La chlamyde fait partie des vêtements qui dans le monde romain sont connotés comme « grecs ». Mais si le terme « chlamys » est bien d’origine grecque et si, dans cette langue, il désigne le plus souvent une sorte de manteau militaire...
moreLa chlamyde fait partie des vêtements qui dans le monde romain sont connotés comme « grecs ». Mais si le terme « chlamys » est bien d’origine grecque et si, dans cette langue, il désigne le plus souvent une sorte de manteau militaire agrafé, porté par des hommes, les adjectifs qui servent en latin à qualifier ce vêtement et surtout les contextes dans lesquels il apparaît lui donnent des sens très divers, qui correspondent à différents aspects de l’imaginaire de la Grèce à Rome.
De manière générale, le port de la chlamyde est rare dans le monde romain : réservée à l’empereur ou à des personnages liés à l’exercice du pouvoir, pour produire des effets spectaculaires, la chlamyde sert surtout dans les textes de fiction à créer de belles images, et notamment à souligner l’altérité de ceux qu’elle habille.
Ainsi, dans le code de la comédie romaine (dite palliata), la chlamyde est d’abord le costume attribué au soldat. Avec des accessoires comme le pétase ou la machaera, elle permet au spectateur d’identifier un personnage venant de l’extérieur, un « voyageur », dont le caractère étranger est souvent renforcé par le dialogue.
Dans l’épopée, la chlamyde figure souvent dans les listes de cadeaux échangés par les héros. Elle n’est plus alors un vêtement à proprement parler, mais une étoffe précieuse, qui renvoie à la fois à l’univers homérique et à la pratique proprement romaine d’exposition des spolia pris à l’ennemi.
Mais l’épopée en langue latine habille aussi volontiers ses héros, en particulier les amis d’Enée, avec des chlamydes richement ornées, dont le luxe « oriental » est volontairement souligné. Luxe des matériaux, des couleurs, des ornements, qui peut faire basculer la chlamyde du côté du barbare ou de l’effémination, et qui contribue en tout cas à créer de belles images d’altérité.
Les récits épiques et mythologiques utilisent aussi la chlamyde pour « fabriquer » des images de dieux, que ces dieux soient présents eux-mêmes, figurés par des statues ou représentés par des acteurs. Souvent associée au mouvement ou à la nudité, la chlamyde joue aussi explicitement avec les représentations traditionnelles de l’art grec pour créer des effets de séduction sur le regard du lecteur-spectateur.
Le citharède est une autre figure que les Romains associent au port de la chlamyde. Aussi, dans la mise en scène que Néron invente pour exhiber ses victoires dans les concours grecs, le port de la chlamyde renvoie à la fois à cet imaginaire romain de la poésie grecque et à la parenté de ce vêtement avec le paludamentum du général triomphateur.
Vêtement ambigu -il peut même en certaines occasions être porté par des femmes- toujours spectaculaire, la chlamyde sert donc à orner, mais souvent aussi à transformer celui qui le porte.
Plus qu’un vêtement, la chlamys apparaît finalement dans le monde romain comme un accessoire qui sert à fabriquer des images, images plastiques ou images faites de mots, images à la grecque d’empereurs, de héros ou de dieux.