Décodex: Notre Kit Pour Dénicher Les Fausses Informations
Décodex: Notre Kit Pour Dénicher Les Fausses Informations
Décodex: Notre Kit Pour Dénicher Les Fausses Informations
Vrifier une rumeur qui circule sur les rseaux sociaux (p 13 - 16)
Exercices (p 23 - 25)
Corrections (p 26 - 27)
Pourquoi Le Monde sengage
dans lducation linformation
Ce projet est n dun constat : toutes nos dmarches de pdagogie que nous lanons au
quotidien travers nos articles ou par lintermdiaire doprations plus ponctuelles comme le
Dcodex sont essentielles. Mais nos articles ne sadresseront jamais qu nos lecteurs ou
du moins des personnes qui ont lhabitude de sinformer. Alors, comment donner, au
plus grand nombre, les cls de comprhension pour naviguer dans locan de loffre
mdiatique ?
La question est dautant plus grave une poque o tant de fausses informations, rumeurs
et autres complots sont diffuss grande chelle sur les rseaux sociaux, ces plates-formes
dchanges devenues mdias, et o les recommandations de nos contacts valent hirarchie
de linformation. tel point que Facebook a t accus davoir influenc lissue de llection
amricaine de novembre 2016, en laissant prolifrer les fausses informations. Cest cette
fake news , qui dsigne les informations
occasion que sest popularise lexpression
volontairement trompeuses empruntant les codes et la prsentation de la presse
traditionnelle. Un ennemi difficile combattre, puisquune analyse ne sera jamais autant
diffuse que le mensonge dorigine.
Dici la fin de lanne scolaire 2016-2017, nous tcherons dintervenir dans diffrents
tablissements, aussi bien gnraux que professionnels, de la 6e la terminale. Cette
premire phase exploratoire nous permettra, grce aux retours des lves et des
professeurs, de proposer un projet pdagogique plus ambitieux pour la rentre de
septembre 2017. Aussi, nous lanons un appel aux enseignants intresss par cette
dmarche et les invitons nous contacter pour organiser une rencontre avec leur classe
avant le dbut du mois de juillet.
Cela nous est arriv tous : nous voyons une information circuler sur Facebook, sur Twitter
ou un autre rseau social, elle nous fait ragir et nous voulons tout de suite la partager. Rien
de plus normal, mais attention ! En participant la diffusion de ces informations, nous avons
donc autant le pouvoir de faire connatre un sujet qui nous tient cur que celui de
piger involontairement notre entourage si linformation est fausse. Ce qui peut dans
certains cas avoir des consquences dommageables : diffuser une fausse rumeur dattentat
peut contribuer crer une panique pour rien.
Partager une fausse information sur une personne peut nuire sa rputation et lexposer
des insultes, voire pire. On peut donc considrer que nous sommes en partie responsable
des informations que nous partageons. Do limportance dapprendre ne pas se faire
piger soi-mme, pour viter de piger nos contacts notre tour.
Cest pour vous aider dans cette dmarche que nous avons dvelopp toute une srie
doutils et de guides pratiques. Ces derniers ne vous permettront sans doute pas de trier
coup sr le vrai du faux, mais ils sont l pour vous clairer dans vos rflexions. Lide nest
pas dimposer les contraintes journalistes tous les internautes, mais de donner des
moyens chacun de lutter contre les manipulations ou les informations malveillantes qui
pullulent. Et de rappeler quil nest jamais trop tard pour rectifier, au minimum, une
information fausse.
Quest-ce quune information ?
Le mot dsigne des faits ports la connaissance dun public. Mais pour tre considre
comme telle, une info doit rpondre au moins trois critres :
Mais attention ! Si lon retrouve lintervention de M. Jupp sur France 3, on saperoit que sa
dclaration a t coupe et dtourne de son sens par le militant sur Twitter. En ralit, il a
dclar : On a commenc par dire que javais fait construire Bordeaux la plus grande
mosque de France, et mme dEurope. Dans le contexte de linterview, on saperoit
quen ralit Alain Jupp disait tre victime de fausses informations comme celle de notre
militant qui a volontairement coup sa phrase.
Quest-ce quune source dinformation ?
Par source , on entend tout simplement lorigine de linformation. Cest une notion
importante puisquelle apporte de prcieux lments de rponse la question de savoir si
un article est fiable.
Cet article, qui affirme que les jardins potagers seraient taxs partir de 2017, a t partag
des dizaines de milliers de fois sur les rseaux sociaux :
Mais lorsque lon regarde do vient linformation, on saperoit quelle a t publie sur le
site Actualite.co :
Ce site nest absolument pas fiable : il a t cr pour permettre nimporte quel internaute
de fabriquer de faux articles et de les partager pour piger ses amis. Linformation tait donc
fausse.
Vrifier une rumeur qui circule sur les rseaux sociaux
Facebook, Twitter, Snapchat, Reddit ou YouTube ne sont pas des sources dinformations en
soi. Les publications que vous y trouverez peuvent aussi bien venir de sources rputes
srieuses que dinternautes mal intentionns. Voici quelques conseils pour mettre en
perspective les informations auxquelles vous tes confronts sur les rseaux sociaux :
1. Identifiez lauteur du message. Qui sexprime ? Sagit-il dun mdia connu, dune
personnalit publique ou bien dun site ou dun internaute dont vous navez jamais entendu
parler ?
2. Partez du principe quune information donne sur le web par un inconnu sans aucune
possibilit de la vrifier vous-mme est a priori plus fausse que vraie.
3. Fiez-vous plutt aux mdias reconnus, aux journalistes et aux experts identifis.
Attention, ne considrez pas pour autant que cela suffit rendre toutes leurs informations
absolument vraies. Tout le monde peut se tromper, de grands mdias aussi.
4. Essayez au maximum de remonter la source de linformation. Beaucoup de messages
qui circulent sur les rseaux sociaux ne disent pas do provient linformation. Dans
labsence de source ou de rfrence prcise quant lorigine dune affirmation (un chiffre,
une anecdote), mieux vaut rester prudent. Mfiez-vous galement des sources indirectes
du type lami dun ami ma dit que
5. Un principe de base est que si plusieurs mdias fiables donnent la mme information en
citant des sources diffrentes, elle a de bonnes chances dtre vraie. A linverse, face une
information non source, le fait de ne pas la retrouver ailleurs invite la plus grande
prudence. Twitter et Facebook permettent dinterpeller des journalistes, vous pouvez tenter
de le faire pour leur poser la question.
6. Vrifiez la date de linformation, image ou vido : sur les rseaux sociaux, il arrive
quune publication ancienne remonte lorsquelle est trs partage. On risque de prendre
comme une nouveaut un fait qui date de plusieurs mois.
7. Une photo ou une vido nest jamais une preuve en soi, particulirement quand elle
vient dun compte inconnu. Elle peut tre ancienne, montrer autre chose que ce qui est dit
ou tre retouche avec un logiciel. On peut le vrifier en entrant lURL de limage sur Google
Images ou sur le site TinEye.
10. Rflchir avant de partager. Cela parat simple, mais cela reste la meilleure rgle :
Rflchir quelques secondes avant de semballer et de partager une rumeur vite bien des
embarras. Il suffit souvent de quelques clics et de quelques recherches pour recouper ou
vrifier une information.
Cas concret :
Le Front national a diffus sur les rseaux sociaux cette image, prsentant le cas dun
agriculteur qui ne vivrait quavec 284 euros par mois, pour opposer sa situation celle des
demandeurs dasile :
Mais en ralit, lagriculteur Pierre nexiste pas. Sa situation a t invente et ce que limage
ne dit pas, cest quil aurait en fait le droit une aide pour que ses revenus soient dau moins
800 euros par mois la retraite.
Comment vrifier une image ou une vido ?
Les vidos et les images qui circulent sur les rseaux sociaux prennent une part de plus en
plus importante dans notre consommation de linformation. Elles posent en revanche des
problmes spcifiques pour arriver prendre du recul puisquelles diffrent largement dans
la forme de larticle traditionnel . Voici quelques conseils pour apprhender ces mdias.
1. Gardez toujours lesprit quimages et vidos ne sont pas des preuves en soi.
Comme tout lment dinformation, ces mdias peuvent tre sujet des interprtations et
des manipulations.
2. Posez-vous des questions sur le contexte. Qui est lauteur de cette photo ou vido ?
O a-t-elle t prise ? A quelle date ? Comment a-t-elle t ensuite diffuse ? Plus les
informations ce sujet seront nombreuses, plus il sera possible de les vrifier et donc de
comprendre de quoi il sagit. A linverse, partez du principe quil est impossible daccorder du
crdit une image en labsence de ces informations.
3. Vrifiez si elle na pas t partage ailleurs avant. I l existe un outil simple de recherche
inverse sur Google pour les images, et un autre similaire dAmnesty international pour les
vidos. Avec ces outils, vous pourrez comparer les informations sur la mme image dans
dautres contextes, pour voir si les versions concident ou non.
4. Nhsitez pas lire les commentaires de la publication. On peut parfois y trouver des
remarques pertinentes, des prcisions, voire une rponse de lauteur de limage.
1. Un groupe obscur qui tire les ficelles. On retrouve souvent dans les thses
complotistes lide selon laquelle tout serait cousu de fil rouge, maniganc lavance et
dans le secret par un groupuscule qui domine le monde (au choix : les Juifs, les Illuminatis,
les Reptiliens etc.), sans en avancer la moindre preuve. Les thories du complot sont
sduisantes car elles offrent souvent une rponse simple et toute faite des problmes
complexes.
3. Les concidences qui deviennent des preuves. Une autre grosse ficelle consiste
utiliser des lments a priori sans incidence comme autant de preuves que tout est
manipul. Par exemple, aprs lattentat de Nice le 14 juillet 2016, une thorie
conspirationniste a prsent les faits comme une tuerie manipule par le Mossad, sous le
simple prtexte quun touriste juif avait film la scne. Il y avait pourtant des milliers de
personnes sur place.
out argument
5. La rhtorique conspirationniste naccepte pas les remises en cause. T
valide qui va son encontre est cart en invoquant le fait quil sagirait dune manuvre de
diversion, dune manipulation tlguide par le groupe occulte dont on parle, voire en
lignorant compltement. Le tout sans jamais rpondre sur le fond du sujet.
ans le cas
6. Parfois, on ne peut pas tout expliquer dans la foule dun vnement. D
dvnements complexes, il faut souvent des jours, des mois voire des annes pour faire la
lumire sur les circonstances prcises. Cela na rien danormal.
7. Attention ne pas voir des conspirationnistes partout. Il existe des dfinitions plus ou
moins larges du complotisme, mais il ne faut pas rduire toute critique ou tout doute exprim
une thorie conspirationniste. Il est tout fait lgitime dinterroger un discours auquel on
est confront, dexiger des explications, des arguments, des preuves. Limportant est
simplement de ne pas inverser les choses, en tirant des conclusions inverses et dfinitives
sans relle preuve.
Comment lire un sondage ?
Plus une lection approche, plus les sondages en tous genres fleurissent pour tenter de
deviner qui en sera le vainqueur. Mais attention : tous les sondages ne se valent pas et, de
faon gnrale, il est bon de les prendre avec des pincettes. Voici nos conseils.
2. Un sondage qui porte sur une lection ou un rfrendum doit prciser, dans sa
notice, la manire dont il a t ralis. Sinon, il contrevient la loi.
3. Une enqute dopinion doit avoir t mene auprs dun chantillon de sonds de
taille raisonnable (au moins 500, plus encore dans lidal). Sinon, sa fiabilit peut tre mise
en doute. Attention : certains sondages portent sur un sous-chantillon (par exemple, les
jeunes ou les lecteurs de droite). Dans ce cas, cest ce sous-chantillon qui doit tre
compos dau moins 500 personnes.
4. Faites attention la manire dont la question est pose. Sil sagit dune question
dopinion (par exemple : Etes-vous favorable ), la question ne doit pas orienter la
rponse.
5. Tenez compte de la marge derreur (elle est en principe prcise dans la notice du
sondage). Si, par exemple, le candidat X est donn en tte face au candidat Y avec 50,5 %
des votes et que la marge derreur est de 3 points, le sondage ne permet pas vraiment de
les dpartager car cela signifie que le score X peut aussi bien tre 47,5 % que 53,5 %. Par
ailleurs, la marge derreur nest pas une donne absolue, il existe de nombreux autres biais
possibles.
6. Souvenez-vous quun sondage nest quune photographie un instant T de lopinion.
Un candidat donn en tte avec 10 points davance trois mois avant llection peut
scrouler. De mme, on peut accorder plus de crdit un rsultat valid par plusieurs
sondages diffrents dans le temps et par des instituts diffrents qu un seul sondage isol.
7. Plus un sondage arrive longtemps avant une lection, moins il est fiable. Cela tient
non seulement au fait que les lecteurs peuvent changer davis entre-temps mais aussi que
les noms des candidats ne sont pas tous connus et que la campagne na pas rellement
dmarr.
Exercices
Voici une srie de cas pratiques pour mettre profit les rflexes dvelopps dans ce guide
pratique. Nous les avons spars en trois parties, en fonction des comptences testes.
Exercice 1. Pour chacune de ces affirmations, indiquez sil sagit dune information ou dun
avis.
b) En perdant en 32e de finale lOpen dAustralie 2017, Novak Djokovic a fait son pire
rsultat dans un tournoi du Grand Chelem depuis 2008 Wimbledon !
Oui - Non
c) Nicolas Sarkozy et Franois Hollande ont chou faire baisser le chmage, qui a
augment entre 2007 et 2012 puis partir de 2012, selon les chiffres de lInsee et Ple
emploi, mme sil a lgrement baiss en 2016.
Oui - Non
Exercice 2. Pour chacune de ces informations, indiquez si elle provient dune source
primaire ou secondaire.
b) Jai entendu dire dun journaliste qui connat trs bien le sujet que Mme Truc sera
candidate llection prsidentielle.
Source primaire - source secondaire
c) Jtais dans la rue, jeudi matin, lorsque jai vu une voiture draper dans un virage et
rentrer dans un mur ct du parking du centre commercial.
Source primaire - source secondaire
d) M. Dupont a dit sur France Info quil compte diminuer les impts.
Source primaire - source secondaire
Exercice 3. Voici deux extraits darticle. Lequel vous parat plutt fiable. Pourquoi ?
a) Lundi matin, sur RTL, la maire de Bordeaux, Stphanie Truc, a t interroge pour
savoir si elle compte poursuivre ou non le projet du grand stade de football. Le chantier de
ce dernier doit commencer dans les mois qui viennent, mais il est trs critiqu : une ptition
sur le site Ptition.com, signe par plus de 50 000 internautes, demande que le projet soit
abandonn car il serait trop coteux.
Je ne peux pas vous dire aujourdhui quelle sera ma dcision, a dit Mme Truc. Nous
allons faire le point sur la situation, pour tre certains que le cot a bien t calcul, afin de
savoir si les critiques sont fondes ou non. Une fois que ce sera fait, nous pourrons trancher
sereinement.
b) Stphanie Truc est visiblement compltement nulle et perdue. Elle nest mme pas
capable de dire si elle est pour ou contre le projet du grande stade de football de Bordeaux.
Elle a dit la radio quelle tait incapable de trancher, parce quelle ny connat rien.
Franchement, cette maire est vraiment incomptente.
B. Comptences : comprendre le circuit dune information, apprendre avoir un
regard critique sur linformation qui circule sur les rseaux sociaux.
Exercice 4. Prenez le temps danalyser ce message qui circule sur Facebook et rpondez
aux questions ci-dessous :
Qui est lauteur du message ? Vous semble-t-il tre une source de confiance pour
parler de cette information ? Pourquoi ?
Que feriez-vous pour essayer de vrifier cette information ?
Exercice 5. Prenez le temps de lire ce message qui circule sur Facebook et rpondez aux
questions ci-dessous.
Qui est lauteur du message ? Vous semble-t-il tre une source de confiance pour
parler de cette information ? Pourquoi ?
Que feriez-vous pour essayer de vrifier cette information ?
Corrections
Exercice 1.
a) Non, il sagit dun avis, sans argumentation.
b) Oui : il sagit dun fait, vrifiable par tous.
c) Oui : il sagit dun fait, vrifiable par tous.
d) Non, il sagit dun avis, sans argumentation.
Exercice 2.
a) Source secondaire : le tmoignage est rapport par un intermdiaire.
b) Source secondaire : linformation est rapporte par un intermdiaire (et la source primaire
nest par ailleurs pas clairement indique).
c) Source primaire : la personne qui parle est celle qui dit quelle a assist lvnement.
d) Source primaire et secondaire : si lon voit la vido de la dclaration de M. Dupont, cest
une source primaire puisque lon a directement accs ce quil dit. Si, en revanche, on vous
raconte ce que M. Dupont a dit, il sagit dune source secondaire puisque ses propos ont
alors t rapports.
Exercice 3.
En principe, larticle a) est le plus factuel, et donc le plus fiable pour sinformer. En effet, il
donne des dclarations prcises de Mme Truc, quon peut vrifier en coutant son interview
sur RTL. La prsentation essaie par ailleurs dtre quilibre, puisquelle prsente aussi les
arguments des opposants au projet de stade. Larticle ne donne pas dopinion, il rapporte
des informations.
Larticle b), lui, est beaucoup plus partial. Il ne donne pas dlment prcis sur ce que dit
Mme Truc, se contentant dapporter des jugements de valeur, avec des qualificatifs trs
catgoriques ( nulle , perdue , ny connat rien ). Impossible, pour qui ne connat
pas le sujet, de connatre ses arguments ou ceux des opposants au stade avec cet
prsentation des faits.
Exercice 4.
Cette information est a priori peu fiable. Dabord, lauteur du message est le prsident de
lUnion des vendeurs de smartphones. Il est donc loin dtre un interlocuteur bien plac pour
parler objectivement de ses tlphones. De mme ltude en question est commande par
son organisation, elle a donc toutes les chances de ne pas tre fiable non plus.
Pour vrifier linformation, on pourrait par exemple chercher ltude en question, pour voir si
elle arrive bien aux conclusions cites par Jean-Michel Bidule. On pourrait aussi chercher si
dautres tudes plus indpendantes arrivent aux mmes conclusions que celles quil cite.
Exercice 5.
Pour vrifier linformation, on pourrait donc aller lire larticle, voir sil est srieux, et chercher
dautres exemples darticles sur cette question pour confirmer cette prsentation des faits.