L’AMERIQUE LATINE APRES LA GUERRE FROIDE ( Diplomates Suisses).
I. REMARQUES INTRODUCTIVES.
1. Au lieu de :“ l’Amérique Latine après la guerre froide “le titre de mon exposé
devrait plutôt être : “ l’Amérique Latine aujourd’hui” ou encore :“ le nouveau
visage de l’Amérique Latine “ qui est certes marqué par la fin de la Guerre Froide,
mais aussi par des éléments plus larges.
2. Jusque-là ( en tout cas depuis quelques décennies car tel n’a pas toujours été le
cas), l’Amérique Latine avait mauvaise presse (dictatures, guérillas, corruption) et
était perçue comme un sous-continent appartenant au Tiers-Monde, à l’écart, en
grande partie, des grands courants internationaux et de l’évolution générale de la
planète. En outre, elle était, depuis la Doctrine Monroe, considérée comme une
chasse gardée des Etats-Unis.
3. Or l’Amérique Latine d’aujourd’hui, celle d’après 1989, est entrée dans la
modernité et le monde “ globalisé” pour le meilleur et pour le pire au demeurant
(paix, démocratie et développement mais aussi influence des crises financières
internationales). Elle a par ailleurs acquis une certaine autonomie par rapport aux
Etats-Unis. L’Europe, qui l’inclut aussi désormais dans sa sphère d’influence, y
possède désormais des intérêts importants.
II.
LA REALITE D’AUJOURD’HUI ET LE TOURNANT DE 1989.
C’est une date quelque peu arbitraire qui marque pour certaines choses le terme
d’un processus, je pense au processus démocratique, et pour d’autres le début
d’une évolution, je pense au libéralisme économique. Mais elle recouvre malgré
tout une réalité mondiale, est symbolique et bien commode.
Cette évolution s’effectue sur plusieurs plans.
A. LA FIN DE LA PLUPART DES DICTATURES MILITAIRES ET DES
GRANDS MOUVEMENTS DE GUERILLAS, ceux au moins liés à la guerre froide
(voir annexes 6 et 7). Parallèlement s’est mis en place un vrai cordon sanitaire (OEA ;
groupe de Rio; Mercosur).
Cette évolution s’explique par la politique Carter en faveur des droits de l’homme, les
pressions internes aux pays concernés et la fin de la guerre froide.
B. LA FIN DE CE QUE L’ON A APPELE “ LA DECENNIE PERDUE”,
les années 80 ayant été marquées par une profonde crise économique, celle du modèle
autocentré et autarcique développé un peu partout, une hyperinflation dévastatrice et
une augmentation vertigineuse de la dette (voir annexe 8).
Les Gouvernements en effet :
a) ouvrent leurs frontières en supprimant les droits de douane,
b) luttent contre l’inflation par des politiques restrictives orthodoxes,
c) se lancent dans des programmes de privatisations, appelant le capital étranger
à y participer largement,
d) remettent aussi à l’ordre du jour la création d’ensembles régionaux, entreprise
qui avait largement échoué dans le passé.
Cela est vrai en Amérique du Sud avec le Mercosur notamment (annexe 9) et le groupe
andin, mais aussi en Amérique centrale (MCCA) et dans les Caraïbes (OECS, AEC et
Caricom).
C. UNE VOLONTE DE L’AMERIQUE DU SUD DE REPRENDRE EN
MAINS SON DESTIN POLITIQUE.
a) l’exemple du groupe de Rio aussi qui s’est formé à partir de l’expérience de
Contadora et de la volonté des centres et sud-américains de favoriser le
processus de paix en Amérique Centrale
b) l’exemple de l’OEA, qui était une chambre d’enregistrement de la volonté
des Etats-Unis et qui devient une enceinte de liberté ou l’action de ces
derniers est parfois critiquée sévèrement ou condamnée (voir annexe 10).
c) Enfin le Brésil, puissance désormais régionale et l’Argentine, cherchent à
jouer un rôle politique au niveau international et se projettent désormais dans
le premier monde.
D. UN CONTINENT QUI COMPTE DE PLUS EN PLUS AU NIVEAU
MONDIAL ( DEMOGRAPHIE, ECONOMIE ETC…). VOIR ANNEXES 1, 2 ET 3.
III. AU FACE A FACE ETATS-UNIS - AMERIQUE LATINE SUCCEDE
DESORMAIS UN JEU A TROIS AVEC L’UNION EUROPEENNE.
Les politiques de:
a) la Commission Européenne (voir annexe 11): sa volonté de s’appuyer sur
divers pôles dans le monde, dont le Mercosur; sa politique d’accords avec
toutes les zones de l’Amérique Latine.
Dans ce jeu, c’est le Mercosur qui est en première ligne, en raison de son
importance économique: accords de 1995, projet de création d’une zone de
libre-échange; sommet de Rio de Janeiro de juin 1998.
Mais les pays andins (SPG drogue) et l’Amérique Centrale (accords
commerciaux avec le Mexique et coopération technique dans le reste de la
zone) comptent aussi.
b) l’Espagne et, dans une moindre mesure, le Portugal, dont cette région du
monde devient le client dans les instances communautaires , au meme titre
que l’Afrique du Nord est appuyée par la France, l’Europe de l’Est, dans une
certaine mesure par l’Allemagne, etc…( sommets hispano-ibériques,
investissements).
c) la France ( voir annexe 12),sa volonté de nouer des relations économiques
(ne pas perdre le train, comme en Asie ) et de favoriser l’émergence d’un
monde multi-polaire.
IV. L’EVOLUTION AINSI BIEN ENGAGEE DE L’AMERIQUE LATINE NE
S’EST CEPENDANT PAS FAITE SANS HEURTS NI RETOURS EN
ARRIERE. ET, A L’HEURE ACTUELLE, UN CERTAIN NOMBRE DE
PROBLEMES NON RESOLUS POURRAIENT EVOLUER DANS UN SENS
DEFAVORABLE.
1. AU NIVEAU POLITIQUE, LES ANCIENNES TENDANCES ONT DANS
CERTAINS CAS PERSISTE OU SONT REAPPARUES.
Certes, ces derniers mois une évolution positive s’est produite au Chili ( procès
Pinochet) , au Mexique (élection de M.V. Fox) ou , plus récemment au Pérou.
Mais:
a) Des pays ont vu leur structure se déliter : Paraguay, Equateur, Colombie.
b) Certaines guérillas sont toujours actives (Colombie et, dans une moindre
mesure, Pérou) ou sont même apparues récemment (Chiapas au
Mexique).Cela est dû à un mélange de revendications qui vont du social é
l’ethnique ( place des Indiens dans la société). Voir annexes 13 et 14.
c) Le Président Castro est toujours à Cuba. Le processus des années 90 a
été ponctué de “ coups d’Etat” ou de tentatives de “coups d’Etat”
(Vénézuela, Paraguay, Pérou). Un régime populiste s’est installé au
Vénézuela avec le Président Chavez en 1998.
d) On a parlé à propos de l’Amérique Latine de “ démocraties de basse
intensité”. Ce qui est certain en tout cas, c’est que l’approfondissement de
l’état de droit y est lent : poches d’autoritarisme au Chili; affaires de
corruption (Collor de Melho au Brésil)); justice inefficace et vénale (un peu
partout); administrations dans le même cas; etc.…
2. AU POINT –DE-VUE ECONOMIQUE,
a) les ensembles régionaux connaissent des succès mitigés (le Caricom et
l’AEC ne convainquent pas; le Pacte Andin non plus; le Mercosur a
régulièrement connu des turbulences au cours des quatre dernières années et
se trouve désormais dans une situation de crise profonde.
b) la situation économique de cette région du globe a connu dans les
dernières années des trous d’air sérieux dus:
-
-
à la détérioration de certaines situations intérieures ( Pérou, Equateur,
Colombie);
à la globalisation des marchés ( Effets “Tequila”, “Caipirinha”,
“Tango”).
c) les économies restent fragiles (voir annexes 15). En gros, la région, tirée
par le croissance extérieure, est parvenue dans l’ensemble, mis à part
quelques exceptions comme l’Argentine, à surmonter les crises successives;
mais les importations de capitaux ne suffisent désormais plus pour payer les
dettes et les intérêts, le chômage, autour de 9% au lieu de 6% ne diminue
pas, le taux de croissance est insuffisant ( 3,5%-4%) pour réduire la pauvreté,
3. ENFIN L’EQUILIBRE STRATEGIQUE ACTUEL AMERIQUE
LATINE- ETATS-UNIS-EUROPE RESTE INSTABLE
-
les Etats-Unis sont toujours présents au niveau politico-stratégique bien plus
que les européens pour défendre leurs intérêts ou encore leurs valeurs
(actuelles) comme la démocratie , etc.…(ex. panama ; Haïti ; le plan
Colombie, etc.…voir annexes 17, 18 et 19 .
-
L’intégration culturelle entre le nord et le sud du continent est très forte
(présence hispanique importante aux Etats-Unis, imbrication audiovisuelle très
avancée au sud). Une nouvelle civilisation ?
-
L’Alena (voir annexe 16) avait été créée en 1992 avec des conséquences
commerciales négatives pour L’Europe. Mais le Président Clinton n’avait pas
obtenu du Congrès les mains libres ( “fast track”) pour la négociation ALCA.
Le Président Bush a fait de l’Amérique Latine une de ses priorités et compte
bien faire avancer ce dossier.
-
Les négociations commerciales avec l’Europe pour la création d’une zone de
libre-échange vont-elles progresser de manière satisfaisante? Enfin quelle sera
l’attitude définitive des voisins du Brésil devant sa tentation hégémonique ?
-
L’intégration culturelle entre le nord et le sud du continent est très forte
(présence hispanique importante aux Etats-Unis, imbrication audiovisuelle très
avancée au sud). Une nouvelle civilisation ?
V. CONCLUSIONS:
1.
Des progrès énormes au cours des dix dernières années. Un visage
désormais différent.
2. Mais en même temps,
a) L’Amérique Latine
-
saura-t-elle trouver définitivement la voie du dévelopt. écon. ?
-
le défi social , qui est son problème principal, reste encore à relever
(annexes 20 et 21). Continent sous-développé socialement; le
développement économique des dernières années a encore aggravé la
fracture sociale.
-
Au-delà, le défi lancé à la démocratie et à l’économie libérale sera-t-il
relevé ?
b) A l’avenir, une, deux ou trois Amériques Latines ?
-
Centrale (sous-développée et dans l’ombre des Etats-Unis) ?
-
Andine (avec des risques de déstabilisation) ? ;
-
Cone Sud (avec des problèmes surtout désormais liés au développement) ?
c) Les Sud-Americains sauront-ils conserver leur autonomie ? Assistera-ton à une intégration Nord-Sud ? Un triangle Amérique du Sud –
Amérique du Nord – Europe ?