Hypothese Sapir Whorf
Hypothese Sapir Whorf
Hypothese Sapir Whorf
Sans doute influenc par Humboldt, Sapir avait tendance considrer qu'une langue
constitue une certaine analyse de l'exprience, une certaine vision du monde, spcifique, et
qui procure ses locuteurs une sorte de prisme, une voie de passage oblige : le langage est la
traduction, spcifique une culture donne, de la ralit sociale ; le monde rel n'existe pas
vraiment, il n'existe qu' travers ce que notre langue nous en fournit comme vision. Whorf a
considrablement tendu cette thse, ce qui a peut-tre contribu son rejet par les linguistes
contemporains, mais il est probable que l'hypothse selon laquelle la langue conditionne la
vision du monde d'une communaut linguistique doive tre retenue et, en particulier dans le
domaine des tudes smantiques, elle a t reprise et affine par les gnrations ultrieures.
Louis-Jean CALVET
On le voit, certaines diffrences de structuration lexicale d'une langue l'autre sont bien
motives, quand d'autres s'expliquent beaucoup plus difficilement (ainsi, river anglais
valant pour le couple franais fleuve / rivire ). L'organisation smantique des langues
est en partie arbitraire, tout comme l'est leur organisation phonologique, mais elle est aussi,
la diffrence de celle-ci, en partie motive. Les dbats sont d'ailleurs encore vifs aujourd'hui
entre partisans et adversaires de ce que l'on appelle l'hypothse Sapir-Whorf (du nom des
deux linguistes amricains Edward Sapir et Benjamin Lee Whorf), affirmant que, loin de
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reflter et d'enregistrer passivement une organisation pralable de l'univers, les langues sont
au moins en partie responsables, par leurs dcoupages lexicaux, de cette organisation,
imposant corrlativement leurs utilisateurs une certaine vision du monde . Quoi qu'il en
soit de l'issue de ce dbat, il a le mrite de mettre en vidence le fait que les langues
construisent le monde en mme temps qu'elles le dcrivent ; et que les signifis ne sauraient
tre dcrits indpendamment du systme dont ils font partie, telles les mailles de cet immense
filet que chaque langue projette sur le monde. Un lexique, nous dit Saussure, n'est pas une
nomenclature, mais une structure ; le sens d'un mot est une valeur diffrentielle, entirement
dtermine par la place que ce mot occupe au sein d'un rseau de relations mutuelles.
Catherine KERBRAT-ORECCHIONI