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Le Courage Management

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Le courage

des leaders

Les auteurEs D’ailleurs, le Conference Board of Canada (2001) reconnaît ce


fait lorsqu’il décrit ainsi les qualités que devra avoir le leader de
Michelle Harbour et Veronika Kisfalvi 2010 : tolérance au risque, sensibilité et ouverture, leadership
de délégation et propension à gérer des enjeux difficiles envers
les personnes. L’expression «le leader doit faire preuve de
courage!» se pose alors comme une évidence si on conçoit le
leadership comme une double compétence de prédilection
pour faire face aux difficultés et aux risques. Malgré le flou qui
entoure ces deux compétences, il semble exister une grande
«Le courage est la principale qualité de l’humain,
proximité entre elles.
car elle garantit toutes les autres.»

Winston Churchill

Q
u’ont en commun Platon, Aristote, Jean XXIII,
George W. Bush, Bill Clinton, John F. Kennedy et,
plus près de nous, Stephen Jarislowsky? En fait,
tous accordent au courage une importance majeure
dans la prise de décision risquée ou difficile, mais
avec des visions différentes : courage des nations, courage
des dirigeants, courage de s’opposer, courage d’avoir un com-
portement éthique. À travers les époques, le courage a tou-
jours été un mot clé dans les discours et les écrits pour mettre
en exergue les attentes envers les décideurs. Or, le courage
n’est pas l’apanage des décideurs. Il est utilisé à toutes les
sauces, que ce soit le courage politique, le courage amoureux,
le courage de diriger, le courage d’être soi, le courage héroï-
que, le courage de ses idées, le courage de dire, le courage
d’affronter la douleur, la maladie, etc.
À la fois concept flou et concept fétiche en communica-
tion, le courage dans le domaine de la gestion s’inscrit dans un
contexte où l’incertitude est décuplée par l’impact qu’exer-
cent les technologies de l’information. Le leader d’aujourd’hui
doit donc composer avec davantage de risques qu’auparavant.

Notre étude exploratoire avait pour objectif de mieux com-


Michelle Harbour est professeure au département des sciences
administratives de l’Université du Québec en Outaouais. prendre le courage à travers la conception même de leaders
Veronika Kisfalvi est professeure à HEC Montréal. du monde des affaires. Cinq directeurs généraux qui ont agi à
titre de leaders dans des fusions de caisses Desjardins ont

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participé à cette étude sur la conception du courage de diriger fois décrit comme une habileté à entreprendre des actions
en contexte de fusion d’entreprises. Fervents promoteurs de d’importance qui mèneront au succès de l’entreprise, voire de
la fusion, ceux-ci étaient bien conscients dès les débuts du pro­ la carrière du leader (Reardon, 2007).
jet que leur emploi, voire leur carrière, était en jeu. Les résul-
En plus d’être considéré comme un trait du leadership, le
tats ont montré qu’ils conçoivent le courage de diriger comme
courage est présenté comme une action, un comportement ou
une décision morale qui s’exprime dans l’action et que le lea-
un processus composé de plusieurs étapes, par exemple se
dership, la confiance, un ego fort et une préoccupation pour
fixer des buts atteignables, évaluer le risque en fonction des
les intérêts organisationnels constituent ses déterminants. En
bénéfices et établir des plans de contingences (Klein et Napier,
contrepartie, le courage de diriger favorise le leadership, la
2003). En prenant en compte des éléments de peur, de risque
confiance et le renforcement de l’ego, tout en permettant
et d’incertitude, quelques auteurs voient dans le courage un
d’assurer les intérêts organisationnels ainsi que l’avancement
calcul du risque, une délibération et une préparation soignée
de la carrière. En fait, ces leaders ont compris le courage de
ou encore un pari intelligent. Ces auteurs maintiennent que le
diriger comme un concept où s’entrecroisent des compéten-
courage peut s’apprendre et s’acquérir par la pratique, sur une
ces de gestion et des intérêts organisationnels et personnels.
certaine période de temps, parfois même sur des décennies
Dans la première partie, cet article présente un tour d’hori- (Aprigliano, 1999).
zon de la place accordée au courage de diriger dans la littéra-
ture sur le leadership. Dans la deuxième partie, il expose les Courage et leadership
résultats de notre recherche. Finalement, dans la troisième par­ Étonnamment, alors que le courage est présenté par plusieurs
tie, il discute ces résultats, c’est-à-dire leurs incidences, leurs auteurs comme une dimension essentielle du leadership, il est
implications et leurs limites pratiques. difficile d’en trouver des définitions explicites dans la littéra-
ture sur le leadership; les auteurs décrivent plutôt les actes ou

I Le courage : ce qu’on en dit les comportements qui requièrent du courage. Il peut s’agir,
par exemple, de s’opposer ouvertement à des croyances bien
Courage et trait de personnalité ancrées ou encore au statu quo. Plusieurs mentionnent le cou-
Le mot «courage» vient du latin cor, qui signifie «cœur». rage de parler, de donner son opinion, de défier le point de vue
Une personne courageuse est donc quelqu’un qui possède de de la majorité, évitant ainsi la «spirale destructrice du silence»
l’esprit, de la vitalité, de la vigueur, de l’énergie, de la passion, (Perlow et Williams, 2003; Fifer, 2006). En d’autres mots, être
caractéristiques généralement associées, dans notre imaginaire, courageux consiste à être ouvert, à avoir des opinions impo­
aux leaders et au leadership. La littérature sur le leadership pulaires et à agir en conséquence. Le leader courageux se
destinée au grand public confirme ce lien entre le courage et positionne non seulement comme quelqu’un de différent, mais
le leadership. Elle nous offre toutefois plusieurs conceptions également comme une cible potentielle d’hostilité et de repré-
du courage, présenté souvent comme un trait ou une caracté- sailles. La volonté de défier les normes ou les relations de
ristique d’un bon leader, intégré dans un ensemble de traits pouvoir établies (où l’individu est en zone connue, sécuritaire
et confortable) est aussi envisagée comme étant du courage
désirables, comme l’honnêteté et la crédibilité. Il est égale-
(Heifetz, 2004; Katzenbach, 1996).
ment lié à la candeur, aux buts clairs, à la rigueur et à la disci-
pline (Klein et Napier, 2003). Les leaders doivent avoir un courage de conviction; la notion
selon laquelle le courage est nécessaire si on veut poursuivre
Courage et prise de décision sa propre vision est intimement liée au leadership. Le courage
Fortement associé à la prise de décision, en particulier aux du leader est ainsi associé à son habileté à prendre énergique-
décisions les plus difficiles, le courage est fréquemment perçu ment en charge les événements difficiles et à donner une direc­
comme la volonté de faire ce qui doit être fait en ce qui a trait tion claire (Lapierre, 2003). Par ailleurs, d’autres voient dans le
aux risques et aux difficultés, et ce, malgré la possibilité d’un courage la reconnaissance des habiletés ou des comportements
résultat désagréable (Van Eynde, 1998). L’habileté à agir selon requérant de la souplesse, comme le fait de reconnaître les
ses convictions face à la peur, à la douleur, au danger, au forces des autres, de partager les bons coups ou d’admettre que
doute, à l’incertitude, et même face au désespoir, caractérise son propre point de vue n’est peut-être pas le meilleur, voire
les conceptions du courage trouvées dans la littérature (Jablin, admettre ses erreurs. Le courage peut être parfois offensif,
2006; Quick et al., 2007). Un contexte de peur, d’incertitude et parfois défensif, et le même leader peut exercer ces deux
de risque semble alors essentiel pour qu’une décision soit formes à des moments différents (Jablin, 2006). Ces vues
considérée comme courageuse, ce qui met l’accent sur les contradictoires concernant ce qui constitue l’action courageuse
composantes émotionnelles de la prise de décision courageuse. indiquent que le contexte peut jouer un rôle important dans la
conception de ce qui est courageux.
Courage et comportement
D’autres auteurs soulignent que le simple fait de prendre Courage et morale
une décision difficile n’est pas une démonstration de courage; Plusieurs soulignent la dimension morale et éthique du
c’est dans l’implantation d’une telle décision que le courage courage, où celui-ci consiste à faire la bonne chose, même au
peut s’exprimer (Harris, 2000). Le courage est donc opposé à risque de perdre son emploi, sa carrière ou ses relations inter-
la rationalisation, aux excuses pour l’inaction ou à l’action inap- personnelles. Par exemple, selon Jablin (2006), pour que l’action
propriée selon les circonstances (Van Eynde, 1998). Il est par- du leader soit considérée comme véritablement courageuse,

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elle doit être orientée vers le bien commun. La dénonciation

Encadré 1
est présentée régulièrement dans la littérature comme un
exemple d’action courageuse chez un individu qui refuse À propos de l’étude
d’appuyer ou de maquiller des fraudes ou autres actes crimi-
nels. Il n’est donc pas étonnant que le courage du leader soit
souvent lié à son intégrité personnelle, à la vertu et au fait de Pour obtenir les conceptions des directeurs généraux et rendre
posséder de «bonnes» valeurs et d’agir en fonction d’elles plus claire cette réflexion construite autour du courage, nous
(Stephano et Wasylyshyn, 2005; Harris, 2000).
avons utilisé la méthode de la carte cognitive. Une carte cogni-
tive est une représentation graphique mettant en perspective
Courage et intérêts des concepts et les liens qui les unissent. Elle illustre la pensée
de l’individu qui le guide dans la perception consciente de sa
Alors que certains auteurs voient dans le gain personnel un
réalité, et ce, sur un sujet bien précis, tout en l’épurant des
résidu acceptable du courage, courage et intérêts personnels détails inutiles à une certaine généralisation (Langfield-Smith,
sont à toutes fins utiles vus comme étant opposés. Le cou- 1992). La carte cognitive est un outil qui sert à illustrer non pas
rage est largement associé aux capacités du leader de mettre une expérience, mais la conception que l’on se fait d’un sujet
les intérêts collectifs au-dessus de ses propres intérêts. Lors- issu ou non d’une expérience particulière.
que ses motivations ne sont pas celles qu’elles devraient être Les données ont été recueillies dans le cadre d’une entrevue
(c’est-à-dire qu’elles sont trop tournées vers ses intérêts per- structurée où le point de départ consistait à déterminer, avec le
sonnels), il est perçu comme démontrant un pseudo-courage sujet, les concepts considérés comme fondamentaux du courage
et non un courage authentique. de diriger. La question de départ a été formulée comme suit  :
«Quels sont les facteurs qui font qu’un haut gestionnaire d’entre-

I L’étude du courage chez les leaders prise aura ou n’aura pas de courage de diriger en contexte de
fusion et quelles sont les conséquences d’avoir ou de ne pas avoir
Malgré le fait que dans la littérature destinée au grand de courage?» Par la suite, le sujet a été amené à déterminer les
public le courage apparaît fréquemment comme une compo- explications de chacun des concepts issus de la question ainsi
sante essentielle du leadership, le concept lui-même a rare- que leurs conséquences. Les cartes cognitives ainsi obtenues se
ment fait l’objet d’études scientifiques. Le lien entre le courage présentent comme un enchevêtrement de 106 à 156 concepts
et le leadership a encore moins été étudié. D’ailleurs, à ce sujet, unis par des liens de cause et de conséquence.
Jablin (2006) souligne que, même si le courage est générale- Il est important de spécifier que le but de cette étude était explo-
ment considéré comme une qualité du leadership, il a été négligé ratoire et qu’elle n’avait pas pour objectif de déterminer si ces
dans pratiquement toutes les théories socio-scientifiques. Il gestionnaires ont manifesté ou non du courage de diriger; notre
prétend que l’une des raisons en est que le courage constitue objectif était plutôt de comprendre la conception qu’ils en ont.
une notion vague, difficile à conceptualiser et à opérationnali-
ser. En conséquence, les idées qu’on trouve relativement au
courage dans la littérature, telles qu’elles ont été présentées
précédemment, peuvent être intuitives, mais elles sont basées gue à l’étude d’Aprigliano en ce sens que l’accent est mis sur
davantage sur la spéculation que sur de solides évidences des dirigeants en exercice, mais ici dans le contexte québé-
cois. Alors que demeure l’intérêt pour les antécédents et les
empiriques. La recherche concernant la nature du courage, les
conséquences du courage, son objectif premier est de com-
formes qu’il peut prendre ou la manière dont il peut être acquis
prendre comment les personnes qui sont en position de lea-
se résume à quelques études empiriques seulement.
dership, et qui ont été placées dans un contexte qui les a
Dans une de ces rares études, Aprigliano (1999) cherche exposées à un degré élevé de risque, d’incertitude et de diffi-
les sources du courage chez des leaders transformationnels cultés, comprennent le courage et le rôle qu’il joue dans l’exer-
qui sont considérés comme des habitués de l’incertitude et du cice de leur leadership. Cette étude rend compte également
risque et qui n’hésitent pas à faire face aux défis, aux conflits des implications possibles de la conceptualisation du courage
et aux menaces. Se basant sur des entrevues en profondeur de ces leaders sur la gestion des organisations en général.
réalisées avec plusieurs gestionnaires, cette auteure conclut

I
que le courage se développe à l’intersection du soi (le carac-
tère du leader), d’un ensemble d’absolus ou de valeurs fonda-
Le courage :
mentales qui suscite la passion chez le leader, d’un ensemble
ce que les résultats montrent
d’expériences de vie liées à l’exercice du courage et de la La conception des directeurs généraux a été obtenue à
réflexivité du leader (une inclination à réfléchir sur ses actions l’aide de la construction d’une carte cognitive. Les détails de
afin d’apprendre d’elles). Elle a également trouvé qu’une fois que notre méthode sont décrits sommairement dans l’encadré 1.
les leaders étaient capables de manifester du courage, ils étaient Afin de mieux situer le lecteur, nous avons illustré dans le
davantage en mesure d’actualiser leur potentiel de leadership. schéma 1 une carte cognitive d’un directeur général, dont nous
avons retenu les principaux concepts, en excluant ceux qui
Comment les leaders eux-mêmes comprennent-ils le cou-
n’avaient qu’une importance marginale.
rage et l’action courageuse? Comment définissent-ils le courage?
Dans quelles circonstances se voient-ils agir de manière coura­ Ces concepts liés entre eux montrent une pensée riche et
geuse? Et d’où leur vient ce courage? L’étude présentée dans dynamique. Outre qu’il en émerge une conception similaire,
cet article tente de répondre à ces questions. Elle est analo- nous avons constaté que les principaux concepts qui structu-

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Représentation détaillée des principaux liens entre le courage et diverses caractéristiques contextuelles et individuelles d’un directeur général

Schéma 1
Confiance en Résultats
Connaissances ses capacités voulus
Sentiment
Expérience d’impuissance
de travail
Goût de
Meilleur contrôle
recommencer
des événements
Mobilisation

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Confiance
Vécu en soi

Avoir beaucoup
Indiquer la d’initiative
Reconnaissance voie à suivre
par ses pairs
COURAGE Développement
DE DIRIGER de la carrière

77
Capacité d’avoir
un mentor

Partage de
l’information
Partage de Leadership
Travail Alliés internes la vision
en solo et externes

Sentiment d’être Sentiment du


Légende moins seul travail accompli

CONCEPT Développement du Motivation


ÉTUDIÉ Implication
dans le milieu potentiel du marché personnelle
Concepts
directs
Mobilisation
Autres concepts des employés
principaux
des analyses
rent le courage de diriger s’organisent dans une relation syner- Ces gestionnaires reconnaissent le courage non pas dans
gique. Le schéma 2 illustre la conception commune aux cinq la décision comme telle, mais dans l’actualisation de celle-ci.
participants qui en émerge. D’ailleurs, le verbe «décider» est très rarement utilisé dans
ces cartes cognitives. Les vœux pieux ne sont pas considérés
Ainsi, pour ces directeurs généraux, le courage de diriger
comme du courage de diriger.
se présente comme un ensemble de concepts indissociables
et interagissant les uns avec les autres. Tout d’abord, il se Toutefois, l’action a ici une saveur morale qui confirme les
dégage de leur conception que l’action semble constituer la conceptualisations du courage dans la littérature et qui rap-
nature même du courage de diriger, ce qui confirme les pelle la définition de Barnard (1958) sur la morale d’affaires,
constats faits dans la littérature destinée au grand public. laquelle doit reposer sur la primauté des intérêts collectifs
Ensuite, la confiance et le leadership apparaissent comme les (organisation ou communauté). Pour que le courage de diriger
deux principales qualités liées à l’expression du courage de soit considéré comme tel, la décision doit s’appuyer sur les
diriger. Finalement, un troisième groupe de concepts semble intérêts de l’organisation et elle doit s’actualiser, c’est-à-dire
davantage jouer un rôle de motivation, soit les intérêts dirigés qu’elle doit passer à l’action, devenant de ce fait une action
vers l’organisation et les intérêts personnels. morale.

Le courage, c’est de passer à l’action Or, l’acte courageux est une impulsion qui semble tribu-
taire de deux grandes motivations : le contrôle et le change-
Avec des concepts comme «mobiliser», «partager», «déve-
ment. Tout d’abord, le courage de diriger permet d’«assurer le
lopper» et «s’impliquer», l’action est omniprésente dans les
contrôle des événements et le pouvoir sur eux» et d’avoir un
cartes et dans les analyses, et ce, autant en amont qu’en aval
«sentiment d’indépendance». Écoutons l’un de ces gestion-
du courage de diriger. L’action appelle le courage de diriger :
naires :
«Avoir du courage, c’est de passer à l’action, pour le bien de
l’entreprise.» Ce courage à son tour permet de reprendre le «Je savais que c’était quelque chose qui deviendrait
contrôle dans un contexte difficile ou risqué : inévitable pour l’organisation, pour la caisse. Ou bien tu
attends, tu attends, tu attends; c’est un style, ça met à
«Je sentais que je perdais le contrôle. […] Quand tu as
l’épreuve ton caractère. [Mais] je déteste l’incertitude.
le contrôle, tu n’as jamais besoin de courage. Là, il fallait
Je me suis dit : “Si on est pour embarquer dans ce jeu-
être courageux parce que je devais régler un problème
là, on va le faire maintenant. Après, on verra ce qui va
stratégique important sans que j’aie le contrôle. […] Ça
arriver.”»
n’a pas duré longtemps, peut-être trois minutes. Mais
ça a été probablement les trois minutes les plus risquées La perspective de rester maître de sa destinée est impor-
de ma carrière! Là, j’ai eu besoin de courage, parce qu’il tante et semble constituer l’impulsion à agir. Ainsi, le courage
a fallu que j’intervienne.» de diriger apparaît pour certains comme un moyen de ne pas
être vulnérable dans un contexte difficile ou risqué. Cette
conception a été amenée de manière prépondérante par les
directeurs généraux pour qui le projet de fusion a été particu-
lièrement ardu.
Schéma 2

Or, pour les deux directeurs généraux dont le projet de


Représentation des principaux liens fusion a été lancé par eux-mêmes et pour lequel ils ont affirmé
entre le courage et diverses caractéristiques ne pas avoir eu besoin de beaucoup de courage de diriger, le
contextuelles et individuelles courage apparaît au contraire comme un outil de changement.
Ici, on parle du «désir de changer les choses», ce qui les incite
à être proactifs et à prendre des risques. D’ailleurs, ces direc-
ACTION
teurs généraux ont même suggéré à cet égard des concepts
Confiance comme «avoir le goût du risque» et «avoir le goût du change-
en soi ment». Le courage de diriger permet donc le changement au
moyen d’un sentiment de contrôle sur sa destinée pour les
uns ou du plaisir d’être au cœur de l’action pour les autres. «À
vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. C’est des sensa-
tions fortes!» ainsi que l’a affirmé un directeur général.

La nature du courage se dessine autour de l’action. En


Intérêts COURAGE Intérêts
organisationnels DE DIRIGER organisationnels effet, le courage apparaît comme le passage à l’action d’une
décision que ces directeurs généraux jugent morale. La déci-
Ego Carrière sion éthique d’un processus, d’après Trevino et Weaver (2003),
se fonde sur quatre sous-processus : la sensibilité morale, le
Ego jugement moral, la motivation morale et l’action morale. Selon
la conception qu’en ont ces directeurs généraux, le courage
constitue le dernier sous-processus de la décision éthique,
Leadership
soit l’action morale.

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Le courage, c’est une expression de la confiance pes tes réflexes et la grosseur de tes muscles pour sau-
Le courage de diriger repose sur deux types de confiance : ter dans l’arbre le plus proche. C’est un peu l’image que
la confiance en soi et la confiance dans les autres. La confiance je me fais. Alors moi, tout au long du projet, je bâtissais
en soi se présente comme le concept le plus important; elle a mon réseau. Je me suis impliqué un peu plus politique-
été nommée initialement par tous les participants comme ment dans le secteur et j’y ai même occupé certaines
étant liée directement au courage de diriger soit à titre de fac- fonctions. […] Comme ça, tu te bâtis une crédibilité, et
teur déterminant, soit à titre de conséquence. La confiance en là tu viens de rapprocher des branches dans lesquelles
soi est un préalable important au courage de diriger qui, lui, en tu peux sauter quand ta branche tombe!»
retour, vient l’alimenter. En outre, tout comme pour la confiance, le courage de diri-
Or, la confiance en soi est fortement associé à la pratique ger semble jouer un rôle rétroactif en favorisant l’exercice du
de la gestion, d’une part, et à la force de l’ego, d’autre part. En leadership du directeur général. Écoutons encore une fois
effet, ces directeurs généraux estiment que la confiance en celui qui était assis sur sa branche…
soi est alimentée par le soutien offert par l’organisation, par «Là où ça demande du courage quand tu joues un jeu
les connaissances, par l’expérience, par les réalisations anté- stratégique, c’est le bris de confiance. Le risque est
rieures et par la vision. Voici ce qu’en dit Julien, qui a connu peut-être plus que tu n’aies pas de fusion et que tu
une fusion particulièrement difficile : n’aies pas d’emploi. Ça prend un courage de conviction
«J’avais beaucoup confiance en moi. J’avais une vision, et un courage politique pour influencer ces gens-là.»
et c’est là que je m’en allais. J’avais confiance autant en
L’analyse des concepts que nous avons regroupés sous le
mes moyens que dans les gens qui m’entouraient.
leadership montre un portrait où des facteurs d’interactions
J’avais confiance dans le fait qu’ils ne me laisseraient
organisationnelles dominent. La plupart de ces concepts – par
pas tomber.»
exemple, les concepts de «reconnaissance», de «mobilisation
Il semble donc que la confiance en soi soit étroitement liée des employés» et d’«appuis» – concernent les relations entre
à la confiance dans les autres. Le concept de «confiance dans le gestionnaire et les parties prenantes de l’organisation. Tou-
l’organisation» résume bien la confiance dans la caisse popu- tefois, quelques concepts relèvent davantage de qualités plus
laire ou la Fédération qui revient souvent. Plus spécifiquement, individuelles, comme la «vision» ou le fait d’être «crédible».
c’est le président du conseil d’administration de la caisse qui Ces derniers concepts se retrouvent cependant exclusivement
joue un rôle important dans cette confiance. Par ailleurs, l’ego comme une condition du courage de diriger; ils ne représentent
est fortifié par la confiance en soi qui favorise l’estime de soi, pas une conséquence. En contrepartie, le courage de diriger
la sérénité et, comme l’a bien illustré l’un d’entre eux, «le sen- renforce le leadership du gestionnaire par le biais de l’établis-
timent d’avoir pris la bonne décision». sement de meilleurs appuis et d’une plus grande capacité de
mobilisation.
Le courage, c’est de faire preuve de leadership
Dans un contexte de fusion, le courage de diriger et le lea-
Le leadership est un autre concept qui peut prendre plu-
dership semblent donc fortement liés dans la conception des
sieurs significations1. Nous avons retenu la perspective de
directeurs généraux. Qui plus est, le concept d’«action» (besoin
Lapierre (2003), qui dit que «le leadership est une direction
de produire, selon Lapierre, 2003), jumelé avec les concepts
[provoquée par une insatisfaction] à l’origine du besoin de pro-
de «mobilisation», d’«influence», de «reconnaissance» et
duire, d’exercer de l’influence et de laisser sa marque». Nous
d’«appuis», apporte un poids supplémentaire au rôle du leader­
avons donc regroupé sous le terme «leadership» les référen-
ship dans la manifestation du courage de diriger.
ces à la mobilisation, à l’influence, à la reconnaissance et aux
appuis dans les interactions du directeur général avec les dif- Le courage de diriger repose donc sur deux qualités princi-
férentes parties prenantes. pales que doit posséder le protagoniste : la confiance et le
leadership. Ces qualités se présentent comme des facteurs
Ainsi que nous l’avons défini, le leadership joue un rôle
d’actualisation du courage. Elles s’inscrivent dans la conscience
important dans la dynamique du courage de diriger. En effet,
de soi que nous avons associée à l’ego. En outre, comme ces
cette qualité, qui est prépondérante dans toutes les analyses
qualités sont aussi une finalité, leur renforcement devient un
et également pour tous les directeurs généraux, s’avère un
facteur de motivation qui justifie la décision courageuse et
facteur déterminant. Près de la moitié des concepts associés
suscite le maintien de l’action courageuse.
au leadership qui sont ressortis des analyses sont rattachés
directement au courage de diriger. C’est donc dire leur impor- Le courage, c’est la défense d’intérêts collectifs
tance. L’un des directeurs généraux explique ainsi comment et individuels
son leadership lui a été utile pour assumer ses valeurs et se
Parmi les concepts retenus comme étant des motivations,
protéger avant de se lancer «courageusement» dans un projet
il y en a un sur trois qui relève des intérêts organisationnels.
de fusion où sa carrière était en jeu :
Pour ces leaders, la principale condition qui les autorise à
«Au fond, le courage, c’est d’assumer tes valeurs, indé- s’engager dans un comportement courageux dans un contexte
pendamment de ce qui arrivera, mais sachant égale- de fusion se fonde sur des intérêts organisationnels. La «per-
ment que si tu le fais, tu vas avoir les joueurs de ton formance», le «développement» et la «pérennité de l’organi-
côté et ils risquent de te récupérer quelque part. Quand sation» viennent construire le bien-fondé du projet. Comme le
tu coupes la branche sur laquelle tu es assis, tu dévelop- souligne un de ces leaders :

Gestion · volume 33 / numéro 3 · Automne 2008 79


«Le courage, c’est de vaincre quelque chose que l’on est ressorti nettement de nos analyses. D’une manière géné-
ne connaît pas, quand on a peur. […] Je faisais la promo- ralisée, les directeurs généraux ne conçoivent pas que le cou-
tion du projet sans savoir si je gardais mon emploi. Ça, rage de diriger puisse avoir un effet négatif, que ce soit sur
c’était un processus difficile. [Mais] je croyais à la nou- l’organisation, sur l’ego ou sur la carrière, et ce, même si cer-
velle caisse. Je croyais que c’était la meilleure chose à tains d’entre eux ont vécu des moments très difficiles. Par
faire.» exemple, certains directeurs généraux ont vécu un stress très
intense sur de très longues périodes de temps en raison d’une
Or, malgré cette importance initiale, les intérêts organisation­
incertitude quant à leur avenir professionnel. Dans un des cas
nels occupent une place moindre en tant que conséquence du étudiés, cette tension a même entraîné une certaine détresse
courage de diriger. Une fois le projet amorcé, l’impact attendu psychologique qui se faisait sentir même plusieurs mois après
sur l’organisation semble être tenu pour acquis, laissant la la fin du projet de fusion. Toutefois, malgré les difficultés et les
place aux intérêts personnels. Il est possible que ces résultats risques, aucun directeur général n’a rapporté un concept néga-
soient liés au fait que l’organisation de ces dirigeants (la caisse tif comme conséquence au courage de diriger, et ce, indépendam­
Desjardins) est imbriquée dans une plus large organisation (la ment des pertes (réelles ou potentielles) qu’ils avaient subies.
Fédération des caisses Desjardins du Québec) où, à notre
connaissance, aucune fusion n’avait été considérée jusqu’alors Les participants à l’étude conçoivent donc le courage de
(et même à ce jour) comme un échec financier ou stratégique. diriger comme étant issu de considérations organisationnelles
Dans ce contexte organisationnel, l’impact des projets de fusion ou collectives, favorisé par la confiance en soi, et qui profite
est davantage rattaché aux aspects humains issus du change- ultimement au protagoniste tant sur le plan de la carrière que
ment. sur celui de l’estime de soi. Acte moral et acte intéressé, com-
ment peut-on comprendre un tel paradoxe? Le courage de
Les intérêts personnels amenés par les directeurs géné- diriger est-il une décision éthique s’il s’agit également d’une
raux sont de deux ordres : le renforcement de l’estime de soi décision intéressée? Quelles sont les motivations profondes
par un ego plus fort et l’avancement de la carrière. Les intérêts du geste courageux? Les résultats de l’étude ont montré que
associés à l’ego dominent les intérêts personnels avec près les conséquences anticipées du courage de diriger sont essen-
de 60 % des concepts. L’ego est compris ici comme «une tiellement positives et tournées vers le protagoniste. La car-
expérience de soi ou la conception que l’on se fait de soi- rière et l’ego sont les conséquences anticipées pour lesquelles
même ou encore la dynamique unique de l’individu» (Drever, le protagoniste cherche à conserver un contrôle. Cet optimisme
1981 : 79; traduction libre). Nous avons donc regroupé sous dans un contexte de risque permet de comprendre la place de
cette notion les concepts liés à la «satisfaction personnelle», l’acte intéressé dans le courage de diriger. Celui-ci n’est pas
au «sentiment du devoir accompli», en fait aux divers senti- conçu comme un acte suicidaire. Il est le fait d’un gestionnaire
ments, désirs, attitudes et valeurs que l’individu a intérêt à qui agit en conformité avec ses convictions et qui est investi
préserver pour construire son image de soi. Les directeurs d’un espoir réaliste que, peu importe l’issue, sa carrière ou son
généraux semblent miser sur l’intégrité pour justifier le recours estime de soi en sortira gagnant.
à une action courageuse. Or, les concepts liés à l’ego sont
Cet optimisme ne signifie pas que les sujets ne sont pas
situés pour la plupart en aval du courage de diriger, c’est-à-dire
conscients des risques qu’ils courent. Il relève davantage d’une
comme conséquence. Ainsi, selon la conception qu’ils en ont, négociation entre les risques et les gains. Pour Damasio, neu-
les directeurs généraux croient que le courage de diriger ropsychologue bien connu, cette négociation «s’appuie sur
contribue à renforcer positivement l’ego. l’appréciation d’un objectif, et cette appréciation ne peut avoir
Les avantages pour la carrière se positionnent comme une lieu si l’attention n’est pas tournée correctement à la fois vers
conséquence directe du courage de diriger. Ces leaders consi- la conséquence ennuyeuse immédiate et vers la conséquence
dèrent que l’exercice du courage de diriger aura un impact heureuse future, à la fois vers la souffrance présente et vers la
positif sur la carrière. La reconnaissance d’une réalisation stra- gratification future. […] Outre le bien évident que les altruistes
tégique constitue une garantie qui ne pourra qu’être bénéfique font aux autres, ils se font également du bien à eux-mêmes
à la carrière d’une manière ou d’une autre à court, à moyen ou sous la forme d’amour-propre, de reconnaissance sociale,
à long terme, et ce, indépendamment de l’issue du projet. d’honneur et d’estime publique, de prestige et éventuellement
Écoutons un de ces leaders : d’argent» (1994 : 242-243; traduction libre).

«[Je me suis dit :] “Il faut que je voie plus loin que mon
nombril.” Je pensais vraiment au milieu, aux clients. Je
savais que ça ferait une super belle caisse. C’est sûr, à
un moment donné, tu te dis : “Je n’ai pas de filet. Je
I
Incidences, implications
et limites pratiques
Action morale, leadership, confiance et optimisme : ainsi est
n’ai rien”, mais d’un autre côté, j’y croyais à la fusion. Je
compris le courage des leaders de projets de fusions d’entre-
m’étais dit : “Peu importe ce qui arrivera au bout de tout
prises. Mais plus encore, le courage apparaît comme un
ça, ça va être une corde de plus à mon arc, et on recon-
ensemble de qualités et de motivations dynamiques et syner-
naîtra ce que j’ai fait.”»
giques. Cette conception du courage apporte un éclairage
Cette attitude positive face aux risques relatifs à la carrière novateur sur le comportement éthique, sur l’expression du
constitue une forte motivation à s’engager dans des décisions leadership et sur la gestion des compétences, notamment
menant à des actions qui requièrent un courage de diriger. Or, quant au rôle des émotions, aspects que nous discutons dans
l’optimisme est un aspect de la psychologie de ces leaders qui cette partie.

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Le comportement éthique également besoin d’une bonne dose de confiance dans les
Le courage de diriger est vu par les leaders de notre étude personnes signifiantes. C’est au prix de cette confiance que le
comme un comportement éthique. Si le jugement moral a été gestionnaire anticipera avec optimisme les risques pris pour
abondamment étudié, il n’en est pas de même pour l’action répondre aux attentes du conseil d’administration ou les ris-
morale. De plus, il semble bien que le lien entre le comporte- ques rattachés au fait de s’opposer à ces attentes.
ment éthique et le jugement moral soit relativement faible.
La gestion des compétences
D’autres facteurs viennent donc influer sur ce type de compor-
tement. Par contre, ceux-ci ayant été très peu étudiés, les Dans la pratique, le courage de diriger, tout comme le lea-
connaissances sont plutôt limitées quant à ces facteurs que dership, est considéré comme une compétence de gestion.
Trevino et Weaver (2003) ont répertoriés dans diverses recher- Traité comme tel, il s’exprime à travers les processus de dota-
ches : le développement cognitif moral, les personnalités recher­ tion, d’évaluation et, par le fait même, de rémunération des
chant le contrôle, les pressions organisationnelles, les conflits grandes entreprises, notamment celles qui utilisent l’appro-
de rôles, l’influence de personnes significatives ainsi que les che «architecte de carrière», dont le Mouvement Desjardins
codes de conduite, la culture et le climat organisationnels. À (Durivage, 2004). Or, le courage de diriger n’y est pas abordé
cet égard, notre étude indique que le courage de diriger est comme une compétence éthique. De plus, comme l’indique
envisagé comme un comportement éthique où deux de ces Durivage, les compétences sont complémentaires et doivent
facteurs jouent un rôle prépondérant : le premier est lié aux être jumelées avec certains traits de la personnalité. Notre
traits de la personne, soit une personnalité tournée vers la étude indique que les programmes de gestion des compéten-
recherche du contrôle, tandis que le second est contextuel et ces devraient considérer le courage de diriger comme un acte
concerne les pressions organisationnelles générées par les éthique que permettent trois traits de la personne (la confiance,
avantages de la fusion pour l’organisation. Rappelons ici que le désir de contrôler les événements et l’optimisme face au
notre étude était exploratoire. En ce sens, certains facteurs risque) et une compétence (le leadership).
relevés par Trevino et Weaver n’ont pas été abordés, notam-
La question qui demeure toutefois concerne la réaction de
ment le développement cognitif moral, qui pourrait très certai-
l’individu face à certains contextes, plus précisément le rôle
nement jouer un rôle dans la compréhension des enjeux
des émotions par rapport à la compétence. Nous avons
organisationnels et donc dans les convictions du leader.
constaté que, pour nos gestionnaires et dans la littérature en
Le leadership nouveau général, le courage de diriger est ancré dans une multitude
d’émotions, comme la peur, l’insécurité, la colère, la tristesse
Selon Fortune (Morris, 2006), l’ère du leader charismatique
de même que l’excitation, la joie et l’enthousiasme. Nous
est révolue; place au leader courageux! Les règles de l’art de la
avons vu l’importance de la confiance dans les diverses par-
performance selon le modèle de Jack Welch (General Electric)
ties prenantes. Cette confiance vient certainement moduler le
ont été revues et mises au goût du jour. Ainsi, la règle «engager
portrait émotionnel entourant le courage de diriger.
un P.D.G. charismatique» est devenue la règle «engager un
P.D.G. courageux»! Selon cette nouvelle règle, le leader cou­
rageux doit être davantage tourné vers la pérennité de l’entre-
prise et orienter ses actions vers la croissance interne, au
I Conclusion
risque de devoir affronter les pressions du marché et des Action morale, le courage de diriger se fonde sur un ensem-
analystes financiers férus de croissance à court terme. Selon ble dynamique de confiance et de leadership. Soutenu par de
Fortune, le leader courageux a le courage de ses convictions profondes convictions quant aux bienfaits pour l’organisation,
en toutes circonstances. l’exercice du courage de diriger amène le renforcement de
l’ego du gestionnaire et favorise le développement de sa car-
Indépendamment des nouvelles modes, le leadership et le
rière dans une perspective à court, à moyen ou à long terme.
courage semblent intrinsèquement liés. Le leadership et le
L’interaction de ces éléments engendre un effet de rétroac-
courage de diriger doivent se préoccuper des intérêts des
tion, contribuant ainsi à consolider ces concepts entre eux. Le
actionnaires de l’organisation dont le conseil d’administration
courage de diriger est une compétence de gestion complexe,
est le gardien. Or, malgré l’importance que revêt le monde des
et c’est en ce sens que nous croyons qu’il est important de
affaires pour le leadership courageux, la question demeure  :
bien cerner l’ensemble des composantes sociopsychologi-
comment reconnaître le potentiel de courage chez le leader et,
ques de l’individu ainsi que la dynamique et le contexte qui y
surtout, comment s’assurer que le leader restera courageux!
sont liés.
Notre étude exploratoire ne peut répondre que sommairement
à ces questions. Il semble toutefois que les convictions quant Notre étude aura permis de jeter un peu de lumière, en fait
au bien-fondé des projets pour l’organisation jouent un rôle celle projetée par les gestionnaires, sur une compétence qui
majeur dans l’actualisation du courage de diriger. Condition suscite beaucoup d’intérêt, voire de la convoitise! Nous
sine qua non du courage, ces convictions doivent être confor- n’avons pas la prétention d’avoir épuisé cette notion du cou-
mes aux attentes des conseils d’administration. Ceux-ci ont rage de diriger. Il reste beaucoup à faire afin de le comprendre;
donc la responsabilité de bien communiquer leurs attentes et il faut encore voir si l’image que nous ont présentée ces cinq
de créer une culture organisationnelle adéquate. La confiance leaders transcende les contextes et peut ainsi être transposée
entre le conseil d’administration et le leader est primordiale dans un outil de gestion. N’oublions pas que le courage est un
pour la manifestation du courage de diriger de ce dernier; si le construit; en ce sens, la signification accordée est intrinsèque-
courage a besoin d’une bonne dose de confiance en soi, il a ment liée à la personne, au contexte, à l’époque et aux cultu-

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res et sous-cultures. C’est pourquoi il doit être circonscrit dans Stephano, S.F., Wasylyshyn, K.M. (2005), «Integrity, courage, empathy
le temps et l’espace. Cependant, notre étude a permis de (ICE): Three leadership essentials», Human Resource Planning,
vol. 28, n° 4, p. 5-7.
confirmer certaines conceptions au sujet du courage dans la
littérature dédiée au grand public sur le leadership, d’ajouter Trevino, L.K., Weaver, G.R. (2003), Managing Ethics in Business
Organizations: A Social Scientific Perspectives, Stanford
certains éléments nouveaux et de nuancer les relations entre
University Press.
courage, leadership, éthique et intérêts personnels.
Van Eynde, D.F. (1998), «A case for courage in organizations»,
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Note
1. Voir Barnard (1938), Kets de Vries et al. (1994), Lapierre (2003)

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