La chaîne des coupables
Par Tsouky Burgundy
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTRICE
Tsouky Burgundy ambitionne de se forger un chemin singulier dans les arts et la culture. Friande d’écriture depuis toujours, elle nourrit le rêve de vivre de sa plume. Romans, chansons, scénarios, ses projets foisonnent et son imagination est sans cesse en effervescence. Ses œuvres, riches en suspense et en intrigues, explorent les secrets, les péchés capitaux et la vie estudiantine.
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La chaîne des coupables - Tsouky Burgundy
Enlèvement
Peter
J’arrive au cimetière Passy et franchis la grille avec un bouquet de roses jaunes et noires que je tiens fermement dans ma main droite. Je laisse mes pas me conduire mécaniquement vers sa tombe. Je pourrais y aller les yeux fermés tellement j’y vais malheureusement… Mais c’est ma faute si je suis contraint de m’y rendre. Je frémis.
J’arrive enfin devant la tombe que je suis venu visiter et pose délicatement le bouquet. J’espère qu’il ne va pas pourrir trop vite avec cette chaleur écrasante. Sinon, je reviendrai la semaine prochaine et je le remplacerai. Je dépense beaucoup d’argent en fleurs, surtout pour les roses noires qui sont extrêmement rares et que je fais importer de Turquie. Qu’importe combien ce sacrifice me coûte : je peux le faire, et je lui dois au moins cela…
La sonnerie de mon téléphone me tire de mes pensées et affiche un message de l’un de mes amis. J’y répondrai plus tard, il sait sûrement que je suis là. Avant de quitter ce lieu qui me rend mal à l’aise, je m’adresse à elle, fixant les mots gravés dans la roche :
— Je sais que mes mots ne changeraient pas mes actes, mais si tu savais à quel point je m’en veux… J’ai été dégueulasse avec toi… J’espère que de là où tu es, tu me pardonneras et qu’un jour je serai plus apaisé.
— Dégueulasse, c’est tout ? Tu es le pire des salopards !
Avant que je puisse me retourner vers cette voix inconnue, je sens une vive douleur à l’arrière du crâne. Je tombe face contre terre et je suis incapable de me relever, ni même de tourner la tête pour identifier l’agresseur. Je suis fait comme un rat !
— Je savais que je te trouverais ici. Tu as vraiment du culot d’aller la voir après ce que tu lui as fait ! Dois-je te rappeler que tu es l’unique responsable ?
Je sens son pied dans mes côtes et je ne peux contenir un hurlement de douleur. J’essaye de bouger et de me défendre, mais il me garde plaqué au sol.
— Quel plaisir de voir l’adoré, le populaire Peter Wendenbaum dans cet état ! Eh oui mon cher Peter, il y a aussi des gens qui te haïssent, et tu ne sais pas jusqu’où ça peut aller !
Un autre coup. Cette fois, je serre les dents : crier à nouveau lui ferait trop plaisir. Ce type est probablement cinglé, et assurément sadique. Je résiste du mieux que je peux, mais je ne tiendrai plus très longtemps…
— Tu vas le payer Peter, la partie ne fait que commencer.
Cette dernière phrase me fait paniquer. Que quelqu’un vienne m’aider ! Je…
***
Lorsque je reprends conscience, je suis dans un espace noir et étroit. Mes poignets sont attachés et je sens que nous avançons. Je devine où je me trouve : dans le coffre d’une voiture. Je pense d’abord crier, mais mon assaillant reviendra m’assommer et je n’aurai plus la chance de m’échapper. La voiture s’arrête enfin et je referme les yeux. Le coffre de celle-ci s’ouvre et quelqu’un me soulève. Je me débats alors vivement, essayant de blesser mon ravisseur à coups de pied, mais celui-ci me maintient avec force. Il me repose, lie mes chevilles entre elles et sort un chiffon de sa poche pour y verser quelque chose, un liquide au vu du flacon. Il se penche au-dessus de moi. Impossible de voir à quoi il ressemble puisque son visage est recouvert d’un masque noir.
— Tiens, tu comptais me quitter ? Ce n’est pas sympa ça, dis donc.
— Libérez-moi ! Je vous jure que je ne dirai rien.
— Te libérer ? Mais c’est que tu as de l’humour ! Non Peter, j’ai besoin de toi pour mon projet, une « petite expérience ». Je ne voulais pas en arriver là, mais tu m’y obliges.
Il me plaque le chiffon sur le visage et je me sens partir. La dernière chose que je vois est son poing s’avancer vers ma tête tandis qu’il éclate d’un rire lugubre.
Une nouvelle affaire
Félix Lecronnier
— On vient de nous signaler une nouvelle disparition ! Un jeune homme, même tranche d’âge que les précédents ! Je veux le maximum de monde sur cette affaire, même toi Lecronnier ! Tu vas aller interroger la dernière personne qui l’a vue pendant que l’on continue nos recherches sur les autres !
Je lève les yeux de mon écran d’ordinateur tandis que ma supérieure jette un dossier sur mon bureau. Je me sens soudain animé d’un nouvel intérêt pour cette série de jeunes adultes volatilisés dont j’avais été écarté. C’est le onzième en moins d’une semaine, autrement dit : du jamais enregistré. Les avis de recherche s’enchaînent au point où chaque personne de la capitale appartenant au profil des disparus redoute d’être la prochaine. Je me souviens de la première déposition : la victime n’était pas rentrée chez elle depuis vingt-quatre heures. Les parents étaient en larmes, argumentant que cette attitude ne lui ressemblait pas. Mais étant adulte, elle n’avait pas disparu depuis assez longtemps pour que cela soit signalé comme inquiétant. L’enquête n’a été ouverte que deux jours plus tard, lorsque les proches de trois autres victimes ont à leur tour signalé leur absence. Si cela avait été moi, j’aurais immédiatement lancé les recherches au lieu d’attendre qu’une dizaine de kidnappings nous tombent sur les bras ! Or, je ne pouvais qu’observer la posture impassible de mon collègue en serrant les dents. Je sais bien que depuis ma dernière intervention, je dois rester en arrière. Cette situation me frustre : il a suffi d’une erreur pour que je sois rétrogradé et interdit d’actions sur le terrain. Aujourd’hui, cette investigation est l’occasion que j’attendais impatiemment pour refaire mes preuves.
Après avoir examiné le dossier contenant les informations sur la victime, je ne me fais pas prier pour récupérer les clés d’une des voitures de la brigade. Je me dirige précipitamment vers le garage, ne contenant plus l’excitation présente. C’était sans compter sur la voix d’un collègue, que je ne connais que trop bien, pour stopper mon élan recrudescent :
— Félix attends-moi ! Tu sais bien que tu ne peux pas partir seul !
Je soupire bruyamment, exaspéré par la présence de mon chaperon qui ne m’a pas oublié. J’ai peut-être commis une faute, mais ce n’était vraiment pas la peine de me coller un partenaire aux basques pour me surveiller.
— Désolé, ce n’est pas moi qui ai imposé cela, lance-t-il une fois à ma hauteur.
— Épargne-moi ton discours Maillard, répondis-je acerbe sans m’arrêter.
— Je t’ai déjà dit que tu pouvais m’appeler Clément : on a le même âge, et nous formons une bonne équipe n’est-ce pas ?
— Fais pas semblant avec moi, je sais que ça t’arrange au fond…
Il ne trouve rien à redire, sûrement parce qu’il ne peut pas me contester. Il est arrivé à la brigade en même temps que moi. Malheureusement pour lui, nos supérieurs m’avaient remarqué et catégorisé comme membre prometteur, contrairement à lui. Mon opération ratée lui a finalement été favorable puisqu’il se retrouve à mon ancienne place…
Nous sortons du bâtiment dans un silence de mort. Maillard est au volant tandis que je regarde défiler les rues parisiennes par la vitre. Ce n’est qu’un simple interrogatoire, pourtant je me sens à la fois nerveux et agité. Je ne dois pas montrer que cette mission anodine m’atteint, ou je serai encore catalogué.
— Ce n’est pas de ma faute si tu es aussi impétueux.
Je ne réponds pas. Je déteste ce mot, il sous-entend que j’ai de la violence en moi. Je préfère le terme impulsif, à la limite fougueux. Il a raison dans le sens où je voulais absolument sauver tout le monde ce soir-là, mais je ne suis pas violent.
— C’est vrai, tu as agi sans réfléchir. Tu aurais dû attendre les renforts ou…
— Tu aurais fait quoi à ma place Maillard ? On l’avait enfin trouvé, mais il avait des dizaines d’otages ! Il avait commencé à tirer et tu voulais que j’attende les mains dans les poches ? Il fallait que je tente quelque chose… !
Quelle enflure à me rappeler constamment cet échec cuisant ! Je ne suis pas du tout comme lui : si les rôles étaient inversés, je n’aurais pas pris un malin plaisir à triturer le couteau dans la plaie… Je déteste les orgueilleux comme lui qui écrasent les autres pour fulgurer et accélérer leur ascension.
Le véhicule s’arrête au quartier Triangle d’Or et je me fais immédiatement une idée de ce que peut être la victime : riche, propre sur lui et pas un pli de travers. S’il est du genre à alimenter le cliché, il doit se droguer en cachette. J’ai du mal avec ces arrondissements luxueux où je ne pourrai probablement jamais résider. Nous descendons et Maillard sonne. Un jeune homme en costume nous ouvre. Il est exactement ce que je me représentais…
— Bonjour Monsieur, agents Lecronnier et Maillard. Nous souhaitons vous poser quelques questions sur votre ami, se présente mon collègue alors que nous montrons nos plaques d’identification.
— Bien sûr, je suis Léopold Rousseau. Entrez donc, nous accueille-t-il.
Nous le suivons dans un couloir aux murs blancs et au sol recouvert de parquet crème, amenant sur un salon immense de style scandinave. Rien que la cheminée et la télévision prennent la moitié de la pièce, sans compter les canapés et la table basse. Je m’installe sur l’un d’eux, plutôt mal à l’aise. Maillard prend place à côté de moi en prenant garde à laisser une distance entre nous, et notre hôte s’assoit dans un fauteuil face à nous.
— Cela vous dérange que notre conversation soit enregistrée ? interroge Maillard.
— Non pas de souci, je comprends.
— Bien Léopold, quand avez-vous vu Benjamin Cohen pour la dernière fois ? commencé-je en allumant un dictaphone.
— Nous sommes sortis avec des amis jeudi soir, le 9, il me semble. Je vous donnerai les noms pour que vous puissiez vérifier. Nous sommes allés au Glazart. La dernière fois que je l’ai aperçu, il devait être aux alentours de 4 h 30.
— Et vous ne vous êtes pas contactés depuis ?
— Il m’a envoyé un message bizarre vers 6 h pour dire qu’il rentrait, mais cela ne lui ressemble pas. D’autant plus qu’on avait prévu un after derrière.
— Pouvons-nous voir le message ? Et quelques précédents pour comparer ?
— Pas de problème, attendez deux secondes.
Il sort son téléphone de sa poche, pianote dessus et nous le tend. Je le saisis et commence à parcourir sa conversation avec Benjamin. Cela parle beaucoup de sécher les cours pour aller boire des coups au bar. La victime a un certain penchant malsain pour la gent féminine et ses méthodes ne sont pas très catholiques. Un connard en somme… Mais même s’il en est un, il est de notre devoir de le retrouver ! Le dernier message a été reçu aux alentours de 6 h comme annoncé et indique : « Je suis parti, je suis trop bourré. Ne vous inquiétez pas, pas besoin de me contacter ou autre. À bientôt. » Plutôt sec et inhabituel pour quelqu’un qui aime faire des fêtes et se mettre des coups dans le nez. Étrangement bien écrit pour une personne ivre également. Effectivement, ce message est louche… Nous échangeons un regard discret avec Maillard : celui-ci semble partager les mêmes méfiances. Avant de rendre le téléphone, il prend quelques photos de la conversation puis continue :
— Cela ne vous a pas inquiété ?
— Sur le coup, pas tellement. Il fait toujours attention à son orthographe, même bourré. Je me suis dit qu’il devait vraiment se sentir mal, c’est tout.
— Et à partir de quand avez-vous réalisé que quelque chose clochait ?
— Dès que ses parents m’ont appelé pour savoir s’il était chez moi. Ils ont appelé tout le monde parce qu’il n’est pas rentré… C’est seulement en relisant plusieurs fois le message que je me suis dit que ce n’était pas normal. Je m’en veux, personne ne sait où il pourrait être… Et avec tous ces gens qui s’évanouissent dans la nature ces derniers temps…
— Est-ce que vous connaissez quelqu’un qui pourrait lui en vouloir ?
— Je ne crois pas, dit-il en réfléchissant. Nous sommes assez proches, je l’aurais su s’il avait des ennemis. Il ne me cache rien.
La classique qui ne nous fait pas avancer. Je suis quasiment certain que le bonhomme a été enlevé. Il ne me reste plus qu’à vérifier quelque chose :
— Est-ce qu’il a tendance à laisser son verre sans surveillance ?
— Jamais ! Au contraire, il le garde toujours à la main et le lâche seulement vide.
Donc il n’a pas pu être drogué. Cela n’écarte pas la piste de l’enlèvement s’il était ivre. Mais à La Villette, il aurait très bien pu se noyer…
— Benjamin était-il alcoolisé ? Dans quel état était-il quand vous l’avez aperçu ?
— Il a enchaîné les shots dès 1 h, et trois heures et demie plus tard il avait l’air… Je ne sais pas comment vous le décrire… Il n’était pas déchiré, mais un peu dans les vapes… Comme s’il ne savait plus vraiment où il se trouvait.
— Merci Léopold, nous avons tout ce qu’il nous faut, conclut Maillard parvenu à la même conclusion que moi. Nous vous rappellerons.
— Merci à vous messieurs. Si je peux faire quoi que ce soit d’autre, je me tiens à votre disposition, nous informe-t-il en se levant.
Maillard éteint et récupère le dictaphone avant de nous engager dans le couloir. Le teint de notre hôte a viré au blanc, comprenant certainement la gravité de la situation. Il nous raccompagne sans dire un mot, tremblant.
— Au revoir, bonne journée.
— Bonne journée, j’espère que vous le retrouverez…
Nous n’attendons même pas qu’il ferme la porte pour nous précipiter vers la voiture. Prochaine étape : La Villette. J’occupe le côté conducteur tandis que Maillard téléphone immédiatement à notre supérieure :
— Cheffe, autorisation de nous rendre aussitôt à La Villette ? C’est là-bas que la victime a été aperçue pour la dernière fois ! Et d’après les propos du témoin, il y a de fortes chances qu’il soit tombé à l’eau ! Il faudrait une équipe de plongeurs ! Oui, nous commençons les recherches sur les rives avec Lecronnier… Compris !
Je frissonne d’exaltation en entendant mon nom. Enfin, la hiérarchie m’autorise officiellement à participer à une affaire criminelle !
— À ton avis, on va le retrouver ? me questionne Maillard anxieux.
— Prions pour qu’il ne soit pas trop tard…
Je ne laisserai pas passer cette opportunité ! Cette fois, je ferai en sorte qu’il y ait le moins de cadavres possible derrière moi ! Je le retrouverai, lui et tous les autres… !
Journal d’un Brave Nécrosant
12 mai 2019
Tout est en place ! Je viens d’installer le dernier dans sa geôle. Je suis tellement impatient qu’il soit 23 h 30 pour sentir l’angoisse remonter leur échine et une boule se coincer dans leur gorge. Je ne peux plus reculer à ce stade trop avancé de mon plan, à la limite de dérober des vies comme ils ont volé la mienne. Un an pour que l’idée fasse son bout de chemin et mûrisse dans mon cortex cérébral, pour trouver le lieu idéal, construire les machines et les pinces, acheter le nécessaire et préparer le sens de tout ceci, le tout en restant discret. Une semaine pour enlever mes victimes une à une et les installer dans leur nouvelle et dernière demeure. Ce n’était pas simple d’attendre qu’ils soient seuls, mais je suis parvenu à ne faire aucun témoin qui aurait gâché mon chef-d’œuvre ! Tout le pays, voire toute la planète, en entendra parler, suivra les rebondissements et suspendra son souffle au dénouement ! Quel déluge international de haine et d’injures pour celui qui endossera la responsabilité de mes actes !
Tout est calculé au millimètre : la mise en scène est prête pour les officiers de police, dommage que je ne puisse pas me délecter du cassage de crâne que je leur inflige. Jouer avec les forces de l’ordre est un risque que j’ai décidé de prendre, mais j’ai fait attention à ne rien laisser derrière moi : ni empreinte ni indice. D’autant plus que je ne serai pas sur la liste des suspects (du moins, au début) puisque je me suis inscrit sur la liste des disparus. Eh oui, autant me volatiliser dans la nature pour être tranquille et superviser les opérations là-bas ! J’avoue que j’ai souri comme un gamin en voyant mon avis de recherche placardé partout dans la région parisienne, ainsi que les reportages que je peux visionner depuis les écrans de ma salle de contrôle.
Je n’aurai pas les mêmes conditions de vie que mes martyrs, cela va de soi. Dès que le procès journalier sera terminé et qu’ils dormiront, s’ils le pourront (les pauvres, ils vont finir commotionnés !), je me faufilerai dans ma salle de contrôle où je profiterai de tout le confort matériel et de toute la nourriture nécessaire. Je retournerai dans ma cellule à temps pour ne pas éveiller la moindre suspicion. Je l’ai aménagée comme la leur, au cas où ils viendraient me voir. Le jour, je m’amuserai à les observer fonder leurs vaines alliances. Le soir, ils m’égayeront de leurs