédiaires .Employés .Ouvriers Ensemble Zone DA en % Effectif Paca en % Effectif en % 64 0.4 442 0.7 23 396 1.5% 1264 8.1 6313 10.5 137 472 8.7% 1807 11.6 10304 17.2 201 686 12.8% 3817 5376 3222 15550 24.5 34.6 20.7 100.0% 13801 17585 11572 60017 23.0 29.3 19.3 100.0% 380 057 513 410 320 787 1 576 808 24.1% 32.6% 20.3% 100.0% 3.2. Les caractéristiques de l’activité économique 3.2.1. Les emplois par secteur d’activité de la population travaillant sur la zone 75% des emplois se situent dans le tertiaire (un peu inférieur à la moyenne régionale). Dans cette catégorie, la part des services aux entreprises est plus importante sur l'ensemble du territoire qu'à Grasse même. Le développement du tissu industriel semble ainsi s’effectuer en cohérence avec un tertiaire d’appui. La zone est plus industrielle que la région, en particulier Grasse. On peut rappeler que deux des trois plus grandes entreprises de la parfumerie sont localisées à Grasse. 314 Tableau 11 - Emplois au lieu de travail en 1999 par secteur d’activité Source : Portrait de Territoire, Insee. Grasse Effectif .Agriculture .Industrie .Construction .Tertiaire dont : -commerce -services aux entreprises -services aux particuliers Ensemble Zone DA en % Effectif Paca en % Effectif en % 188 2819 796 11747 1.2 18.1 5.1 75.5 1292 9513 4238 44974 2.2 15.9 7.1 74.9 49 037 178 323 95 763 1 253 685 3.1% 11.3% 6.1% 79.5% 2310 1421 14.9 9.1 9560 9618 15.9 16.0 240 992 181 443 15.3% 11.5% 1289 8.3 15550 100.0% 5758 60017 9.6 139 322 100.0% 1 576 808 8.8% 100.0% 3.2.2. La composition du tissu productif Tableau 12 - Etablissements actifs sur la zone au 01.01.2000 – Source : Portrait de Territoire, Insee. Grasse % .Industrie dont : IAA .Construction .Commerces et réparations .Autres services dont : services aux entreprises services aux particuliers éducation, santé, action sociale Ensemble Zone DA Evol 90-99 en % % PACA Evol 90-99 en % % Evol 90-99 en % 9.1 -6.7 9.7 +5.2 8.9% -3.8 1.9 14.0 -23.8 -5.8 1.6 14.3 -2.3 -3.6 2.4% 11.6% -3.1 -3.4 27.8 49.1 -0.4 +19.7 25.1 50.9 +9.6 +35.7 28.3% 51.2% -2.6 +16.8 14.7 14.6 +46.5 +27.4 18.4 12.7 +63.8 34.1 14.3% 15.5% +30.1 +15.2 13.7 100.0 +1.7 +7.0 11.4 100.0 +30.8 +18.4 13.8% 271 971 +16.7 +6.2 315 Tableau 13 - Etablissements actifs suivant la taille au 01/01/2002 Source : Portrait de Territoire, Insee. Grasse (en %) 0 sal .Industrie dont : IAA .Construction .Commerces et réparations .Autres services dont : services aux entreprises services aux particuliers éducation, santé, action sociale Ensemble Zone DA (en %) 1-9 10-49 + 50 6.37 10.19 20.15 60.86 0.99 11.75 2.74 18.43 2.98 6.72 26.4 55.45 29.01 42.35 15.80 14.03 18.7 1412 (100) 0 sal 1-9 10-49 + 50 7.10 11.65 17.84 24.81 8.69 0 0.85 12.09 2.64 17.98 1.87 11.22 2.25 3.76 34.33 38.80 21.74 17.40 24.17 56.63 26.43 43.93 25.03 45.89 23.30 48.12 13.13 16.47 16.42 7.46 8.69 4.34 17.91 11.68 17.88 14.42 24.17 12.08 35.34 4.51 7.64 1020 (100) 8.20 134 (100) 4.34 23 (100) 16.48 6996 (100) 5.62 5228 (100) 4.75 695 (100) 4.51 133 (100) Tableau 14 - Etablissements Taux de création en 2000 Source : Portrait de Territoire, Insee. Grasse .Industrie dont : IAA .Construction .Commerces et réparations .Autres services dont : services aux entreprises services aux particuliers éducation, santé, action sociale Ensemble Zone DA Paca 10.2 8.9 11.2 4.2 18.2 5.6 15.6 12.6 17.8 16.5 13.5 14.4 13.7 15.3 13.8 15.2 15.1 16.5 14.9 16.2 17.8 6.5 14.7 7.5 13.7 7.6 14.5 Nous constatons qu’il y a beaucoup plus de services aux entreprises dans la zone que dans la commune de Grasse ce qui est cohérent avec les constatations déjà faites sur le taux élevé de cadres et professions intellectuelles supérieures. Le territoire connaît également des taux de croissance plus élevés. Il semblerait que les services aux entreprises ne s’installent pas sur Grasse mais autour de Grasse. Notamment parce qu’alors que le nombre d'établissements industriels régresse sur Grasse, il augmente sur l'ensemble du territoire. Cette dynamique confirme l’évolution du territoire dans une logique centre – périphérie. 316 Le taux de création de nouveaux établissements est plutôt plus faible que la moyenne régionale. Faut-il y voir un manque de dynamisme entrepreneurial ? On peut toutefois souligner des taux de création supérieurs pour les activités de construction et liées au commerce et à la réparation dans la commune de Grasse. Dans tous les cas, comparativement à la région, ces créations se font moins souvent dans l’industrie. 3.2.3. Les principales activités de la zone (exploitation de Données fournies par l’ASSEDIC) Il est en fait très difficile d'exploiter ces données pour la parfumerie et l'industrie aromatique. Le point positif est que l'on dispose du nombre d'établissements et des effectifs sur la zone définie en fonction des codes NAF 700. La difficulté réside dans l'interprétation des données car les entretiens et la confrontation de différentes sources (fichier INSEE par code NAF) montrent que l'activité exercée par ces entreprises et leur inscription dans la nomenclature ne correspond pas de façon systématique. Nous avons ainsi remarqué que : les entreprises qui fabriquent des matières premières naturelles et celles qui réalisent des compositions parfumantes font normalement partie du groupe 246 E (fabrication d'huiles essentielles). Mais, nous avons pu constaté certaines anomalies. Certaines entreprises réalisant des compositions sont inscrites dans le groupe 245 C (fabrication de parfums et de produits pour la toilette). Nous avons enregistré un nombre très faible d'entreprises inscrites dans le domaine des arômes alimentaires (code NAF 158 V) alors qu'une des évolutions de la zone a été la diversification vers ce type de production. Là également, à partir du fichier INSEE, nous avons pu observer que ces entreprises sont le plus souvent répertoriées sous le code 246 E. Ce dernier élément est d'ailleurs en lui-même tout à fait intéressant. Cela peut signifier : soit que les entreprises choisissent de se désigner sous ce code même si leur activité principale est la production d'arômes alimentaires, ce qui est symptomatique d'une façon de concevoir et définir leur activité, soit que l'activité arômes est le résultat d'une stratégie de diversification à partir de l'activité principale qui reste la fabrication d'huiles essentielles et leur traitement dans des compositions aromatiques. Les courtiers et négociants qui ont un rôle si important dans l'approvisionnement des industriels locaux appartiennent au groupe 511 R (intermédiaires spécialisés du commerce). Mais dans ce groupe, on rencontre d'autres intermédiaires que ceux spécialisés dans la parfumerie et les matières premières aromatiques. Il est donc très délicat d'interpréter ces données. De plus, certains de ces négociants sont inscrits dans la rubrique 514 L (commerce de gros de parfumerie et de produits de beauté). Trois résultats importants sont à souligner à partir de ces données : - A un niveau très fin de décomposition des activités (NAF 700), on observe que les entreprises qui ont pour activité principale la fabrication d'huiles essentielles (246 E) constituent le premier employeur de la zone avec un effectif total de 2944 salariés, soit 6% de l'emploi total de la zone étudiée. Si l'on ajoute à ces effectifs ceux des autres activités qui constituent qui participent au pôle aromatique et parfumerie (158 P, 158V, 245 C, 748 D), on arrive à un total de 3481 salariés, soit 7% de l'emploi de la zone. L'effectif moyen dans la catégorie 246 E est d'environ 55 personnes. Il faut noter que ce chiffre moyen n'est pas du tout représentatif de la répartition des effectifs entre les entreprises. Dans la zone, moins de 10% des entreprises ont entre 50 et 99 salariés. 80% des entreprises ont moins de 49 salariés. Dans le même temps, il faut noter la présence sur la zone de trois entreprises dont les effectifs avoisinent, pour chacune d'elles, les 500 salariés. Les statistiques montrent un rétrécissement du champ d'action dans le pôle aromatique et de la parfumerie, et notamment le faible nombre d'activités dérivées. La catégorie 246 E représente à elle seule 85% des effectifs du pôle aromatique. Mais le meilleur exemple est sans doute la position de l'activité de conditionnement qui représente aujourd'hui seulement 3 entreprises et 128 salariés. Le travail temporaire est le 4ème employeur sur la zone avec 1313 personnes. Cela ne représente que 2.6% des effectifs, mais sa présence en tête des activités pourvoyeuses d'emploi doit être soulignée. 317 Tableau 15 - Les dix premiers employeurs (effectif salarié). Niveau NAF 700 Source : Assedic 2001 Activités Naf 700 Salariés Effectif Etablissements % du total Effectif effectif zone Taille moyenne 1. Fabrication d'huiles essentielles 2. Réalisation de logiciels 3. Travaux de maçonnerie générale 4. Travail temporaire 5. Activités hospitalières 6. Activités de nettoyage 7. Conseil pour les affaires et la gestion 8. Restauration traditionnelle 9. Conseil en systèmes informatiques 10. Supermarchés 2944 6% 53 55.5 2477 5% 66 37.5 1494 1313 1295 1125 3% 2.65% 2.61% 2.27% 301 23 19 76 4.9 57 68 14.8 1053 997 2.12% 2% 93 197 11.3 5 993 939 2% 1.89% 46 21 21.6 44.7 TOTAL 14630 29.5% 895 16.3 L'activité de fabrication d'huiles essentielles est le premier employeur de la zone, et c'est sans compter le travail intérimaire qui représente une part non négligeable des effectifs aujourd'hui. 318 Tableau 16 - Les huit premiers employeurs (effectif salarié) en divisions Source : Assedic 2001 Activités Salariés Effectif % du total 1. Services fournis principalement aux entreprises (74) 7100 14.3% 2. Commerce de détail et réparation d'articles domestiques (52) 4629 9.35% 3. Construction (45) 4188 8.46% 4. Activités informatiques (72) 4075 8.23% 5. Industrie Chimique (24) 3960 8% 6. Commerce de gros et intermédiaires du commerce (51) 3810 7.69% 7. Santé et action sociale (85) 3292 6.65% 8. Hôtels et restaurants (55) 3059 6.18% Total 49487 Dont intérim : 1313 Dont fabrication d'huiles essentielles : 2944 100% 319 4. Description des activités étudiées Source ASSEDIC 2001 Critère : les effectifs salariés employés par les activités en Naf700 L'activité aromatique et de la parfumerie devrait comprendre les activités suivantes : Parfumerie et aromatique (matières premières, composition, produits finis) 15.8P (transformation du thé et du café) 15.8V (industries alimentaires n.c.a.) 24.1C (fabrication de colorants et de pigments) 24.1G (fabrication d'autres produits chimiques organiques de base) 24.5A (fabrication de savons, détergents et produits d'entretien) 24.5 C (fabrication de parfums et de produits pour la toilette) 24.6E (Fabrication d’huiles essentielles) Emballage et conditionnement 21.2B (Fabrication de cartonnages) (pas d'effectif sur la zone) 26.1E (Fabrication de verre creux) (pas d'effectif sur la zone) 28.7C (fabrication d'emballages métalliques légers) 74.8D (Conditionnement à façon) Fabrication d’équipements 29.2H (Fabrication d’équipements d’emballage et de conditionnement) (pas d'effectif sur la zone) Commerce 51.1R (autres intermédiaires spécialisés du commerce) 51.1T (intermédiaires non spécialisés du commerce) 51.4L (commerce de gros de parfumerie et de produits de beauté) Tableau 17 - Le degré de spécialisation de la zone – Source Assedic – calcul de l’auteur - Parfumerie et aromatique Emballage et conditionnement Commerce Total activité Total zone Zone DA 3606 (7%) 347 (0.7%) 501 (1%) 4454 (9%) 49487 (100%) Si l'on s'en tient à ces données, le degré de spécialisation de la zone n'est pas très élevé, puisque les salariés travaillant dans des activités liées l'industrie de l’aromatique et de la parfumerie représente moins de 10% des salariés de la zone (données ASSEDIC). Toutefois, il faut souligner que toutes les activités liées à cette activité n'ont pas été recensées faute d'informations précises (les fournisseurs de matériel par exemple ou les entreprises de transport). De plus, certains codes n’ont pas été intégrés car ne renvoyant pas explicitement ni uniquement aux principales activités retenues (comme le travail intérimaire, ou le commerce de gros de produits alimentaires pouvant fournir l'activité arômes). 320 Tableau 18 - Analyse de l'activité aromatique et parfumerie Activités Naf 700 Salariés Etablissements Effectif 24.6E (Fabrication huiles essentielles) 15.8P (transformation du thé et du café) 15.8V (industries alimentaires n.c.a.) 24.1C (fab colorants et pigments) 24.1G (fabrication d'autres produits chimiques organiques de base) 24.5A (fabrication de savons, détergents et produits d'entretien) 24.5 C (fabrication de parfums et de produits pour la toilette) 28.7C (fabrication d'emballages métalliques légers) 74.8D (Conditionnement à façon) 51.1R (autres intermédiaires spécialisés du commerce) 51.1T (intermédiaires non spécialisés du commerce) 51.4L (commerce de gros de parfumerie et de produits de beauté) TOTAL % du total Effectif effectif zone 2944 Taille moyenne 6% 53 55.5 2 0.004% 1 2 30 16 0.06% 0.03% 3 2 10 8 208 0.4% 2 104 29 0.06% 5 5.8 377 0.76% 34 11 219 128 0.44% 0.26% 1 3 219 42.7 233 0.47% 49 4.7 152 0.3% 47 3.2 116 0.23% 17 6.8 4454 217 20.5 Le détail des effectifs et du nombre d'établissements montre la disparité de l'activité. En moyenne, les entreprises sont de petite taille (20.5), mais cela varie en fonction de l'activité réalisée. Les entreprises réalisant des activités de commerce sont des entreprises de très petite taille (<10 salariés en moyenne), tandis que la seule entreprise qui fabrique des emballages métalliques légers a un effectif supérieur à 200 personnes. L'activité est concentrée dans l'activité de fabrication d'huiles essentielles qui est le métier historique de la zone. La diversification vers les arômes alimentaires n'est pas visible ici puisque les entreprises sont répertoriées sous leur code NAF d'origine à savoir 246E pour la plupart. 321 322 Annexe 2 - Liste des entretiens réalisés 324 Nombre total d'entretiens réalisés 35 Entreprises Nombre d'entreprises enquêtées Nombre d'entretiens réalisés 12 17 Institutions Nombre d'entretiens réalisés 18 Institutions enquêtées Associations professionnelles Organismes de formation Acteurs publics (DDTE, DRIRE, ANPE Communauté d'agglomération…) Acteurs privés (CCI, Intérim) 2 1 7 3 325 326 Chapitre 5 Par-delà la ville-usine, les nouvelles frontières du tissu productif de La Ciotat 328 “ C’est fini le bruit des “ gratte rouille ”, les cigales du chantier ! Que sont ils devenus les gars du chantier, traînent-ils encore sur le port ? Rêvent ils encore des bateaux construits de leur main ? Certains sont revenus, ont tenté de “ sauver ” leur chantier, “ sauver ” leur travail, “ sauver leur vie ”. La ville est partagée entre nostalgie et blessure, nostalgie du chantier qui rythmait le temps, blessure encore visible ! Une frontière s’est dessinée dans la ville ! Nous, nous avons voulu comprendre la ville et nous avons passé jour après jour cette frontière, dans un sens puis dans l’autre. Comme des migrants, pas à pas nous avons passé 100 jours exceptionnels ! ” Y a-t-il un avenir pour un site industriel après la fermeture du grand chantier de construction navale qui l’occupait jusque-là, qui employait 4000 salariés et faisait vivre les 30000 habitants de la ville ? Quelles activités, quelles entreprises, quels métiers, quels hommes peuvent-ils occuper le vide industriel et social laissé par un événement aussi massif et localisé, provoqué en 1986 par la décision du gouvernement français de cesser les aides massives qu’il accordait jusque-là aux cinq grands chantiers navals français, débouchant sur le dépôt de bilan du groupe Normed propriétaire de trois de ces chantiers et aboutissant, par suite, à la brusque fermeture du grand établissement de La Ciotat, aux portes de Marseille ? La synthèse qui suit adoptera une réflexion problématisée de la recherche réalisée pendant plus d’une année. Nous n’avons pas souhaité la présenter sous la forme d’un catalogue mais plutôt donner du sens à notre écriture en posant les questions qui nous semblaient essentielles pour la compréhension de ce territoire et pour son renouvellement. Le détour par l’histoire nous a semblé essentiel car il permet d’ancrer le contexte, la situation. On ne peut pas comprendre la rupture entre le site du DIAM (Domaine d’Industries et d’Activités Maritimes) et ATHELIA si on ne sait pas comment se sont constitués ces deux espaces et si on ne saisit pas quelles en sont les frontières techniques, productives et aussi symboliques. Même si, aujourd’hui, le site d’ATHELIA offre un nombre d’emplois équivalent pratiquement à ce qu’était l’effectif du chantier naval avant sa fermeture, il ne semble pas que son développement soit considéré par les ciotadains comme un développement vraiment significatif de l’activité économique de leur cité. Même si le site du DIAM connaît de nouveau un développement productif original en filiation avec sa traditionnelle vocation industrielle et maritime, les habitants de la ville vivent encore dans le déni et lorsqu’on leur demande ce qui se passe sur les terrains anciennement occupés par le chantier naval, ils répondent la plupart du temps : “ oh rien, pas grand-chose ! ”. Cet aveuglement n’est pas uniquement lié à des questions de communication et d’information, il révèle un profond traumatisme. 329 1. Les choix méthodologiques Une entrée sur le terrain par la ville de la Ciotat En ce qui concerne la transition du tissu productif de la Ciotat, nous avons fait le choix d’entrer par la ville elle-même. Pour définir le contexte général de cette transition, il nous a semblé essentiel de comprendre d’abord comment elle s’était déroulée dans l’espace de la ville-usine proprement dite. C’est à partir de cet espace que nous avons défini la perspective de notre investigation, les observations et les entretiens réalisés nous permettant ensuite d’en définir les espaces particuliers : des espaces symboliques et des espaces techniques que nous prendrons le soin de décrire. Une méthodologie 1 adaptée aux questions de recherche Le travail d’enquête s’est déroulé en plusieurs temps et sur plusieurs zones. Dans un premier temps nous avons réalisé des entretiens auprès des partenaires institutionnels 2 locaux et régionaux et tout particulièrement auprès de ceux de la ville de la Ciotat. Dans un deuxième temps nous avons mené des entretiens et des observations auprès des chefs d'entreprise et des personnels 1. du site du DIAM nouvelle dénomination du site de l’ancien chantier actuellement géré par la Société anonyme d’économie mixte de développement économique et portuaire (SEMIDEP), 2. de la zone d’activités d'Athélia (I, II, III, IV) et 3. du Parc d’activités de Gémenos, ces deux zones étant les principales composantes de la “ zone d’entreprise ” créée dans la perspective de la reconversion industrielle locale. Les entretiens ont été réalisés avec la caution des associations de chefs d'entreprises qui œuvrent sur les différentes zones et avec lesquelles nous avons travaillé en étroite collaboration. Dans un troisième temps nous avons diffusé et recueilli un questionnaire auprès des chefs d’entreprise de ces trois zones. sur ces trois zones (250 questionnaires au total). Une multi-polarisation des activités productives et des compétences aux limites de l’ancienne “ ville-usine ”. Il y a au moins deux manières de concevoir un découpage et une description de l’activité économique à La Ciotat telle qu’elle est structurée aujourd’hui. La première consiste à circonscrire les trois sites d’implantation des entreprises évoqués plus haut dans ce texte : 1 Le dispositif méthodologique a été constitué pour répondre au mieux à la problématique de départ : La recherche documentaire (documents fournis par les interlocuteurs, sites Internet, rapports, articles, presse locale et spécialisée…). La réalisation d’entretiens et de réunions de travail avec les acteurs. La passation d’un questionnaire. Une analyse statistique (micro, meso) et la constitution d’un corpus sur la notion de territoire doublé d’une analyse territorial. 2 Conseil régional, Direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, Conseil général des Bouches du Rhône, Drire,Ville de La Ciotat, Communauté urbaine de Marseille Métropole, Semidep, PLIE de La Ciotat 330 ceux de DIAM, des zones d’Athélia et de Gémenos. La deuxième consiste à discerner des pôles de compétence qui ne se recoupent pas forcément avec des lieux ou des sites particuliers, qui sont même, généralement, transversaux à ces sites et qui rendent compte de l’insertion du tissu productif actuel dans des espaces économiques régionaux. - Un pôle de compétence industrielledéployant ses activités au sein de la ville de La Ciotat, d’Athélia, de Gémenos et d’Aubagne et qui doit être rattaché à l’agglomération marseillaise. - Un pôle de compétence électronique déployant ses activités, lui aussi, sur les mêmes zones et qui peut être rattaché à associé à Rousset et la Haute Vallée de l’Arc. - Un pôle de compétence commerciale développé récemment depuis les années 80 et déployé à La Ciotat et à Aubagne. - Un pôle de compétence relatif aux activités de Grande plaisance et du tourisme s’inscrivant dans un espace incluant le Var et les Alpes Maritimes jusqu’en Italie et, plus largement dans le croissant de l’Arc latin. - Un pôle de services aux entreprises déployé sur l’ensemble des zones d’activités d’athélia, Gémenos et Aubagne. Nombre d'entreprises / effectifs Agriculture Industries agricoles et alimentaires Industries Manufacturières Energie Construction Commerce Transports Activités financières Activités Immobilières Services aux Entreprises Administration Education Santé action Sociale Services aux particuliers La Ciotat N° Entreprises 2 25 64 2 74 277 16 22 47 88 0 81 27 Effectif 4 132 1293 43 528 1491 168 111 88 696 0 552 131 La Ciotat/Gémenos/Aubagne N° Entreprises Effectif 2 4 74 852 291 6413 3 44 258 1732 1005 9325 62 602 69 719 125 312 388 5397 3 24 227 2713 67 495 Autres et Media Total 53 778 265 5488 152 2726 643 29275 Alors que le découpage en termes de sites permet de situer les lieux, les manifestations et les enjeux associés aux actions publiques d’aménagement, aux implantations d’entreprises, aux concentrations humaines ainsi qu’aux mobilités quotidiennes, l’approche en termes de pôles de compétences permet plutôt d’approcher la complexité et l’évolutivité des formes nouvelles prises par le rapport de l’appareil productif au territoire. Cette complexité et cette évolutivité, d’ailleurs procèdent d’une histoire à laquelle on s’attachera dans les lignes qui suivent. Entrer dans La Ciotat, cependant, c’est entrer d’abord dans une ville-usine. C’est-à-dire qu’on ne peu approcher séparément le monde du productif de celui de l’urbain, le registre du travail de celui de l’habitat , le projet économique du projet communautaire. C’est dire que les trajectoires industrielles ne doivent ici, encore moins qu’ailleurs, être disjointes des trajectoires humaines qu’elles soient collectives ou individuelles. C’est dire, en somme, que la 331 méthode d’investigation pour entrer dans la transition du tissu productif de La Ciotat doit faire une place centrale à l’histoire de la cité dans sa globalité. 2. L’histoire et la transition La grande histoire : de la belle époque à la crise Au cours des 150 dernières années, La Ciotat, petite cité confinée autour de son anse, au pied de l’a-pic d’un rocher et au bas d’une longue colline, a été construite et reproduite selon un processus à deux dimensions. Un processus d'identification singulière La première dimension est un processus d’identification singulière, autocentré, isolé et quasiment auto-régulé qui peut être observé à trois points de vue : celui du site, celui de l’activité et celui de la société. Au point de vue du site, l’habitat, l’activité industrielle et l’interface terre / mer que constituaient l’anse du Pré et l’anse de l’Escalet n’ont cessé d’être associés les uns aux autres et sont devenus indissociables. Depuis la création par Louis Benet, en 1935, du premier atelier de construction navale jusqu’à la fermeture, en 1987, d’un des trois grands chantiers du groupe Normed, cette association avait progressivement généré un paysage, des rythmes de vie et des types de sons, des formes de mobilité des hommes et des modalités d’occupation de l’espace public de natures particulières. La Ciotat était une ville-usine ou un chantier-usine comme on en connaissait dans d’autres régions et pour d’autres activités. Au point de vue de l’activité, La Ciotat, toujours depuis le milieu du XIXème siècle, était une ville industrielle. On y avait lancé 330 bateaux depuis le premier navire à vapeur construit en 1936. C'était une ville de travail sur la matière, de transformation et d’assemblage de la matière (le bois puis l’acier), de création d’objets massifs (les navires) et d’innovation technique (le passage du bois à l’acier, le passage de la voile à la vapeur puis au diesel, le passage aux rivets). La Ciotat était une ville de technique dont l’activité était fondée sur un modèle particulier de professionnalité du travailleur : celui de l’ouvrier professionnel de la métallurgie. Cette ville de technique était aussi fondée sur un modèle de communauté professionnelle. Une communauté de travail unie par une “ convention de travail ” associée à l’objet fabriqué : convention faite d’accord sur les exigences de délai et de qualité à assurer, d’accord sur l’acceptation des risques et aussi, d’accord sur la légitimité d’être fiers du “chef d’œuvre ” accompli. Une communauté de travail organisée de manière massive dans le cadre des organisations syndicales du chantier, en particulier d’une puissante CGT conforme aux traditions du syndicalisme des métallos mais aussi, fortement empreinte encore, d’une certaine tradition anarcho-syndicaliste. Cette communauté de travail, d’ailleurs, constituait la matrice de la société ciotadaine. Dans son ensemble, en effet, cette société était fortement structurée par les rythmes, les solidarités, les cycles de vie professionnelle, les événements maritimes et industriels, les réussites, les échecs, les formes relationnelles, les représentations, les aspirations et les valeurs associés au chantier. Et le confinement géographique du site faisait le reste pour unifier la ville autour du cœur industriel ancré dans l’ancienne anse du Pré. Sur la matrice industrielle s’étaient construites des institutions au service de la population locale. Le comité 332 d’entreprise du chantier et les services multiples qu’il rendait était en quelque sorte le comité d’entreprise de la ville. Le centre médical de l’Union Départementale Mutualiste – encore appelée la “ mutuelle CGT ” - était lui aussi une institution collective au service d’une partie importante des habitants de la ville. Quant à la politique du logement de la municipalité, elle était évidemment médiatisée par des acteurs politiques, syndicaux et patronaux directement ou indirectement associés à l’existence du chantier naval (Anselme et Weisz, 1988). Un processus d'insertion dans les espaces international, national et régional La deuxième dimension est un processus d’insertion dans des espaces économiques et sociaux international, national et régional : des espaces au sein desquels la ville et son chantier se sont construits ou, au contraire, ont subi des crises et des déboires. Le chantier était situé dans un espace international, celui du marché des grands ou très grands navires en acier. Pendant longtemps, aux XIXème et XXème siècle jusqu’à la fin des années 50, le marché avait été national, soit parce qu’il avait pour mission principale de construire les paquebots de son principal actionnaire, les Messageries Maritimes, soit parce que l’Etat national régulait et garantissait lui-même aux grands chantiers français – dont celui de La Ciotat – les commandes des armateurs français. Depuis le début des années 60, en revanche, le marché était devenu un marché international : celui des pétroliers et des navires spécialisés - méthaniers, frigorifiques, porte conteneurs ou bananiers – c’est-à-dire que son évolution était directement liée aux conjonctures économiques et géopolitiques mondiales, aux stratégies des grands pools d’armateurs mondiaux et, en fin de compte, à l’évolution du prix mondial de chaque type de navire. Cette dépendance à l’égard de l’espace économique mondial allait jouer, un jour, un rôle essentiel dans la crise du chantier en relation, notamment, avec les conséquences des deux chocs pétroliers et la montée des constructeurs extrême-orientaux. Il était aussi situé dans un espace national, celui de la “ constellation ” des grands chantiers français construction de grands navires. Cette constellation se déployait sur le territoire national depuis Dunkerque jusqu’à La Seyne en passant par Nantes, Saint-Nazaire, Le Trait, Port de Bouc et La Ciotat, chacune de ces villes possédant son propre chantier. Chacun de ces chantiers appartenait à des propriétaires différents issus soit du monde industriel, soit du monde maritime, soit du monde financier ou bancaire. Mais tous relevaient ensemble d’une régulation nationale très intégrée autour de la politique étatique de gestion de la branche construction navale ; une politique nationale fondée sur l’idée que le secteur était stratégique pour l’économie et la sécurité nationale ; ce qui impliquait : 1. une aide financière énorme (aide au bateau pouvant aller jusqu'à 25% ou 35% du prix du navire) permettant de résister à la concurrence elle-même très aidée des chantiers étrangers, 2. des incitations fortes à la coordination, à la spécialisation et, plus encore, à la recherche de progrès de productivité, 3. une programmation pragmatique des restructurations par suppression ou fusion de certains chantiers. Les structures de cet espace avaient évolué dans le cadre des accords ou plans successifs conçus par l’Etat en concertation avec la profession : loi Deferre (1951), Livre Blanc (1959), Contrat professionnel (1968). L’évolution, souvent conflictuelle ou frictionnelle, était largement régulée par une sorte de “ convention ” entre l’Etat, la Profession et le monde des salariés : une convention en vertu de laquelle chacun admettait le caractère stratégique de la branche navale et la nécessité de la pérenniser le plus longtemps possible dans l’intégralité de ses structures et de ses emplois. Et c’est au titre de cette convention que les organisations 333 syndicales étaient dans une position sinon de cogestion du moins de gestion responsabilisée de chacun des grands chantiers français : une gestion, certes, conflictuelle mais qui veillait à ne pas compromettre l’équilibre institutionnel global ou local de cette branche. C’est, d’ailleurs, dans le cadre de cette “ convention ” que pouvait être située la dimension nationale du marché du travail dans cette branche. Il n’existait évidemment pas de marché interne unique national de la branche. Il existait, en revanche, trois éléments qui jouaient de manière socialement régulée à ce niveau national. 1. Il y avait un modèle de gestion de l’emploi dans les différents chantiers navals de la constellation nationale : certes, ce n’était pas un statut commun mais cela se passait dans le cadre de la même convention collective de la métallurgie, cela se passait dans le cadre d’un jeu de coopération / négociation / conflit entre l’ensemble des directions d’entreprises et les mêmes syndicats CGT, CFDT ou FO qui, avec leurs sensibilités différentes, participaient ensemble du même état d’esprit “ conventionnel ” 2. Il y avait, d’un chantier à l’autre, le même modèle de marché du travail interne géré selon cet esprit conventionnel, 3. Il y avait une mobilité inter-chantiers au niveau national. Cette mobilité n’était pas très développée en régime de croisière mais, en cas de crise ou de fermeture, elle jouait fortement 4. Et il y avait, enfin, une même professionnalité (qualifications, compétences, imaginaires professionnels, inclinations politiques, etc) qui se reproduisent sur un mode comparable dans les différents chantiers (ou villes-usines) de France. L’insertion du chantier de La Ciotat dans cet espace national de régulation économique et sociale allait, elle aussi, opérer de manière déterminante dans sa crise et sa fermeture. Le chantier, enfin, était situé dans un espace régional : l’espace des activités industrielles maritimes provençales. Cet espace, échelonné depuis Fos-sur-Mer jusqu’à Toulon était constitué, tout d’abord, par le chapelet des grands chantiers de construction et de réparation navales3 , au total, 35000 emplois liés à la construction / réparation navales soit 15 % de l’emploi industriel régional. Il comprenait, d’autre part, un vaste tissu de petites et moyennes entreprises sous-traitantes de chaudronnerie, de mécanique, de fonderie, d’électricité, de menuiserie-ébénisterie et autres métiers, également échelonné depuis Fos-sur-Mer jusqu’à Toulon sur tout le littoral provençal et employant jusqu'à 9000 salariés dans le courant des années 70. Il incluait aussi un marché du travail particulier, déployé dans la même aire géographique, au sein duquel évoluaient les milliers de travailleurs - généralement ouvriers professionnels qualifiés – des métiers spécialisés de la chaudronnerie, de la mécanique, de l’électricité, de la menuiserie, etc, - dont les professionnalités se transmettaient de génération en génération au sein de quartiers et d’ethnies particulières des villes du littoral et qui partageaient des attitudes professionnelles, des imaginaires, des aspirations et des représentations particulières associées au travail de construction et de réparation navales. Cet espace régional constituait un système social transversal aux trois départements du littoral provençal. Très dépendant, lui aussi, des conjonctures mondiales du secteur, cet espace n’en constituait pas moins un système productif régionalement régulé et, dans une certaine mesure, opérait sur la partie ouest du littoral de cette région comme la “base industrielle ”, le moteur d’un “ pôle de croissance ” ou l’ “ épine dorsale ” de l’économie et de la société locales. Ici encore, l’insertion du chantier dans l’espace régional devait opérer de manière substantielle lors de la crise des années 80. 3 (Fos / construction métallique / jusqu’à 500 salariés, Port de Bouc / construction réparation navale / jusqu’à 2000 salariés avant 1965, Marseille / réparation navale / jusqu’à 6000 salariés avant 1978, La Ciotat / construction navale / jusqu’à 6000 salariés, La Seyne / construction navale / jusqu’à 6000 salariés et l’Arsenal de Toulon / réparation navale entre autres / jusqu’à 12000 salariés) 334 Ce processus double de la construction de la ville allait y rendre la crise d’autant plus violente. Autocentrée sur sa propre identité et sur sa très forte cohérence interne, la ville-usine se suffisait à elle-même et s’autorégulait largement. Il y avait là un élément de grande stabilité. Totalement construits autour de l’activité du chantier, l’appareil productif et la société ciotadaine étaient complètement asservis l’un à l’autre et indissociablement soumis ensemble aux aléas de l’évolution de la construction navale mondiale. Il y avait là, en revanche, un élément de grande vulnérabilité. La crise allait être à la mesure de cette stabilité et de cette vulnérabilité. Le secteur provençal de construction navale avait déjà connu, dans le passé, des crises graves ou menaçantes, notamment en 1965 et 1966, quelques années après la mise en route du Livre Blanc organisant un début de reconversion des chantiers français. Le chantier de Port de Bouc avait dû fermer ses portes et celui de La Seyne avait évité de peu l’arrêt de l’exploitation. Ces crises, cependant, étaient quasiment planifiées et elles ne remettaient pas en cause la structure générale de la construction navale française ni de celle de la région provençale. Il allait en être autrement avec les péripéties de l’économie mondiale consécutives aux deux chocs pétroliers des années 70. La croissance économique des “ trente glorieuses ” avait démultiplié les échanges transcontinentaux de marchandises, bouleversant à la fois la taille, la spécialisation et la technologie des navires, incitant les gouvernements nationaux, les armateurs privés et les constructeurs à multiplier les investissements dans les anciens ou dans de nouveaux chantiers, notamment au Japon. Les chocs pétroliers de 1974 et de 1978 allaient, pour leur part, provoquer un très fort ralentissement de la croissance et des échanges internationaux de marchandises qui leur étaient associés. Incitant en outre à un fort ralentissement de la consommation de pétrole, ils allaient provoquer la mise au rebut d’un grand nombre de navire, singulièrement de navires pétroliers, susciter la baisse des taux de fret et, par suite, affecter le niveau d’activité et la rentabilité des chantiers navals. Le surinvestissement des années fastes se retournait contre les producteurs et les investisseurs. Ainsi, la crise débuta-t-elle en 1978, notamment à La Ciotat où elle suscita un licenciement de 1200 salariés du chantier. C’est au niveau mondial que la crise fut réglée, en particulier dans le cadre de négociations entre le Japon et la Communauté européenne. De ces négociations résultèrent d’une part, un consensus sur la nécessité de régler la crise dans le cadre du marché concurrentiel mondial en incitant les Etats à diminuer ou abandonner certaines de leurs aides directes aux chantiers navals (c’est ce qui fut ensuite décidé par la Commission européenne puis, par le gouvernement français) et, d’autre part, une programmation répartie de diminution des capacités productives de chaque pays (c'est ce qui fut proposé dans la partie "Construction navale" du Plan Davignon et appliqué effectivement à partir de 1981), c’est-à-dire, de fermeture de certains de leurs chantiers. En France, l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement d’orientation économique libérale précipita les évènements et le Ministre Madelin décida de cesser définitivement, le 12 juin 1986, les aides aux grands chantiers nationaux (12 juin 1986). Le nouveau groupe au sein duquel s’étaient regroupés depuis quelques années les trois chantiers de Dunkerque, La Ciotat et La Seyne n’y résista pas, déposa son bilan, entra en liquidation judiciaire et cessa toute activité dans ces trois villes. A la plus grande stabilité succédait le plus grand anéantissement et la plus grande vulnérabilité ouvrait la voie au plus grand effondrement. Sociale, économique et politique, locale et régionale, la crise était ouverte. L'impact régional Avec la fermeture des deux chantiers provençaux, c'est le "pôle de croissance" littoral qui s'effondrait, c'est l'"épine dorsale" des activités industrielles maritimes qui était brisée. Le tissus de sous-traitance associé au complexe d'industrie navale était très profondément altéré. Le marché du travail - les institutions de formation, les filières d'embauche, les trajectoires d'apprentissage - était lui aussi profondément et pour longtemps atteint : 15 ans plus tard, certaines activités industrielles de la région marseillaise comme la réparation navale, la sidérurgie, le raffinage pétrolier et la pétrochimie souffraient encore des pénuries liées à la dépression produite sur ce marché par l'effondrement de la construction navale. Les professionnalités ouvrières reproduites au fil des décennies autour de cette activité - les métiers, les valeurs, les imaginaires, les conventions de travail - se trouvaient, elles aussi largement gommées de l'espace économique provençal. Les villes, enfin, leurs institutions, la vie de leurs quartiers, de leurs commerces, de leurs milieux associatifs, les valeurs qui y créaient la cohésion, les revenus qui y circulaient, les visions et les projets d'avenir qui y avaient jusque-là mobilisé les diverses générations s'enfonçaient dans l'anomie et les multiples petites ou grandes tragédies qui y étaient associées. La crise de la construction navale était, en fait, une crise régionale, diffusant sa résonance d'un bout à l'autre de la Provence, rayant de la carte et niant en quelque sorte l'une des rares spécialisations industrielles qui y avaient cours et rejetant dans le passé, dans l'oubli ou dans l'insignifiance l'un des principaux bastions de classe ouvrière 335 organisée. La crise avait, dès lors, une dimension symbolique tellement forte qu'aucun des grands acteurs économiques et institutionnels ne pouvait rester sans réaction et que les principaux acteurs politiques régionaux se sentaient très directement interpellés : aussi bien le Conseil général des Bouches du Rhône avec sa majorité socialiste et communiste, que le Conseil régional en principe investi depuis quelques années de la fonction de stratège du développement économique ou encore, que les services déconcentrés de l'Etat investis pour leur part de la difficile mission de maintenir l'ordre et la cohésion sociale. Depuis le début du XXème siècle et surtout, depuis la fin des années 50, les ressources matérielles et immatérielles accumulées dans et autour du chantier, qu'il s'agisse des infrastructures lourdes (quais, formes, cales, grues, portiques), des outillages spécialisés (de mécanique et de chaudronnerie), des moyens informatiques de programmation de la fabrication, des savoir-faire et des conditions de leur reproduction, des professionnalités des individus ou encore des instituions et des formes de sociabilité locales, tout s'était spécifié dans un ensemble d'actifs étroitement associés les uns aux autres et étroitement liés ensemble à un processus de production très particulier et relativement peu évolutif. Sans cesse accumulées, sans cesse reproduites, sans cesse spécifiées, ces ressources avaient fini par constituer un système rigide fortement chargé d'inerties et d'irréversibilités. Le chantier et sa ville avaient accumulé des investissements de toutes sortes, notamment des “ investissements de forme ” très “ équipés ”4 qui conféraient à ce chantier et à cette ville une trajectoire productive très stabilisée et très durable : une trajectoire intériorisée par les acteurs locaux (salariés, familles, syndicalistes, entreprises, élus locaux, etc) comme indéfinie et quasiment éternelle. L’irréversibilité et l’inertie étaient aussi dans les esprits. La crise consécutive à la décision de fermeture du chantier allait en être d’autant plus inattendue et inacceptée. Ce devait être une rupture refusée. La crise allait se manifester, principalement, de deux manières : 1. par une révolte et un conflit très dur portés par une partie des anciens salariés du chantier, 2. par la mise en place par les pouvoirs publics d’un dispositif de gestion et d’atténuation des effets de la fermeture. Le refus de la fermeture Refusée par une partie des anciens salariés du chantier, la fermeture est niée en quelque sorte. Le site du chantier est occupé. Assez rapidement, ce refus et cette occupation sont assumés par deux catégories groupes ou de personnes. 1. Soit d’anciens salariés adhérents ou proches de la CGT autour desquels se fédèrent aussi bien des associations locales que le très actif comité de chômeurs animé par Charles Hoaro 5 , qui sont activement soutenus par les instances locales, fédérales ou confédérales de l’organisation syndicale soucieuses de faire de la crise une illustration exemplaire de la “casse ” de l’outil industriel national, qui bénéficient régulièrement de l’appui des groupements syndicalistes CGT du Bassin minier de Provence ainsi que des dockers du Port de Marseille et qui se trouvent en outre relayés dans leurs démarches par les partis politiques et les collectivités locales qui leur sont proches. 2. Soit d’anciens salariés qui n’ont, à l’origine, aucune proximité affirmée avec les organisations syndicales ou politiques mais dont les événements ont heurté le bons sens, le professionnalisme ou la raison : certains cadres groupés, notamment autour de l'ingénieur G. Piro ou de certains ouvriers, en particulier Pierre Tidda. Ces deux mouvances et ces deux mouvements vont constamment et alternativement s’épouser et se distancier, les seconds étant surtout préoccupés de faire redémarrer les outils de travail, les sous-traitants et l’emploi associés jusque-là au chantier, les premiers étant davantage portés à conjuguer la même préoccupation avec le souci de développer des solidarités et des mouvements de revendication au niveau régional (avec les dockers, avec les mineurs) et au niveau national. Les uns et les autres, cependant, convergent à la fois sur les méthodes d’action : 1. d’abord sur l’action spectaculaire de rétention et d’occupation du dernier navire construit dans le chantier, le Monterrey, ensuite dans des actions tout aussi symboliques mais plus dispersées, d’une violence maîtrisée mais animées d’un esprit de révolte, 2. Ensuite, sur la recherche permanente d’un rapport de force exploitable, notamment avec les pouvoirs publics de la Préfecture, des Direction régionales de l’Etat, du Conseil général et du Conseil régional, 3. Également, sur l’objectif constant de “ faire payer ” l’Etat au profit de la population ciotadaine et, plus particulièrement encore, de le faire payer afin de dégager les moyens financiers nécessaires à la pérennisation du mouvement social et, bien sûr, enfin, 4. sur la perspective de faire redémarrer sur le site du chantier une activité de construction navale analogue à celle qui avait été arrêtée. La conjonction de ces mouvements suscitera successivement ou conjointement des phases de fièvre et d'émoi chez les responsables politiques et administratifs, des phases de négociation et des phases d'apaisement ou d'atermoiements. Ils ne pourront pas exprimer, cependant, de manière complète, les sentiments, les besoins ni la totalité des aspirations de la population locale. Ainsi qu’on le verra un peu plus loin, ils feront souvent l’objet, de la part d’une partie de cette population, d’une certaine distance, soit parce qu’elle ne leur accorde ni légitimité ni 4 5 Laurent Thévenot, Les investissements de forme, Cahiers du CEE, 1985 Charles Hoaro, La Ciotat, Histoire d'un combat, éd. Messidor, 1992 336 confiance, soit parce qu’elle ne partage pas des objectifs qu’elle considère parfois comme désespérés ou utopiques, soit parce qu’elle ne tire pas vraiment profit de leurs luttes. Les actions publiques Face à la fermeture du chantier, les actions portées par les pouvoirs publics vont se situer dans deux perspectives très différentes l’une de l’autre 6 . D’une part dans une perspective politique de recherche de la paix sociale et, d’autre part, dans une perspective économique de réactivation du tissu productif de l’est de l’aire métropolitaine marseillaise. Le traitement social de la crise, comme ailleurs à Dunkerque et à La Seyne, se manifeste par la mise en place par l’Etat d’un dispositif d’accompagnement des licenciements des salariés. Ceux-ci peuvent opter pour l’une ou l’autre de deux démarches. 1. soit le dispositif de “ capitalisation ” qui permet à tout salarié licencié du chantier de recevoir une somme de 200.000 francs sans condition particulière, 2. soit le dispositif de “congé de conversion ” qui permet à chaque salarié (loi du 5 août 1985), dans le cadre d’une suspension de son contrat de travail, de bénéficier d’un salaire pendant deux ans et d’entreprendre, sur la base d’un projet professionnel, une démarche de recherche d’emploi ou de création d’entreprise tout en bénéficiant des formations, stages ou conseils que peut lui proposer une cellule de conversion mise en place au sein de l’entreprise. Sur l’ensemble des deux chantiers de La Ciotat et de La Seyne, les anciens salariés porteront massivement leur choix vers la formule de la capitalisation. Sachant que le groupe Normed, sur l’ensemble Dunkerque-La Ciotat-La Seyne, avait déjà programmé, dès 1984, le départ de 7000 de ses 12000 salariés (plans sociaux et mesures accompagnatrices de “ mesures d’âge ” / départs volontaires), les 4800 salariés restant, en 1986, sur l’ensemble La Ciotat / La Seyne se porteront respectivement à 72% vers la formule de la capitalisation et à 28% vers la formule du congé conversion. Les premiers auront des destins divers dont aucune investigation statistique n'a jamais pu analyser le détail : certains seront embauchés par d’autres entreprises de la région (on a pu en trouver, par exemple, une cohorte d’une dizaine de personnes chez Atmel à Rousset), d’autres seront embauchés dans un certain nombre d’entreprises des zones d’entreprises d’Athélia, de Gémenos et d’Aubagne, d’autres créeront leurs propres entreprises dans les domaines les plus divers des services aux particuliers (restaurations, autres services aux particuliers, etc) ainsi que dans des domaines plus technologiques transférés depuis les savoir-faire de l’ancien chantier. Les seconds seront peu nombreux à La Ciotat. 50 iront en formation de manière régulière avec l’objectif de réalis er un projet professionnel, la plupart des autres laissant passer les deux ans dans une certaine oisiveté et constituant une force d’appoint ou d’appui pour les actions et manifestations diverses engagées par les plus décidés du mouvement de révolte. 6 La plupart des informations quantitatives contenues dans ce paragraphe sur le traitement social et sur le traitement économique de la crise sont tirées du mémoire de DEA d'Alexandra CAUNE, dirigé par Annie LAMANTHE 337 Charge des cellules de conversion à partir de juillet 1986 Congés de conversion stricto sensu "Capitalisants" avant juin 1986 Divers et reconversions directes TOTAL Filiales / Reconversion TOTAL géré 657 292 45 994 196 1190 Création d'entreprises Emplois salariés Transferts sur mesure d'âge En gestion au 31-12-1989 Non reclassés (inscrits ANPE) 220 840 19 90 21 Mais le traitement social se manifeste aussi par une coopération à la fois plus institutionnelle et plus informelle, entre les pouvoirs publics et les groupes impliqués dans le mouvement social de révolte et de revendication. Pour “ acheter la paix sociale ” - ainsi que le content unanimement aujourd’hui les protagonistes parties prenantes au conflit - les organes déconcentrés de l’Etat, notamment la préfecture et l’administration du travail et de l’emploi, aident les mouvements et associations nées de la crise en leur confiant des opérations de formation, en créant avec eux des entreprises d’insertion, en suscitant et favorisant le développement de diverses associations de solidarité, etc. Ces dispositions se renouvellent d’ailleurs aux moments cruciaux du conflit : d'abord au tout début du conflit social, un peu plus tard en 1993 et plus tard encore, après la signature du “ protocole d’accord ”. Ces diverses dispositions contribuent à institutionnaliser le mouvement de contestation, à le faire vivre, à le pérenniser, à le légitimer comme interlocuteur incontournable mais aussi, ce faisant, du moins dans une certaine mesure, à tenter de le contrôler et le canaliser. Le traitement économique Le “ traitement économique ” de la crise est d’une tout autre nature Il est décidé au niveau central de l’Etat, au Ministère de l’Industrie, et s’applique à l’ensemble des sites affectés par la crise de la construction navale, notamment les anciens sites de Normed : Dunkerque, La Ciotat et La Seyne. Il vise, bien sûr, à atténuer la crise sociale et à rétablir une cohésion sociale. Mais il procède avant tout d’une vision régionalisée de la cohésion sociale et de ses conditions économiques. Il importe, dans les trois zones affectées, de compenser les emplois perdus à l’occasion de la crise. Et, de ce point de vue, on peut dire que l'objectif du traitement économique de la crise se place davantage dans une perspective nominaliste que dans une perspective de développement à proprement parler. Pour cela, un dispositif unique en France est mis en place. Certaines crises industrielles régionales ont déjà permis, dans le courant des années 80, de tester divers outils de reconversion, notamment en Lorraine pour la sidérurgie. Le dispositif expérimenté pour la construction navale va être original. Il est double. Il comporte la création des zones d’entreprises défiscalisées. Il comporte aussi la création d’une société de reconversion. Il comporte enfin des aides financières nationales ou européennes plus générales qui viennent s’ajouter : 1. les aides accordées au titre d’un fonds d’industrialisation spécialement créé pour la crise de la construction navale (210 MF seront dépensés pour La Seyne et La Ciotat), 2. les aides nationales du programme RENAVAL qui apportent 14 MF à La Ciotat entre 1989 et 1994 ainsi que 3. les aides européennes attribuées au titre de l’“ Objectif 2” du FEDER entre 1994 et 1996 et surtout entre 1997 et 1999 (30 MF qui serviront à l’accueil des entreprises et à la construction du Département de l’IUT). Le dispositif est donc, en fait, triple. L’ordonnance d’octobre 1986 créant les zones d’entreprises indique que “ les personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés qui, dans les cinq ans de l’institution des zones, se seront créées pour y exploiter une entreprise, sont exonérées : 1. de l’impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu’au terme du 120 mois suivant leur création, 2. de l’imposition forfaitaire annuelle au titre de la même période, Pour bénéficier des exonérations prévues, “ les sociétés doivent : 1. exercer une activité industrielle et commerciale, à l’exclusion des activités de stockage, de distribution ou de services qui ne sont pas directement nécessaires à une activité de transformation ou de fabrication, 2. atteindre un effectif de dix emplois permanents au plus tard au cours de leur troisième exercice. ” 338 Il est créé, par ailleurs, une société anonyme vouée à l’attraction d’investisseurs sur ces zones d’entreprises : Provence Industrialisation. Animée par des spécialistes des reconversions, du marketing territorial ou par des anciens des chantiers navals, elle coopère avec les collectivités et autres administrations pour réaliser les zones d’entreprises et elle prospecte, aide et accueille les nouveaux investisseurs. Les moyens dont elle dispose, en particulier les outils financiers et l’outil “ zone d’entreprises ” sont favorables à sa réussite. L’absence totale de ciblage sectoriel ou technologique des entreprises prospectées est également un élément favorable. Le fait que le principal argument d’attraction soit l’exonération de l’impôt sur les bénéfices, enfin, est une garantie rare de n’attirer sur les zones que des entreprises anticipant réellement des bénéfices, c’est-à-dire en bonne santé sur le plan économique. Au bout de 5 ans, pour l’ensemble des zones des Bouches du Rhône (Athélia-Gémenos-Aubagne) et du Var (Signes 7 ) : . sur 1560 projets reçus (1000 émanant de PME industrielles et 560 de grands groupes industriels) 157 projets d’implantation aboutissent (dont 122 de PME industrielles et 35 de grands groupes industriels, . 3800 emplois sont créés par les PME et 3300 par les grands groupes, . le nombre moyen d’emploi par entreprise est de 31 pour les PME et de 94 pour les grands groupes. (source : “ le pari de l’industrialisation ”, Bataille et Martin) Toujours au bout de ces 5 ans, l’ensemble du programme, comprenant à la fois les créations d’entreprises sur les zones d’entreprises et hors zones d’entreprises, se solde par . 400 entreprises créées (139 en zones d’entreprises et 261 hors zones d’entreprises) . 7064 emplois CDI créés (3213 en zones d’entreprises et 3851 hors zones d’entreprises) Les zones d’entreprises connaissent, en nombre d’entreprises implantées et en nombre d’emplois créés, un succès bien plus important que les autres zones d’activité des départements où elles ont été implantées : . de 1986 à 1992, augmentation du nombre d’entreprises sur les zones d’activités liées aux zones d’entreprises : +150% / sur les autres zones d’activités : +4% ; augmentation du nombre d’emplois sur les zones d’activités liées aux zones d’entreprises : +117% / sur les autres zones d’activités : +51% . de 1993 à 1997 : augmentation du nombre d’entreprises sur les zones d’activités liées aux zones d’entreprises : +8% / sur les autres zones d’activités : +5% ; augmentation du nombre d’emplois sur les zones d’activités liées aux zones d’entreprises : +41% / sur les autres zones d’activités : +18%. Les zones d’activités apparaissent comme une réussite 8 . Elles attirent, dans les localités où elles ont été établies, des entreprises appartenant à des secteurs très différents les uns des autres. Aucune démarche n’a été faite pour attirer, comme cela est fait sur certaines zones ou technopôles à thèmes, des activités relevant d’un secteur ou d’une technologie particulière. Ce sont, en revanche, des entreprises anticipant un développement intéressant puisqu’elles sont venues là afin de profiter au maximum des bénéfices qu’elles anticipent. Ce sont enfin des entreprises qui manifestaient un projet soit de rénovation soit d’augmentation de capacité de production et dont très peu provenaient de transferts depuis d’autres zones (les transferts, à la date de 1992 ne représentaient que 7,2% des implantations et 7,5% des emplois). Ces entreprises, enfin, n’avaient aucune obligation d’embaucher d’anciens salariés du chantier naval. A la fin de l’année 1989, moins de 20% des emplois créés par le dispositif étaient effectivement occupés par des anciens du chantier. Logique économique et logique politique : la disjonction Il est possible de dire que les dix premières années – pour le moins – du processus de la reconversion de La Ciotat ont été marquées par la disjonction entre deux logiques très différentes l’une de l’autre : d’une part, une logique politique de recherche de paix sociale et, d’autre part, une logique économique de réactivation du tissu productif local. La logique politique a consisté à gérer les conséquences – précisément sociales et politiques - explosives de la fermeture du chantier. Principalement portée par l’Etat ( Préfet de région et des Bouches du Rhône, Direction régionale du Travail, Direction régionale de l’Industrie) et par les deux grandes collectivités locales régionale et départementale, elle s’est trouvée fondée sur la nécessité, différemment appréciée de l’une à l’autre de ces 7 Source :service de développement économique de la ville de La Ciotat “ De 1988 à 1991, les bases de la taxe professionnelle ont progressé de 23% sur l’ensemble du département des Bouches du Rhône. Dans le même temps, elles progressaient de 37% à La Ciotat et, plus remarquable encore, de 53% à Aubagne et 234% à Gémenos / effet Gemplus ” (A. Caune). 8 339 différentes institutions, de limiter, de réguler et de trouver des débouchés positifs à la crise, à la tragédie, à l’amertume, à la révolte, aux conflits sociaux et politiques provoqués par cette fermeture dans la société ciotadaine et fortement relayés par les organismes syndicaux et politiques du département et de la région. Cette logique, d’ailleurs, a été principalement appliquée sur son foyer le plus manifeste et le plus actif : le site de l’ancien chantier et la ville dans laquelle il se trouvait inséré. La logique économique, de son côté, consistait à compenser à proximité de la ville les pertes d’emplois consécutives à la fermeture du chantier. Mettant à profit le dispositif national des zones d’entreprises mis en place par l’Etat en relation avec la liquidation du groupe Normed, sa mise en œuvre avait été confiée par le même Etat à la société Provence Industrialisation et son objectif était d’attirer, notamment sur les zones d’Athélia, de Gémenos et d’Aubagne, des entreprises de nature industrielle et, surtout de susciter la création d’un maximum d’emplois associés à ce type d’entreprises. Certes, le dispositif visait bien, lui aussi, à assumer la crise sociale et politique. Il n’en relevait pas moins, principalement, d’une logique économique. Cette logique, cependant, était de nature nettement nominaliste. L’objectif, en effet, était un objectif général et nominal : créer des emplois, créer un nombre d’emplois le plus élevé possible afin de compenser le nombre des emplois perdus à La Ciotat. Certes, la perspective était bien de favoriser la création d’emplois liés à des activités de fabrication et, par conséquent, susceptibles de convenir aux salariés issus du monde de la construction navale. Il ne s’agissait pas, pour autant, de susciter une dynamique de développement fondée sur des secteurs d’activités, des métiers ou des synergies productives spécifiques auxquelles ces salariés auraient pu devenir parties prenantes à l’image de ce qui avait pu être tenté, par ailleurs en France, dans d’autres régions menacées ou sinistrées : les zones d’entreprises accueillaient tous les secteurs d’activité. Et il s’agissait encore moins de créer, de manière purement adéquationniste, un type d’emplois correspondant précisément aux qualification des salariés ayant perdu leurs emplois. Les témoignages recueillis aujourd’hui auprès de certains responsables des institutions parties prenantes aux différents dispositifs de la reconversion mettent parfaitement bien en évidence que cette disjonction était délibérée et que l’objectif de l’époque n’était pas de les intégrer dans une même perspective de développement économique et social. L’urgence était bien à éteindre le feu là où il avait son foyer et à créer les emplois de compensation sur des sites suffisamment éloignés de ce foyer et de ce feu. Entre la logique économique et la logique sociale et politique, il y avait bien disjonction. Tout s’était passé, en somme, comme si les protagonistes du conflit avaient adopté, chacun de leur côté, une stratégie d’évitement, comme si chacun d’entre eux avait fait en sorte de choisir un terrain d’action sur lequel l’autre lui accordait à la fois la légitimité et une marge de manœuvre acceptable. Les anciens du chantier en révolte, la CGT et les forces associatives ou politiques qui les soutenaient, avaient choisi d’investir le site du chantier naval, d’en faire leur propriété collective, le bastion de leur combat, le tremplin ou l’instance symbolique pour les luttes plus larges qu’ils entretenaient par ailleurs. Et les institutions administratives ou politiques nationales et régionales acceptaient, de fait, une telle sanctuarisation. En revanche, les mêmes groupes et mouvements sociaux se désintéressaient des zones d’entreprises, que ce soit celles d’Aubagne et de Gémenos ou celle d’Athélia, toute proche, à la sortie de la ville, laissant la préfecture, la mairie, le ministère de l’industrie et celui de l’équipement, les entreprises et jusqu’à certains anciens du chantier en rupture de ban avec leurs compagnons en lutte, investir le nouveau site. Celui-ci, en effet, devenait pour ces différents acteurs, non pas un sanctuaire, non pas vraiment un symb ole mais plutôt l’un des chantiers sur lesquels s’engageait la revitalisation de l’appareil productif de l’est de l’aire métropolitaine désormais décousu et traumatisé ; sur lequel se tissait l’un des nouveaux éléments de la vaste toile de fond productive en gestation sur l’ensemble des zones d’activités désormais déployées sur le territoire depuis Vitrolles jusqu’à Aubagne en passant par les Arnavants, Aix-les Milles, Rousset-Peynier, Manosque, Venelles et Pertuis ; sur lequel les usines et autres entrepôts en provenance du centre des villes allaient pouvoir achever leur repositionnement géographique. Et, en revanche, ici encore, les acteurs publics, professionnels et entrepreneuriaux laissaient le champ libre aux groupes contestataires sur le port et les quais du chantier. Les stratégies d’évitement réciproque mises en œuvre par les deux catégories d’acteurs venaient en quelque sorte renforcer la disjonction qui s’était opérée dès l’origine entre les lieux et les instances de la logique politique et les lieux et les instances de la logique économique. Et, de fait, l’œil symbolique incrusté tout en haut de l’immense statue érigée à l’entrée du site d’Athélia ne regardait et ne voyait rien de ce qui se passait au fond de la crique de la ville pas plus qu’il n’y émettait le moindre message perceptible. L’évitement et la cécité réciproque devaient opérer encore de longues années. Ruptures et continuités : la construction sociale de la transition sur le site DIAM 340 D’un certain point de vue, on peut dire que la transition a eu toutes les apparences de l’aléatoire, du désordre, de l’improvisation, du conflit débridé, des atermoiements, des hésitations, des prudences, des coups de force et des coups de théâtre (quasiment au sens de “ théâtral ”) et, de ce point de vue, on peut dire qu’il est très difficile d’y découvrir un sens. D’un autre point de vue, il est possible de dire que cette transition est une construction sociale fondée sur les interactions entre quelques catégories d’acteurs qui cherchent à promouvoir leurs intérêts, qui se battent pour cela puis qui passent des compromis et, qu’en fin de compte, elle se manifeste aux observateurs que nous sommes, sous la forme d’une trajectoire à laquelle on peut tenter, au contraire, d’attribuer un sens. Entre l’aléatoire et le construit social, on peut dire, plus précisément encore, que la transition trouve sa cohérence dans l’interaction entre trois instances, acteurs ou mouvements : 1. l’instance du conflit social avec une forte dimension politique, 2. l’instance de l’institutionnel avec, également, une forte dimension politique et, 3. l’instance des processus économiques endogènes avec une forte influence des comportements entrepreneuriaux. Cette interaction opère selon trois grands mouvements qui se succèdent ou qui se superposent ou qui s’articulent. Le premier mouvement est celui de l’acharnement à pérenniser la grande construction navale. Ce mouvement, pendant près de 5 ans, est porté par un grand nombre d’acteurs , notamment par les anciens du chantier en lutte, par la CGT, par les partis politiques de gauche, par le Conseil général des Bouches du Rhône, par le Conseil régional ainsi que, de manière inégale et variable dans le temps, par la municipalité de La Ciotat. Mais il s’exprime avec le plus de force et de visibilité dans la lutte menée par les anciens du chantier et par la CGT. Ceux-ci le disent tout d’abord en retenant à quai, pendant deux ans, le dernier navire pétrolier construit sur le site : le Monterrey. Ils le disent plus explicitement encore en occupant le site à partir du 6 octobre 1988. Ils le disent avec encore plus de force lorsque le Monterrey est enfin libéré en 1989. Plus aucune contrainte technique ni économique ne s’oppose plus alors à ce que le site soit complètement occupé par les anciens salariés et leurs alliés permanent ou occasionnels. Le site devient alors la propriété de fait du mouvement, le drapeau de la CGT y flotte désormais et certaines manifestations organisées par elle parviennent à y attirer jusqu’à 12000 manifestants. Le mot d’ordre est bien d’"arrêter la casse de l’industrie française" et de "sauver la navale" en pérennisant sur le chantier une activité semblable à celle qui y avait cours depuis un siècle et demi et pour lequel il se trouvait si bien doté, la revendication étant, notamment, de réembaucher le plus vite possible, dans cette activité, quelque 1200 salariés et d’y occuper une partie des entreprises sous-traitantes. Les pouvoirs publics et certains milieux d’affaire portent aussi la perspective de faire re démarrer une activité de grande construction navale. Bernard Tapie est l’un des premiers à faire des propositions dans ce sens. Il est le premier à mettre en avant un projet consistant à développer sur le site une activité de construction et de réparation de grands navires de plaisance. Il commence par embaucher les 164 anciens du chantier qui occupent le site. Mais il abandonne 2 mois plus tard et doit verser des indemnités de licenciement aux ouvriers. Pour autant que les pouvoirs publics nationaux ou locaux seraient prêts à faciliter l’opération, d’autres entrepreneurs ou financiers sont disposés à poursuivre dans la voie ouverte par Bernard Tapie et à tenter la relance. L'un d'eux est Benoît Bartherotte, impliqué jusque-là dans la maison de couture Jacques Esterel et disposant de l'appui financier de Jean Baptiste Doumeng, le "milliardaire rouge". Il introduit alors dans son projet l'homme d'affaires suédois Backström. Celui-ci est convaincu que la flotte des transporteurs d’hydrocarbures va devoir se conformer rapidement à des exigences nouvelles de sécurité en introduisant les “ doubles coques ”. Il crée pour quelques mois la société Lexmar. Il se propose d'y investir cent millions de dollars et d'y créer 1800 emplois. En février 1991, la société est mis e en liquidation judiciaire. On se rend compte que la commission de Bruxelles, qui conditionne ses aides à l'abandon de toute activité de construction navale sur le site, ne laissera pas ce développer ce projet. Les différents acteurs, cependant, trouvent leur compte dans la multiplication de ces initiatives. Les projets sont constamment théâtralisés et les médias entretiennent les polémiques qui en sont nées. D’abord la polémique autour de la fiabilité des candidats entrepreneurs. Ensuite, la polémique autour du réalisme de l’hypothèse du nouveau marché potentiel de la “ double coque ”. Enfin aussi, moins médiatisée et pourtant stratégique, l’interrogation au sujet de la possibilité juridique même de relancer l’activité de grande construction navale. En effet, rappelons-le, le dispositif de reconversion de la construction navale est soumis aux règles émises par la communauté européenne selon lesquelles toutes les aides financières européennes accordées devraient être remboursées au cas où redémarrerait sur les sites en reconversion des activités de construction et de réparation navales. Tous, et jusqu’à une part importante de la population ciotadaine, ont tendance à sur-valoriser l’ancienne activité et à l’ennoblir très fortement par rapport à toute autre activité qui lui serait proposée comme alternative. Ce qui est valorisé, c’est la grande industrie lourde et son marché international, c’est aussi la très industrielle et très noble activité d’assemblage d’immenses pièces d’acier, c’est aussi encore l’exploit de 341 construire un objet que sa perfection autorisera à naviguer par toutes mers pendant des décennies, c’est le caractère risqué, viril et esthétique du travail à bord, c’est la puissance de l’énorme collectif de travail qui concourt tous les jours à cette œuvre sur un site aussi confiné, c’est la puissance, aussi des entreprises capitalistes qui gèrent cette activité et c’est la solidité du rapport de force qui s’est établi entre leurs directions et les responsables syndicalistes du chantier. Ce qui est valorisé, c’est un monde productif (Salais et Storper, 1993) que l’on croyait éternel et que l’on va s'acharner, chacun en fonction d’intérêts qui lui sont propres, à pérenniser envers et contre tout. Et l’on s’y acharnera longtemps, même après le tournant de 1994 lorsque l’option du repliement sur la grande plaisance aura été faite. Dans les années qui suivront, l’accueil sur le site d’entreprises comme Alstom et ses turbines géantes ou comme Bouygues et ses caissons de construction portuaires susciteront un grand renouveau d'intérêt de la population locale parce que, probablement, elles comporteront encore l’attrait du lourd, de l’industriel, de l’ouvrier et du grand groupe capitaliste avec lequel, après tout, à La Ciotat, on se trouve "en pays de connaissance". Le deuxième mouvement est celui de l’acharnement d’un groupe à conquérir ou conserver du pouvoir sur le site. C’est le processus par lequel une minorité des anciens du chantier s’approprie ce site, en bloque et en infléchit le devenir. Et ce processus est, paradoxalement, redevable fortement du dispositif du congé de conversion. On sait que, entre la “ capitalisation ” et le “ congé de conversion ”, les anciens salariés du chantier avaient massivement choisi la première formule. Ces salariés-là avaient alors cessé de lier leur trajectoire de vie à la trajectoire du site. Il n’en allait pas de même pour ceux qui choisirent le congé de conversion qui, pour la plupart, restèrent quelques temps encore sur le chantier ou à se proximité et dont un grand nombre restèrent partie prenantes des luttes menées par leurs collègues les plus décidés. Et, de ce point de vue, d’ailleurs, le congé de conversion opéra comme un auxiliaire du mouvement local de révolte. De 660 en 1987, ces salariés sans emploi passèrent au nombre de 412 à l’issue des deux années du congé de conversion. En 1993, le nombre des chômeurs n’était plus que de 167. Entre temps, les pouvoirs publics avaient mis en place un dispositif particulièrement avantageux d’indemnisation du chômage (7000F de salaire + l’indemnisation Assedic + tolérance de travail au noir) et d’incitation au départ (40000 pour un départ immédiat). L’espoir de relance de la grande construction navale suscité par les divers hommes d’affaire français ou étrangers ayant avancé des projets entra ensuite, très rapidement, en concurrence avec les projets du nouveau maire de la ville, Jean Pierre Lafond, élu UDF-PR en mars 1989, favorable, pour sa part, à une reconversion touristique du site de l’ancien chantier : un projet immo bilier sur un concept de marina. Le projet, devant se déployer sur 42 hectares et conçu en coopération avec un architecte marseillais et le célèbre architecte catalan Ricardo Bofil, comporte : 1. La création d'un complexe immobilier avec anneaux pour bateaux de plaisance (une marina), 2. Un espace productif destiné à la réparation des yachts, 3. Un espace destiné à l'accueil d'entreprises high tech, 4. Un pôle de loisir avec un aquarium en partie immergé, un centre d'exploration sousmarine et un musée de la mer. L’affrontement entre, d'une part, les tenants de l’option industrielle et de la pérennisation du chantier et, d'autre part, les partisans de l’option touristique et de l’aménagement immobilier se prolongea durement alors jusqu’en 1994. C’est alors que les différents protagonistes, c’est-à-dire l’Etat, les grandes collectivités locales (Conseil régional et Conseil général) et la CGT décidèrent d’un armistice : un “ Protocole d’accord ” qui esquissait un tournant dans la trajectoire du site et permettait à la fois l'abandon de l’option touristique et, importante bifurcation, l’abandon de l’option de la grande industrie navale. L'accord, surtout, était un accord politique. D'une part, il prévoyait la création d'une société d'économie mixte destinée à aménager et développer le site : la SEMIDEP, Société d'Economie Mixte de Développement Economique et Portuaire avec la participation, notamment du Conseil régional, du Conseil général, de la Ville de La Ciotat et de la Caisse des Dépôts et Consignations (la société fut effectivement créée en 1996). D'autre part, il instituait un comité de suivi au sein duquel les différents acteurs sociaux, notamment la CGT, pouvaient contrôler les grandes orientations données au développement du site. Et c'est d'ailleurs ce comité de suivi qui, le 8 juillet 1999, c'est-à-dire, quatre ans après l'accord, finit par donner le feu vert à l'abandon définitif de tous les anciens projets et ouvrit la voie à l'option aujourd'hui adoptée de la "Maintenance Réparation Refonte" de Grande plaisance. Le tournant était pris. L'abandon de la grande construction navale était définitivement adopté. Le mouvement social y trouvait des contreparties. Les contreparties étaient de deux types. D’une part, ce qu’il restait des chômeurs issus de l’ancien chantier les 105 - était embauché dans une nouvelle entreprise d’insertion chargée d’entretenir le site et d’y effectuer notamment le désherbage, la peinture, l’entretien et la préparation de l’accueil des nouvelles activités. D’autre part, l’organisation syndicale se voyait reconnue, sur le site, une fonction de vigilance au regard du respect des perspectives adoptées dans le protocole d’accord tandis que le leader des “ 105 ”, Pierre Tida se voyait attribué le 342 poste de directeur technique de la société d’économie mixte à partir duquel il pouvait exercer, de manière opérationnelle, une mission qui dépassait largement le seul registre de la vigilance. Il était convenu que les activités nouvellement implantées sur le site de l’ancien chantier devraient embaucher un certain nombre de personnes issues du bassin d’emploi (50 jeunes). Il était convenu, également, que 15 des 105 seraient embauchés par la Semidep (2 furent embauchés). Il était entendu, enfin, que chaque fois qu’un investisseur nouveau s’implanterait sur le site, l’accès aux aides publiques susceptibles d’être obtenues par le truchement de la Semidep serait conditionné par l’embauche d’un certain nombre d’anciens salariés de l’ancien chantier. Une association était créée : l’Association des Vrais Ciotadains de la Navale (AVAP) destinée à favoriser l’embauche de ces anciens salariés. A bout de deux ans, elle essaimait sous la forme de trois associations. La première (“ solidarité ouvrière ”) était destinée à aux anciens salariés de plus de 50 ans : quelque 40 personnes. La deuxième (“ portes du bassin ”) était destinée aux anciens salariés de moins de 50 ans. La troisième était une structure technique à l’intérieur même de la Semidep, regroupant 1é anciens du chantier autour de Pierre Tida. (En 2002, sur les 105, la moitié est en pré-retraite, l’autre moitié est en pré-retraite amiante. Il ne reste plus que 12 anciens du chantier sur le site. 4 devaient partir en congé maladie en janvier 2003. Il n’en restait alors plus que 6. Par ailleurs ceux embauchés au sein des entreprises se comptaient au nombre de 4 dans la société Watershed et 7 dans la société composite Works). Le troisième mouvement est celui du processus endogène suscité sur le site par les dynamiques entrepreneuriales. Amorcée de manière inattendue à l’occasion d’un projet exceptionnel - le projet “ Grand Mistral ” - l’arrivée successive de plusieurs entreprises relevant de la construction / réparation / transformation des navires de Grande plaisance, le milieu professionnel qu’elles vont y susciter et les coopérations, relations et émulations qu’elle vont y produire engagent définitivement le site sur sa nouvelle trajectoire. Le projet "Grand Mistral" porté par un ancien et célèbre skipper helvétique, Pierre Fellmann, consiste à construire à La Ciotat en faisant usage d’une partie des équipements exceptionnels du site – bassins, quais, grues et portiques – douze grands voiliers de compétition destinés à concourir dans une course autour du monde organisée par la société du même marin entrepreneur. Couplage d’un événement sportif et d’une opération industrielle, le projet attire rapidement sur le site des hommes venus de toute l’Europe – skippers de renom, architectes navals, constructeurs et réparateurs de navires de plaisance, etc – qui participent au projet soit en s’intégrant à l’équipe qui le conduit soit en créant leurs propres entreprises. Au bout de deux ans, le projet qui repose sur une démarche de marketing particulièrement ambitieuse, finit par échouer. Mais entre temps, le site a été marqué pour longtemps par son empreinte. Des petites entreprises y ont été créées et d’autres, relevant du même secteur d’activité, y ont été attirées. L’idée que le sport nautique et l’industrie nautique puissent s’épouser au profit d’une nouvelle dynamique du site a fini par tenter les esprits des décideurs. Et dès lors, progressivement, la bifurcation s’est définitivement imposée. 343 3. L’articulation entre dynamique productive et dynamique urbaine Espaces productifs et la dynamique urbaine Sur le site de l’ancien chantier (DIAM), les nouvelles activités de réparation / maintenance / refit de Haute Plaisance sont physiquement articulées à la ville puisqu’elles se trouvent en son centre. Mais elles en sont encore disjointes parce qu’elles ne sont ni reconnues, ni vraiment légitimées ni – bien souvent - vues par les habitants de la ville. Le projet des principaux acteurs publics impliqués dans le développement de ce site est de faire en sorte que les activités de Grande Plaisance s’articulent, à l’avenir, dans ce centre de la ville, avec d’autres activités de service, d’accueil, de loisir ou de villégiature. Il pourrait y avoir alors réconciliation, reconnaissance et articulation plus large entre les deux espaces productif et urbain et, plus tard, entre les dynamiques de ces deux espaces. Mais ce projet des acteurs publics est un pari osé dans la mesure où il peut fort bien déboucher ainsi qu’on le verra plus loin sur une dynamique largement poussée par le développement immobilier / résidentiel / touristique plutôt que sur une dynamique tirée par l’activité productive. Sur les deux autres sites d’Athélia et de Gémenos la disjonction est encore plus accentuée puisque : 1. Cette disjonction a été voulue par les acteurs publics impliqués dans la reconversion (contrairement au site DIAM où cette disjonction n’était pas recherchée), 2. La disjonction est aussi une disjonction physique puisque les deux sites sont soit à 5 km de la ville (Athélia), soit à 15 km (Gémenos / Aubagne). Certes, entre la ville et le premier des deux sites, des relations existent bien, notamment la mobilité des personnes de la ville allant travailler sur la zone d’Athélia et la mobilité des personnes d’Athélia venant consommer les services offerts par la ville. Ce site ne s’est pas moins construit dans l’ignorance de la ville et de sa population. Tel était le choix de Provence Industrialisation qui a délibérément souhaité disjoindre le développement de la zone d’entreprise des problèmes économiques et sociaux de ville. Tel était aussi le choix de certains anciens du chantier naval qui sont venus créer leurs entreprises à Athélia de manière à s’éloigner le plus possible du climat social conflictuel régnant dans la ville et qu’ils désapprouvaient. Et telle a été la réalité du développement de la zone au cours de ses dix premières années d’existence. Le site du Parc d’Activités de Gémenos / Aubagne se trouve, pour sa part, complètement déconnecté de la ville de La Ciotat et, dans ce cas, on peut dire que dynamique productive et dynamique urbaine sont tout à fait disjointes. Pourtant, l’ensemble de la zone d’activité liée à la reconversion du site de La Ciotat (Athélia, Gémenos, Aubagne) participe d’un processus général dans lequel interagissent, mais à un autre niveau, la dynamique productive et la dynamique urbaine. Le dense archipel de zones d’activités apparu en Provence depuis la fin des années 60 manifeste une réorganisation complète de l’articulation entre l’appareil productif et la ville, entre l’emploi et l’habitat, entre le travail et le reste de la vie sociale. Et cette nouvelle articulation ne prend plus son sens seulement au niveau d’une ville particulière mais au niveau d’un ensemble urbain, d’une “ région urbaine ”, d’une aire métropolitaine, en l’occurrence l’aire métropolitaine marseillaise. C’est à ce niveau-là qu’apparaît ainsi un nouveau type d’articulation entre dynamique productive et dynamique urbaine. Les conflits d’usage du territoire Pendant 150 ans la Ciotat a été typiquement une ville usine. De 1830 à 1986, l’espace de vie productive et les espaces de vie sociale se superposaient et se reproduisaient conjointement dans un espace singulier. Unité de lieu géographique (le fond de la baie sous le Bec de l’aigle), unité d’action de fabrication (la construction d’un grand navire), unité de temps (la durée de la construction du navire). La vie à la Ciotat était rythmée par l’appareil productif. La dynamique productive était donc issue de cette superposition. Le chantier naval distribuait les emplois et les revenus dont s’alimentait la vie sociale de la ville. Les formes d’organisation propres à la grande entreprise (embauche, formation, hiérarchie, carrière, formes d’organisation du travail) se reproduisaient dans l’espace urbain. Mais c’est aussi le système de valeurs, les symboles, les imaginaires professionnels, les formes particulières d’engagement militant véhiculées à l’intérieur du chantier qui imprégnait la ville et la vie 344 sociale. L’organisation urbaine était conçue pour permettre la reproduction du collectif de travail. Avec la fermeture du chantier, les deux dynamiques ont donc cessé d’être articulées. Dans les années qui ont suivi la fermeture du chantier naval une vive controverse, au sujet de l’occupation de l’espace, avait opposé deux groupes de citoyens et d’élus de la ville de La Ciotat : d’une part, ceux qui, à la suite de la CGT, des groupes d’ouvriers révoltés et des élus de gauche entendaient ré-occuper le site de l’ancien chantier naval par des activités industrielles liées à l’activité maritime, plus particulièrement, à l’activité de construction ou de réparation navale ; d’autre part, ceux qui, entraînés par le maire UDF de l’époque, entendaient utiliser ce site pour y implanter des équipements et logements à usage résidentiel organisés autour d’une marina et pouvant abriter quelques entreprises et services destinés à l’occupation intensive du site par les bateaux de plaisance. Les grandes collectivités locales, les partis politiques et les organisations syndicales et associatives avaient fini par mettre fin à la controverse en abandonnant définitivement l’option immobilière / résidentielle au profit de l’option industrielle / maritime. Un premier conflit d’usage du territoire, très explicite, avait donc émaillé l’histoire de la reconversion industrielle et sociale de La Ciotat. D’autres formes de ce conflit, moins explicites et spectaculaires, apparaissent aujourd’hui sur un même fond d’alternative entre l’industriel et le résidentiel / immobilier. Toutes convergent pour produire une tension grandissante sur la rareté et donc sur le prix des ressources foncières. Trois tendances sont discernables. 1. La première est la pression exercée sur la ressource foncière de La Ciotat par l’extension résidentielle de la cité marseillaise. Cette pression n’est pas nouvelle mais elle s’accentue. 2. La deuxième est la pression exercée sur la même ressource foncière par l’arrivée dans les entreprises de la zone d’Athélia de cohortes d’ingénieurs et de managers dotés d’un important pouvoir d’achat, désireux pour beaucoup d’entre eux de trouver un logement sur place et, par suite, facteurs de hausse du prix de la ressource foncière. 3. La troisième est associée aux perspectives de développement des activités de maintenance / réparation / refit de Grande Plaisance. Il apparaît, en effet, que ces activités ne seront véritablement attractives auprès des riches propriétaires, des exigeants capitaines et des nombreux équipages de yachts appelés à fréquenter le site DIAM que si la ville et ses environs se dotent des équipements hôteliers, des services de luxe et des activités de loisir propres à les captiver et à les fidéliser. C’est dire que l’option immobilière / résidentielle à La Ciotat, non seulement n’a jamais cessé d’être pratiquée mais, qu’en outre, elle peut s’avérer rapidement comme indispensable à la viabilité de l’option industrielle / maritime. L’alternative polémique du début des années 90 n’est donc toujours pas vraiment tranchée dans les faits. De ces pressions diverses et de la hausse du prix des ressources foncières qui en résulte d’ores et déjà peuvent rapidement résulter des changements profonds dans la composition sociologique de la ville. D’ores et déjà, certaines familles ou les enfants de certaines familles sont conduits à rechercher leurs logements dans d’autres communes du département. Et La Ciotat, ancienne ville ouvrière, pourrait alors devenir une ville de cadres ou d’accueil de populations aisées. Les conditions dans lesquelles sera résolu la question du conflit d’usage du territoire comporte un enjeu social et politique important : un enjeu dont il apparaît, après nos investigations, que beaucoup de responsables administratifs ou politiques sont conscients. L’enjeu, d’ailleurs, est aussi industriel. Un autre conflit d’usage du territoire est apparu récemment à l’occasion de la demande de la Ville de La Ciotat d’agrandir le domaine de la zone d’Athélia. La réponse des autorités communautaires et administratives à cette demande suscite toujours le débat. Mais ce qui est en jeu, en l’espèce, est la question de la protection des espaces naturels. La question du conflit d’usage du territoire à La Ciotat est bien une question de nature politique. Il semble qu’elle doive être posée au niveau de l’aire métropolitaine marseillaise. 4. Les logiques d’entreprises Les typologies de logiques d’entreprises qu’il est possible de tirer du travail sur La Ciotat dépendent fortement du lieu où on les a observées (le site DIAM ou les zones d’entreprises) et de la méthode d’investigation (entretiens, observation participante, questionnaire). Un premier type d’observations, réalisé sur le site DIAM, permet de faire les remarques développées dans la communication sur les “marins chefs d’entreprises ”9 : savoir que, sur un même site composé d’entreprises 9 Communication écrite pour les journées de Sociologie du Travail. 345 dédiant les services qu’elles produisent à un même type de marché et pratiquant des technologies connexes, on discerne plusieurs logiques d’entreprises très dissemblables les unes des autres ( la logique artisanale, la logique relationnelle et la logique systémique). On peut être tenté de classer ces logiques par rapport à une échelle temporelle qui permettrait de les hiérarchiser selon qu’elles sont en avance ou en retard. On peut être tenté de les classer aussi - ce qui revient un peu au même – selon qu’elles se conforment plus ou moins à une norme privilégiée de logique entrepreneuriale ou gestionnaire. Nous préférons renoncer à ces classifications. Il nous apparaît que la pluralité de ces logiques est profitable au site non seulement parce qu’elle permet une certaine complémentarité entre entreprises mais surtout parce qu’elle se trouve au fondement d’un début de dynamique socio-économique apparu sur ce site. L’observation de cette pluralité et de cette dynamique permet, d’ailleurs, de s’interroger de manière concrète sur la pertinence des approches de la Grande plaisance en termes de filières (avec amont, aval, complémentarités, chaînons manquants, etc). Sur Athélia, en attendant les résultats du questionnaire, les premiers entretiens et repérages avaient permis de discerner plusieurs logiques d’entreprises : 1. artisans de La Ciotat ayant une implantation / boîte postale sur la zone, 2. entreprises étrangères se rapprochant de leur marché méditerranéen, 3. entreprises de logistique s’implantant à côté du réseau d’autoroutes, 4. anciens du chantier naval créant leur entreprise hors de l’ambiance conflictuelle de la ville qu’ils désapprouvent. L’observation plus générale portée sur l’ensemble des zones d’Athélia, Gémenos et Aubagne permet, par ailleurs, quelques remarques supplémentaires. En premier lieu, on vérifie que l’exonération de l’impôt sur les bénéfices a permis une sélection à l’entrée sur la zone au profit des sociétés qui se trouvaient dans une situation propice à l’obtention de résultats favorables. Mais cette sélection n’a pas eu pour effet de créer un quelconque “ effet technopôle ” propice à l’apparition de coopérations et de dynamiques inter-entreprises localisées. On vérifie en effet, en deuxième lieu, que dans cette zone, les entreprises se juxtaposent les unes aux autres et que l’essentiel des coopérations qu’elles esquissent se produisent dans le cadre des associations de chefs d’entreprises sur des questions de nature aménagiste. Il apparaît cependant, c’est la troisième constatation, que des “ blocs ” sectoriels se constituent. A Athélia, ces “ blocs ” sont ceux de l’instrumentation médicale, de la logistique, de l’électronique, notamment. A Gémenos, ce sont le BTP, l’agro-alimentaire, l’électronique / informatique, etc. Mais, ces “ blocs ” ne sont pas le siège de coopérations ni de synergies particulières entre entreprises. Leur existence est à mettre en relation avec divers facteurs caractéristiques des zones industrielles en général, en particulier des zones de l’aire métropolitaine marseillaise. Pour les activités de logistique, pour celles de l’agroalimentaire (possédant toutes une dimension logistique) ainsi que pour les activités d’instrumentation médicale, il est important de s’implanter sur des zones industrielles placées à proximité des nœuds autoroutiers eu égard à la proximité de l’agglomération marseillaise et aux facilités d’accès aux marchés espagnols et italiens. Pour des activités du BTP, de la mécanique, de l’environnement, la zone industrielle offre la meilleure solution pour des entreprises opérant sur le marché d’une grande agglomération comme Marseille. Restent l’instrumentation médicale et l’électronique, particulièrement présentes à Athélia. Sur la première, nos investigations montrent que ce pôle est stable, mais ne constitue pas un secteur représentatif ou plutôt sa taille n’est pas suffisamment importante pour constituer un véritable pôle de compétences. Par contre pour le second on ne peut pas nier “ l’effet Gemplus ”. Ce dernier, d’ailleurs, ne concerne pas que le secteur de l’électronique mais aussi ceux (instrumentation, systèmes, plasturgie) qui sont directement associés à la fabrication et à la conception de la carte à puce, mais encore ceux de services comme la sécurité des entreprises. Et cet effet se manifeste principalement par des essaimages : essaimages en temps de crise, essaimages en temps d’expansion, essaimages “ téléguidés ”, essaimages “ claquages de portes ” etc, essaimages avec perspective d’émancipation vers d’autres marchés, essaimages avec perspective de ré-internalisation, etc. L’effet Gemplus n’est pas encore véritablement structurant ni à Athélia ni à Gémenos. Nous présenterons de façon successive les trois espaces concernés. 346 Le site DIAM et la Grand plaisance Les trois logiques entrepreneuriales Le nouveau milieu productif est composé de 17 petites ou moyennes entreprises et qui emploient quelque 250 personnes. L’un des enseignements essentiels de cette approche a été la découverte que la quasi totalité des chefs d’entreprise en question étaient d’anciens marins : anciens skippers de compétition, anciens sportifs et passionnés de voile et aussi, anciens marins de la marine marchande. Et, dès lors, notre questionnement a pris un cours plus précis. Comment ces marins étaient-ils devenus des chefs d’entreprises ? En réponse à ce questionnement, l’investigation sur le terrain nous a alors permis de décrire des trajectoires individuelles représentatives, d’esquisser une modélisation des logiques professionnelle que ces trajectoires expriment et de désigner les conditions qui ont présidé au développement de chacune de ces logiques. Voici l'esquisse d'une articulation entre, d’une part, l’émergence d’un nouveau monde professionnel et d’autre part, le développement conjoint d’un nouvel espace économique et d’une nouvelle dynamique territoriale. La dynamique interne sur le site DI AM Maîtres d’œuvre Intégrateurs Savoir-faire généraliste Maîtrise de la réponse d ’ensemble à la commande d ’un client 13/11/03 Modalités des relations Sous-traitance Co-traitance, Partenariat Gestion de projet Prestataires spécialisés Métiers particuliers Prestations spécialisées 14 347 Le site du DI AM et son espace de rayonnement rayonnement ESPACE LOCAL : POLITIQUE et SOCIAL. (Ville de La Ciotat, Nouveau port de la Ciotat…) ESPACE COTE D ’AZUR et RIVIERA : SPECIALISE HAUTE PLAISANCE ET COMPETENCES DE LA MER. (Toulon, St Tropez, Mandelieu, Cannes, Antibes, Italie / Gènes.) 13/11/03 DIAM ESPACE MONDIAL : SPECIALISE SUR COMPETENCES POINTUES RECHERCHEES. (Europe, Nouvelle Zélande, Australie,Afrique du Nord, La Rochelle…) ESPACE DE L’AIRE METROPOLITAINE : SPECIALISE MECANIQUE et TECHNOLOGIES INDUSTRIELLES . (Athélia, Aubagne, Gémenos Pays d ’Aix, Vitrolles, Marseille.) 15 Les logiques professionnelles à l'œuvre, l'oscillation entre le cap et la stratégie. Les trajectoires individuelles des chefs d'entreprise telles que nous les avons analysées expriment bien un travail d’apprentissage. Leur analyse fait clairement apparaître aujourd’hui des stratégies et des évolutions typiques caractéristiques des apprentissages par lesquels les marins ont opéré leur "saut à terre". Chacune d’entre elles nous paraît procéder d’une logique professionnelle typique. C’est de ces trois logiques, exprimées et informées par ces trois trajectoires typiques, qu’il sera question maintenant. La première logique est la logique relationnelle. C'est celle qui est dans le rapport de similitude le plus étroit avec la vie en mer et l’organisation sur le bateau. Elle fonctionne en cohérence avec les règles de la navigation, du milieu nautique et de l'exploit sportif. Présente dans plusieurs entreprises du site, elle est particulièrement présente et prégnante dans une entreprise comme celle d'Alain. Depuis qu’il est à terre, celui-ci y a transféré son mode de fonctionnement, sa façon de travailler ainsi que les principes et les valeurs qui y sont rattachés et il continue à y maintenir les mêmes relations et la même façon de traiter les problèmes. La deuxième logique est la logique artisanale. Présente dans plusieurs autres entreprises du site, cette logique de développement se manifeste avec le plus de visibilité au travers de la figure de William. Afin de palier un certain "flottement" lié à leur difficulté de s'approprier les règles classiques de l'entreprise, les chefs d'entreprise porteurs de cette logique sur le site mettent en valeur leur métier, leur savoir-faire, leur créativité artistique. Chez eux, ce n'est pas l'entreprise en tant que structure qui est pertinente mais bien plutôt le cœur du métier, en l’occurrence, le tour de main, le bel ouvrage. La troisième logique est ce que nous avons appelé la logique systémique. Egalement portée par un groupe substantiel d’entreprises du site, elle est particulièrement lisible dans la trajectoire d’Olivier. Lui comme ses confrères ont tendance à s'affranchir du monde de la mer pour adopter, traduire et s'approprier les règles de la terre. Leur démarche s’inscrit dans le moyen et le long terme. Ils entendent construite un métier évolutif, en grande partie imprévisible, dans le cadre d’une organisation décentralisée, flexible et elle-même évolutive au sein de laquelle ils opèrent en permanence du transfert d’expérience en vue d’innover, en vue d’articuler les productions standard et les produits spécifiques dédiés et en vue de diversifier leur clientèle. 348 Ces trois logiques sont actuellement à l'œuvre sur le site. Il ne nous semble pas qu’il y ait, pour l’instant, prévalence d’un modèle sur les autres. Il ne nous paraît pas possible, non plus, de préjuger de la viabilité de ces logiques. Mais il nous est apparu que c'était bien la combinaison des trois qui, pour l'heure, avait permis à la nouvelle activité de maintenance et de réparation de grande plaisance de s’ancrer sur le site. Et c’est elle qui, par le moyen de relations interpersonnelles très intenses, a permis à la nouvelle dynamique productive en émergence de s’y développer. Le tableau qui suit tente de récapituler comment se déclinent ces trois logiques. La représentation sous forme de tableau nous est apparue comme la meilleure manière de clarifier cette récapitulation mais, en aucune façon, elle n'a pour vocation de classer ces logiques ni de mettre au centre de notre raisonnement l’idée qu’il y aurait une évolution naturelle ou normale d'un modèle vers un autre. Les trois logiques, en effet, sont représentatives de la diversité des trajectoires de l’ensemble des entreprises aujourd’hui implantées sur le site. En les transposant sur un nouveau tableau, il est possible de dégager des groupes et de passer ainsi d’une différenciation entre des logiques individuelles à une typologie des logiques d’entreprises sur le site de l’ancien chantier. En prenant en compte les critères retenus dans le tableau, nous avons pu positionner les entreprises sur les deux axes présentés ci-dessous. Positionnement des entreprises du site Logique sportive Logique Systèmique Logique Relationnelle Monde de la Mer Monde de la terre Logique Artisanale Logique de Métier 349 Logique Relationnelle Gestion collective de la crise Continuité avec le modèle marin. Les décisions sont prises en fonction des difficultés rencontrées. On est dans l'immédiateté de la relation (Solidarité de bord. "Tout le monde sur le pont") Définition du Cap Au coup par coup, au rythme des arrivages de bateaux. En fonction du type de bateau et du type de courses la stratégie de l'entreprise évolue. Logique Artisanale Gestion externalisée de la crise Modèle intermédiaire. Les événements critiques ne sont pas assumés par le gestionnaire de projet mais par les petites entreprises dépendantes qui assument les hauts et les bas. Externalisation des crises et des risques. Gestion de Projet Au rythme des projets. La stratégie est fortement liée à la renommée du chef d'entreprise, à son expertise. C'est son savoir-faire qui fait référence. (Système charismatique) Gestion en cascade Modèle de la sous-traitance en fonction des besoins. (appel aux intérimaires). Gestion d'équipage Les personnels ne sont pas embauchés par l'entreprise mais sont constitués par les équipages des bateaux. L'entreprise offre un espace mais n'influe pas sur les règles de gestion propres à chaque équipage. Cohésion d'équipe Travail à façon C'est l'affectif, la passion qui C'est le projet qui fédère des fédèrent les équipes. petites entreprises. Ce sont ces dernières qui gèrent des équipes. Logique Systémique Gestion des risques Eloignement du modèle de la gestion de crise. La diversification sectorielle est pensée pour assumer les crises des autres secteurs. Construction du changement innovant pour dépasser les aléas du marché. Logique offensive basée sur un processus qui intègre en permanence les risques. Construction d'une stratégie Accumulation des compétences et transfert de celles-ci dans des activités nouvelles. L'entreprise a une fonction d'incubateur. On est dans du transfert et de la longue durée. Gestion des Ressources Humaines Stabilisation d'un personnel propre à l'entreprise. Formation interne, personnel choisi, sélectionné. Construction de règles sociales Affranchissement des règles fusionnelles de la mer, pour adopter celles dictées par l'organisation, les compétences et les règles plus classiques. La fidélité aux règles et pratiques Régulation entre informalité et Le rapport innovant à la loi (aux règles de la mer. système formel. de la terre). Composition avec les règles en se Disposition des règles, respect sans Apprentissage des règles de la terre : maintenant dans un espace réelle appropriation. administratives, financières, informel. réglementations… 350 Développement de filière ou dynamique plurielle des compétences La pluralité des logiques professionnelles à l’œuvre sur le site et leur présentation dans un tableau qui peut suggérer une bipolarisation entre une logique sportive de mer et une logique entrepreneuriale de terre ne signifiait, en aucune manière, l’idée de prévalence d’une logique sur les autres ni celle d’une évolution naturelle ou normale de l’une à l’autre. Au contraire, la dynamique productive observée sur le site nous conduit à insister sur la caractère pluriel de ces logiques et sur le caractère interactif des rationalités économiques et sociales qu’elles traduisent. Car cette dynamique, précisément, apparaît comme redevable de cette pluralité. Ce site ne fonctionne pas comme une filière mais comme un système social territorialisé. Une question, dès lors, présente par ailleurs dans tous les débats actuels relatifs au développement des systèmes productifs localisés, peut être posée. Dans quels termes doivent raisonner les décideurs publics et privés lorsqu’ils s’interrogent sur les conditions du développement futur des activités de grande plaisance ? Doivent-ils raisonner en termes de filière, c’est-à-dire, notamment, en termes de complémentarité, de complétude et de continuum technique avec la perspective de discerner des dysfonctionnements ou des chaînons manquants le long de cette filière ? Ou bien doivent-ils plutôt raisonner en termes de combinatoire de métiers, c’est-à-dire de compétences et de rationalités entrepreneuriales, avec pour perspective de favoriser les dynamiques sociales – d’identification, de différenciation, de transfert et de solidarité – propices à l’émergence des "dispositifs cognitifs collectifs" ? Non seulement ce questionnement alternatif se trouve au cœur des conditions et des enjeux du développement de l’activité de grande plaisance sur l’ensemble de l’Arc Méditerranéen mais il est constamment présent dans les débats et les expérimentations actuelles sur les systèmes productifs localisés. positionnement de La Ciotat et de la « Grande Plaisance » Le Temps Futur Ciotat 1 Industrie Marseille Ciotat 2 La Seyne Antibes Tourisme Ciotat 1 : Positionnement en termes industriels Ciotat 2 : Positionnement en termes touristique Chantier Naval 13/11/03 Temps Passé 28 351 La zone d’Athélia Les secteurs industriels et artisanaux d'Athélia Les zones d’Athélia constituent un espace d’environ 80 hectares situés à l’entrée nord de la ville et ouverts sur l’Autoroute A50. La taille des entreprises qui les composent est relativement modeste (PME-PMI), avec une moyenne de 18 emplois par hectare. La zone D'Athélia : quatre logiques entrepreneuriales à l'œuvre “ Histoire d'hommes ou d'entreprises: un espace à définir. Athélia est elle une histoire d'hommes ou simplement un espace d'opportunité ? ”Les logiques qui organisent la zone d’Athelia sont complexes et difficiles à observer. Tout d’abord une grande partie des entreprises demeurent préoccupées par des questions de logistique, de viabilité, de sécurité et ont souvent du mal à exposer leur stratégie. Ensuite l’espace d’Athélia est un espace qui offre un potentiel important, mais les entreprises vivent et cohabitent les unes à côté des autres sans donner de sens à cette proximité. D’ailleurs les associations de chefs d’entreprise se sont succédées jusqu’icisans vraiment ancrer leur dispositif. Il semble qu’aujourd’hui, enfin, la nouvelle association soit devenue un interlocuteur reconnu pour la communauté administrative et politique locale. Les entreprises qui ont peuplé cette zone au cours des dernières années, pas plus que leurs dirigeants, ne représentent en rien une communauté homogène, que ce soit en termes de parcours ou en termes de secteur industriel. On y trouve à la fois des anciens du chantier qui ont créé leurs entreprises. Des entreprises multinationales qui décident d’installer une filiale pour avoir accès au marché méditerranéen. On y trouve des entreprises qui débutent, qui font leur premier pas bon gré malgré sur la zone. On y trouve Gemplus bien sûr. Cette zone est très hétérogène et l’on peut dire que les entreprises qui l’occupent ont peu de liens. Parmi les 112 unités recensées dans le répertoire des entreprises la répartition est la suivante : Industrie Manufacturière Commerce Services aux entreprises Transport et Logistique Education Santé Action Sociale Construction BTP Services aux particuliers Associations Autres et Media Total Nombre d’unités 33 29 24 2 4 14 1 3 1 112 Emplois 1855 427 320 23 108 110 12 7 2867 Parmi ces 112 unités répertoriées 13 unités sont introuvables sur la zone, et une unité a disparu. Par contre nous avons pu comptabiliser 25 unités nouvelles qui sont installées pour la majorité d’entre elles sur les zones Athélia II et IV. Nous pouvons synthétiser les activités nouvelles de la façon suivante : elle sont majoritairement du secteur services aux entreprises et construction BTP. 352 Nombre d'emplois par sous zone 1200 1000 800 600 Nombre d'emplois 400 200 0 Athélia I Athélia II Athélia II Athélia IV De l’hétérogénéité de la zone : trois constats En premier lieu le milieu est très hétérogène, on y trouve des entreprises de tailles très différentes, des secteurs hétérogènes et des logiques professionnelles variées. Sur un même espace cohabitent des entreprises de transformation industrielle, du commerce, des entreprises de services et de la construction. En deuxième lieu, en regardant la zone de prés on se rend compte que les phases de consolidation des entreprises ont relevé de logiques différentes, certaines sont liées à une maison mère en dehors de la zone et leur avenir dépend plutôt du marché. D’autres sont en cours de consolidation et cherchent à se professionnaliser. Les trajectoires sont chaotiques. En troisième lieu, à la différence du site du DIAM, Athelia est un monde sans relations interpersonnelles, les raisons sont liées tout d’abord à la juxtaposition d’entreprises éloignées en termes d’activité les unes des autres. De plus, pendant des années, cette zone n’a pas connu d’investissements collectifs permettant de créer des espaces d’échange, pas de restaurant, pas de crèche, pas d’hôtel, mis à part le snack qui permet de prendre un café sur la zone. Les zones sont restées comme des espaces de circulation et non de mobilisation. Cette situation implique une superposition de logiques professionnelles dont la cohérence n’a pas pu être consolidée par l’effet de zone. Nombre d'entreprises par sous zone 80 70 60 50 40 Nombre d'entreprises 30 20 10 0 Athélia I Athélia II Athélia II Athélia IV 353 Une superposition de logiques qui ne facilite pas la cohérence des zones Une logique de multinationale. C’est le cas de quelques entreprises, en général des industries manufacturières, qui ont vu l’opportunité d’avoir un accès au marché méditerranéen. Elles se sont installées sur la zone dés le départ et ont réussi à perdurer dans l’espace grâce au soutien de leur maison mère. Leur production est très autonome par rapport à la région sud. Elles sollicitent peu de services et fournisseurs de la zone. Par contre elles représentent une source d’emploi stable. Une logique sectorielle. C’est le cas de l’instrumentation médicale et de l’électronique et des services aux activités de Grande plaisance. On peut, en effet, discerner trois pôles de compétence qui se sont constitués sur la zone d’Athélia. Le premier est celui de l’instrumentation médicale, regroupé essentiellement sur Athélia I. Les entreprises qui le composent ont maintenu une stabilité et ont développé des activités de fabrication et de commercialisation d’instrumentation médicale. La zone Athélia I qui leur est dédiée est d’ailleurs bien entretenue à l’image des entreprises qui l’occupent. Un autre pôle est celui lié aux activités de micro électronique qui semble être fortement en relation avec la zone de la Haute Vallée de l’Arc. La présence de Gemplus a suscité la multiplication de petites entreprises qui fournissent des services à Gemplus, mais aussi, au gré des vagues de plans sociaux qu’a travers l’entreprise, un nombre pour l’instant peu représentatif d’opérations d’essaimages d’ingénieurs ayant créé leur propre société de services dans le domaine de l’électronique ou des systèmes et instruments associés aux technologies de la carte à puce. Ces entreprises sont nées au sein de l’entreprise même, Gemplus a joué un rôle d’incubateur et on peut observer aujourd’hui sur la zone un nombre de petites entreprises de haute technologie (savoir faire, ingéniérie…), notamment sur Athélia II. Enfin, un certain nombre d’entreprises contribue au pôle de Grande Plaisance et Petite Plaisance, souvent en lien avec le nouveau port. Ce sont des entreprises artisanales qui réalisent des services de réparations et de la fabrication de matériels pour l’activité de plaisance dans son sens large. Une logique boîte aux lettres. Cette façon de caractériser le tissu est un peu étonnante, mais nous avons fait le constat que, sur la zone Athélia II, il y avait des entreprises “ boîtes aux lettres ”. En effet une dizaine d’entreprises, ont sur la zone une adresse, un téléphone. Mais l’activité en tant que telle ne se situe pas sur la zone. Nous n’avons pas pu éclaircir toutes les raisons de cette logique, nous pouvons seulement supposer trois éléments. Le premier est que certaines entreprises localisées dans le centre ville de la Ciotat ont obtenu des espaces de stockage sur la zone, le cœur de leur activité demeurant hors de la zone. D’autres entreprises ont une adresse et un téléphone sur place leur permettant d’organiser des activités de logistique. D’autres, enfin, ont leur adresse sur Athélia sans qu’on puisse savoir pourquoi. Une logique "logistique" géographique de proximité. Nombre d’entreprises sur la zone font de la logistique. Ce ne sont pas des entreprises de transport mais des entreprises qui font de la diffusion de données informatiques. Elles travaillent notamment avec les entreprises précédemment évoquées dans le cadre de la première logique. D’autres font de la diffusion par satellite et leur installation sur la zone est tout autant liée à des besoin d’espace et de capacité de diffusion. Leur fonctionnement pour la plupart d’entre elles est très séparé des unes des autres. Une logique artisanale. La zone d’Athélia II est peuplée de petites entreprises artisanales dans le domaine de la construction, du BTP et la commercialisation et du matériel lié à la construction. Ces entreprises artisanales représentent assez bien la spécificité du tissu de la Ciotat. C’est dans ces entreprises que l’on retrouve des anciens du chantier. Ce tissu de petites entreprises est stable. La juxtaposition et la superposition de l’ensemble de ces logiques rend difficile difficile la mise en œuvre d’une stratégie de zone. “ D’Athélia on ne voit pas la ville ” La localisation de ce site à plusieurs kilomètres du centre de la ville s’expliquait évidemment par la nécessité de trouver des ressources foncières adaptées à l’accueil d’un grand nombre d’entreprises. Elle n’en exprimait pas moins, sans doute aussi, la nécessité de ne pas s’établir trop près du centre historique du drame et du conflit si l’on voulait attirer les investisseurs ainsi que le souhait de ne pas avoir à “recycler ” trop visiblement et systématiquement sur le site les ressources accumulées dans ce centre, trop connotées qu’elles étaient par la dureté et l’intransigeance du conflit. De fait, jusqu’à ce jour, Athélia est restée coupée de ce centre, de ses acteurs et de leur histoire. Il apparaît clairement que la plupart des chefs d’entreprises aujourd’hui implantés sur 354 la zone ne voyaient pas, eux non plus, et ne reconnaissaient pas la ville - du moins jusqu’à une période récente comme un lieu crédible de développement économique. Des ressources, pourtant y avaient été recyclées. Quoique difficilement évaluable, un nombre non négligeable d’ancien salariés du chantier s’est retrouvé employé sur la zone. Et plusieurs d’entre eux s’y sont retrouvés pour y créer leur entreprise. Recyclage de ressources, certes. Continuité, sans doute. Mais aussi rupture puisque, bien souvent ces nouveaux chefs d’entreprises avaient fait partie des réfractaires au mouvement de lutte des anciens et ils venaient se rebondir et se redéployer là, aussi, pour s’éloigner du théâtre de cette lutte et de tous les lieux qu’elle avait connotés. Ce type de disjonction, d’aveuglement, d’ignorance voire de méfiance des protagonistes de la reconversion à l’égard des acteurs et des lieux de l’ancien tissu en crise n’est d’ailleurs pas propre à La Ciotat et d’autres, dans notre équipe de recherche, ont pu l’observer en d’autres lieux, ne serait-ce qu’à Rousset pour ce qui concerne le redéploiement industriel sur l’ancien bassin minier. Et nous l’avons, quant à nous, observé aussi sur la zone d’entreprise de Gémenos. Le Parc d’activités de Gémenos Gémenos et La Ciotat sont-ils encore liés ? Le Parc d’activités de Gémenos fait partie des zones d’entreprises créées pour répondre à la fermeture du chantier naval. Bien que les deux zones d’entreprises aient débuté à la même période, dotés du même dispositif de défiscalisation, le Parc d’activités s’est développé de façon différente des zones d’Athélia. C’est dans la plaine de Jouques qu’a été aménagé le parc d’activités, les industriels et les élus municipaux s’accordant à la fois sur une qualité d’aménagement et sur une dénomination de “ parc ” en vue de faciliter son intégration au village. L’espace a été facilement aménagé (90 000 m² de construction industrielle). Dès 1996 et très rapidement, il a connu un développement rapide et plus important. Il compte désormais 91 établissements et 1445 emplois dont 83% dans le secteur industriel. Très rapidement aussi, une coordination s’est mise en place pour établir des règles de convivialité entre la zone et le village de Gémenos, en particulier sous l’égide d’un syndicat de zone qui a mis en œuvre une série de projets visant soit à résoudre les problèmes d’environnement, de sécurité et de traitement des déchets, soit à créer des services nouveaux (hôtel, restaurant, crèche…), l’ensemble devant contribuer, selon les responsables associatifs locaux à prolonger la “ paix économique et sociale ” sur le site. Description sectorielle du Parc d’activités de Gémenos (effectifs, types d'entreprises…) Nombre d'entreprises par secteur Gémenos 60 40 20 0 1 Industrie Agroalimentaire Industrie Manufacturière et commercialisation Energie Construction BTP Transports Activités financières Activités Immobilières Services aux entreprises Education santé action sociale 355 Au total, en effet, l’observation de ce parc ne révèle ni l’existence de prédispositions à la coopération interentreprise, ni l’urgence d’une coordination plus poussée entre les différentes entreprises. Si elle met en évidence une convention locale entre les acteurs, c’est-à-dire, un ensemble d’attentes réciproques et de réflexes partagés, il s’agit plutôt d’une prédisposition commune des différents acteurs – chefs d’entreprises, élus locaux, milieu associatif – à vivre encore longtemps dans le confort d’une zone propre, prospère, calme, pacifique et bien équipée sans qu’il soit nécessaire de dépasser vraiment le registre de la coexistence sur le site. Et la filiation avec le chantier naval de La Ciotat dont ce parc, entre autres, avait pour mission d’assurer la compensation, y semble largement oubliée aujord’hui. Nombre d'emplois par secteur 3500 3000 2500 2000 1500 1000 500 0 1 Industrie Agroalimentaire Industrie Manufacturière et commercialisation Energie Construction BTP Transports Activités financières Activités Immobilières Services aux entreprises Education santé action sociale A Gémenos, on a oublié La Ciotat et son chantier En effet, les acteurs industriels du Parc d’activités de Gémenos n’ont généralement pas, de la reconversion de La Ciotat, une mémoire précise. Ils savent fort bien s’ils ont ou non bénéficié des exonérations fiscales associées à la création du Parc mais leur mémoire a fréquemment oublié les conditions dans lesquelles ces exonérations ont été associées, à l’origine, à l’impératif de remplacer les emplois supprimés à La Ciotat. Ces acteurs, en effet, ont pris l’habitude d’évoluer sur un site bien doté à tous égards (en fiscalité, en infrastructures routières, en équipements collectifs, en qualité de gestion des réseaux et des déchets, etc), n’ayant jamais connu de cris e grave et entretenant avec les pouvoirs publics locaux des relations fondées sur une même fierté et un même optimisme. La Ciotat, son ancien chantier et son processus de reconversion leurs sont donc largement indifférents. Ils n’en sont pas moins parties prenantes à ce processus. 5. Les liens entre le tissu productif et le territoire Autour de l’ancien chantier naval, immédiatement après sa fermeture, une variété considérable de ressources inscrites jusque là dans le territoire ont été détruites : les liens entre les hommes leurs motivations, leurs projets, leur tension vers le futur, leur capacité de mobilisation collective, leur capacité à transmettre leurs projets et espoirs à leurs enfants, etc. Seuls sont restés : 1.le paysage, 2. la ville 3. les infrastructures et équipements du chantier. Mais ces trois éléments du territoire local ont cessé d’être regardés, informés et construits, aux yeux des habitants de La Ciotat, d’une manière qui leur donne un sens social positif et qui les intègre dans un projet et dans des trajectoires individuelles et collectives. La ville de La Ciotat, construite autour du chantier, a été affectée par le vide social, par l’anomie. Plusieurs suicides ont eu lieu dans les années qui ont suivi. Le site de l’ancien chantier, lui-même, est resté à la fois rempli d’équipements et d'outils et vidé socialement. Il est devenu, pour les investisseurs, comme pour les visiteurs et comme pour les habitants de la ville, un site repoussoir que l’on ne veut plus voir et que l’on ne regarde plus (au sens physique du terme). Il y a 356 eu, en somme, destruction du territoire local en tant que matrice sociale qui informait les activités humaines locales, notamment, l’activité de construction navale. Et les liens nouveaux ou en construction susceptibles de ses développer entre le tissu productif et le territoire local doivent être analysés à la lumière de ce processus initial de destruction. Pour leur part, les composantes de la zone d’entreprise ont été créées dans deux types de lieux : d’une part à Athélia et à Gémenos dans des lieux vierges jusque-là de toute implantation d’entreprises et, d’autre part, à Aubagne dans un espace déjà investi depuis près de trente ans par l’une des plus importantes zones industrielles de la région. Pour les deux premières (Athélia et Gémenos), les entreprises sont venues se juxtaposer les unes aux autres sur des zones créées ex nihilo. Entre les entreprises implantées là au cours des dix premières années, les relations de clients à fournisseurs et liens de coopération se sont peu développés. Les recrutements de salariés se sont faits, pour l’essentiel, à l’extérieur des communes d’implantation (sur 4000 emplois créés, quelques centaines seulement ont été pourvus par d’anciens du chantier naval). C’est dire que les entreprises installées sur ces zones ne se sont pas insérées dans les structures et réseaux sociaux locaux préexistants et qu’elles n’ont pas, non plus, créé sur leurs lieux d’implantation et autour de ces lieux des structures et des réseaux nouveaux. Elles ne se sont pas territorialisées localement. Les entreprises d’Athélia et de Gémenos comme celles, d’ailleurs, d’Aubagne s’insèrent plutôt au niveau de la région métropolitaine aussi bien du point de vue du marché du travail que de celui du bassin des fournisseurs et sous-traitants et, pour une partie d’entre elles, du marché de leurs produits. Elle sont parties constitutives de l’archipel des zones industrielles évoqué plus haut, déployé sur l’ensemble de l’aire métropolitaine marseillaise de Port de Bouc à Manosque en passant par Martigues, Les Pennes Mirabeau, Vitrolles, Les Milles et Venelles, d’Arnavant à Athélia en passant par Aubagne, Rousset, Fuveau, etc. Elles procèdent de ce mouvement qui, voici trente ans, a commencé à faire sortir les entreprises des villes et à partir duquel a commencé à se construire un nouveau rapport entre l’appareil productif et la ville, c’est-à-dire, un nouveau rapport entre l’appareil productif et le territoire : un rapport dans lequel la mobilité des entreprises, la mobilité des hommes, les nouvelles modalités de la vie familiale et de la vie citoyenne ainsi que les nouvelles infrastructures qui en résultent ont commencé à créer un nouveau territoire 6. Quelles transitions du marché du travail ? Avant la fermeture du chantier, l’appareil productif de La Ciotat générait un marché du travail radicalement différencié en deux segments. D’une part, ce qu’il convient d’appeler le marché interne de l’établissement des CNC (de 3000 à 6000 salariés entre le milieu des années 70 et la fermeture de 1986) organisé selon des règles similaires à celles prévalant dans les autres chantiers navals français, construit dans le cadre d’un face à face de type coopération / conflit entre les directions d’entreprises et les grandes organisations syndicales et évoluant en congruence avec les impératifs techniques et économiques de la construction des navires pétrolier, méthaniers ou porte conteneurs. D’autre part, le vaste marché du travail “ externe ” ou “ secondaire ” sur lequel, depuis Fossur-Mer jusqu’à Toulon en passant par Marseille, évoluant sans cesse de l’appareil public de formation technique aux entreprises sous-traitantes et aux grands établissements industriels de l’aire métropolitaine marseillaise, évoluaient les travailleurs professionnels des métiers de la mécanique, de la métallurgie, de la chaudronnerie, de l’électricité, de la menuiserie ou de la manutention. Le premier de ces deux segments, à l’instar de celui qui était associé au chantier de La Seyne, s’effondrait en 1986. Quant au second, “ colonne vertébrale ” de l’appareil productif industriel provençal, il se trouvait, et pour longtemps, fortement altéré. Entre cet ancien système segmenté et la nouvelle structuration du marché du travail, la transition est multiforme, floue, non structurée, non délibérée et tributaire de décisions souvent déconnectées les unes des autres. Cette transition est faite, 1. de l’action de Provence Industrialisation destinée à remplir les zones d’entreprises mais peu soucieuse de reconvertir les salariés de l’ancien chantier, 2. du dispositif de reconversion des salariés pris en charge par diverses cellules sous la tutelle du service public de l’emploi mais largement déconnecté des efforts de ré-industrialisation opérés par ailleurs, et enfin, 3. d’un multitude d’initiatives 357 (associations d’insertion, centres de formation, etc) visant à assumer et à pacifier localement le désespoir de certains éléments de la population ciotadaine dans le cadre d’une sorte de coopération / conflit entre les services préfectoraux et les groupements syndicaux et para-syndicaux nés de la crise. Aujourd’hui, trois types espaces de marché du travail sont observables qui sont sans aucune filiation aucune par rapport à l’ancien système de marché du travail. 1. Le premier est un espace mondial / national : celui sur lequel se recrutent et sont mobiles certaines catégories de salariés (ingénieurs, managers) des secteurs les plus en pointe comme la carte à puce à Gémenos et à La Ciotat ; celui aussi, sur lequel se recrutent et sont mobiles - bien que de manière assez exceptionnelle - certains dirigeants des entreprises de Grande Plaisance du site DIAM. 2. Le deuxième est celui des marchés internes, c’est-à-dire un type d’espace organisé dans une entreprise ou un groupe et à l’intérieur duquel la mobilité et la carrière d’un grand nombre des individus employés se déroulent de manière réglée ; le plus important d’entre eux - celui de Gemplus – étant cependant en voie de désagrégation très avancée ; d’autres pouvant se développer rapidement comme celui de Coframi, 3. Le troisième est le marché du travail régional sur lequel évoluent et se recrutent l’essentiel des salariés qu’ils soient ouvriers, employés ou cadres. L’énoncé de ces trois espaces, cependant, n’épuise pas, à lui tout seul, l’analyse des tendances actuelles structurant le marché du travail. Cette analyse met en évidence le brouillage grandissant des frontières entre l’intérieur et l’extérieur de l’entreprise en matière de mobilisation et de gestion de leurs ressources humaines ainsi que l’importance grandissante que prennent, en la matière, des institutions, métiers ou opérateurs jusque-là relativement marginaux. Il apparaît que les sociétés d’intérim sont de plus en plus présentes dans les entreprises et que, loin de n’y opérer que comme de simples prestataires de services répondant à une commande, elles opèrent de plus en plus, “ en interne ” et comme parties prenantes actives à des domaines particuliers de la gestion des ressources humaines (gestion des contrats de qualification, d’adaptation, autres…). La même observation est faite en ce qui concerne les modalités d’intervention des entreprises sous-traitantes ou de cabinets-conseils chez un certain nombre de donneurs d’ordres. Des sociétés, des petits cabinets ou des individus consultants sont de plus en plus intégrés / insérés / incrustés dans l’entreprise pour y assurer, comme “ en interne ”, des tâches ou des missions particulière de nature, parfois stratégiques (exemple : les plans sociaux de Gemplus). Enfin, l’essaimage continue d’être fréquent dans un certain nombre de grandes sociétés (Gemplus, Coframi, etc). Il peut avoir lieu à chaud ou à froid. Il peut être effectué avec l’intention d’une émancipation définitive mais aussi avec l’espoir du rachat par la “ société matrice ” originelle. Et, dans beaucoup de cas, il y a, là aussi, brouillage de la frontière de l’entreprise du point de vue du lien contractuel entre l’entreprise et les individus. Le marché du travail devient alors à la fois diffus et multi-médiatisé-institutionalisé. Répartition des effectifs en 2001 Nombre de salariés Agriculture Industries agricoles et alimentaires Industries Manufacturières Energie Construction Commerce Transports Activités financiè res Activités Immobilières Services aux Entreprises Administration Education Santé action Sociale 358 Territoire 1 4 Territoire 2 4 Territoire 3 4 Bassin Bassin Marseillais Ouest 6 3 Bassin Est 4 898 299 132 5106 181 601 7057 50 1985 10339 772 770 341 5849 24 6966 44 1732 9325 602 719 312 5397 24 1293 43 528 1491 189 111 88 646 0 13448 1160 13088 37058 15454 11737 7155 33342 15976 6152 493 1408 2526 2579 142 206 2160 232 2992 9 1053 2331 324 162 259 3155 253 3019 2713 552 30806 1014 923 Services aux particuliers 542 495 Autres et Media 938 643 Total 32588 29275 Territoire 1 : Sept communes Territoire 2 : La Ciotat – Gémenos – Aubagne Territoire 3 : La Ciotat 146 265 5488 14121 70 198527 1250 2 18348 1315 0 13381 7. Les dynamiques d’acteurs Pendant les 10 ans qui ont suivi la fermeture du chantier, l'appareil productif et la société ciotadains ont été au centre d'enjeux sociaux et politiques nationaux (le conflit et les révoltes avaient une lourde portée politique régionale et nationale). L'Etat, par ailleurs régulateur séculaire du secteur national de la construction navale et co-responsable des décisions européennes qui avaient organisé le repli de ce secteur, s'était alors fortement investi dans la pacification sociale et dans le rééquilibrage économique locaux. Depuis - c'est-à-dire depuis près de 6 ans - La Ciotat a cessé d'être au centre de tels enjeux. Les entreprises ont afflué, les emplois ont été créés, les ressources fiscales sont rentrées et, même si la société ciotadaine conserve les séquelles du traumatisme, la paix sociale est revenue. A l'image du Parc d'Activités de Gémenos qui évolue (selon notre étudiant Antoine) "comme sur un nuage" tant ces entreprises, ces emplois et ces ressources fiscales sont abondants, le nouveau tissu productif ne pose plus un problème national ni même régional. L'Etat n'éprouve plus le besoin d'intervenir comme dans un secteur / territoire aussi sensible et incertain que Garou, comme dans une opération aussi stratégique et emblématique qu'Euroméditerranée ou comme dans le grand projet mondial ITER. La longue période de transition, trouble, conflictuelle et incertaine, a dû être gérée par le truchement d'une constellation très composite d'institutions ad'hoc. D'une part, des institutions de mis sion vraiment nouvelles constituées sous la tutelle de l'Etat avec des acteurs publics locaux (la Semidep pour DIAM, Provence Industrialisation pour les zones d'entreprises), d'autre part des institutions plus locales et plus classiques comme les cellules de conversions des salariés mises en place par les services déconcentrés de l'Etat avec les entreprises en fermeture et enfin, les nombreuses associations de formation, d'insertion, de pilotage, etc , sans cesse renouvelées ou élargies au gré des évènements du conflit, alimentées par les fonds publics dans le cadre des incessants marchandages entretenus avec les parties prenantes au conflit. Dans cette période de transition, en effet, c'étaient bien, à la fois l'Etat (national et déconcentré) et les groupements locaux parties prenantes au conflit qui occupaient les premiers rôles. Depuis 6 ans que le "remplissage" des zones d'entreprises s'est avéré réussi et que le destin du site DIAM a fait l'objet d'un consensus général, la tension sociale (la fréquence et l'intensité des mouvements sociaux) est retombée. Les protagonistes d'une évolution beaucoup plus paisible - les grandes collectivités locales qui étaient déjà rentrées en scène au cours de la crise - sont devenus les principaux acteurs. Mais, n'ayant à gérer ni de grande crise ni de grands enjeux industriels, n'ayant plus de grands choix stratégiques à opérer et ne subissant plus autant qu'avant la pression d'un Etat central très attentif, ils n'ont plus géré ensemble que le partage de leurs intérêts et l'équilibre de leurs forces. Telle doit être, nous semble-t-il, l'interprétation à donner du relatif attentisme de la Semidep sur le site de DIAM et telle aussi l'interprétation que l'on doit faire de l'absence de réflexion stratégique sur les effets et les enjeux d'un départ, toujours imaginable, d'une partie des établissements Gemplus de Gémenos et de La Ciotat. Hors ces acteurs publics, aucune entreprise - excepté Gemplus - n'opère à La Ciotat / Gémenos / Aubagne, directement ou indirectement, une influence motrice. Hors ces acteurs et cette firme, aucun acteur individuel ou collectif - qu'il soit syndical, politique, professionnel ou citoyen n'apparaît en position d'influence ou de force pour faire émerger, avancer ou accélérer tel ou tel projet (DIAM, Athélia V, etc). Seules sont apparues à nos yeux des formes relativement nouvelles d'acteurs collectifs comme les associations de chefs d'entreprises (celle du SIAM sur le site de l'ancien chantier ou celle d'Athélia Entreprendre). Ces acteurs collectifs n'ont encore que peu d'influence auprès des décideurs publics quels qu'ils soient. Dans un appareil productif très atomisé et cloisonné qui a quasiment cessé d'être polarisé autour d'un petit nombre de grands donneurs d'ordres, dans des processus de normalisation de plus en plus incontournables et de plus en plus techniques, ces acteurs collectifs apparaissent cependant, aujourd'hui, comme des médiations 359 nouvelles incontournables, complémentaires de celles qui peuvent être proposées par les organismes professionnels déjà existants, par exemple en matière de normes de qualité, d'hygiène et de sécurité, etc. Conclusion Quel est le processus de transition à l'œuvre ? Depuis la fermeture du chantier naval, la Ciotat et ses environs ont connu une mutation profonde. Ces mutations se lisent sur plusieurs plans. C'est bien un processus de rupture. Certes, sur le site DIAM, diverses ressources associées à l'ancien chantier naval (infrastructures, outillage, activité maritime, imaginaire maritime, quelques anciens salariés) ont bien été "recyclés". Certes, à Athélia et Gémenos / Aubagne, quelques centaines de salariés de cet ancien chantier ont été réembauchés. La transition n'en a pas moins été une rupture radicale aux différents points de vue : a) du rôle régulateur de l'Etat qui était essentiel dans la branche construction navale française et qui est aujourd'hui devenu secondaire, b) dans l'occupation de l'espace puisque l'essentiel de la reconversion (du moins du point de vue quantitatif) s'effectue sur les vastes zones d'activités d'Athélia, de Gémenos et d'Aubagne, c) dans la composition sectorielle des nouvelles activités, très diverses et sans lien aucun avec l'ancienne construction navale, du moins pour ce qui concerne la zone d'entreprise (le positionnement sectoriel du site DIAM est nettement plus proche de l’ancienne activité mais d'une nature technologique, organisationnelle et économique complètement différente), d) dans les modalités de la régulation sociale très massive, compacte, régulée, stabilisée et lourdement médiatisée par le syndicalisme dans l'ancienne activité navale, et beaucoup plus éclatée, flexible, dépourvue de régulation collective apparente dans les nouvelles activités (si l'on excepte la régulation naissante sur le site DIAM), c) dans la façon dont la population locale en général et les salariés en particulier se projettent dans le futur : dans l'ancien tissu productif, ils se projetaient dan une sorte d' “ éternité ” de la grande construction navale alors que désormais, après la longue phase de désillusion ou de désespoir, ils projettent leur avenir ailleurs qu'à La Ciotat sans toujours voir ce qui s'y passe effectivement. par lesquels on vient de définir la rupture. Mais on doit aussi y ajouter un autre type de considérations : l'éclatement se manifeste de deux manières. D'une part le site DIAM (activités de Grande Plaisance) est très confiné sur une portion du territoire, au centre de la ville dont il reste le centre géographique (sans que les ciotadains le "voient" vraiment). D'autre part, les trois portions de la zone d'entreprises (Athélia, Gémenos et Aubagne), très extérieures à la ville et largement indépendantes de ses fonctions, sont désormais insérées dans l'archipel multipolaire des zones d'activités de la région provençale et plus particulièrement de l'aire métropolitaine marseillaise. Géographiquement éclaté en quatre zones, le nouvel appareil productif se développe donc, en outre, selon une partition assez radicale en deux segments : a) le premier (DIAM) confiné, autocentré, branché sur des espaces physiques, humains et marchands continentaux et mondiaux et, 2. le second (la zone d'entreprise) éclaté et, désormais, complètement "métropolisé". C'est un processus fortement institutionnalisé ou, du moins, fortement médiatisé par les institutions. Sur le premier des deux sites, la Société d'Economie Mixte créée en 199X (la Semidep) est essentiellement l'expression d'un consensus / rapport de forces entre le Conseil régional, le Conseil général des Bouches du Rhône, la Communauté urbaine de Marseille-Provence et l'Etat. Sur le second, le dispositif des zones d'entreprises et l'action de la société Provence Industrialisation qui eurent cours à la fin des 80's et au début des 90's ont été davantage, pour leur part, l'expression des intérêts (cohésion sociale, perspectives électorales, aménagement du territoire) de l'Etat national. Mais, au fil des années, la dimension institutionnelle des deux composantes du processus s'est conjuguée avec d'autres dimensions. Dans le premier cas (DIAM), le processus institutionnalisé (et politisé) par le moyen de la Semidep s'est trouvé conjugué avec un processus inattendu de nature entrepreneuriale par lequel diverses formes de coordination entre les entreprises de Grande plaisance ont vu le jour. Dans le deuxième cas (zone d'entreprises), le processus institutionnel mis en place, une fois disparu, a cédé la place à une évolution qui n'était médiatisée que par l'action des collectivités locales : une action qui n'était guère plus qu'une action d'accompagnement tant la capacité de cette zone à accueillir les implantations nouvelles d'entreprises était forte. La question aujourd'hui posée est alors de savoir si les nouvelles formes d'impulsion et de coordination –marchandes, entrepreneuriales - seront suffisamment efficientes pour relayer les anciennes formes institutionnalisées. 360 C'est un processus politiquement informé et encadré et, de ce point de vue-là, on en revient à l'un des thèmes de la rupture. La longue histoire du grand chantier de construction navale n'avait été possible que par la régulation étatique du secteur de l'armement maritime et de la construction navale français. Et c'est d'ailleurs la rupture opérée par l'Etat dans les principes de cette régulation qui avait provoqué la fermeture des trois chantiers de la société Normed. Après les cinq années de "transition à chaud" - le grave conflit au sujet du destin du site de l'ancien chantier et l'action rapide de Provence Industrialisation - le relais des incitations, coordinations et stratégies étatiques a été pris, progressivement, par les grandes collectivités locales que sont le Conseil régional Paca, le Conseil général des Bouches du Rhône et la Ville de La Ciotat puis la Communauté urbaine de Marseille Provence Quels risques dans l'avenir pour la Ciotat et ses environs ? ? La tension sur le marché des actifs fonciers et les conflits d’usage du territoire qui en résultent aujourd’hui font peser sur La Ciotat et ses environs un risque de re-composition sociologique qui n’est peut-être pas suffisamment analysé encore et qui n’est pas du tout maîtrisé. 361 La Ciotat Gardanne/Rousset Vaucluse STATUT DE LA MAIN D OEUVRE Cadre supérieurs 186 66 5% 7,5% Cadres 1382 101 intermédiaires 36,5% 11,5% Techniciens 513 307 13,5% 35% Ouvriers 1166 198 qualifiés 31% 23% Ouvriers 120 126 opérateurs 3% 14% Employés 310 63 8% 7 ,5% Apprentis 123 13 stagiaires 3% 1,5% TOTAL 3800 874 100% 100% NIVEAU DE FORMATION Niveau 4 1005 223 28% 28% Niveau 3 428 125 12% 16% Niveau 2 440 308 12% 39% Niveau 1 1748 135 48% 17% TOTAL 3621 791 100% 100% Grasse 75 6% 100 8% 126 9% 185 14% 505 38,3% 314 24% 9 0,7% 1314 100% 60 7,5% 129 16,5% 164 21% 147 18% 70 9% 210 26% 10 1% 790 100% 169 50% 60 18% 53 16% 53 16% 335 100% 68 37% 57 30% 28 15% 34 18% 187 100% ? Le tissu de la Ciotat, comme nous pouvons le voir dans les analyses statistiques, est constitué par un nombre important de petites entreprises, qui créent sa dynamique. Cette mixité entre grandes entreprises et tissu de petites et moyennes entreprises a permis au tissu productif de La Ciotat de se maintenir ces dernières années. Une question cruciale est donc la façon de maintenir sur un même territoire des entreprises de tailles différentes en incitant à des articulations entre elles. Au-delà des tailles et des secteurs d’activité on peut observer des logiques d’entreprise variées dont les interactions, souvent peu formalisées, permettent l’émergence de dynamiques locales. Une des questions posées aujourd’hui –en particulier sur le site DIAM de l’ancien chantier - est de savoir comment ne pas rompre ces dynamiques tout en professionnalisant les entreprises. ? On observe aussi une certaine difficulté pour constituer un marché du travail et de la formation cohérent. La Ciotat souffre encore d’une image “ négative ” liée aux années d’occupation du chantier. De plus la diversité du tissu rend difficile l’évaluation des besoins en termes de compétences (bureautique, communication, qualité…), les tailles critiques ne 362 sont pas forcément atteintes pour monter des formations en adéquation aux besoins, de plus le manque de liens entre les entreprises d’Athélia renforce cette difficulté. Les responsables d’entreprises ont de grandes difficultés à formuler leurs besoins en termes de formation, confondant souvent le cœur de métier de l’entreprise en termes de compétences requises avec l’activité elle-même. Elles identifient mal les raisons qui expliquent leurs difficultés à trouver du personnel. ? Nous avons observé l’émergence d’un certain nombre d’acteurs privés qui s’organisent sous forme associative. La dynamique associative permet d’ouvrir un dialogue plus intense avec les acteurs institutionnels locaux. Il nous a semblé, cependant, que cette dynamique privée n’était pas suffisamment encouragée, parfois démobilisée par des intérêts institutionnels éloignées des préoccupations quotidiennes de chefs d’entreprise, ces derniers manifestant parfois leur impression de perdre du temps. Il semble que la constitution d’un acteur privé solide soit à encourager. Nous avons pu l’observer sur la zone de Gémenos, où le syndicat de zone travaille main dans la main avec la mairie. ? Jusqu’à la fermeture du chantier naval, la ville-usine ciotadaine était une composante du chapelet des villeusines ou des ville-chantiers françaises échelonnées sur le littoral national depuis Dunkerque jusqu’à Toulon en passant, notamment, par Saint Nazaire. Elle était plus encore une des composantes du chapelet de villeschantiers échelonné sur le littoral provençal depuis Port de Bouc jusqu’à Toulon (l’Arsenal) en passant par Marseille et La Seyne. Entre ces différentes villes-chantiers, il n’y avait pas véritablement de concurrence sauf en certaines périodes de crise comme celle de la fin des années 70 au cours de laquelle on évoqua parfois la perspective de fermeture de l’un ou l’autre des établissements de La Seyne et de La Ciotat. Entre les uns et les autres, existaient plutôt diverses formes de complémentarités. Avec l’effondrement du groupe Normed, ces complémentarités s’effondrèrent aussi. Lorsqu’à l’unicité de l’ancien appareil productif a succédé une pluralité de sites et de processus productifs, la géographie politique a sans doute changé. Mais ce changement s’est opéré de manière séquentielle et plurielle. Les zones d’entreprises ont-elles été ou sont-elles aujourd’hui en situation de concurrence ? Athélia, Gémenos, Aubagne et Signes (zone d’entreprise associée à la reconversion du chantier naval de La Seyne) sontelles en compétition ? On peut dire que non. D’une part, leurs créations se sont effectuées dans une période marquée par une relative pénurie de ressources foncières disponibles pour l’accueil des activités productives dans l’aire métropolitaine. Elles étaient donc à priori attractives. Dotées du statut fiscal que l’on sait (notamment exonération de l’impôt sur les bénéfices pendant dix ans), leur attractivité était décuplée. N’attirant que des sociétés anticipant des bénéfices à court et moyen terme, leur composition s’avérait d’autant plus attractive encore. Entre des zones ainsi favorisées, la concurrence n’exista pas vraiment. La concurrence, en revanche, existait bien entre ces zones d’entreprises et les autres zones d’activité de l’aire métropolitaine nettement moins bien dotées ; le problème étant moins celui de l’exode des entreprises des unes aux autres (peu important) que celui de l’attraction auprès des nouveaux investisseurs. Avec l’intégration de La Ciotat dans la Communauté urbaine de Marseille Provence, la question de la concurrence entre zones et entre villes ne se pose plus de la même manière. Elle peut se poser en termes de dynamique productive, de dynamique de création d’emplois ou encore d’image des territoires mais plus comme avant en termes d’attraction des ressources fiscales. Elle peut se poser surtout, désormais, en terme de stratégie métropolitaine de développement. Cette nouvelle manière de poser les problèmes se manifeste aujourd’hui, à La Ciotat, de deux manières au moins. D’une part, dans les réponses données par la Communauté urbaine à la demande faite par la ville de La Ciotat d’étendre encore la zone d’Athélia (création d’Athélia V) : la Communauté se trouve en position d’arbitrage. D’autre part, dans les débats actuels entre acteurs publics locaux en ce qui concerne la création - à Marseille et à La Ciotat - d’équipements lourds affectés à la réparation et la maintenance des navires de Grande Plaisance : la Communauté ne saurait se substituer aux principaux financeurs que sont les Conseils régional et général mais elle se trouve, ici, aussi, dans une position d’influence. Car, dans ce deuxième cas, il existe bien une compétition – non dite ou peu dite – entre La Ciotat et Marseille. 363 En somme, l’Etat a cessé d’être, à La Ciotat, le régulateur et l’arbitre. Les Conseils régional et général continuent, comme aux premiers jours de la crise, de gérer directement ou indirectement le “ cœur ” très sensible du dossier que constitue l’avenir du site DIAM de l’ancien chantier. La Communauté urbaine de Marseille Provence gère un nombre grandissant de dossiers et d’arbitrages en matière d’aménagement du territoire et d’organisation urbaine. Tout cela n’empêche pas l’apparition ou la pérennisation de situations de concurrence entre villes, entre sites et entre groupements d’acteurs associés à ces villes et à ces sites. Une question, cependant, peut être posée : la régulation grandissante de l’aménagement du territoire par les acteurs publics locaux, tout en atténuant des situation de concurrence excessives ou inutiles, ne contribue-t-elle pas parfois, à inhiber, précisément, certaines initiatives locales ? 364 Bibliographie indicative ABYSSE France, Comité départemental du tourisme du Var / AFIT, Etude de faisabilité pour le développement de l’activité Grande plaisance dans le département du Var, Rapport, 1997 BATAILLE Maurice, Le pari de l’industrialisation, La Ciotat / La Seyne, MARTIN Ed , Ed Syros, 1997 CAUNE Alexandra, La reconversion des salariés du chantier naval de La Ciotat : trajectoires et transférabilité des qualifications (sous la direction d’Annie Lamanthe), Mémoire pour le DEA d’Economie et de sociologie du travail et de l’emploi, LEST-UMR / Faculté des Sciences économiques et de gestion, Université de la Méditerranée, octobre 2002 DOMENICHINO Jean, Une ville en chantier, Edisud, 1989 GARNIER Jacques, Construction et réparation navales en Provence Alpes Côte d'Azur, Rapport de recherche, ITRES, Université Aix-Marseille II, mars 1977 GARNIER Jacques, La crise de la construction navale dans l’économie et la société provençales, Industries en Provence, n°6, 2000 HOARO Charles, La Ciotat, chronique d’une rébellion, Ed Messidor, 1992 LEBAHY Yves, De la ville-port au pays maritime : un possible contre modèle d’aménagement, in Beauchard J., L’Europe des mers, pour une géographie de l’unité européenne, Ed L’Aube, 2000 MASSOT Christophe, Travail et coopération, adhésion et contrainte, Etude du cas de l’entreprise Gemplus (sous la direction de Paul Bouffartigues), Mémoire pour le DEA d’Economie et d’Economie et de sociologie du travail et de l’emploi, LEST-UMR / Faculté des Sciences économiques et de gestion, Université de la Méditerranée, septembre 2003 MDER, La réparation Grande plaisance en PACA, Etat des lieux, Rapport, juin 2003 MERCIER Delphine et GARNIER Jacques, La figure du marin créateur d’entreprise, Communication aux Journées de Sociologie du Travail, novembre 2003 POITOU Jean-Pierre, Le cerveau du navire, la conception assistée par ordinateur à La Seyne et à La Ciotat, recherche historique et psychologique sur deux bureaux d’études de la construction navale de la façade méditerranéenne, Rapport de recherche, juillet 1988 SANINO Stéphanie, Le nouveau port de plaisance de La Ciotat, entre une reconversion économique et une reconfiguration des acteurs locaux (sous la direction de J. Garnier et D. Mercier) Direction d’étude pour le DESS de Droit Economie des collectivités locales, option Economie, Centre d’Economie Régionale, Faculté de Droit et de Sciences Politiques, Université Aix-Marseille III, octobre 2003 VESCHI Antoine (sous la direction de J. Garnier et D. Mercier) Le Parc d’activités de Gémenos au sein du dispositif zones d’entreprises : un territoire privilégié ?, Direction d’étude pour le DESS Droit Economie des collectivités locales, option Economie, Centre d’Economie Régionale, Faculté de Droit et de Sciences Politiques, Université Aix-Marseille III, octobre 2003 365 Annexe 1 - Fiche statistique de la zone de LA CIOTAT 374 1. Délimitation de la zone d’étude 1.1. Définition de la zone Nous avons recueilli les données sur sept communes limitrophes : les communes sont constituées par trois villes importantes et quatre secondaires à tendance péri urbaines et touristiques : Aubagne, La Ciotat, Gémenos, Cassis, Ceyreste, Roquefort la Bédoule, Carnoux en Provence Actuellement Six d'entre elles appartiennent à la Communauté Urbaine de Marseille (mis à part Aubagne). Nous appellerons Territoire 1 : Aubagne, La Ciotat, Gémenos, Cassis, Ceyreste, Roquefort la Bédoule, Carnoux de Provence Territoire 2 : Aubagne, la Ciotat, Gémenos Territoire 3 : La Ciotat 1.2. Caractéristiques générales Nous pourrions considérer que ce territoire constitue l'Est marseillais pourtant nous allons tenter un découpage un peu différent qui s'articule autour des activités économiques. - Un pôle d'industrie lourde lié à Marseille et à l'ouest marseillais (La Ciotat, Gémenos, Aubagne) Un pôle électronique lié à Gardanne/Rousset (La Ciotat (Athélia), Gémenos) Un pôle Zone d'activité commerciale qui s'inscrit dans un développement récent des années 80 (Aubagne – La Ciotat) Un pôle autour des activités de plaisance et de tourisme (lié au Var jusqu'en Italie et plus largement le croissant exclusivement méditerranéen – La Ciotat – Cassis) Un pôle de services aux entreprises (Gémenos et La Ciotat) 2. Caractéristiques démographiques de la zone 2.1. La population totale Augmentation de la population sur le bassin Est (+ 6%) si on retire la ville d'Aubagne principalement liée à l'accroissement la population des plus de 65 ans (+ 27,8%) qui représente en 1999 20% de la population totale. Un mouvement de vieillissement est particulièrement marqué dans les villes de la Ciotat et de Cassis. Si l'augmentation de la population des plus de 65 ans est générale, certaines communes montrent également une évolution des 20-65 ans. Ainsi les communes de Ceyreste et de Roquefort la Bédoule font l'objet d'une augmentation supérieure à 13%, Carnoux en Provence de 6 à 13 % et Gémenos moins de 3%. Tableau 1 - Population totale en 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Territoire 1 Démographie Population 1982 92188 1982-90 Taux d'évolution global en % Solde naturel Solde migratoire Tx de natalité Tx de mortalité 1990 98241 1999 103165 1990-99 0,8 0,2 0,6 12,5 10,6 0,54 0,1 0,44 11,7 10,7 375 Structure d'âge Ensemble 0 à 14 ans 15 à 29 ans 30 à 44 ans 45 à 59 ans 60 à 74 ans 75 à 94 ans 95 ans et plus Nombre H %H 49771 8735 9565 10579 10114 7462 3267 49 Nombre F %F 100 17,6 19,2 21,3 20,3 15 6,6 0,1 53376 8221 8963 11146 10864 8493 5522 167 Territoire 3 Territoire 2 Territoire 1 Population totale en 1999 Evolution 90-99 Due au solde migratoire 31630 79753 103165 +0.36 +0.30 +0.43 +0.32 +0.54% +0.44 Part des moins de 30 ans 31,6 % 34,6 % 34,4 % Part des plus de 60 ans 27,8 % 24,4 % 24,2 % 100 15,4 16,8 20,9 20,4 15,9 10,3 0,3 2.2. Ancienneté et type de la résidence Globalement, les habitants du BM habitent depuis plus longtemps sur la zone que les référents. Les différenciations sont faibles entre les communes du BM considérées, on note des installations plus récente dans PRF qu’ailleurs. Tableau 2a - Ancienneté de la résidence 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Territoire 3 Effectif Effectif % Territoire 1 Effectif % Ménages ayant emménagé depuis moins de deux ans 1789 13.3 4753 14.7 5938 14.3% .Ménages ayant emménagé depuis 2 à 9 ans 4710 34.9 11374 35.3 14810 35.6% .Ménages ayant emménagés depuis plus de 9 ans 6980 51.8 16110 50.0 20824 50.1% Ensemble 376 % Territoire 2 13479 100.0% 32227 100.0% 41572 100.0% Tableau 2b - Logements 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Territoire 3 Effectif Résidence Principales Evolution 90-99 13479 Ensemble de logements 18194 13,6 % 100.0% Territoire 2 Effectif Evolution 90-99 32227 38470 Territoire 1 Effectif 13,1% 100.0% 41572 50196 Evolution 90-99 13,9% 100.0% 2.3. Population résidente Tableau 3a - Ménages selon la CSP de la personne de référence 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Territoire 1 Ensemble Agriculteurs Artisans commerçants chefs d'entreprise cadres professions intellectuelles sup Professions intermédiaires Employés Ouvriers Retraités Autres sans activité pro 1999 Nombre % Evolution Population des Nombre de 90-99 % ménages personnes par ménage 13,9 100710 2,4 -9,9 492 3,2 2 7052 3 41571 155 2341 100 0,4 5,6 3893 9,4 8,3 11394 2,9 5732 5797 6350 13378 3925 13,8 13,9 15,3 32,2 9,4 21,6 37,8 -7,9 14,9 31,2 16079 14655 19130 24920 6988 2,8 2,5 3 1,9 1,8 377 Territoire 3 % .Agriculteurs .Artisans, commerçants, chefs d’entreprises .Cadres, professions intellectuelles supérieures .Professions intermédiaires .Employés .Ouvriers .Retraités .Autres sans activité professionnelle Ensemble Territoire 2 Evol 90- % 99 en % Evol 9099 en % Territoire 1 % Evol 90-99 en % 0.2 -22.2 0.4 -17.9 0.4% -9.9 5.0 -2.9 5.1 +1.5 5.6% +2.0 7.4 +29.0 8.2 +9.1 9.4% +8.3 11.9 12.3 16.2 35.8 +31.0 +38.9 -9.0 +11.6 13.0 14.2 16.8 32.6 +18.0 +35.2 -6.0 +14.2 13.8% 13.9% 15.3% 32.2% +21.6 +37.8 -7.9 +14.9 11.2 +24.3 9.7 +29.2 9.4% +31.2 13480 (100) +13.7 32219 (100) +13.0 41751 +13.9 (100) La population de la Ciotat a beaucoup changé en 10 ans on note surtout l’évolution du nombre de cadres, des professions intermédiaires et employés. Par rapport aux autres villes limitrophes c’est la Ciotat qui a connu la plus forte transition « démographique » en termes de catégorie sociale professionnelle. Tableau 3b - CSP au lieu de résidence (population de 15 ans ou plus) 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Territoire 1 Ensemble Agriculteurs Artisans commerçants chefs d'entreprise Cadres professions intellectuelles sup Professions intermédiaires Employés Ouvriers Retraités Autres sans activité pro 378 1999 Evolution 9099 en % 86130 5,9 233 -15,6 3340 -1,5 5403 14,4 10252 19,3 15544 23,3 9687 -13,5 19803 14,2 21868 -5,9 2.4. Evolution de la population active. Tableau 4 - Population active 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Population active totale en 1999 Territoire 3 Territoire 2 13376 34836 45136 +6.1 +7.3 18.2% 17.2% +8.2 +9.2 Evolution 90-99 Part des demandeurs d’emploi en 1999 +6.9 Evolution 90-99 -7.4 21.1% Territoire 1 Encore une fois pour la Ciotat une exception est visible en termes de dynamique d’emploi la part du chômage reste élevée mais l’évolution du nombre de chômeurs est négative alors qu’elle reste positive dans les villes limitrophes cette baisse concerne plus particulièrement les jeunes. 2.5. Lieu de résidence et lieu de travail Sur le secteur EST 50% des personnes travaillent et résident au sein du bassin, les autres habitants travaillent principalement sur le pôle d'activité de Marseille. Tableau 5 - Lieu de résidence - lieu de travail en 1999 (actifs ayant un emploi) Source : Portrait de Territoire, Insee. Territoire 3 % .Travaillent et résident dans la même commune . Travaillent et résident dans deux communes différentes : de la même unité urbaine du même département - de départements différent Ensemble Territoire 2 Evol 9099 en % % Evol 9099 en % Territoire 1 % Evol 9099 en % 52.8% +1.8 51.0% -4.1 45.3% -4.5 47.2% +35.1 49.0% +19.8 54.7% +20.1 12.9 +187.0 60.1 +13.4 43.6% +14.2 84.5 +37.7 91.2 +19.3 37.6% +19.9 15.5 10515 (100) +22.5 +15.2 8.7 28407 (100) +25.0 +6.3 7.0% 37250 100.0% +22.8 +7.6 379 2.6. Le revenu Tableau 6 - Revenu net imposable moyen en Euros, en 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Territoire 3 Territoire 2 Territoire 1 12779 13611 14665 Le revenu de l’ensemble du territoire est inférieur à la moyenne régionale. On constate que La Ciotat semble être la zone qui dispose d’un revenu net par tête le plus bas de toute la zone. L’ajout de commune périphériques et plus résidentielles (Cassis, Roquefort la Bédoule, Carnoux …) peut expliquer l’augmentation du revenu net moyen de la zone. 2.7. Le chômage Le bassin Est en 1999 a un taux de chômage moyen de 17,4%. Les communes les plus touchées sont la Ciotat (21,1%) et Cassis (15,2%). Le taux de chômage dans chacune des autres communes est inférieur à 15%. Inégalité entre les hommes et les femmes 12,1% pour les femmes et 10,9% pour les hommes. 380 3. Caractéristiques socio-économiques de la zone 3.1. Les caractéristiques de l’emploi 3.1.1. Niveau de formation Le niveau de qualification est fortement corrélé au taux de chômage surtout pour la Ciotat. La principale commune d'habitation des bénéficiaires du RMI dans le bassin Est est la Ciotat (1019 bénéficiaires soit 70% des bénéficiaires du bassin EST). Tableau 7 - Niveau de formation au lieu de résidence (population non scolarisée 15 ans et +) 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Territoire 3 Territoire 2 % % Evol 90-99 en % Evol 90-99 en % Territoire 1 % Evol 9099 en % .Titulaire : - d’aucun diplôme - du CEP - du BEPC - du CAP ou BEP - du BAC ou BP - d’un diplôme de BAC+2 - d’un diplôme de niveau supérieur Ensemble 21.6% 16.7% 9.3% 25.7% 11.2% -30.7 -9.7 +24.8 +25.0 +21.0 21.3% 16.3% 9.2% 24.8% 12.2% -27.5 -11.1 +12.7 +25.6 +24.3 19.7% 15.5% 9.6% 24.1% 13.1% -28.5 -12.3 +15.1 +27.8 +21.5 7.9 +111.4 8.4% +68.5 8.9% +62.7 7.6 24623 (100) +96.7 +5.9 7.9% 60417 (100) +88.8 +5.8 9.2% 77951 100.0% +90.2 +7.0 3.1.2. Principales formes d’emploi des salariés Tableau 8 - Principales formes d’emploi des salariés, lieu de résidence 1999 Source : Portrait de Territoire, Insee. Territoire 1 Forme d'emplois des salariés Ensemble CDI CDD Intérim Emploi aidé Apprentissage - stage Titulaires fonction publique Nombre H Part % H Nombre F Part % F 17524 100 14986 11201 63,9 8745 1384 7,9 1441 279 1,6 73 281 1,6 565 485 2,8 272 3894 22,2 3890 100 58,4 9,6 0,5 3,8 1,8 26 381 Territoire 3 Effectif Territoire 2 % Effectif % .CDI .CDD .Intérim Emploi aidé Apprentissage, stage Titulaires fonction publique 5623 936 126 362 241 61.0 10.2 1.4 4.0 2.6 15379 2237 315 694 607 61.0 8.9 1.3 2.8 2.4 1926 21.0 5962 23.7 Ensemble 9214 Territoire 1 Effectif 19946 2825 352 846 757 7784 25194 % 61.4% 8.7% 1.1% 2.6% 2.3% 24.0% 32510 La ville de La Ciotat est la zone où les formes d’emplois temporaire sont les plus élevées de tout le territoire, notamment avec un recours au CDD et aux emplois aidés relativement plus important. 3.1.3. Statuts au lieu de travail Tableau 9 - Statuts au lieu de travail en 1999 - Source : Portrait de Territoire, Insee. Territoire 3 Territoire 2 % % Territoire 1 . Salariés dont : - femmes -temps partiel 87.3 Evol 90-99 en % +33.6 43.9 19.0 +40.0 +88.3 40.5 17.0 +40.1 +102.3 40.2% 17.3% +41.0 +104.7 . Non salariés dont : - femmes -temps partiel 12.7 -12.2 10.0 +0.9 11.1% +3.2 4.3 0.9 8516 (100) +1.7 -28.6 +25.3 3.2 0.8 34504 (100) +1.7 3.6% +7.4 1.0% +32.8 39332 100.0% +1.2 +7.9 +32.0 Ensemble % 90.0 Evol 90-99 en % +37.7 Evol 9099 en % 88.9% +36.8 L’évolution des statuts au travail du territoire concerné (en pourcentage on retrouve les mêmes proportions) par contre en termes d’évolution le territoire a une tendance inverse à celle de la région PACA. (rattrapage d’un retard !) Ce qui correspond à l’augmentation des catégories supérieures sur le territoire et augmentation du pourcentage de femmes non salariés. A nouveau semble faire exception dans le territoire le temps partiel des femmes a beaucoup baissé alors qu’il a augmenté dans les villes limitrophes. Par contre le nombre de salariés a fortement augmenté dans le territoire. 382 3.1.4. Les emplois par CS au lieu de travail Tableau 10 - Emplois au lieu de travail en 1999 par catégorie socioprofessionnelle – Source : Portrait de Territoire, Insee. Territoire 3 Effectif .Agriculteurs exploitants .Artisans, commerçants et chefs d’entreprises .Cadres, professions intellectuelles supérieures .Professions intermédiaires .Employés .Ouvriers Ensemble en % Territoire 2 Effectif en % Territoire 1 Effectif en % 36 0.4% 187 0.5% 231 0.6% 723 8.5% 2283 6.6% 2910 7.4% 1074 12.6% 4319 12.5% 4286 12.3% 2048 2663 1972 8516 24.0% 31.3% 23.2% 100.0% 8506 11278 7931 34504 24.7% 32.7% 23.0% 100.0% 9549 12807 9009 39332 24.3% 32.6% 22.9% 100.0% On constate une bonne homogénéité de l’ensemble du territoire dans la répartition des emplois par CS au lieu de travail. On note toutefois la prédominance des artisans /commerçants /chefs d’entreprises pour la ville de La Ciotat. 3.2. Les caractéristiques de l’activité économique 3.2.1. Les emplois par secteur d’activité de la population travaillant sur la zone Sur le bassin EST seule la commune de Ceyreste montre une diminution de l'emploi. A contrario les communes de la Ciotat et Gémenos indiquent une augmentation de l'emploi de plus de 100 entre le 1er janvier 1999 et le 1er Janvier 2000, tandis que les communes de Cassis, Carnoux en Provence et Roquefort la Bédoule montent une augmentation annuelle comprise entre 2à et 100 emplois. On note sur le Bassin Est une dynamique de création d'emplois particulièrement forte, en effet si on considère la période de 1996/2000 on compte 10638 emplois en 1996 et 13381 en 2000, soit une augmentation de +25,8% en 4 ans tandis que le secteur de Marseille augmente sur cette même période son nombre d'emplois de +4,7% et le Secteur Ouest de +1,9%. Quand on parle du bassin EST on écarte systématiquement la ville d'Aubagne. Tableau 11 - Emplois au lieu de travail en 1999 par secteur d’activité Source : Portrait de Territoire, Insee. Emplois au lieu de travail par secteur Ensemble Agriculture Industrie Construction Tertiaire dont commerce dont services aux entreprises dont services aux particuliers 1999 Nombre 39332 592 6903 2206 29631 7774 4921 2716 % 100 1,5 17,6 5,6 75,3 19,8 12,5 6,9 383 3.2.2. La composition du tissu productif A la première lecture le résultat le plus frappant c'est que la Ciotat est au cœur de ces quatre développements elle demeure ancrée dans un tradition industrielle lourde, elle développe pourtant de façon importante des pôles de haute technologie (électronique , matériel médical), elle n'en demeure pas moins une zone d'activités avec une multitude de petites entreprises de commerce, de construction et de réparation. Et elle développe aussi un pôle de plaisance et tourisme non négligeable. Un résultat frappant est la différence qui persiste entre ces trois villes : Aubagne est une ville constituée par un tissu dense de petites entreprises, Gémenos est une ville qui a circonscrit son activité économique autour d'un parc où les entreprises sont essentiellement des entreprises de production elles sont moins nombreuses mais les emplois sont très important c'est un tissu plus maîtrisé. Et la Ciotat est un tissu d'entreprises très important (plus instable) et extrêmement diversifié. Tableau 12 - Etablissements actifs sur la zone au 01.01.2000 Source : Portrait de Territoire, Insee. Etablissements actifs au 1er Janvier 2001 Ensemble Industrie dont IAA Construction Commerce et réparations Autres services dont services aux entreprises dont services aux particuliers dont éducation, santé, action sociale Nombre d'établissements 0 salarié ou 1 à 9 10 à 49 effectif Salariés salariés inconnu Ensemble Nombre % 6261 678 146 640 1914 3029 865 778 1035 100 10,8 2,3 10,2 30,6 48,4 13,8 12,4 16,5 2001 Nombre d'entreprises Nombre d'emplois Aubagne Taille des unités < 10 Salariés 10 à 49 Salariés 50 à 99 Salariés 100 à 199 Salariés 200 à 499 Salariés > 500 Salariés Aubagne 384 3040 212 41 259 797 1772 412 320 834 2703 315 84 337 975 1076 350 425 173 Gémenos 1691 17818 433 126 19 38 122 147 82 30 21 la Ciotat 252 5969 La Ciotat 1334 303 38 15 5 1 1696 Ensemble 50 salariés évolution 1993-2001 ou plus en % 778 5488 Gémenos 681 81 11 2 3 0 778 155 81 9 2 3 2 252 85 25 2 6 20 34 21 3 7 14,5 2,7 -2 -1,1 9,7 25,4 50,7 14,2 19,2 Sur la zone définie % Aubagne Gémenos La Ciotat Cassis Ceyreste Roquefort la Bédoule Carnoux en Provence Emplois 54,67% 18,31% 16,84% 5,75% 0,58% 2,12% 3,40% 101,67% N° Unités 51,97% 7,72% 23,84% 8,76% 1,04% 2,48% 4,16% 99,97% Tableau 13 - Etablissements actifs suivant la taille au 01/01/2000 Source : Portrait de Territoire, Insee. Ciotat (territoire 3) 0 sal .Industrie dont : IAA .Construction .Commerces et réparations .Autres services dont : services aux entreprises services aux particuliers éducation, santé, action sociale Ensemble Ciotat-Gémenos-Aubagne (territoire 2) 0 sal 1-9 10-49 1-9 10-49 + 50 + 50 55 72 24 6 160 268 122 22 11 74 23 73 4 7 0 1 27 215 61 220 18 38 2 3 244 476 216 283 15 20 2 6 662 1324 784 816 105 123 17 32 109 92 72 121 14 3 3 0 302 239 282 298 70 24 22 2 212 849 56 644 1 66 2 15 625 2361 141 2088 13 388 6 74 L’augmentation la plus nette pour la Ciotat est celle qui concerne les services et en particulier les services aux entreprises. Bien sûr quand on élargit la zone aux deux villes de Aubagne et Gémenos on voit que l’industrie a augmenté (Gémenos) et que les activités de commerce et réparations propres à Aubagne également. 385 Tableau 14 - Etablissements Taux de création en 2000 Source : Portrait de Territoire, Insee. Territoire 3 .Industrie dont : IAA .Construction .Commerces et réparations .Autres services dont : services aux entreprises services aux particuliers éducation, santé, action sociale Ensemble Territoire 2 Territoire 1 11.5 11.2 8,9 23.7 21.3 20.4 17.0 10,1 12,6 15.5 14.0 13.8 13.7 12,4 12,1 17.2 20.8 18.6 19.4 14,8 17,0 6.6 14.9 6.2 13.7 6,7 12,4 3.2.3. Les principales activités de la zone Nous remarquons le poids de l’activité de Gemplus sur la zone ainsi que celui de ses sous-traitant. Le développement de la zone commerciale d’Aubagne-Gémenos apparaît aussi nettement dans les statistiques. La présence de services d’appuis aux entreprises témoigne de l’importance ou du dynamisme technologique de l’activité industrielle. Tableau 15 - Les dix premiers employeurs (effectif salarié). Niveau NAF 700 Source : Assedic 2001 Si on prend le territoire 2 : LaCiotat / Gémenos et Aubagne Code NAF Effectif Fabrication de composants électroniques actifs (321B) Hypermarchés (521F) Ingénierie, études techniques (742C) Enquêtes et sécurité (746Z) Activités de nettoyage (747Z) Activités hospitalières (851A) Travail temporaire (745B) Commerce de véhicules automobiles (501Z) Restauration de type traditionnel (553A) Banques (651C) 386 Nombre d’unités 1843 % de l’effectif global 6.3% 8 Taille moyenne 230 1284 989 4.4% 3.4% 2 46 642 22 792 722 721 626 528 2.5% 2.5% 2.5% 2.1% 1.8% 8 26 11 15 44 99 28 66 42 12 450 1.5% 76 6 446 8401 1.5% 28.7% 12 248 (soit 9% de la totalité) 37 La Ciotat (territoire 3) Code NAF Effectif Nombre d’unités 375 % de l’effectif global 6.8% 3 Taille moyenne 125 Fabrication de composants électroniques actifs (321B) Hypermarchés (521F) Terrassement divers et démolition (451A) Fabrication d’emballage métallique léger (287C) Fabrication d’appareils médicochirurgicaux (331B) Ingénierie, études techniques (742C) Organisations associatives (913 E) Supermarchés (521D) Pratique médicale (851C) Activités thermales et thalassothérapie (930K) 236 233 4.3% 4.2% 1 3 236 77 174 3.2% 1 174 166 3% 4 41 156 2.8% 15 10 127 2.3% 25 5 122 110 91 2.2% 2% 1.6% 5 26 1 24 4 91 1790 33% 84 (Soit 10% du nombre d’entreprises de la Ciotat) Tableau 16 - Les huit premiers employeurs (effectif salarié) en divisions Source : Assedic 2001 Activités Territoire 3 : La Ciotat 1. Commerce Effectif 1491 2. Industries Manufacturières % du total 28.8% 1293 25% 3. Services aux entreprises 696 13.4% 4. Education Santé et Action Sociale 552 10.6% 5. Construction 528 10.2% 6. Autres et Media 265 5.1% 7. Industries Agricoles et Alimentaires 132 2.5% 8. Services aux particuliers 131 2.5% 9. Activités immobilières 88 1.7% Total 5176 100% 387 Activités Territoire 2 : La Ciotat/Gémenos/Aubagne Effectif 1. Commerce 9325 32.9% 2. Industries Manufacturières 6413 22.6% 3. Services aux entreprises 5397 19% 4. Education Santé et Action Sociale 2713 9.6% 5. Construction 1732 6.1% 6. Industries Agricoles et Alimentaires 852 3% 7. Activités financières 719 2.5% 8. Autres et Media 643 2.3% 9. Services aux particuliers 495 1.7% Total 28289 100% Nombre d'entreprises / effectifs Territoire 3 N° Ent. Eff. Agriculture Industries agricoles et alimentaires Industries Manufacturières Energie Construction Commerce Transports Activités financières Activités Immobilières Services aux Entreprises Administration Education Santé action Sociale Services aux particuliers 2 25 64 2 74 277 16 22 47 88 0 81 27 4 132 1293 43 528 1491 168 111 88 696 0 552 131 Territoire 2 N° Eff. Ent. 2 4 74 852 291 6413 3 44 258 1732 1005 9325 62 602 69 719 125 312 388 5397 3 24 227 2713 67 495 Autres et Media Total 53 778 265 5488 152 2726 388 % du total 643 29275 Nombre d'établissements et répartition par secteur pour les sept communes - Territoire 1 Agriculture 2 Extraction 4 Agro Alimentaire 87 Industrie Textile/Bois/Papier/Cuir 28 Presse/Edition 35 Pétrochimie et Fabrication de produits chimiques 22 Industrie Plastique/Verre/Céramique 50 Industrie Acier 57 Machines Outils Equipements 25 Electrique et Electronique 61 Automobile 5 Bateau 13 Meubles et Autres 27 BTP 319 Réparation Auto 162 Commerce de Gros et de détail 789 Tourisme 265 Logistique et Transport 72 Banque et Assurance 80 Gestion Immobilière 203 Location 28 Informatique 57 R&D 3 Services aux entreprises 343 Services Publics 3 Ecole et Formation 40 Soin et Social 218 Eaux et Déchets 6 Organisation Politiques et Associations 74 Media 84 Autres Services et commerces 101 3263 4. 4 50 898 224 359 631 781 841 654 3036 89 104 238 1985 1090 7784 1465 772 770 441 218 590 20 5021 24 240 2779 125 417 510 428 32588 Description des activités étudiées Source ASSEDIC 2001 Critère : les effectifs salariés employés par les activités en Naf700 L'activité industrielle représentative de la zone Ciotat/Gémenos/Aubagne comprend les activités suivantes : Industrie de produits chimiques : 132 241C (fabrication de colorants et pigments) 241G (fabrication d'autres produits chimiques organiques de base) 241L (fabrication de matières plastiques de bas) 244D (fabrication d’autres produits pharmaceutiques) 246L (fabrication de produits chimiques à usage industriel) Industrie plastique et céramique : 326 252A (fabrication de plaques, feuilles, tubes et profilés en matière plastique) 252E (fabrication d’éléments en matière plastique pour la construction) 389 252H (fabrication de pièces techniques en matière plastique) 261C (façonnage et transformation du verre plat) Industrie de l’acier : 583 281A (fabrication de constructions métalliques) 281C (fabrication de menuiseries et fermetures métalliques) 282A (fabrication de réservoir et citernes métalliques) 283C (chaudronnerie nucléaire) 284A (chaudronnerie – tuyauterie) 285D (mécanique générale) 286F (fabrication de serrures et de ferrures) 287C (fabrication d’emballages métalliques légers) Industrie machine outil et équipement : 479 291A (fabrication de moteurs et turbines) 292D (fabrication d’équipements de levage et de manutention) 292F (fabrication d’équipements aérauliques et frigorifiques) Industrie électriques et électronique : 2573 311A (fabrication de moteurs, génératrices et transformateurs) 321B (fabrication de composants électroniques actifs) 331A (fabrication de matériel d’imagerie médicale et de radiologie) 331B (fabrication d’appareils médicochirurgicaux) 332A (fabrication d’équipements d’aide à la navigation) 332B (fabrication d’instrumentation scientifique et technique) 333Z (fabrication d’équipements de contrôle des processus industriels) 334A (fabrication de lunettes) 334B (fabrication d’instruments d’optique et de matériel photographique) Industrie du bateau : 87 351B (construction de navires civils) 351C (réparation navale) 351E (construction de bateaux de plaisance) Industrie de l’ameublement : 101 361K (industries connexes de l’ameublement) 366E (autres industries manufacturières) L’activité de services aux entreprises du territoire 2 est la suivante (effectif) : Services de location Services informatiques Services juridiques et administratifs Services ingénierie Services de sécurité Services de nettoyage Services dans la communication Services de personnel (travail temporaire) 390 130 589 612 1133 792 722 358 698 Tableau 17 - Le degré de spécialisation de la zone – Source Assedic – calcul de l’auteur Type d’industrie Industrie électrique et électronique Machine outil et équipement Industrie du plastique Industrie des produits chimiques Industrie de l’ameublement Industrie du bateau Effectif 2573 479 326 132 101 87 Une double spécialisation si on regarde les activités industrielles et de services aux entreprises, en mettant de côté l’activité de commerce qui est particulièrement importante dans le territoire. Certaines activités industrielles sont difficilement lisibles quand on fait des regroupements de la sorte, par exemple l’industrie du bateau mobilise également la fabrication de matières plastiques, des équipements, de l’ameublement et des activités électroniques. En termes de services elle mobilise les services en termes de communication, une forte utilisation du travail temporaire et des services d’ingénierie (architecture, contrôle…) Par contre l’activité liée à l’électronique est plus lisible. 391 392 Annexe 2 - Liste des entretiens réalisés 394 Entretiens Acteurs institutionnels Région Département Acteurs institutionnels locaux Responsable d'associations de chefs d'entreprise Chefs d'entreprise Salariés E xperts TOTAL Observations du travail dans l'entreprise Réunions de travail (comité de pilotage, réunion association, réunions thématiques) Restitution locale 6 10 1 4 2 2 6 1 9 3 40 20 3 83 3 3 395 396 Questionnaire 394 Questionnaire pour les entreprises de la Zone d'entreprises ATHE LIA1. Volet 1 : L'entreprise Nom de l'entreprise : ……………………………………………………………………………………………….. Adresse:…………………………………………………………………………………………………....……… ……………………………………………………………Site : …………………………………………………... Téléphone : / / / / / / / / / / / / / / / Fax : / / / / / / / / / / / / / / / Courrier électronique : ……………………………………………………………………………………………... La trajectoire et l'identité de l'entreprise. 1- Date de création de l'entreprise (année) :/ / / / / Date d'installation sur la zone d'Athélia (année):/ / / / / 2- Chiffre d'affaires de l'entreprise (en E uros HT) : ……………………………………………………………… 3- Comment a été financé le démarrage de l'entreprise ? Le type de financement (cochez et donnez un % s'il est mixte, ne pas dépasser 100) : Oui Non % Oui Non % a- Apport personnel 1 / / / d- Prêt familial / / / 1 1 1 b- Prêt bancaire / / / e- Apport d'une autre entreprise / / / 1 1 1 1 c- Aides publiques / / / fautres (précisez) :… … … . / / / 1 1 1 1 4- Quelle est l'origine géographique des fonds obtenus (précisez le pays) : … … … … … … … … … … … … … … … 5- Quelle est l'activité de l'entreprise : … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .… … … … … .... … . ……………………………………………………………………………………………………………………... 6- Dans quel secteur vous positionnez-vous ? (Précisez le code NAF) : / / / / / / et / / / / / / 7- Taux d'exportation : / / / / % 8- Quelle est la forme juridique de l'entreprise (cochez) : 1 SA 1 SARL 1 SAS 1 SNC 1 SCOP SA 01 02 03 04 05 1 SCOP SARL 1 E URL 1 EI 1 Autres (précisez) :… … … … … … … … … 06 07 08 09 9- Appartenez-vous à un groupe ? Oui 1 Non 1Lequel ? (précisez) : … … … … … … … … … … … … … … … … Pays d'appartenance du groupe : …………………………………………………………………………………… Si non, avez-vous un actionnaire majoritaire ? Oui 1 Non 1 Lequel ? (précisez) : … … … … … … … … … … 10- Votre entreprise est-elle : mono-établissement 1 pluri-établissement 1 Si oui (pluri-établissement ) : 1 1 S'agit-il de l'établissement principal 2 1 d'un établissement secondaire Si établissement secondaire : Quelle est la localisation du siège social ? (précisez) … … … … … … … … … … … .. 11- Si l'installation sur Athélia fait suite à une délocalisation, quelle était sa localisation précédente ? (précisez le lieu d'origine) : .……………………………………………………………………………………………………. L'activité de l'entreprise. 12- Disposez-vous d'un volant de sous-traitants avec lesquels vous travaillez habituellement ? Oui 1 Quelle part de votre CA en % (cochez) ? 1 < 10 % 1 10 à 40 % 1 40 à 60 % 1 > 60 % 1 2 3 4 13- Travaillez vous en sous-traitance pour d'autres entreprises ? Oui 1 Quelle part de votre CA en % (cochez) ? 1 < 10 % 1 10 à 40 % 1 40 à 60 % 1 > 60 % 1 2 3 Ce questionnaire a fait l’objet d’aménagements pour chaque zone Non 1 4 Le mode d'organisation de l'entreprise. 14- Quels sont les fonctions ou départements présents au sein de l'unité (cochez) ? Oui Non Service Production Service Formation 1 1 Service Achat Service du personnel 1 1 Service Commercial Service Recherche et Développement 1 1 Service Qualité Autres (précisez) : … … … … … . 1 1 1 Non 1 Oui Non 1 1 1 1 1 1 1 1 395 15- Quels sont les outils de gestion et normes mis en œuvre dans votre entreprise ? Oui Non Précisez lesquels : Qualité : ……………………………………………………………………. 1 1 Compétence : ……………………………………………………………………. 1 1 Gestion de projet : ……………………………………………………………………. 1 1 Autres : ……………………………………………………………………. 1 1 16- Avez-vous été aidé (du type conseil) dans la démarche de mise en œuvre de ces outils ? 1 Oui 1 Non Si oui par qui (nommez par ordre décroissant) ? ? ……………………………………………………… ? ……………………………………………………… ? ……………………………………………………… ? ……………………………………………………….. ? ……………………………………………………… 17- Utilisez-vous des indicateurs de gestion (tableaux de bord…)? 1 Oui 1 Non 18- Quels sont vos indicateurs principaux pour juger du bon fonctionnement de votre entreprise? (précisez lesquels en les hiérarchisant en ordre décroissant) : ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………….……………………………………………………… ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. L'évolution de l'entreprise. 19- Pouvez vous établir les différentes périodes clés du parcours de votre entreprise depuis l'installation sur la zone Athélia ? Schéma de périodisation de l'entreprise : A titre d'exemple Périodes 1988-1992 1993-1998 1999-2002 Situation Démarrage Consolidation E xternalisation Action prioritaire Formation du Développement de Sous-traitance de certains services en externe pour stratégique personnel l'organisation interne rendre l'entreprise plus rentable A vous de construire le schéma de périodisation de l'entreprise : Périodes Situation de l'entreprise Action prioritaire stratégique L'entreprise et la zone. 20- Pouvez-vous donner les principales raisons d'installation sur la zone d'Athélia (en les hiérarchisant en ordre décroissant) ? ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………….……………………………………………………… ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. 21- Avez-vous bénéficié de la défiscalisation ? 1 Oui 1 Non 22- Quelle était la teneur de cette dernière ? Oui Non E xonération de taxe professionnelle sur 10 ans 1 1 E xonération d'impôt sur les bénéfices sur 10 ans 1 1 Autres (précisez) : ………………………………………………………………. 1 1 23- Qui s'est occupé de l'aspect défiscalisation pour votre entreprise ? Oui Non Oui Non E xpert Comptable Chambres consulaires 1 1 1 1 Chef d'entreprise Cabinet de consultants 1 1 1 1 Cadre de l'entreprise Autres (précisez) : … … … … … … ... 1 1 1 1 396 24- Qui était votre interlocuteur pour votre installation sur la zone d'Athélia ? Oui Non Oui Non DRIRE Service économique de la ville 1 1 1 1 DRTE FP Conseil Général 1 1 1 1 Services Fiscaux Chambres Consulaires 1 1 1 1 Provence Industrialisation Autres (précisez) : … … … … … … ... 1 1 1 1 25- Quels étaient les critères à remplir pour vous installer sur la zone d'Athélia ? (précisez la nature des critères) …………………………………………………………………...…………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………. Volet 2 : L'entreprise et son environnement économique et social L'entreprise et son environnement économique et social. 26- Travaillez vous avec des entreprises de la zone d'Athélia ?(donnez les trois principales pour chacune des zones en précisant (si vous le pouvez ou le souhaitez) le nom , l'activité , l'objet de la relation : sous-traitance, fournisseur, co-traitance , partenariat, client… ) et la fréquence (régulier, occasionnel, exceptionnel). Nom Activité Mode de relation Fréquence - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... 27- Travaillez-vous avec des entreprises de la zone d'Aubagne ? Nom Activité Mode de relation Fréquence - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... - ………………………… ………………………………… ……………………… .… … … … … … … ... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... 28- Travaillez vous avec des entreprises de la zone de Gémenos ? Nom Activité Mode de relation Fréquence - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... 29- Travaillez vous avec des entreprises de Marseille ? Nom Activité Mode de relation Fréquence - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... 30- Travaillez vous avec des entreprises de la Ciotat, la SE MIDE P, le Nouveau Port ? Nom Activité Mode de relation Fréquence - ………………………… ………………………………… ……………… … … … .… … … … … … … ... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... 31- Travaillez vous avec d'autres entreprises régionales ? Nom Activité Mode de relation Fréquence - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... 32- Travaillez vous avec d'autres entreprises nationales ? Nom Activité Mode de relation Fréquence - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... 33- Travaillez avec des entreprises étrangères ? Nom Activité Mode de relation Fréquence - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... - ………………………… ………………………………… ……………………… .…………………... 397 L'entreprise et ses clients. 34- Qui sont vos clients ? Oui E ntreprises 1 Particuliers 1 Administrations 1 % CA / / / / / / / / / Non 1 1 1 Oui Collectivités locales et territoriales Autres (précisez) : … … … ... 1 1 1 % CA / / / / / / / / / Non 1 1 1 Volet 3 : L'entreprise et son personnel. Les effectifs 35- Quels étaient les effectifs lors de la création de l'entreprise ? / / / / / 36- Quels étaient les effectifs lors de l'installation sur la zone Athélia ? / / / / / 37- Quels sont les effectifs aujourd'hui permanents (CDI)? / / / / / 38- Quels sont les effectifs temporaires ? / / / / / Dont 1 CDD / / / / / 2 Interimaires / / / / / 3 Saisonniers / / / / / 4 Contrats en alternance / / / / / 5 Autres mesures / / / / / (apprentissage, contrats de qualification, Contrats Aidés (précisez) : … … … … … .. contrats d'adaptation) ………………………………………… Caractérisation du personnel 39- Pouvez-vous remplir ces tableaux récapitulatifs pour le personnel permanent ? Tableau 1 Catégorie de Cadres Sup. Cadres Techniciens Ouvriers Ouvriers / E mployés Apprentis / Personnel et Chefs Intermédiaires qualifiés Opérateurs Stagiaires d'entreprise Nombre de personnes Tableau 2 Age 18 – 24 ans 25 – 34 ans 35 – 44 ans 45 – 54 ans 55 ans et plus Nombre de personnes Tableau 3 Niveau de formation CAP - BE P BAC BTS - DUT Universitaire et E coles Supérieurs Nombre de personnes Lieu d'habitation actuel Nombre de personnes Lieu de naissance Nombre de personnes La Ciotat La Ciotat Tableau 4 La Seyne Aubagne Tableau 5 Bouches du Rhône Var Marseille Gemenos Autres départements français Autres E tranger La formation, les compétences et les besoins 40- Quel est le métier de base de l'entreprise ? … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … ... 41- Quelles sont les qualifications recherchées pour le cœur de métier de l'entreprise ? … … … … … … … … … … … .. ……………………………………………………………………………………………………………………... 42- Quels sont vos besoins en formation aujourd'hui pour votre personnel en poste (hiérarchisez vos réponses en ordre décroissant) ? ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………….……………………………………………………… ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. ………………………………………………………... ? ………………………………………………………. ……………………………………………………… 398 Mode de recrutement 43- Comment recrutez-vous ? Oui Non Oui Non Par annonce Par candidatures spontanées 1 1 1 1 Par bouche à oreille Salons professionnels 1 1 1 1 Par Internet Autres (précisez) : … … … … … … … … .. 1 1 1 1 44- Quels sont les organisations qui vous aident dans cette démarche ? Oui Non Oui Non ANPE Cabinet de recrutement 1 1 1 1 Boîte d'Interim Autres (précisez) : … … … … … … … … .. 1 1 1 1 APE C 1 1 45- Avez-vous des difficultés pour trouver votre personnel ? 1 Oui 1 Non Si oui lesquelles ? (cochez) : Oui Non Oui Non Adéquation qualification/emploi Situation géographique de l'entreprise 1 1 1 1 Niveau de rémunération Motivation des personnes 1 1 1 1 Conditions de travail Autres (précisez) : … … … … … … … … .. 1 1 1 1 46- Avez-vous des anciens du chantier naval parmi vos effectifs ? 1 Oui 1 Non Si oui combien ? / / / / 47- Pour quelles raisons les avez-vous recrutés ? ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………….……………………………………………………… ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. Volet 4 : L'entreprise et l'avenir Sur la zone d'entreprises en particulier. 48 - Quand vous avez un problème à qui faites vous appel ? (Une seule case doit être remplie par ligne) A qui vous faites appel en premier lieu ? (Précisez à qui vous faîtes appel) Appel à l'extérieur de manière subsidiaire (Précisez à quel type d'acteur vous faîtes appel) Non, vous traitez le problème en interne (Mettez une croix) Sans objet, vous ne rencontrez pas de problème dans ce domaine (Mettez une croix) Un problème technique Un problème de réglementation, de sécurité Un problème de réglementation de marché Un problème de litige avec un client Un problème social (gestion du personnel, paie…) Un problème de calcul de prix de revient et de rentabilité Un problème de recrutement Un problème de fiscalité/règles de fiscalité, réduction d'impôts Un problème d'assurances Quand vous avez un projet à mettre en œuvre ou des questions de ce type à traiter ? La démarche qualité La certification qualité L'informatique Le perfectionnement du personnel La mesure et la reconnaissance des compétences du personnel La mise en place de systèmes de rémunération aux résultats La mise en place de système d'intéressement, d'épargne salariale L'organisation juridique de votre société 399 49- Quelles sont les difficultés rencontrées sur la zone d'Athélia ? (hiérarchisez vos réponses en ordre décroissant) ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………….……………………………………………………… ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. 50- Quels sont les avantages de faire partie de la zone Athélia ? (hiérarchisez vos réponses par ordre décroissant) ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………….……………………………………………………… ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. 51- Quelles sont les améliorations à apporter sur la zone d'Athélia ? (hiérarchisez vos réponses par ordre décroissant) ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………….……………………………………………………… ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. 52- Connaissez vous l'association Athélia E ntreprendre ? 1 Oui 1 Non 53- E n faites vous partie ? 1 Oui 1 Non 54- Quel est le rôle qu'elle doit remplir ? …………………………………………………………………………… …….………………………………………………………………………. ……………………………………… 55- Quelles sont les actions qu'elle doit mener ? (hiérarchisez vos réponses par ordre décroissant) ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………….……………………………………………………… ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. 56- Quels sont les services qu'elle doit proposer aux entreprises ? (hiérarchisez vos réponses par ordre décroissant) ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………….……………………………………………………… ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. ? ………………………………………………………. …………………………………………………………. 57- Seriez-vous prêt à vous engager personnellement dans des actions d'Athélia E ntreprendre ? 1 Oui 1 Non 58- Avez-vous des personnes dans l'entreprise auxquelles vous délégueriez ce type d'engagement ? 1 Oui 1 Non Lesquelles (précisez)à quel niveau de l'entreprise ? : ………………………………………………………………. ***************************************** 59- Vous ? Nom : / / / / / / / / / / / / / / Prénom : / / / / / / / / / / / / / / Date de Naissance : / / / / / / / / / / / Fonction (cochez) : 1 PDG 1 Directeur Général 1Gérant 1 Responsable 1 Directeur Administratif 1 Autres (précisez) : … … … … … … … … … … … Niveau de formation : ……………………………………………………………………………………………… Lieu de naissance : … … … … … … … … … … ………… Lieu d'habitation : ………………………………… ME RCI BE AUCOUP POUR VOTRE COOPE RATION 400