La Tunisie antique et islamique: Patrimoine archéologique tunisien
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À propos de ce livre électronique
Né de l’initiative de trois chercheurs – les éditeurs, deux Tunisiens et un Français - et de l’engagement de nombreux autres spécialistes, archéologues et historiens, universitaires et chercheurs de Tunisie et de France, ce livre rassemble une panoplie de textes consacrés au patrimoine archéologique tunisien et destinés à un large public. Le lecteur attentif trouvera donc dans cet ouvrage des notices sur des sites antiques et islamiques, qui doivent leur intérêt à la qualité de ceux qui les ont rédigées, et aux images qui les illustrent ; mais il pourra aussi, au gré de ses curiosités et selon un itinéraire qui peut être sinueux sans perdre sa cohérence, prendre connaissance des « encadrés » qui, sur des questions aussi variées que l’urbanisme ou le monnayage, l’épigraphie, la céramique ou l’artisanat, la maîtrise de l’eau, l’architecture monumentale ou l’habitat, etc., lui offrent des mises au point, dans les deux sections historiques. Ce livre est conçu pour répondre aux questions que le lecteur peut se poser sur tel ou tel aspect des civilisations présentées, mais aussi, éventuellement, pour lui donner les moyens d’en savoir davantage, en consultant les ouvrages auxquels ces textes nécessairement brefs font référence. Ainsi, en livrant ces données scientifiques et patrimoniales replacées dans leur contexte historique, les initiateurs de cette publication veulent sensibiliser le public le plus large possible à la richesse du long passé de la Tunisie. Au delà, ils souhaitent que chaque lecteur devienne l’ambassadeur et le défenseur de ce patrimoine mais également qu’il soit le garant d’une excellente conservation de ces biens culturels, traces de notre histoire commune, pour en assurer la transmission aux générations futures.
Grâce à un ensemble complet de données scientifiques et patrimoniales replacées dans leur contexte historique, découvrez la richesse du long passé de la Tunisie.
EXTRAIT
Sur des vases devenant assez vite, et pour longtemps, fondamentalement achromes, vont apparaître divers types de décors : décors peints en noir, en brun ou en rouge (bandes larges ou filets étroits sur les panses ou les vasques, « gouttes » radiales sur les rebords évasés, ou encore motifs figuratifs simples tels que des yeux) ; décors imprimés (tels que des rosettes ou des oves disséminés à profusion) ; décors incisés, par exemple pour imiter les souples rinceaux des céramiques grecques ; ou encore petites ouvertures ornementales découpées sur le flanc des vases. L’absence de décors véritablement figurés est un trait marquant de ces poteries.
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Avis sur La Tunisie antique et islamique
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Aperçu du livre
La Tunisie antique et islamique - Samir Guizani
Introduction
Ce livre a une histoire qui débute à la fin de l’été 2012. Nous avons alors souhaité initier une publication consacrée au patrimoine antique et islamique tunisien avec pour ambition première de permettre à un large public d’en découvrir toute la richesse.
Il s’agissait aussi pour nous à travers une sélection de sites et l’évocation de quelques thématiques, de porter un regard sur les connaissances acquises aujourd’hui et présenter quelques orientations de l’archéologie contemporaine.
Tout en réservant une place de choix aux apports des recherches les plus récents, il nous a paru essentiel d’inscrire ces contributions dans l’histoire de l’archéologie. C’est donc par une rapide évocation de cette longue et riche histoire de l’archéologie en Tunisie que s’ouvre l’ouvrage. Pour donner une haute tenue scientifique à ce livre, tout en le rendant accessible au plus grand nombre, nous avons conçu l’aventure éditoriale comme un projet collectif en faisant appel aux meilleurs spécialistes pour les sujets retenus et aux chercheurs directement impliqués dans ces recherches. Les auteurs réunis ici donnent ainsi une belle illustration de la longue et fructueuse tradition de collaboration entre les communautés archéologiques tunisienne et française.
Pour le sommaire, ont été sélectionnés une vingtaine de sites parmi les plus exceptionnels du patrimoine archéologique et historique de la Tunisie ; pour faciliter la lecture, les notices consacrées à la présentation des sites ont été normalisées (localisation, histoire des recherches, présentation des principales découvertes). Elles sont accompagnées d’une illustration soigneusement sélectionnée pour mettre à la fois en valeur les sites, les découvertes insignes et souligner toute la diversité et la richesse du patrimoine tunisien. Pour compléter ce regard croisé sur l’archéologie tunisienne et son patrimoine, nous avons souhaité que ces contributions soient enrichies de courts encadrés thématiques ; ces textes synthétiques, sur des sujets généraux, concourent aussi à une meilleure connaissance de l’histoire de ces deux grandes périodes historiques et rendent compte des priorités de la recherche en la matière.
En réunissant dans un même ouvrage ces contributions scientifiques et patrimoniales replacées dans leur contexte historique, nous avons voulu qu’elles constituent en quelque sorte une introduction à l’archéologie tunisienne. En permettant cette découverte, l’ouvrage doit devenir également un outil utile aux étudiants, aux passionnés d’archéologie et à tous ceux qui, pour une raison ou une autre, sont concernés par l’histoire de la Tunisie, la préservation de son patrimoine et sa mise en valeur.
En mettant en lumière l’importance, la qualité scientifique, patrimoniale et l’intérêt majeur de la documentation archéologique disponible pour l’histoire nationale et internationale, nous espérons aussi appeler l’attention des lecteurs et des décideurs sur l’impérieuse nécessité de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour garantir une conservation pérenne à ces archives du sol.
Ce patrimoine, témoin unique d’une histoire collective est un trésor national que nous avons la responsabilité les uns et les autres de protéger, de faire mieux connaître et surtout d’en garantir la transmission aux générations futures. Il est le trait d’union fondamental avec notre passé ; une source d’enseignement pour l’écriture du présent qui doit servir aussi pleinement à la construction d’un avenir nécessairement ouvert sur l’espace méditerranéen en écho à ce que nous révèlent d’ores et déjà les très nombreux vestiges mis au jour dans le sol tunisien.
Pour toutes ces raisons, nous espérons que ce travail collégial sera pour le lecteur une clé privilégiée pour aller à la rencontre de cette richesse fruit d’une imbrication des échanges et des spécificités culturelles. Nous souhaitons aussi vivement que sa lecture fasse naître auprès de tous le désir de devenir des ambassadeurs et des défenseurs de ce patrimoine. Et, qu’il importe de ne pas oublier que cette source majeure de connaissance est d’une extrême fragilité et qui, si l’on n’y prend garde, peut très rapidement disparaître. Toutes ces découvertes faites par hasard ou dans le cadre de fouilles scientifiques sont essentielles pour une découverte et une relecture du temps passé. Elles sont toutes, visibles à l’œil nu ou pas, l’empreinte directe et indirecte des séquences d’une histoire collective parfois totalement oubliée.
Pour terminer, qu’il nous soit permis de remercier l’ensemble des collègues qui ont adhéré à cette idée et accepté d’y contribuer malgré des délais courts pour que sa parution coïncide avec la programmation du mois du patrimoine ; que soit aussi remerciées les autorités tunisiennes et françaises qui ont soutenu cette initiative ; ainsi que les institutions universitaires, administratives et les laboratoires de recherche qui nous ont largement facilité par leurs précieux concours la concrétisation de ce projet.
Enfin, cette œuvre collective n’aurait pu connaître son achèvement sans l’engagement enthousiaste et le grand professionnalisme des éditeurs et de leurs équipes. Qu’en notre nom et ceux des auteurs, les éditions Nirvana et Errance soient ici très chaleureusement remerciés pour avoir compris l’ambition de ce livre et avoir accepté d’en assurer la diffusion.
Il est maintenant une réalité qui, nous l’espérons, fera honneur à l’archéologie et à la Tunisie.
Il nous reste à souhaiter que ces sites archéologiques aujourd’hui inscrits sur le territoire tunisien comme une marque forte de l’identité du pays et les collections exposées dans les musées soient encore enrichies par des découvertes inédites grâce à des explorations scientifiques faisant appel aux technologies et méthodes d’expertise les plus pointues mais aussi par la reprise d’études sur les collections existantes.
Ainsi, pas à pas et génération après génération d’archéologues, les traces du passé encore présentes et lisibles dans les strates du sol, masquées derrière les enduits des murs, ou dans le paysage donneront toute l’épaisseur et le contenu à ce que l’on nomme de manière générale l’histoire des hommes. Une histoire que les archéologues doivent pouvoir à partir d’une expertise minutieuse des témoins factuels participer à expliciter et à écrire en prenant soin de distinguer certitudes et hypothèses. C’est à ce prix que le travail sur notre mémoire prend toute sa valeur, son sens et son utilité au cœur de notre société.
Que les pages qui suivent soient par leur contenu et les idées qu’elles exposent la traduction positive de ces enquêtes conduites par des hommes et des femmes qui partagent au-delà des frontières le même enthousiasme et la même passion avec ce sens de l’intérêt général.
Samir Guizani, Mohamed Ghodhbane, Xavier Delestre
La Tunisie antique
Althiburos / el Médéina, ville numido-romaine
Le site se trouve au nord-ouest de la Tunisie, à 45 km au sud-ouest du Kef, sur un haut plateau, enclavé dans une vallée. Les riches plaines alentours propices à la céréaliculture, les collines qui sont autant des barrières défensives que des gisements de calcaire, les sept sources qui l’entourent, en plus d’un oued qui le traverse au nord et d’un autre qui le longe au sud, ajoutés à une pluviométrie généreuse de plus de 400 mm par an, ont constitué, dès l’aune de l’âge pré et protohistorique, autant de facteurs déterminants pour l’occupation humaine. S’y ajoute plus tard - peut-être, dès l’époque punique - sa situation sur l’importante voie Carthage-Theveste, qui connaîtra un grand développement à l’époque romaine.
Althiburos, de son vrai nom ‘ltbrs, se rattache au monde numide comme en attestent une douzaine d’inscriptions libyques, de nombreuses structures funéraires numides mégalithiques, formées principalement de dolmens, ainsi que des habitats préromains qui peuplent la vallée d’Althiburos, mais dont l’âge « protohistorique culturel » se prolonge à l’ère romaine. Les recherches tuniso-barcelonaises viennent d’établir tout récemment que les attestations de vie sédentaire et d’urbanisme remontent au IXème siècle, voire au Xème siècle avant J.-C. Cette vie urbaine avait connu, dès ce moment-là et aux siècles suivants, des activités économiques variées aussi bien artisanales (naturellement la poterie, la réduction de fer, et probablement le tissage) qu’agricoles (plus particulièrement la céréaliculture, la viticulture, l’oléiculture, les légumes maraîchers), ainsi que l’élevage (porcin, bovin, ovin). Dès le VIIIème siècle avant J.-C., la ville numide entreprend des échanges commerciaux avec le monde phénicien de la côte tunisienne, qui vont s’étendre très tôt pour atteindre le bassin méditerranéen.
Très vite, elle connaît un développement remarquable et joue un certain rôle stratégique, comme en atteste un imposant rempart édifié déjà au IVème siècle avant J.-C. Mais, bien avant, dès le VIIIème siècle, elle établit des échanges et contacts avec le monde punique carthaginois dont elle emprunte des pans entiers de la culture et de la civilisation. Ils ont trait à la vie économique (importation de la céramique et des produits qu’elle véhicule), politique (adoption de l’institution du suffétat, du mizrah), social (onomastique), religieux (un naïskos, et surtout l’adoption du culte de Baal Hammon) et même urbanistique (une citerne du VIème siècle rappelle celles de Carthage de la même époque). On peut dire, que dès le IVème siècle, au moins, deux cultures, punique et numide, vivaient en symbiose dans la ville.
Ces relations étaient-elles de l’ordre des échanges et des contacts entre deux peuples où traduisaient-elles une domination politique carthaginoise sur la ville ? Cette question a été simplement effleurée - faute de preuves - par la plupart des historiens se contentant d’indiquer que la ville se trouve à la lisière du territoire punique, et de relever les influences puniques dans la ville. Elle pourrait de ce fait en être complètement indépendante. Tout récemment, on a soutenu qu’elle appartenait à la chorâ Thusca, l’une des circonscriptions carthaginoises. En réalité, se situant probablement, au-delà, mais à proximité des fosses phéniciennes, Althiburos aurait été simplement, selon nous, et pour plusieurs raisons, peut être une cité « vassale » de Carthage, lui ayant servi de garnison, à l’instar de Sicca Veneria au nord, du moins dans sa zone d’influence. En tout cas, au lendemain de la 2ème guerre punique, et dans le sillage des annexions faites par Massinissa dans le territoire punique, Althiburos retrouve pleinement le monde numide, jusqu’à la réduction, en 46 avant J.-C., du royaume de Juba en province romaine, l’Africa nova. Elle entre alors de plain-pied dans le monde romain, sans pour autant occulter son substrat culturel numido-punique qui, parallèlement à sa romanisation, restera vivace pour un certain temps encore.
Les fouilles récentes exécutées au centre de la ville, dans le secteur du capitole, montrent que les « Romains » se sont établis sur les vestiges de la ville numide même, les constructions romaines se superposant aux bâtiments et structures numides. Cette activité urbanistique est attestée dès la fin du Ier siècle avant J.-C., et se poursuit tout au long de l’Empire, mais la parure monumentale visible aujourd’hui appartient surtout au Haut-Empire, plus particulièrement à la dynastie antoninienne et sévérienne. La monumentalisation de la ville a dû accompagner sa promotion municipale au rang de municipe, qui eut lieu probablement au cours du voyage de l’empereur Hadrien en Afrique, en 128. La période tardo-antique a connu une présence vandale bien attestée dans le secteur fouillé ; elle s’est traduite en revanche par d’importantes démolitions des structures antécédentes. La période byzantine est plus visible dans la ville, que ce soit dans ce secteur fouillé ou dans certains monuments publics transformés en fortifications, tels que le théâtre, en plus de deux importantes forteresses à l’entrée ouest et est de la ville. S’y ajoutent les nombreuses structures de bâtiments correspondant à la date d’abandon de la ville, dont la plupart sont encore enfouies.
La ville connaîtra une occupation arabe, dès le IXème siècle au moins et assurément au Xème siècle, comme l’atteste la céramique ; d’ailleurs, les sources nous rapportent une importante bataille opposant Chiîtes et Aghlabides, qui eut lieu en 295 H/907-908 à Dar Medyan (Althiburos). Il semble que la ville sera abandonnée entre le Xème et le milieu du XIème siècle, probablement avec l’arrivée des Hilaliens.
Dès qu’on pénètre dans la vallée d’Althiburos, en arrivant de la petite ville de Dahmani, à une dizaine de km au nord-est, on est frappé par l’étendue des plaines céréalières fertiles et les versants verdoyants des collines alentour, et sitôt, on est accueilli par la source généreuse d’Aïn el Ajmi et l’oued el Melagui, qui semblent ponctuer une ambiance de verdure et de fraîcheur.
Le site lui-même s’annonce au loin à droite par un mausolée juché sur la colline de Koudiat Ben Hanoun, surplombant l’ensemble du site. Aux premiers abords de celui-ci, se voit l’amoncellement des vestiges d’une forteresse byzantine, sur le versant gauche de l’oued el Melagui. Une porte monumentale, au milieu d’une petite oliveraie touffue, lui fait face, elle remonte au IVème ou Vème siècle. La route sinueuse qui donne accès au site le coupe en deux. Dans la partie de droite où coule l’oued Abid se pratique une culture vivrière de légumes et d’arbres fruitiers (grenadiers, figuiers) ; ici et là, on peut voir des blocs épars et des alignements de structures de murs (remparts, bâtiments défensifs ?).
C’est sur la gauche que se développe le site antique. Il est dominé majestueusement au sud par le capitole dédié pour le salut de l’empereur Commode. Il conserve encore son podium, ses murs latéraux imposants et sa cour dallée. Sa cella est munie de deux ailes qui ne communiquent pas avec elle ; vers le milieu du IIIème siècle un portique est construit le long de ses deux côtés latéraux. à sa gauche, un bâtiment d’époque tardive dont il ne reste plus que les substructions, semble avoir pris la place d’un temple préromain. Ces deux temples sont séparés du forum au nord par une chaussée dallée que délimitent, à gauche et à droite, deux portes monumentales qui ne gardent plus que les soubassements ; l’une est dédiée à l’empereur Hadrien qualifié de conditor municipi. Cette chaussée se prolonge vers l’est pour buter contre une belle fontaine en bon état de conservation.
à une centaine de mètres, plus à l’est, se dresse un théâtre imposant qui était entièrement construit et qui garde encore l’essentiel de ses structures. La cavea qui est plein sud conserve une bonne partie de ses gradins et les trois étages supérieurs de ses arcades, elle s’étend sur une soixantaine de mètres de diamètre. En face de la cavea se tient la scène longue de 35 m. Le monument date au plus tôt de Commode ; plus tard, il servira de fortification à l’époque byzantine et sera occupé par les Arabes à l’époque médiévale.
On accède au forum surélevé par deux escaliers faisant face au capitole et au temple préromain. De superficie moyenne, il conserve encore son dallage et était entouré de portiques dont quelques colonnes ont été remontées, il abrite à gauche (à l’ouest) une série de bâtiments et d’édicules civils et religieux, l’un d’eux serait consacré à Minerve. La place centrale est munie de soubassements, piédestaux et bases de statue, dont celle de Caius Iulius Felix Arrunculeianus honoré pour avoir offert la statue de Marsyas et les premiers jeux dans la ville. Dans l’axe longitudinal nord-sud du forum se dresse un temple tétrastyle anonyme, seuls sont conservés le stylobate et les bases de colonnes, il est muni d’un palier d’accès et d’une cella auquel on accède par un escalier.
à peu de distance au sud-est, un monument à auges est remarquablement bien conservé. Des structures d’habitats tardifs sont attenantes au temple à l’est, citons une maison à péristyle qui conserve encore plusieurs socles des bases de colonnes, décorés de reliefs animaliers et végétaux, les travées étaient mosaïquées.
à quelque 80 m à l’ouest sur la rive gauche de l’ouest el Médéina se trouve « la maison de la pêche » à péristyle, à deux étages, celui d’en-haut a disparu en grande partie. L’une des pièces du sous-sol était pavée d’une belle mosaïque figurant des scènes de pêche, elle est exposée aujourd’hui au musée du Bardo.
Juste au nord, au-delà de l’oued el Médéina est aménagé un quartier résidentiel assez tardif renfermant de vastes demeures très luxueuses. Sur la rive droite de cet oued est située la « maison des Muses », à péristyle, dont le triclinium était pavé d’une mosaïque représentant des scènes marines ; celle qui figure les nymphes et les amours est exposée dans le musée du Bardo. Ces deux maisons remontent au milieu ou à la fin du IIème siècle.
Toute proche, vers le nord, est aménagée une plus grande maison à péristyle, baptisée « édifice des Asclépieia », à cause d’une inscription grecque ornant l’un de ses pavements mosaïqués. Le palier d’entrée au péristyle a révélé la fameuse et riche mosaïque aux bateaux exposée actuellement au musée du Bardo. Le péristyle entoure de ses colonnades et chancels - conservés en partie - un petit jardin muni d’une vasque et de bassins. Il était pavé de mosaïques et desservait plusieurs pièces également mosaïquées. Dans la partie sud sont aménagés des thermes. Cet édifice est passé par trois étapes d’occupation, couvrant le IIIème siècle et le IVème siècle.
De là, et après avoir emprunté vers l’est, une pente douce, on traverse un petit cours d’eau, que surmonte le sanctuaire de Baal Hammon-Saturne, aménagé sur un petit plateau ; il a été révélé par la découverte d’importantes stèles épigraphes, et fait l’objet actuellement d’un projet de fouille.
Nabil Kallala
Ammaedara / Haidra
Située à environ 250 km au sud-ouest de la métropole, Carthage, avec laquelle elle est reliée par l’importante voie qui la traverse d’est en ouest pour atteindre Theveste (Tébessa en Algérie) à un peu moins de 40 km, la mention de la ville d’Ammaedara est le plus souvent intimement liée à la troisième légion Auguste dont elle abrita le camp au 1er siècle après J.-C. Cette vocation militaire à l’origine de sa création fut de courte durée puisque cette première unité permanente dans l’Est de la province s’installa vers l’an 75 à Theveste. Mais cette vocation lui revint au début de la « reconquête » de Justinien en 533 puisque la citadelle qui occupe une grande partie du cœur de la ville, figure sur la liste des ouvrages défensifs dont la construction a été décidée par cet empereur. L’ imposant monument (il fait environ 200 m de long sur 110 m de large) ainsi que quelques autres (édifices publics, églises), des nécropoles et une exceptionnelle série d’inscriptions latines (païennes et chrétiennes) font qu’Ammaedara fut une destination privilégiée pour de nombreux explorateurs et voyageurs européens depuis le début du XVIIIème siècle (le père trinitaire F. Ximènez en est le pionnier). Mais c’est à partir de la deuxième moitié du XIXème siècle et surtout du début du XXème siècle que la recherche scientifique ayant trait à plusieurs aspects archéologiques et historiques de la ville prit un véritable essor : corpus des inscriptions, descriptions des vestiges, relevés topographiques et architecturaux…(G. Wilmanns, R. Cagnat, H. Saladin, Ch. Diehl, E. Sadoux, S. Gsell, A. Piganiol, A. Merlin, F. G. de Pachtère…).
Des dégagements, parfois de grande enver-gure, débutèrent dans les années 30, avec G. Dolcemascolo, médecin de la mine voisine de Kalaa Khasba . C’est de cette époque que date « la fouille » de plusieurs édifices de culte : églises ou chapelles. Ce n’est qu’à la fin des années soixante du siècle dernier qu’une étude scientifique digne de ce nom, vit le jour à Ammaedara dans le cadre de la coopération Tuniso-française (Institut National d’Archéologie et d’Art, ensuite Institut National du Patrimoine- Université de Paris IV Sorbonne). L’équipe mixte qui poursuit ses recherches jusqu’à nos jours, ne s’est pas contentée de reprendre les fouilles effectuées précédemment (chapelle de Candidus, cathédrale de Melleus , église de la citadelle…) mais elle a surtout entamé de nouvelles investigations sur le site permettant ainsi de mettre au jour des établissements chrétiens confirmant en quelque sorte l’importante place qu’occupait Ammaedara à l’époque chrétienne à l’échelle de toute la province.
Ammaedara la chrétienne
Représentée à Carthage au synode organisé par Cyprien en 256 par son évêque , Eugenius, l’église d’Ammaedara, le sera tout au long des siècles durant lesquels l’Afrique était chrétienne. Comme la grande majorité des évêchés, la conférence contradictoire de 411 accueillera deux évêques : Speratus pour les catholiques et Crescentianus pour les donatistes. Et si les sources ne mentionnent qu’un peu moins d’une dizaine de membres du clergé ayant exercé ici diverses fonctions ecclésiales au cours des siècles, les textes épigraphiques, dont Haidra en a fourni un très grand nombre, trouvés dans des contextes différents, mais surtout à l’intérieur des édifices de culte, nous en présentent une trentaine comprenant des évêques, des prêtres, des diacres, des lecteurs, des religieuses ainsi que des clercs. Certains de ces textes sont sous forme de procès verbaux de déposition de reliques.
Les édifices de culte
De tous les édifices antiques reconnus sur le site d’Ammaedara, ce sont certainement ceux qui sont en rapport avec le christianisme que l’on connaît désormais le mieux pour avoir été étudiés et publiés . à ce jour, sept églises et peut-être une chapelle ont pu être identifiées à plusieurs endroits de la ville antique dont la superficie n’atteint qu’un peu plus de 70 ha, ce qui en fait l’un des sites de l’Afrique antique, après la métropole Carthage bien sûr, où l’on est en présence d’une aussi forte densité d’édifices de culte. On rappellera qu’à Thelepte, grand centre urbain de la région des Hautes Steppes, quatre églises ou chapelles sur les sept ou huit signalées par Stéphane Gsell dans ses édifices chrétiens de Thelepte et d’Ammaedara, datant des années trente, ont pu être clairement identifiées. A Sufetula, on compte six ou sept comme c’est le cas à Tipasa en Maurétanie césarienne. Par ailleurs et souvent en Afrique, plus particulièrement dans cette région du centre-ouest tunisien, des réaménagements et des transformations de l’organisation interne des édifices sont effectués ; sans doute en rapport avec le développement du culte des martyrs. Et l’on assistera alors à la création d’un second centre de culte sous forme d’une contre abside ou d’un contre chœur protégé par des chancels. C’est le cas de deux exemples à Ammaedara dans l’église de Candidus et la cathédrale de Melleus.
L’église ou chapelle de Candidus
Aménagée dans une zone de nécropoles au-delà de l’arc de Septime Sévère qui marquait l’entrée de la ville, cette