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Pacte des veuves de Saint-Malo: Une journée en enfer
Pacte des veuves de Saint-Malo: Une journée en enfer
Pacte des veuves de Saint-Malo: Une journée en enfer
Livre électronique154 pages2 heures

Pacte des veuves de Saint-Malo: Une journée en enfer

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À propos de ce livre électronique

Les retraités de Saint-Malo ont le goût de la vengeance.

Une journée en enfer, voilà ce que va vivre Victor Tarin cet après-midi de mai alors qu’il attend l’ouverture des écluses au barrage de La Rance. Un type veut s’y suicider en sautant dans les tourbillons des vannes. Pendant ce temps-là, Marie Balot est aux prises avec un drôle de fugitif qui fuit un ennemi invisible en courant nu et en bousculant tout sur son passage dans les rues de Saint-Servan. Le Pacte des Veuves, onzième aventure de Victor Tarin, plonge le lecteur dans un univers de vengeance et de morts suspectes qui met mal à l’aise les retraités de Saint-Malo, qui cachent de terribles secrets enfouis derrière leurs cheveux blancs et leurs airs paisibles… La vengeance est un plat qui se mange froid, jamais un dicton populaire n’aura été aussi bien employé…

Retrouvez les aventures de Victor Tarin et Marie Balot en version numérique !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1961 à Languédias, fils et petit-fils de boulanger, Eric Rondel est l'auteur de nombreux ouvrages historiques sur la Seconde Guerre Mondiale. Amoureux de sa région et de son histoire, il a créé le personnage décapant de Victor Tarin pour pouvoir en parler différemment à travers des romans policiers qui la mettent en valeur. Dès la sortie de la première aventure de Victor Tarin en 1998, le personnage a trouvé son public.
LangueFrançais
Date de sortie3 juin 2020
ISBN9782374690513
Pacte des veuves de Saint-Malo: Une journée en enfer

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    Aperçu du livre

    Pacte des veuves de Saint-Malo - Eric Rondel

    hasard.

    La scène du crime était située dans un appartement cossu et tristounet du quartier bourgeois du grand Saint-Malo, qui ressemblait à tous les appartements du monde habités par des vieux, riches, mais sans goût, multipliant les bibelots exposés sur des napperons brodés maison qui trônaient sur des meubles vieillots, et les portraits en noir et blanc des chers disparus repiqués avec plus ou moins de talent sur des photos de mariage jaunies, accrochés à des murs tapissés de motifs démodés aux couleurs passées, témoins d’une autre époque.

    D’une surface plus que correcte, l’appartement était figé dans le temps de sa splendeur et puait l’encaustique et la naphtaline dont ses propriétaires usaient sans modération. La cuisine en formica rouge, la pièce la plus moderne où se côtoyaient anachroniquement un four micro-ondes et un vieux fourneau à gaz émaillé des années cinquante, était pavée d’un carrelage à petits carreaux blancs et noirs. Cette pièce témoignait d’une époque où des petits malins, brocanteurs ou escrocs – ou les deux à la fois – sillonnaient les campagnes à la recherche des meubles bretons en chêne massif qui ornaient les fermes pour les échanger sans remords avec des tables aux pieds en fer chromé ou des buffets à tiroirs de contreplaqué sans âme. Combien de paysans naïfs s’étaient ainsi laissés berner par ces beaux messieurs venus de la ville, bons parleurs avides d’une fortune rapide, et s’étaient laissés dépouiller de leurs meubles de famille vendus ensuite très cher par ces pillards patentés dans les puces de l’hexagone et parfois même au-delà.

    Tout ici suintait la nostalgie et une splendeur à jamais révolue. Ceux qui y survivaient aujourd’hui sortaient très peu et y ressassaient une vengeance qui ne serait peut-être jamais assouvie. À bien y regarder, un observateur attentif y aurait deviné qu’on y vouait un culte au passé qui laissait deviner qu’un terrible secret rongeait la mémoire de ses habitants.

    Cet après-midi-là, marchant délicatement sur le parquet flottant pour éviter d’en faire craquer les lattes bien cirées, délaissant les patins pourtant bien mis en évidence sur le pas de la porte, un assassin pas très sûr de lui qui avait la tête prise dans un étau tellement il avait un mal de crâne depuis son réveil, tourna avec tact la poignée en céramique ronde de la porte du salon. Celle-ci ouverte, il dut écarter un lourd rideau en velours rouge pour pénétrer dans la pièce elle-même. Regardant à droite et à gauche sans bouger le corps à la manière d’une chouette à l’affût, marchant à pas feutrés pour prévenir tout craquement intempestif, respirant fort pour ventiler son sang qui bouillait de trouille dans ses veines, il aperçut le haut d’un crâne dont le légitime propriétaire somnolait bruyamment et paisiblement dans un solide Voltaire. Ce confortable fauteuil antique matelassé recouvert de tissu rouge qui avait reposé des générations de postérieurs était stratégiquement placé devant une généreuse cheminée en granit de Languédias où rougeoyaient quelques buches

    Il faisait froid cette année-là, même au mois de mai.

    Aux pieds du dormeur, un vieux chat qui devait être sourd, car il ne réagissait pas à l’arrivée d’un étranger dans la pièce, était lové sur un tapis qui gardait jalousement les poils de la bête qui en perdait beaucoup.

    Les ronflements monotones de sa future victime rassurèrent un peu le criminel et calmèrent les battements de son cœur qui cognait à tout rompre dans sa poitrine et envahissait son corps et son cerveau de coups de marteau, au point qu’il croyait qu’on pouvait les entendre de l’extérieur.

    Ses tempes où brillaient des gouttes de sueur battaient la mesure de sa peur.

    L’oreille à l’affut, il percevait un bruit d’eau qui coule parvenant de l’appartement d’à côté, occupé par un jeune célibataire qui devait se préparer pour une sortie. On était un dimanche.

    – On entend tout dans ces vieilles bâtisses, pensa-t-il sans trop y prendre garde.

    Recherchant un peu de calme, tout en restant sur place pour ne pas réveiller son innocente cible, il se mit à chercher une arme. Car ce criminel du dimanche n’avait rien sur lui pour exercer son nouveau, mais éphémère, métier de distributeur de mort. Scrutant de gauche à droite, soudain, il l’aperçut.

    Elle lui tendait les bras.

    C’était une Vierge en bronze ramenée de Lourdes bien des années en arrière lors d’un pèlerinage, que ses propriétaires avaient fait pour que Marie les aide à retrouver une vie normale. L’image de la sainte trônait sur un guéridon à sa droite. Se saisissant à pleine main de la pauvre statue qui ne demandait rien à personne, sauf du respect, l’assassin se glissa vers le Voltaire d’où venaient les ronflements, bien déterminé à mettre un point final à tout cela.

    Puis, avec quand même une dernière hésitation, se disant, pour se donner du courage, qu’il n’aurait peut-être jamais une si bonne occasion de tuer et d’ainsi mettre fin à un calvaire qui n’avait que trop duré, il frappa un grand coup sur le haut de la tête qui dépassait du dossier. Le sang gicla et, sans un râle d’agonie, le corps s’affala sur le côté, faisant tomber le napperon qui protégeait le bois précieux du dossier et qui resta accroché aux larges accoudoirs rembourrés. La violence du coup qui explosa le crâne de la victime fit tomber le corps qui déséquilibra le fauteuil dans sa chute, et le tout s’affala avec un grand fracas sur le parquet, faisant fuir le chat dérangé dans son sommeil.

    L’assassin resta quelques secondes interdit à admirer ce qu’il avait fait, puis, laissant tomber l’arme du crime près de sa victime, il commença à fouiller frénétiquement les meubles à la recherche de quelque chose connue de lui seul, mais qui, vu l’énergie qu’il mettait à fouiller, devait avoir une importance vitale.

    Ne trouvant rien après un examen approfondi, il regarda de nouveau sa victime et comprit. Dans sa chute, elle avait laissé tomber quelque chose sur le parquet. C’était un cahier d’écolier taché de sang et de cervelle sur lequel la victime écrivait ses mémoires à la main.

    C’était ça que recherchait l’assassin et qu’il lui fallait détruire. C’était, pensait-il, la clé de ses ennuis. Se ravisant soudain en apercevant le livre, souffrant toujours d’une terrible migraine qui ne se passait pas malgré qu’il venait d’accomplir sa mission, il revint sur ses pas et, chassant d’un revers de main les morceaux de cervelle qui entachaient la couverture, il prit le manuscrit en main et le parcourut rapidement.

    Tout y était écrit, dans le moindre détail, preuve irréfutable : aussi décida-t-il de le faire disparaître à tout jamais.

    Le feu ferait office de purificateur.

    Il s’apprêtait à le jeter dans la cheminée pour le réduire en cendre, quand un événement inattendu le fit suspendre son mouvement.

    On venait de frapper avec insistance à la porte d’entrée.

    L’assassin reposa alors le livre et attendit.

    – Que se passe-t-il ici, j’étais à prendre une douche et j’ai entendu du bruit, cria-t-on à travers la porte. Tout va bien ?

    L’assassin était statufié, cet imprévu lui glaçait le sang. Dans tout crime il y a un petit grain de sable qui vient gripper la bonne mécanique, et ce petit grain de sable, il frappait à la porte. L’assassin maudit le peu d’épaisseur des murs de cette vieille maison que l’on avait transformée en appartement avec de trop faibles moyens.

    – Eh oh ! reprit la voix dans le couloir, vous m’entendez là-dedans ?

    Une panique irrationnelle commença à envahir le criminel qui reprit la statue en main pour se défendre de ce curieux s’il entrait.

    – Tant pis, reprit le voisin qui gesticulait dans le couloir. J’enfonce la porte, mais je vous préviens je ne suis pas présentable, j’étais à prendre une douche.

    La gâche de la porte ne résista pas à l’assaut d’une solide épaule masculine et se brisa net, libérant la porte de sa serrure. Les deux hommes se retrouvèrent face à face, un avec une statue de la Vierge ensanglantée, l’autre avec un couteau à la main.

    Ils furent aussi surpris l’un que l’autre de se reconnaître, mais pas un n’osait bouger de peur de dévoiler son intention. Pourtant, il y aurait bientôt deux cadavres allongés sur le parquet de cet appartement puant l’encaustique et la naphtaline, un près de la cheminée au crâne fracassé, l’autre près de la porte d’entrée la gorge tranchée.

    Comme un diablotin à ressort s’arrache de sa boîte surprise, malgré la pluie et la froidure de ce début de soirée malouine, un homme entièrement nu au regard affolé venait de débouler sans crier gare de la porte cochère d’un immeuble de Saint-Servan, non loin de l’église Sainte-Croix dont la tête de granit était perdue dans les nuages gorgés d’eau.

    Dans sa précipitation et son mépris des passants interloqués, sans même l’apercevoir, le fugitif en tenue d’Adam bouscula une vieille femme en tenue sombre et triste qui, revenant à petits pas de faire ses courses du soir dans la rue Ville Pépin – la rue principale et commerciale de Saint-Servan –, tenait son parapluie noir passé d’une main et semblait traîner péniblement son chariot chamarré et grinçant de l’autre, tout en rêvant aux années fuyantes qui ne se rattrapent jamais. Cette femme qui vivait en marge de la société et que personne ne remarquait jamais avait l’habitude de marmonner pour se tenir compagnie et se rassurer.

    – Oh ! l’imbécile ! avait-elle eu le temps d’articuler en tombant durement sur les fesses et en apercevant furtivement son agresseur qui lui ne l’avait pas vue. Où va-t-il comme ça cet idiot, et dans une telle tenue ?

    Si tout en cette femme était gris, de ses cheveux négligés à ses bas reprisés, elle ressemblait à une de ces vieilles dames sans histoire qui inspirent le respect à ceux qui ne la connaissent pas dans le détail de ses secrets savamment dissimulés, et qu’on imagine, sans mal, avoir eu une vie difficile sans véritable joie. Sans effort particulier on songeait à ses longues journées monotones et fades, rythmées par le tic-tac hypnotique d’un carillon qui fait remonter quotidiennement le souvenir des êtres disparus, et qui ne s’efface que par des prières insistantes savamment égrenées par les dévotes manipulations d’un chapelet de famille crasseux éternellement entreposé dans un sac à main démodé.

    Son allure cassée et rhumatismale, sa tenue vestimentaire négligée figée dans les années cinquante et son visage strict faisaient qu’on imaginait difficilement que cette vieillarde avait été jeune un jour et qu’elle en avait connu tous les émois. Vraisemblablement à cause d’un lourd destin, elle avait dû gagner son allure de petite vieille vers ses trente ans et n’avait plus changé depuis. Pour ceux qui la croisaient sans la connaître intimement – si tant est que des gens la voyaient –, elle pouvait aussi bien avoir cinquante, soixante ou quatre-vingts ans, tellement les années semblaient ne plus avoir d’emprise sur son visage fripé. L’érosion naturelle des ans et des

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