Document Rambourg
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Pour toute reproduction totale ou partielle de ce texte, la mention du titre et de lauteur doit
tre rappele, de mme que le site de publication.
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Le repas gastronomique des Franais a t inscrit au patrimoine immatriel de lhumanit
(Unesco), en novembre 2010.
3
Jean-Louis Flandrin, LOrdre des mets, Paris, Odile Jacob, 2002, p. 9.
Texte de Patrick Rambourg Le menu du Moyen ge au XXe sicle : tmoin de lhistoire et de la gastro-
nomie publi sur http://patrimoine.bm-dijon.fr/pleade janvier 2012
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Barbara K. Wheaton, Le menu dans le Paris du XIX e sicle , A table au XIXe sicle, Paris,
Flammarion, 2001, p. 97.
5
Patrick Rambourg, Grand souper Ismalia au bal de linauguration du canal de listhme de Suez,
le 18 novembre 1869 , Papilles n 35, Bibliothques gourmandes, ditions Virgile, janvier 2010, p.
55-58.
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Marie Lavandier, Lillustration des menus de llyse , La table llyse. Rceptions officielles
des prsidents depuis la IIIe Rpublique, Milan, 5 Continents ditions, Muse du prsident Jacques
Chirac, 2005, p. 139-167.
7
Nous ne donnons que quelques exemples de Bibliothques.
8
Par le menu Arts de la table et faences de Lorraine, Metz, Bibliothques-mdiathques de la ville
de Metz, 2000.
9
Guillemette Delaporte, Les Menus de la Bibliothque des Arts dcoratifs : une collection
iconographique exceptionnelle , Le patrimoine passe table, (actes du colloque de Roanne, 28-29
septembre 2000), codition ARALD, FFCB, Mdiathque de Roanne, 2001, p. 111-116. Mais la
Bibliothque des Arts Dcoratifs dispose galement dans ses rserves dun ensemble de menus non
colls, en cours de catalogage.
10
25.000 menus couvrant les Etats-Unis et plus de 80 pays, selon le site internet de lInstitut.
11
Miss Frank E. Buttolph (1850-1924) est lorigine de cette collection qui est aujourdhui estime
26.000 pices. Williams Sam P. Guide to the research collections of the New York public library,
American library association, Chicago, 1975, p. 297. Reynaldo Alejandro, Classic menu design from
the collection of the New York Public Library, Glen Cove, NY, PBC International, INC., 1988.
12
La Cornell University Library a hrit de la collection dOscar Tschirky, matre dhtel du Waldorf
Astoria New York de 1893 1943. Elle se compose aujourdhui de plus de 10.000 pices, dont la
plus ancienne est de 1851.
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moins de 6500 menus depuis le milieu des annes 1840 jusqu nos jours, provenant
pour la plupart du milieu nobiliaire13 . Et lon pourrait ainsi multiplier les exemples.
Ces fonds et ces collections montrent lintrt que lon a trs tt port
au menu, comme objet de table. Ds 1867, Jules Gouff tmoigne des collectionneurs qui
remplissent de menus des bibliothques entires . Pour lui ce nest qu une question
de curiosit historique [] qui na que peu de rapport avec la cuisine active et
vivante14 . Le menu est pourtant le reflet des volutions culinaires et des modes
alimentaires, il est la fois souvenir de repas et de vie festive, source historique et
gastronomique.
13
La noblesse table. Des Ducs de Bourgogne aux rois des Belges, Paul Janssens et Siger Zeischka
(eds), Bruxelles, Brussels University Press, 2008.
14
Jules Gouff, Le Livre de cuisine, Paris, Hachette, 1867, p. 336-338.
15
Frdric Godefroy, Dictionnaire de lancienne langue franaise et de tous ses dialectes du IX e au
XVe sicle, Paris, F. Vieweg, t. 5, 1888, p. 245.
16
Ibid., t. 3, 1884, p. 442, et complment p. 523.
17
Livre fort excellent de cuysine tresutille & proffitable, Lyon, Olivier Arnoullet, 1555.
18
Menon, Le Manuel des officiers de bouche, Paris, Le Clerc, 1759, p. 600.
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quils trouveront le plus leur got 19 , crit Marin dans ses Dons de Comus (1739) ;
lauteur proposant galement une carte de menus saisonniers.
Pour Grimod de la Reynire, qui sappuie sur la dfinition du
Dictionnaire de lAcadmie franaise20 de 1762, le menu dun repas est le mmoire de ce
qui doit y entrer21 . Cest tout ce qui sort de la cuisine pour paratre sur la table,
poursuit-il. Lamphitryon et le cuisinier (ou le matre dhtel) avaient auparavant (avant
le repas) discut et compos le menu, le variant selon les saisons. La nomenclature des
mets est l uvre du matre ou de la matresse de maison explique Le Trsor de la
cuisinire et de la matresse de maison (1852). Autrefois, crit lauteur, on ne disait rien
aux convives, mais lorsque sur la table devait figurer une pice remarquable et tout
fait hors ligne, on pouvait en faire mention au bas des billets dinvitation ; on crivait par
exemple, en forme de post-scriptum : il y aura une carpe du Rhin 22 . Parfois des
tiquettes places sur les cloches recouvrant les plats en dsignaient le contenu , mais
ctait semble-t-il assez rare bien que Carme lait mentionne en lapprouvant23 .
Avec les annes 1840-1850 lusage du mot volue : Certains matres
de maison font [en effet] crire le menu de leur dner, dont chaque convive trouve un
exemplaire sur sa serviette24 . La pratique nest pas encore adopte partout, mais la
fin de la dcennie suivante, Jules Gouff approuve lide de mettre la disposition des
convives le dtail exact du dner offert leur dgustation : ils pourront ainsi prendre
leurs dispositions lavance et faire leurs rserves dapptit en raison des diverses
parties du repas dont [ils ont] le plan gnral sous les yeux 25 . Le menu prend peu peu
une autre fonction : il sort de la cuisine pour trouver place sur la table. Linstrument de
travail quil tait devient un outil de la convivialit et de la gastronomie.
Son importance va ds lors grandissante. Auguste Escoffier lui consacre
un livre (1912) avec une diversit dexemples en tout genre, allant des cartes de
restaurant aux menus de banquets, en passant par les repas prsidentiels, impriaux et
royaux. Pour lui, le substantif Menu a deux acceptions bien distinctes : la premire
19
Franois Marin, Les Dons de Comus, ou les Dlices de la table, Paris, Prault fils, 1739, p. 92.
20
On appelle Le menu dun repas, Le mmoire que lon fait de ce qui doit y entrer. Il y aura demain
vingt personnes table, il faut dresser le menu , Dictionnaire de lAcadmie franaise, 1762.
21
Grimod de la Reynire, Manuel des Amphitryons, 1808, Paris Mtaili, 1983, p. 103-107.
22
A.-B. de Prigord, Le Trsor de la cuisinire et de la matresse de maison, Paris, Comptoir des
imprimeurs, 1852, p. 32.
23
Auguste Escoffier, Le Livre des menus, Paris, Flammarion, 1912, p. 7.
24
A.-B. de Prigord, Le Trsor de la cuisinire et de la matresse de maison, op. cit., p. 32.
25
Jules Gouff, Le Livre de cuisine, op. cit., p. 336-338.
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dsigne lensemble des mets et des boissons qui entrent dans la composition dun
repas : cest, en somme, le programme de ce repas . La seconde sapplique galement
la carte, quelles quen soient la matire et la forme, sur laquelle ce programme est
transcrit, et dont un exemplaire est plac, avec le couvert, devant chaque convive 26 .
Pour le Larousse gastronomique de 1938, le menu est une feuille de papier ou un
carton o sont inscrits, dans un ordre dtermin, les noms de tous les mets qui doivent
tre servis, successivement, dans un repas ; runissant dans une mme dfinition les
deux acceptions.
Ainsi le menu a-t-il acquis au cours du temps un sens et un rle
supplmentaires : cest toujours une liste de plats, qui a longtemps servi de plan de
travail aux professionnels de bouche, voire un moyen de prenniser le souvenir dun
repas. Mais cest dsormais un objet de table (individuel ou collectif) qui informe le
convive de ce quil mangera. Le menu peut ds lors signifier un ensemble de plats
composant un repas, un ordonnancement de mets agencs selon un service dfini
lavance, ou un carton gnralement illustr que lon dispose sur la table devant chaque
convive. Au restaurant, il pourra tre une composition de plats constituant un menu
prix fixe tabli lavance, ou une liste de mets tarifs prsents sur une carte (les termes
menu et carte tant bien souvent interchangeables de nos jours) ; le client
confectionnant ds lors son propre menu en choisissant les plats et les boissons quil
souhaite consommer.
Mais le menu est aussi un marqueur dvnements : vnements
familiaux avec les mariages, les baptmes, les communions, etc ; vnements
institutionnels avec les repas dassociations, de confrries, de fraternelles, etc. ;
vnements nationaux avec les repas prsidentiels, les banquets des maires de France 27,
et bien dautres encore.
26
Auguste Escoffier, Le Livre des menus, op. cit., p. 7-19.
27
Patrick Rambourg, Un banquet rpublicain : le banquet des maires de France lexposition
universelle de Paris (1900) , Papilles n 36, op. cit., janvier 2011, p. 53-56.
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convives consommaient les plats qui taient placs au plus prs deux selon leur rang. Le
nombre de squences variait selon limportance du repas, et pouvait aller de deux six,
voire plus, daprs les menus du Mesnagier de Paris. Ainsi le deuxime service dun
menu qui nen comprend que deux ou trois, par exemple, [devait avoir] une fonction tout
autre que le deuxime service dun menu qui en comprend six ou plus34 .
Dans la mesure du possible, on essayait de conserver lpine dorsale du
repas mdival : le trio potages/rts/entremets ou le duo potages/rts 35.
Il tait galement courant demployer diffrents mots pour dsigner les
services (ou squences) des menus mdivaux. Ils sont appeles mets pour le
banquet de monseigneur de La Marche, mais assiette dans dautres menus, tel ce
dner de vingt-quatre mets six assiettes du Mesnagier de Paris ; le mot mets
signifiant ici un plat cuisin. Parfois le mot assiette dsigne le premier service (ou
squence) dun menu, les squences suivantes prenant alors des noms de fonctions :
potage , rt , entremet , desserte , issue , et boute-hors . Si les menus de
la fin du Moyen ge paraissent complexes, la succession des plats suit en ralit un
ordonnancement constituant une tape dans la progression de la crmonie
conviviale36 .
Ce classement des plats par fonction ou catgorie devient la norme des
grands repas ; en tmoignent les menus (noces, banquet et souper) du Livre fort
excellent de cuysine de 1555. Les squences sont appeles services et non plus
assiettes ou mets comme dans les repas mdivaux. Gnralement les menus
souvrent avec les mentions bon pain et bon vin , se poursuivent avec l entre de
table , les potaiges , le rost , le second rost , et selon limportance du banquet,
lentremets , le tiers service de rost , le quart service , le cinquime service , le
sixime service , pour se conclure sur l issue de table (lquivalent de notre
dessert), quelle que soit la variabilit des services. Chaque service se compose dune
diversit de plats comme pour les banquets des XIV e et XVe sicles, mais le got de la
34
Jean-Louis Flandrin, Structure des menus franais et anglais aux XIV e et XVe sicles , Du
manuscrit la table. Essais sur la cuisine au Moyen ge et rpertoire des manuscrits mdivaux
contenant des recettes culinaires, Carole Lambet (dir.), Montral et Paris, Les Presses de lUniversit
de Montral et Champion-Slatkine, 1992, p. 173-192.
35
Bruno Laurioux, Manger au Moyen ge, Paris, Hachette Littratures, 2002, p. 236.
36
Jean-Louis Flandrin et Carole Lambert, ftes gourmandes au Moyen ge, Paris, Imprimerie
nationale, 1998, p. 29 et 31.
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Renaissance nest dj plus celui du Moyen ge : les pices et lacidit tant peu peu
dlaisses au profit des saveurs douces et sucres37.
37
Patrick Rambourg, Sucre et mets sucrs dans les traits culinaires de la fin du Moyen ge au
dbut du XXe sicle , Du sucre, actes de la journe dtudes Le sucre dans la littrature (Pau, 21
janvier 2005), Biarritz, Atlantica, 2007, p. 173-188.
38
Massialot, Le Cuisinier roal et bourgeois ; qui apprend a ordonner toute sorte de Repas en gras &
en maigre, & la meilleure maniere des Ragots les plus delicats & les plus la mode, Paris, Claude
Prudhomme, 1705, p. 2.
39
La Bibliothque de lArsenal a ainsi les menus du Diner de Mesdames au chteau de Bellevue,
du mardi 23 octobre et du jeudi 6 dcembre 1787, reproduits dans Livres en bouche. Cinq sicles
dart culinaire franais, Paris, Bibliothque nationale de France et Hermann, 2001, p. 28-29.
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chacun peut & doit mme les varier sa fantaisie ou leur en substituer dautres selon
son got & son gnie , explique Menon dans ses Soupers de la cour40 (1755).
Les banquets sont des repas rgls quil est important de bien
ordonner. La disposition et le dploiement des plats, o lon tenait compte de la quantit
des mets, de leur varit et de leur couleur, de leur forme, comme de leur symtrie,
avaient une fonction esthtique. Lharmonie des plats prsents offrait un coup dil
apprci des convives. La mise en scne de la table et le service des mets demandaient
une prparation minutieuse. Ctait la charge du matre dhtel. Il dressait ainsi un plan
de table pour mieux visualiser la disposition des convives, lagencement des plats et le
droulement du service.
Dans son Nouveau trait de la cuisine, avec de nouveaux desseins de
tables et vingt-quatre menus41 de 1739, Menon propose une srie de menus allant du
mois de janvier au mois de dcembre. Outre les couverts, la liste des mets et le nombre
des services composant les repas, les menus sont gnralement accompagns dun plan
de table. Ils permettent de comprendre le placement des plats, et de voir la forme des
tables qui peut tre ovale, octogonale, carre, rectangulaire, ou en fer cheval pour un
banquet de 80 couverts, daprs les planches illustrant louvrage.
Prenons lexemple dune table de vingt-cinq couverts servie au mois de
janvier lheure du souper. Le menu est compos de plus de cent vingt plats distribus
en quatre services. Sur le milieu de la table rectangulaire trne un surtout et deux
pots de fleurs. Les plats, de tailles et de formes varies (ronds, ovales, carrs), sont
disposs de part et dautre du surtout et sur toute la surface de la table. Il doit y avoir
un tel ordre, que chacun puisse prendre ce qui conviendra son appetit, & que ceux
qui serviront ne soient contraints en rien & nincommodent personne en servant ou
desservant, qui est une chose fort desagreable, & qui neanmoins narrive que trop
souvent , prcise Massialot42.
Dans les menus de cette poque, qui sont avant tout des matriaux de
travail, lemplacement des mets est souvent indiqu pour aider les serviteurs disposer
les plats sur la table. Ainsi le premier service du menu de Menon est-il compos de
40
Menon, Les Soupers de la cour, ou lart de travailler toutes sortes dalimens, pour servir les
meilleures Tables, suivant les quatre Saisons, Paris, Guillyn, t. 1, 1755, p. XI.
41
Menon, Nouveau trait de la cuisine, avec de nouveaux desseins de tables et vingt-quatre menus,
Paris, Michel-Etienne David, 1739, t. 1, p. 1-8.
42
Massialot, Le Cuisinier roal et bourgeois, op. cit., p. 2.
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Deux grosses Entres ct des pots fleurs , de deux pots Ouille aux deux
bouts , de deux pots Ouilles aux deux flancs , de quatre hors-duvres de
Ptisserie, aux quatre coins des flancs , de quatre hors-duvres de Boudinailles aux
quatre coins de la Ptisserie , de quatre potages aux quatre coins des Boudinailles ,
de quatre hors-duvres aux quatre coins des potages , de quatre hors-duvres
pour renfermer les deux & troisime filets , de douze hors-duvres dHutres en
dedans de la Table .
Comme Pierre de Lune, dans son Nouveau et parfait maistre dhostel
royal43 (1662), Menon donne un numro aux intituls des mets, qu'il reporte
lemplacement des plats dessins sur ses plans de table, afin de faciliter la tche du
personnel de salle qui sait ainsi comment se positionnent les mets sur la table.
43
Pierre de Lune, Le Nouveau et parfait maistre dhostel royal, enseignant la maniere de couvrir les
Tables dans les Ordinaires & Festins, tant en Viande quen Poisson, suivant les quatre Saisons de
lAnne. Le tout reprsent par un grand nombre de Figures, Paris, Estienne Loyson, 1662. Voir la
Table longue six bassins, & quatre assiettes , p. 26-27.
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chauds, pour relever les Salades44 . Ou encore ce menu pour une Table de quinze
seize Couverts pour un Dn servi quinze. Pour le milieu, un Boudin dun Quartier de
Veau de devant ; deux Entres pour le fil de la Table ; deux Potages dans deux Pots
Oille pour les bouts de la Table ; deux Terrines pour les flancs, huit Hors-duvres ; huit
Entres pour relever les huit Hors-duvres, servies dans quatre Plats festons ; quatre
Caisses pour les coins de la Table45 .
Outre la saisonnalit, les jours maigres et les jours gras, les repas
taient parfois organiss autour dun principal ingrdient ; comme le menu en
racines de Massialot46, ou les menus tout en buf , tout en veau , tout en
mouton , tout en cochon , tout en ufs de Menon47. Mais le lourd crmonial du
repas dapparat commenait lasser les lites des Lumires. Le Rgent mit la mode le
souper intime : une runion prive, conue sur une petite chelle, qui se droule dans
une atmosphre de libert trs tudie, sans lombre dun thme iconographique ou dun
message politique48 . La salle manger contribue cette volution. Dans les annes
1730, Louis XV en fait installer deux dans ses Petits Cabinets de Versailles pour
sloigner du rituel des repas publics 49. A Choisy il ramnage celle du Chteau Vieux et
en installe une nouvelle dans le Chteau Neuf pour y souper avec ses proches, comme en
tmoignent les recueils de Brain de sainte-Marie.
44
Vincent La Chapelle, Le Cuisinier moderne, qui apprend donner toutes sortes de repas, La Haye,
1742, dition Daniel Morcrette, 1984, t. 1.
45
Vincent La Chapelle, Le Cuisinier moderne, op. cit., t. 5.
46
Massialot, Le Cuisinier roal et bourgeois, op. cit., p. 74.
47
Menon, Les Soupers de la cour, op. cit., t. 1, p. 54-62.
48
Barbara K. Wheaton, LOffice et la bouche. Histoire des murs de la table en France, 1300-1789,
Paris, Calmann-Lvy, 1984, p. 241.
49
Patrick Rambourg, Histoire de la cuisine et de la gastronomie franaises, Paris, Perrin (coll.
Tempus), 2010, p. 169-172.
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pas destins aux officiers qui prparaient les soupers 50 . Ils avaient une fonction
mmorielle, et pouvaient avoir une forme rectangulaire ou ronde.
Les premiers, qui taient gnralement calligraphis, annoncent les
menus illustrs du sicle suivant ; les seconds, qui taient rarement dcors, avaient un
dispositif de dvoilement du repas (par service) grce un cache que lon faisait
tourner. Les convives prenaient alors connaissance des plats quils allaient consommer.
Le recueil conserv la Bibliothque historique de la Ville de Paris
couvre les annes 1747-174851, du 86e voyage au 103e voyage.
Il informe (comme les autres recueils) des appartements occups par le
roi, par Mme de Pompadour, sa favorite, et par les personnalits de la cour. A chaque
voyage correspond une srie de menus dats. Ce sont des soupers, part un
mdianoche (17 fvrier 1748) qui est un repas servi au milieu de la nuit, aprs un
bal, et plus particulirement dans le passage dun jour maigre un jour gras . Pour le
86e voyage du roi, Brain de Sainte-Marie rfrence six soupers allant du samedi 7 janvier
au jeudi 12 janvier 1747. La structure du repas se compose de 2 Terrines, 2 Oilles, 2
Potages, ENTREES, 2 Grosses Pices, 2 Relevs, 2 Grands Entremets, 2 Moyens, ROST, 12
ou 16 Petits Entremets , et volue lgrement selon la saison.
Le 8 fvrier 1747 fut servi un grand souper dans la galerie du chteau
pour fter larrive de Madame la Dauphine. Sur le milieu de la table du roi (46 50
couverts) tait plac un dormant qui reprsentait Hb desse de la jeunesse qui
lamour rendait les armes . Le menu est trs impressionnant et se compose de 10
Grandes Entres, 12 Terrines, 12 Oilles, 12 Relevs des Oilles, 4 Petites Oilles devant le
Roi, 48 Entres, 4 Relevs des Petites Oilles. Second Service, 10 Grands Entremets pour
relever les Grandes Entres, 12 Moyens Entremets pour relever les Terrines, 12 Moyens
Entremets pour relever les Oilles, 24 Plats de Rost, 24 Salades, 48 Petits Entremets pour
relever le rost et les salades . Cest un repas officiel et exceptionnel qui se dmarque des
autres repas qui se tenaient dans la salle manger.
Car Choisy, Louis XV venait oublier sa royaut et la faire oublier aux
autres52 , et cest en petit comit (vingt trente personnes en moyenne) quil y gotait
50
Claire Josserand, Les soupers de Louis XV et les menus de Choisy, mmoire dtude (1re anne de
2me cycle) sous la direction de Batrix Saule, Ecole du Louvre, 2008, p. 16.
51
BHVP (Ms 681). Un recueil se trouve Chantilly, trois recueils Versailles et trois autres la BnF.
52
P. De Lacroix, Le Chteau de Choisy. La ville de Choisy-le-Roi, Thiais, Orly, Villeneuve, Ivry et Vitry.
Etudes historiques et monumentales, Paris, Dumoulin, 1867, p. 27.
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Frres, Restaurateurs, Maison Egalit, n 83 . Le prix fixe des mets est donn pour
une personne, les plats et les vins sont classs par colonne. On y trouve notamment la
catgorie des potages ( au vermichel ou la julienne ou aux choux , par
exemple) ; celle des entres de poissons comme la morue la matre-dhtel ou le
tronon danguille la tartare ; celle des rots et salades avec le veau rti chaud
ou en gele ou la salade de laitue aux anchois ou aux ufs durs , entre autres ; celle
des entremets , dont l omelette aux fraises ou seulement au sucre ; celles des
desserts , des vins rouges et blancs et des liqueurs .
Nombre dtablissements emploient ces menus-cartes, comme le
montre Honor Blanc dans son Guide des dineurs ou statistique des principaux restaurans
de Paris (1814), o sont rpertories pas moins de 21 cartes de restaurants qui
jouissent dune rputation honorable . Il sadresse celui qui voudrait choisir au coin
de son feu, avant de sortir de chez lui, lendroit o il dnera, connatre la composition de
son repas et ce qui lui en cotera pour satisfaire le premier, le plus naturel, et le plus
durable des besoins65 . Le client peut galement choisir ses plats partir dune carte
prsente table, comme au Caf de Paris , situ langle du boulevard des Italiens et
de la rue Taitbout. Ayant la forme dun petit livret, la carte 66 (des annes 1830-1850)
fonctionne comme un rpertoire avec des signets correspondant une catgorie de
plats : potages, hors-duvre, entres de buf, entres de veau, entres de mouton,
entres de volaille, ptisserie et gibier, poisson, rots, entremets, ufs et entremets
sucrs, dessert, vins rouges, vins, cafs et liqueurs. Ch. Paul de Kock tmoigne de cette
volution dans Les restaurants et les cartes de restaurateurs (1834) :
Maintenant, au lieu dune grande pancarte incommode tenir, et sur
laquelle lil ne trouvait pas facilement ce quil cherchait, les restaurateurs ont de petits
carnets o chaque genre est class part, et par ordre alphabtique. Cette nouvelle
espce de carte est infiniment prfrable lancienne. Voulez-vous du chevreuil ? Vous
ouvrez le livre aux entres de gibier ; l, vous trouvez le chevreuil sous dix formes
diverses, vous navez plus qu choisir celle qui flatte votre apptit. Dsirez-vous un plat
friand ? Vous mettez le pouce sur les entremets sucrs, et vous navez pas la peine de
chercher une croquette de riz ou une charlotte parmi les pinards et les macaronis. []
65
[Honor blanc], Le Guide des dineurs, ou statistique des principaux restaurans de Paris, Paris, Chez
les Marchands de Nouveauts, 1814, p. 1-2.
66
Cette carte est la BHVP.
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Entrez au caf Anglais, au caf de Paris ; prenez une carte, et dites-moi si jadis elles
offraient cette varit, cette infinit daccommodemens !... rien que pour les ctelettes de
mouton, vous trouverez une demi colonne de prparations. 67
Un menu du mme type 68 imprim Nantes (1857) est appel carte
du jour , pour des salons de 2 40 couverts et des diners et djeuners de 5 25
francs par tte, compris ou non compris le vin, avec menus faits lavance . Les
personnes qui occupent les Salons, sont pries dcrire leur dner, afin de ne pas
prouver de retard , et la clientle de commander lavance les Gratins et les Souffls
pour ne pas attendre . Mais il ne suffit pas de savoir manger un bon dner, il faut aussi
savoir le commander et ne pas se laisser blouir par les cartes de restaurateurs, [car]
ce nest point une connaissance futile que celle des cartes de restaurateurs, [] cest un
talent plus rare quon ne [le] pense 69 , explique encore Ch. Paul de Kock. La lecture
dune carte de restaurant demande en effet un minimum de connaissance pour ne pas se
laisser blouir par les appellations et le nombre des mets, et viter une facture trop
leve la fin du repas, comme le dcouvre Lucien de Rubempr au terme dun dner
chez Vry (Illusions perdues de Balzac), avant de sorienter vers les restaurants prix
fixe.
Ces tablissements sadressent une clientle moins fortune que celle
des restaurants la carte. Ils suscitent lintrt gnral des contemporains70 qui
peuvent y manger un bon repas pour une somme modeste. Le menu prix fixe
dtermine sa composition. Pour un dner 2 francs, servi la fin des annes 1820 au
restaurant de M. Follet au Palais Royal, le client consomme du pain discrtion, une
demi-bouteille de vin de Bourgogne ou de Chablis, quatre plats au choix et un dessert.
Pour 50 centimes de plus, une bouteille de vin de Mcon, de Bordeaux ou de Chablis
premire qualit ; et une demi-tasse de caf et un petit verre deau-de-vie de Cognac
sil ajoute 40 centimes. Le djeuner 1 franc 50 propose un plat de moins que le dner
2 francs, ou deux plats et une tasse de caf la crme, ou une tasse de chocolat. On
peut remplacer son vin par un th. Pour 2fr. on a une bouteille de vin rouge ou blanc. On
67
Ch. Paul de Kock, Les restaurants et les cartes de restaurateurs , Nouveau Tableau de Paris au
XIXe sicle, Paris, Librairie de Mme Charles-Bchet, 1834, T. 4, p. 85-86.
68
BnF (FOL-WZ-861).
69
Ch. Paul de Kock, Les restaurants et les cartes de restaurateurs , op. cit., p. 80.
70
Jean-Paul Aron, Essai sur la sensibilit alimentaire Paris au 19 e sicle, Cahiers des Annales n 25,
Paris, Armand Colin, 1967, p. 24.
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peut remplacer ses plats, soit par une demi douzaine dhutres, ou deux petits hors-
duvre, ou une demi-tasse de caf, ou un verre de liqueur, ou un verre de vin de
Grenache, muscat, Lunel, Frontignan, ou toute espce de dessert , explique Csar
Gardeton dans son Nouveau guide des dineurs ou rpertoire des restaurants la carte ou
prix fixe71 (1828).
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juillet78. Les mets sont classs par catgorie et rpartis sur deux colonnes correspondant
au premier et au second service. Le troisime service, celui du dessert, tant prsent
la suite des deux colonnes.
78
BM de Dijon (M III 14). Patrick Rambourg, Un banquet servi la franaise le 16 juillet 1846 ,
Papilles, op. cit., p. 65-68.
79
Urbain Dubois et mile Bernard, La Cuisine classique, op. cit., p. VIII.
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21
80
Jules Gouff, Le Livre de cuisine, op. cit., p. 335.
81
Urbain Dubois et mile Bernard, La Cuisine classique, op. cit., p. IX.
82
Patrick Rambourg, Service la franaise et service la russe dans les menus du XIX e sicle , La
noblesse table. Des Ducs de Bourgogne aux rois des Belges, op. cit., p. 45-51.
83
Ange Sautel, Manuel-annuaire de la cuisine franaise. Les Menus dAix-les-Bains suivi du nouveau
service de table, Aix-les-Bains, 1886, p. 7-8.
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qui prnait la fusion des deux systmes , les convives ne sinformeront gure, sans
doute, sils sont servis plus particulirement la franaise qu la russe. Ce quil
reconnatront, jose laffirmer, cest que le dner quon leur prsente ralise les points les
plus essentiels de lart culinaire 84 . On ne peut que le constater la lecture du menu du
dner85 quil servit au Palais des Tuileries, Napolon III et lImpratrice Eugnie le 12
novembre 1862 :
84
Jules Gouff, Le Livre de cuisine, op. cit., p. 336.
85
BM de Dijon (M II 23).
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23
La grammaire du menu
86
Jules Gouff, Le Livre de cuisine, op. cit., p. 337.
87
Auguste Escoffier, Le Livre des menus, op. cit., p. 7.
88
Urbain Dubois et mile Bernard, La Cuisine classique, op. cit., p. 2.
89
Jules Gouff, Le Livre de cuisine, op. cit., p. 337.
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potage li , lorsque le repas comporte deux potages ; prvoir des viandes brunes et
des viandes blanches ; des volailles et des gibiers ; des sauces brunes et des sauces
blondes ou blanches . Il est galement important dviter les rptitions de
garnitures , lexception des champignons et des truffes. Le menu doit aussi
sharmoniser avec ltat desprit des amphitryons et des convives, sen inspirer, le
reflter mme . Car un dner de gala diffre dun dner daffaire, un dner dartiste de
celui dune premire communion, etc. Le menu doit tre en accord complet avec le
genre, la classe, les habitudes des personnes auxquelles le Dner doit tre servi . On
vitera les mets lourds, pics ou de composition inusite et bizarre et on fera place
aux entres lgres, aux entremets fins, aux glaces dlicates, aux desserts de choix si
les dames y sont nombreuses. Pour un dner dhommes, le Menu devra tre plus
substantiel [et] les mets plus relevs avec par exemple des gibiers dun fumet plus
marqu 90.
A Paris, crit la Baronne Staffe dans ses Rgles du savoir-vivre dans la
socit moderne (1891), le menu est plutt dlicat et vari quabondant : dans quelques
provinces, la campagne, cest le contraire, mais tout dpend des ressources des lieux, le
plus souvent91 . Avec le XXe sicle la tendance au menu court se confirme : l o le
temps est limit, le Menu doit galement ltre . Les convives pourront le dguster sans
hte et lapprcier dautant plus que la vie trop active ne nous permet pas daccorder
aux plaisirs de la table les longues heures que nos pres avaient coutume dy
consacrer , explique Escoffier92. Ainsi, le menu du dner offert par la presse bordelaise
Charles Monselet, le 17 septembre 1876, na pas moins de treize plats, alors que le menu
du 39e dner de G. de Mortillet, servi le mardi 15 mars 1910, ne se compose que de sept
plats environ (voir iconographie page 38)93.
Peu peu se mettent galement en place des usages dans lcriture du
menu. Car sa rdaction nest pas aussi aise quon pourrait le penser. Lemploi des
genres singulier et pluriel est bien souvent problmatique et peut devenir un vritable
casse-tte. La rgle communment admise est demployer le singulier : lorsque lon
crit sur un Menu : Saumon, Turbot, Chapon, Faisan, etc., quel que soit le nombre ou la
90
Auguste Escoffier, Le Livre des menus, op. cit., p. 8.
91
Baronne Staffe, Usages du monde. Rgles du savoir-vivre dans la socit moderne, 1891, Paris,
Tallandier (Texto), 2007, p. 153.
92
Auguste Escoffier, Le Livre des menus, op. cit., p. 10.
93
Les deux menus sont la Bibliothque des Arts dcoratifs.
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quantit de ces produits quon ait en vue, cest du Saumon, du Turbot, du Chapon, du
Faisan, etc., qui sera servi. Que les convives soient deux ou mille, cela ne change
absolument rien la nature, lespce de la marchandise servie.94 Mais il est convenu
de garder les ingrdients au pluriel qui scrivent habituellement ainsi, comme les petits
pois, les haricots verts, les lentilles, les petits oignons, les pinards, etc.
A certaines prparations culinaires peuvent nanmoins convenir les
deux formes ; notamment les quenelles que lon met au pluriel lorsquon les emploie en
garniture ( consomm aux quenelles de volaille , vol-au-vent aux quenelles de
brochet ), ou au singulier lorsquil sagit dun mets principal ( quenelle de sole au
coulis dcrevisse , quenelle de faisan aux truffes ). On retrouve ces deux cas avec le
perdreau aux choux et le chou brais , le poulet saut aux champignons et le
champignon grill . Comme lcrit Auguste Escoffier : les garnitures tant supposes
parties (comme elles le sont, en effet, gnralement) prennent presque toujours le
pluriel ; les mmes produits servis sous une autre forme, comme mets, cest--dire
reprsentant un entier, un tout, un lment principal, prennent au contraire le
singulier95 .
Si ces principes contribuent une meilleure cohrence rdactionnelle
des menus, ils ne semblent pas toujours connus ou appliqus : la cacophonie du singulier
et du pluriel na pas totalement disparu, sans parler de lemploi de la majuscule bien
souvent injustifi. A un souper (dcembre 1913) du restaurant Larue 96, clbre
tablissement parisien dirig par le chef Edouard Nignon, les mets du menu sont
prcds darticles : Le Caviar Frais et Press , Les Mignons de Caille Rgence ,
Les Coquilles de Foie Gras de Chez Larue , etc. A un djeuner du 2 juin 1956 97, servi
Hostellerie du Change Nantes, le menu est ainsi rdig : Truites la Hussarde ,
Filet de Buf Descartes , Petits Pois de Chantenay la Bretonne , Coupes de
Fraises la Crme . Et au djeuner offert par Monsieur le Prsident de la Rpublique
et Madame Valry Giscard dEstaing loccasion de la rception de Monsieur Paul
Bocuse dans le grade de Chevalier de la Lgion dHonneur (25 fvrier 1975)98, repas
organis par Paul Bocuse, Pierre et Jean Troisgros, Michel Gurard et Roger Verg,
94
Auguste Escoffier, Le Livre des menus, op. cit., p. 15.
95
Ibid., p. 17.
96
Menu de la Bibliothque des Arts dcoratifs.
97
Collection personnelle.
98
BM de Dijon (M IV 14).
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quatre mets du menu sont crits sans articles ( Soupe de truffes , Escalope de
Saumon de Loire loseille , Canard Claude Jolly , Fromages ) et deux avec
articles : Les petites salades du Moulin et Les desserts .
Djeuner offert l'occasion de la rception de Paul Bocuse dans le grade de Chevalier de la Lgion d'Honneur par Valry
Giscard d'Estaing, 25 fvrier 1975. Palais de l'Elyse, Paris. M IV 14. BM Dijon
99
Yvonne Verdier, Faons de dire, faons de faire. La laveuse, la couturire, la cuisinire, Paris,
Gallimard, 1979, p. 279.
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Les menus de la Socit des Amis des Livres en sont un bel exemple.
Les membres de la Socit se retrouvaient rgulirement des dners au Caf de la
Paix , Chez Larue , ou au domicile du prsident de lassociation, Henri Beraldi (1901-
1931). Les menus taient illustrs soit leau-forte en noir ou en couleurs, soit sur bois
en noir ou en couleurs , par de grands illustrateurs des annes 1900-1930 100. Citons,
entre-autres, Jacques Villon, Steinlen, Picart Le Doux, J.E. Laboureur, etc. Il en est de
mme de bien dautres associations ou socits, telle la Compagnie de la Belle Table ,
fonde en avril 1947 par Georges Villa, avec le soutien de Curnonsky. Les membres se
retrouvaient sept fois par an autour dun dner de haute qualit une grande table
parisienne. A chaque repas tait dit un menu grav sur cuivre, sur bois ou
lithographi, uvre dun artiste de renom . Le centime et dernier dner se droula
chez Maxims le 1er dcembre 1966101.
La publicit sempare galement des menus. Les industries agro-
alimentaires expdient aux restaurateurs leurs fonds de cartes illustres leffigie de
leur maison102 . Dans un premier temps se sont les produits ayant un rapport direct
avec lart de la table ou la confection de plats, commencer par les marques de
champagnes, vins et spiritueux ; les marques de potages, de biscuits et de chocolat
puis viennent le linge de maison, les crmes de beaut et beaucoup dautres 103 .
Nombre de bibliothques disposent de menus publicitaires dans leurs collections ;
notamment la Bibliothque Forney et la Bibliothque des Arts dcoratifs Paris, ou
encore la Bibliothque municipale de Dijon.
Cette dernire a une belle srie de menus publicitaires de la Socit
Bndictine de Fcamp, allant de 1898 1903 104. Quatre thmes iconographiques y sont
abords : le premier correspond des repas des poques antrieures, avec, par exemple,
les mousquetaires prenant un djeuner champtre tout en buvant de la Bndictine, ou
100
Grard Oberl, Les Fastes de Bacchus et de Comus, Paris, Belfond, 1989, p. 486. On peut y voir
des illustrations de menus de la Socit des Amis des Livres .
101
Michle Tampieri, Par le menu Arts de la table et faences de Lorraine, op. cit., p. 59-60. La
bibliothque municipale de Metz dispose dun ensemble de 97 menus de la Compagnie de la Belle
table , du 4 juin 1947 au 2 fvrier 1966.
102
Zeev Gourarier, Le sicle des gastronomes , A Table au XIXe sicle, op. cit., p. 128.
103
Philippe Mordacq, Le Menu. Une histoire illustre de 1751 nos jours, Paris, Robert Laffont, 1989,
p. 117.
104
BM de Dijon (M IV 300), (M III 634) (M III 636-644), (M III 657-664), (M III 668), (M III 670-671).
Illustration page (cote M III 420)
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29
105
Cit dans Michle Tampieri, Par le menu Arts de la table et faences de Lorraine, op. cit., p. 93.
106
Auguste Escoffier, Le Livre des menus, op. cit., p. 154.
107
Patrick Rambourg, Histoire de la cuisine et de la gastronomie franaises, op. cit., p. 19-20.
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mis face aux ralits du ravitaillement que les ruraux 108 . Les premires cartes
dalimentation pour le pain, la viande et le fromage apparaissent le 23 septembre 1940,
et prs dun mois plus tard les Franais sont classs par catgorie en fonction de leur ge
et de leur travail pour les cartes de rationnement. On pouvait recevoir entre 100 et 350
grammes de pain par jour, selon la position que lon occupait dans ce classement (les
travailleurs de force bnficiant, par exemple, de rations plus importantes).
Mais la guerre et lOccupation sinstallant dans la dure, la situation des
rations alimentaires des Franais se dgrade rapidement. On peut aisment le constater
en analysant les cartes du restaurant Leprince , conserves la Bibliothque
historique de la Ville de Paris. Elles couvrent lensemble dune priode qui commence
avant la guerre et qui se prolonge encore deux ans aprs la capitulation allemande,
davril 1939 aot 1947, avec bien souvent des ruptures de plusieurs mois dans la
continuit des dates, ce qui nenlve en rien lintrt de cette srie qui permet de suivre
la dgradation progressive des conditions de vie des Parisiens au travers dun
restaurant.
Carte, 30 aot 1939. Restaurant Leprince, Paris. BHVP. Crdits photo Bi-
bliothque historique de la Ville de Paris / Cl. R. Smah / Actualits, 77.
108
Eric Alary, Bndicte Vergez-Chaignon, Gilles Gauvin, Les Franais au quotidien 1939-1949, Paris,
Perrin (coll. Tempus), 2009, p. 155.
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31
109
Lapin saut aux champignons , coq au vin , rble de lapin cocotte champignons ,
caneton rti petits pois , poularde la normande , poule au riz sauce suprme , poulet rti
cresson , poulet froid mayonnaise , foie gras naturel .
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32
110
Paris-Soir, samedi 27 avril 1940.
111
Paris-Midi, lundi 3 mars 1941.
112
Le lgislateur dfinit 4 catgories de menus 4 tarifs : 1re catgorie de 35 francs 10 50 francs ;
2 catgorie de 25 francs 10 35 francs ; 3e catgorie de 18 francs 10 25 francs ; 4e catgorie 18
e
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33
113
Art. 8 : Le menu doit comporter la dsignation ou la valeur du ou des tickets de consommation
remettre par le client, en vertu de larticle 32 . Montant maximum : viande : 90 grammes. Fromage :
20 grammes. Matires grasses : 10 grammes pour les repas servis avant 15 heures et 5 grammes
pour les repas servis partir de 15 heures. Codification de la restauration des restaurants ,
Journal officiel de lEtat franais, mercredi 7 mai 1941.
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34
114
Raymond Oliver, Art et magie de la cuisine, Paris, del Duca, 1957, prface.
115
Patrick Rambourg, Histoire de la cuisine et de la gastronomie franaises, op. cit., p. 280-282.
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sont aussi trs apprcies ; Dumaine Saulieu les fait de brochet et en timbale 116,
Le Pr aux Clercs Dijon propose La Timbale de Quenelles Dijonnaise en
accompagnement des Dlices de Sole au Meursault (menu du 23 dcembre 1952) 117.
116
Claude Fischler, LHomnivore, Paris, Odile Jacob, 2001, p. 253-257.
117
BM de Dijon (M III 620).
118
Raymond Oliver, Art et magie de la cuisine, op. cit.
119
Henri-Paul Pellaprat, LArt culinaire moderne, Morat, Editions Patriotiques, p. 65 et 77.
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entre chaude avec garniture (homard souffl normande et riz crole), dun plat de
rsistance avec garniture (tournedos Cendrillon avec des pommes de terre gaufrettes),
dune salade (salade grenobloise) et dun dessert (mandarines givres et tuiles
dentelles)120.
Dans le mme temps la minceur commence devenir une
proccupation majeure. Un magazine comme Elle propose [] des recettes et des
menus sains et lgers accompagns du dcompte des calories 121 . Edouard de Pomiane
y tiendra une rubrique sur la cuisine. En 1948, il avait rdit son ouvrage des annes
1920 : Bien manger pour bien vivre. Il met en garde contre ces menus obligatoires qui
ne sont jamais appropris la psychologie des htes qui les subissent . Pour lui, le
menu doit tre lexpression du got moyen [des] invits , cest--dire un got
commun qui reprsente la moyenne de ce quils aiment et que lon peut caractriser
par un plat qui deviendra le point culminant du menu. A table, on y arrive par une
courte srie de prparations qui tendent faire ressortir la valeur de cet apoge . On
termine par une trs courte srie de mets qui estompent la trop bonne impression quil
a laisse en nous 122.
Le souci dittique devient un lment constant des dcennies
suivantes. Il nest pour autant pas question de droger aux plaisirs de la table : la
nouvelle cuisine des annes 1970-80 se veut lgre tout en tant gourmande, elle
cre un nouvel art de vivre pour lhonnte homme daujourdhui et de demain 123 .
Elle sinscrit dans une socit o les Franais sont de plus en plus attachs leur bien-
tre. La gastronomie nest plus seulement considre comme une affaire de got et de
convivialit ; mais aussi comme une affaire de sant qui nentrave en rien la plnitude
culinaire. Lpurement des repas tmoigne de cette volution, comme le montrent les
menus du restaurant Le Pr aux Clercs de Dijon :
120
BM de Dijon (M III 826).
121
Stephen Mennell, Franais et Anglais table du moyen ge nos jours, Paris, Flammarion, 1987,
p. 362.
122
Edouard de Pomiane, Bien manger pour bien vivre, Paris, Albin Michel, 1948, p. 95-99.
123
Michel Gurard, La Grande cuisine minceur, Paris, Robert Laffont, 1976, p. 13.
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Conclusion
BM de Dijon. Les menus du 2 avril 1980 (M III 626), 8 janvier 1983 (M III 627), 24 janvier 1991 (M II
125
556).
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surtout une archive et un tmoin de lhistoire depuis le Moyen ge jusqu nos jours, o
lon retrouve toute la socit dans ses dimensions politique, sociale et culturelle, mais
aussi notre mmoire collective et individuelle.
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