L'incidence du cancer colorectal selon le sexe et le site anatomique
Alors que l’incidence du cancer colorectal (CCR) augmente dans les pays émergents, au Québec, comme dans les autres nations industrialisées, l’incidence de ce cancer déjà très élevés au début des années 80 s’est stabilisée. Des changements dans l’exposition des populations aux facteurs agissant tôt dans la pathogénèse du CCR (tabac, sédentarité, obésité, alcool, viande rouge, insuffisance de fibres alimentaires); des changements dans l’exposition à des facteurs chimiopréventifs agissant tard dans la pathogénèse, principalement les antiinflammatoires non-stéroïdiens; ou encore, l’accès au dépistage et à l’excision de lésions précancéreuses constituent les principaux facteurs pouvant modifier les tendances à long terme de l’incidence, standardisée pour l’âge, du CCR. La pathogénèse du CCR est cependant complexe et il est maintenant reconnu que ces facteurs puissent agir différemment chez les hommes et les femmes et d’une section à l’autre du gros intestin.
Au Québec, entre 1984 et 2006, les femmes affichent des taux de CCR systématiquement inférieurs aux hommes, tout particulièrement pour le cancer du rectum . De même durant cette période, les taux d’incidence du CCR ont évolué différemment selon le sexe et le site anatomique. Chez les hommes, l’incidence du cancer au côlon proximal a subi une hausse constante depuis 1984 (différence relative entre 2006 et 1984 (DR06-84 = 21 %), tandis que l’incidence au côlon distal (DR06-84 = −20 %) et au rectum (DR06-84 = −15 %) ont généralement été en baisse, mis-à-part une hausse non significative autour des années 1997−2001. Chez les femmes, l’incidence du cancer au côlon proximal est demeurée stable, alors qu’elle a diminué de façon régulière au côlon distal (DR06-84 = −34 %) et au rectum (DR06-84 = −22 %). L’incidence des autres CCR (cancer du tractus digestif avec localisation non spécifiée, de l’appendice, chevauchant deux sites ou de localisation indéterminée) a légèrement diminuée pour les deux sexes.
Pour la période 2002-2006, la proportion des cancers au côlon proximal, distal et au rectum est, respectivement, de 33 %, 21 % et 39 % chez les hommes et de 42 %, 20 % et 29 % chez les femmes.
Les tendances observées ici sont compatibles avec celles observées ailleurs. Des changements dans la prévalence relative d’exposition aux facteurs de risque précoces du CCR ou encore aux agents chimiopréventifs du CCR pourraient expliquer les évolutions divergentes selon le site. L’adoption pour des fins diagnostiques et de dépistage chez les personnes à haut risque, dans les années 1980, de la sigmoïdoscopie, permettant de visualiser la portion la plus distale du gros intestin, et de la coloscopie, permettant de visualiser l’ensemble du gros intestin, participe peut-être aussi à ce phénomène. Le Québec procède actuellement à des évaluations préalables à l’implantation d’un programme systématique de dépistage du CCR. Dans un contexte où évoluent rapidement les connaissances sur l’efficacité des diverses modalités de dépistage du CCR, il sera important de suivre les incidences par site anatomique afin de choisir les modalités de dépistage les mieux adaptées à la population visée.