Tmpifeo HV
Tmpifeo HV
Tmpifeo HV
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Jai tent de relater cette histoire en gardant en tte mon tat desprit de lpoque afin dviter daltrer des faits anciens par une relecture
contemporaine, cueil classique des chefs dentreprise lorsquils racontent leur russite. Pour maider, javais heureusement disposition lensemble de mes emails depuis 1997, soit prs de cent cinquante mille
messages, rien quen comptant ceux que jai envoys. Vous avez le droit
de penser que je suis un maniaque davoir conserv tout a !
Dans cet ouvrage, je raconte comment jai vcu de lintrieur de
nombreux vnements connus de nos lecteurs, mais aussi beaucoup
danecdotes que seuls peuvent connatre ceux qui ont frquent de prs
Jeuxvideo.com. Certaines dentre elles pourront mme tonner mes plus
proches collaborateurs.
Voici donc le livre dun jeune homme qui a eu la chance de faire de
sa passion des jeux vido son mtier. Cest aussi le livre dun entrepreneur qui ntait pas du tout destin le devenir, terroris quil tait
lide de passer un simple coup de fil un client. Cest enfin lhistoire
singulire dune quipe de passionns pays pour jouer, dont le site a
connu une russite fulgurante djouant toutes les prvisions. Le tout
depuis la petite ville dAurillac, au pied des volcans dAuvergne.
Bienvenue dans les coulisses de Jeuxvideo.com !
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Sbastien Pissavy
I. LENCYCLOPDIE
Fvrier 1995, jtais appel sous les drapeaux. Dix longs mois passer au 92? rgiment dinfanterie de Clermont-Ferrand. Jy effectuais mon
service militaire, un vestige de lhistoire tragique du XX? sicle, quand le
pays mobilisait des millions de jeunes gens pour dfendre la patrie.
Aprs quelques semaines passes jouer la guerre, qui navaient
aucunement veill en moi un quelconque apptit pour le maniement
des armes, jtais mut la cellule informatique du rgiment. Un endroit
beaucoup plus calme, o les seules armes que je manipulais dsormais
taient le clavier et la souris. Trs vite, j'ai not que les travaux quon
nous confiait taient loin de remplir nos journes, ce qui laissait la
dizaine dappels informaticiens dont je faisais partie le temps de jouer
discrtement sur nos PC. Les Doom II, Terminal Velocity ou Dune II
neurent bientt plus de secrets pour nous.
ce stade, il faut que je vous dise que linformatique tait pour moi
vingt et un ans une vraie passion, et que jy consacrais la plupart de
mon temps libre. Je jouais, bien sr. Mais, plus encore, jaimais
bidouiller, exprimenter. Je programmais un peu dans les langages Pascal et C++. Jessayais de petits logiciels gratuits. En rsum, les ordinateurs et le jeu vido faisaient depuis trs longtemps partie de ma culture, de mon mode de vie.
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mmoire de nombreux joueurs de cette poque : Sorcery, Sram, Renegade, Gryzor, 1943, Defender of the Crown, Winter Games, Crazy Cars
Dans le mme temps, le Minitel est arriv la maison. Un camarade
de classe ma fait dcouvrir cet anctre franais et monochrome du Web,
et surtout RTEL. Ctait un service de messagerie o se rassemblait une
multitude de passionns dinformatique afin dy changer ides et
bidouilles. Pour me connecter au service, jai d prendre un pseudonyme. Jai choisi Lightman, du nom du hros dun de mes films
prfrs : WarGames {1}. Je ne le savais pas encore, mais ce pseudonyme de Lightman me suivrait pendant des annes, au point que beaucoup de gens aujourdhui encore ne me connaissent que sous cette
appellation.
Jtais donc inscrit sur RTEL. Cest l que jai rencontr de nombreux autres passionns avec qui changer et participer des projets
collectifs. Un jour, jai mme t engag dans un projet de cration de
jeu daventure en tant que graphiste. Sans doute le plus mauvais graphiste de lhistoire du jeu vido ! Malgr la signature dun contrat
ddition, le jeu na jamais vu le jour. Nanmoins, il ma donn le got
des projets vidoludiques ambitieux.
LAmstrad ma permis aussi de me frotter la rdaction dun fanzine
personnel de quatre pages, que jai intitul CPC MAG et que je diffusais
au compte-gouttes quelques amis et contacts Autant dire une
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distribution trs confidentielle ! Je consacrais de longues heures rdiger et mettre en pages chaque numro. Ctait long, terriblement fastidieux, mais jadorais a, malgr des moyens drisoires. Jimprimais le
fanzine sur une imprimante matricielle, qui me servait galement de
scanner rudimentaire en noir et blanc. Enfin, jutilisais un logiciel de
mise en pages antdiluvien, que je ne pouvais piloter quavec mon joystick, puisque je navais pas de souris ! Bref, un vritable travail de
fourmi mais quel plaisir de dcouvrir aprs impression une feuille de
chou qui ressemblait un vrai journal ! Jai gard de cette exprience le
got pour la cration de rdactionnel vidoludique.
Et puis, le bac en poche, lAmiga 500 de Commodore est venu remplacer lAmstrad CPC. Des graphismes somptueux, bien plus impressionnants que ceux des PC de lpoque, et une quantit de jeux
phnomnale ! Des jeux dautant plus accessibles au petit pirate que
jtais que les disquettes de trois pouces et demi de lAmiga taient peu
onreuses, contrairement celles de trois pouces de lAmstrad ! Le
piratage de jeux vido tait dj trs rpandu sur les micro-ordinateurs
du dbut des annes 1990. Ctait dailleurs un avantage dcisif dans
lesprit des joueurs quand venait le temps de dcider quelle machine de
jeu acheter : les consoles cotaient beaucoup plus cher lusage,
puisquil ny avait pas dautre solution que dacheter les jeux !
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Jai beaucoup jou sur Amiga, car la machine sy prtait. Des jeux
daction, de sport, daventure, de course Shadow of the Beast, Kick
Off, Sensible Soccer, Rick Dangerous, Monkey Island, Lemmings, Nord
et Sud, Wings, Silkworm, Another World, Pang, Lotus Esprit Turbo
Challenge, Turrican, Great Courts, Pinball Dreams et Superfrog Des
jeux inoubliables, rests dans les mmoires de toute une gnration de
joueurs aujourdhui quadragnaires.
Au-del de ma passion pour les jeux, je participais aussi des projets collaboratifs, dont la cration de dmos avec un groupuscule de passionns rencontrs sur RTEL. Les dmos taient des programmes informatiques destins montrer de quoi votre machine de prdilection
tait capable. Leurs crateurs taient aussi bien des techniciens (programmation) que de vritables artistes (graphismes et musique). Jessayais ainsi de bricoler quelques bouts de dmos, tout en continuant
lire assidment la presse spcialise : Amiga Revue, Amiga News
Deux ans plus tard, la machine de Commodore nayant pas su voluer et ne rpondant plus que partiellement mes besoins de jeune tudiant en informatique, un PC 486 sest substitu lAmiga. Un premier
PC, que je devais la gnrosit dun grand-oncle bienveillant, sans lequel la suite de ce livre naurait donc pas t possible. Du fait de ses capacits graphiques et musicales plus limites, je jouais moins sur ce
nouvel ordinateur. En revanche, jai alors dcouvert toute la richesse du
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Qui pourra bien utiliser a ? De toute faon, les sportifs nont pas de
PC ! Cette fois-ci, je ne voulais pas reproduire la mme erreur. Je
viserais donc le grand public. Plutt alors que tenter de raliser une
prouesse technique pour mon plaisir propre, je me suis mis la recherche dune ide qui prsenterait un moindre challenge technique tout en
rpondant un besoin non encore couvert.
Mon choix sest port sur une collection dastuces pour les jeux
vido. Les nombreux magazines ddis ces logiciels proposaient tous
une rubrique dastuces de jeux. Il existait mme des serveurs Minitel qui
dispensaient astuces ou solutions permettant aux joueurs de progresser
dans leurs jeux vido favoris. Jtais moi-mme trs client de ce genre
de contenu en tant que joueur. Et pour cause ! Dans les annes 1990, les
jeux taient dune difficult relativement leve. En venir bout seul reprsentait un dfi insurmontable pour les joueurs, lexception dune
petite lite de passionns. La seule solution si vous tiez bloqu dans un
jeu consistait connatre des astuces, des trucs, des codes pour vous
permettre davancer, de passer un niveau rput infranchissable ou de
terrasser un monstre apparemment invincible.
Malheureusement,
toutes
ces
astuces
taient
compltement
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daide Windows ne ncessitait aucune installation de logiciel supplmentaire sur le PC de lutilisateur. Enfin et surtout, le format HLP offrait une souplesse dutilisation rare pour lpoque. Il permettait une
navigation aise dans les textes, grce un systme dhyperliens qui se
rapprochait de ce quon trouverait par la suite sur les pages Web.
Jai donc commenc mon travail de collecte dastuces en utilisant un
vieux logiciel de traitement de texte, rcupr lors de mon stage de fin
dtudes, et le compilateur daide gratuit de Microsoft. Le 5 juin 1995, la
premire version de lETAJV tait finalise. Ctait la version 0.13 : elle
rfrenait des astuces pour treize jeux PC ! Javais dcid de la diffuser
gratuitement dans son intgralit, selon le mode de distribution freeware : nimporte qui pouvait lutiliser librement et la dupliquer, mais
pas en faire commerce.
partir de l, jai pris la rsolution de mettre jour rgulirement
cette encyclopdie. Pour cela, jincitais les gens que je connaissais
menvoyer leurs propres astuces lorsquelles ne figuraient pas encore
dans lETAJV. Les versions se sont succd au fil de mes permissions :
elles contenaient quelques astuces supplmentaires ou corrigeaient des
imprcisions qui mavaient t signales. Ctait donc une sorte de document contributif avec les moyens dont je disposais lpoque, cest-dire la main, sans Internet, juste avec le Minitel et le courrier postal.
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par les magazines PC Team et PC Fun. Pour chacun des magazines, cest
lETAJV qui est arrive en tte ! Tout cela ma confort dans lide que
mon encyclopdie tait une vritable bte concours et que, si plusieurs
magazines diffusaient chaque nouvelle version, ctait quil y avait un
vritable engouement de la part des joueurs ! La fin de lanne 1995 signait aussi celle de mon sjour sous les drapeaux. Cest ce moment-l
que jai envoy la dernire version de lencyclopdie lun de mes amis,
Franois Claustres, alias Leviathan, afin quil me donne son avis.
Franois avait quelques annes de plus que moi. Non content dtre un
trs bon autodidacte en informatique, ctait aussi un brillant tudiant
en conomie. Il prparait la fac de Grenoble une thse en conomie
europenne. Frquentant comme moi les serveurs Minitel des passionns dinformatique, il collaborait lui aussi rgulirement au fanzine
numrique Le Reporter.
Je lui ai fait part de ma proccupation vis--vis de lETAJV. Je disposais en effet de moins en moins de temps pour la mettre jour, du fait
de nombreuses sollicitations de joueurs bloqus dans leurs jeux. Jattendais de sa part ventuellement quelques suggestions et au mieux des
encouragements polis. Contre toute attente, Franois ma propos de
sinvestir pour maider dans ce quil qualifiait de vritable travail de
bndictin . Il est vrai que ce long travail de classement dastuces sous
Word devenait pour moi de plus en plus lourd au quotidien. Et cet
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soulign, dopter pour une police dcriture chasse fixe {3}, ou encore
de dclarer des titres sur trois niveaux. Une sorte de mini-HTML {4}!
En fait, Franois avait recr toutes les mises en forme de texte que
javais pu utiliser la main avec Word. Grce ce minilangage, tous les
enrichissements de texte devenaient automatisables. Cette BTAJV aura
t la vritable cl de vote de lencyclopdie et de la future rubrique
Astuces de Jeuxvideo.com. Et ce nest quen 2008 quelle sera remplace par un systme plus performant !
Ds le dbut de notre association, Franois a apport au projet sa
vision dconomiste. Jusque-l, je mattachais surtout aux aspects
pratiques, techniques, et la vision de lutilisateur. Franois, lui, ne voyait pas uniquement lETAJV comme une simple bonne ide ou un succs
destime : il percevait, sans doute plus que moi, le potentiel conomique
de ce travail. Et ses conseils en la matire allaient savrer prcieux.
II. LE MINITEL
Les versions de lETAJV senchanaient un rythme rgulier, quand,
un beau jour, jai t contact par une socit du nom de P??
Tlmatique. Ctait une jeune entreprise parisienne concevant et ditant des services Minitel destination du grand public. Elle vivait des reversements de France Tlcom. Et cela marchait plutt bien. P?? tait
dirige par Pierre Delavaquerie, jeune entrepreneur que je connaissais
pour faire partie des mmes cercles de passionns que lui sur le Minitel.
Pierre tait la tte de sa socit seulement vingt-trois ans, et ditait
pour lui ou pour le compte de clients un certain nombre de 3615
succs.
En bon diteur de services tlmatiques, il tait lafft de la
moindre opportunit, plus prcisment de tout contenu susceptible
dintresser les utilisateurs du Minitel. ce titre, il a peru rapidement
lexploitation commerciale qui pouvait tre faite de lETAJV sur le Minitel. Il ma ainsi propos de crer le 3615 ETAJV, un service dont la consultation serait facture lutilisateur 2,23 F la minute (0,34 ), dont
environ la moiti serait reverse lditeur du service. Pierre ma propos un accord simple : lui de crer le service Minitel et de grer son
exploitation, nous de fournir le contenu et ses mises jour. Nous nous
partagerions les reversements. Il y avait juste un petit problme : pour
pouvoir proposer un service Minitel, il fallait crer une entit juridique.
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En effet, aussi trange que cela puisse paratre, une personne physique
ne pouvait pas devenir diteur pour le Minitel. La solution la plus
simple et la plus rapide pour me permettre de porter ce projet de
serveur Minitel consistait crer une association rgie par la loi de 1901.
Cest ainsi qua vu le jour lassociation Aliena Informatique, dont jai t
le prsident. Puisquil me fallait deux noms supplmentaires, jai parachut une de mes surs au poste de secrtaire, tandis que mon meilleur
ami acceptait den devenir le trsorier. Merci eux davoir accept dapposer leur signature un projet auquel ils ntaient associs que sur le
papier et qui probablement leur paraissait assez fumeux !
Au printemps 1996, javais donc cr une association destine permettre louverture du futur 3615 ETAJV. Je venais de recevoir le soutien
de Franois Claustres, qui travaillait au dveloppement de la base de
donnes. Dailleurs, nous avions dj convenu tous deux dune rpartition des profits ultrieurs, si jamais il devait y en avoir. Au cas o le succs se poursuivrait, nous envisagions mme de crer une entreprise. La
structure associative tait seulement transitoire, nayant dautre but que
de nous permettre douvrir le serveur Minitel sans dlai, afin de tester
notre ide.
Cest ce moment-l que mon second associ a fait son apparition. Il
sagit de Jrme Stolfo, alias Stoub. Je le connaissais dj depuis un an
ou deux. Il avait dix-neuf ans, habitait Toulouse, et ctait un petit
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tait encore un projet fragile et trs amateur. Avec le recul, toutefois, jai
pris conscience que cest grce cet accord et grce ces engagements
rciproques pris trs tt que nous avons assur la prennit du projet. Il
tait en effet sans doute essentiel de prvoir lhypothse o le projet
serait profitable bien avant quil le ft. A posteriori, il est toujours difficile de trouver un accord une fois que la donne a chang. Et combien
dassocis sentendant merveille au tout dbut dune aventure entrepreneuriale se brouillent lorsque le projet dcolle !
Cest ainsi, grce Jrme, que lETAJV a fait sa premire apparition sur le Web. partir de mars 1996, Stoub transfrerait chaque nouvelle version de lETAJV sur lespace personnel mis disposition par
son fournisseur daccs Internet. Il tait de nous trois le seul disposer dun tel accs. Les connexions Internet taient alors trs chres
en France, et seuls les citadins des grandes villes pouvaient utiliser les
services de quelques rares fournisseurs indpendants qui faisaient des
efforts sur les tarifs. Ctait le cas de Stoub, qui avait souscrit un abonnement auprs dune entreprise toulousaine nomme Cadrus. Lespace
personnel dont Jrme disposait tait malheureusement trs limit :
seulement 150 Ko despace de stockage disponible ! Soit moins dun
pour cent de la capacit de la plupart des tlphones portables en 2013 !
Autant dire quil ny avait pas la place de stocker grand-chose : tout juste
tait-il possible dhberger une simple page expliquant ce qutait
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courrier du jour, rpondais aux joueurs, copiais des disquettes contenant la nouvelle version de lETAJV, passais sur Minitel pour relever mes
messages et contactais mes associs par le biais du BBS. En gnral, tout
cela se terminait assez tard dans la nuit. Le lendemain, la pause de
midi, je courais la poste pour expdier les disquettes prpares la
veille. Et ainsi de suite jusquau week-end. Les samedis et dimanches
taient consacrs la ralisation de lETAJV : corrections daprs les indications des joueurs, ajout de nouvelles astuces. Au passage, je vrifiais
bien sr quelles ntaient pas dj prsentes. Si possible, jeffectuais des
recoupements pour vrifier la cohrence et la vracit des astuces. Mais
il mtait matriellement impossible de vrifier chacune delles en la
testant sur le jeu. Pas seulement par manque de temps, mais aussi parce
que je possdais trs peu de jeux PC parmi les centaines que rfrenait
dsormais lETAJV. Il me fallait donc accorder une totale confiance aux
joueurs qui mapportaient leurs contributions. Je mapercevais du reste
au fil du temps que, en instaurant des rapports personnaliss avec beaucoup dentre eux, cela se passait trs bien. Quoiquimparfait, le contenu
de lETAJV tait rest relativement fiable, et donc utile aux joueurs bloqus dans leurs jeux.
Tous les deux mois environ, je publiais une nouvelle version de
lETAJV et lexpdiais aux joueurs qui me lavaient commande
lavance ainsi qu une bonne trentaine de supports : magazines,
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les astuces de lETAJV sur dautres serveurs quil ditait, ce qui nous a
permis daugmenter nos recettes. Le 3615 ETAJV nous permettait
dmettre nos premires factures significatives. Cest--dire des factures
dun montant suprieur aux 25 F correspondant la commande dune
version de lETAJV sur disquette ! Mieux encore, notre serveur Minitel
allait
devenir
la
principale
source
de
financement
du
futur
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En mme temps que les statuts de LOdysse Interactive, mes associs et moi avions sign un protocole daccord qui prvoyait ce que nous
ferions dans les premiers mois dactivit de lentreprise. Ce protocole
succinct, d peine deux pages, nous a permis de nous mettre daccord
ds le dpart sur quelques points importants. Afin que chaque associ
dispose des moyens de travailler efficacement, ce protocole stipulait
lachat dun micro-ordinateur et la prise en charge dun accs Internet
par lentreprise pour chacun des associs. Le protocole prvoyait aussi le
positionnement stratgique de LOdysse Interactive : les jeux vido, les
prestations informatiques et Internet. Nous navions pas oubli non plus
une clause de non-concurrence ainsi quune clause de proprit intellectuelle. Pour finir, et ctait certainement le plus important, nous avions
dcid de fixer ds cet instant lordre dembauche et le salaire de dpart
de chaque associ. Ainsi, il tait prvu que je serais embauch le premier, en tant que grant. Franois stait dclar intress par un emploi
mi-temps, de mme que Stoub, mais plus long terme, tant toujours
tudiant ce moment-l.
Tout cela mavait paru un peu surraliste au moment de la signature,
voire peut-tre un peu prsomptueux. Fixer sur le papier tant de choses
hypothtiques Mais combien de fois me suis-je flicit par la suite
davoir sign ce protocole ! En gnral, les disputes entre associs rsultent de choses non fixes au dpart concernant ces questions : Qui fait
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Par ailleurs, le transfert du serveur Minitel 3615 ETAJV depuis lassociation Aliena Informatique vers LOdysse Interactive sest rvl
beaucoup plus long que prvu. Ainsi, nous dpensions beaucoup sans
toucher encore un centime de recettes de France Tlcom ! Rsultat :
deux mois aprs la cration de la socit, notre compte en banque affichait un solde denviron 15 000 F ! Nous avions dpens prs de
35 000 F en deux mois alors que nous navions encore quasiment rien
gagn ! Il allait falloir dornavant serrer le budget et faire attention
chaque franc dpens. Je prenais conscience, en effet, que les crdits de
LOdysse Interactive ntaient pas illimits ! En la matire, je navais
pas trouv de cheat codes, comme je le faisais quotidiennement pour les
jeux de lETAJV !
Lune des premires actions importantes au nom de LOdysse Interactive a t de rserver un nom de domaine afin de rendre plus facile
laccs au site de lETAJV. On ne pouvait certes pas dire que notre adresse dalors nous aidait faire connatre le site {10}. lpoque, les
noms de domaine taient exclusivement commercialiss par la socit
amricaine Network Solutions. Les extensions possibles taient au
nombre de trois : .com, .net et .org, utilises respectivement pour les entreprises commerciales, les entits lies au Net et les organismes but
non lucratif. Le .com tant le plus usit et aussi le roi des noms de domaine , il nous fallait rserver un nom en .com. Mais lequel ? Notre
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exprience du Minitel sest rvle dterminante pour ce choix important. Javais en effet discut de cette question avec notre prestataire P??
Tlmatique. Le choix dun nom sur le Minitel tait tout sauf anodin,
ctait mme crucial. Il sagissait dopter pour une dnomination facile
retenir, si possible un nom gnrique ( condition quil soit autoris par
France Tlcom) qui puisse aussi apparatre en tte des listes alphabtiques, cest--dire qui bnficierait dune excellente visibilit sur
lannuaire Minitel de France Tlcom. Le respect de ces conditions augmentait les chances pour le serveur Minitel de profiter dun bonus de
trafic, du simple fait dun nom judicieusement choisi.
Ce qui tait vrai pour le Minitel ne pouvait tre compltement faux
pour Internet. Exception faite de lordre alphabtique, absent sur le Net,
il a t dcid de suivre la lettre les rgles que nous connaissions sur
Minitel. Aprs quelques recherches sur le site de Network Solutions, jai
remarqu que le nom Jeuxvideo.com ntait pas encore dpos ! tonnant. Jai mme t saisi dun doute : ma thorie des noms gnriques
tait-elle fausse, et ce nom ne prsentait-il pas dintrt ? Ou alors personne navait encore pens le dposer ? Sans tre vraiment sr de mon
coup, jai rserv quand mme le nom Jeuxvideo.com en fvrier 1997.
Jai commenc comprendre lune des raisons pour lesquelles peuttre ce nom navait pas encore t rserv quand est venu le moment de
payer les 70 $ demands par Network Solutions. Ce site amricain
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vous, mais nous avions une norme envie de partager notre passion, on
sentait un enthousiasme propre aux poques pionnires de tout projet.
Cest la raison pour laquelle nous nous sommes toujours sentis assez
proches des amateurs passionns qui tentent laventure de la cration
dun site. Certains de ces amateurs sont dailleurs sans doute beaucoup
plus inspirs aujourdhui que nous ltions en 1997 !
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devant rien pour faire de largent ou pour vous nuire ou mme les
deux !
Heureusement, mis part cette dconvenue, le Net dalors tait tout
fait enthousiasmant. Ds le premier jour o jai pu naviguer sur le
Web, jai t scotch mon cran ! Je me souviens encore de la premire
nuit de surf, utilisant tant bien que mal une des premires versions du
navigateur Netscape et un modem 33 kb. Quel merveillement ! Les
sites de qualit taient encore rarissimes, mais quelle joie de dcouvrir
ce foisonnement de connaissances, toutes ces informations, ces conversations, ces crations, tout ce contenu autrefois limit et dsormais accessible en abondance ! Je navais pas encore ide du dveloppement incroyable quallait prendre ce phnomne, que certains sceptiques considraient lpoque comme un simple effet de mode. Javais par contre
le sentiment dtre libr dune contrainte lourde. Nous tions habitus
au Minitel et sa facturation prohibitive la minute, qui nous faisait
consulter les services en regardant la montre. Nous passions maintenant
une tarification plus douce, avec des contenus beaucoup plus riches, et
pour la plupart produits par des amateurs, donc non contrls par
France Tlcom. Quel changement ! Quelle bouffe doxygne pour les
quelques centaines de milliers de chanceux en France qui pouvaient accder ce rseau mondial !
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gens qui comme moi dcouvraient les formidables possibilits dInternet, qui sextasiaient, senthousiasmaient. Ils taient ports
sentraider, tout en respectant scrupuleusement la ntiquette, sorte de
charte de bonne conduite de linternaute.
Jeuxvideo.com, nous recevions chaque jour des messages enthousiastes de lecteurs qui nous remerciaient pour notre travail et nous
encourageaient poursuivre ! Sur les forums, nous navions pas de
trolls {11} et trs peu de flood {12}, malgr labsence totale de protections techniques. Les utilisateurs discutaient librement et se rpondaient de faon courtoise. Rgulirement, des gens nous crivaient
pour nous proposer leur aide, pour nous suggrer des amliorations ici
et l, pour corriger telle ou telle faute dorthographe. Tout cela montrait
que nous bnficiions dune bonne image et dun solide bouche--oreille : les joueurs se passaient ladresse de notre site comme on se donne
un bon tuyau. Les visiteurs devenaient chaque jour plus nombreux,
comme nous le montraient les premiers chiffres daudience de
Jeuxvideo.com. Cette audience tait mesure en pages vues par mois. Il
sagit du cumul du nombre de pages vues par chaque visiteur dun site
donn. Ce chiffre aujourdhui exprim en centaines de millions tait
beaucoup plus modeste lpoque. En avril 1997, notre audience tait
de quatre-vingt-dix mille pages vues dans le mois, cent trente-trois mille
cinq cents en mai et cent soixante-quinze mille pages pour le mois de
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joueurs : un tiers dentre eux jouaient plus de huit heures par semaine.
Enfin, ils taient de gros consommateurs de presse papier : 21 % lisaient
Joystick, 18 % Gnration 4 Voil qui expliquait pourquoi, assez rapidement, les sites Web vidoludiques allaient devenir la bte noire des
magazines papier de jeux vido.
Cette enqute tait trs clairante sur notre audience. Et Accessite
na pas tard se montrer efficace en commercialisant ds le mois de
juillet la premire campagne payante sur Jeuxvideo.com ! Nous tions
tonns et ravis la fois. Notre premier annonceur tait un revendeur
daccessoires pour consoles PlayStation. Il nous a achet une campagne
dun beau montant, et nous avons donc affich firement ses publicits {13} pendant de nombreuses semaines. Malheureusement, nous
avons dchant bien vite : si cette campagne PSX-Arcanaute tait bien la
premire, ce fut aussi notre premier impay ! Quelques semaines plus
tard, la socit faisait faillite, nous laissant une belle ardoise !
Pour notre premire campagne paye, nous avons d patienter
jusquen septembre 1997, avec une publicit pour Intel, suivie en octobre dune campagne de 10 000 F pour Internet Explorer 4 de Microsoft ! ce moment-l, une campagne par mois correspondait peu
prs notre rythme de vente despaces publicitaires. Dailleurs,
heureusement que les campagnes taient rares, car nous aurions t incapables den grer beaucoup plus ! Techniquement, nous mettions en
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cette
version
est
apparu
un
lment
important
de
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Comme je lai expliqu, plusieurs magazines de jeux vido diffusaient rgulirement lETAJV sur leurs CD. Avec certains dentre eux,
nous avions par consquent nou des relations cordiales. Cest ainsi que
nous nous sommes rapprochs de la socit Posse Press, qui ditait notamment les magazines PC Team, Dream, Studio Multimdia Grce
Franois, qui rdigeait quelques piges pour Posse Press, LOdysse Interactive allait tre amene travailler en collaboration avec PC Team,
qui tait le titre phare du groupe et lun des magazines de rfrence dans
la presse vidoludique PC de lpoque.
Nous allions en effet ouvrir le serveur Minitel 3615 PCTEAM en
partenariat avec P?? Tlmatique, puis nous allions nous occuper du site
Web de ce magazine. Nous avons donc sign un accord avec Posse Press
dfinissant ces deux projets en octobre 1997. Lide tait de permettre
PC Team de bnficier de leffet de levier du Minitel pour monter leur
site,
exactement
comme
nous
lavions
fait
avec
lETAJV
et
Jeuxvideo.com.
Je me suis alors rendu pour la premire fois Grenoble chez
Franois, afin daborder avec lui de vive voix le projet de Posse Press,
mais aussi pour assister la soutenance de sa thse dconomie la fac
de Grenoble. Cette soutenance russie marquait la fin des tudes de
Franois, et le rendait disponible pour un emploi au sein de LOdysse
Interactive. Cest ainsi quavant la fin octobre Franois devenait le tout
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de
Tronquires,
en
priphrie
dAurillac :
un
village
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Javais du mal croire quune petite entreprise Internet puisse loger ici.
Lorsque je rendais visite des confrres, jtais plus habitu voir des
bureaux en open space ou, pour les plus modestes, des locaux exigus
sous les toits. L, ctait la grande classe. Mme impression lorsque je
suis arriv ltage : lpaisse moquette et la hauteur de plafond gigantesque donnaient le sentiment dtre dans un bel et grand appartement
parisien plutt que dans une entreprise.
Jai rencontr les deux fondateurs de la socit. Trs vite, jai compris que je ne pourrais pas rcuprer mon nom de domaine. Le directeur
sest en effet montr trs vasif, ce qui voulait dire : Votre nom, on le
garde. Par ailleurs, on ma fait comprendre que Jeuxvideo.com serait
bien vite surpass par Overgame, que nous ne jouions pas dans la
mme catgorie : nous, nous tions les amateurs et nous avions bien fait
joujou quelque temps ; eux, ctaient les pros, avec dimportants moyens
financiers, et, quand la machine allait se mettre en marche, elle allait
nous broyer. Tout juste pourrions-nous peut-tre avoir le privilge de
figurer parmi les challengers qui essaieraient de suivre le sillon quils allaient tracer pour tout le secteur !
Jaurais confirmation de larrogance des dirigeants dOvergame
quelques semaines plus tard, lorsque lun deux dclarerait au magazine
en ligne Chronicart : Jeuxvideo.com nest finalement pas vraiment un
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les nouveaux sites que nous signalaient nos lecteurs, mais aussi ceux
que nous-mmes dcouvrions au gr de nos prgrinations sur le Web.
Le deuxime projet auquel nous travaillions tait louverture sur
Jeuxvideo.com dune boutique qui pourrait nous permettre de gnrer
de nouveaux revenus. Nous avons dcid de dbuter en ne vendant
quun seul petit accessoire qui faisait fureur lpoque, notamment
auprs de notre public friand dastuces et de solutions de jeux. Il sagissait de lAction Replay, permettant de stopper un jeu pendant une partie
pour en modifier le fonctionnement ! Cela dans le but de rajouter des
vies, de soctroyer des crdits infinis ou de rendre son hros invulnrable, par exemple. Contrairement la plupart des codes pour tricher
dans les jeux, ces astuces navaient pas t prvues par les programmeurs : elles taient dcouvertes par des joueurs passionns. Ces
derniers se les changeaient sous forme de codes hexadcimaux quon
appelait codes Action Replay et qui ntaient utilisables que sur laccessoire en question. Jen ai profit pour rajouter ce type de codes dans
lETAJV. Cest galement Franois qui a ralis cette boutique. Je me
suis occup, de mon ct, de signer un contrat de vente distance avec
notre banque, de la facturation et de la logistique. Cest ainsi, de faon
trs artisanale, qua dmarr la premire boutique de Jeuxvideo.com
la fin de fvrier 1998 !
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Plus que la boutique, la publicit restait cependant la source principale de revenus de Jeuxvideo.com. Ces revenus, toutefois, tardaient dcoller, et les campagnes commercialises par notre rgie Accessite
taient encore trs irrgulires et nous taient payes tardivement. En
rsum, nous ntions pas satisfaits. Nous avons dcid de rsilier notre
contrat avec Accessite, qui stait rvle moins efficace que nous
lesprions.
Paralllement Accessite, javais bien tent de prospecter les annonceurs en direct, mais sans grand succs. Alors, sur les emplacements
publicitaires libres, Stoub avait eu la bonne ide de nous inscrire deux
rgies amricaines : ValueClick et eAds. Ces deux rgies, qui navaient
pas encore dquivalent franais, nous payaient au clic. Elles commercialisaient des campagnes sur de trs gros volumes, sur des centaines de
sites simultanment. Certes, ces campagnes amricaines taient
gnralement peu rmunratrices, mais ces deux rgies nous rapportaient tout de mme quelques centaines de francs par mois. Ctait toujours a de pris ! Avec le recul, je ne comprends toujours pas comment
une rgie amricaine pouvait nous rmunrer pour diffuser sur notre
site des bandeaux en anglais ciblant les Amricains. Peu aprs, ce genre
de rgie au clic sest bien sr internationalis, en proposant des bandeaux dans toutes les langues. Mais, ce moment-l, nous avions bel et
bien des bandeaux amricains sur nos pages franaises ! Cela ne
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semblait pas dranger nos internautes et nous aidait boucler les fins
de mois !
En mars, une nouvelle ide a vu le jour : et si nous lancions une version offline de Jeuxvideo.com ? Le constat tait simple : la majorit des
amateurs de jeux vido ntaient pas encore connects Internet. Ils ne
pouvaient donc pas bnficier du travail que nous ralisions chaque jour
sur Jeuxvideo.com. Lide tait donc de concevoir une version du site
consultable par des utilisateurs qui ntaient pas encore connects au
Net. Cette version serait distribue gratuitement sur CD. Aussitt, Stoub
sest attel la tche, en commenant par rapatrier lensemble des donnes de Jeuxvideo.com sur son disque dur. lpoque, cela reprsentait
moins de 10 Mo ! Une fois toutes les pages et les images rcupres sur
son micro-ordinateur, Stoub a d renommer un certain nombre de liens
et de fichiers afin de rendre le site consultable par un navigateur Internet sans que celui-ci tente de chercher des lments sur le Net. Cette
version offline, acheve, pesait 5 Mo. Malheureusement, si les diffuseurs
habituels de lETAJV taient friands de chaque nouvelle mise jour de
lencyclopdie, la plupart nont pas souhait diffuser cette version offline
de Jeuxvideo.com. Du coup, celle-ci est reste trs confidentielle, et
nous avons donc dcid de ne pas renouveler cette exprience. Cette
unique version offline nen a pas moins eu un grand mrite : prs de
quinze ans plus tard, elle nous donnerait une vision exacte de ce qutait
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Cyril, qui avait peu prs mon ge, semblait travailler plus ou moins
seul vendre la publicit. Le courant est bien pass entre nous. Tant et
si bien quil a fini par me convaincre de rejoindre sa rgie. Et cela avec
un argument massue : il me proposait un minimum garanti pour que je
signe un contrat avec Hi-Media. Cest--dire quil sengageait raliser
chaque
mois
un
chiffre
daffaires
publicitaire
minimum
sur
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mandat
Jeuxvideo.com.
par
cette
mes
deux
confrence
collgues
intervenaient
pour
prsenter
galement
des
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En juillet, LOdysse Interactive dgageait suffisamment de trsorerie pour embaucher temps partiel son troisime associ, Stoub, qui en
parallle de ses tudes allait pouvoir commencer rcolter les fruits de
son dvouement Jeuxvideo.com. Son premier travail de salari a t
de peaufiner la version suivante du site, quil tait prvu de mettre flot
la rentre de septembre, comme nous lavions fait lanne prcdente.
En plus de nous occuper de cette nouvelle version, dont nous esprions beaucoup, nous restions trs attentifs ce que faisaient nos confrres. Je madonnais donc une veille concurrentielle rgulire : en
cette anne 1998, le secteur du jeu vido sur le Web commenait en effet
exciter bien des convoitises. Nous avions dj comme principal concurrent le site Overgame.com, avec qui nous entretenions des rapports
relativement tendus cause de cette histoire de cybersquattage. Je me
rendais rgulirement sur ce site pour voir comment il voluait, je
mtais abonn leur newsletter, je notais les remarques de nos lecteurs
son sujet
En plus dOvergame, nous allions tre rejoints sur le secteur par
plusieurs autres concurrents. Tout dabord, une petite socit parisienne
du nom de Quelm (dont javais rencontr un dirigeant Paris), qui ditait plusieurs sites Web dinformation, a dcid un beau jour de se diversifier dans les jeux vido. Elle a ainsi lanc le site Gamelog.com {24}.
Gamelog tait un site pro moins ambitieux quOvergame, mais que
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France de Ziff Davis, puissant diteur informatique. Celui-ci tait notamment le propritaire de Gamespot.com, leader mondial des webzines
de jeux vido, lanc aux tats-Unis en mai 1996. Gamespot tait une
sorte de Jeuxvideo.com puissance 10. Ctait un modle pour la plupart
des sites de jeux vido non anglophones de la plante.
La filiale franaise de Ziff Davis occupait un immeuble parisien
cossu. Lentre, lumineuse, tait tout en marbre, et de confortables
canaps en cuir permettaient de faire patienter les visiteurs. La standardiste ma accueilli en souriant derrire son bureau qui devait
mesurer trois fois la surface du mien ! On ma conduit dans une salle de
runion o mattendaient le PDG ainsi que le futur rdacteur en chef de
Gamespot.fr
Si jai t reu trs cordialement, encore une fois, comme lors de ma
visite chez Overgame, jai eu droit au traditionnel couplet Nous
sommes les meilleurs . On ma expliqu que Gamespot.fr allait ouvrir
quelques semaines plus tard, et quune vaste campagne promotionnelle
permettrait de mettre rapidement le site sur orbite : communication et
publicits dans la presse papier, peut-tre mme la tl ! videmment,
le site franais pourrait sappuyer sur limmense base de donnes amricaine, quil suffirait de traduire. Gamespot avait ainsi dj, tout comme
nous, une grande base dastuces, mais aussi des contenus que nous ne
proposions pas encore, comme un trs grand nombre de critiques de
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jeux. Selon mes interlocuteurs du jour, nous nous trouvions un carrefour important pour Jeuxvideo.com ; jallais devoir choisir entre deux
voies possibles : soit nous serions en concurrence frontale avec le futur
Gamespot.fr et alors Jeuxvideo.com perdrait forcment la bataille face
aux moyens colossaux dploys par les Amricains, soit nous devenions
allis et nous nous partagions en quelque sorte le march. On ma ainsi
propos de ne plus nous occuper que des jeux sur consoles, tandis que
Gamespot soccuperait des jeux PC. Ou bien cette autre possibilit :
nous pouvions cibler les joueurs de moins de vingt ans pendant que
Gamespot ciblerait les adultes. Pour complter ce partenariat, nous tablirions un lien de Jeuxvideo.com vers Gamespot.fr pendant queux de
leur ct mettraient en place un lien vers notre site depuis le leur.
trange marchandage. trange proposition, trs lonine. moins quils
aient vu en moi un grand naf ? Jai pris toutefois bonne note de cette
proposition, pour en faire part mes associs ds mon retour Aurillac.
En quelques minutes, et sans quil y ait eu de dbat, nous tions unanimes pour ne pas nous laisser marcher sur les pieds. Nous allions continuer notre parcours, et nous verrions bien !
Le tableau des nouveaux concurrents ne serait pas complet si je ne
parlais de G??. Il sagissait dun projet dans les cartons de France Tlcom. Probablement une plate-forme de jeux en ligne, mais aussi un site
ditorial. On nen savait pas encore beaucoup sur le sujet cette poque,
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mais nous craignions de les voir arriver avec des moyens financiers importants. La liste de nos concurrents sallongeait donc, avec dsormais :
Overgame, Gamelog, Gamespot.fr, et bientt Goa.com. Il allait falloir
nous bouger pour ne pas perdre la prcieuse avance que nous avions acquise depuis bientt deux ans.
Si, du ct de la concurrence, un certain nombre de sites staient
mis se structurer sur le Web, les diteurs de jeux vido commenaient
de leur ct comprendre lintrt quils pouvaient tirer du Net. Certains se sont ainsi mis nous solliciter rgulirement, ce qui navait pas
t le cas pendant lanne 1997 : au contraire, alors que javais dj tent
de contacter quelques diteurs pour obtenir des informations sur leurs
jeux en vue dalimenter Jeuxvideo.com, bien souvent, soit on ne me
prenait pas au srieux, soit lditeur navait mme pas dadresse lectronique pour communiquer ! Les quelques contacts que javais avec les
diteurs passaient essentiellement par les hotlines et les supports techniques qui se servaient de lETAJV pour dpanner les joueurs les
sollicitant !
Voil toutefois qui nallait pas tarder changer. 1998 a t la
premire anne au cours de laquelle certains diteurs de jeux ont commenc tablir des relations presse par le biais du Net. Ce ntait pas
encore une pratique gnralise, certains retardataires attendraient
mme la fin 1999 ! Pour linstant, nos contacts rcents nous
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des autres, conscients que ce serait en faisant parler de nous que nous
prenniserions le succs de Jeuxvideo.com. Cette anne 1999 sannonait comme celle dune croissante et forte mdiatisation du Web. Un
phnomne de mdiatisation dont ferait partie Jeuxvideo.com. son
chelle, bien sr nous ntions pas Yahoo, Amazon ou eBay.
Vers la fin janvier, une deuxime version de la boutique du site a t
lance. Fini, la simple page qui vendait des Action Replay. Nous entendions dsormais proposer une vraie boutique de jeux vido, avec tous
les principaux produits du march. Elle allait fonctionner comme un
magasin traditionnel, ceci prs que nous navions pas de stock. Chaque
fin daprs-midi, jappelais mes grossistes pour leur passer commande
des rfrences souhaites par les joueurs au cours de la journe coule.
Le lendemain matin, je recevais ma commande de jeux. Jditais alors
les factures pour les clients, jemballais les jeux dans des cartons que
javais pralablement achets en gros et jaffranchissais les colis.
Lesquels taient enlevs par La Poste en fin de journe. Ce travail de
commande et demballage tait peu gratifiant. Ctait long et fastidieux.
Et cela me prenait un temps fou au dtriment dautres tches plus cruciales pour lentreprise. Cest ainsi toutefois que nous avons fait nos
premires armes dans le commerce lectronique, grce aussi des logiciels de back office trs ingnieux, dvelopps avec talent par Franois.
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sollicits tant par les mdias que par des financiers la recherche de
start-ups dans lesquelles investir. Certaines socits du secteur commenaient mme nous approcher pour tudier une entre dans notre
capital, voire une fusion ou notre rachat total. Des ides qui nous ont
fait beaucoup cogiter, mais qui, pour lheure, en sont restes l.
Pour la premire fois, nous prenions conscience dun vritable intrt des mdias et des investisseurs pour notre activit, et plus
gnralement pour les start-ups Internet. De faon globale, de plus en
plus de place tait accorde dans les mdias aux histoires de cration
dentreprise. Ctait non seulement vrai dans les mdias spcialiss, de
la presse conomique aux magazines informatiques, mais dsormais
aussi dans les grands mdias gnralistes comme les journaux tlviss
ou les missions en prime time. Bref, les start-ups Internet devenaient
peu peu trs prsentes dans lespace mdiatique. Ce qui contribuait
faire des jeunes entrepreneurs Internet les hros de cette fin du
XX? sicle. Le Net tait la grande tendance du moment, et les journalistes taient lafft de la moindre histoire raconter sur ce thme ! En
France, on navait sans doute jamais connu un tel engouement li la
cration dentreprise. Et la jeunesse franaise se prenait rver de russite entrepreneuriale. Des jeunes diplms dcoles de commerce quittaient leur job pour monter leur affaire, des dizaines dtudiants interrompaient leurs tudes pour tenter leur chance !
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Quant nous, si nous nous distrayions de cette agitation mdiaticospculative, nous avions surtout dautres proccupations quotidiennes.
Lune delles tait dsormais de trouver du temps pour continuer nous
dvelopper.
force
dajouter
de
nouvelles
fonctionnalits
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histoire
de
ne
pas
me
trouver
dmuni.
Jvitais
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volontairement les questions piges dont sont friands certains recruteurs retors. Mon but, en effet, ntait pas de mettre les candidats
mal laise, mais de cerner leurs qualits et dfauts afin den dduire
sils pouvaient convenir pour le poste.
Malgr une prparation minutieuse, jtais assez intimid le jour des
premiers entretiens. Dautant que javais peu prs lge des candidats !
Du coup, jai propos ceux qui le souhaitaient de me tutoyer, puisque
je navais pas lhabitude quon me vouvoie. Du reste, dans le secteur du
jeu vido, le tutoiement est de mise, quelles que soient les diffrences
dge. Lexprience aidant, je laisserais plus tard les candidats me
vouvoyer, et en ferais de mme de mon ct. Cest donc un recruteur
bien hsitant quont d faire face les premiers candidats. Il fallait
vraiment avoir la foi pour postuler dans cette entreprise toute neuve,
avec zro salari et un patron si jeune et inexpriment !
Pourtant, la srie dentretiens sest bien droule, durant laquelle un
candidat est sorti du lot. Il avait fait preuve dune trs bonne culture
vidoludique, matrisait bien la langue anglaise et ctait une bonne
plume. Il nous avait envoy un test du jeu The Curse of Monkey Island
qui mavait convaincu. Affaire conclue : ce jeune homme rpondant au
pseudonyme de Kornifex dmarrait le 1?? juillet 1999. Il allait avoir pour
tche principale de rdiger des tests de jeux, mais aussi les news pour la
mise jour du site, qui avait lieu chaque fin daprs-midi. Ce qui veut
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pour nous de couvrir ce genre dvnement, tant pour nos lecteurs que
vis--vis des diteurs de jeux qui me sollicitaient cette occasion. En
mai de cette mme anne, nous avions renonc participer au salon
mondial de lE3 Los Angeles, faute dune quipe suffisamment toffe.
Cette fois-ci, nanmoins, les recrutements rcents de Kornifex et Melo
allaient nous permettre de rpondre prsent au rendez-vous.
Les lecteurs ont gnralement une vision idyllique des salons ddis
aux jeux vido. Ils pensent souvent que ce sont dimmenses salles de
jeux dans lesquelles les journalistes passent le plus clair de leur temps
tester les nouveauts ou les jeux paratre. Pays pour jouer, quel beau
mtier ! Sauf quil sagit l dune vision trs rductrice du travail des rdacteurs. En ralit, la dure passe jouer est trs faible. Ils consacrent
beaucoup plus de temps couter des producers leur prsenter leurs futurs jeux. Dans bien des cas, il est mme impossible dy jouer. La
journe est une succession de prsentations en anglais, souvent par des
personnes dont ce nest pas la langue maternelle, ce qui exige dautant
plus de concentration. Le plus souvent debout, et un rythme effrn
pour honorer tous les rendez-vous pris au pralable, lesquels se succdent sans interruption. Si bien quil nest pas rare que les rdacteurs
naient mme pas le temps de manger midi. Le soir, rentrs lhtel,
ils ont encore pour travail de rdiger des articles sur les jeux quils ont
vus dans la journe, de trier des photos et plus tard denregistrer ou
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monter des vidos. Ce qui signifie que les journes commencent le matin louverture du salon et se terminent souvent tard dans la nuit.
Ajoutez cela la fatigue du voyage et lventuel dcalage horaire, et vous
comprendrez que les rdacteurs finissent souvent les salons sur les
rotules !
LECTS 1999 a t le premier salon couvert par Jeuxvideo.com. Je
my suis rendu avec Kornifex. Voyage en train depuis Aurillac via Limoges puis Paris en Eurostar jusqu Londres, ce qui reprsentait dj
un petit priple en soi, puisquil nous a ncessit la journe ! Nous avions lou deux chambres dans un htel tenu par des Pakistanais moins
dun mile pied du salon. Ltablissement tait minuscule, les chambres
douteuses, lpaisse moquette marron so british avait tout dun
paradis pour acariens. Enfin, histoire de couronner le tout, les toilettes
ainsi que la douche semblaient dater de lpoque victorienne. Voil qui
commenait bien !
Sur le salon, nous avions rendez-vous avec la plupart des diteurs de
jeux, mais pas tous, puisque certains attachs de presse prfraient consacrer tout leur temps la puissante presse papier. Il sagissait de mon
premier salon vidoludique, et javais opt pour une tenue faire pleurer un gamer : costume gris anthracite ! Autant vous dire que jtais en
lger dcalage avec mes interlocuteurs. Pour les salons suivants, jadopterais vite le dress code {32} de notre industrie (jean et baskets de ville),
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puisque dans le secteur seuls les commerciaux et les top managers portaient habituellement le costume.
Comptant bien prendre des clichs du salon, jarborais firement autour du cou un bijou technologique : un appareil photo numrique Sony
Mavica. Dot dun design sovitique, certes, mais il stockait les photos
sur des disquettes ! Les prises de vue taient donc immdiatement
disponibles et lisibles sur nimporte quel PC. Inconvnient : la qualit
laissait dsirer. La rsolution des photos tait de seulement 640 480
pixelsne, cest--dire peine 0,3 mgapixel ! Chaque soir, nous transmettions par email ces photos de la journe Stoub, rest Toulouse.
Pour ce faire, il fallait dabord trouver un accs Internet, ce qui tait loin
dtre vident cette heure tardive de la journe : il ny avait bien sr
aucune connexion lhtel. Avec les lments que nous lui adressions
ainsi quavec ceux fournis par les services de presse des diteurs, Stoub
mettait jour Jeuxvideo.com en relayant les news du jour. Ds notre retour Aurillac, nous avons rdig un dossier complet sur lECTS. Avec
ce dispositif, nous tions aussi rapides que nos confrres Internet pour
les news chaudes, et notre dossier bien aliment nous assurait dtre
plus complets queux. Dans le mme temps, nous battions plate couture la presse papier mensuelle, pour qui il tait difficile de relayer
lvnement dans ses numros doctobre alors que nous en avions parl
trois semaines plus tt.
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Le bilan de notre premier salon tait trs positif. Sur le plan ditorial, mais surtout relationnel. Nous avions assur une vingtaine de
rendez-vous au cours desquels la plupart de nos interlocuteurs nous
avaient dclar consulter quotidiennement Jeuxvideo.com et apprcier
le site. Mieux encore, au cours dun change avec la jeune responsable
Internet dUbisoft, deux des fondateurs du groupe staient glisss dans
lentretien : le directeur gnral Yves Guillemot et son frre Grard,
prsident dUbisoft Amrique du Nord. Sils avaient tenu se joindre
ce rendez-vous en dpit dun agenda surcharg, cest assurment quils
le considraient comme important. Jen ai eu la confirmation lorsquYves Guillemot, lun des papes de lindustrie vidoludique, ma
dclar tre trs admiratif de ce que nous avions fait avec
Jeuxvideo.com. Lhistoire de LOdysse Interactive leur tait particulirement sympathique, eux qui avaient dbut leur aventure dans
un petit village du Morbihan une quinzaine dannes plus tt
Voil une rentre qui dmarrait sous les meilleurs auspices. Notre
moral tait au plus haut, comme on peut limaginer. Il le fallait, car,
comme chaque anne depuis le lancement de Jeuxvideo.com, le mois de
septembre tait synonyme de grande mise jour du site ! Une mise
jour laquelle travaillaient depuis plusieurs mois mes deux associs.
Franois avait d refondre notre systme de forums, qui taient devenus
inutilisables en raison dune frquentation de plus en plus soutenue
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tel point que nous avions d nous rsoudre, la mort dans lme, fermer
totalement les forums pendant quelques semaines, le temps de pouvoir
mettre en ligne une version plus robuste, entirement dveloppe maison par Franois. De son ct, Stoub amliorait le design gnral du site,
pour rpondre certains dtracteurs qui se plaignaient dune couleur
jaune un peu trop prsente. Ils allaient bientt tre combls, avec les
teintes grises et orange trs tendance que Stoub avait judicieusement
ajoutes ici et l. Il avait galement mis au point un logiciel de CMS {33}
permettant aux rdacteurs de saisir directement leurs articles sur le site,
sans avoir besoin de procder eux-mmes la mise en page. Sans parler
dautres dtails peu visibles pour linternaute, mais qui avaient demand
un travail de titan mes deux compres.
Cette mise jour sest rvle pique pour une bonne raison : nous
ne disposions que dun seul serveur pour hberger Jeuxvideo.com.
Stoub et Franois se servaient de leurs PC pour dvelopper, mais la mise
en ligne tait ralise directement sur lunique machine en production.
Ce qui veut dire que, pendant que nous mettions jour le site, celui-ci
prsentait un fonctionnement assez erratique. Certaines parties du site
taient fonctionnelles avec lancien design, dautres avaient t mises
jour et fonctionnaient avec le nouveau. Dautres pages, enfin, taient
tout simplement inaccessibles ou bugges. Chaque mise jour technique constituait donc une grosse preuve de contre-la-montre qui
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en octobre 1999 nous travaillions dsormais Aurillac quatre personnes temps plein.
Quelques jours plus tard, jai reu un hte de marque dans la salle de
runion du village dentreprises : lun des plus gros vendeurs de jeux de
France. En sa qualit de fondateur et PDG de la chane de magasins Micromania, Albert Loridan avait dcid de profiter dune visite en Limousin pour faire un crochet par Aurillac. Son groupe croissait une
vitesse vertigineuse. Fort de soixante-quinze magasins de jeux vido, il
prvoyait den ouvrir vingt-cinq supplmentaires par an, et bien sr de
dvelopper paralllement la vente en ligne sur le Net. Pour cela, il pouvait compter sur un fichier de plus dun million de clients ! Cest ce titre
quil me rendait visite, peut-tre pour voir si une alliance tait possible,
tout autant que par curiosit pour notre entreprise auvergnate pas
comme les autres. Pendant notre rendez-vous, trs cordial, le PDG de
Micromania notait, de son stylet, chaque lment-cl de notre conversation sur son Palm. Cela ma marqu, car ctait la premire fois que
javais en face de moi un interlocuteur qui prfrait le numrique au
couple plus traditionnel crayon-papier.
Si elle ne devait dboucher sur rien de concret, cette visite me rappelait nanmoins lapptit des entreprises traditionnelles de jeux vido
(diteurs et distributeurs) pour des start-ups comme la ntre. Tout
comme Ubisoft, Micromania cherchait dbarquer sur le Net en
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maximisant ses chances de succs. Cest--dire soit en nouant des alliances, soit en y allant seul. Dans les deux cas, en ayant collect un maximum de renseignements sur les acteurs dj en place. Il sagissait dune
dmarche intelligente et de bon sens.
VII. CESSION
Au fil des rendez-vous qui staient succd les semaines
prcdentes avec des chefs dentreprise ou des financiers, javais pris
toute la mesure de lintrt port Jeuxvideo.com, dans le contexte
deuphorie autour dInternet dans lequel nous baignions sans en avoir
d'abord eu conscience. Cest dans cet esprit que jirais bientt deux
nouveaux rendez-vous parisiens. Le premier, en rponse une sollicitation de la Deutsche Bank, dont lemail tait clair : Nous aimerions
mieux comprendre lactivit de votre socit afin de vous proposer dans
lavenir des ides de partenariats, dacquisitions, de cessions ou dintroduction en bourse. Trop gnraliste, cependant, cet entretien naurait
pas de suites. Le second rendez-vous tait avec une autre banque
trangre : UBS {35}, lune des plus grosses banques du monde. Ce
rendez-vous avait t obtenu par Franois, dont lami denfance dun
ami commun tait directeur chez UBS France. Franois avait discut
brivement avec Lionel, le fameux banquier en question. Lequel lui avait
indiqu quil connaissait peut-tre un acheteur intress par LOdysse
Interactive, dans lhypothse o nous serions vendeurs. Voil qui avait
le mrite dtre direct !
Je me suis donc rendu Paris, boulevard Haussmann, au sige
dUBS France. Je suis arriv dans des locaux cossus peupls demploys
obsquieux et tirs quatre pingles. On ma dcrit UBS comme la plus
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fait de ses relations avec un ami commun ont fini par me convaincre que
nous allions devoir prendre une dcision majeure pour notre entreprise.
Avec mes associs, aprs nous en tre longuement entretenus, nous
avons dcid de poursuivre les discussions avec UBS. ce stade, nous
tions daccord pour cder certaines parts sociales afin dtre rmunrs
dune partie des efforts que nous avions consentis ces dernires annes.
partir dune certaine somme, il faut savoir considrer froidement les
offres qui se prsentent, moins dtre compltement fou ou mgalomane. Sur ce plan-l, il me semble que nous avions plutt la tte sur
les paules, malgr notre jeune ge !
Quelques jours aprs ma visite chez UBS, le 6 novembre 1999, je me
suis rendu au Marathon de lInternet cratif Limoges. Javais t invit
participer une table ronde. Jy ai retrouv parmi les intervenants la
directrice de G?? ainsi que le directeur de la socit qubcoise Netgraphe, venu tout spcialement me rencontrer. Cette socit, premire
entreprise Internet cote la bourse de Montral, sintressait nous
dans le cadre de lextension en France de ses activits. Entre la poire et
le fromage, nous avons eu une discussion relativement libre au sujet des
intermdiaires dans le cadre de cessions-acquisitions. Il connaissait bien le sujet pour avoir t capital-risqueur lui-mme, puis dirigeant
dune banque daffaires. Selon lui, le choix de notre conseil tait primordial : il arrivait en effet que les conseils soient davantage au service des
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gros financiers avec lesquels ils travaillaient tous les jours qu celui de
leur client. Et ce serait, daprs lui, particulirement vrai dans le cas de
cessions, des transactions au cours desquelles il pouvait arriver que le
conseil soit tent de minorer le prix de vente au bnfice de lacheteur,
avec lequel il aurait conclu un accord occulte de compensation financire Javoue que je navais pas envisag cette ventualit, et dsormais cet lment rentrerait en ligne de compte pour savoir si nous devions donner suite la proposition dUBS ou non. La confiance serait
dterminante.
Limoges, la confrence sest relativement bien passe, si ce nest
que je navais pas prvu de prendre la parole devant une salle quasiment
dserte une vingtaine de personnes au maximum. La raison ? La
finale France-Australie de la Coupe du monde de rugby tait retransmise dans une salle attenante ! Je ne pouvais pas reprocher aux fans de
sport davoir prfr le match
Je navais toutefois pas fait le voyage Limoges pour rien. En effet,
jy ai rencontr galement David Bordas (Haazel), jeune tudiant en informatique qui voulait faire chez nous son stage de fin dtudes. Il tait
originaire du Cantal et son profil me plaisait bien ; jai donc dcid de le
prendre comme stagiaire quelques mois plus tard. Bien men a pris, car,
la fin de son stage, jtais tellement satisfait de ses services que je lui ai
propos demble un contrat de travail dure indtermine. Ce fut
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ses fondateurs et ses perspectives dvolution. Enfin, il sagirait didentifier les acheteurs potentiels en France ou ltranger. Il faudrait alors
les contacter un par un, dans loptique de russir en intresser
plusieurs pour crer un systme denchres dans lequel la concurrence
ferait monter les prix. Pour lheure, la balle tait dans le camp dUBS,
qui devait raliser laudit de valorisation. Nous tions au dbut dun
long processus qui allait prendre prs de six mois.
Avant toute chose, cependant, UBS nous a propos de respecter une
stricte confidentialit : nous ne devrions jamais parler quiconque de la
cession possible de lentreprise. En effet, bruiter le sujet conduirait tt
ou tard discrditer le dossier et le dvaloriser. Aussi, nous nous
sommes accords pour ne plus citer nommment Jeuxvideo.com ou
LOdysse Interactive au cours de nos changes. Il fut dcid dadopter
un nom de code : aprs avoir cart Lara Croft, trop proche de notre
activit, nous lavions dcid, ce serait Cantal ! Oralement comme par
email, ctait ce mot qui serait dsormais utilis pour viter les fuites. Il
sagissait dune prcaution digne dun film despionnage, et cela me
plaisait bien ! Il faut dire cependant que nous tions lun des plus petits
dossiers de cession quait eu traiter lquipe dUBS. Franois H. nous
confiait quils avaient davantage lhabitude de traiter des dossiers de
grosses PME industrielles de plusieurs centaines de salaris, revendues
la fin de la carrire du dirigeant pour plusieurs centaines de millions
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il sagissait dun nouveau contenu qui venait enrichir le site et nous permettait dafficher une note mme pour les jeux que nous navions pas
tests. Cette possibilit nouvelle, plbiscite par nos lecteurs, a connu
demble un norme succs : plus de cinquante avis par heure taient
posts ds le premier jour, ce qui reprsentait pour nous un petit dfi
technique ! Heureusement que nous venions de changer le serveur
dhbergement de Jeuxvideo.com ! Ctait aussi un dfi humain,
puisqu cette poque chaque avis de lecteur tait valid la main par
un membre de lquipe en gnral Stoub ou moi avant dtre diffus sur le site. En dpit de ces contraintes, la mise en place de ces avis
des lecteurs nous a permis de battre notre record daudience quotidien {37}. Ce qui au passage nous laissait esprer franchir le cap symbolique des dix millions de pages vues sur lensemble du mois de dcembre,
chiffre qualors peu de sites pouvaient se vanter datteindre. Dailleurs,
tous les clignotants daudience taient dans le vert, comme le confirmait
une tude Mdiangles selon laquelle Jeuxvideo.com tait le septime
site franais ayant connu la plus forte progression daudience au cours
de lanne 1999. Devant nous, uniquement des poids lourds du secteur :
Multimania, Yahoo, Voila, Caramail ou TF1. Dans ce contexte de probable cession prochaine de Jeuxvideo.com, tout ce qui pouvait mieux
nous faire connatre tait videmment bienvenu !
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la veille de lan 2000, aprs nous tre mis daccord sur la valorisation, nous avons finalement sign le mandat de cession dUBS. Ds lors,
le processus tait enclench. Les services de Warburg ont commenc le
travail de rdaction du mmorandum, destin prsenter en dtail
Jeuxvideo.com aux acqureurs potentiels. Il fut dcid de rdiger le
texte en anglais pour pouvoir contacter des acqureurs trangers plus
facilement. Cela permettait galement de montrer aux candidats
franais que nous constituions un dossier international, gage de srieux
et de crdibilit.
Quelles entreprises taient susceptibles de nous racheter ? Une
premire liste tablie par Warburg comportait environ soixante-dix
noms : des fournisseurs daccs Internet, les plus gros sites Web, des
diteurs de jeux vido ou des plates-formes de jeux en ligne, des groupes
de mdias, et enfin des groupes de distribution.
Cette anne 1999 se terminait pour moi sur une impression de vertige. Ces dernires semaines avaient t si enthousiasmantes et stressantes la fois ! Jtais sollicit de toutes parts, par des journalistes, par
mes contacts chez les diteurs de jeux vido, par UBS, par nos lecteurs
de plus en plus nombreux Pendant ce temps, le magazine Le Point
publiait un dossier sur les cent Franais qui feraient les annes 2000.
Contre toute attente, je figurais dans ce palmars des personnalits
franaises de moins de quarante ans censes faire lactualit de la
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dcennie. Dans la liste, on trouvait aussi des avocats, des politiciens, des
sportifs de haut niveau, des chanteurs, des crivains, des chercheurs
Et moi, au milieu de tout cela, reprsentant le secteur vidoludique en
compagnie du mdiatique Nicolas Gaume, fondateur de lditeur bordelais Kalisto. Je venais pourtant de signer un mandat de cession de
mon entreprise. Difficile ds lors de ne pas me projeter dans lavenir en
me demandant si jallais vraiment faire lactualit des prochaines annes ou bien si je nallais pas tout simplement tre dbarqu par notre
futur acqureur ! Voil donc pourquoi jprouvais un sentiment de fiert, mais aussi cette sensation de vertige. Le mme vertige que javais
prouv trois ans plus tt, au moment de signer les statuts de LOdysse
Interactive.
Cet article du Point nest pas rest sans suites, puisquil a sans doute
t la raison de mon entre dans le Whos Who {38} quelques semaines
plus tard. Il ma en outre valu pendant quelques annes le surnom de
Bill Gates du Cantal que le journaliste avait utilis dans son article
sobriquet que je trouvais tout fait ridicule. Enfin et surtout, cet article
crdibilisait notre action auprs du grand public. UBS se frottait les
mains, car cette prsence dans Le Point allait inciter dautres journalistes emboter le pas au magazine dactualit en rdigeant leur tour
un papier sur Jeuxvideo.com.
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Suite cette rcompense, une avalanche de sollicitations par les mdias rgionaux : quelques jours aprs lannonce officielle, jtais en une
de tous les journaux du coin, et lon pouvait mcouter sur toutes les radios dAuvergne ! Je recevais par ailleurs des dizaines de mails de flicitations de la part de maires ou de parlementaires, damis, de chefs
dentreprise, danciens collgues, danciens profs ou de personnes dont
je navais pas eu de nouvelles depuis des lustres ! Dcidment, il allait
vite me falloir trouver une collaboratrice, car je ne pouvais plus grer
seul toutes ces sollicitations : je ne pouvais pas rester ainsi le standardiste de LOdysse Interactive tout en tenant la comptabilit, en plus des
tches prioritaires.
En attendant de recruter une secrtaire, jallais mattaquer la
boutique de jeux. Il sagissait assurment du travail qui me demandait le
plus de temps : plusieurs heures chaque jour, entre la facturation, les
commandes de jeux aux grossistes, les rponses aux questions des clients, la confection des colis, la gestion des fraudes Qui plus est, le
nombre de commandes quotidiennes augmentant rgulirement avec la
croissance de Jeuxvideo.com, je navais dsormais plus le temps de confectionner les colis pendant la journe. Alors, je revenais souvent au
bureau en soire pour terminer. La situation tait donc tendue, et ne
pourrait pas durer ternellement. Tout cela en outre pour une rentabilit misrable, puisque cest chaque jour que je passais commande aux
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grossistes, dans des volumes trop faibles pour quils puissent nous accorder des conditions intressantes. Heureusement, jallais bientt
mapercevoir quil tait possible de dcupler la rentabilit de cette activit tout en rduisant considrablement le temps y consacrer. Comment ? En sous-traitant la gestion de notre boutique une entreprise
dont ctait le mtier. Fini, les commandes de jeux, les expditions et les
colis perdus. Nous naurions plus qu encaisser une commission sur les
ventes effectues par un prestataire spcialis. Nous pourrions ainsi
nous concentrer sur notre cur de mtier, qui ntait pas dexpdier des
jeux, mais de produire du contenu ditorial. Des vendeurs de jeux sur
Internet, il y en avait dsormais foison. Lun deux ma sollicit, il sagissait de BlackOrange, une jeune start-up dynamique qui venait de collecter des fonds et offrait une grande qualit de service au client. Elle se
permettait mme dinnover : par exemple, elle proposait ses clients
parisiens une livraison dans la journe ! En fait, cette start-up aux
mthodes trs agressives faisait figure dpouvantail, car elle inquitait
beaucoup dacteurs du secteur, notamment les vpcistes ou tous ceux
qui voulaient vendre des jeux vido sur le Net.
Aprs quelques discussions, nous avons convenu avec les fondateurs
de BlackOrange quils soccuperaient dsormais de la boutique de
Jeuxvideo.com en change dune commission sur le chiffre daffaires
gnr. Ds les premiers jours, jallais grandement apprcier cet espace
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vacant dans mon emploi du temps. Nos clients taient ravis, car ils
bnficiaient dune bien meilleure qualit de service, dun catalogue plus
important, des prix les plus bas et des dlais de livraison les plus courts
du Net. Ctait donc une solution incomparablement suprieure celle
que nous proposions jusqu prsent. Bref, tout le monde tait content !
Ce qui allait se vrifier ds les premiers jours dans nos statistiques. Dans
notre propre boutique, nous traitions environ cent cinquante commandes mensuelles, chiffre que nous allions tripler ds le premier mois
de partenariat avec BlackOrange ! Cet accord allait durer jusqu ce que
la socit connaisse des difficults, puis ferme purement et simplement.
Cependant, preuve que lchec peut tre riche denseignement, lun des
fondateurs de BlackOrange allait fonder Smartbox, leader mondial
en 2011 des coffrets cadeau !
Depuis quelques semaines, nous remarquions que les forums de
Jeuxvideo.com taient de plus en plus frquents. On sentait que leur
popularit faisait tache dhuile. Il tait dsormais de notorit publique
chez les joueurs qui voulaient avoir une rponse leurs questions que
ctait sur les forums de Jeuxvideo.com quil fallait venir les poser.
Malheureusement, laudience ne cessant de crotre, le forum gnral
devenait de plus en plus le lieu de discussions hors sujet, trs loignes
du thme vidoludique. Par ailleurs, le ton montait frquemment entre
les participants, et ce forum tendait en vrit devenir un vrai
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capharnam. Voil qui ne plaisait pas aux fans de jeux vido, qui ne sy
retrouvaient plus ; voil qui ne plaisait pas non plus aux internautes qui
venaient l simplement discuter et ne comprenaient pas pourquoi on
leur reprochait dtre hors sujet. Cest ce moment-l que nous avons
dcid de crer un forum Bla-bla pour accueillir toutes les conversations
qui ne concerneraient pas le jeu vido. Plus tard, devant laffluence de ce
seul forum, nous dciderions de le scinder par tranches dge : moins de
quinze ans, quinze dix-huit ans, dix-huit vingt-cinq ans, vingt-cinq
trente-cinq ans, et plus de trente-cinq ans. Cest aussi ce moment-l
que Franois a cr la possibilit de nommer des modrateurs, cest-dire des utilisateurs rguliers de nos forums auxquels nous donnerions
la facult de supprimer les messages dinsulte, de haine, de publicit et
tout ce qui pouvait tre illgal. Ces deux mesures ont contribu restaurer la paix sur les forums. Au moins pour un temps. Car nous
ntions en ralit quau commencement dune srie de mesures que
nous aurions prendre au fur et mesure de lextension des forums,
pour prserver leur convivialit et la srnit de leurs utilisateurs.
Pendant ce temps, la CCI {41} du Cantal me dcernait le titre de
Coach Cantal , rcompense qui distinguait les chefs dentreprise cantaliens les plus conqurants. Jai reu mon trophe lors dune soire organise dans les locaux consulaires, devant un parterre de chefs dentreprise. Nos salaris mavaient sympathiquement accompagn cette
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puisque notre socit est lune des seules tre rentable depuis sa
cration
Notre objectif est de mettre disposition des joueurs un maximum
dinformations concernant les jeux vido, mais aussi un certain nombre
doutils. Cest dans cet esprit que notre but premier est de couvrir lensemble du cycle de vie du jeu.
Le dveloppement dun jeu commence : on lannonce dans nos
news.
Un jeu est en cours de dveloppement, on reoit une prversion :
on rdige une premire critique.
Le jeu est termin : on effectue un test avec notation (notation que
peuvent contester nos lecteurs).
Avant dacheter le jeu, le joueur peut tlcharger une dmonstration pour se faire une ide du produit.
Il est possible dacheter le jeu directement sur Jeuxvideo.com,
moins cher quen boutique traditionnelle.
Aprs avoir acquis son jeu, le joueur peut dceler des problmes
de fonctionnement avec son matriel et tlcharger alors un patch
correctif.
En cas de blocage dans le jeu, le gamer va alors dans notre rubrique la plus visite : celle des trucs et astuces.
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ainsi que dun des fondateurs sudois du groupe Spray, qui avait dbarqu en France quelques semaines auparavant avec dnormes moyens
financiers. Prise de contact, enfin, avec les socits PPR Interactive,
Multimania, Havas, Europ@Web (filiale Internet de Bernard Arnault) et
enfin lAnglais Gameplay.com. Vivement le premier entretien ! Ctait
seulement cette occasion que nous saurions si notre dossier intressait
vraiment ces candidats ou bien sils nous avaient rpondu uniquement
pour obtenir sur nous des informations.
Au dbut mars, le huitime membre de Jeuxvideo.com tait embauch : la premire fille de lquipe, secrtaire-comptable. Consciencieuse et dbrouillarde, elle allait vite se rvler indispensable pour me
seconder, prendre le relais sur la comptabilit de lentreprise, prparer
les dplacements, rpondre au tlphone
Dans la foule, Franois H. mappelait pour me tenir au courant des
premiers entretiens quil avait eus avec les acqureurs potentiels. Il avait
tout dabord rencontr le PDG dUbisoft, pour lui remettre le mmorandum en mains propres. Chaque exemplaire tait numrot, mais la
numrotation commenait aprs 6 pour ne pas donner limpression aux
premiers destinataires quils taient seuls sur le coup ! Cest donc le mmorandum n? 7 qui avait t remis Yves Guillemot lors de cet entretien ! Ce dernier na pas cach son enthousiasme lorsquil a appris que le
dossier concernait Jeuxvideo.com. Comme lors de notre rencontre, il a
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exprim toute son admiration pour notre travail. De son ct, il prparait le lancement de Gameloft, nom de leur future plate-forme de jeux
sur le Web. Dans ce cadre, il tait la recherche de partenaires pour
laider. Il avait dcid de tout arrter, le temps dexaminer lopportunit
que nous reprsentions. Ce matin mme, Yves Guillemot avait rappel
Franois H. pour lui faire une proposition hauteur de 80 % de notre
objectif de valorisation. Il tait mme prt signer une lettre dintention
ds cette semaine, et proposait de rgler la somme en cash. Ce dtail reprsentait un avantage indniable par rapport la pratique de la plupart
des acqureurs cots en bourse comme Ubisoft. Ceux-ci bnficiaient en
effet dun prcieux moyen de rgler leurs achats : les actions, ce quils
privilgiaient habituellement. Pour nous, la solution du cash tait moins
risque. De fait, mme si depuis plusieurs mois les actions nen finissaient pas de monter, nous savions quune baisse tait toujours possible.
Nous nen tions pas l encore, cela dit. ce stade, Franois H. tait
trs content de ce premier rendez-vous. Cette offre constituait une trs
bonne nouvelle ! Car cela voulait dire que lobjectif que nous nous tions
fix tait notre porte. Il sagissait sans doute dun moment idal pour
vendre, car des diteurs comme Ubisoft, Titus, Kalisto ou Infogrames
voulaient conqurir le march du jeu online, qui reprsentait pour eux
un enjeu stratgique. Et pour cela, ils taient prts payer cher pour
prendre de lavance sur leurs concurrents. Cependant, rien ntait
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Il tait temps pour nous dsormais de faire appel un avocat daffaires, qui serait charg de ngocier les dtails juridiques avec lacqureur, lequel disposerait lui aussi de son propre avocat. Sur les conseils de Warburg, notre choix sest port sur un gros cabinet parisien,
Clifford Chance. Un cabinet aux honoraires consquents, reflet de la
comptence pointue de leurs avocats, du moins lesprait-on !
En attendant la data room, il fallait dabord que je rencontre un un
chacun des candidats intresss. Mon premier rendez-vous en rgion
parisienne allait me permettre de rencontrer des gens de chez
Havas {42}. En compagnie de Franois H., nous nous sommes retrouvs
face une directrice gnrale, bras droit du mdiatique PDG Jean-Marie Messier, accompagne de pas moins de trois directeurs financiers !
Havas avait pour objectif de sortir une plate-forme de jeux en ligne
Won.net, avec des moyens importants. Il tait pour eux stratgique de
prendre pied rapidement sur ce march. Quelques jours plus tard,
Havas nous a envoy deux conseils Aurillac. Malgr un troisime
rendez-vous en rgion parisienne avec le board du groupe, nous avons
fini par comprendre que laffaire ne se ferait pas : non seulement leur
proposition tait trs infrieure notre objectif, mais la directrice voyait
en outre dun mauvais il cette success story. Nous en avons eu la confirmation lorsquelle a commenc comparer son offre avec son salaire
chez Havas Nous perdions notre temps. Je ne rencontrerais donc pas
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celui que lon surnommait J2M {43}, ctait dailleurs un signe vident
que notre dossier tait considr comme secondaire.
Le mme jour, en fin daprs-midi, nous avions rendez-vous avec
Ubisoft. Nous nous sommes donc rendus Montreuil, au sige de la socit, pour rencontrer Yves et Grard Guillemot, accompagns de leur
conseil, toujours aussi souriants et enthousiastes. Leur ide tait de
nous inclure dans leur projet de plate-forme de jeux online Gameloft. Ils
en ont profit pour ritrer leur proposition 80 % de notre objectif.
Jai apprci au passage leur propos rassurant vis--vis de notre localisation Aurillac, laquelle ne leur posait pas de problme. Pour eux, il
ny avait pas de raison de changer quelque chose qui fonctionnait bien.
Ils mont dailleurs inform que Guillemot, leur premire entreprise,
localise en Bretagne, bnficiait dun avion priv avec un pilote disposition, qui pourrait trs bien desservir aussi Aurillac ! Toujours bon
entendre, mme si jimaginais mal quon vienne me chercher un jour en
avion priv laroport dAurillac.
Enfin, dernier rendez-vous de cette journe marathon, 20 h, avec
le Qubcois Netgraphe, dans les locaux de la banque quasiment
dserts. Notre interlocuteur sest dclar intress, mais seulement pour
une acquisition partielle. Il est rest trs vasif sur le projet industriel.
Nous en resterions donc l : nous ne passerions pas sous pavillon
qubcois !
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Le temps dune pause aurillacoise, et nous remettions cela le surlendemain. Le premier rendez-vous parisien de la journe allait nous permettre de rencontrer cinq dirigeants de Gameplay.com, une start-up
anglaise introduite en bourse Londres lt dernier en levant la bagatelle de trente et un millions de livres. Le rendez-vous sest droul entirement en anglais, en dpit dune majorit de Franais autour de la
table. Un des cofondateurs de Gameplay.com nous a fait forte impression. Il tait le seul ne pas avoir adopt le costume-cravate, que je me
sentais moi-mme oblig de porter en pareilles circonstances. Il avait
opt pour une chemise en jean bleue aux couleurs de son site. Je suppose quil pouvait se permettre cette dsinvolture, car Gameplay.com
tait sa quatrime introduction en bourse. Il tait notamment lun des
associs de Geocities {44}, au nombre des cinq plus gros sites mondiaux, rachet par Yahoo un an plus tt pour plus de trois milliards et
demi de dollars ! Ce rendez-vous tait une premire prise de contact au
cours de laquelle Franois H. a transmis notre mmorandum. Jai not
ce jour-l une bizarrerie : lune des dirigeantes de Gameplay.com en
France tait lancienne responsable Internet dUbisoft que javais rencontre lECTS le mois de septembre prcdent. Les Anglais lavaient
donc dbauche dans lintervalle. Aprs ce premier rendez-vous relativement convivial, il tait convenu de se revoir prochainement
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objectif, dont les trois quarts en actions. Il prvoyait par ailleurs dannoncer lacquisition de Jeuxvideo.com en mme temps que celle dun
mystrieux groupe mdia, le 5 avril suivant. Malheureusement,
quelques jours plus tard, les actions des valeurs technologiques ont
commenc baisser sensiblement, et Infonie faisait les frais de cette
baisse gnrale. Du coup, loffre dInfonie aux trois quarts en actions devenait subitement beaucoup moins intressante pour nous. Pour quelle
le reste, il aurait fallu quInfonie rajoute un bon nombre dactions pour
arriver 135 % La socit restait tout de mme en course.
Il me restait encore voir G??. Javais dj rencontr lquipe de la
plate-forme de jeux de France Tlcom quelques mois plus tt, introduit
par un contact auvergnat au sein de loprateur historique. Un contact
assez singulier, qui tait lheureux propritaire dune superbe voiture de
sport dans laquelle nous sommes partis un beau jour rencontrer les gens
de G??, en faisant laller-retour Paris dans laprs-midi. Le bolide, un
modle amricain de couleur jaune, ressemblait furieusement aux meilleures sportives italiennes, avec des performances qui navaient rien
leur envier non plus. Jai gard peu de souvenirs de ce rendez-vous avec
G??, mais jai toujours en mmoire le trajet de retour. Il faisait nuit
noire sur lautoroute quasi dserte, nous tions revenus Clermont-Ferrand prs de 200 kmh de moyenne. De linconscience pure, mais une
sensation de vitesse extatique, une poque sans radars automatiques.
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on tait accueilli par une statue de Lara Croft grandeur nature et une
borne Dreamcast sur laquelle tournait le jeu Crazy Taxi.
En dpit de cette atmosphre agrable, je nai pas appris grandchose au cours de cette journe, si ce nest quil faudrait dornavant
viter tout prix les restaurants branchs londoniens. Celui o lon nous
a conduits tait la fois sombre, bruyant et proprement infect. Jen ai
dduit que le restaurant avait labor une stratgie base sur le bruit et
la pnombre pour que les clients ne puissent pas voir ce quils
mangeaient ni changer entre eux sur cette pitre cuisine !
La prise de contact avec les Anglais ne nous a finalement pas permis
de trouver datomes crochus. Jimagine que la barrire de la langue constituait un handicap. Nous sommes donc repartis vers la France pas trs
emballs. Afin de nous impressionner, nos htes nous avaient rserv
une moto-taxi pour nous reconduire laroport. Nous sommes arrivs
laroport de Heathrow juste lheure pour notre vol de retour, non
sans avoir prouv quelques sensations fortes en slalomant entre les
voitures sur lautoroute ! Une exprience sympathique, mais sans influence sur nos ngociations. Laffaire ne se ferait donc pas non plus avec
Gameplay.com, leur proposition tant par ailleurs trs en de de notre
objectif.
De son ct, Ubisoft venait de rappeler Franois H. pour une ultime
proposition. Leur offre slevait jusque-l 80 % de notre objectif. Ils
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taient dcids rester sur cette somme, mais pour 80 % de nos actions
et non plus 100 %, ce qui reprsentait une belle augmentation et valorisait notre entreprise exactement la hauteur que nous avions fixe !
Aprs avoir cart les socits qui ne semblaient pas suffisamment
intresses ou bien qui navaient pas rpondu dans les temps, il nous
restait seulement deux candidats. Ces derniers allaient avoir accs la
data room. Il sagissait dInfonie et dUbisoft. Laffaire se ferait forcment avec lun des deux. Franois H. a demand notre avocat daffaires de rdiger des protocoles daccord pour les deux candidats. Il
sagissait de dfinir toutes les clauses du contrat, lexception du prix,
qui resterait le seul lment ngocier. Pour Ubi, le protocole prvoyait
la vente de 80 % de nos titres. Pour Infonie, ce serait 100 %.
En attendant de rencontrer une nouvelle fois les deux finalistes ,
lactualit allait interfrer dans le processus. Le 30 mars, les marchs
des actions ont connu une chute spectaculaire : la plus forte baisse
depuis lautomne 1997. Nous ne le savions pas encore, mais le crack des
valeurs technologiques commenait, la bulle spculative des actions Internet tait en train dexploser. En une journe, laction Multimania
avait cd 18 % de sa valeur. Infonie connaissait une baisse de 15 %, ce
qui narrangeait pas nos affaires dans la perspective dun accord avec
cette socit
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Le lendemain, retour la ralit : la rencontre avec nos deux acqureurs pour la grande finale annonce. Celle-ci allait pourtant tourner
court. Ds le dbut de notre premier entretien, le directeur dInfonie
nous a informs quil venait de racheter le groupe mdia Pressimage {45}. Stratgiquement, lacquisition de Jeuxvideo.com avait ds lors
perdu de son importance ses yeux. Par ailleurs, la forte baisse du cours
de laction Infonie ces derniers jours avait mcaniquement amput le
pouvoir dachat du groupe. Son offre ntait ds lors plus en phase avec
notre objectif de prix.
Ubisoft gagnait donc par KO. Plus prcisment, nous allions tre
rachets par le groupe Gameloft fond par les frres Guillemot, galement lorigine dUbisoft : Gameloft acquerrait 80 % des parts de lentreprise, nous laissant 20 %. Puis elle rachterait quelques mois plus
tard les actions rsiduelles de Franois, qui souhaitait, je le rappelle,
voguer vers de nouvelles aventures.
Un protocole daccord a t alors sign par mes deux associs et
moi-mme avec Gameloft. Il sagissait dune sorte de prengagement. La
vente ntait pas encore officiellement signe, il tait toujours possible
de sortir du processus, au prix toutefois de pnalits. Cest ce momentl que je me suis rendu compte que Gameloft ntait encore jamais venu
nous voir Aurillac, contrairement dautres candidats recals. Voil ce
qui sappelle de la confiance ! Il est vrai que la nature totalement
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dAurillac ou de signer avec des gens avec lesquels nous naurions pas eu
daffinits, nous tions finalement trs chanceux !
Au milieu du tumulte de la vente, LOdysse Interactive dmnageait
pour la premire fois le 29 avril ! Nous travaillions en effet dsormais
six dans les bureaux dAurillac, plus un stagiaire. Notre premier local de
quarante mtres carrs tait prsent bien trop exigu, et la chaleur dgage par les machines devenait insupportable. Nous avons donc amnag au premier tage du village dentreprises, soit un dmnagement de
moins de cinquante mtres, pour un doublement de la superficie.
La vente de lentreprise tait dans toutes les ttes, et jai d faire
preuve de pdagogie pour expliquer nos salaris les raisons de la cession, et surtout les convaincre que ctait une opportunit pour lentreprise et non pas une menace. Je les ai galement rassurs en leur garantissant que nous resterions Aurillac.
Alors que tout le monde parlait dj de la cession de Jeuxvideo.com,
lopration proprement dite na eu lieu quune semaine plus tard, le
2 mai. Nous avions rendez-vous Paris au cabinet Clifford Chance,
Stoub, Franois et moi. Nous tions accompagns de notre avocat, de
Franois H. pour Warburg ainsi que de Lionel et dun de ses collgues
pour UBS. Gameloft tait reprsent par lun des frres Guillemot, accompagn de son avocat. Avant dentrer dans la salle, un des banquiers
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de les prvenir ds que nous publiions la moindre info sur leur jeu
prfr. Ctait la premire fois quun tel systme dalertes tait mis en
place sur un site de jeux. Mme les sites amricains nen taient pas
dots. Ds les premiers jours qui ont suivi la mise en ligne du service,
plus de douze mille personnes sy sont abonnes. Quelques jours plus
tard, nous enfoncions le clou en mettant en ligne une nouvelle rubrique
baptise Top 20 {50} . Il sagissait dun classement des meilleurs jeux
par machine. Ce classement tait tabli daprs les notations des
testeurs de Jeuxvideo.com ainsi que la moyenne des notes de nos lecteurs. Cette rubrique est vite devenue indispensable pour nos visiteurs
qui se demandaient quels jeux acheter.
Le 10 juin, je me suis rendu pour la premire fois dans les locaux de
Gameloft. Ceux-ci taient situs rue Saint-Denis, ce qui pour un Parisien
pouvait paratre trange, mais navait pas veill chez moi le moindre
soupon. Cest quand, sorti du mtro, jai commenc descendre la rue
Saint-Denis que je me suis rappel que cette rue de Paris ntait pas tout
fait comme les autres ! Entre les sex-shops et les peep-shows, jai fini
par trouver limmeuble de Gameloft qui, on me le dirait plus tard, disposait dune seconde entre plus discrte, dans une rue adjacente ! Jai
donc dbarqu chez Gameloft de bon matin, le 10 juin, soit le jour mme
de leur introduction en bourse. Il tait 8 h 30. Jai senti que lambiance
tait lectrique. On ma expliqu que Gameloft ntait toujours pas en
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possession du visa de la C?? {51} pour sintroduire en bourse ! Si Gameloft ne recevait pas ce visa avant midi, lintroduction tait tout simplement annule. Il faudrait dans ce cas annoncer une nouvelle date dintroduction, refaire un road show {52}, etc. Ce serait alors une vritable
catastrophe pour la socit ! Incroyable : cette opration qui avait t
prvue depuis de longues semaines tait sur le point de tomber leau !
Comment tait-ce possible ? La raison en tait simple. Dans les notes
destines la C??, Gameloft indiquait avoir sign un accord avec la socit Bell Canada. Or, quelques jours avant lintroduction en bourse, la
C?? avait reu un contrat de Bell Canada sign par Infogrames, le concurrent historique dUbisoft et, par extension, de Gameloft. Comme lesprait lexpditeur, ce contrat avait videmment sem le doute dans lesprit du gendarme de la bourse, au point de faire peser une menace sur
lintroduction de Gameloft. Qui a d se justifier auprs de la C??, en expliquant que cet accord avec Bell Canada ntait pas exclusif et quil ny
avait donc ni erreur ni tromperie dans son document. Il y a eu alors une
explication muscle entre Yves Guillemot, PDG dUbisoft, et son homologue Bruno Bonnell, PDG dInfogrames, qui avait donc tent de dynamiter lintroduction en bourse de Gameloft. Je nai pas t tmoin de
la scne, mais on ma dit que le tlphone avait chauff ! Ce ntait sans
doute pas la premire chauffoure entre Bonnell et les Guillemot, que
le premier surnommait ironiquement les Dalton . Pour ma part,
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Aurillac, si une introduction en bourse de Jeuxvideo.com avait bien t envisage au dbut de lanne, nous avions vite compris que nous
tions trop petits. Par ailleurs, ctait maintenant trop tard : la fentre
des introductions en bourse des entreprises Internet venait de se refermer brusquement.
Dun autre ct, nous avions dj tant faire au quotidien avec notre
petite quipe ! Entre autres choses, il fallait prvoir le remplacement de
mon associ Franois Claustres, lequel avait prvu de quitter lentreprise en octobre. Jai propos Haazel, notre premier stagiaire, de le remplacer. Celui-ci avait prvu de poursuivre ses tudes, aprs avoir obtenu brillamment son DUT Informatique. Mais mon offre la fait
rflchir, et il a fini par laccepter. Son premier gros projet a consist
rcrire entirement le code des forums de Jeuxvideo.com. Ces derniers
avaient t crits par Franois en langage Perl, rput fiable, mais grand
consommateur de ressources machine. Haazel allait rcrire entirement le code en langage C, nous permettant de disposer de forums
beaucoup plus optimiss, donc rapides. Cette nouvelle version, qui
serait mise en ligne la fin de lanne, confirmerait que nous avions vu
juste en recrutant Haazel.
Ct stratgique, lacquisition par Gameloft nous donnait une nouvelle impulsion, psychologique plus que financire, puisquil navait pas
t inject de fonds dans Jeuxvideo.com loccasion de lopration de
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plus, car faire venir des traducteurs bilingues Aurillac relevait de lexploit. Par ailleurs, il nous aurait de toute faon fallu une prsence dans
chaque pays pour crdibiliser notre dmarche auprs des diteurs locaux, et commercialiser les espaces publicitaires
Malheureusement, au fil des semaines, nous avons progressivement
pris conscience que les filiales de Gameloft avaient dautres priorits que
de nous aider linternational. De notre ct, nous avons fini par nous
rendre lvidence : la duplication du modle de Jeuxvideo.com
ltranger serait trs complique, notamment avec de faibles moyens
financiers. Dans chaque pays, y compris les moins en avance sur le Net
comme les pays du sud de lEurope, il y avait dj des sites implants
depuis des annes. Face eux, nous partirions de zro, avec un handicap daudience et de notorit. Nous ne pourrions mme pas jouer sur le
prestige
et
le
rfrencement
dune
marque
unique,
puisque
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moins de trente-sept rendez-vous en trois jours. Au retour, jtais satisfait de constater que notre rdaction tait dsormais plus efficace, forte
de ses nouvelles recrues. Nous tions dsormais dix personnes travailler Jeuxvideo.com, dont huit Aurillac. Anne la comptabilit avait
avantageusement remplac notre premire secrtaire, qui avait d quitter la rgion. Anne se montrerait particulirement motive et srieuse,
au point quelle dirigerait un jour son propre service administratif. Reno
uvrait toujours remarquablement en matire de webdesign, et lui aussi, privilge des anciens, aurait un jour la responsabilit de son propre
service. la technique, Haazel tait encore seul avec Stoub. Franois
tait venu quelques jours Aurillac, histoire de passer le relais Haazel
sur les dossiers quil avait grs jusqu prsent, notamment celui des
forums. Haazel comprenait vite et na eu aucun mal prendre la succession. Ds les premiers mois, il a propos de nombreuses amliorations.
Javais t enchant de son travail durant le stage, il ne me dcevrait pas
non plus par la suite.
Quant la rdaction, Melo tait reparti dans sa rgion natale du
Nord. Kornifex et Twitten formaient dsormais lossature de la rdaction. Ils ont t rejoints par Pilou, puis par Valrie Prcigout
(Romendil), notre premire rdactrice, dont lextraordinaire motivation
et la connaissance encyclopdique des jeux Nintendo faisaient plaisir
voir. Je me souviens quelle tait venue son entretien dembauche avec
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un pav dune centaine de pages quelle avait rdiges, illustres, imprimes et relies qui traitait exclusivement des jeux Nintendo ! Mieux,
au sortir de son entretien dembauche, elle navait pas hsit me renvoyer un email exhaustif dtaillant tout ce quelle aurait voulu me dire
de plus, avec notamment une liste de tous les jeux quelle connaissait.
En quinze ans de recrutement, je ne verrais jamais une telle motivation
pour un poste Jeuxvideo.com. Si bien que je nai pas eu dautre choix
que de la recruter ! Par ailleurs, elle sest rvle tre trs agrable humainement, malgr une grande timidit. Et surtout, ctait la plus belle
plume de la rdaction, une vraie perle ! Sans compter que les rdactrices, dans la presse vidoludique, se comptaient sur les doigts dune
main. Quant aux rdactrices ayant la comptence de Romendil, il ny en
avait quune et elle travaillait avec nous !
Ct audience, Jeuxvideo.com se portait toujours merveille : les
chiffres taient bons, la croissance se poursuivait, avec prs de quinze
millions de pages vues en aot 2000. Ce ntait pas le cas pour notre
concurrent Overgame, qui venait de publier des stats dcevantes, plafonnant deux millions de pages vues sur la mme priode, soit une
baisse par rapport lanne prcdente. Les plates-formes de jeux en
ligne de G?? et Zonejeux tiraient leur pingle du jeu grce des campagnes de promotion efficaces, sans toutefois rivaliser avec nous. Notre
objectif tait dsormais datteindre vingt-cinq millions de pages vues en
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de poursuivre cette croissance de rve, mais primtre constant, cest-dire sans raliser dacquisitions ni tenter de relever dimpossibles
dfis !
Lanne 2000 et le deuxime millnaire par la mme occasion se termineraient par un vnement pour le moins tonnant. Celui-ci sest
produit sur le chat {55} de Jeuxvideo.com. Cet espace de dialogue en
direct avait toujours connu une frquentation importante, parce que
Stoub avait eu lide, dans les premiers mois du site, de lancer le chat
automatiquement dans une fentre pop-up pour tous les utilisateurs arrivant sur notre page daccueil. Ctait sans doute un peu agressif, mais,
du coup, bon nombre dinternautes connaissaient le chat et lavaient
mme essay, ne serait-ce que par curiosit. ce moment-l, nous
comptions jusqu deux cent cinquante connects simultans en priode
de pointe, les samedis soirs. Nous essayions danimer ce chat, par exemple en organisant des rencontres avec des dveloppeurs de jeux. Plus
tard, nous organiserions des quiz en direct une fois par semaine Tout
cela pour vous dire que le chat formait un des piliers de la communaut
de Jeuxvideo.com, au mme titre que ses forums. Nous avions dailleurs
charg une vingtaine de modrateurs, utilisateurs rguliers du chat, de
faire respecter les rgles de biensance.
la fin 2000, cest donc sur notre chat que sest produit cet vnement singulier : les internautes ont pu assister des fianailles en
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basculer sur des serveurs Linux beaucoup moins onreux. Cest cette
dernire solution qui a t retenue.
Nous tions face un saut technologique. En effet, en passant de
Sun OS Linux, nous changions la fois de systme dexploitation et
dinfrastructure dhbergement. Nous allions commander quatre
serveurs Linux identiques pour remplacer lunique serveur Sun. Ces
quatre machines auraient le mme contenu et seraient mises en parallle par un rpartiteur de charge de marque Alteon. Si bien que les lecteurs arrivant sur Jeuxvideo.com seraient redirigs sur lune des quatre
machines par lAlteon, soccupant dquilibrer le nombre de visiteurs
par serveur. Si jamais une des machines venait tomber en panne, les
trois autres taient suffisamment robustes pour prendre le relais et absorber le trafic de la machine dfaillante.
Nous disposerions ainsi dune infrastructure beaucoup plus puissante et beaucoup plus stable que notre unique station Sun, dont chaque
coupure quivalait une coupure de service pour nos utilisateurs. Restait rendre possible cette transition technique : ctait le travail de
Stoub et Haazel, qui ont pass plusieurs semaines rcrire les programmes de Jeuxvideo.com pour quils puissent sexcuter indpendamment de la machine dhbergement. Enfin, il fallait aussi prvoir la
synchronisation des quatre machines, lesquelles devaient toujours avoir
un contenu strictement identique. Un dfi technique relev avec brio
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pour des sites Web avaient presque totalement disparu. Chacun rduisait ses cots et rflchissait bien avant dinvestir, manire de faire le
dos rond en attendant des jours meilleurs. Nous avions jou lattaque
pendant les annes deuphorie, il allait falloir dsormais jouer en
dfense, en accord avec Gameloft.
Nous avons dcid de ralentir notre rythme de recrutement pour
viter de nous trouver dans le rouge si la situation conomique du secteur continuait se dgrader. Du mme coup, les dveloppements sur
Jeuxvideo.com ont t diffrs. Impensable de mettre en place de nouvelles rubriques. Il fallait dj commencer par btonner lexistant avant
de penser crotre. Il tait bien loin, le temps o nous pensions dupliquer Jeuxvideo.com ltranger ou lintroduire en bourse !
Devant la morosit de la pub, nous essayions de notre ct de
trouver dautres sources de revenus. La vente de contenus ditoriaux en
faisait partie. Nous avons mis en location nos tests et nos news, par exemple. Sans dmarchage, nous sommes parvenus accrocher quelques
clients dans les domaines du commerce lectronique ou des mdias. Les
premiers avaient besoin dinfos pour vendre leurs jeux, les seconds voyaient dans les jeux vido une diversification de leur offre ditoriale.
Toutefois, ce poste de recettes restait limit, sans commune mesure avec
la publicit.
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Autre tentative, louverture dun service de vente de logos et sonneries pour tlphones portables. Ce service payant nous tait fourni par un
prestataire en marque blanche {56}, si bien que nous navions rien
faire dautre que de le promouvoir sur nos espaces publicitaires vacants.
Et Dieu sait sil y en avait ! Trs vite, ce petit service a bien march,
mon grand tonnement. Chaque jour, plusieurs dizaines de personnes
venaient tlcharger des sonneries pour leurs mobiles. Malheureusement, au fil des mois, le Net a t satur de telles offres, si bien que
notre chiffre daffaires sur ce poste allait son tour se rduire comme
peau de chagrin.
Dcembre 2001, petit moment de fbrilit, avec la rception de notre
premire rquisition judiciaire. Les forces de lordre avaient en effet
contact notre hbergeur pour lui demander des informations sur lun
de nos utilisateurs, dans le cadre dune affaire de contrefaon de logiciel de loisir , autrement dit de piratage de jeux vido : [] nous requrons que le site Jeuxvideo.com fournisse tous renseignements concernant lutilisateur connu sous le nom Namthgil94 [pseudonyme
modifi].
Nom, prnom, adresse, numro de tel fixe et portable, date et lieu de
naissance ainsi que le listing de toutes les connexions dbut-fin ainsi
que les conversations et les pseudos de toute personne tant entre en
contact avec lui, ceci entre le 10 mars 2001 et aujourdhui.
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Cordialement,
Gendarme Y [nom tronqu], BDR de Crteil.
Une demande qui nous a paru trange, mais laquelle il a fallu nous
plier. Il a t toutefois impossible daccder totalement la requte de la
gendarmerie, dans la mesure o nous navions pas en notre possession
dinformations aussi dtailles. Nous navions par exemple aucun historique de connexion des pseudos, et encore moins la liste des internautes avec lesquels un utilisateur de Jeuxvideo.com avait pu entrer en
contact !
Par la suite, nous recevrions beaucoup dautres rquisitions. Certaines tonnantes, car pas toujours bien cibles. Par exemple, il nous
serait demand un jour de fournir lintgralit des conversations dun
internaute sur Jeuxvideo.com. Or ce dernier tait un trs gros utilisateur
de nos forums, et il avait post plusieurs milliers de messages dans
plusieurs centaines de conversations diffrentes ! Jimagine la tte des
policiers lorsquils ont reu notre norme colis contenant un pav de
plusieurs centaines de pages A4 correspondant leur demande. Des
conversations banales entre internautes, sans grand intrt pour un
enquteur
Lanne 2001 se terminait sur une bonne note apporte par Cybermtrie, loutil de la socit Mdiamtrie permettant dauditer laudience
des sites Web. Celui-ci confirmait notre position de leader. Mieux
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Gameloft en 2000. Pour moi qui ne parlais pas du tout la langue de Goethe, ce site tait assez difficile apprhender. En tout cas, il ne mapparaissait pas formidable, ni sur le plan esthtique ni sur le plan qualitatif. Javais du mal comprendre son succs. Je restais toutefois relativement prudent et ne me risquais pas porter la moindre apprciation.
Aprs tout, ce ne serait pas le premier site en apparence moisi qui serait
une vraie machine gnrer de laudience. Il tait de fait crdit dune
audience importante, qui le plaait en tte des sites allemands. Avec
Gamez.de et nous, Gameloft stait retrouv leader dans deux des plus
gros marchs europens. De quoi se montrer serein au moment de sintroduire en bourse en juin 2000.
En deux ans, je navais pas vraiment eu de contacts avec les fondateurs de Gamez.de. Les synergies entre un site 100 % franais et un site
100 % allemand taient quasiment impossibles Du coup, nous nous ignorions royalement. En tout cas pour ce qui nous concerne, car je me
demande si nos confrres allemands ne tentaient pas de nous casser du
sucre sur le dos auprs de Gameloft. Je me suis souvenu de ce jour
de 2000 au cours duquel mavait appel le PDG de Gameloft. Il se trouvait alors en Allemagne chez Gamez, et mavait interrog sur laudience
de Jeuxvideo.com en me posant toute une srie de questions extrmement prcises. Comme si quelque chose ou quelquun le poussait la
mfiance concernant nos statistiques daudience. Aprs avoir raccroch,
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je navais pas pu mempcher de penser que nos amis allemands instillaient le doute dans lesprit des dirigeants de Gameloft, en cette priode o il tait vrai que de nombreux margoulins truquaient leurs chiffres daudience. Javais limpression que les ntres paraissaient trop
beaux pour tre vrais ! Et pourtant, nos chiffres taient 100 % justes, et
nous navions rien cacher en la matire !
Javais un peu oubli cette histoire vieille de deux ans, mais elle
mest revenue lesprit lorsque jai reu en ce dbut 2002 un email
mapprenant que Gameloft tait en litige avec Gamez, lequel avait,
pralablement son rachat par Gameloft, artificiellement gonfl les
statistiques daudience de son site. La tricherie portait sur un volume estim prs de 50 % ! Autant dire une fraude colossale !
Lheure tait donc aux batailles davocats. Le procs tait en vue. Et
si Gameloft ma recontact ce moment-l, cest pour la raison que
lavocat des fondateurs de Gamez leur avait indiqu que Stoub, mon associ, allait tmoigner au procs contre Gameloft ! videmment, Stoub
est tomb des nues et ntait au courant de rien. Les Allemands avaient
tent de bluffer une nouvelle fois ! Jignore la suite des vnements dans
cette affaire, mais ce qui est sr, cest que Gamez.de a disparu assez vite
du Web. Peut-tre navaient-ils jamais t le leader allemand
Le 1?? mars 2002, ctait un vendredi, soit le jour denvoi de notre
newsletter plus de trois cent mille abonns. Quelques jours plus tt,
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tlphones. Nous y tions encourags par Gameloft, qui avait videmment tout intrt ce que les mdias les aident vangliser le
public.
Mais une nouvelle rubrique ne suffisait pas faire voluer un site.
Dautant que Jeuxvideo.com navait pas vraiment chang de look depuis
plusieurs annes. Ce que les internautes commenaient nous faire remarquer. Nous avons donc dcid au cours de lt 2002 de rafrachir le
site, mais en ne ralisant quun relooking de surface. En gros, il sagissait de rassurer les quelques mcontents de notre relatif immobilisme,
sans toutefois changer les habitudes de la majorit des utilisateurs,
auxquels le Jeuxvideo.com dalors convenait parfaitement. La solution
tait donc de modifier quelques dtails graphiques, et den profiter pour
proposer une mascotte un peu moins enfantine, moins cartoon et plus
professionnelle. Nous avons pour ce faire sollicit la socit auvergnate
Priscope, fonde par un autre ami demomaker, rencontr pendant ma
priode Amiga. La mascotte a t redessine avantageusement. Elle adoptait un air plus agressif : ctait dsormais une vraie guerrire,
quipe dun armement robuste et volumineux. Une sorte de lance-roquettes en pierre avait remplac lespce de pistolet eau que portait
Geevey. Malheureusement, cette nouvelle mascotte ne ferait pas lunanimit, y compris au sein de lquipe, et elle ne crerait pas un attachement aussi fort que la premire version pour nos anciens utilisateurs.
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prix de 2 par mois. Javais du mal percevoir quelle tait leur stratgie. Pour moi, lcrasante majorit des lecteurs ntait pas prte payer
sur le Web pour consulter des informations sur les jeux vido. Et quand
bien mme Gamekult arriverait vaille que vaille atteindre le millier
dabonns, ce nest pas avec 2 000 de chiffre daffaires mensuel que
lon finance un site. Par contre, ce faisant, il aurait dcourag une
grande partie de ses visiteurs habituels. Mon diagnostic sest rvl
juste, puisque le nombre dabonns payants Gamekult est toujours
rest trs modeste. Cette information, nous lavions obtenue grce au
talent de Stoub. Comme vous limaginez, nous nous intressions de trs
prs cette exprience de Gamekult, mais il tait difficile de savoir combien il y avait dabonns. Cette information ntait videmment pas publique. Toutefois, il tait indiqu sur le profil de chaque internaute sil
tait abonn ou non. Stoub a eu la bonne ide de concevoir un robot logiciel quen interne nous appelions une moulinette . Ce robot allait
consulter pour nous les pages de Gamekult afin de nous donner une estimation trs prcise du nombre dabonns. Et force est de constater
que, malgr quelques variations, Gamekult na jamais dpass les
quelques centaines dabonns. Bref, une exprience dcevante pour nos
confrres, au point que Gamekult ferait machine arrire en repassant au
tout gratuit quelques annes aprs. Cet pisode aura sans aucun doute
bnfici Jeuxvideo.com. Dailleurs, le mois suivant le passage au
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payant, Gamekult perdrait 9 % daudience {59} pendant que nous gagnerions prs de 20 %. Tout au long de notre aventure, nous navons jamais envisag srieusement de rendre payant notre contenu. Cela me
paraissait suicidaire
Concomitamment, quelques bonnes nouvelles se succdaient. Tout
dabord, le march de la pub, particulirement atone depuis 2001,
semblait redmarrer en cette fin danne, sous limpulsion des nouvelles
consoles de salon sorties ces derniers mois. Un vnement que devait
particulirement goter Hi-Media, qui avait t touche de plein fouet
par la crise des dot-coms, au point de se retrouver au bord du dpt de
bilan. Son chiffre daffaires avait en effet t divis par deux entre
dbut 2001 et dbut 2002, et ses effectifs diviss par trois dans le mme
temps ! La rgie avait galement perdu la plupart des gros sites de son
portefeuille. Nous tions dsormais le plus gros site reprsent par HiMedia. Que serait-il advenu si nous tions partis notre tour ? Difficile
dire, mais lquilibre prcaire dans lequel stait trouve la rgie aurait
t plus instable encore Heureusement, toutefois, la situation tait
dsormais assainie, et le gros des difficults semblait derrire lentreprise. Ce qui ma conduit signer un nouveau contrat dun an avec HiMedia, dont japprciais particulirement la combativit des quipes
malgr ces temps difficiles.
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accord de rmunration bas sur le cours de laction de cette mme socit Impensable. Comment nos rdacteurs pourraient-ils se sentir
libres de critiquer les jeux Gameloft tout en bnficiant dune rmunration de cette sorte ? Jai donc rpondu poliment Gameloft que je refusais de mettre en place ce plan de rmunration et de fidlisation, non
seulement pour nos rdacteurs, mais pour la totalit des salaris de
notre entreprise, fondateurs compris. Mon email a sembl dabord dcontenancer mon interlocuteur, mais il en a finalement compris les
raisons.
Pour ma part, je me suis bien gard dvoquer cet pisode qui que
ce soit dans notre quipe. Je ne voulais pas faire les frais dune
polmique pour avoir refus une augmentation des revenus de mes
salaris, y compris de ceux qui nappartenaient pas la rdaction. Et
puis je ne voulais pas que cette histoire ait le moindre impact ou instille
le moindre doute au sein de notre rdaction. Dailleurs, comme bien
dautres occasions, jestimais que Jeuxvideo.com ntait pas Gameloft, et
que certaines conversations avec notre actionnaire navaient pas tre
divulgues si jestimais quelles pouvaient tre prjudiciables notre
travail, la cohsion de lquipe ou notre objectivit.
Vers la fin de lanne, nos dveloppeurs ont mis en ligne deux fonctionnalits majeures sur nos forums. Tout dabord, la possibilit pour
les internautes de nous alerter en cas de contenu illgal ou litigieux.
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Ensuite, la possibilit dafficher le profil de chaque utilisateur des forums. Voil qui na lair de rien, pourtant ces deux nouveauts ont permis
de conforter lintrt de nos forums et de crer un plus fort sentiment
dappartenance. Ces fonctionnalits basiques nous rapprochaient de ce
quon appellerait plus tard les rseaux sociaux. Mais elles ne suffisaient
pas aux yeux de notre communaut, anime dun ardent dsir de nouveauts, et qui trouvait que nos forums restaient bien austres. En effet,
ceux-ci naffichaient encore que du texte brut. Les liens vers dautres
sites ntaient pas cliquables, ce qui en rendait lutilisation assez inconfortable, et puis aucun smiley ne venait gayer les propos de nos internautes, alors mme que ces fonctionnalits taient prsentes sur notre
chat, comme sur beaucoup dautres espaces de discussion dInternet.
Nous nous sommes ds lors mis au travail pour y remdier au dbut de
lanne 2003. Pour commencer, les liens sont devenus cliquables. Ensuite, il a fallu sattaquer au gros morceau : limplmentation des smileys sur les forums de Jeuxvideo.com. videmment, il tait hors de
question de reproduire des smileys existants, il nous fallait notre propre
jeu dmoticnes, mais sans trop nous loigner de lesprit de ce que les
internautes avaient dj pu utiliser par ailleurs, sur MSN, par exemple.
Surtout, il fallait des visuels suffisamment originaux pour quils forgent
lidentit de la communaut. Nous avons dcid de lancer un concours
de cration de smileys sur nos forums. Trs vite, un internaute nomm
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accept, tout heureux de pouvoir bientt compter dans son offre i-mode
le leader des webzines de jeux vido. Le site ouvrirait ses portes la rentre 2003. Il connatrait un beau succs, comparativement aux autres
services i-mode. tel point que nous allions dcider de dcliner ce service galement chez SFR lanne suivante. Ce site est rest ouvert
pendant plusieurs annes, jusqu ce que la norme i-mode tombe en
dsutude et que Bouygues Telecom en annonce larrt, signant ainsi la
fin de notre site sur cette plate-forme.
Le 17 juin, un nouveau concurrent est apparu sans crier gare, publiant un communiqu de presse pour fter sa premire anne dexistence.
Son nom : Jeuxvideo.fr ! Pourquoi navions-nous pas dpos ce nom de
domaine en .fr, nous qui avions dj subi les consquences nfastes dun
cybersquattage sur jeux-video.com ?
Lorsque nous avions cr Jeuxvideo.com en 1997, les rois des noms
de domaine taient les .com, les .net et les .org. Les autres taient considrs comme subalternes. Par ailleurs, la rglementation des dpts
des .fr interdisait de crer un nom de domaine contenant une expression gnrique. Il tait donc interdit de rserver stylo.fr, banque.fr ou
bien jeuxvideo.fr. Ainsi ce nom navait-il pas t rserv nos dbuts
tout simplement parce quil ntait pas rservable.
Un jour, cependant, la rglementation a chang. Celle-ci autorisait
dsormais le dpt dun nom de domaine gnrique pourvu quil figure
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officiellement
LOdysse
Interactive
JEUXVIDEO.COM .
lheure prcise du changement de politique de rservation, nous soumettions un dossier de dpt de nom de domaine. lpoque, dautres
socits avaient galement dpos un dossier. Pour une raison mystrieuse, cest celui dune petite socit lyonnaise de vente de jeux vido
qui a t retenu. Je nai jamais su pour quel motif nous navons pas t
jugs prioritaires du fait de notre anciennet sur le nom en .com
noter que cette priode de flou en matire de noms de domaine a t
lorigine de nombreux contentieux
compter du jour o nous avons perdu le .fr, nous nous sommes attendus voir dbarquer un jour ou lautre un site qui utiliserait allgrement ce nom dont la proximit avec Jeuxvideo.com lui permettrait assez
vite dobtenir une audience significative. De l nous doubler, il allait
falloir quil sy emploie trs srieusement, parce que nous nallions pas
le laisser faire !
Cette anne 2003 marquait pour moi une srie de dplacements.
Outre quelques priples sur Paris et mon quatrime E3 Los Angeles en
mai, jai rencontr en juin, Monaco, la plupart de nos clients annonceurs au March europen pour la distribution de produits interactifs,
(M????). Ensuite, je me suis rendu en juillet lESWC {60} au
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avion tait en approche, nous allions bientt atterrir. Dj arriv ? Impossible ! Mais alors, o allions-nous nous poser ? Moscou ! Une escale avait t prvue, mais, pour une raison que jignore, nous nen avions pas t informs. Longue attente dans les locaux exigus de la zone
de transit de laroport de Moscou. Temps pluvieux. travers les baies
vitres, nous pouvions admirer les vieux coucous gristres de lAeroflot,
encore flanqus du sigle rouge , comme au temps de lURSS !
Enfin, nous sommes repartis. Non sans avoir pris au passage
quelques dizaines de passagers russes. Le Boeing tait dsormais plein
comme un uf. cet instant, comme tout bon Franais la vision du
monde centre sur lHexagone, jai cru que nous avions fait lessentiel du
trajet. Vues du Japon, toutefois, Moscou et Rome sont presque voisines,
alors que traverser la Russie dest en ouest, cest trs long ! Ce dernier
segment de notre voyage ma sembl interminable. Enfin, nouvel atterrissage en vido sur grand cran, cette fois-ci laroport de Narita,
Tokyo. Nous tions extnus, lattente la douane japonaise nous a paru
sans fin, tandis que les voyageurs japonais taient tous passs en
quelques minutes. Rcupration des bagages. La douane avait fait
preuve dune telle lenteur que les tapis roulants taient prsent arrts. Romendil a retrouv sa valise range terre avec dautres. Par
chance, mon sac de sport tait juste ct ! Sans perdre de temps,
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X. GAME STUDIO
Nos premiers pas sur mobile avaient t couronns de succs avec
notre site i-mode. Suite une sollicitation de SFR, nous avions dcid
de tenter une dclinaison de ce site chez loprateur la marque rouge.
Sans le confort apport par la norme i-mode, le dveloppement sest
avr plus ardu, car il fallait prendre en compte la diversit des appareils. Nos techniciens ont malgr tout fini par arriver un rsultat
probant, conduisant la mise en ligne dun site W?? pour la plate-forme
Vodafone Live en mars 2004. Pour tre prsent sur tous les mobiles
franais, il aurait fallu que nous puissions tre accessibles galement
chez Orange. Malheureusement, les discussions avec loprateur leader
nont pas abouti, celui-ci stant montr particulirement gourmand. Il
demandait que notre contenu napparaisse pas sous la marque
Jeuxvideo.com, et en plus la rmunration propose tait misrable.
Quant au site SFR, sa dure de vie serait relativement courte, eu gard
aux conditions financires peu avantageuses accordes par loprateur,
qui allaient nous inciter fermer le service bien avant son homologue
sur i-mode.
En 2004, nous avons pris conscience que notre croissance daudience sur le Web ne pourrait plus reposer uniquement sur le bouche-oreille positif de Jeuxvideo.com et sur la notorit de lETAJV. Bien sr,
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moteurs. En 2004, nous tions peu prs nuls en matire de rfrencement. Sur Google, quels que soient les mots-cls saisis par les internautes, nous tions presque systmatiquement derrire nos confrres de
Gamekult. Parfois, mme sur certains mots-cls aussi vidents que le
nom dun jeu, nous napparaissions pas du tout ! Cette situation tait
proccupante pour lavenir.
Notre sensibilisation ce que, dans le jargon, on appelle le SEO {63}
a t progressive, et la socit Brioude Internet y a bien contribu. Cette
jeune entreprise auvergnate tablie dans le bourg de Brioude, en HauteLoire, tait ne dune belle histoire qui remontait la fin des annes 1990, lhistoire de Frank Chapaveire, jeune cuisinier de mtier,
technophile ses heures perdues. Le soir, aprs le travail, celui-ci surfait
sur le Net et se passionnait pour la gnration de trafic et loptimisation
du rfrencement des sites. Petit petit, ses connaissances en la matire
se sont toffes, puis lui ont permis de crer une entreprise, qui peu
peu a fait son trou. Frank a quitt alors son poste de cuisinier pour soccuper temps plein de sa socit, depuis son domicile. Un premier
salari est arriv, un deuxime jusqu ce que Brioude Internet compte
plusieurs dizaines de salaris, pour la seule activit de rfrencement de
sites Web. Brioude Internet tait tout simplement devenu lun des meilleurs spcialistes franais du rfrencement. La proximit gographique
aidant, nous allions leur confier le soin de nous aider en la matire.
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mthode des panels ntait pas exempte de dfauts. Avec des statistiques
massives (donc trs reprsentatives) et disponibles tout moment, les
diteurs auraient la possibilit de limiter le risque inhrent au secteur
de ldition de jeux vido. Parce que le mtier est en effet minemment
risqu. Un diteur disposait de peu dlments permettant, avant la
sortie dun jeu, de prvoir le succs ou lchec de son produit. Il avait
donc du mal anticiper les ventes avant les premiers jours de la commercialisation. Le lancement dun jeu constituait ainsi un vrai pari. Sil
tait prvu une mise en place de dix mille exemplaires alors quil avait
en ralit un potentiel de cinquante mille, le manque gagner tait terrible. Effectivement, compte tenu de la faible dure de vie du produit, ce
qui ntait pas vendu dans les premires semaines tait difficilement
rattrapable par la suite. Inutile ds lors de trop compter sur le relancement de la production. linverse, vendre seulement mille exemplaires
sur une mise en place de dix mille reprsentait une catastrophe. Dans ce
contexte, tout ce qui pouvait aider un diteur ajuster finement son
lancement se rvlait pour lui trs prcieux. Entre autres, nos statistiques permettaient ainsi de percevoir limpact dune campagne publicitaire, ou mme dactions menes par le service marketing En amont
de la commercialisation du jeu, les quipes de dveloppement et de test
pouvaient suivre les ractions des internautes aux diffrentes annonces
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qui pouvaient tre faites, et les retours lis la mise disposition de dmos ou de vidos
Bref, nous avions toutes les raisons de penser que cet outil rpondrait un besoin non couvert. Qui plus est, il ny avait pas de difficult
technique majeure ce projet, que nous avons baptis GamerImpact.
Nous nous sommes mis au travail durant lt 2004, et une premire
version de loutil tait prte lautomne. Malheureusement, il tait un
peu trop rudimentaire, et notre vision trop technique ntait pas assez
proche de lutilisateur. Car nous avions des difficults apprcier tous
les usages qui pouvaient dcouler de nos chiffres. Enfin, nous navions
jamais t de bons commerciaux, et GamerImpact en a probablement
pti.
Son succs aura donc t trs mesur. Certains diteurs, peu nombreux, ont fait leffort dapprivoiser loutil. Dautres ne sy sont absolument pas intresss. commencer par Ubisoft, qui na jamais t client
de GamerImpact, malgr les encouragements de Gameloft. Preuve, sil
en fallait une, de lindpendance de Gameloft par rapport Ubisoft.
Mais nous nallions pas nous en plaindre alors que justement nous
dfendions notre propre indpendance vis--vis de Gameloft ! GamerImpact a t agrment de nouvelles fonctionnalits quelques annes
plus tard, mais il nest jamais devenu ce que nous esprions, savoir un
service de rfrence pour les diteurs de jeux.
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Autre piste de dveloppement, le dploiement ltranger, qui redevenait dactualit. Depuis que le march publicitaire semblait reprendre du poil de la bte, nous retrouvions quelque marge de manuvre.
Plus question cependant denvisager un dploiement international
seuls : trop cher et trop risqu. Jai plutt tent dentrer en contact
ltranger avec nos confrres non anglophones, en commenant par les
pays limitrophes.
Je nai obtenu aucune rponse des sites allemands. Les pays latins,
quant eux, ont t plus rceptifs. Cela a t le cas du site leader au Portugal (aujourdhui disparu), ainsi que des leaders en Espagne (Meristation.com) et en Italie (Multiplayer.it). Jai rencontr les fondateurs de
ces deux derniers plusieurs reprises, pour changer sur nos mthodes
de travail. Nous ntions pas en concurrence directe, donc nous nous
sentions libres dchanger sur tous les sujets. Ils connaissaient dailleurs
tous Jeuxvideo.com, quils considraient comme un modle suivre en
Europe.
Jai ainsi visit les locaux du leader italien, situs dans la petite ville
de Terni, entre Rome et Florence. Puis je me suis rendu en Espagne
pour dcouvrir ceux de Meristation.com, dans le petit village catalan de
Llagostera, prs de Barcelone.
Nous avions tous les trois des approches trs diffrentes, ce qui tait
trs enrichissant. Ainsi, Meristation, en raison de sa localisation,
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disposait de seulement trois personnes la rdaction : les autres collaborateurs taient disperss dans toute lEspagne et uvraient distance.
Le site ressemblait fort Jeuxvideo.com, dans son esprit comme dans
son ergonomie. De son ct, Mutiplayer.it avait choisi dinternaliser la
vente de jeux, cause de la faible prsence de-commerants en Italie. Il
ny avait pas dquivalent dAlapage en Italie, et Amazon ntait pas encore prsent de lautre ct des Alpes. Autre diffrence fondamentale
avec nous, Multiplayer disposait dune section payante, avec des contenus exclusifs. Ce qui les conduisait parfois se montrer extrmement
agressifs dans la recherche de ces contenus. Avec des mthodes que
nous nous refusions dutiliser. Il leur est arriv par exemple de pntrer
discrtement dans le Convention Center de Los Angeles la veille de lE3
pour prendre des photos et les diffuser sur Internet avant mme louverture du salon ! Ctait, parat-il, the italian way {66} . Cela mamusait beaucoup, mais nous ne nous y serions pas risqus. En France, publier du contenu vol, quel quil soit, ctait lassurance de se faire griller
auprs de toute la profession, et mme prendre le risque de rcolter un
procs en prime !
Avec Meristation et Multiplayer, nous avons tudi des points de
convergence possibles. Mais la barrire de la langue entre nos trois sites
non anglophones empchait nos ides daboutir. Si bien que nous nous
sommes finalement contents de rester en bons termes et de nous tenir
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introduction
en
bourse
de
LOdysse
Interactive
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fallait plus en 2005. Voil qui a sonn le glas pour nos espoirs dintroduction en bourse.
Restait donc la piste de la cession. Mme si elle ne semblait pas
aboutir pour linstant, Gameloft tait bien dcid sur le long terme se
sparer de sa filiale aurillacoise, seule exception Internet sur son business plan dsormais entirement consacr ldition de jeux mobiles.
Cette situation tait en effet difficile expliquer aux investisseurs pour
Gameloft. Nul doute ds lors que ceux-ci verraient dun bon il une cession de LOdysse Interactive, qui rendrait du coup plus cohrente
lactivit du groupe.
Dbut juin, sans doute dsireux de mieux connatre notre entreprise,
quil envisageait toujours de racheter, le PDG de Hi-Media ralisait son
premier dplacement Aurillac. Histoire davoir du temps pour discuter
avec moi, mais surtout de se rendre compte de ce qutait pour de
vrai LOdysse Interactive. cette occasion, Cyril Zimmermann ma
redit son intrt pour lacquisition de la socit, ajoutant quil prvoyait
cet effet de runir quelques moyens financiers crdibles par le biais
dune augmentation de capital. Pour lui, lacquisition de LOdysse Interactive ferait sens en lui permettant de crer un troisime ple
(publishing) en plus de ses activits traditionnelles de rgie publicitaire
et de paiement en ligne. Par ailleurs, notre expertise technique leur
semblait fort intressante, tant donn les besoins de Hi-Media dans ce
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domaine. Cette premire visite a sembl fructueuse, car Cyril Zimmermann a poursuivi ses discussions avec Gameloft. Toutefois, je ne ressentais de part et dautre aucune urgence trouver un accord.
Loin de ces manuvres en coulisse, les recrutements se poursuivaient au Game Studio, avec un second producer, un musicien, une
spcialiste des ressources humaines, ainsi que de nouveaux dveloppeurs et testeurs. Cest bien simple, nous avions dpass les quarante
salaris. Cest--dire que nous avions quadrupl leffectif de LOdysse
Interactive en un an ! tel point quil y avait dsormais dans notre
Game Studio beaucoup plus de salaris que sur notre activit Internet
traditionnelle. Soit une majorit de salaris qui avaient moins de six
mois danciennet et dont lactivit dpendait directement de Gameloft
par le biais de notre producer, qui faisait linterface. Je navais plus
dsormais quune vision extrieure des travaux en cours. Cette croissance dbride de nos effectifs a cr un dsquilibre dans lentreprise
entre lactivit de rdaction, devenue minoritaire, et celle de production,
trs rcente. Voil qui nallait pas sans commencer poser quelques
problmes, les mtiers tant diffrents ainsi que les conditions de travail. Bref, javais des indices me montrant que la croissance fulgurante du
Game Studio avait produit quelques dommages dans la cohsion de
lentreprise.
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Tout cela pour vous dire que plusieurs arguments avaient justifi
cette sparation physique et juridique. Cest ainsi, partir de juillet, que
les nouvelles recrues du Game Studio, si elles passaient toujours par un
entretien dembauche que je dirigeais en tant paul par le game producer, arrivaient dsormais dans les propres locaux du Game Studio
sans plus tre en contact avec Jeuxvideo.com.
Afin de mieux structurer lactivit de lquipe du site, et pour rpondre galement au souhait de plusieurs salaris, il tait temps de refondre
lorganigramme pour quelque chose dun peu moins plat. Ainsi, jai
nomm des responsables de service par ple de comptence : Reno allait
devenir responsable webdesign, Haazel tait nomm responsable technique et Jihem responsable de la rdaction, cest--dire notre premier
vritable rdacteur en chef. Ctait moi qui avais jusqualors assum ces
fonctions, mais de plus en plus mal, compte tenu du temps croissant
consacr au dveloppement de lentreprise, et notamment aux recrutements.
Anne,
de
son
ct,
se
voyait
nomme
responsable
administrative.
La rentre de septembre 2005 allait savrer charge : pas uniquement parce que notre entreprise avait considrablement grossi au cours
des derniers mois, mais parce que nous avions dcid de raliser la plus
grosse refonte graphique de lhistoire de Jeuxvideo.com. Rien que a !
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Tout cela partait dun constat : la couleur jaune que nous avions adopte
en 1997 tait maintenant un peu dsute. Je recevais de plus en plus de
plaintes de la part de lecteurs que cette couleur insupportait. Je recevais
aussi des critiques cet gard manant de professionnels et de clients.
Cette couleur jaune, plus vraiment consensuelle, associe notre mascotte qui ne faisait plus lunanimit allait me dcider donner un grand
coup de balai.
Adieu, donc, le jaune, qui pourtant tait notre marque de fabrique et
grce auquel Jeuxvideo.com tait reconnaissable entre tous ! Adieu, la
mascotte et son logo associ ! Adieu, toutes les icnes, boutons, et plus
gnralement tous les visuels de navigation associs au jaune ! Une dcision difficile, mais que jestimais ncessaire pour continuer crotre
en audience et en recettes publicitaires. Notre lectorat se composait de
moins en moins de hardcore gamers, et de plus en plus de simples amateurs de jeux vido, bref incluait pour une part croissante le grand public. Et si nous voulions non seulement contenter les irrductibles, mais
surtout plaire un maximum dinternautes, il nous fallait une couleur
plus consensuelle. Cest le bleu qui a t retenu, parce que gnralement
la couleur prfre, selon les tudes dopinion. Restait dessiner
quelque chose dagrable consulter, cest--dire base de tons pastels,
non agressifs pour la rtine de nos utilisateurs.
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Ainsi, concrtement, notre duo procdait lui-mme lenregistrement de la squence. Ensuite, un logiciel mixait le son et limage, puis
ajoutait le titrage et le gnrique de dbut. La vido obtenue tait ensuite encode automatiquement sur un serveur situ Aurillac, puis
transmise nos serveurs parisiens. Cela fait, la vido tait mise en attente de publication. Notre rdacteur en chef gardait toujours quelques
jours de stocks, et publiait les Gaming Live selon les priorits et lactualit du moment.
Malgr quelques hsitations bien comprhensibles, les premires
vidos ont reu un trs bon accueil de nos internautes. Leur diffusion en
technologie Flash donnait de bons rsultats, mme si nous tions alors
contraints dutiliser une rsolution modeste. Aprs quelques mois de
diffusion, nos rdacteurs et notre prsentateur avaient gagn en assurance. De son ct, notre service technique avait trouv des solutions
pour passer ltape suivante, qui consistait non seulement enregistrer la voix de nos intervenants, mais aussi leur visage. Nous allions
donc passer de la radio la tl ! Voil qui ferait tout de suite plus pro,
et qui serait plus agrable pour nos internautes. cette occasion, nous
allions crer un vritable petit studio denregistrement, dans lequel les
vidos pourraient tre tournes labri du brouhaha de la rdaction.
Lapparition de nos rdacteurs limage a compltement chang la
perception quen avaient nos internautes. Ces derniers ont commenc
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Gameloft, je pensais que nous serions plus laise en tant que filiale
dun groupe Internet franais.
Trs vite, notre nouvel actionnaire majoritaire allait nous mettre
contribution pour faire dmarrer le nouveau ple publishing de HiMedia, troisime ple du groupe Internet aprs la rgie et le paiement.
Lun des projets de Hi-Media tait dinvestir le secteur du cinma en
sappuyant la fois sur notre exprience de cration de site fort trafic
et sur notre audience dans le secteur des jeux vido, en tant que domaine connexe. Pour mettre toutes les chances de notre ct, Hi-Media
envisageait de sappuyer sur un magazine papier. Il ny avait pas un
choix norme en la matire : seulement trois apparaissaient crdibles.
Nous avons rencontr en juin le patron de Cyber Press, socit ditrice
du magazine Cin Live, lune des rfrences du secteur. lordre du
jour, crer un site en partenariat avec le magazine papier. Ce dernier
aurait apport le contenu, la marque et le carnet dadresses. Nous nous
serions occups de la cration et de la maintenance du site. Malheureusement, le deal ne sest pas fait. Cyber Press a tergivers. Finalement, Hi-Media a dbauch le rdacteur en chef de Cin Live et dcid
que nous lancerions le site tout seuls. Ce dernier sappellerait Toutlecine.com. Aurillac, nous nous occuperions de la technique et du
design, tandis quune rdaction parisienne serait charge de lditorial.
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dizaines darticles sur le Web nont chang quoi que ce soit. Finalement,
la bote allait sarrter au cours de lanne suivante, faute de salaris.
Les raisons de la fermeture taient multiples, et je pense que la responsabilit tait partage. Dabord par Gameloft, qui a fait preuve
dune rigidit impressionnante en prenant cette dcision pour le moins
expditive. Le Game Studio aurillacois tait pourtant lune des entits
qui avaient la meilleure productivit au plan mondial. Selon les classements internes, il atteignait mme rgulirement la meilleure place. Son
seul tort tait de navoir pas russi recruter un game designer, ce qui
laurait propuls dans la catgorie des studios dlite : les studios de
cration ceux qui savent crer des jeux, et pas seulement les adapter
sur une multitude de tlphones. Ceux qui du coup peuvent tre implants dans des pays chers tels que la France ou le Canada. Cependant,
cette absence de game designer ntait pas un problme majeur, cest en
tout cas ce que nous avait confirm le directeur des productions dans un
mail du dbut 2006, sengageant sur la prennit du studio mme si
aucun game designer ntait recrut lavenir. La responsabilit de la
fermeture est partage galement par deux ou trois salaris au comportement hasardeux, lesquels, dans un moment dgarement, ont dcid dentrer en conflit ouvert avec Gameloft, avec force revendications.
Plutt que de discuter ou de ngocier, ils ont choisi dagir la hussarde.
Ils ont obtenu une rponse la hauteur de leur inexprience. Quand on
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avec des mots-cls. Disponibles en bonne dfinition, ces photos couvraient toute lhistoire du cinma, des premiers films des frres Lumire
aux derniers blockbusters hollywoodiens ! Une vritable ppite, car la
plupart de ces photos taient indites sur le Web. Du coup, pour des
uvres assez anciennes, nous tions en mesure de proposer des photos
du film, contrairement nos principaux concurrents, qui nen disposaient pas. Pour les vidos, nous allions dmarrer avec plus de onze mille
documents, surtout des bandes-annonces. Pour cela, il a fallu raliser un
travail important de numrisation partir de cassettes Betacam dont
nous avions rapatri un stock Aurillac. Enfin, pour les bases de donnes de films, de personnalits et de sries tl, nous faisions appel
quatre employs temps plein, qui ont crit quotidiennement pendant
de nombreux mois ; nous avions aussi pass des accords pour rcuprer
quelques centaines de dossiers de presse, de fiches de films ou de
biographies
Jai dcouvert cette occasion que le cinma tait finalement trs
diffrent du monde du jeu vido : un grand nombre de socits vivaient
de cet cosystme, et les donnes taient dj soigneusement organises
et numrises. Lors de la cration de Jeuxvideo.com dix ans plus tt,
nous tions au contraire quasiment la seule base de donnes avec lEncyclopdie des trucs et astuces de jeux vido. Pour Toutlecine.com, nous
pouvions agglomrer plus dune dizaine de bases de donnes existantes
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dont nous avions ngoci les droits. Ces accords nous permettaient de
gagner un temps prcieux. En quelques mois, nous avons relev le dfi
de devenir la troisime base de donnes cinmatographique accessible
en franais sur le Web, derrire le site spcialis dIMDB et celui dAllocin ; ce dernier nous battait notamment sur les vidos et sur les films
rcents, sur lesquels leurs journalistes avaient beaucoup plus travaill
que nous.
En plus de celui que requraient les donnes, il a fallu fournir un
travail colossal de dveloppement. Tandis que Jeuxvideo.com stait
construit pas pas en plusieurs annes, avec seulement un ou deux
techniciens, il nous fallait cette fois-ci dvelopper dun seul coup un
norme site. Durant lt 2007, nous avons mis une arme dinformaticiens au travail. cette occasion, nous avons industrialis les processus. Chaque technicien devait soccuper dun certain nombre de pages
du site, et au final tout devait sassembler, comme les pices dun puzzle,
pour crer lun des plus gros sites de cinma franais. Et nous sommes
arrivs un rsultat assez intressant. Suffisamment pour que lors du
lancement de Toutlecine.com, en septembre 2007, le PDG de Hi-Media
adresse un mail de flicitations toute lquipe et que notre site soit salu par la plupart des professionnels du secteur
Lennui, dans le process rapide et massif que nous avions suivi, cest
que nous avions voulu trop bien faire. Ds les premires semaines de
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travail, nous nous sommes rendu compte que la base de donnes dun
site de cinma est beaucoup plus complexe quune base de donnes de
jeux vido. Sur Jeuxvideo.com, nous avions essentiellement une grosse
base de jeux, autour de laquelle gravitaient des bases secondaires
comme celle des diteurs, celle des machines ou bien des genres de jeux.
Difficile de faire plus simple. Pour Toutlecine.com, nous devions grer
trois bases majeures au lieu dune : une base de films, comparable
notre base de jeux, mais aussi une base de personnalits et mme une
base de sries tl. Avec quantit dautres bases secondaires et des relations complexes entre elles. Voil probablement qui constitue une belle
tude de cas pour tudiant en informatique ! Cette relative complexit a
rendu le dveloppement assez laborieux. Parce que, par souci de perfectionnisme, nous en avons finalement trop fait : nous avions tout conceptualis, y compris des donnes qui en pratique nauront jamais servi ! Or
il faut parfois arbitrer entre la complexit et la simplicit. Ce pragmatisme, je ne lai pas vraiment eu sur Toutlecine.com, alors quhabituellement, entre deux solutions, je choisissais presque toujours celle qui me
semblait la plus faisable. Nous voulions reproduire le succs de
Jeuxvideo.com, et nous commencions par ne pas reproduire la faon
dont nous avions chafaud le site En outre, le fait de tout dvelopper
dun coup nous empchait de bnficier des retours prcieux des
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utilisateurs. Cest ainsi que parfois nous nous sommes tromps en prenant de mauvaises directions
Le site de Tout le Cin nous a beaucoup occups en 2007, ce qui a eu
pour consquence fcheuse de considrablement ralentir les volutions
de Jeuxvideo.com. Cet inconvnient a pourtant eu finalement un ct
positif : le fait davoir dvelopper un gros site en partant de zro nous
a obligs repenser beaucoup de choses que nous considrions comme
acquises sur notre propre site. Nous avons ainsi pu amliorer certaines
fonctionnalits proposes en rpercutant le travail men sur Toutlecine.com, une fois celui-ci achev. Cest le cas, par exemple, de la visionneuse dimages. Nous savions ainsi que la base de photos indites serait
lun des points forts du site de Tout le Cin. Cest la raison pour laquelle
nous avons pass beaucoup de temps rflchir la faon dorganiser
cette rubrique. Il fallait la fois que les photos soient visibles dans le
plus grand format possible, mais aussi que la navigation se fasse sans effort. Nous avons alors arpent le Web pour trouver quelque chose de
malin qui permettrait aux internautes de surfer agrablement dans
notre base de photos. Cest chez nos confrres amricains de Gamespot
que nous avons trouv une visionneuse particulirement efficace, dont
nous avons dcid de nous inspirer pour celle de Toutlecine.com.
Une fois le site en ligne, la visionneuse dimages a t la premire
chose que nous avons dcid de modifier sur Jeuxvideo.com, en nous
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tait galement trs apprci par Google. Il sagissait, enfin, dun nouvel
lment diffrenciateur par rapport nos concurrents, qui de leur ct
nen proposaient pas. En somme, mme si les bnfices pour notre
propre site du dveloppement de Toutlecine.com sont impossibles
valuer avec prcision, ils nen ont pas moins t bien rels. Chaque personne ayant travaill pour le site de Tout le Cin a gagn en quelques
mois une exprience inestimable : ce nest pas tous les jours que lon
monte un site de cette dimension et que lon est donc confront des
problmes proportionnels la taille dun tel projet.
Autre vnement dimportance pour Jeuxvideo.com : lapparition
dun nouveau type de vidos produites en interne : le CLIQ (condens
de linformation quotidienne). Depuis quelques mois, certains de nos
confrres avaient choisi de produire des missions hebdomadaires sur
lactualit vidoludique. De notre ct, pourquoi raliser une vido dactualit hebdomadaire alors que nous traitions lactualit en fil continu et
que les lecteurs se connectaient chez nous tous les jours ? aurait t
lassurance de proposer du rchauff en permanence.
Il fallait pourtant ragir, alors jai dcid de lancer la production de
vidos quotidiennes trs courtes, grce auxquelles les lecteurs prendraient connaissance de lessentiel de lactualit du jour : une sorte de
rsum des news et du contenu que nous avions mis en ligne au cours
de la journe. Ctait une sorte de deuxime niveau de lecture de
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en sachant quils pourraient y trouver les news de jeux les plus fraches
du Web francophone.
Aurillac, aprs le dpart de Jihem, jai d nommer un nouveau rdacteur en chef, ce qui ntait pas simple : il fallait dsigner quelquun
qui ferait lunanimit, quelquun que lon respecterait et couterait,
quelquun sachant faire preuve la fois dautorit et dcoute vis--vis
de tous les membres de la rdaction. Aprs mre rflexion, jai dcid de
nommer Frdric Fau (Superpanda) la tte de la rdaction. Il prsentait lavantage davoir dj dirig un site de jeux vido avant darriver
LOdysse Interactive, un site consacr aux jeux daventure quil avait
lui-mme cr. Il sagissait pour moi dun lment dimportance. Par ailleurs, ctait une personne unanimement apprcie de lensemble des
salaris de lentreprise.
Question boulot, ctait quelquun de trs scrupuleux et de trs professionnel. Et il fallait bien cela pour succder Jihem, qui avait fait un
travail remarquable. Superpanda est devenu le nouveau rdacteur en
chef assez naturellement, sachant grer les susceptibilits, sadapter au
caractre de chacun. Il saurait aussi, soyons honnte, apaiser mes nombreuses impatiences et sans doute galement traduire en termes plus
diplomates les rcriminations ponctuelles que je pouvais avoir vis--vis
de la rdaction. Un autre de ses mrites serait de soutenir inconditionnellement ses rdacteurs face aux critiques extrieures, et notamment
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celles des diteurs de jeux. Il lui arriverait par exemple de filtrer les
coups de gueule tlphoniques des diteurs pour pargner les rdacteurs Puisque, bien sr, ainsi que dans tout mtier journalistique, il
arrivait que nos crits ne fassent pas lunanimit. Et les mcontents ne
tardaient pas le faire savoir. Comme toutes les rdactions, celle de
Jeuxvideo.com recevait quelquefois des coups de fil particulirement
sals, la plupart du temps aprs le test dun jeu que son diteur narrivait pas accepter Gnralement, cela dit, lditeur nest pas surpris
outre mesure par les notes quattribue la presse spcialise. En effet, un
diteur qui fait bien son mtier sait davance si son jeu est bon ou
mauvais, et sattend donc recevoir soit une note mauvaise mdiocre,
soit une note bonne trs bonne. Sauf quil arrive tout de mme quun
diteur sorte un jeu en layant surestim, ce qui se traduit souvent par
une note plus faible que ce quil esprait. Si cet diteur considre quelle
est injustifie, il nhsite pas appeler pour faire part de son mcontentement, dans des termes plus ou moins bien choisis en fonction de
son tat dirritation ! En gnral, cela sarrtait pour nous un coup de
fil. Mais il pouvait arriver que lagacement persiste et se traduise ensuite
pour notre quipe par des difficults obtenir des informations sur les
futurs jeux de lditeur, ou mme par un boycott publicitaire. Le boycott
publicitaire, ctait un peu larme nuclaire dans le secteur, une sorte
darme de dissuasion quun diteur ne brandissait jamais ouvertement,
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des petits jeux, le plus souvent avec pour simple ambition damuser
leurs camarades. Cest ainsi qua commenc se crer une culture commune aux noelistes : autour par exemple de limage du lamasticot
(photo truque du croisement imaginaire entre un lama et un asticot) ;
autour galement de quelques internautes rigs en stars du
mouvement comme Cisla, un des modrateurs du forum ayant su se
faire apprcier au-del de toute attente et jouir dune popularit indite
sur Jeuxvideo.com ! Aujourdhui encore, Cisla compte plus de cinq mille
amis sur Facebook, et sur le forum 15-18, cest presque un demi-dieu !
Chacune de ses interventions est dissque et abondamment commente ! Cette microculture commune se propageait de plus en plus
travers un vocabulaire et une faon de sexprimer dabord propres aux
noelistes, avant de devenir le langage du forum 15-18, pour finalement
stendre aux forums dans leur ensemble.
Outre le smiley :noel: qui servait conclure les phrases de faon ironique ou provocatrice, il y avait dsormais bien dautres codes, tel le recours certains sigles. Par exemple, BTG signifie Bien, ta grotte ? ,
en rponse quelque utilisateur nophyte dcouvrant quelque chose
que tout le monde est cens dj savoir. Autre code, lhabitude de certains utilisateurs de remplacer les fins de mots en - ou -er par ay, pour
simuler lcrit un accent amricain. Comme pour commenter une
photo du fameux Cisla sur laquelle il tait cens boire du panachay
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forums de Jeuxvideo.com, ces derniers ne permettant pas de les hberger directement, mais autorisant les liens vers des images extrieures. Il
y avait aussi Noelpedia, quivalent noeliste de Wikipdia cens constituer lencyclopdie du mouvement, qui en expliquait avec humour
lorigine et les caractristiques. Citons encore Noelfic, site dhbergement de fics ou fan-fics, en bon franais : de nouvelles. Effectivement,
parmi les noelistes, on trouvait pas mal dauteurs amateurs qui aimaient
crire et partager leurs histoires sur notre forum. Ils ont alors eu lide
de regrouper tous ces textes sur un site externe afin de les consulter plus
aisment. Enfin, au cours de lt 2008, les noelistes ont galement cr
Noelbook, clone noeliste imparfait de Facebook. Je nai cit ici que les
principaux sites, mais des dizaines dautres auront t crs par cette
partie de la communaut de Jeuxvideo.com.
Jai dabord t trs tonn de constater cette crativit dbride. En
y rflchissant, toutefois, je pense que, si javais eu leur ge, jaurais
probablement moi aussi fait partie des noelistes. Dailleurs, lorsque
jtais ado, je frquentais les messageries Minitel et faisais peu prs la
mme chose queux, avec les moyens techniques du moment. Bref, malgr leurs nombreuses frasques, leurs excs et les quelques soucis que
mont valus les noelistes, je me suis toujours senti trs proche de cette
communaut attachante Il ne sagit absolument pas dune bande
dcervels, comme les dcrivent leurs dtracteurs. Ils matrisent
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jeux vido avait une audience relativement faible ; ctait en fait un site
de jeux gratuits en Flash qui, de par son audience importante, leur permettait datteindre au total cette frquentation comparable la ntre.
Curieusement, cette pratique trange dagrger les sites de la sorte tait
autorise par Mdiamtrie. Pourtant, cela pouvait induire en erreur les
annonceurs, qui, faute de connatre toutes ces subtilits, auraient pu
penser sadresser au futur tombeur de Jeuxvideo.com plutt qu une
compilation de sites disparates.
Nous avons donc pris la menace trs au srieux, nayant pas envie de
nous voir dpasss, mme par un conglomrat de sites. Il fallait ds lors
riposter. Nous avons dcid de concevoir et de lancer nous aussi un site
de jeux en Flash pour concurrencer celui de notre dsormais plus
proche concurrent. Cest ainsi quest n le projet du site Gameonly, destin rassembler des tonnes de jeux gratuits en Flash. Il sappuyait sur
un modle conomique publicitaire, mais notre volont tait surtout
daffaiblir notre concurrent, voire de lui rpondre sa manire, en agrgeant laudience de Gameonly et celle de Jeuxvideo.com.
Nos confrres de Gamekult, qui venaient de se faire doubler au
classement Nielsen par ce conglomrat, avaient fait la mme analyse
que moi, puisquils ont mis en ligne leur propre site de jeux en Flash
quelques semaines avant nous. Sans que jaie eu le moindre contact avec
Gamekult, nous nous retrouvions donc allis de circonstance. Le site de
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Il navait laiss aucun mot pour expliquer son geste, mais, stupeur, il
frquentait trs assidment le forum 15-18 ! Un quotidien rgional {72}
a publi un article citant les noelistes. Une enqute de police a eu lieu, et
nous avons t contacts dans le cadre dune rquisition. Les enquteurs
nous ont demand un nombre dinformations exceptionnellement important pour tenter de comprendre le geste de ladolescent. Rpondant
la demande qui nous tait formule, nous avons donc fourni, dans les
plus brefs dlais, lhistorique des conversations du jeune internaute
depuis le 1?? septembre 2008. Soit un colis de plusieurs kilos reprsentant une paisseur de feuilles A4 denviron vingt centimtres. Dans le
collimateur des enquteurs, certains lments des forums qui auraient
peut-tre pu pousser ladolescent commettre lirrparable Visiblement, lenqute na pas t concluante, puisque je nentendrais plus parler de cette affaire. Elle nous a incits par contre redoubler de
vigilance.
Le forum 15-18 devenait de plus en plus frquent, de plus en plus
influent auprs des jeunes sur le Net. Notre responsabilit nen tait que
plus grande. Il nous fallait sans doute accrotre nos moyens pour viter
les drives engendres par des lments incontrls. Javais encore en
mmoire le piratage du site dngrid Betancourt, lanne prcdente.
Sauf que l, nous tions devant des faits beaucoup plus graves, avec la
mort de ce jeune homme. Ce ntait sans doute pas le fait des
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poussire dans la pourriture du monde, mais jaurai la conscience tranquille avant de mourir, et la fiert davoir accompli quelque chose de bien avant de mourir. Prenant la menace trs au srieux, des internautes
avaient alors alert la police locale. Le commissariat de Brest avait t
saisi. Celui-ci avait alert lOCLCTIC Nanterre, qui avait alors tent de
me joindre en urgence sur mon tlphone portable. Sauf que celui-ci
tait en mode vibreur pendant mon sommeil (jai retrouv plus tard de
trs nombreux messages sur ma bote vocale). LOCLCTIC ne parvenant
pas me contacter, il a appel le commissariat dAurillac avec ordre de
me trouver le plus vite possible. Les policiers dAurillac, non sans mal,
ont fini par me localiser et mappeler. Et cest ainsi que ces deux agents
de la B?? ont dbarqu dans mon salon au beau milieu de la nuit. Leur
demande : que je rappelle les cyberenquteurs pour leur communiquer
ladresse IP permettant didentifier la personne qui avait post ces menaces de mort. Ce qui a pu tre fait en quelques minutes, car, par chance,
javais tous les accs dadministration des forums chez moi.
Jai su le lendemain que les policiers, une fois ladresse IP en leur
possession, avaient t rveiller une personne de chez Free, lhbergeur
de linternaute, afin quon leur communique ladresse postale de la personne. Au petit matin, linternaute tait interpell, mis en garde vue.
Son domicile tait perquisitionn, son ordinateur saisi et pass au
crible. Finalement, il sagissait dune simple blague de trs mauvais
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got. Une blague qui vaudrait son auteur une comparution devant le
tribunal de grande instance. Une blague qui, en une nuit, a mobilis
probablement une vingtaine de policiers entre Nanterre, Aurillac et la
Bretagne, et nous a caus une bonne frayeur. Car, croyez-moi, il nest
pas agrable dtre rveill en pleine nuit et de se retrouver en pyjama
face des policiers en tenue dans son salon. Aussi sympathiques soientils ! En loccurrence, ils connaissaient Jeuxvideo.com et semblaient
lapprcier.
Il y a des moments dans une vie o tout est calme, et dautres o tout
se prcipite. Jtais peine remis de mes motions de la nuit que, ds le
lendemain matin, le PDG de Hi-Media ma propos de prendre la tte
du ple publishing du groupe. Des trois ples de Hi-Media, le publishing tait le plus rcent. Il avait t cr au moment de notre rachat
en 2006. Vu que je semblais donner satisfaction, que Jeuxvideo.com,
mais aussi les autres projets dans lesquels nous avions t impliqus se
portaient merveille, cest ce moment qua choisi Cyril Zimmermann
pour me proposer de prendre la tte de ce jeune ple.
Il ne ma pas fallu plus de cinq minutes de rflexion peser le pour
et le contre pour dcider de dcliner loffre. Ce qui mintressait, ctait
Jeuxvideo.com et le travail accompli par nos quipes dAurillac. Je
navais pas envie de rpartir mon temps entre Aurillac (Jeuxvideo.com),
Paris (Actustar.com) et encore moins New York (Fotolog.com). Ce
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tait de rapprocher la rdaction de Jeuxvideo.com de notre communaut, mais aussi de rpondre une problmatique plus vaste.
Jobservais en effet que la presse online ne rpondait quimparfaitement aux attentes des internautes. Ctait un constat dautant plus modeste que nous tions un acteur du secteur depuis douze ans ! Pourquoi
ne rpondions-nous que de faon trs partielle aux besoins et aux attentes de linternaute ? Parce que nous nous comportions au fond
comme les mdias traditionnels : nous choisissions nous-mmes les
sujets de nos articles et de nos vidos, et nous les proposions aux internautes en croisant les doigts pour que cela leur plaise ! Bien sr, les
sujets taient minutieusement choisis, nous faisions en sorte de connatre au mieux nos internautes par des enqutes, par des outils de
mesure daudience et danalyse du comportement, par des sondages, ou
tout simplement en nous appuyant sur notre propre exprience Au final, cependant, ctait toujours le rdacteur en chef qui dcidait de ce
que nous mettions en ligne ou non. Trs souvent, le contenu intressait
les internautes, mais parfois cela ne collait pas. Quelquefois, nous pouvions aussi passer ct de sujets qui auraient mrit dtre traits.
Bref, nous fonctionnions toujours daprs le vieux modle de la presse
papier, de la tl ou de la radio, qui mettent des contenus en esprant
quils plairont leur public.
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chacun pourrait voter pour les ides qui lui plaisaient. la fin du mois,
la rdaction raliserait lide arrive en tte du classement.
La bote ides serait couple un systme de paiement permettant
aux lecteurs de booster une ide, en lui attribuant dix voix au lieu
dune en contrepartie dun micropaiement (denviron 2 ). Manire de
faire financer ce nouveau contenu produire par les lecteurs euxmmes.
Notre intention de dpart tait de susciter de nouvelles ides de la
part de la communaut, cest--dire de traiter de sujets que nous naurions sinon jamais abords. Lobjectif a t atteint, et la bote ides a eu
le mrite de nous permettre de consacrer des dossiers ou des vidos
des jeux mconnus, mais soutenus par un nombre important de lecteurs. Sans susciter un enthousiasme gigantesque, la rubrique nen a pas
moins contribu faire merger ponctuellement des ides intressantes,
et parfois inattendues.
Pendant ce temps, laudience de Jeuxvideo.com repartait la
hausse. En mai, nous avons battu notre record de pages vues pour le
troisime mois conscutif. Pour la premire fois, nous franchissions la
barre des quatre cents millions de pages vues par mois : cela reprsentait un doublement de notre audience depuis le rachat par Hi-Media,
trois ans auparavant ! La croissance tait forte, tire par les efforts
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tentative lanne prcdente avec laide dun prestataire rachet par HiMedia. Il avait toutefois bien fallu se rendre lvidence : le rsultat
tait nul. Le site tait trs lent, lergonomie et le design paraissaient improviss. Cet ersatz de site mobile ntait pas non plus mis jour en
temps rel. Bref, il tait trs mauvais, et javais t contrari de devoir
garder en ltat pendant prs dun an ce site indigne de Jeuxvideo.com,
le temps pour nous dlaborer nous-mmes un site mobile digne de ce
nom.
Cest donc au printemps 2010 que notre quipe technique mettait en
ligne notre propre version, laquelle nous avions ajout la consultation
des forums de Jeuxvideo.com ! Le succs a t immdiat, nos internautes taient ravis de pouvoir suivre leurs conversations favorites sur
leur portable, en mme temps que consulter confortablement lactualit
du jeu vido en temps rel. Toutes nos vidos taient galement accessibles pour la premire fois sur mobile. Cette version na pas fait de
lombre la version Web et ne nous a donc pas empchs de fter un
nouveau record daudience sur Jeuxvideo.com, dpassant le prcdent
du mois de dcembre 2009, avec cinq cent cinquante-deux millions de
pages vues dans le mois. Dsormais, je suivrais quotidiennement laudience mobile, en plus de notre audience Web. Jtais convaincu de lintrt de cette ouverture dautres supports de consultation. Cest dans
cet esprit que, quelques mois plus tard, jai lanc la mise au point dune
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application iPhone de Jeuxvideo.com. Un travail que nous avons d externaliser, nayant pas les comptences spcifiques pour raliser nousmmes cette application. La premire version tait dveloppe par un
prestataire roumain. Bien vite, toutefois, devant le rsultat mdiocre,
nous avons d rapatrier le projet chez un petit prestataire
auvergnat {75}, qui par sa taille et sa proximit gographique allait nous
offrir un service et une ractivit dun rapport qualit-prix bien
suprieur celui de lentreprise roumaine. Une fois conue lapplication
iPhone, ctait au tour dune application Android de voir le jour,
identique la version pour Apple. Nos utilisateurs pourraient y trouver
news, tests, dossiers, mais aussi des vidos et, quelques mois plus tard,
les incontournables forums
Nous allions mme tenter une incursion du ct des tls connectes, en mettant au point une application pour les tls Samsung et
LG. Avec des rsultats peu probants en termes daudience. Nous tions
probablement un peu en avance sur le march, et nul doute quune
standardisation du format tait ncessaire avant que les applications
tl commencent vraiment intresser les utilisateurs
Lun des objectifs de 2010 restait de renforcer les fonctionnalits
communautaires, lun des points forts de Jeuxvideo.com. Nous lavons
fait en trois temps. Dabord, en crant de vritables cartes de visite dtailles pour les membres du site, permettant chacun de connatre
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russi ce tour de force. Dailleurs, avant Franck, seul Marcus avait atteint cet objectif, sur la chane spcialise Game One. De quelques annes mon an, Franck avait fait profiter lquipe de Jeuxvideo.com
dune forme de sagesse issue de ses nombreuses expriences professionnelles passes. Il avait apport la srnit de lexprience notre rdaction, compose de jeunes gens talentueux, mais aux ractions parfois
pidermiques, aussi bien dans lenthousiasme que dans la dfiance. Le
caractre de Franck avait permis indniablement de temprer tout cela.
Bref, jestimais que nous avions russi composer une sorte de dream
team. Tout ce beau monde sentendait bien, et latmosphre amicale et
joyeuse caractrisant nos vidos tait le reflet de cette ambiance au sein
de lquipe. Les premires annes, au moins.
Au cours de lanne 2010, en effet, jai senti que lambiance avait
commenc se dgrader entre Franck et les autres membres de lquipe,
sans que jen peroive vraiment les causes. Franck subissait probablement de plus en plus de pression du fait de ses succs daudience sur le
site. Peut-tre cette pression lui a-t-elle dailleurs un peu tourn la tte,
un moment. Ce qui le rendait beaucoup plus exigeant avec la plupart
des salaris de lentreprise. Par ailleurs, javais limpression que certains
rdacteurs vivaient assez mal le fait que Franck tait considr par
beaucoup de nos lecteurs comme lincarnation de Jeuxvideo.com. De la
mme faon que pour le grand public, pendant longtemps, TF1, ce fut
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quil ne pourrait plus occuper son poste, ni mme exercer un quelconque emploi dans notre socit Aurillac.
Le groupe Hi-Media lui a alors propos deux postes sur Paris, offres
quil a dclines. Sans autre possibilit, et respectant nos obligations lgales, nous avons d nous rsoudre le licencier au dbut du mois de
mai 2011. Cest la raison pour laquelle nos lecteurs nauront pas eu de
dernire vido de Franck sur le site. Nous ne pouvions pas la
produire. Mais voil aussi pourquoi Franck, en ralit, na pas t la victime de nos actionnaires, de nos annonceurs ou de je ne sais quelle dcision injuste, contrairement ce que jai parfois pu lire dans des messages de nos lecteurs. Je navais rien reprocher Franck. Cette dcision de son licenciement nous tait impose, et jai t le premier le
regretter. Franck nous avait beaucoup apport par sa prsence sur
Jeuxvideo.com, et nous avons mis du temps le remplacer dans le cur
de nos internautes. Lesquels nous ont envoy des centaines de messages
ce sujet. Je le comprends, mais je ne pouvais pas mexprimer sur la
question, tant tenu par le secret professionnel. Mme dans ce livre, jai
estim devoir choisir mes mots, ne souhaitant nuire ni Franck, ni
aucun membre de lquipe, ni Jeuxvideo.com. Je ne pouvais pas en
tout cas passer sous silence cet vnement dimportance dans la vie de
notre site.
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ce message se vantant de divulguer le sujet de maths taient peu nombreuses et incrdules : seulement quatre ou cinq rponses, ce qui pour le
trafic du forum tait infime. Autant dire que le message incrimin tait
pass quasiment inaperu. Les rares personnes y avoir prt attention
avaient post un message pour dnoncer ce qui leur apparaissait comme
un fake vident. Par consquent, on peut estimer quau maximum
quelques dizaines de personnes avaient pu lire le message. Et comme
personne navait apport de crdit au sujet, compte tenu de lheure tardive de diffusion, probablement personne ne stait servi du sujet dvoil. Le message de Chaldeen tait pass tellement inaperu que nous
ne lavions dtect que beaucoup plus tard au cours de la soire. Il avait
alors t simplement effac par un modrateur.
Ce nest que le lendemain, aprs lpreuve de maths, que certains
forumeurs se sont rendu compte que Chaldeen avait dit vrai ! Cest
partir de ce moment-l que laffaire a pris une autre tournure. La
rumeur a grossi et les mdias sen sont empars. Aprs avoir fait le point
avec la modration, jai appel le PDG de Hi-Media pour linformer de la
situation, puisque nul doute que le groupe risquait dtre cit. Nous
avons alors convenu de confier la communication sur cette affaire une
agence dont ctait le mtier, qui savait grer les situations de crise
comme celle-ci. Peu aprs avoir appel la fameuse agence pour la briefer
sur la situation, jai reu les premiers appels de journalistes. Jai
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Avec le recul, ce fut sans doute une dcision sage de refuser le direct
et le risque de prter le flanc la critique sur une affaire aussi sensible.
Nous avons ainsi russi faire passer notre message de faon extrmement prcise, par un communiqu, sans dformation et sans le risque
inhrent tout enregistrement audio ou vido. Quasiment tous les mdias ont relat laffaire de faon neutre pour Jeuxvideo.com, se rendant
bien compte que nous ntions pas lorigine de la fuite. Tous sauf ldition en ligne de LExpress, qui a publi un article charge contre nos
forums, rdig par le mme journaliste que pour laffaire Dujardin
visiblement, celui-ci ne nous aimait pas beaucoup et se servait de son
clavier pour rgler ses comptes. Au final, jai tout de mme regrett de
devoir refuser de parler aux journalistes, ce qui a parfois veill le
soupon que nous avions quelque chose cacher. Et ce qui ma fait
penser que nous ntions plus la petite start-up au nom de laquelle je
pouvais prendre la parole librement en toute occasion.
En mme temps que nous tions sollicits par les journalistes, nous
avons t mis contribution par les forces de lordre. Nous avons vite
compris que le sujet tait extrmement sensible, et que les enquteurs
taient trs presss davancer dans leurs recherches. Nous tions ainsi
vigoureusement encourags faire diligence et nous montrer trs
ractifs dans cette affaire. Ce quoi nous avons consenti en nous
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faire de Chaldeen une sorte de lgende sur le forum 15-18, mme si,
depuis cette histoire, son pseudo avait t banni.
Cet vnement a quoi quil en soit quelque peu contrari notre communication. Nous avions prvu de communiquer dbut juillet sur les
nouveaux records daudience tablis en juin grce lactualit
vidoludique. Nous nen avons rien fait. Communiquer sur un record
daudience juste aprs laffaire du bac aurait sonn comme une provocation. Certains nauraient pas manqu de voir entre les deux vnements
un lien de cause effet. Pourtant, cette affaire na pas eu de consquence significative sur notre audience, pas mme pour les forums.
Quelques centaines de curieux ont bien d venir sur nos forums, mais la
cause de ce record de juin, ctait lE3 de Los Angeles, qui peu prs
chaque anne permettait datteindre un nouveau sommet en matire
daudience.
Afin de poursuivre ce dveloppement, rien de mieux que de continuer miser sur la vido, en proposant aux internautes de nouveaux contenus. Cest ainsi que nous avons ouvert une nouvelle rubrique, baptise
Chroniques , nous permettant daccueillir les crations vido de personnes extrieures la rdaction. Je suivais en effet dun il attentif les
succs de quelques internautes devenus des clbrits sur YouTube ou
Dailymotion. Il existait un risque de se faire cannibaliser par ces platesformes de vidos, y compris sur notre crneau vidoludique. Un des
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moyens retenus pour parer ce risque, ctait douvrir notre site aux
jeunes talents qui uvraient dj sur YouTube. Pour dmarrer les chroniques vido, nous avons fait appel au duo Fanta & Bob avec une srie
dmissions ddies au jeu Minecraft. Nous avons galement sign avec
un jeune joueur suisse devenu clbre en quelques mois : DiabloX9,
grand spcialiste des jeux daction et FPS {79}. Cette rubrique nous a
permis de proposer un contenu supplmentaire nos internautes, en
apportant galement de la varit, aussi bien sagissant des personnalits que des types de contenus produits. Quelques semaines plus tard,
dautres chroniqueurs tout aussi talentueux allaient dbarquer sur
Jeuxvideo.com, en particulier Realmyop, CurdeVandal, ou encore
Usul, qui allaient vite devenir trs apprcis de nos lecteurs.
La seconde innovation vido est arrive en aot avec le salon allemand de la Gamescom. Pour la premire fois, nous avons diffus une
confrence de presse en direct depuis Cologne et Aurillac. Une belle
russite technique ! Nous recevions Aurillac un flux vido qui nous
tait transmis depuis Cologne par lditeur Electronic Arts. Depuis notre
studio denregistrement, deux de nos journalistes commentaient les images, puis ce nouveau flux tait son tour encod et envoy sur le Web
pour diffusion. Cette retransmission constituait un vritable dfi, que
nos quipes ont russi relever haut la main et que nous tions les seuls
dans notre secteur matriser en France.
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morts sur nos forums, avec la perspective de grosses difficults de navigation pour nos internautes sans parler du problme de rfrencement sur Google, qui apprcie modrment les liens morts
Par ailleurs, jambitionnais dassocier Noelshack aux forums de
Jeuxvideo.com afin dy permettre dsormais laffichage dimages. Et
puis ctait finalement un juste retour des choses si nous arrivions racheter ce site en permettant ce jeune entrepreneur talentueux dobtenir ainsi une juste rtribution de ses efforts et de son temps pass au
service de la communaut de Jeuxvideo.com. En quelques jours, laffaire
a t conclue : David Phan a accept ma proposition de reprise de
Noelshack. Notre service technique a rcupr les cls du site pour aussitt y entreprendre un grand travail de consolidation. Rapidement, une
nouvelle version a t mise en chantier, plus jolie et plus ergonomique,
tout en respectant lesprit initial de Noelshack : la simplicit, la gratuit,
et labsence de publicit pour ceux qui le souhaitent. En faisant lacquisition de Noelshack, je voyais aussi loccasion de mieux matriser les contenus litigieux. Notre service modration pourrait par exemple intervenir simultanment sur Jeuxvideo.com et sur lhbergeur dimages en
cas de besoin. Je noubliais pas que si les sujets du bac avaient t diffuss sur Jeuxvideo.com, la photo tait bel et bien hberge par
Noelshack
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tutelle dun groupe, ft-il cot en bourse. Jai tout de mme tent
quelque temps den prendre mon parti, en jouant sur mon image de
cofondateur, qui conservait malgr tout quelque autorit. Mais javais
t totalement libre pendant trop longtemps pour accepter quon me
prive, mme partiellement, de cette autonomie et de cette libert.
Paralllement, janimais une quipe de trente-cinq salaris temps
plein. Majoritairement des garons de la gnration Y, quasiment tous
des premiers jobs. Sans doute avais-je eu beaucoup de chance nos
dbuts davoir des salaris souds autour de chaque nouveau projet.
Dsormais, javais limpression de devoir dpenser une nergie considrable pour convaincre du bien-fond de chacune de mes dcisions.
Or je me sens davantage entrepreneur que manager. Ma fonction de
chef dentreprise comportait de plus en plus un volet politique, que je
navais pas choisi.
La conjonction de ces trois facteurs installation dune forme de
routine, emprise de Hi-Media de plus en plus forte et quelques difficults de management a eu pour consquence un stress que je navais
jamais connu auparavant. Javais cess le matin de me rendre au bureau
avec lenvie de renverser la table. Je me sentais moins investi. Le travail
mtait presque devenu une contrainte. Or, quand on a eu la chance que
ce soit une passion pendant quinze ans, le changement est rude. Je ne
me sentais plus ni suffisamment motiv ni suffisamment impliqu pour
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boulevers ma vie. Je lui dois une grande part de ce que je suis devenu
durant quinze ans. Quand je dis que je le lui dois, je pense que je vous le
dois ! Vous, les millions de lecteurs qui tes fidles Jeuxvideo.com,
pour certains depuis le dbut ! Un norme merci tous, et bientt
pour de nouvelles aventures !
GREETINGS
Pour rendre le propos plus comprhensible, ce livre ne mentionne
quune
minorit
des
personnes
ayant
travaill
avec
moi
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Lionel Fontanille et Franois Hunaut, avec lesquels jai eu limpression de ctoyer pendant six mois le monde de la finance
Laurent Havette (Toutpourlamusique.com) : une mise en relation
dcisive en 1999
Les membres de Hi-Media et de Gameloft, avec lesquels jai travaill, trop nombreux pour les citer tous
Trop nombreux pour tre cits galement :
Tous nos prestataires : Citizen Prod, UpTown, Nerd, Brioude Internet, Openium
Tous nos partenaires : BlackOrange, Alapage, Amazon, Nexway,
Metaboli
Tous nos contacts chez les diteurs de jeux
Tous nos annonceurs : ceux du secteur du jeu vido comme les
autres
Je noublie pas les lecteurs de Jeuxvideo.com qui, tout au long de
ces dix-sept annes, mont envoy des milliers de mails dencouragements ou parfois dinsultes ou les deux, suivant les jours ! Et aussi
les quelques dizaines de personnes qui ont suivi la ralisation de ce livre
videmment, les personnes qui me sont chres, famille et amis,
qui mont encourag dans mon travail dcriture, mais aussi, avant cela,
au cours de ma carrire vidoludique
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Enfin, tous ceux que ma mmoire dfaillante a pu malheureusement oublier, qui sattendaient se trouver dans cette liste, et qui, par
consquent, le mritaient sans doute
Un grand merci tous !
{1} . Film sorti en 1983 dans lequel le hros, David Lightman, incarn
par Matthew Broderick, est un adolescent fan de jeux vido et
gnie du piratage informatique qui sans le savoir manque de
dclencher une guerre thermonuclaire globale.
{2} . La compatibilit sarrtera avec Windows Vista.
{3} . Police chasse fixe : police dcriture o tous les caractres possdent une largeur identique (par exemple, la police Courier).
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{19}
Le
site
est
toujours
accessible
cette
adresse :
ht-
tp://www.jeuxvideo.com/jv1998/jeuxvide.htm.
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{29} . LibertySurf serait rachet son tour par lItalien Tiscali en 2001,
puis par Free en 2008.
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{37} . Quatre cent trois mille pages vues par jour, lpoque.
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{42} . Havas : deviendra filiale de Vivendi ; dtenait lditeur Sierra Online, incluant Blizzard, studio crateur des jeux Diablo, Warcraft
{47} . Freeways : autoroutes ayant parfois jusqu deux fois huit voies.
{48} . West Hall : lun des deux grands halls du Convention Center de
Los Angeles, dune superficie de prs de 20 000 m lui seul.
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{52} . Road show : tourne au cours de laquelle des dirigeants rencontrent des investisseurs pour les convaincre dinvestir dans leur
socit.
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{60} . ESWC (Electronic Sports World Cup), Coupe du monde des jeux
vido.
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{67} . CSS (Cascading Style Sheets, Feuilles de style en cascade) : langage informatique permettant de dfinir une mise en forme commune un ensemble de pages Web. Non seulement les CSS permettent un prcieux gain de place, mais elles facilitent considrablement les mises jour de la prsentation dun site entier.
{70} . ngrid Betancourt : femme politique franco-colombienne kidnappe par une gurilla marxiste et maintenue en captivit dans la
jungle amazonienne de 2002 2008 (source : Wikipdia).
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XII.
UNE
COMMUNAUT
GRANDISSANTE (2008-2011)
XIII. PRIPTIES SUR NOS FORUMS
GREETINGS