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Le Ciel La limite
Le Ciel La limite
Le Ciel La limite
Livre électronique276 pages3 heures

Le Ciel La limite

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À propos de ce livre électronique

…Dans le train je dissimule la marchandise comme d’habitude, j’ai bien pris le coup maintenant. Le képi sourit en me rendant le passeport. Je récupère la dope un peu avant Paris. J’ai l’audace d’en rouler un petit sur mon siège. Un changement de gare… Je me sens fort, supérieurement vivant. Je me demande pourquoi je n’ai pas pensé à dealer plus tôt… Une double tranche de vie de l’homme sans facture, des limbes à la délivrance, de l’insouciance à l’obsession, des années soixante aux années quatre-vingts, en deux narrations intimement parallèles. D’un style puissant et novateur, émouvant et plein d’humour, ce récit est à lire sans modération, saine accoutumance souhaitée.
LangueFrançais
Date de sortie22 janv. 2013
ISBN9782312007618
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    Le Ciel La limite - Didier Poisson

    cover.jpg

    Le ciel

    La limite

    Didier Poisson

    Le ciel

    La limite

    LES ÉDITIONS DU NET

    70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux

    © Les Éditions du Net, 2013

    ISBN : 978-2-312-00761-8

    Vent erratique, heaume…

    Aveugles rêveurs.

    Un ange lotit

    Lasso sagace

    Coolie…

    Or glaner

    Glaner lors de la chute échéance

    Lumière rouge crue, amante,

    Herse arrière, moule matriçant…

    Moi je !…

    Chapitre 1

    1984

    Hurlement ! Songe évanoui…

    Un train la nuit !

    Danse la géométrie lumineuse, en coupe basse.

    Rêve de fer… Ça grince, brinquebale…branle !

    Une déperdition… Ultime secousse… Banquette vibrante…

    Expiration : le train stoppe.

    Debout ! Descendre !

    Une gare aux lumières légitimées, des silhouettes s’y dispersent, attendues, dans la nuit, éperdues !

    Je reviens d’Amsterdam. Un moteur détonne. Des pas s’estompent.

    Une ville la nuit… Des lampadaires éclairent des traces, des flaques, lumières vaines et stériles stigmates.

    Vite la rue… Une rue moribonde que je connais à peine et dont je rase les murs. Pas corps qui vive…

    La maison, misérable euphémisme… Triste porte écaillée mendiant sur le trottoir, deux pièces que j’ai réussie à louer, en tant qu’étudiant malgré les cheveux grisonnants, les rides vicieuses. J’ouvre, j’allume, un matelas à même le sol, une table deux chaises… de l’humidité suinte du plafond.

    Que la cheminée pour rassurer ! S’imaginer fumant, extra lucide face à l’âtre rougeoyant et crépitant, pensées sereines, dehors mugirait le vent et déflagreraient les muses.

    Je fume, m’étends matelas, mental calcul, hâte d’être demain.

    Demain : allongé dans le sac de couchage, il me semble avoir une multitude de choses excitantes à faire. Comme si s’exaltait un monde nouveau, dehors irradierait un soleil de nostalgie, au coin des rues débonnaires giclerait l’imprévu.

    Car c’est une nouvelle tranche de vie qui va s’inaugurer dans cette bicoque ! Et tranche en vue de laquelle je suis paré muni pourvu : couteau bougie briquet bouteille papier alu : c’est la façon dont s’épèle la vie nouvelle.

    J’ai les doigts brûlés et égratignés lorsque j’en termine enfin. Le jour est bien avancé… se lancer !

    Je sors, rue stérile… morne rue où le jour s’allie à la nuit. Néanmoins suis imbibé d’optimisme bon gré ! Dans une cour d’école tournoient les feuilles d’automne, évanescentes bribes d’enfance autour des arbres. Je me dirige vers le centre de la ville. Ville moyenne mais conforme, à la norme, espèce d’infatuée ville qui se figure future.

    Je n’y connais personne, un hasard à qualifier m’a conduit ici… Je tâche toutefois de repérer certaines dégaines.

    Déjà le soir… Un vide sournois que comble le brouillard ; s’insinue le froid, interstices glacées.

    Les feuilles s’amoncellent, soumission au vent présent, saison en prémisses constantes. Certes autour des arrêts de bus nulle poésie !

    Une silhouette devant moi, réalité ferrée sortie de la brume, voie échue dans la rue déserte, et la pénombre masque, un jeune me semble, un adolescent m’ensemble, le bon look je crois, la proie, alors relance toi ! Tente !

    « Psitt, hé ho, heu dis, heu dis-moi, heu…tu veux du shit ? »  

    Du hasch !

    Du haschisch !

    Du teuchi !

    Sais quoi, et du bon !

    Il change d’épaule son sac de sport sans me regarder.

    Allez petit une barrette !

    Rien qu’une !

    Allez quoi dis oui !

    Make my day !

    L’enfant fuit.

    Traverses dans la cité sombre.

    De retour dans la bicoque, bredouille, je fais du feu, se réchauffer ! Que des journaux à brûler, aujourd’hui c’est demain, de l’illusion qui flambe à une vitesse stupéfiante, brève rémission. Des prospectus aussi, promotion, exceptionnel et cetera, cette prose maligne dans la boite à lettres, on doit abattre des arbres pour imprimer ça, une fumée bleuâtre se dégage, flammes avortées, muses enfumées, qu’à se coucher !

    Je m’allonge, je fume, je détaille les tâches d’humidité au plafond, j’inscris des mots de passe dans des cases imaginaires.

    …………….

    Chapitre 2

    Je ne sais pas encore marcher assurément que je vais déjà à l’école, empêtré de limbes. On m’y conduit en poussette, langé.

    Un déséquilibre provoque bascules et bosses ; une induction céphalique, migraineuse ; phénomène balbutié en sourdine mais ignoré rejeté, youpala barboteuse !

    Je suis unique, innocent timide, heureux intelligent !

    La forêt d’Othe lèche la maison. J’en longe l’orée, butant. Des sentiers s’enfoncent, au loin une voûte lumineuse tente la prudence.

    Heure désirée du goûter, odeur des tartines au camembert dans le four, pain d’épices ; un monde restreint et douillet persiste et donne envie de se retenir.

    Ma mère est assise près de la fenêtre devant une machine hérissée d’aiguilles et bardée de courroies. Elle dit, à la lumière déclinante, elle dit qu’elle, son ton m’émeut, qu’elle s’esquinte les yeux.

    Elle remmaille. Remmailler : ce verbe est comme une trappe au cœur de mon univers, s’ouvrant sur le noir de la peur.

    Ô maman un jour viendra, vaillant, tu verras, or et argent !

    Sur le chemin de l’usine je chancelle…

    J’apporte un casse-croûte à mon père. J’entre dans ce nouvel univers le cœur battant. J’ouvre des portes comme autant de passages vers l’envers d’un allant de soi jusqu’alors inatteignable, s’amplifie le bruit, ce bruit son d’une insensée révélation… Je rougis sous le regard des femmes en blouses qui me dissèquent, me fixent, PAPA !

    Epouvantable vacarme des totems aux bobines de fils tressautant !

    Il surgit d’un métier, auréolé ; il pose sa burette, me soulève, héros en salopette, son mégot, les joues rugueuses, cette odeur de bonneterie.

    « Tiens mais c’est mon p’tit homme ! »

    Je ferme les yeux, je relègue l’usine, aux commandes d’un nuage je m’imagine.

    L’homme de la lune, Monsieur Personne, spirale, mystère…

    « C’est tout blanc », annonce maman en me réveillant.

    Paupières encroûtées je m’extrais du sommeil. Sommeil profond, immense, épais.

    « Monte là-dessus tu verras Montmartre ! », dit-elle en me hissant sur une chaise, en me frictionnant avec un gant.

    Mais vite je veux voir, écarter le rideau ! Oui c’est blanc, et ça continue de tomber, ça tombe ça tombe, drus flocons silencieux, blanc monde, tendre coton, immaculée couche, que nul ne la foule avant moi ! Les deux sœurs ainées en se chamaillant s’emmitouflant s’apprêtent à sortir, à courir à frémir, moufles, boules, glissades, vite les devancer !

    Les carreaux de la classe sont givrés. Le ciel est gris, d’un gris joyeux qui réconforte et dans lequel je ne souhaite pas discerner la moindre lueur.

    Papa est présent tiens, à l’école, les autres élèves sont partis, papa avec le maître, le maître qui lui parle, les mots s’impriment, distinctement :

    « Ne vous en faites pas monsieur, votre fils ne vous décevra jamais ! » 

    Oui, lecture calcul apprivoisés, la… lourdeur déséquilibrante, écriture encre buvard, anomalie amadouée, récitation bon point image, a forgé un sentiment de supériorité qui préserve des allusions, éponge limpide.

    Les flocons dansent, papa ajuste son cache-nez, le son de nos pas sur la neige, papa entouré de fumée regarde droit devant lui, les toits ont l’aspect de gaufrettes à la vanille éventrées, le monde se ouate.

    Plus tard je serai pêcheur !

    L’orage passe ; les grondements du tonnerre s’éloignent, le pré respire. Papa sait parler aux vaches, les apaiser, « manda, braco », un langage d’apache !

    Il m’envoie en éclaireur voir si l’eau de la rivière est aussi trouble qu’il le souhaite. J’annonce qu’elle l’est sans en être absolument sûr.

    Les assauts du vent donnent envie d’un abri, duquel nous contemplerions l’écoulement de l’eau en écoutant les craquements des enracinés suiveurs de rivière, en devinant les truites. Truites que nargue la cuillère argentée lancée par papa. Lancée adroitement, sans accrocs. Il mouline lentement, affûté, une cigarette roulée éteinte aux lèvres, tabac bleu, scaferlati, le son régulier du moulinet rassure… Une truite finit par mordre, s’ensuit une écumante lutte que j’aime observer, un scion courbé ramène le poisson à l’air fatal.

    Vite le mètre ! Je mesure la truite qui est secouée de spasmes violents, son œil, quel soulagement lorsqu’elle ne fait pas la taille ! Que papa la décroche de l’hameçon délicatement, qu’il la remet dans l’eau, l’œil du poisson, l’eau vive, éberluée truite qui disparaît d’un coup de nageoire.

    Papa rallume sa cigarette. Je grimpe sur son dos, je m’accroche à lui, ainsi nous franchissons la rivière, au clair son de l’eau ; sur l’autre berge j’ouvre les yeux : les peupliers balaient le ciel, je discerne un arc aux couleurs qui raniment.

    Une famille nous rend visite le samedi soir, une famille de bonnetier, l’un des enfants a un sourire de lièvre, suis convaincu que l’on est tous venu au monde avec quelque chose qui cloche.

    Après la caméra explore le temps c’est la préparation du tiercé, rituel mousseux, rires, pince et encoches.

    « Allez advienne que pourra ! », lance papa.

    Un dimanche ensoleillé il nous transporte, les deux sœurs et moi, dans une remorque fixée à l’arrière de la mobylette. Maman roule derrière nous, se baissant sur le guidon elle fait des grimaces. Papa a une chemise blanche qui flotte, et qui triomphe ! Maman porte une robe volante.

    Nous mangeons sur l’herbe, attention aux vipères rouges !

    Fourmis, mayonnaise, libellules, il s’assoupit, on le chatouille d’une brindille…

    Un certain dimanche quand papa a gagné, fois de pure joie, dans l’ordre, il se roulait par terre, marchait au mur, joie presque effrayante.

    Je broie allégrement les doryphores contre les feuilles de pommes de terre.

    « Ce sont les boches qui ont apporté cette saloperie », affirme papa.

    Il se tient à l’ombre assis sous un arbre noueux ; il s’est versé un verre de vin rouge, il est en maillot de corps, il se masse la poitrine velue. Il a le regard qui divague dans le jardin, au gré des allées, pois de senteur, haricots à rames, pruniers sanguinolents. Les arbres frémissent à un soudain soupir du vent, les oiseaux s’égaillent, pinsons loriots bouvreuils papa connaît tous les noms ! Les collines moissonnées se jonchent de meules jaunes ; au loin la forêt rafraîchit ses hôtes, au-dessus radieux règne le ciel d’un immuable bleu.

    Je serai jardinier plutôt !

    ………….

    Chapitre 3

    J’écoule la marchandise lentement… Nerveusement… car j’ai dû confier des barrettes à des visages de fumeur, des gueules hasardeuses qui disaient en riboulant :

    « Tu vas voir man on va te vendre tout ce que tu veux ! »

    Je masse le flipper dans un bar qui s’est imposé comme un quartier général.

    « T’as encore du tosh ? 

    – Tu l’attends toujours ?

    – Tu cogites trop man ! 

    – Tu viens d’où ? »

    Une gueule entre, enfin ! TILT ! Elle nasille en dodelinant :

    « Tu sais où elle est ta tune ? Elle est là ! »

    Et me tendant un bras à l’ostensible veine…

    Frénétiquement j’écoule.

    Naturellement je retourne à Amsterdam. L’air est empreint d’enthousiasme. Les dernières feuilles voltigent au-dessus des canaux, zigzags aux bords gommés.

    A la haschiserie la fille mimétique du matin me sert un café hollandais en me présentant la carte… Je commande la même quantité, cent petits grammes, début de deal, calcul faussé, la même qualité, la moins chère, du libanais jaune, putain de gueules ! Puis je goûte un peu d’afghan noir, un petit joint à ma façon sur le comptoir et je regarde la fille au sourire commercial.

    La musique forte fait illusion avant de déverser une vénéneuse médiocrité.

    Du monde emplit le coffee-shop petit à petit, jeunes de tous pays qui s’étonnent, s’extasient, amplifient et magnifient, qui miment en préparant leurs cônes réglementaires ; quelques locaux aussi paraissant surjouer, qui hèlent familièrement la fille dans leur langue improbable.

    Ces jeunes et moins jeunes se renouvellent par vagues, je sors, sont là à rire au décor, décor dans lequel je pénètre, peut-être applaudissent-ils maintenant, décor m’envahit doucement, en montant, dégourdie montée dans la brume des canaux, respiration machinale.

    Je marche en sachant… Une boutique, Bouddhisque !

    Les imports affleurent de mon rayon, rayon pour affranchis, musique d’initié…

    Listen please !

    Débordant des écouteurs voici des sons efficaces, électriques, aux confins de ceux de tout à l’heure, musique pure, oui, comme un diamant noir dans le bleu de l’atlantique, musique vibrante qui galvanise, au-delà du réel optimise, confère foi en soi et en sa propre vision du monde.

    Jamaican weed, you can also smoke the seeds…

    Oreilles gavées je déambule, esprit ébahi, euphorie débridée, pavés d’une douce descente…

    Entre les ponts, les ruelles – théâtre ouvert, les églises à croire en la réincarnation, l’orgue de rue, les vélos à rebrousse temps, le carillon – mystère enfantin,  envie et volonté convergent, bonheur supérieur, oui l’avenir irradie littéralement.

    Suis aimanté, le quartier, vitrines alléchantes achalandées, chair sans ambages, heure de repérage sous le soleil bonhomme qui a réussi à trouer la brume.

    J’ai acheté le hasch. L’ai glissé emballé dans une poche intérieure. Je me dirige vers la gare, cœur hochant par à-coups.

    Le train du retour… A peine a-t-il démarré que je m’enferme aux toilettes. Avec une pièce de monnaie je dévisse au-dessus du lavabo l’éclairage qui bascule, je dissimule la marchandise à l’intérieur, je referme la cachette sans excitation démesurée.

    Assis je filme le futur et je songe à la gueule des gueules.

    Le cœur bat plus fort lorsqu’à la frontière passent les képis qui scrutent, que je feins l’indifférence.

    Le bar dont je parlais, dans la ville où je deale, est pratique. Il y a deux entrées, et de fait deux salles bien distinctes. Celle où se trouve le comptoir avec les buveurs debout demi tournées, invétérés refondeurs du monde en un cauchemar simpliste, tu remettras ça Monique, intarissables moustaches pleine d’écume, tenues ouvrables, posent sans le savoir, tellement de choses qu’ils effectuent à l’instinct, ces modèles de mon esprit peintre, ces primates automates… 

    L’autre salle est plus large, abritée des regards du comptoir, c’est la salle où j’arrive à heure fixe, début d’après-midi, le serveur m’apporte un café sans que je lui demande, ami du jour bonjour, salle effervescente des gueules qui vont qui viennent, Wurlitzer juke-box, salle des échanges des attentes, des râteaux, des clins d’œil, des shoots dans les toilettes !

    Shoot t’as dit shoot ?

    Je cours derrière un trio un soir, entraîné, espoir d’un billet orphelin.

    Un cherche à récupérer une seringue… une quoi ?

    Un demande si quelqu’un à penser à taxer une petite cuillère. Pourquoi faire ?

    Dans une cage d’escalier les enfants se garrottent, facile je grelotte. Ils se piquent à tour de rôle, des yeux naviguent.

    « Tu sais pas s’que tu perds ! », me dit une gueule se shootant

    Des yeux chavirent, l’aiguille pendouille sur le bras, affalés flashés, pauvre veine.

    Je me sauve, me débine, me replie, fend l’air froid de la nuit transie de désespoir.

    A présent dans le bar les clients défilent, deuxième entrée, des yeux luisants se succèdent à ma table, sous laquelle des morceaux d’aluminium se transforment en papier monnaie, alchimie qui me réjouit.

    Ribambelle de gueules évolue, écolières ou galériens qui ne semblaient attendre que moi pour sublimer leur vie et transcender la ville.

    Dans les rues, devant et dans les magasins on me reconnaît « Hé t’en as ? », des fans, changement de mains, nerveux échanges, de mines, témoins excités « Il est bon ton shit ! » 

    Je rentre en louvoyant, obscurité tamisée, je me retourne fréquemment, ma masure !

    Seul devant la cheminée j’alimente le feu de planches. Brèves flammes géantes…

    Je façonne les barrettes du lendemain. Un froid humide se répand, ponton des os !

    Un édredon par-dessus le sac de couchage, je fume le petit dernier, le nocturne, je calcule je spécule, dans l’insécurité ; je m’assoupis en redoutant les bruits nuisibles. Car la nuit d’avant on tambourinait à la porte

    « Ch’te dis k’sé là qu’il habite ! »

    « Fraggle t’es là ? »

    J’étais pétrifié, retenant ma respiration. Du coup j’ai laissé grand ouvert les deux battants de l’escalier qui descend à la cave et qui se trouve juste derrière la porte d’entrée. Quelqu’un qui forcerait la porte tomberait droit dans le piège !

    Dans le train de nuit – évidemment que je suis reparti et que je repars à Amsterdam, je discute avec un belge ; il revient de Taizé situez, un chrétien oyez, un vrai qui m’exaspère ! J’ai envie de le titiller :

    « Pourquoi ton dieu nous a-t-il crée comme nous sommes et pas comme il voudrait que l’on soit, hein ? Rien de plus simple pour lui non ? »

    (Pourquoi, ce mot unique qui reluit au firmament épuré, suprême élagage).

    Impénétrabilité tu dis ? Toupet ! Et puis mon gars le cosmos est balisé, big-bang, science, des milliards de galaxies tu saisis ? Des milliards de milliards d’étoiles ! Le soleil qui implosera tu vois, l’univers en expansion ducon, aux planètes hasardeuses, et qui finira ça se trouve par se rétrécir jusqu’à la taille d’une tête d’épingle, pressé par le vide, entouré par le vide sinon, le big vide sans nous, ni définition ni compromis, le big-chut, le néant !

    Aucune trace de ton dieu, pas le moindre signe fulgurant à travers le temps lumière…

    Tu dis qu’il est amour, répète ! (Concevons le néant sans amour…) Ton dieu le sens de l’amour quand enfants malades, enfants mourants, enfants bafoués, quand gazés cramés massacrés égorgés écrasés lynchés…

     « Et des crucifiés ? », risque le crédule.

    Jésus tu veux dire une fois ? Dieu soit cloué je comprenais petit. Cloué précisément, mort, le fils de dieu tu parles, mais où se cielait le père ce jour-là ?

    (Un jour-nuit aux couleurs d’un ciel du Gréco, ne songe à dire personne)

    Tu dis ?

    « Jésus te délivrera ! »

    Bout de la nuit, le jour point sur des champs givrés. Des éclairages dans les maisons indiquent le lever, le débarbouillage. De part et d’autre de la voie ferrée ce sont des bayements à l’avenir tueur,

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