PEDO3
PEDO3
PEDO3
CHAPITRE III :
LES CONSTITUANTS
SOLIDES DU SOL
CHAPITRE III : LES CONSTITUANTS
SOLIDES DU SOL
Nous étudierons dans ce chapitre les constituants solides du sol, les autres fractions seront
abordées dans les chapitres suivants.
PREMIERE PARTIE :
LES CONSTITUANTS MINERAUX DU SOL
PIERRES 7,5 à 20 cm
BLOCS >20 cm
L’ensemble formé par les argiles, les limons et les sables forment la terre fine du sol, tandis
que cailloux et graviers constituent les éléments grossiers.
Les éléments grossiers forment le squelette du sol. Quand ils constituent la part
essentielle dans la composition du sol, ils donnent ce que l’on peut appeler des sols
squelettiques (certains sols de montagne par exemple).
ils constituent la réserve minérale du sol : leur altération chimique libère des éléments
minéraux qui contribuent à l’alimentation des plantes (signalons cependant que les grains
de quartz sont cependant quasi inaltérables chimiquement, et ne peuvent participer à
l’alimentation des plantes).
ils augmentent la perméabilité du sol à l’eau et à l’air.
ils diminuent le volume de sol prospectable pour les plantes (par diminution de la
proportion de la terre fine à la disposition des racines).
ils peuvent avoir une action sur la chaleur du sol, en tant que réservoir de chaleur (terrains
calcaires par exemple).
ils peuvent participer à constituer une réserve d’eau : certaines roches poreuses (calcaires
par exemple) peuvent retenir un peu d’eau.
Ils rendent le sol « battant » : le sol a tendance à se tasser en surface sous l’effet des
pluies et à former des croûtes (glaçage en surface).
Ils ont tendance à retenir l’eau en s’opposant à son infiltration en profondeur : le sol est
imperméable en surface, asphyxiant pour les racines.
Les éléments sableux que nous venons d’étudier sont enrobés d’une sorte de pâte, une
sorte de « colle », qui les réunit en petits agrégats. Tout comme un édifice, le sol est donc
construit, il possède une structure, dont la forme et la solidité dépendent, nous le verrons, du
pourcentage des éléments qui le constituent mais surtout de la nature de cette pâte que l’on
nomme « les colloïdes du sol ». Parmi ceux-ci, on distingue les colloïdes organiques
(substances composant l’humus) des colloïdes minéraux.
argiles minéralogiques ;
silice amorphe (colloïdale) et silice cristallisée ;
sesquioxydes cristallisés ou amorphes ;
minéraux résiduels.
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4.1. LES ARGILES MINERALOGIQUES
A) Propriétés colloïdales :
Les argiles possèdent sur leur surface des charges négatives : ce sont des colloïdes
négatifs. Ces particules, toutes chargées négativement peuvent alors se repousser
mutuellement : c’est ce qui se passe dans l’eau distillée (voir figure 1 ci-dessous).
Figure 1 : Les particules d’argiles restent longtemps en suspension dans l’eau à cause des charges négatives qu’elles portent et qui
provoquent des phénomènes de répulsion entre particules.
Par contre, si l’on introduit dans le liquide un acide, qui libère des ions H+, ou un sel
de calcium (figure 2 ci-dessous) qui libère des cations Ca++, ces ions positifs vont induire la
neutralisation des charges négatives des micelles, qui peuvent alors s’agglutiner et se déposer :
ce phénomène s’appelle la floculation (précipitation).
En fait, les ions positifs supplémentaires vont refouler vers les micelles d’argile les ions
positifs qui les entouraient déjà. Ces ions venant s’y accoler, neutralisent les charges négatives
des micelles.
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Les micelles d'argile sont entourées d'une couche dense de charges électriques négatives. Cette couche
est elle-même entourée d'un nuage de plus en plus lâche de charges de signe contraire, constitué d'ions positifs
adsorbés (adsorbé = fixé sur), le plus souvent ions H+ et cations métalliques Ca++, Mg++, K+, Na+, NH4+.
Dans l'état de dispersion (ou peptisation), le nuage d'ions entourant les micelles est très lâche, les ions sont très
peu nombreux. Les charges électriques de même signe (négatif) entourant les micelles les contraignent à se
repousser et se disperser dans tout le liquide. Celui-ci est trouble, car l'argile et l'eau, en mélange homogène, ne
peuvent se séparer. Mais si l'on introduit un acide, qui libère des ions H+, ou un sel de calcium, qui libère des
ions Ca++, ces ions positifs repoussent vers les micelles les ions positifs qui les entouraient. Ceux-ci, venant s'y
accoler, neutralisent les charges négatives des micelles, qui peuvent alors s'agglutiner et se déposer. C'est la
floculation, ou précipitation : les micelles argileuses se regroupent et se séparent aisément de l'eau. A l'inverse,
un apport de bases libère des ions OH-, et provoque la dispersion, car ces ions négatifs éloignent les cations des
micelles, qui de nouveau se repoussent mutuellement. Ces deux états, dispersion et floculation, sont donc
réversibles. L'argile floculée peut se disperser à nouveau, si elle perd ses ions floculants.
les acides, libérant des ions H+, provoquent la floculation des argiles ;
les bases au contraire libèrent des ions OH- et provoquent la dispersion des argiles. En
effet, ces ions négatifs éloignent les cations des micelles, qui de nouveau se repoussent
mutuellement.
Argile - + H+ Argile H
Le pouvoir floculant du sodium s’exerce par exemple lors la sédimentation des boues
transportées par les fleuves et rivières, au contact des eaux des mers ou océans. Le sodium de
l’eau de mer va provoquer la floculation des argiles de ces boues, qui vont alors sédimenter.
a) Le calcium Ca : c’est l’ion floculant par excellence (employé d’ailleurs pour cette
propriété dans les chaulages ou amendements calcaires).
b) Le magnésium Mg : souvent associés au calcium, il aura une action analogue, bien que
moins énergique.
c) L’ion Al : alors que Ca++ et Mg++ sont les principaux ions floculants en milieu neutre ou
faiblement basique ( PH = 7 à 8 ), les ions Al+++ ( ou sous forme d’hydroxydes ) exerce de
façon prépondérante leur action floculante en milieu acide ( PH inférieur à 5,5 ).
Les ions Ca++ , Mg++ et Al+++ jouant un rôle important en ce qui concerne la stabilité
de la structure du sol ( stabilité et solidité des agrégats ), on remarquera que la gamme de PH
comprise entre 5,5 et 6,5 est périlleuse pour la stabilité structurale du sol, car il n’y a plus
d’Al+++ et pas encore assez de Ca++ : le risque de déstructuration et de compaction est très
fort.
Cependant, concernant les milieux acides, il est important d’apporter la nuance suivante :
lorsque le sol est très acide, caractérisé par des moder ou des mor, la matière organique se
biodégrade lentement et produit des substances organiques de faible valeur ou défavorables
pour la structure du sol, ce qui contrarie l’action floculante des ions Al+++. Il se produit alors
dans ces conditions, une dégradation de la structure du sol.
d) L’ion H+ : en laboratoire, les ions H+ floculent assez bien l’argile. Mais en sols acides
(riches en H+ ), l’humification est ralentie et mauvaise, et faute d’humus de qualité, la
floculation de l’argile est insuffisante pour assurer la stabilité des agrégats.
e) Le sodium Na :
En présence d’eau salée, l’argile flocule. Mais en présence d’eau douce ( pluie ),
l’argile sodique est fortement dissociée ( Na+ tend à s’écarter des micelles ).
Le sodium va alors agir sur l’eau pour former avec les ions OH-, une base forte NaOH.
Le PH du sol va alors augmenter ( jusquà 8-9 ). NaOH étant une base forte, la dissociation en
ions Na+ et OH- est complète ( 1 ). Les OH- auront tendance à se recombiner aux H+ pour
former des molécules d’eau ( 3 ). Afin de faire face à la diminution d’H+ dans la solution du
sol, les argiles vont perdre progressivement ceux qui sont situer à leur surface : l’argile se
disperse alors ( 2 ).
Argile H Argile- + H+ ( 2 )
Nous retiendrons donc que le sodium a une action dispersante sur l’argile. Il est donc
important d’éviter l’emploi d’engrais sodiques (sylvinite, nitrate de soude) en sols argileux.
f ) Le potassium K :
Cet ion a un pouvoir floculant aussi faible que celui du sodium. Son abondance dans
un sol, lorsque les teneurs en calcium diminuent, disperse même l’argile (par remplacement
d’un ion très floculant par un autre ion au pouvoir floculant plus faible).
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D ) Propriétés de l’argile :
L’argile est hydrophile, c’est-à-dire l’aptitude de fixer l’eau (entoure les micelles ou
y pénètre).
Cette aptitude entraîne trois autres propriétés de l’argile :
L’argile, en tant que colloïde négatif, intervient dans la fertilité chimique du sol en
fixant les cations tels que K, Mg, Ca,.... Signalons en outre, que l’argile peut également fixer
des ions négatifs par l’intermédiaire des hydroxydes d’Al ou de Fe ou par l’intermédiaire des
charges positives qu’elle porte (voir cours de géologie).
à l’état dispersé : l’argile dispersée perd son aptitude à souder solidement les agrégats car
elle cherche à reformer avec l’eau un mélange homogène : sous l’effet des pluies, il y a
dégradation de la structure qui devient compacte et asphyxiante pour les racines.
à l’état floculé : l’argile forme des agrégats en soudant les différents éléments du sol. La
structure de surface résiste à la dégradation par la pluie : le sol reste perméable à l’eau et à
l’air, meuble, entretenant la vie des racines et de la microflore du sol.
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2. LES SESQUIOXYDES
Ce sont les oxydes et hydroxydes de fer et d’alumine. Au début de leur formation, ils
sont amorphes, mais évoluent rapidement vers des formes cristallisées. Ils proviennent de
l’altération des minéraux silicatés.
Ce sont des colloïdes positifs et jouent un rôle dans la capacité de fixation anionique du sol.
3. LA SILICE
L’altération des minéraux silicatés peut libérer de la silice colloïdale se présentant sous
forme de gel. Sous cet état, la silice est un colloïde négatif.
DEUXIEME PARTIE : LA MATIERE ORGANIQUE
1. GENERALITES
La transformation par décomposition des débris organiques (d’origine végétale ou
animale) abandonnés sur le sol ou enfouis dans le sol conduit à l’apparition de matières
humiques.
L’ensemble ( M.O.F. et M.H. ) constitue l’humus au sens large ( Mull, Moder, Mor ).
La composition quantitative des matières organiques végétales oscille entre les limites
suivantes :
Cellulose : 20 à 50 %
hémicelluloses : 10 à 28 %
lignines : 10 à 30 %
tanins : 1 à 8 %
protéines : 1 à 15 %
cendres : 1 à 6 %
A ce titre, le tableau ci-dessous établit une comparaison entre la composition des tissus
végétaux et celle de l’humus :
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3. LES AGENTS DE L’HUMIFICATION :
La flore du sol (bactéries, champignons) et la pédofaune, fragmentent et transforment
les résidus végétaux et animaux. Agents de l’humification, ils interviennent tour à tour dans
un réseau trophique complexe et encore peu connu jusqu’à nos jours.
Le tableau ci-dessous donne une idée de la répartition des organismes édaphiques en nombre
(Coyne M., 1999 in Calvet R, 2003.).
Les uns (lombrics, enchytraeides, myriapodes) fragmentent les débris végétaux, lesquels sont
ensuite transformés par les bactéries.
D’autres animaux (acariens, collemboles) ne fragmentent que les débris « prédigérés » par la
microflore.
Nous nous bornerons dans ce qui suit à donner quelques indications sommaires sur les rôles
de la faune et de la microflore du sol.
A. La microflore du sol :
a) Les algues :
Les algues autotrophes (possèdent de la chlorophylle) abondent surtout dans les deux
premiers centimètres du sol. Certaines espèces sont cependant hétérotrophes et vivent dans
des couches plus profondes, dégradant les matières organiques.
Les algues fabriquent un mucilage qui les entoure et qui héberge de nombreuses bactéries.
b) Les bactéries :
Leur rôle est très important dans les processus d’humification. Du point de vue
pédologique, une des principales distinctions à faire entre bactéries est leur répartition entre
organismes aérobies et anaérobies.
Comme nous le verrons dans les prochains chapitres, les bactéries jouent un rôle important
dans le cycle des éléments fondamentaux du sol : N, S, Fe, Mn.
c) Actinomycètes :
d) Champignons :
Leur rôle dans le sol est considérable et très varié : il exerce surtout dans la phase de
décomposition de la M.O.F., qui précède l’humification : la plupart sont aptes à
décomposer la cellulose, certains sont capables de décomposer des composés phénoliques
plus résistants tels que la lignine et les tannins.
Certains champignons sont associés aux racines des plantes et des arbres, en formant
des mycorhizes, à vie symbiotique, qui facilitent la croissance et la nutrition des espèces
concernées (voir cours de Botanique de deuxième année).
14
B. La faune du sol :
Elle est divisée suivant la taille des organismes, en micro-, méso- et macrofaune (figure 4) :
15
Voyons en quelques mots le rôle des représentants les plus importants de la faune du sol :
a) Protozoaires :
Ces organismes sont très nombreux dans le sol. Leur pullulation exige l’existence d’un
haut degré d’humidité. Ils s’enkystent par sécheresse. Ils se nourrissent surtout de bactéries. A
ce titre, ils jouent un rôle important dans la composition et les activités microbiologiques du
sol.
Ce sont des petits vers ronds de taille variant entre 0,5 et 2 mm. Ils sont nombreux
dans le sol et dans les litières : après les protozoaires, ce sont les plus abondants colonisateurs
du sol.
Ils s’enkystent dés que l’humidité du sol devient insuffisante.
On distingue parmi les nématodes plusieurs espèces se différenciant par leur mode
d’alimentation, on distingue en effet des espèces :
parasites de végétaux (problèmes bien connus en agriculture et en horticulture) ;
saprophages : interviennent dans la décomposition des débris végétaux et animaux ;
prédateurs : se nourrissent de protozoaires ;
bactériophages ;
mycétophages : se nourrissent de mycéliums.
c) Mollusques :
Un certain nombre de gastéropodes pulmoné (limaces et escargots) vivent dans les
litières forestières ou dans les anfractuosités du sol, toujours en milieu humide. Beaucoup sont
herbivores ou saprophages. Ils exercent une certaine activité de décomposition (cellulose) et
de brassage de la matière organique.
Ce sont des agents très actifs d’humification, surtout en ce qui concerne certaines familles
appartenant à la classe des Oligochètes.
Les Enchytraéides : Ce sont des vers minuscules (de 5 à 15 mm), de couleur généralement
blanchâtre et abondants dans les litières. Ils se nourrissent essentiellement de petits débris
végétaux peu décomposés. Ces vers sont les principaux agents d’humification dans les
milieux forestiers acides (moder ou mor).
Leurs déjections sont à l’origine de la formation des boulettes fécales constituant l’horizon
OH. Ils ne forment que peu de complexes organo-minéraux (car ils ne possèdent pas de gésier
comme les lombrics) : on aura alors dans l’horizon de transition caractérisant les moder,
qu’une simple juxtaposition entre matière organique et matière minérale (mélange entre ces
deux types de matières mais peu ou pas de liaisons).
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Les Lombricidés (figure 5) : Ils réagissent rapidement aux modifications du milieu. Leur
présence est donc un excellent reflet des conditions écologiques.
Les lombrics jouent un rôle essentiel dans la structuration des horizons A des mull
actifs et peu acides. Ils décomposent la litière (ils sont saprophages et coprophages) et
l’incorporent au sol minéral. Par leur transit digestif, ils facilitent la formation de complexes
organo-minéraux (liens entre argile et humus notamment) et assurent leur cohésion. Les
lombrics sont donc importants pour la structure du sol (grumeleuse).
Les lombrics ont besoin de calcium pour le fonctionnement de leur glandes, ils ne peuvent
donc vivre dans les milieux à PH trop acides (PH inférieur à 4,2).
Certains d’entre-eux (dits anectiques) descendent profondément dans les horizons minéraux et
ramènent en surface une partie des argiles et des ions (Ca++,... ) entraînés.
Par ailleurs, par leurs galeries, les lombrics assurent une bonne aération du sol.
Figure 5 : Les rôles des Lombricides dans le sol (tiré de Soltner, 1992)
e) Les Arthropodes :
On regroupe ici les insectes, les arachnides, les crustacés (cloportes,...) et les
myriapodes (voir planches d’illustrations en annexe).
Ils peuvent être assez nombreux dans les sols. Ils vivent surtout dans les litières qu’ils
fragmentent et ingèrent. Ils produisent des boulettes fécales.
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Contrairement aux vers de terre, ils ne mélangent pas à la terre minérale les aliments qu’ils
ingèrent. En revanche, ils fragmentent ceux-ci plus finement, augmentant ainsi la surface
d’attaque pour l’action des champignons et bactéries.
Les larves d’insectes et d’arthropodes supérieurs sont plus abondantes dans les milieux acides
et secs (moder).
La faune du sol fragmente les matières organiques : à la division sommaire des vers
de terre, succède le broyage microscopique des myriapodes puis des collemboles, des acariens
et des nématodes. L’augmentation de surface qui en résulte favorise l’attaque bactérienne et
enzymatique.
Puis le brassage énergique que subissent ces fragments dans le tube digestif des lombrics, les
mélanges aux éléments minéraux et aux micro-organismes qui y trouvent des conditions
favorables à leur prolifération. Ce malaxage par les vers de terre contribue profondément
à la construction d’agrégats stables.
En effet, ces animaux mettent parfaitement en contact d’une part la terre qu’ils ingèrent,
d’autre part les substances organiques qui la cimenteront en agrégats ou les débris végétaux
qui donneront naissance à ces substances. Il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre d’observer
la résistance à la dégradation des tortillons des lombrics.
Ce malaxage s’accompagne aussi d’un transport des matières organiques dans tout le
profil. Plus que tout travail mécanique du sol par les instruments de culture, celui des vers de
terre permet la dissémination parfaite des matières organiques.
A l’augmentation de porosité qui résulte de cette formation d’agrégats, s’ajoute la meilleure
circulation de l’eau et de l’air au travers des galeries verticales des lombrics.
Remontant en surface une partie des éléments lessivés, notamment du calcium, les vers
de terre auraient tendance à limiter la décalcification du sol.
Mais le plus important encore semble leur rôle d’intermédiaire entre le sol et la plante : leurs
déjections en effet sont considérablement plus riches en potassium, phosphore et magnésium
assimilables. On peut penser que cet enrichissement vient de l’attaque de minéraux par les
enzymes digestifs, et de la décomposition des matières organiques incorporées.
18
c ) Une action biologique : stimulation de la flore microbienne des sols.
Enfin, pour terminer ce paragraphe sur la faune du sol, nous dirons quelques mots dans
les lignes qui suivent sur la répartition des groupes d’animaux dans les différents types
d’humus.
Comme le montre les figures 6 et 7, l’abondance des groupes et leur diversité dépend de la
profondeur à laquelle on se situe dans le sol, mais aussi de la qualité de l’humus.
LEBRUN (1971) a montré que dans les mull, la répartition des différents groupes d’animaux
était très équilibrée, chaque espèce étant représentée par un petit nombre d’individus (la
chaîne trophique est complexe mais stable), alors que dans les moder, la variété était faible,
mais la densité forte ( la chaîne trophique est simple mais fragile et instable ).
Ceci est conforme aux lois générales de la biocénotique (Thienemann ( 1920 ), Franz
(1973 ), Berthelin et Toutain ( 1979 ) ) et qui disent en résumé que :
plus les conditions de vie sont variables dans un milieu biologique, plus grand est le
nombre d’espèces de la communauté vivante qui le caractérise.
plus les condition de vie d’un biotope s’écarte des conditions optimales de la plupart des
animaux, plus la biocénose devient pauvre en espèces, plus elle devient caractéristique et
plus la densité des quelques espèces présentes s élève.
plus les conditions de milieu sont favorables, plus la communauté est riche en espèces et
plus elle est équilibrée et stable.
19
Figure 6 : Facteurs abiotiques du sol et distribution de la pédofaune (COINEAU Y., 1974)
Figure 7 : Relations entre la composition de la pédofaune et divers types d’humus forestiers
21
4 . COMPOSITION DE L’HUMUS :
Figure 8 : Les différents composés humiques : extractions par différence de densité et par solubilisation dans différents
solvants (tiré de Soltner, 1992)
Par différence de densité, d’abord dans l’eau, puis dans un mélange alcool + bromoforme
(densité 1,8), on sépare la matière organique fraîche de la matière humique.
Par une série de solvants, on isole ensuite les différentes fractions de l’humus :
les acides créniques : solubles dans l’eau ;
les acides hymatomélaniques : solubles dans l’alcool ;
les acides fulviques : solubles dans le pyrophosphate de Na ainsi que dans les acides HCl ou H2SO4.
les acides humiques : solubles dans le pyrophosphate de Na mais insolubles dans les acides HCl ou H2SO4.
l’humine : insoluble dans tous les solvants.
Tous ces constituants humiques se distinguent par leur degré de polymérisation, c’est-
à-dire la grosseur de leur molécule. Celle-ci augmente depuis les acides créniques vers les
humines (figure 9).
Nous expliquerons par la suite comment se forment ces molécules. Disons seulement
dés à présent que les éléments de base servant à la synthèse de l’humus sont des molécules
assez semblables à noyau aromatique (phénolique ou quinonique).
B) Evolution générale des matières organiques dans le sol : de la M.O.F. aux substances
humiques.
Sitôt leur arrivée au sol, ces substances sont attaquées par des animaux (vers, insectes,
protozoaires,...) et par la microflore qui leur font parcourir toute une série de décompositions
et transformations successives (figure 10)
23
Figure 10 : Evolution générale des matières organiques dans le sol (tiré et modifié de Soltner, 1992)
24
Les constituants végétaux ne subissant pas la minéralisation primaire peuvent donner :
des composés phénoliques solubles ;
des résidus peu transformés (cas des constituants riches en lignine).
Ainsi on peut représenter sous forme d’une pyramide les composés humiques qui se forment
des plus solubles, simples et à faible poids moléculaire (les acides créniques) au plus
insolubles, complexes et à poids moléculaire élevé (humine).
L’humine qui se forme par polymérisation ou polycondensation est appelée humine
d’insolubilisation.
L’humine par héritage : l’humification par héritage consiste en une conservation intacte de
molécules complexes de lignine peu ou pas transformées. Ces résidus donnent alors l’humine
résiduelle ou héritée.
25
c) Propriétés générales des différents composés humiques :
Les acides humiques bruns sont peu colorés, à molécule de taille moyenne et peu condensés.
Ils se lient difficilement avec l’argile pour former des complexes argilo-humiques peu stables
et floculent lentement par le calcium à concentration élevée.
Les acides humiques gris sont très foncés, à grosse molécule, très condensés et forment avec
l’argile un complexe argilo-humique très stable. Ils floculent aisément par le calcium à faible
concentration.
Ils peuvent comprendre des acides organiques, des polysaccharides, des dérivés
phénoliques, des acides aminés, etc.
Les acides fulviques possède un noyau de faible dimension mais les chaînes aliphatiques sont
très développées.
Leur comportement dans le sol diffère selon les conditions du milieu qui en règle
également la composition.
En conditions défavorables et spécialement en milieu très acide (mor), les acides fulviques
sont très acides, agressifs, mobiles, capables de se complexer (se lier) aux sesquioxydes (
Fer ou Aluminium) dont ils provoquent la migration (voir processus de podzolisation au
chapitre VI).
En milieu moins défavorable, la propriété de former des complexes mobiles avec les
sesquioxydes tend à disparaître. Il y a floculation réciproque (polycondensation). Par
contre, ils exercent une influence notable sur la migration des argiles (lessivage : voir
chapitre VI).
26
gros édifices humiques, soit par liaison aux acides humiques déjà formés, soit par
biodégradation rapide.
3. Les humines :
Il existe deux raisons principales pour lesquelles une matière humique devient peu
attaquable aux réactifs :
fort degré de condensation ;
liaisons énergiques avec les colloïdes minéraux.
humine héritée : proche de la M.O.F. est constituée de lignine peu transformée incorporée
au sol par action mécanique et ne réalise avec l’argile que des liaisons peu stables.
humine microbienne : résulte d’une néoformation par les micro-organismes du sol dans
des milieux biologiquement actifs. Elle forme avec l’argile des complexes stables mais
labiles (qui ne dure pas longtemps) qui se détruisent par biodégradation de l’humus
(minéralisation rapide).
27
5. LES PHASES DE L’HUMIFICATION
Les débris organiques non encore décomposés ( M.O.F. ) sont privés par simple
solubilisation dans l’eau ( pluie ) de composés aisément mobilisables tels que les sucres, les
sels minéraux (Na , K,... ), des acides aminés, des composés phénoliques solubles, etc.
Principalement sous l’action de la faune du sol, les débris organiques sont fragmentés,
désagrégés, pulvérisés. La surface d’attaque microbienne est considérablement augmentée
(jusqu’à 3000 ou 4000 fois ).
Attaqués les premiers, ils sont une source d’énergie très accessible aux micro-
organismes qui les oxydent rapidement :
En milieu aéré, les levures et les bactéries leur font subir des fermentations alcooliques
avec production d’alcools et d’acides, et dégagement de gaz carbonique.
En milieu anaérobie, ils sont décomposés jusqu’à la transformation en méthane et en
hydrogène gazeux.
Cette attaque est très sensible à la richesse en azote et en calcium du milieu, ainsi qu’à
son oxygénation :
En milieu aéré mais très acide, seuls certains champignons acidiphiles sont actifs. Mais leur
action est lente et peu efficace : la cellulolyse reste faible, et la cellulose non décomposée
s’accumule ;
En milieu anaérobie, certaines bactéries anaérobies dégradent la cellulose, d’abord en acides
organiques puis en gaz : gaz carbonique, hydrogène, méthane. Dans ces conditions, la
cellulose ne servira pas à la construction de l’humus ;
En milieu neutre et aéré, comme en milieu riche en calcaire, la cellulose est rapidement
hydrolysée en sucres solubles. Les glucides ainsi formés ont alors trois destinations possibles :
la majeure partie sert d’aliment énergétique aux micro-organismes du sol, avec production
élevée de CO2 et d’H2O. ;
une seconde partie sert d’aliment plastique aux bactéries qui vont synthétiser de longues
chaînes aliphatiques : les polysaccharides microbiens (ou polyuronides). Ces substances
forment une sorte de gelée brune appelée « gelée cytophagienne ». Cette gelée ou colle aux
remarquables propriétés agglutinantes constitue l’humine microbienne ;
une faible partie de la cellulose est transformée par certains champignons en composés
phénoliques solubles qui serviront ensuite à la synthèse de composés humiques.
29
c ) Les composés phénoliques solubles :
Dans les cellules végétales, celles des feuilles, des tiges, des racines, se trouvent de
multiples substances solubles. Sous l’effet des pluies d’automne, ces substances solubles sont
les premières entraînées hors des tissus végétaux, dans les premiers centimètres du sol. En
forêt, on nomme « pluviolessivats » cette sorte de « tisane de feuilles » qui s’échappe des
débris végétaux, sitôt la chute des feuilles, et pénètre dans les premières couches du sol1.
Ces substances solubles sont composées, nous l’avons vu plus haut, de sucres solubles,
d’acides aminés, de sels minéraux, mais aussi de composés phénoliques solubles.
Ces composés phénoliques libérés lors de la décomposition de la M.O.F. et dont nous avons
déjà abordé la nature chimique, peuvent en réalité avoir trois origines :
certains existaient déjà dans les tissus végétaux ;
d’autres proviennent de la dégradation de la lignine ;
d’autres enfin peuvent être synthétisés par des micro-organismes à partir de la dégradation
de la cellulose.
Ces composés phénoliques solubles sont la principale matière première des composés
humiques. Cependant, il est important de distinguer les composés phénoliques solubles
( C. P. ) « mélanisants », des C. P. « tannants » :
les C.P. mélanisant (du grec mélanos, noir, soulignant le rôle humifère de ces composés) se
forment sous végétation dite « améliorante » assez riche en azote ( C/N de la M.O.F.
inférieure à 20 ). Ils peuvent se polymériser et sont favorables à la formation de composés
humiques.
les C.P. « tannants » au contraire, au lieu de se polymériser, restent solubles et ne
donneront pas d’humus. De plus, ils bloquent la biodégradation des protéines. les C.P.
tannants se forment sous végétation « acidifiante », pauvre en azote ( C / N de 50 à 80 ) :
résineux, bruyères, etc.
1
MANGENOT et al ont signalé que les espèces végétales neutrophiles et nitrophiles telles l’ortie ( Urtica dioïca )
et le compagnon rouge ( Melandrium rubrum ) perdent par pluviolessivage des composés phénoliques riches en
azote se polymérisant rapidement et donnant dans le sol des composés noirs proches des acides humiques.
30
d ) La décomposition de la lignine ou ligninolyse :
Alors que la cellulose est formée de molécules en chaînes, les molécules de lignine
sont formées de nombreux noyaux aromatiques agglutinés, polymérisés. Leur décomposition
est donc plus difficile, sauf en conditions très favorables, conditions qui dépendent comme
pour la cellulose de l’aération et de l’acidité du milieu :
en milieu aéré, peu acide et riche en azote, des champignons basidiomycètes (pourritures blanches)
dégradent très rapidement la lignine avec formation de composés phénoliques solubles. Ces derniers,
associés à ceux de tannins facilement hydrolysables libérés par une végétation riche en azote, serviront
efficacement à l’édification des composés humiques insolubles, surtout à base d’acides humiques et d’humine
d’insolubilisation. La ligninolyse est active et complète ;
en milieu aéré mais très acide, sous végétation « acidifiante », pauvre en azote, les pourritures blanches
(champignons acidiphiles) attaquent également la lignine, la solubilisant en composés phénoliques solubles.
Mais cette décomposition est rapidement bloquée par l’excès d’acidité et de composés tannants, et la lignine
peu décomposée s’accumule. Elle donnera naissance à de l’humine héritée ou résiduelle. De plus, ces
composés phénoliques, associés à ceux de tannins condensés issus de la végétation acidifiante, bloquent la
décomposition des matières azotées.
en milieu aéré et basique, riche en calcaire actif (fragments calcaires de taille inférieure à celle du limon),
les champignons dominants donnent des « pourritures brunes ou molles ». Au lieu de solubiliser la lignine, ils
se contentent de l’altérer en produits plus ou moins sombres mais insolubles. C’est une simple transformation
des molécules de lignine en molécules d’humus, un humus à base d’humine héritée ou résiduelle. Mais nous
verront plus tard que le calcaire en excès bloque rapidement cette transformation : la lignine peu transformée
et l’humus qui en résulte sont bientôt recouverts d’une gangue calcaire cristallisée.
e ) La décomposition des protéines ou protéolyse :
E ) Phase de complexation :
Lorsque les substances humiques à petites ou à grosses molécules sont mise en contact
interne avec les colloïdes minéraux, il peut s’établir des liaisons de types variés entre les deux
groupes de substances pour donner des complexes organo-minéraux.
Leur formation est grandement favorisée par l’action exercée par les vers de terre.
Il s’agit, comme nous l’avons déjà vu, de la minéralisation lente des composés
humiques.
SYNTHESE
A. LES TOURBES :
Une tourbe (figure 11) est le résultat de l’accumulation d’une grande quantité de
matière organique très peu décomposée. En effet, en milieu asphyxiant, l’activité biologique
est très réduite. La minéralisation primaire et la libération de composés phénoliques solubles
restent donc très faibles et limitées à la surface du sol plus aérée ; tandis que s’accumule une
grande quantité de matière organique peu décomposée, donc d’humine résiduelle2.
2
Caractéristiques des tourbes : très faible évolution de la matière organique fraîche : anaérobiose presque
constante, cellulolyse assez active, ligninolyse inexistante. Les tourbes acides se forment dans des eaux
dépourvues de calcium, elles sont très désaturées, PH de 4 à 5 avec un taux de cendres bas ( 2 à 3 % ), C / N de
l’ordre de 40. Les tourbes calciques se forment sur substratum calcaire dans des eaux fortement chargées de
calcium (taux de cendres de 15 % environ, C / N inférieur à 30 ).
B. Les humus de forme MOR / MODER :
Le schéma d’évolution (figure 12) des matières organiques dans le cas des humus de
forme MOR / MODER3 fait ressortir :
3
Comme nous le verrons dans le chapitre 5, les caractéristiques physico-chimiques des mor et des moder sont les
suivantes :
PH de 3 à 4,5 pour le mor, 4 à 5 pour le moder ;
C / N de 25 à 30 pour le mor, de 15 à 25 pour le moder ;
taux de saturation ( S / T ) inférieur à 10 % pour le mor, de 10 à 20 % pour le moder.
Figure 12 : Schéma général de l’évolution de la matière organique dans les MOR / MODER (tiré et modifié de SOLTNER,
1992).
On qualifie de mull les humus formés en présence d’une activité biologique élevée.
Mais c’est le seul caractère commun des mull, qui diffèrent selon leur degré d’évolution et la
vitesse de leur minéralisation.
Ce qui frappe au premier abord chez le mull acide et surtout dans les mull doux, c’est
la minceur de la couche humifère. C’est le signe que la minéralisation primaire des matières
organiques fraîches et la minéralisation secondaire de l’humus sont actives.
36
Mais le schéma de la figure 13 souligne aussi :
que l’humine héritée est peu représentée dans l’humus : la lignine est complètement décomposée ;
que l’humification se fait surtout par les deux voies de l’insolubilisation ( humine d’insolubilisation
abondante ) et de la néosynthèse microbienne ( l’humine microbienne peut représenter 10 % de
l’humine, ce qui est important ).
Figure 13 : Schéma général de l’évolution de la matière organique dans les MULL DOUX (tiré et modifié de SOLTNER,
1992).
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D. LE MULL CARBONATE :
Le mull carbonaté ou mull calcaire se caractérise sur une coupe dans le sol,
par la teinte assez foncée surtout en surface, mais se prolongeant assez profondément ;
par l’étonnante structure grumeleuse, traduisant une intense activité des vers de terre
mélangeant intimement les matières organiques au sol.
Visiblement, la matière organique s’accumule davantage que dans les mull doux ou
acide, mais se mélange intimement au sol contrairement au mor et au moder.
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Figure 13 : Schéma général de l’évolution de la matière organique dans les MULL carbonaté (tiré et modifié de SOLTNER,
1992).
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ANNEXES
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