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Du conservatisme libéral d’Oakeshott Note de lecture Michael Oakeshott, Du conservatisme, trad. J.-F. Séné, préf. d’A. Guillemin, Paris, éd. du Félin, 2011, 120 pages ÉLÉNA CHOQUETTE Aux éditions du Félin, est parue en 2011 la toute première traduction du bien connu « On Being Conservative » (1956) de Michael Oakeshott1. Du point de vue de ceux qui étudient les travaux de l’historien des idées et professeur de science politique à la London School of Economics, il apparaît injustifié que la francophonie ait mis plus d’une cinquantaine d’année à s’offrir l’un de ses essais les plus lus et les mieux récupérés2. Il convient, en conséquence, de s’interroger sur la nature des raisons qui expliquent un tel délai dans la traduction française d’un essai qui a façonné la tradition conservatrice universitaire de la dernière moitié du e XX siècle, à tout le moins dans le monde anglo-saxon. Je proposerai que l’inadéquation des traditions intellectuelles conservatrices anglaises et françaises ont rendu inintéressantes, voire non pertinentes, les contributions d’Oakeshott au mouvement intellectuel conservateur pour la pensée politique française. L’hypothèse de l’incompatibilité des « traditions » conservatrices anglaise et française — si l’emploi de ce vocable est admissible dans le cas français — ne peut être avancée sans un attirail de preuves historiques. Comme le présent exercice ne permet pas de mettre de l’avant de telles attestations, je revisiterai plutôt différentes thèses présentées par Guillemin (dans sa préface au présent Du conservatisme), Bénéton et Huguenin qui, ensemble, suggèrent l’existence d’une tradition philosophique conservatrice dans le monde anglo-américain — PhaenEx 9, no 1 (printemps/été 2014) : 207-218 © 2014 Éléna Choquette - 208 PhaenEx qu’Oakeshott aura par ailleurs grassement nourrie —, mais la quasi absence d’une tradition conservatrice dans l’univers français, lequel entretient cependant deux traditions sœurs : réactionnaire et libérale. En ce sens, la parution tardive du Conservatisme d’Oakeshott en français est le symptôme d’une réalité philosophique qu’il convient de redécouvrir, à savoir l’impossibilité du conservatisme — au sens britannique — en France. Cette parution donne également l’occasion de revisiter le caractère proprement conservateur de la conception oakeshottienne de l’acte de gouverner et des instruments de gouvernement, dont Oakeshott, dans Du conservatisme, s’affaire à interroger la nature. Je suggérerai finalement que la promotion du fait sociologique de l’individualisme moderne et de la rule of law, ainsi que la définition strictement politique du conservatisme qu’avance Du conservatisme offrent une lecture libérale de l’héritage d’Oakeshott, qui, par ailleurs, a le potentiel d’engager la réflexion des cercles libéraux français. Guillemin, qui signe la préface de cette édition Du conservatisme, note que la pensée d’Oakeshott, « résolument ancrée dans le réel, émaillée de nuances et profondément sceptique, […] ne pouvait que glisser sur nos esprits français épris d’engagement, de clarté et de progrès » (in Oakeshott, Conservatisme 33). En effet, un certain de nombres de facteurs expliquent l’inadéquation des traditions intellectuelles d’inclinaison conservatrice de part et d’autre de la Manche — et ainsi, la méconnaissance des écrits d’Oakeshott en France. Bénéton propose que la responsabilité de l’incompatibilité des mouvements conservateurs français et anglais doit être portée par la Révolution française. Malgré que les cercles conservateurs britanniques et français ont longtemps partagé une révérence pour l’héritage de l’histoire et une hostilité envers les institutions et mœurs démocratiques, ils se sont divisés sous l’effet de conjonctures historiques : dès 1789, « la continuité anglaise s’oppose aux soubresauts de l’histoire politique française » - 209 Éléna Choquette (Bénéton 51). Non seulement les traditions conservatrices anglaises et françaises se sont depuis séparées, mais la dernière a éclaté, sous le poids des idéaux révolutionnaires, en deux mouvements inégaux : l’école réactionnaire (de Maistre et de Bonald jusqu’à Maurras) et l’école libérale (de Montesquieu à Aron, en passant par Constant, Bastiat et Tocqueville). Ensemble, elles expliqueraient l’hégémonie de l’idéologie du progrès, ainsi que l’impossibilité du conservatisme en France. Au lendemain de la Révolution, la droite se consolide tant bien que mal autour de ses convictions contre-révolutionnaires, nourries notamment des réflexions pamphlétaires de Burke et, plus marginalement, de Maistre3. Selon Huguenin, 1789 marque déjà une ligne de fracture entre contre-révolutionnaires intransigeants, ou réactionnaires, et contre-révolutionnaires libéraux qui se partagent « le terrain de la résistance, sinon à l’esprit du Progrès, du moins à ses conséquences les plus dangereuses » (Huguenin 33). Or, rapidement, les deux camps se retrouvent face à face, séparés par leurs conceptions respectives de la souveraineté politique, des libertés publiques et de la démocratie. La question de la souveraineté trace en effet une première frontière entre ce que l’on appelait déjà l’école libérale et celle que l’on appellera l’école réactionnaire. Si l’idée révolutionnaire de la souveraineté du peuple effraie les deux camps, elle soulève l’indignation du second. Comme de Maistre, Bonald et Balanche, Lammenais plaide en faveur de l’origine divine des institutions sociales, de la souveraineté et de l’absolutisme du pouvoir politique en France (Bénéton 54). La souveraineté de l’homme, ou des hommes, est factice. Fussent-ils Princes, les hommes ne sont jamais que les ministres du pouvoir, lui d’origine divine, à ce qu’en pensent nombre de réactionnaires français qui cherchent pour la plupart à restaurer l’organisation monarchique du pouvoir politique en France. De Maistre ira même jusqu’à supprimer le peuple - 210 PhaenEx de sa logique du pouvoir dans son plaidoyer en faveur de l’origine divine de la souveraineté (Huguenin 63). Plutôt que de l’absolutiser, comme le font les réactionnaires, les libéraux français cherchent pour la plupart à limiter l’exercice populaire de la souveraineté. Tocqueville, Constant et Guizot font assurément partie de cette cuvée de libéraux français qui soupçonnent le pouvoir, mais pas uniquement celui du Prince ou celui du despote. Sans remettre en cause le principe de souveraineté du peuple, ils cherchent plutôt à préserver l’homme du pouvoir lui-même, surtout lorsque populaire. En plus de s’affronter sur la légitimité du principe de la souveraineté populaire, libéraux et réactionnaires s’opposent analogiquement quant à leur conception des libertés publiques, comme le rapporte Huguenin (81-92). Alors que l’impératif de la liberté, individuelle comme politique, brille par son absence de la rhétorique réactionnaire, il occupe une bonne part du terrain discursif que s’approprient les libéraux. Pour ces derniers, il s’agit de savoir de quelle manière la protection des libertés publiques s’imbrique dans leur conception du pouvoir politique. Pour les autres, la question des libertés publiques parasite les débats politiques de l’époque. Ce n’est pas qu’ils résistent à leur garantie par l’État; plutôt, les réactionnaires, pour la plupart, considèrent comme impertinente la question des libertés et des droits de la personne, dès lors que la souveraineté de l’État est inviolable, une et absolue. Rattachée à celle de la souveraineté et des libertés publiques, la question de la démocratie départage ultimement le camp des libéraux de celui des réactionnaires. Alors que les uns rêvent à la réhabilitation des pouvoirs politiques de l’ancienne monarchie, à la restitution des prérogatives de la noblesse, au rétablissement du clergé dans ses fonctions, et qu’ils se déçoivent des compromis de la Restauration, les autres, habités par leurs souvenirs des excès du régime absolutiste, craignent le pouvoir despotique et s’accommodent des institutions démocratiques. - 211 Éléna Choquette Alors que les uns mettent l’accent sur les notions de souveraineté et d’autorité absolue, les autres se raccrochent à celles des libertés publiques et de l’assentiment populaire. Valorisant l’unité, la stabilité et la pérennité qui marquent en propre le règne des régimes autocratiques, les contrerévolutionnaires intransigeants exigent une éradication de l’esprit démocratique et parlementaire des institutions du gouvernement français. À contrario, les libéraux français concèdent volontiers, à la manière d’Aron, que « parmi tous les régimes imparfaits, la démocratie est de beaucoup le moins imparfait, parce que c’est celui qui limite le plus la capacité d’action des gouvernants » (Aron 136), et déplorent, suivant Tocqueville et Guizot, les tendances absolutistes des gouvernements démocratiques. En raison de leur désaccord fondamental sur la nature du meilleur régime, le clivage entre royalistes et républicains, entre réactionnaire et libéraux, « sera érigé en absolu » (Huguenin 133). Ce rappel expéditif des désaccords qui ont historiquement désolidarisé les rangs contrerévolutionnaires français avait pour objectif de montrer la quasi inexistence du conservatisme, au sens britannique du terme, en France. Les fondements mêmes de l’opposition des réactionnaires et des libéraux à la Révolution française ont rendu leur réconciliation improbable et le caractère conservateur de leurs prises de position, impossible. Huguenin et Bénéton avancent par ailleurs que les deux forces contre-révolutionnaires sont aujourd’hui politiquement vaincues, puisqu’elles ont achoppé sur divers écueils qui les ont fait sombrer. Il n’est pas tellement étonnant que les excès xénophobes, passéistes, ultramontains et royalistes aient disqualifié les réactionnaires de la joute politique française. L’intransigeance des réactionnaires lui aura coûté non seulement le pouvoir politique, mais aussi la pérennité en tant que mouvement intellectuel (Bénéton 59). Si l’on assimile le conservatisme français au corpus doctrinaire des réactionnaires, il est évident que politiquement, il n’en reste presque rien. À l’inverse, si l’on assimile le conservatisme français à - 212 PhaenEx l’effort des libéraux qui vise à contrebalancer la force du progrès par un positionnement favorable à la conception populaire de la souveraineté, de la protection des libertés publiques et d’une méfiance vis-à-vis des formes despotiques que peut prendre le pouvoir démocratique, il devient difficile d’en apercevoir le caractère proprement contre-révolutionnaire, soit proprement conservateur. L’on peut donc conclure ce bref portrait de la structure des traditions idéologiques en France en soulignant l’impossibilité du conservatisme français : « au pays de la Révolution, la position médiane qu’est le conservatisme est quasiment intenable » (Huguenin 211)4. La myopie dont Guillemin (9) accuse le milieu intellectuel français, et qui expliquerait le fait que l’œuvre d’Oakeshott est largement inconnue en France, pourrait ainsi être politiquement justifiée : « l’impossibilité » du conservatisme français rend les contributions intellectuelles à la tradition conservatrice anglo-américaine de l’historien des idées inintéressantes, voire non pertinentes, pour la pensée politique française. En Angleterre et aux États-Unis, le conservatisme d’Oakeshott s’enracine fermement dans une tradition presque culturelle : la tradition conservatrice est imbriquée à la vie politique anglaise, notamment puisqu’elle est rattachée à un parti qui n’a cessé d’être soit le parti au pouvoir, soit le proche rival du parti au pouvoir (Bénéton 5). On pourrait toutefois faire remarquer que le conservatisme d’Oakeshott ne devrait pas être considéré comme acquis, et qu’il demande à être défendu. Car il est tout à fait possible de soutenir que la conception oakeshottienne des activités propres au gouvernement des États modernes, sur lesquels porte tout spécialement l’enquête philosophique menée dans Du conservatisme, relève d’une vision essentiellement libérale du politique5. Oakeshott profite effectivement de l’occasion que lui donne Du conservatisme pour mettre de l’avant la valeur qu’il accorde au droit et à l’individualité (cf. Devigne, Recasting; cf. aussi Franco, Introduction). Dans « The Masses in Representative Democracy », Oakeshott - 213 Éléna Choquette explique que l’avènement de l’individualité est le moment qui marque en propre l’esprit de la modernité dans l’histoire de l’Europe. Dans Du conservatisme, il suggère que « l’état actuel des circonstances humaines » implique de facto l’individualisme moderne qui se manifeste notamment à travers « la propension à faire nos propres choix et à trouver ainsi le bonheur, la multiplicité des entreprises toutes assumées avec passion, la diversité des croyances toutes défendues avec la conviction de leur vérité exclusive; l’inventivité, l’esprit de changement et l’absence de tout vaste dessein; l’excès, l’activité abondance et le compromis informel » (Oakeshott, Conservatisme 77). En fonction de son appréciation de l’individualisme moderne ambiant, Oakeshott rejette le rationalisme étatique qu’il comprend, depuis Du conservatisme, comme étant plus irréconciliable avec la liberté et l’individualité humaines qu’avec ce qu’il entendait précédemment être le respect de l’esprit des traditions politiques d’un État (Franco, Introduction 98). À l’exception, peut-être, de celles des plus « communautariens » — pour reprendre les termes de Franco (« Liberal » 429) —, Oakeshott embrassera aussi, tout au long de son œuvre, une série de valeurs que chérissent nombre de penseurs libéraux : l’autodétermination, la pluralité, l’intimité. La conception moderne de l’individualisme requiert, pour survivre aux assauts collectivistes, la protection civile et légale d’un régime politique capable de garantir la libre disposition de soi-même, de son travail et de ses biens, la liberté d’expression, de religion et d’association (Auspitz 269). Le conservateur, selon Oakeshott, a ainsi pour conception de la fonction de l’État que celui-ci doit s’affairer à résoudre certains des heurts que génère la grande diversité des croyances et des vues sur le monde, « non en posant un interdit sur le choix et sur la diversité qui émane de l’exercice des préférences […], mais en appliquant des règles générales de procédure à tous les sujets sans distinction » (Oakeshott, Conservatisme 80). Il est entendu - 214 PhaenEx que l’application non discriminatoire des procédures légales requiert du gouvernement qu’il s’exécute à la manière d’un « président de séance » (78), plutôt qu’à la manière du comité exécutif d’un parti politique, à moins que ce parti n’épouse strictement la lecture libérale des fonctions assignées au gouvernement. En retour, la disposition au conservatisme en politique consiste à rendre familières, stables et prévisibles les règles de conduite édictées par le gouvernement. Généralement, Oakeshott, dans Du conservatisme, donne une forme philosophique à cette tradition que l’on appelle désormais l’État de droit (Auspitz 284). L’appréciation spécifiquement oakeshottienne de la rule of law à l’anglaise traduit sa conception de la politique comme activité limitée et spécifique, dont l’exercice revient en propre au gouvernement. Par « limité », Oakeshott entend que l’exercice du pouvoir politique par l’État doit être diffus, encadré par le droit et respectueux des traditions d’exercice du pouvoir. Par « spécifique », il entend que l’activité gouvernementale doit s’intéresser, de manière à la fois jalouse et exclusive, à la coordination des activités diverses et individuellement choisies d’une population qu’il lui est donné de représenter. Simultanément, la limitation et la spécification du pouvoir, dans l’univers oakeshottien, révèlent le libéralisme qui imprègne la définition oakeshottienne de l’État. Le rôle secondaire de ce dernier implique la modération non instrumentale, mais non dirigée, des activités diversement orientées, mais également libres et vigoureuses, de ses citoyens. Conjointement, la limitation et la spécificité de l’exercice du pouvoir politique doivent, de l’avis d’Oakeshott, permettre aux citoyens de paisiblement et librement « poursuivre les activités de leur choix avec un minimum de frustration » (Oakeshott Conservatisme 71; je souligne). La restriction, le dégonflement, la pacification et la réconciliation des activités individuelles menées avec dogme et ferveur, dont la responsabilité reviendrait en propre au - 215 Éléna Choquette gouvernement, traduisent finalement la spécificité politique du conservatisme d’Oakeshott. Ceux qu’il décrit comme personnifiant la fibre conservatrice, en vertu de leur définition de l’acte de gouverner et des instruments de gouvernement, ne sont aucunement tenus au conservatisme dans d’autres domaines de l’activité humaine, bien au contraire. Craignant la récupération politique, ou la « politisation » de l’art, de la philosophie et de la histoire, Oakeshott entend montrer que le conservatisme n’est intelligible qu’à partir de sa conception du gouvernement comme activité à la fois spécifique et limitée. De cette façon, il prend ses distances vis-à-vis des crédos religieux, des traditions esthétiques et des spéculations « métaphysiques » que certains aimeraient assimiler au conservatisme contemporain. Se dégageant de l’esprit « cosmique » du conservatisme de Burke ou de celui de ses successeurs, au motif qu’il s’inscrit dans une tradition légale et providentielle ou qu’il s’accompagne d’un point de vue particulier sur la nature humaine ou l’univers 6 , Oakeshott rapproche finalement son conservatisme de ceux, sceptiques, de Montaigne, Hobbes et Hume (cf. Franco, « Liberal »). « There is indeed no inconsistency in being conservative in politics, and radical in every thing else », écrivait Oakeshott, deux années plus tôt (« Conservative » 474). À n’en point douter, le libéralisme d’Oakeshott, voilé par le titre de l’essai de 1956, constitue une partie de l’héritage qu’il lègue à ses lecteurs. Le libéralisme d’Oakeshott est certainement redevable, en partie à tout le moins, à la tradition conservatrice anglaise qui, ellemême, revêt certains traits libéraux. Le conservatisme anglais, par ailleurs, a historiquement embrassé les idées de monarchie parlementaire et limitée, de la division des pouvoirs, de l’habeas corpus et de l’État de droit (cf. Bénéton). Sans rejeter l’hypothèse selon laquelle Oakeshott ne serait qu’un « Whig libertarien » (cf. Greenleaf) en vertu de son attachement pieux « aux institutions du gouvernement » et du caractère central de la liberté dans ses ouvrages - 216 PhaenEx (Archer 167), ni celle voulant qu’il soit un « pragmatiste », un « historiciste », un « traditionaliste » ou un « postmoderniste » (Devigne, « Conservative » 268), il faut rappeler que le conservatisme d’Oakeshott n’exclut aucunement la lecture libérale de son héritage. Malgré qu’il ait résolument marqué la pensée conservatrice du XX e siècle, et surtout dans le monde anglo- saxon (cf. Devigne, « Conservative ») 7 , il n’en reste pas moins que son appréciation de l’individualisme moderne, son respect pour la tradition qui sous-tend l’existence de l’État de droit, ainsi que sa conception de l’exercice du pouvoir politique comme activité spécifique et limitée traduisent l’engagement de la réflexion d’Oakeshott vis-à-vis du libéralisme, avec lequel la pensée française entretient des liens étroits. Comme quoi la traduction française de l’important essai Du conservatisme pourra jeter un éclairage nouveau à la fois sur l’impossibilité du conservatisme comme mouvement intellectuel en France et sur la possibilité d’une relecture, notamment française, de l’héritage libéral d’un auteur dont on n’a pas terminé d’exploiter le génie8. Textes cités ARCHER, J. R., « Oakeshott on Politics », The Journal of Politics, vol. 41, no 1, 1979, p. 150-168. ARON, Raymond, Introduction à la philosophie politique. Démocratie et révolution, Paris, L.G.F., 1997. AUSPITZ, Josiah Lee, « Individuality, Civility, and Theory. The Philosophical Imagination of Michael Oakeshott », Political Theory, vol 4, no 3, 1976, p. 261-294. BÉNÉTON, Philippe, Le conservatisme, Paris, P.U.F., 1988. DEVIGNE, Robert, « Oakeshott as Conservative », in P. FRANCO et L. MARSH (dir.), A Companion to Michael Oakeshott, University Park (PA), Pennsylvania State University Press, 2012. —, Recasting Conservatism. Oakeshott, Strauss, and the Response to Postmodernism, New Haven, Yale University Press, 1994. - 217 Éléna Choquette FRANCO, Paul, Michael Oakeshott. An Introduction, New Haven, Yale University Press, 2004. —, « Michael Oakeshott as Liberal Theorist », Political Theory, vol. 18, no 3, 1990, p. 411-436. GREENLEAF, W. H., Oakeshott’s Philosophical Politics, Londres, Longmans, 1966. HUGUENIN, François, Le conservatisme impossible. Libéralisme et réaction en France depuis 1789, Paris, La table ronde, 2006. MAISTRE, Joseph Marie de, Considérations sur la France, Paris, éd. Complexe, 1988. MINOGUE, Kenneth, « The Elusive Oakeshott », The American Conservative (Washington), 1er oct. 2009, consulté sur Internet: www.theamericanconservative.com/articles/the-elusiveoakeshott (15 janv. 2013). OAKESHOTT, Michael, « Conservative Political Thought », The Spectator, vol. 193, 15 oct. 1954, p. 472-474. —, Du conservatisme, trad. J.-F. Séné, préf. A. Guillemin, Paris, éd. du Félin, 2011. —, « The Masses in Representative Democracy », in OAKESHOTT, Rationalism in Politics and Other Essays, Indianapolis, Liberty Fund, 1991. —, On Human Conduct, Oxford, Clarendon Press, 1975. Notes 1 La conférence « On Being Conservative » a d’abord été présentée aux étudiants de l’Université de Swansea, au Pays de Galles, en 1956. L’essai sera publié pour la première fois six ans plus tard, dans l’édition originale de Rationalism in Politics. 2 Il importe cependant de noter que certains autres ouvrages, plus philosophiques et moins ouvertement polémiques, sont parus plus tôt en langue française : les importants De la conduite humaine (P.U.F., 1995) et « Le rationalisme en politique » (Cités, 2003), et aussi L’association civile selon Hobbes (Vrin, 2011) et Morale et politique dans l’Europe moderne (Belles lettres, 2006). 3 Dans ses Considérations sur la France, de Maistre donne le ton de la résistance réactionnaire aux couleurs progressistes portées par la Révolution. De l’avis d’Huguenin (25), ce petit livre, où de Maistre rapporte le caractère « satanique » de la Révolution (Maistre 69), est demeuré le bréviaire de la pensée contre-révolutionnaire, jusqu’à l’émergence de la pensée maurrassienne. - 218 PhaenEx Ce constat est d’autant plus étonnant qu’Huguenin (387) estime que « nulle part ailleurs, dans aucun grand pays développé, la voie ne fut aussi largement ouverte aux pensées progressistes sans qu’aucun pôle de résistance ne se fût constitué ». 4 5 Franco suggère que les écrits qui révèlent le mieux certaines des allégeances libérales d’Oakeshott se trouvent dans On Human Conduct (Franco, « Liberal » 413). 6 Franco (Introduction) remarque que la distance prise par le conservatisme d’Oakeshott envers celui de Burke, dans Du conservatisme, se démarque des rapprochements circonstanciels qu’Oakeshott effectue avec l’œuvre de Burke dans d’autres écrits. 7 Oakeshott a depuis longtemps été considéré, à l’extérieur des cercles académiques, comme un penseur conservateur phare et, fallacieusement, comme « the philosophical eminence grise behind Thatcherism » (Franco, Introduction ix). Son influence intellectuelle s’est aussi fait sentir dans les cercles conservateurs américains, conjointement avec celle de Leo Strauss (cf. Guillemin). 8 On déplore cependant que de nombreuses coquilles se soient glissées dans cette publication. Elles apparaissent d’autant plus évidentes que le lecteur régulier des ouvrages originaux d’Oakeshott connaît l’élégance et la vivacité, à la fois littéraire, stylistique et philosophique, de la plume de l’historien des idées.