Cahiers d’études sur la Méditerranée
orientale et le monde turco-iranien
23 | 1997
La Caspienne : une nouvelle frontière
Environnement contre géopolitique : les enjeux
écologiques dans la région caspienne
Jean-Robert RAVIOT
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/cemoti/113
ISSN : 1777-5396
Éditeur
AFEMOTI
Édition imprimée
Date de publication : 1 janvier 1997
ISSN : 0764-9878
Référence électronique
Jean-Robert RAVIOT, « Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région
caspienne », Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien [En ligne], 23 | 1997,
mis en ligne le 01 mars 2005, consulté le 07 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/
cemoti/113
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Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
Environnement contre géopolitique
: les enjeux écologiques dans la
région caspienne
Jean-Robert RAVIOT
"L'industrie de Bakou est presque nulle: le travail
des usines pour la purification du pétrole et la
préparation des bitumes se fait à l'écart de la
ville. Les pêcheurs de Bakou se livrent
principalement à la chasse aux phoques". Elisée
Reclus, "L'Asie russe", Nouvelle géographie
universelle, vol. 6, 1881.
"Ville du feu, Bakou a hérité de son sous-sol
l'extravagance des "feux-follets" et l'imposante
présence des derricks au large de ses côtes. Là
s'arrêtent les images poétiques: la métropole de
la Caspienne est devenue le réceptacle de tous les
dommages écologiques imaginables sur Terre".
Jeff Rowlands, "From Baku to Astrakhan", The
New Yorker, 1996 (traduction de J.-R. Raviot).
1
A la fin du 19ème siècle, le pétrole transforme Bakou en avant-poste de la révolution
industrielle en Orient. Le petit port de pêcheurs de phoques a changé profondément et
subitement. Bakou devient en vingt ans une ville à la richesse aussi rapide qu'insolente,
une métropole cosmopolite et une cité ouvrière1. La mer Caspienne, d'où provient alors
l'essentiel du pétrole de l'Empire russe, est soudain placée au centre des rivalités
politiques et commerciales des grandes puissances. D'une superficie de 370 000 km 2
aujourd'hui, la plus vaste des mers fermées du globe —frontière naturelle entre la
Transcaucasie, la Russie méridionale, la steppe de l'Asie moyenne et le plateau iranien
— se trouve au coeur d'une zone stratégique essentielle aux confins de l'Orient et de
l'Occident.
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1
Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
2
Après la révolution bolchevique et la nationalisation des compagnies pétrolières, la
mer Caspienne disparaît du devant de la scène internationale. Dans l'ensemble
soviétique, la région perd peu à peu son importance économique au fur et à mesure de
la découverte de nouveaux gisements au sud de l'Oural (le "second Bakou") et en
Sibérie occidentale. A la fin des années 1930, la prospection pétrolière est pratiquement
arrêtée dans cette zone, troisième région productrice de pétrole en URSS en 1989 2.
L'intérêt des grandes puissances pour cet espace périphérique de l'URSS décroît.
Comme pour corroborer ce déclin, l'expertise géographique soviétique semble
condamner la mer Caspienne à être rayée de la carte. Entre 1895 et 1976, le niveau des
eaux a baissé de 5 mètres tandis que leur volume a été réduit de 960 km 3 entre 1945 et
1975: "La mer Caspienne pose à l'homme un problème d'aménagement passionnant:
comment lutter contre la nature qui tend à l'assécher et la condamne inéluctablement
à disparaître?"3.
3
Après l'effondrement de l'URSS, la mer Caspienne excite de nouveau toutes les
convoitises. L'apparition, en 1991, de nouveaux Etats indépendants sur son littoral
(Azerbaïdjan à l'ouest, Russie au nord, Kazakhstan et Turkménistan à l'est) et la
découverte consécutive de nouveaux gisements de pétrole attirent tous les regards. Ces
ressources, qui se trouvent sur le territoire de jeunes Etats ne disposant pas des moyens
technologiques et financiers de les exploiter, pourraient pourtant jeter les bases de leur
"décollage" économique. Ces trois Etats pourraient alors envisager plus sereinement les
restructurations économiques et les grands défis sociaux, sanitaires et
environnementaux qu'ils doivent relever.
4
L'évaluation des enjeux économiques, politiques et stratégiques de la région caspienne
doit impérativement prendre en compte les facteurs socio-écologiques. En effet, la crise
sociale et environnementale dont cette zone est victime, avec ses multiples
conséquences démographiques et sanitaires, constitue une donnée essentielle à long
terme. Le littoral caspien de l'URSS a subi des transformations importantes au cours de
la période soviétique: il s'est industrialisé et urbanisé rapidement, en particulier après
1950. Les retombées de cette "modernisation" hâtive sont visibles aujourd'hui.
Toutefois, les données écologiques —encore partielles, mais inquiétantes— ne sont pas
pour l'instant considérées par les Etats riverains comme un facteur poussant à la
concertation régionale, mais plutôt comme une arme supplémentaire, notamment dans
la bataille des argumentations autour du statut juridique de la mer Caspienne. Comme
sur d'autres dossiers environnementaux, les Etats issus de l'URSS, qui persistent à
placer la politique de l'environnement au bas de l'échelle des priorités, concentrent
leur attention sur des questions trop circonscrites, sans tenter de considérer les
problèmes posés dans leur ensemble. Dans les tractations des Etats avec les compagnies
pétrolières occidentales, les préoccupations environnementales ne semblent pas non
plus peser de leur juste poids4.
5
Depuis 1993-1994 cependant, une question d'ordre écologique —capitale pour le
démarrage des divers projets d'exploitation et de transport des hydrocarbures— fait
naître de nombreuses polémiques. La mer Caspienne, dont on annonçait l'agonie
certaine, voit son niveau augmenter de manière alarmante depuis 1980. Les Etats
riverains s'accusent mutuellement d'avoir provoqué ce phénomène qui met en danger
la pérennité de plusieurs villes côtières et d'installations industrielles majeures. Ce
dossier est d'ailleurs le seul à susciter la réunion périodique d'experts et de
responsables politiques des Etats de la région. Pourtant, les réalités écologiques de la
Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 23 | 1997
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Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
zone caspienne ne se réduisent pas à ce problème, aussi spectaculaire et urgent soit-il.
Au regard de la multiplicité des enjeux et de l'importance des intérêts financiers en
présence, nous essaierons de présenter, dans leur ensemble, les problèmes écologiques
et leurs conséquences pour le milieu naturel et les populations, en tâchant de démêler
au mieux les réalités de leur instrumentalisation, tantôt grossière, tantôt subtile, par
les Etats riverains.
Pollutions et risques pour l'environnement
6
L'aspect des régions côtières de la Caspienne varie du nord au sud. Le littoral s'étend
sur 6380 km, dont 996 km en Iran. Cette zone est principalement située en ex-URSS.
Aussi ses problèmes écologiques sont-ils largement hérités de l'exploitation extensive
des ressources naturelles, de l'industrialisation et de l'urbanisation menées au mépris
des équilibres écologiques, traits caractéristiques du système socialiste 5. Pour cette
raison, mais également du fait de la difficulté de l'accès aux sources iraniennes et de
notre familiarité avec la lecture et l'interprétation des documents russes et soviétiques,
nous nous concentrerons sur le cas des Etats issus de l'URSS.
7
Les caractères hydrologiques de la mer Caspienne sont très originaux: ses fonds sont
azoïques, mais une faune relativement riche se développe dans les horizons
superficiels. La biodiversité de la faune et de la flore en mer Caspienne aurait été
réduite de plus des deux tiers depuis le début du siècle 6. Les eaux du bassin
septentrional, placées dans une zone de climat semi-désertique à hivers froids, sont
prises par les glaces durant trois mois, alors que celles du bassin méridional échappent
au gel. La teneur en sel de l'eau est généralement élevée, mais varie considérablement
sur de courtes distances, augmentant en direction du sud et vers le fond des golfes et
atteignant 20 pour mille dans le golfe de Kara-Bogaz, à la frontière kazakho-turkmène :
cet espace de 150 km de diamètre entouré de plateaux déserts, fermé par une digue en
1977, rouvert depuis peu, constitue "le plus grand dépôt de sel du monde, une plaine
nauséabonde de sel et d'argile"7, source de problèmes alarmants de santé publique dans
la région avoisinante. A bien des égards, cette zone rappelle le désastre écologique bien
connu de la mer d'Aral, située à 600 km au Nord-Est8.
8
La mer Caspienne reçoit les eaux d'un bassin étendu sur 3,6 millions de km 2. Ses
tributaires sont principalement la Volga (qui fournit 76% de son débit liquide), la Koura
(Transcaucasie), l'Oural et l'Emba (Kazakhstan) et, dans une moindre mesure, l'Atrek
(Iran et Turkménistan) et le Safid (Iran). Chaque année, la Volga déverse 140 millions de
tonnes de rejets polluants dans la mer Caspienne9. L'impact de la pollution de la Volga
est très important sur la rive septentrionale et, en particulier, sur la région du delta. Si
la mer d'Azov —qui, contrairement à la mer Caspienne, est considérée par le ministère
russe de l'Environnement et des Ressources naturelles comme une "zone de
catastrophe écologique"— contient en moyenne 7 mg de pesticides par litre, le taux
moyen pour le nord de la mer Caspienne atteint 44 mg/l10. Le delta de la Volga, qui
s'étale sur une profondeur de 70 km et une largeur de 150 km, est composé
d'écosystèmes fragiles (sol mince, steppe rase, climat aride et froid) et très réceptifs
aux diverses pollutions. Bassin sédimentaire enfoncé entre les plateaux du Don et
l'extrémité de l'Oural, son altitude est en dessous du zéro mondial, comme la majorité
du littoral caspien. La ville russe d'Astrakhan constitue le centre urbain principal de
cette région, dont l'attraction s'étend à plus de 400 km. Ville de pêcheries et de
conserveries (caviar), Astrakhan est également un centre industriel (liquéfaction de gaz
et extraction de soufre) très polluant. Deux activités économiques sont directement
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Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
menacées par cette pollution: l'agriculture (maraîchages et riziculture) et l'industrie du
caviar. Entre 1974 et 1987, la pêche annuelle de l'esturgeon pour l'URSS baisse de
moitié11. Les sources les plus pessimistes annoncent récemment une baisse importante
du nombre des esturgeons: "d'après les estimations du centre d'études de l'économie
du poisson d'Astrakhan, le nombre des esturgeons en mer Caspienne est passé de 200
millions à 60 millions en 5 ans"12. L'épuisement du vivier ne peut cependant pas être
imputé à la seule pollution de la mer. La réglementation floue de la pêche, désormais
soumise à la juridiction de cinq Etats —sans compter deux républiques (Daghestan et
Kalmoukie) et une région (Astrakhan) en Fédération de Russie— tend à faciliter le
braconnage.
9
Reprenant mot à mot le texte d'un rapport officiel soviétique 13, tous les observateurs
s'accordent sur un point: l'exploitation du pétrole et de ses dérivés constitue la source
première et principale de pollution de la mer Caspienne. Inégalement répartie, cette
pollution pétrolière est concentrée à l'ouest, au large de l'Azerbaïdjan, et au Nord-Est,
au large du Kazakhstan. En Azerbaïdjan, 3500 tonnes de produits pétroliers seraient en
moyenne déversés chaque année dans la mer Caspienne et les concentrations de
produits pétroliers seraient 4 à 6 fois supérieures à celles observées sur la côte Nord 14.
Au Kazakhstan, au large d'Atyraou (ex-Gouriev) et de la péninsule de Manguychlak (exChevchenko), zones d'exploitation pétrolière recelant en outre d'immenses gisements
(Tenguiz), l'ampleur de la pollution est mal connue, faute d'un système fiable de
monitoring en la matière15. Autre agent polluant vivement dénoncé: l'industrie
chimique (Soumgaït, Derbent, Makhatchkala, Atyraou, Manguychlak) et le phénol, dont
la concentration sur les rives occidentales de la mer Caspienne serait 10 fois supérieure
à celle observée dans le golfe de Finlande16.
10
Si l'on s'écarte des chiffres concernant les substances détectées en mer et que l'on
prête attention à la répartition en volume des divers rejets polluants détectés sur le
littoral —ici, les données sont plus précises— on constate que ni les hydrocarbures, ni la
chimie ne constituent la source majeure de la pollution du bassin caspien. Pour le seul
Azerbaïdjan, la zone la plus peuplée du littoral, 2 millions de tonnes de sulfates et
580 000 tonnes de nitrates sont rejetés chaque année, dont environ la moitié aboutit
dans la mer. Il convient de mentionner ici deux problèmes méthodologiques majeurs
dans la mesure de la pollution hydrosphérique en ex-URSS: la minimisation constante
des données concernant les secteurs clés liés à la défense (dont l'énergie et la chimie);
l'augmentation importante du niveau de la mer, qui brouille les pistes dans la
détermination de l'origine géographique des substances polluantes. Toutefois, et ce
malgré la relative fiabilité des sources statistiques, deux constats s'imposent:
l'agriculture demeure le secteur le plus polluant; la Russie et l'Azerbaïdjan sont les plus
gros pollueurs de la région. Surtout, la pollution de la mer Caspienne résulte davantage
de ce qui est produit en amont -rejets polluants en provenance de la Volga- que des
activités industrielles ou agricoles des zones littorales. Ici encore, les chiffres
concernant la pollution maritime et le volume des rejets sont très insuffisants. En effet,
il faudrait envisager l'ensemble du bassin et y intégrer une étude environnementale
complète des tributaires et de leurs bassins afin d'évaluer pleinement la situation
écologique de la région caspienne et, le cas échéant, de prévoir son évolution.
11
Outre sa pollution, la mer Caspienne et sa région sont exposées à des risques naturels
et environnementaux considérables. Tout d'abord, la zone est fortement sismique.
Aussi les projets pétroliers, tel celui des compagnies British Petroleum et Amoco, qui
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Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
auraient proposé de construire un oléoduc à travers la Caspienne 17 (d'Asie centrale vers
l'Azerbaïdjan), devront-ils impérativement tenir compte de ce facteur. Selon Alexeï
Iablokov, conseiller du Président russe pour l'environnement et la santé publique, "la
probabilité d'une marée noire en mer Caspienne est extrêmement élevée" et "les
projets, notamment russes, d'exploitation et d'acheminement du pétrole ne tiennent
pas compte du risque élevé de tremblement de terre dans la région" 18. La sismicité de la
zone accroît en outre les risques provenant de la centrale nucléaire de Manguychlak
(Kazakhstan) et par son centre d'exploitation de l'uranium pour la défense. Construite
sur la côte, cette centrale, qui n'a officiellement pas connu d'incidents majeurs, a
désormais les pieds dans l'eau. L'élévation constante du niveau de la mer pose
sérieusement la question de sa réinstallation ou de son démantèlement 19. Alors qu'il est
appelé à devenir un centre majeur d'exploitation pétrolière et de pétrochimie, le
littoral kazakh, dont Elisée Reclus écrivait en 1881 qu'il était une "vaste et incertaine
transition entre les eaux de la mer et les eaux de la steppe" 20 et où faune (saïgak,
antilope des steppes) et flore sont très délicates, souffre d'une absence de protection
manifeste. Autre installation hautement stratégique, source de risques écologiques
incontestables, l'usine d'aluminium de Soumgaït (Azerbaïdjan), un temps fermée, est
partiellement rouverte, bien que certaines de ses installations soient littéralement
inondées. De plus, la pollution atmosphérique, ainsi que l'accumulation sans stockage
des déchets industriels et ménagers, demeurent préoccupantes. Bakou et Soumgaït, qui
détiennent les plus forts taux de pollution atmosphérique de la région, abriteraient en
outre 8 millions de tonnes de déchets toxiques à l'air libre, dans de simples décharges
situées non loin des zones d'habitation21. Les conséquences de la situation sanitaire se
font durement sentir sur la santé publique.
Etat d'alerte sanitaire
12
Malgré son indiscutable "provincialisation" au cours de la seconde moitié du vingtième
siècle, la région caspienne est après-guerre le théâtre de changements décisifs pour les
populations. La rive occidentale, densément peuplée (Azerbaïdjan, Daghestan, région
d'Astrakhan), connaît une industrialisation accrue et une urbanisation rapide pendant
les années 1950-6022. La rive orientale, lieu de production des hydrocarbures —en
particulier le littoral kazakh— s'urbanise et s'industrialise plus tard, au cours des
années 1960-70. Les centres urbains de Manguychlak et d'Atyraou sont en expansion
constante depuis lors. En 1990, on comptait, du côté soviétique, 12 millions d'habitants
dans les régions riveraines de la Caspienne, dont 7,2 millions en Azerbaïdjan et 2
millions au Daghestan. Le littoral est donc inégalement peuplé, d'autant que la densité
de la population, qui atteint 82,3 habitants au km2 en Azerbaïdjan, est inférieure à 5 sur
les rives septentrionale et orientale (république de Kalmoukie, région kazakhe
d'Atyraou, région turkmène de Balkhan)23. Le littoral occidental de l'Iran, densément
peuplé —en particulier la région du Gilan— est cependant moins urbanisé et
industrialisé. Ses villes principales sont Resht et, sur la côte, le port d'Anzali (exPahlevi), centre de pêcheries. L'aspect de la côte iranienne est aujourd'hui "en tous
points comparable à l'Azerbaïdjan" à l'Ouest24, semblable à la côte turkmène à l'Est.
13
La croissance urbaine, à la fois récente et rapide, constitue un trait sociologique et
démographique commun à tout le littoral caspien. Dans les républiques et régions
riveraines de l'URSS, le taux d'urbanisation —largement inférieur à la moyenne du pays
— est cependant inégal: 73% dans la région d'Atyraou; 54% en Azerbaïdjan; 44% au
Daghestan. En revanche, le rythme et, surtout, la période de forte croissance des villes
sont comparables. Ainsi, entre 1975 et 1990, on observe dans la région —sauf pour
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Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
Bakou et Astrakhan, deux "métropoles installées"— une augmentation de la population
des villes nettement supérieure à la moyenne soviétique. Manguychlak et Atyraou —
villes construites "au milieu de nulle part"— voient leur population augmenter de plus
de 50%; Makhatchkala (capitale du Daghestan) affiche une croissance de 40%; les autres
villes (Saparmourad Turkmenbachi25, Lenkoran, Kaspiïsk et Derbent) voient leur
population croître de plus de 30%. Toutefois, Bakou (1,8 million d'habitants) demeure,
et pour longtemps, la ville la plus peuplée de la région. Astrakhan (510 000 habitants)
sera bientôt rattrapée par Makhatchkala (330 000). Le littoral caspien est le témoin de
toutes les phases successives d'urbanisation et d'industrialisation de l'histoire russe et
soviétique et supporte aujourd'hui les conséquences de la plus récente de ces phases.
14
Cette évolution a marqué les tendances démographiques et ses avatars ont contribué à
la dégradation de la santé publique d'une zone qui —région d'Astrakhan exceptée— est
caractérisée jusqu'en 1990 par un fort taux d'accroissement naturel de la population
(cf. tableau ci-après). Même si le taux de natalité est en forte baisse aujourd'hui, ce
n'est plus l'exode rural qui, comme dans les années 1950-70, constitue le premier
facteur de croissance de la population urbaine. La pyramide des âges des sociétés du
littoral caspien —à l'exception de la région d'Astrakhan— est comparable à celle des
pays en développement26. Nombreux, les 20-30 ans —seconde génération urbaine—
"s'installent" aujourd'hui et rencontrent des difficultés immenses dans la vie
quotidienne. La corruption et l'irresponsabilité généralisées dans le secteur de la
construction en URSS ont contribué à sacrifier l'urbanisme des villes et le bien-être des
populations. Dans les années 1980, la sociologie urbaine soviétique dénonçait les
conditions désastreuses de la construction des villes industrielles d'Atyraou et de
Manguychlak et s'offusquait de l'état d'urgence sanitaire dans lequel se trouvent les
villes côtières du Daghestan27. Cette situation de précarité sanitaire —parfois
comparable à celle qui prévaut dans la région voisine de la mer d'Aral— se reflète
notamment dans les chiffres préoccupants de la mortalité infantile, dont il faut noter la
forte hausse au cours des trois dernières années (cf. tableau). Une étude comparative
ferait sans doute ressortir que, compte-tenu du fort taux d'urbanisation de la région,
ces chiffres sont très élevés.
Croissance de la population et mortalité infantile dans la région caspienne (ex-URSS), 1990-1993
Croissance annuelle Mortalité infantile
moyenne (pour mille) en 1990 (pour mille)
Mortalité
infantile
en
1993
(pour
28
mille)
Astrakhan
5,5
17,2
21,4
Atyraou
20,1
31,6
36,9
Azerbaïdjan
18,6
22,1
26,6
Balkhan
30,1
51,7
54,0
Daghestan
18,8
22,6
28,4
Région,
république
ou Etat
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Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
Kalmoukie
13,5
23,8
27,9
Sources: Goskomstat SSSR, Demografitcheskiï Ejegodnik (Annuaire démographique), 1990;
Goskomstat Rossiïskoï Federatsii, Zdorov'e v tsifrakh: strany SNG (La santé en chiffres : les pays de la
CEI), 1994.
15
La détérioration de l'environnement n'est pas la seule cause de la dégradation de la
santé publique dans la zone: à l'instar de l'Asie centrale, la région est, au plan sanitaire
et médical, en état de sous-équipement notoire29. Aussi est-il impossible d'imputer aux
seuls problèmes écologiques la baisse, ces trois dernières années, de l'espérance de
vie30. Toutefois, deux facteurs environnementaux, étroitement liés, peuvent expliquer
cette situation: la pollution des nappes phréatiques et la difficulté de
l'approvisionnement en eau potable. Selon les données officielles soviétiques de 1988, la
pollution des nappes phréatiques par les pesticides, les nitrates et les sulfates est
particulièrement élevée dans toute la région, dépassant partout les normes admises de
plus de 25%31. Les statistiques régionales, quoique partielles et souvent réalisées de
manière "artisanale", indiquent une pollution importante des eaux de surface pour
l'ensemble de la zone. Préoccupant sur la rive occidentale, l'état des nappes
phréatiques est catastrophique sur les littoraux kazakh et turkmène. Selon une étude
russe récente, la part des nappes phréatiques "irrémédiablement polluées" irait de la
moitié (Azerbaïdjan, Astrakhan) à 75% dans la région d'Atyraou 32. De plus, dans la
région caspienne comme partout en ex-URSS, le traitement des eaux usées est très
insuffisant, voire inexistant. En résulte un manque cruel d'eau potable dans toute la
région. Sur le littoral oriental, la situation atteint parfois des seuils très critiques,
malgré l'installation, au début des années 1980, d'usines de dessalement de l'eau de mer
à Bekdach (Turkménistan) et à Manguychlak. Ainsi Atyraou, qui doit faire face à un
sérieux manque d'eau potable depuis cinq ans, "est une des seules villes au monde qui
vit totalement avec de l'eau artificielle (dessalée) et ne peut assurer financièrement la
construction d'une nouvelle usine de traitement de l'eau"33. Dans la région turkmène
du Balkhan, l'eau potable fait aussi défaut: un décret présidentiel récent prévoit "la
construction sans délais de canaux, puits et d'installation de dessalement et de
purification des eaux"34. Le manque d'eau potable et la pollution des nappes
phréatiques se reflètent avec certitude dans la structure de la mortalité, en particulier
dans la part des décès pour cause de maladie infectieuse (cf. tableau ci-après).
Les maladies infectieuses comme cause de mortalité, 1990
Région, république
ou pays
Part des maladies infectieuses Rang dans la hiérarchie des
dans la mortalité (en %)
causes de mortalité
Ensemble URSS
0,19
9
Russie
0,12
12
Ukraine
0,10
13
Kazakhstan
3,13
8
Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 23 | 1997
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Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
Karakalpakistan35
Astrakhan
Atyraou
Azerbaïdjan
Balkhan
Daghestan
Kalmoukie
20,61
1
0,45
11
17,46
1
4,52
5
12,12
2
5,16
3
18,8
1
Source: Goskomstat Rossiïskoï Federatsii, Zdorov'e v tsifrakh: strany SNG, 1994.
L'environnement comme enjeu géopolitique
16
Après la dissolution de l'URSS et l'apparition de nouveaux Etats sur son littoral, la mer
Caspienne fait de nouveau l'objet d'âpres luttes d'influence. L'appât du gain tend à
éclipser les problèmes écologiques. Les ambitions régionales se constituent. Dès lors,
l'écologie se "politise" et devient peu à peu un instrument de marchandage entre les
Etats. L'ordre des priorités environnementales est désormais faussé. Les diplomaties
russe et, dans une moindre mesure, iranienne, mêlent un discours écologique à la
promotion de concepts tels que "l'indispensable coopération régionale", la
"concertation" et "l'exploitation en commun des richesses", etc. Cette langue de bois
lénifiante n'est pas sans rappeler l'époque récente de la perestroïka où l'URSS, qui
cherchait à "humaniser" sa politique étrangère, faisait étalage de ses problèmes
écologiques et multipliait la publication de mesures, inappliquées, en faveur de
l'environnement36.
17
Dans les discussions actuelles, l'écologie apparaît principalement à deux niveaux.
Véritable exorciste des tensions et des rancoeurs régionales, la question de la remontée
des eaux de la mer Caspienne donne lieu à de vives polémiques. En outre, l'écologie est
présente dans l'argumentation des diverses parties au dossier de l'aménagement du
statut juridique de la mer Caspienne. Conformément à la tradition soviétique, la
Fédération de Russie, instrumentalisant la question de l'"environnement", élabore une
plaidoirie diplomatique afin de faire valoir ses "droits naturels" sur cette zone 37.
La question de l'évolution du niveau de la mer Caspienne
18
Les experts des Etats riverains constatent, unanimes, une remontée du niveau de la
mer depuis la fin des années 1970. Ils semblent également considérer que la question du
niveau des eaux —en hausse ou en baisse— est "aussi ancienne que la mer Caspienne
elle-même"38. Plutôt que d'élévation, il est donc historiquement plus juste de parler
d'évolution du niveau de la mer. Néanmoins, la montée du niveau des eaux de la mer
Caspienne présente à l'heure actuelle un caractère d'urgence absolue. On estime
généralement que le niveau de la mer augmente régulièrement de 10 à 13 cm par an
depuis 197839, soit une remontée d'environ 2,2 mètres en 18 ans. Les conséquences de ce
phénomène sont tangibles: il menace directement 4 villes (dont Makhatchakala,
Derbent et Kaspiïsk), 109 villages, une population de 200 000 habitants 40. En outre, "la
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Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
brusque remontée des eaux vient remettre en cause des sites qui avaient commencé à
prospérer"41. En Fédération de Russie, le développement des installations de pêche au
Daghestan est remis en cause; l'équilibre écologique du delta de la Volga est gravement
menacé et 10% de la surface agricole utile de la région d'Astrakhan est inondée.
D'importantes voies de communication régionales, telles les voies de chemin de fer
Bakou-Makhatchkala et Astrakhan-Kizliar, sont en danger, de même que 1200 km de
câbles électriques. Les installations pétrolières et pétrochimiques des littoraux kazakh
et turkmène ont les pieds dans l'eau, ainsi que les petits ports de pêche de la côte
iranienne. En avril 1996, le gouvernement russe prend un décret "sur les mesures
prioritaires de protection de la population et des installations économiques et autres"
menacées par l'inondation et la remontée des eaux42. Ce texte prévoit la création d'un
budget de 173 milliards de roubles43 (environ 33 millions US$) à cet effet.
19
Sans nier la réalité du problème, les Etats côtiers sont divisés sur ses origines et sa
portée à long terme. Les experts officiels russes interprètent ce phénomène comme une
remontée temporaire due à des aléas climatiques et à la variation constante du débit
des fleuves côtiers. Ainsi Valeri Krassiouk, hydrologue en chef chargé du dossier "mer
Caspienne" au Comité d'Etat à l'hydrométéorologie (Moscou), "refuse de voir dans
l'augmentation des 20 dernières années une tendance lourde de l'évolution du niveau
de la mer"44. Il ajoute: "en 1996, le niveau a même baissé de quelques centimètres en
raison d'une sécheresse intense en Russie. De nombreux réservoirs baissent,
notamment ceux qui alimentent les grandes villes, telle Moscou. C'est là un problème
beaucoup plus préoccupant à long terme". Invoquant l'ampleur du renversement de
tendance des vingt dernières années, l'Iran désigne un responsable direct:
l'hydroingéniérie soviétique, ses projets et réalisations "grandioses". Pour l'Iran, la
fermeture du golfe de Kara-Bogaz constitue la cause première de la catastrophe
actuelle45. Or, cette dernière faisait partie d'un vaste plan d'ensemble —le projet
"Sibaral", suspendu en 1986— visant à mieux répartir les ressources en eau à l'échelle
de l'URSS tout entière, notamment en changeant le cours des fleuves sibériens afin
qu'ils alimentent la mer d'Aral agonisante46. En ce qui concerne la région caspienne,
l'objectif était de stabiliser le niveau de la mer en détournant une partie des eaux des
fleuves du nord de la Russie (Petchora et Dvina) vers le bassin supérieur de la Volga afin
d'accroître l'étendue des zones irriguées au sud et de percer, entre autres, un canal
Volga-Don. Ce projet titanesque, qui visait à stabiliser le réseau hydrographique dans
son ensemble, remonte à avant la révolution bolchevique47. La Russie est accusée, à
mots couverts, de vouloir maîtriser à son profit par ces desseins prométhéens les
équilibres naturels de la mer Caspienne. Une question environnementale devient
soudain un élément clef de la géopolitique régionale: un déséquilibre écologique, lié à la
définition même de puissance, est perçu comme une menace potentielle.
20
Les débats sur les causes du phénomène dissimulent mal les visées stratégiques des
Etats riverains. L'Iran, qui accuse les aménagements hydrauliques soviétiques d'être à
l'origine de tous les problèmes actuels, n'en exprime pas moins sa volonté de résoudre
le problème par des moyens non moins prométhéens. En août 1996, le ministre iranien
des Transports, Ali Akbar Torkan, exposait un projet de construction de canaux de la
mer Caspienne au golfe Persique afin de "stabiliser le niveau de la mer" et de "faciliter
l'exportation des hydrocarbures du littoral caspien via les installations existantes en
Iran"48. En d'autres termes, l'Iran, sous couvert de motivations environnementales, vise
à encourager les Etats producteurs à se passer des oléoducs et gazoducs contrôlés par la
Russie. Immédiatement jugé "économiquement irréaliste" par le ministre russe de
Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 23 | 1997
9
Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
l'Energie, Iouri Chafranik49, ce projet était vivement dénoncé par tous les experts
écologues des Etats issus de l'URSS pour les risques qu'il présentait pour le littoral
caspien. En effet, en construisant de tels canaux, l'Iran disposerait d'une maîtrise
complète du niveau de la mer Caspienne: il serait à même de jouer à tout moment de
cette "arme de l'eau".
21
Pour grossière qu'elle soit, cette instrumentalisation des expertises sur l'origine de la
remontée des eaux caspiennes à des fins géostratégiques n'en exclut pas d'autres, plus
subtiles. Lors de la dernière réunion des experts environnementaux sur la mer
Caspienne à Almaty, "les experts de l'ONU ont avancé une toute nouvelle théorie sur
l'origine de la remontée des eaux de la mer: des sources souterraines coulant vers la
mer d'Aral sont déviées vers la Caspienne". La solution serait donc de "construire des
canaux pour détourner l'eau de la Caspienne vers la mer d'Aral" 50. Cette "toute nouvelle
théorie" est en réalité très ancienne. Dès le début des années 1970, les instituts
hydrologiques d'Asie centrale, qui défendent bec et ongles le projet de détournement
des fleuves sibériens vers le sud vivement critiqué par de nombreux experts russes,
utilisent tous les arguments possibles. L'un d'eux est justement "l'étroite corrélation
entre les bassins caspien et aralien, qu'il convient de réanimer tous deux en les reliant
entre eux et, au-delà, au réseau hydrographique sibérien"51. Après leur accession à
l'indépendance, les Etats d'Asie centrale, prenant acte de l'abandon du projet Sibaral —
toujours ardemment défendu par l'Ouzbékistan— ne font pas mystère de leur volonté
de poursuivre une partie du projet. L'Ouzbékistan et le Kazakhstan proposent de venir
au secours de la mer d'Aral en la reliant avec la Caspienne 52. Ce projet de canal, dont le
coût est jugé prohibitif par les spécialistes de la question 53, aurait pour conséquence
d'unir, au plan géostratégique, le destin de la Caspienne à celui de l'Asie centrale. Il
viendrait aussi compliquer la donne géopolitique régionale en ajoutant un "partenaire"
supplémentaire, l'Ouzbékistan. A l'occasion de cette même conférence, le ministre
kazakh de l'Environnement suggérait que telle était bien l'intention de son pays: "Dans
la mesure où le problème de la remontée du niveau de la mer Caspienne met en jeu
l'avenir économique de notre pays tout entier (l'exploitation des champs pétrolifères
de Tenguiz) et où nous subissons durement les conséquences du drame aralien, il est
normal que notre voix soit entendue en priorité"54. L'écologie devient l'instrument de
promotion des Etats d'Asie centrale dans la recomposition régionale autour de la mer
Caspienne.
L'écologie comme argument dans la bataille sur le statut juridique de la mer Caspienne
22
Les trois nouveaux Etats indépendants de la Caspienne rencontrent simultanément
deux obstacles de taille dans la mise en oeuvre des richesses pétrolières qu'ils abritent:
négocier au mieux leur part avec les consortiums internationaux; s'assurer une marge
de manoeuvre suffisante face aux deux puissances régionales -la Russie et l'Iran- dont
l'objectif évident est d'exercer le contrôle le plus étroit et le plus lucratif possible sur
ces ressources en se les appropriant en partie ou, le cas échéant, en les faisant transiter
sur leur territoire. Dans cette bataille, dont l'issue n'est pas encore prévisible, la
"protection de l'environnement" confère une apparence de respectabilité aux diverses
stratégies d'appropriation des ressources. Ainsi, la Russie et l'Iran citent la nécessaire
"protection des ressources biologiques et minérales" de la Caspienne à l'appui d'une
conception "conjointe" de l'exploitation de ressources qui, si l'on applique le droit
international de la mer, ne se trouvent ni sur leur territoire, ni dans leur zone
économique exclusive55.
Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 23 | 1997
10
Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
23
Dans les discussions sur l'élaboration d'un statut juridique pour la mer Caspienne,
l'Iran et, surtout, la Russie tentent de défendre l'idée d'une exploitation commune des
ressources. Cette position est diamétralement opposée à celle des nouveaux Etats
indépendants56. En octobre 1994, la Russie, qui demande que la question du statut
juridique de la mer Caspienne soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée générale de
l'ONU, expose clairement sa doctrine57: la mer Caspienne est un lac car elle ne dispose
pas de connections naturelles avec les océans. De ce fait, les dispositions du droit
international de la mer ne s'appliquent pas. En outre, la Russie rejette l'application des
dispositions concernant les lacs frontières, qui exigent la délimitation précise de
secteurs. Par conséquent, les ressources doivent être exploitées conjointement,
conformément aux traités soviéto-iraniens de 1921 et 1940, auxquels les nouveaux Etats
riverains ne s'estiment pas parties. En réalité, la Russie, outre qu'elle désire avoir sa
part des richesses pétrolières, craint, dans l'hypothèse de l'application du droit
international de la mer à la Caspienne, que la liaison fluviale mer Caspienne-mer
Baltique ne soit reconnue comme "voie d'eau internationale", ce qui ouvrirait la mer
Caspienne à d'autres Etats. Le mémorandum russe se termine sur une note
péremptoire: "Toute action unilatérale concernant la mer Caspienne est illégale et ne
sera pas reconnue par la Fédération de Russie". Autrement dit, la diplomatie russe est
hostile à toute internationalisation de l'espace caspien. Deux arguments sont alors
avancés. Tout d'abord, un argument économique, exprimé récemment par le ministre
russe de l'Energie, Iouri Chafranik: "La Russie doit avoir un accès naturel à toutes les
ressources des Etats de la CEI. C'est nous qui, par notre travail et notre énergie, avons
créé tout ceci"58. D'autre part, un argument environnemental, exprimé par Grigori
Karassine, représentant du ministère russe des Affaires étrangères: "La Russie
s'inquiète de l'impact écologique de tout accord sur la mer Caspienne... mer intérieure
continentale dont l'équilibre revêt une importance particulière pour notre sécurité
économique". Il ajoute, sans ironie, que "les traités de 1921 et 1940, qui envisageaient la
question de l'utilisation rationnelle des ressources, doivent demeurer en vigueur" 59.
24
Ce soudain intérêt russe pour la protection des écosystèmes de la mer Caspienne prête
à sourire. Surtout, il n'a aucun véritable fondement écologique: "l'environnement",
"l'écologie", "l'utilisation rationnelle des ressources" ne sont là que des formules
incantatoires. Comme nous l'avons vu, les problèmes écologiques ne se rencontrent pas
en haute mer, mais sur le littoral. Aussi le Kazakhstan a-t-il tenté de répliquer à cet
assaut diplomatique de la Russie. Défendant une application partielle des principes du
droit international de la mer à la Caspienne, le Kazakhstan propose une délimitation du
plateau continental sur la ligne de démarcation des zones économiques exclusives des
différents Etats60. Cette délimitation, qui priverait la Russie et l'Iran de droits sur les
richesses pétrolières, est, ici encore, appuyée par un argument écologique: "Les flux
polluants proviennent essentiellement des territoires des Etats côtiers" et "la
circulation de ces flux en haute mer est minime". Invoquant des droits sur le bassin de
la Volga, le Kazakhstan met en avant l'unité des écosystèmes de la région et la nécessité
de protéger conjointement un espace largement pollué par l'exploitation du pétrole à
Atyraou et Manguychlak61.
Une mer sacrifiée à ses richesses?
25
Mer au statut indéfini, la Caspienne, souvent présentée aujourd'hui comme un nouvel
Eldorado pétrolier, est redevenue un enjeu géostratégique majeur. Elle est aussi
l'épicentre d'une zone de crise écologique et sanitaire caractéristique du monde
Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 23 | 1997
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Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
industrialisé post-socialiste. Les Etats riverains, pressés de tirer parti des richesses que
recèle l'espace maritime qui les rassemble, se sont attelés à l'épineuse réglementation
de leur vie commune et tentent de remédier tant bien que mal aux maux les plus
urgents, liés à la remontée du niveau de la mer. Aucune stratégie à long terme n'a
encore été élaborée dans le domaine de l'écologie. De nombreux obstacles existent, tant
dans la formulation, l'acceptation ou l'application de mesures réellement efficaces.
26
Les deux réunions du comité de la mer Caspienne pour la protection de
l'environnement tenues en 199562 et 1996 63 —respectivement à Anzali et Almaty— qui
réunit des experts scientifiques régionaux et internationaux sous la co-présidence des
directeurs des comités d'Etat à l'hydrométéorologie des cinq Etats, n'ont finalement
abouti, outre à la formulation des sempiternels voeux pieux sur "la nécessité de
coopérer davantage", qu'à peu de résultats concrets. La première conférence portait
essentiellement sur les problèmes dus à l'évolution du niveau de la mer et s'achève par
la rédaction d'un mémorandum sur les "dommages causés du fait de la prospection
d'hydrocarbures aux larges des côtes azerbaïdjanaise, kazakhe et turkmène". La
seconde réunion se termine par une déclaration conjointe visant à "établir un système
de monitoring et d'échanges d'information en cas d'urgence écologique" et, d'autre
part, à "renforcer la surveillance côtière, par exemple en développant un corps
régional de garde-côtes". En outre, le chef du bureau météorologique iranien, AliMoukhammad Nourian, est élu à la tête du comité de coordination.
27
On objectera que ce comité, qui vient d'être instauré, doit encore faire ses preuves
avant d'être définitivement tenu pour inconséquent. Néanmoins, force est de constater
que ce "comité de la mer Caspienne pour la protection de l'environnement" est, dès
l'origine, affecté de deux défauts structurels rédhibitoires. Tout d'abord -comme son
nom l'indique- il a pour mission essentielle de s'atteler aux problèmes de la mer, en
particulier à la difficile tâche de prévoir l'évolution de son niveau. Cette institution
purement "intergouvernementale" —qui ne dispose ni d'une administration, ni d'un
budget propres— n'a donc pas pour objectif d'élaborer de véritables politiques
publiques
d'environnement.
Destinée
à
émettre
périodiquement
des
"recommandations" et des "propositions", elle court le risque de demeurer un
"concile" de savants hydrologues et météorologues peu enclins à s'arroger de véritables
prérogatives. Car ce comité réunit des institutions dépourvues de tout véritable
pouvoir. Tant que la concertation et la coopération ne seront pas engagées au niveau
des ministères de l'Environnement des cinq Etats, ce "comité de coordination" ne sera
pas en mesure de concevoir des mesures de protection de l'environnement caspien
dans son ensemble, qui constitue pourtant le seul moyen efficace d'enrayer la
détérioration des conditions écologiques et sanitaires dans toute la région.
28
Concluant une étude sur la mer Caspienne et ses enjeux contemporains, Clive Schofield
et Martin Pratt écrivaient qu'"il y a peu de régions au monde où les raisons d'être
optimiste sont si peu nombreuses: finalement, avec tant de pétrodollars en jeu, les
débats sur la souveraineté et, plus généralement, les nombreux problèmes de la région
ont peu de chance d'être résolus"64. Ce constat ne peut être que partagé par un
observateur des questions environnementales. Nous avons souligné l'impuissance des
instances de concertation régionale. Mais c'est finalement bien secondaire au regard de
la faiblesse endémique des institutions chargées de la protection de l'environnement
dans les cinq Etats riverains. Dans les pays de l'ex-URSS, les nouveaux Etats
indépendants disposent d'institutions récentes, peu influentes et qui, faute de moyens,
Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 23 | 1997
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Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
se bornent à recueillir l'information sur l'état de l'environnement. En Russie, les
institutions sont nombreuses mais dispersées. Elles s'entrecroisent et, bien souvent, se
neutralisent: le ministère de l'Environnement, réintégré au sein d'un vaste Ministère
des ressources naturelles en 1996, a de facto perdu la fonction de coordinateur qu'il était
censé exercer. En outre, ni ce ministère, ni le Conseil de sécurité (dont les attributions
s'étendent à la "sécurité écologique") —qui sont les deux seules institutions disposant
d'un peu de poids en la matière— n'ont placé le littoral caspien parmi les priorités de
leur action à moyen et long terme. Le discours des Etats riverains sur l'environnement
—à commencer par celui de la Russie— semble destiné à rester un simple accessoire des
revendications territoriales ou économiques. Ainsi, il ne fait aucun doute que la Russie
jouera à l'avenir la "carte écologique" contre tout projet d'acheminement des
hydrocarbures sous la mer Caspienne et, plus généralement, contre toute liaison
amenée à éviter son territoire.
29
Les dividendes du pétrole apporteront-ils les moyens de dépolluer la mer et son
littoral? Permettront-ils d'augmenter le niveau de vie de la population, d'améliorer
l'urbanisme des villes, de reconstruire les systèmes d'adduction d'eau, de faire reculer
la mortalité infantile? Fourniront-ils les bases financières d'une politique de
développement soutenable de la région? Encore faudrait-il que les Etats riverains
manifestent la volonté politique d'emprunter ce chemin. Or, tel n'est absolument pas le
cas. Dotés d'institutions environnementales de peu de poids, ces Etats ne semblent pas
envisager, dans leurs négociations avec les consortiums pétroliers, de retombées en
faveur de l'environnement et des conditions de vie des personnes vivant dans les zones
polluées ou à risque. Aucun des Etats du pourtour de la mer Caspienne n'étant
démocratique, toute mobilisation de la société civile en faveur de l'écologie, aussi
improbable qu'elle soit —sauf à Astrakhan, les mouvements écologistes sont partout
microscopiques, peu structurés et étroitement contrôlés— est immanquablement vouée
à ne pas être prise en considération.
NOTES
1. A. Ter Minassian, "La belle époque à Bakou" in De Russie et d'ailleurs: feux croisés sur
l'histoire, Paris, Institut d'études slaves, 1995, pp. 363-372.
2. J. Radvanyi, L'URSS: régions et nations, Paris, Masson, 1990.
3. "Caspienne (mer)", Encyclopaedia Universalis, Paris, 1995.
4. G. Graham, "Sorting out the Caspian", East European Business Law, n°9, 1996.
5. Pour une vue d'ensemble, J.-R. Raviot, Ecologie et pouvoir en URSS: le rapport à la nature
et à l'espace, une source de légitimité politique dans le processus de désoviétisation, thèse de
doctorat de l'IEP de Paris, 1995.
6. Minpriroda SSSR, Natsional'nyï doklad SSSR k konferentsii OON po okroujaiouchtcheï srede i
razvitiïou (Rapport pour la conférence de l'ONU sur l'environnement et le
développement), Moscou, 1992, p. 456.
7. R. Brunet et V. Rey, Géographie universelle (tome 10), Paris, Belin, 1996, p. 306 et
suivantes.
Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 23 | 1997
13
Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
8. Pour une évaluation complète: N. Glazovskiï, "Aral'skiï krizis" (La crise de l'Aral),
Priroda, n°11, 1990, p. 90-98.
9. Chiffres de 1993 cités par S. Konstantinova et A. Frolov in "Volga, Volga -96",
Sevodnia, 8.8.1996.
10. Minpriroda SSSR, Natsionalnyï doklad..., op. cit., p. 789.
11. F. Chipounov, "Stony Volgi" (les gémissements de la Volga), Sovetskaïa Rossiïa,
18.11.1987.
12. E. Gousseïnov et G. Tcharodeev, "Vek nam ikry ne edat'" (dans un siècle nous ne
mangerons plus de caviar), Izvestia, 6.7.1996.
13. Minpriroda SSSR, Natsional'nyï doklad..., op. cit., p. 450, repris par exemple in World
Conservation Union, Environmental Status Reports: 1990, vol. 3, 1991, p. 34-35.
14. Statistiques soviétiques (1989) citées par M. Feshbach et A. Friendly, Ecocide in the
USSR, New York, Basic Books, 1992,
15. Minpriroda SSSR, Natsional'nyï doklad..., op. cit., p. 560.
16. Communications présentées lors de la Conférence internationale sur les problèmes
de la Caspienne, Bakou, juin 1991, et notamment celle d'A. Mansourov (président du
Comité d'Etat pour la protection de la nature d'Azerbaïdjan), in Rabotchaïa Tribouna,
14.6.1991.
17. S. LeVine, "High stakes", Newsweek, 17.4.1995.
18. A. Iablokov, "Obzor potentsialnykh ekologitcheskikh katastrof v Rossii"(Aperçu des
catastrophes écologiques potentielles de la Russie), Zelionyï mir, n°1, 1995.
19. V. Kassanov, "Kazakhstan: iadernaïa zona" (Kazakhstan : zone atomique),
Kazakhstanskaïa Pravda, 14.10.1996.
20. E. Reclus, Nouvelle géographie universelle, Paris, 1881, p. 427.
21. The World Bank, Azerbaijan: from Crisis to Sustained Growth, Washington DC, 1995, p.
157 et suivantes.
22. Pour des informations complémentaires sur la socio-économie de la rive
occidentale et septentrionale de la Caspienne, J. Radvanyi, La nouvelle Russie, Paris,
Masson, 1996, p. 301.
23. Goskomstat SSSR, Demografitcheskiï Ejegodnik SSSR (Annuaire démographique de
l'URSS), Moscou, 1991.
24. T. Swietochowski, Russia and Azerbaijan: a Borderland in Transition, New York,
Columbia University Press, 1995, p. 206.
25. Anciennement Krasnovodsk. Rebaptisée du nom du dictateur turkmène,
Saparmourad Niazov, dit "Turkmenbachi" (père des Turkmènes).
26. E. Chtcherbakova, "Demografitcheskie protsessy v postsovetskom prostranstve"
(Processus démographiques dans l'espace post-soviétique), Naselenie i obchtchestvo, n°6,
1995.
27. L. Kogan, Byt' gorojanami (citadins), Moscou, Mysl', 1990, pp. 123-145.
28. A titre de comparaison, le taux de mortalité infantile de la France est, en 1995, de 6
pour mille; Russie: 19 pour mille; Kazakhstan: 28 pour mille; Iran: 56 pour mille;
Turkménistan: 44 pour mille; Ethiopie: 120 pour mille; Thaïlande: 35 pour mille;
Vietnam: 42 pour mille. La moyenne mondiale est de 60 pour mille. Naselenie i
obchtchestvo, n°7, 1995.
29. Goskomstat SSSR, Demografitcheskiï Ejegodnik (Annuaire démographique), op. cit.
30. En 1993, l'espérance de vie dans la région caspienne allait de 57,3 ans (Atyraou) à
66,9 ans (Azerbaïdjan), à comparer aux moyennes russe (64,3 ans) ou kazakhe (67,2).
Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 23 | 1997
14
Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
Goskomstat RF, Zdorov'e v tsifrakh: strany SNG (la santé en chiffres : les pays de la CEI),
1994.
31. Goskompriroda SSSR, Sostoïanie prirodnoï sredy v SSSR v 1988 godu (l'état du milieu
naturel en URSS en 1988), Moscou, Lesnaïa promychlennost, 1989, p. 43.
32. M. Lesnov, "Voda i zdorov'e grajdan v stranakh SNG" (l'eau et la santé des citoyens
dans les pays de la CEI), Zelionyï mir, n°5, 1994.
33. BBC Summary of World Broadcast, 7.9.1996.
34. Turkmenskaïa Iskra, 2.9.1995.
35. République faisant partie de l'Ouzbékistan, riveraine (au sud) de la mer d'Aral. En
1990, cette république détenait le record soviétique pour le taux de mortalité infantile.
36. J.-R. Raviot, Ecologie et pouvoir en URSS, op. cit., chap. 6.
37. Dans les années 1987-89, l'URSS avait procédé à l'identique, utilisant la rhétorique
écologique à l'appui de son discours diplomatique sur le désarmement de la région de la
mer Blanche. J.-R. Raviot, op. cit., chap. 6.
38. Transition, n°15, 26.7.1996, p. 45.
39. C. Schofield, M. Pratt, "Claims to the Caspian Sea", Jane's Intelligence Review, n°2,
1996, p. 75-79.
40. S. Konstantinova, A. Frolov, op. cit.
41. J. Radvanyi, La nouvelle Russie, op. cit., p. 310-311.
42. Postanovlenie Pravitels'tva Rossiïskoï Federatsii, "O pervootcherednykh
meropriïatiïakh na 1996-97 gody po zachtchite naseleniïa i predotvrachtcheniïou
zatopleniïa khoziaïstvennykh i drougikh obektov, raspolojennykh na poberej'e
Kaspiïskogo moria", Rossiïskaïa Gazeta, 3.4.1996.
43. Le décret enjoint également à la région et aux républiques du littoral (Astrakhan,
Daghestan, Kalmoukie) de consacrer un budget global de 323 milliards de roubles (64
millions US$) en complément pour la mise en oeuvre des mesures.
44. V. Krassiouk, "Strasti po Kaspiïskomou moriou" (Passions autour de la mer
Caspienne), Zelionyï mir, n°5, 1996.
45. B. Vinogradov, "Rousskiï osetr i bezkhoznyï Kaspiï" (l'esturgeon russe et la
Caspienne abandonnée), Izvestia, 26.10.1996.
46. P. Micklin, "The Fate of Sibaral: Soviet Water Politics in the Gorbachev Era", Central
Asian Survey, n°2, 1987, p. 67-88.
47. Elaboré en 1863 par la société impériale de géographie, ce projet "Demtchenko",
repris sous Staline sous le nom de "plan Davydov", visait notamment à augmenter le
niveau de la mer Caspienne, en baisse à l'époque. L. Tchokin, Reki Sibiri potekout v
Kazakhstan i v Sredniouïou Aziïou (les fleuves sibériens couleront vers le Kazakhstan et
l'Asie centrale), Alma-Ata, 1974.
48. G. Graham, op. cit.
49. Kommersant Daily, 12.9.1996.
50. BBC Summary of World Broadcast, 30.9.1996.
51. Conférence sur les problèmes de la mer d'Aral, Tachkent, 10-20.2.1971. Pravda
Vostoka, 10-20.2.1971.
52. Conférence régionale sur les problèmes de la mer d'Aral, Alma-Ata, 6-9.9.1993.
Kazakhstanskaïa Pravda, 10.9.1993.
53. M. Feshbach, Ecological Disaster: Cleaning Up the Hidden Legacy of the Soviet Regime, A
Twentieth Century Fund Report, Washington DC, 1995, p. 59.
54. BBC Summary of World Broadcast, 1.10.1996.
Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 23 | 1997
15
Environnement contre géopolitique : les enjeux écologiques dans la région cas...
55. H.-J. Uibopuu, "The Caspian Sea: a Tangle of Legal Problems", The World Today, n°6,
1995, 119-123.
56. Selon l'avocat américain Gael Graham, l'Azerbaïdjan défend le plus ardemment
l'application stricte du droit international de la mer; le Kazakhstan et, surtout, le
Turkménistan étant prêts à faire quelques concessions. G. Graham, op. cit.
57. A/49/475, Position de la Fédération de Russie concernant le régime juridique de la
mer Caspienne.
58. Kommersant Daily, 9.11.1994.
59. Cité par H.-J. Uibopuu, op. cit.
60. Ibid.
61. BBC Summary of World Broadcast, 17.1.1996.
62. BBC Summary of World Broadcast, 13.10.1995.
63. BBC Summary of World Broadcast, 30.9.1996.
64. C. Schofield, M. Pratt, Jane's Defence Intelligence Review, op. cit., p. 79.
RÉSUMÉS
La plus vaste des mers fermées du globe se trouve au coeur d?une zone stratégique essentielle où
les tractations entre sociétés pétrolières et Etats riverains se déroulent sans tenir compte des
questions relatives à l'environnement et à l'écologie. Pourtant, les risques de pollution sont
grands avec de sérieuses conséquences pour la situation sanitaire des populations vivant dans la
région. A cela s'ajoute la question de la remontée du niveau de la mer depuis la fin des années
1970 qui inquiète les Etats riverains. L'avenir écologique de cette mer sera-t-il sacrifié au nom de
l'exploitation intensive de ses richesses ?
Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 23 | 1997
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