Prévot (F.) - La Cathédrale Et La Ville en Gaule Dans L'antiquité Tardive Et Le Haut Moyen Âge
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ISSN 1628-0482
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2003-1-page-17.htm
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-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Prvot Franoise, La cathdrale et la ville en Gaule dans l'Antiquit tardive et le Haut Moyen ge ,
Histoire urbaine, 2003/1 n 7, p. 17-36. DOI : 10.3917/rhu.007.0017
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F r a n c oi s e Pr e vo t
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1 . Principales abreviations :
Grandes collections : AASS = Acta sanctorum. BHL = Bibliotheca hagiographica latina.
CC = Corpus chritianorum. CUF = Collection des universites de France (Belles Lettres).
MGH = Monumenta Germaniae historica (SRM = Scriptores rerum merovingicarum ; AA = Auctores
antiquissimi). SC = Sources chretiennes (Cerf).
Sources : Gregoire de Tours, Hist. = Historiae ; GM = Liber de gloria martyrum ; VP = Liber vitae
patrum ; VM = Libri de virtutibus s. Martini ; tous cites dans ledition de Bruno Krusch et Wilhelm
Levison, MGH, SRM, I, 1 2 et 22, Hanovre, 1951 et 1969.
Ouvrages : Arts chretiens = Naissance des arts chretiens, Paris, Imprimerie nationale, 1991 .
Charles Bonnet, Les fouilles... = Charles Bonnet, Les fouilles de lancien groupe episcopal de
Gene`ve (1976-1993) , Cahiers darcheologie genevoise, 1 , 1993. Monuments chretiens = Les premiers
monuments chretiens de la France, 3 vol., sous la direction scientifique de Noel Duval, Paris, Picard,
1995, 1996 et 1998. TCCG = Topographie chretienne des cites de la Gaule, I-XI, Paris, De Boccard,
1986-2000, editee par Nancy Gauthier et Jean-Charles Picard (t. I-VIII), puis N. Gauthier seule
(t. IX-X), enfin par Brigitte Beaujard et Francoise Prevot (t. XI). Trois volumes restent a` paratre.
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2. Enquete lancee par Noel Duval et les regrettes Charles Pietri et Paul-Albert Fevrier, dont les
resultats sont publies province par province : cf. no 1 .
3. Resultats publies en trois volumes regionaux qui etudient tous les monuments chretiens de
ge dont des vestiges ont ete reveles par des fouilles archeologiques
lAntiquite et du Haut Moyen A
anciennes ou modernes : cf. no 1 .
4. Francoise Prevot, TCCG VI, 1989, p. 82-83.
5. Francoise Prevot, Le chef-lieu de la cite des Vellaves et les origines du sie`ge episcopal du
Velay , Antiquite tardive, 2, 1994, p. 263-278.
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Le lien entre leveque et la ville est tel que, si un eveque deplace son
sie`ge et donc sa cathedrale , lagglomeration ou` il sinstalle peut alors
acceder au rang de chef-lieu de cite, comme le montre lexemple de la cite
des Helviens 6. Le centre primitif de cette cite etait Alba 7, au moins
jusquau debut du ive sie`cle 8, et sans doute encore au debut du sie`cle
suivant 9 ; cest donc la` que sinstalle`rent les premiers eveques, la` ou` ont ete
mis au jour les vestiges de la premie`re cathedrale 10 . Mais a` une date
indeterminee au cours du Ve sie`cle, le sie`ge episcopal fut transfere a`
Viviers qui, du coup, acceda au rang de chef-lieu de cite et donc de
ville : cest chose faite en 51 7 quand leveque Venantius signe au concile
dEpaone de 51 7 en tant que episcopus civitatis Vivarensis 11 , la cite tirant
desormais son nom de son nouveau chef-lieu 12. En revanche, Dijon reste
un castrum au vie sie`cle quoique les eveques de Langres y resident la
plupart du temps depuis la fin du ve sie`cle ; mais cette situation etonne
Gregoire de Tours qui, apre`s avoir vante la prosperite du lieu et ses
fortifications, conclut : pourquoi ne lappelle-t-on pas cite, je lignore 1 3.
De meme, si un eveche supplementaire est cree, lagglomeration ou` sinstalle le nouvel eveque acce`de normalement au rang de chef-lieu de cite.
Ainsi, apre`s la conquete de la Burgondie par les Francs en 532-534, le
partage de territoires entre Theodebert et Childebert ne respecta pas parfaitement les limites des cites et le castrum de Macon 1 4 fut alors vraisemblablement detache de la cite dAutun 1 5. Or, au lieu de le rattacher au dioce`se de
Lyon, Childebert prefera y nommer un eveque, et donc faire de ce castrum
le chef-lieu dune nouvelle cite, la civitas Matascensis, comme le montre la
signature de leveque Placidus aux conciles dOrleans de 538, 541 et 549 1 6.
6. Paul-Albert Fevrier, TCCG III, 1986, p. 59.
7. Alba Helvorum (Pline, Hist. Nat. III, 4, 36) ; Alba Helvia (ibid. XIV, 43). La ville donne meme
finalement son nom a` la cite : Civitas Albensium au iiie sie`cle (CIL XII, 1567 et XIII, 1954).
8. Cf. les milliaires sur lesquels les distances sont encore indiquees par rapport a` Alba : CIL XII,
5566 et 5572 = XVII, 2, 1 78 et 1 86.
9. Notitia Galliarum, ed. Theodor Mommsen, MGH, AA, IX, Berlin, 1 891 : Civitas Albensium.
10. Yves Esquieu, dans Monuments chretiens, I, p. 205-210.
11 . Jean Gaudemet et Brigitte Basdevant, Les canons des conciles merovingiens, SC 353, Paris,
1989, p. 124.
12. Mais au concile dOrleans de 549, leveque Melanius signe comme episcopus ecclesiae
Albensis, ce qui pourrait suggerer soit une fidelite a` un titre ancien, soit un abandon qui
netait que temporaire au depart (Paul-Albert Fevrier, TCCG, III, p. 59).
13. Gregoire de Tours, Hist. III, 19, p. 120-121 . Cf. Jean-Charles Picard, TCCG IV, Paris, 1986,
p. 59-60.
14. Notitia Galliarum, ed. cit., p. 585.
15. Jean-Charles Picard, TCCG, IV, Paris, 1986, p. 79.
16. Civitatis Matiscensis episcopus : Jean Gaudemet et Brigitte Basdevant, les canons des conciles
merovingiens, SC 353, Cerf, Paris, 1989, p. 258 (Matascensis), 288 et 320. Il signe egalement au
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reliques quil avait fait venir dItalie 33, a ete exhumee a` cote de la cathedrale medievale. Or cette nouvelle eglise sajoutait a` un premier sanctuaire,
quon peut vraisemblablement imaginer a` lemplacement de lactuelle
cathedrale, sous laquelle les fouilles du xixe sie`cle ont revele une abside
antique 34. De meme, les fouilles de Jean-Francois Reynaud a` Lyon ont
prouve lorigine antique du groupe episcopal constitue au Haut Moyen
ge dun baptiste`re et de deux eglises, dont lune etait a` lemplacement
A
de lactuelle cathedrale Saint-Jean 35. Enfin, la decouverte du baptiste`re
de Nantes au nord de la cathedrale Saint-Pierre 36, de celui de Grenoble
devant la facade de la cathedrale medievale 37 et de celui de Reims sous la
nef gothique 38 sugge`re que, dans ces trois villes, lecclesia est toujours
restee dans le meme secteur.
Il en va de meme a` Narbonne, comme le montre linscription qui
rappelle la reconstruction de lecclesia par leveque Rusticus 39 et detaille
le deroulement des travaux menes du 1 3 octobre 441 au 29 novembre 445.
Comme il fallut dabord deposer les murs de lecclesia ruinee recemment
par un incendie (depon[ere] pariet[es] eccl[esiae] dudum exustae), nous
sommes surs que la nouvelle cathedrale fut construite exactement a` lemplacement de la precedente et, comme le linteau qui porte linscription fut
decouvert pre`s de labside de la cathedrale gothique, il est tre`s probable
que leglise episcopale na jamais change de lieu depuis lorigine. Enfin, a`
Tours, Gregoire nous apprend quil a reconstruit lecclesia de Litorius (337/
338-370) plus vaste et plus haute : reaedificatam in ampliori altiorique
fastigio 40 et Fortunat precise que, pour cette entreprise, il a remploye les
anciennes fondations : fundamenta igitur reparans haec prisca sacerdos /
33. Victrice de Rouen, De laude sanctorum, ed. I. Mulders, R. Demeulenaere, CC 64, 1984, p. 53-93 ;
trad. R. Herval, Origines chretiennes : de la Deuxie`me Lyonnaise a` la Normandie ducale, avec le texte
complet et la traduction integrale du De Laude Sanctorum de saint Victrice, Rouen, 1966, p. 108-153.
34. Jacques Le Maho, dans Monuments chretiens, III, p. 320-327 ; Nancy Gauthier, TCCG IX,
1996, p. 30-32.
35. Jean-Francois Reynaud, dans Monuments chretiens, I, p. 283-290 ; Lugdunum christianum,
DAF 69, Paris, 1998, p. 44-86 ; TCCG IV, 1986, p. 22-26.
36. Xavier Barral i Altet, dans Monuments chretiens, II, p. 220-223.
37. Noel Duval, dans Monuments chretiens, I, p. 230-232 ; Francois Baucheron, Olivier Blin,
Ghislaine Girard, ibid., p. 233-238 ; Francois Baucheron et Alain de Montjoie, Le groupe cathedral
de Grenoble (Ise`re) : essai sur ses origines , Antiquite tardive, 4, 1996, p. 95-100.
38. Walter Berry et Robert Neiss, La decouverte du baptiste`re paleo-chretien de Reims , dans
Michel Rouche (edite par), Clovis, Histoire et Memoire, II, Le bapteme de Clovis, son echo a` travers
lHistoire, Paris, 1997, p. 869-888.
39. Le Blant 617 = CIL XII, 5336 = ILC 1 806. Voir H.-I. Marrou, Le dossier epigraphique de
leveque Rusticus de Narbonne , Rivista di archeologia cristiana, 46, 1970, p. 331-349, ici p. 332340 et fig. 1-4. Xavier Barral i Altet et Paul-Albert Fevrier, TCCG, VII, 1989, p. 20-21.
40. Gregoire de Tours, Hist. X, 31 , 19, p. 534.
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dune cathedrale primitive elevee extra muros dans une necropole antique
comme le pensait la tradition historiographique. Le seul cas ou` lequipe de
la Topographie chretienne de la Gaule a considere comme possible une
premie`re implantation extra muros est celui de Metz 50 . Le seul cas ou` la
cathedrale est semble-t-il construite en zone funeraire est celui de Digne 51 ,
si le sanctuaire mis au jour sous lactuelle Notre-Dame du Bourg etait bien
deja` lecclesia de la cite et non une eglise cimeteriale. Il fut edifie dans la
seconde moitie du ve sie`cle, au plus tard au tournant du vie sie`cle, dans
une zone funeraire organisee autour dun ou peut-etre deux mausolees qui
avaient ete relies entre eux et accueillaient de nombreuses tombes. La
fonction funeraire de cette zone auparavant residentielle remonte a` la
seconde moitie du ive sie`cle, a` la suite dun abandon de ce quartier.
Mais limplantation dune cathedrale au milieu des tombes reste, en
letat actuel de la documentation, tout a` fait exceptionnelle. En re`gle
generale, lecclesia sele`ve intra muros ou, sil ny a pas denceinte, au
cur de la ville, dont elle est devenue le principal edifice.
La cathe drale : un e difice pre dominant dans la ville
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62. Ibid., v. 37-46. Sur la dedicace de la nouvelle cathedrale de Nantes, voir aussi Fortunat, III, 6,
ibid., p. 93-94.
63. Venance Fortunat, Carm. I, 15, v. 55-64, ibid., p. 36. Cf. Paul-Albert Fevrier, TCCG X, p. 30.
64. Didier de Cahors, Ep. I, 8, ed. Dag Nordberg, Acta Universitatis Stockholmiensis, Studia
latina Stockholmiensia, VI, Stockholm, 1961 , p. 24. Voir aussi Ep. I, 9, p. 27 a` Abbo de Metz :
condiciuncula domni Stefani.
65. Edmond Le Blant, Nouveau recueil des inscriptions chretiennes de la Gaule anterieures au
viiie sie`cle, Paris, 1 890, no 20 : viiie sie`cle ? Lonyx, perdu, nest connu que par la reproduction de
J. Gruter. Cf. Jacques Biarne, TCCG V, 1987, p. 44 et 48. Legendes : DEX(tera) a` cote de la main
divine ; GERBA et PROTA, verticalement sur les cotes, CAENOM(anis) en bas, sous la porte.
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deja` cites, on peut par exemple ajouter ceux dAlba 76, de Viviers 77, de
Tours 78 et de Bordeaux 79.
` ces sanctuaires sajoutent la demeure episcopale et ses annexes.
A
Sauf exception 80 , leveque reside en effet normalement a` cote de sa
cathedrale, dans la domus ecclesiae. Cette expression, qui designait a`
lorigine le sanctuaire dans lequel se rassemble la communaute, sapplique presque toujours desormais a` la residence episcopale. Dabord de
taille reduite, celle-ci a pris rapidement de lampleur. Ainsi, a` Clermont,
au temps de leveque Eparchius, faute de place intra muros, le pontife ne
disposait que dune petite demeure, toute proche de la cathedrale, qui
fut plus tard transformee en salle des audiences episcopales 81 . En
revanche, en 479, la nouvelle residence episcopale est assez grande pour
accueillir cunctos cives pour le banquet funeraire qui suit la mort de
Sidoine Apollinaire 82. Cest peut-etre la demeure personnelle de leveque,
passee au patrimoine ecclesiastique 83. Elle est assez proche de lecclesia
pour que leveque Gallus, sur son lit de mort, entende les chants qui en
proviennent 84. Dans toutes les cites, la taille de la domus ecclesiae
repond aux multiples fonctions qui lui sont devolues. Residence de
leveque, sie`ge du pouvoir ecclesiastique, elle comporte deux parties,
lune privee, lautre publique. Selon la conception que leveque a de sa
charge, son logement personnel peut etre relativement luxueux (salle a`
manger dapparat, thermes) mais il peut aussi se fondre dans un
ensemble permettant la vie communautaire des clercs qui mangent
ensemble 85 et dorment sur place, en cellules 86 ou en dortoir 87. La partie
publique comporte une ou plusieurs salles de reception (salutatorium)
76. Yves Esquieu, dans Monuments chretiens, I, p. 205-210.
77. Ibid., p. 21 4-217 ; Paul-Albert Fevrier, TCCG III, 1986, p. 60.
78. Luce Pietri, TCCG V, 1986, p. 28-30.
79. Paul-Albert Fevrier, Dany Barraud et Louis Maurin, TCCG X, 1998, p. 29-30.
80. Tel saint Martin qui reside dans son monaste`re de Marmoutiers a` 3 km de Tours.
81 . Gregoire de Tours, Hist. II, 21 , p. 67 : et quia tempore ecclesia parvam infra muros urbis
possessionem habebat, ipsi sacerdoti in ipso, quod modo salutatorium dicitur, mansio erat.
82. Ibid., II, 23, p. 68.
83. Charles Pietri, Lespace chretien dans la cite. Le vicus christianorum et lespace chretien de
la cite arverne (Clermont) , Revue dhistoire de lEglise de France, 66, 1980, p. 1 77-210 (p. 1 86,
no 53) ; cf. Gregoire de Tours, Hist. II, 22, p. 67.
84. Gregoire de Tours, VP VI, 7, p. 235.
85. Par exemple a` Bourges, un diacre, plonge dans ses prie`res, oublie de se rendre ad convivium
mensae canonicae cum reliquis... clericis (Gregoire de Tours, VP IX, 1 , p. 521 ).
86. Par exemple a` Arles : Vita s. Hilarii, 20, ed. cit., p. 97 ; Vita s. Caesarii, II, 6, ed. cit., p. 457501 , ici p. 485.
` Lisieux, leveque Aetherius, en 584, partageait sa chambre (cubiculum) avec de nombreux
87. A
clercs (Gregoire de Tours, Hist. VI, 36, p. 307).
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pour que leveque puisse remplir son role pastoral et les fonctions judiciaires qui lui ont ete attribuees par Constantin 88, sans compter les
` cela peuvent
bureaux necessaires a` ladministration ecclesiastique. A
sajouter un ou plusieurs oratoires, tel celui que Gregoire amenage a`
Tours de`s la premie`re annee de son episcopat dans une pie`ce qui servait
de cellier a` son predecesseur 89. Cet amenagement relativement tardif
montre que loratoire nest pas indispensable : cest une commodite qui
evite a` leveque de se deplacer 90 . La domus ecclesiae la mieux connue est
celle de Gene`ve, dont les fouilles de Ch. Bonnet ont montre le developpement continu depuis la construction de la premie`re ecclesia : outre
des cellules individuelles chauffees le long cette dernie`re, on trouve a`
lest des sanctuaires une salle a` manger collective, des cuisines et des
magasins ; la residence de leveque avec salle de reception privee et
oratoire ; et plusieurs salles de reception publiques, dont la plus
ancienne (chauffee) communique avec la cathedrale sud 91 .
Enfin, eventuellement distincts de la domus ecclesiae mais integres dans
le groupe episcopal, peuvent se trouver des batiments abritant des services
specifiques, comme la matricule des pauvres, situee a` Autun a` lentree de
la cathedrale 92, une maison pour les infirmes a` Arles, dou` ils peuvent
suivre les offices de lecclesia 93, ou un xenodochium a` Poitiers 94.
Un tel ensemble occupe donc une place importante. Ainsi, a` Gene`ve, le
groupe episcopal finit par recouvrir environ un huitie`me de la ville intra
muros, constituant a` lui seul un veritable quartier. Limpact sur cette ville
dimportance moyenne a donc ete considerable. On comprend quune telle
masse ait entrane dans beaucoup de cites un remodelage du tissu urbain
antique.
88. Voir Jean-Charles Picard, La fonction des salles de reception dans le groupe episcopal de
Gene`ve , Rivista di archeologia cristiana, 65, 1989, p. 87-104.
89. Gregoire de Tours, VP II, 3, p. 220. Autres exemples, au vie sie`cle, a` Verdun : id., Hist. IX, 12,
p. 427 ; Paris : Fortunat, Vita s. Germani episcopi parisiaci (BHL 3468), ed. Bruno Krusch et
Wilhelm Levison, MGH, SRM, VII, Hanovre-Leipzig, 1919-1920 : 1 4, p. 382 ; 23, p. 386 ; 25,
p. 387 ; et au viie sie`cle a` Cahors : Vita s. Desiderii (BHL 21 43), 1 8, ed. Bruno Krusch, MGH,
SRM, IV, Hanovre-Leipzig, 1902, p. 576.
90. Gregoire de Langres ne dispose pas doratoire et va prier la nuit dans le baptiste`re qui
jouxte sa demeure : Gregoire de Tours, VP VII, 2, p. 237-238.
91 . Charles Bonnet, Les fouilles... , p. 25, 31 , 44-49 ; id., Les salles de reception du groupe
episcopal de Gene`ve, Rivista di archeologia cristiana, 65, 1989, p. 71-86.
92. Matricula nostra quam ad ostium ecclesiae sancti Nazarii fabricavimus : Testamentum s.
Leudegarii, date de 675/676, ed. Bruno Krusch, CC 117, p. 514. Cf. Ch. Pietri et Jean-Charles Picard,
TCCG IV, p. 42.
93. Vita s. Caesarii, I, 20, ed. cit., p. 464.
94. Testament dAnsoald, mort vers 697 : cf. B. Boissavit-Camus, TCCG X, Paris, 1998, p. 82.
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Elle nest certes pas la seule concernee et le phenome`ne est encore tre`s
ge mais il annonce
modeste dans lAntiquite tardive et le Haut Moyen A
111
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sang de saint Jean-Baptiste 121 tandis qua` Saintes, a` la fin du vie sie`cle,
leveque Palladius consacra plusieurs autels pour accueillir tout un lot de
reliques 122. Paralle`lement se developpe le culte de saints gaulois inhumes,
comme il se doit, dans les necropoles extra muros : dabord de pieux
eveques comme Martin, puis des martyrs dont la tombe est miraculeusement revelee. Des basiliques sont alors construites pour abriter les corps
saints, aupre`s desquels de nombreux fide`les se font inhumer ad sanctos 123,
et des quartiers nouveaux se developpent autour de ces lieux saints, melant
ainsi extra muros morts et vivants et rendant progressivement desuet
lancien tabou. La cathedrale intra muros peut alors, elle aussi, comme a`
Gene`ve, accueillir un corps saint entier et non de minuscules reliques 124.
Contrairement a` ce qui a souvent ete ecrit 125, le cas de Cologne est
en revanche tre`s different 126 : deux tombes princie`res franques du
deuxie`me quart du vie sie`cle, lune dune jeune femme, lautre dun
jeune garcon, ont bien ete mises au jour sous la cathedrale actuelle, dans
un secteur que le fouilleur, O. Doppelfeld, a considere comme latrium de
la premie`re ecclesia ; mais toute cette zone, dinterpretation tre`s difficile,
semble en fait avoir connu une periode dabandon total ou partiel entre
450 environ et le deuxie`me quart du vie sie`cle, epoque pour laquelle on ne
connat dailleurs aucun eveque ni a` Cologne ni dans aucune ville du Rhin.
Les deux tombes furent un moment abritees sous une petite construction a`
abside mais il est impossible de savoir si cet oratorium , comme lappelle Doppelfeld, est anterieur ou posterieur aux tombes. Cet edifice fut de
toute facon rase jusquau sol peu de temps apre`s son erection et recouvert
par un ambon, premier temoignage indiscutable de la presence dune
` lepoque de linhumation des nobles francs, la catheeglise sur le site. A
drale netait donc peut-etre pas en service : ce nest donc vraisemblablement pas elle qui a attire les tombes, sauf si lon conside`re que le caracte`re
sacre du lieu etait encore percu malgre les ruines. De toute facon on ne sait
meme pas si les defunts etaient chretiens.
121 . Gregoire de Tours, GM 11 , p. 45.
122. Gregoire le Grand, Ep. VI, 50, ed. Dag Norberg, CC 1 40, p. 423.
123. Sur ce phenome`ne, voir Y. Duval, Aupre`s des saints corps et ame. Linhumation ad
sanctos dans la chretiente dOrient et dOccident du iii e au vii e sie`cle, Paris, Etudes augustiniennes, 1988.
124. Voir no 11 4.
125. Par exemple Cecile Treffort, op. cit., p. 1 35, a` la suite des travaux de O. Doppelfeld, Das
frankische Frauengrab unter dem Chor des Kolner Doms , Germania, 38, 1960, 1 /2, p. 89-11 3 et
42, 1964, 1 /2, p. 1 56-1 88.
126. Nancy Gauthier, Les premie`res cathedrales de Cologne. Bilan de 45 annees de fouilles ,
Orbis romanus christianusque. Travaux sur lAntiquite tardive rassembles autour des recherches de
Noel Duval, Paris, 1995, p. 99-128, particulie`rement p. 107, 11 8-119, 121.
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Quoi quil en soit, la penetration des tombes intra muros est encore peu
importante en Gaule a` la fin du vie sie`cle, contrairement a` ce qui sobserve
dans dautres regions, du moins en letat actuel de la documentation. Comme
le souligne Jean-Francois Reynaud, le processus est lent, longtemps sporadique et... limite a` de grands personnages... Le phenome`ne saccentue a`
lepoque carolingienne,... favorise par le culte du souvenir et par la construction de cryptes mais la pratique des inhumations dans les cathedrales se
heurte longtemps aux interdictions repetees de lEglise et reste isolee 127.
Ainsi, au viie sie`cle, a` Arras, il faut un miracle pour que saint Vaast puisse etre
inhume dans sa cathedrale, pre`s de lautel, alors que lui-meme avait toujours
dit que personne de devait etre enterre entre les murs de la cite 128.
Si limpact des cathedrales sur la topographie funeraire est encore
modeste, leur role dans la transformation de la ville est, lui, evident. En
liaison avec les progre`s de la mission chretienne et sous la houlette des
eveques devenus des personnages cles de la vie des cites, les groupes
episcopaux constituent souvent a` la fin du vie sie`cle un veritable quartier
a` linterieur de la ville remparee. La cite apparat ainsi de plus en plus
par la suite comme la ville de leveque, qui soppose alors parfois au
bourg ou chateau domine par le comte 129. Cette evolution constitue
lun des aspects majeurs de la christianisation du paysage urbain, marquee
aussi extra muros par le developpement de basiliques abritant des tombes
venerees qui offrent a` la ville un rempart sacre. Tant a` linterieur qua`
lexterieur des murs, cest laction de leveque qui est mise en valeur par
les textes contemporains, comme par exemple la Vie de Maxime de Riez : la
ville ne sera jamais la proie denvahisseurs, ecrit le patrice Dynamius a` la
fin du vie sie`cle, puisque tre`s facilement cet illustre pasteur (Maxime),
que ses actions montrent toujours vivant, apre`s son passage aupre`s de
Dieu a pu obtenir de defendre a` perpetuite par ses merites cette glorieuse
ville dans laquelle il a merite le pontificat : a` lexterieur par la vertu de son
corps qui excelle, a` linterieur par le temple tre`s sacre quil a construit,
partout par les bienfaits quil a merite daccorder 130.
127. Jean-Francois Reynaud, op. cit., p. 29.
128. Jonas de Bobbio, Vita s. Vedasti (BHL 8501 ), 9, ed. Bruno Krusch, MGH, SRM, III,
Hanovre-Leipzig, 1 896, p. 412 : quod nullus intra muros civitatis sepeliri debuisseti.
129. Par exemple a` Limoges : Francoise Prevot, TCCG VI, 1986, p. 72 ; a` Rodez : Jacques
Bousquet, dans Henri Enjalbert (sous la direction de), Histoire de Rodez, Toulouse, Privat, 1981,
p. 54-55.
130. Dynamius, Vita s. Maximi Regensis, 9, ed. S. Gennaro, Catane, 1966, p. 89 : quoniam
facillime pastor ille praecipuus, quem viventem monstrant gesta, post transitum apud Deum
obtinere potuit ut gloriosam eius meritis urbem hanc, in qua pontificium emeruit, perpetuis
temporibus defensaret : a foris per virtutem sui corporis quae praecellit, ab infra per templum
sacratissimum quod construxit, undique per beneficia indulta quae meruit.
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