Le Syndrome de La Charnière Dorso-Lombaire
Le Syndrome de La Charnière Dorso-Lombaire
Le Syndrome de La Charnière Dorso-Lombaire
Le rôle de la charnière dorso-lombaire (CDL) est très largement méconnu dans le domaine de la
pathologie vertébrale commune. Certaines raisons peuvent l’expliquer, qui n’attirent pas l’attention sur
cette région :
2 - Il n’existe que rarement des lésions dégénératives radiographiques au niveau de la charnière dorso-
lombaire (T11 - T12 - L1).
3 - C’est seulement un examen clinique attentif et systématique qui permet le diagnostic par la mise en
évidence d’un segment vertébral douloureux à ce niveau.
Introduction
Le rôle de la charnière dorso-lombaire (CDL) est très largement méconnu dans le domaine de la
pathologie vertébrale commune. Certaines raisons peuvent l’expliquer, qui n’attirent pas l’attention sur
cette région :
2 - Il n’existe que rarement des lésions dégénératives radiographiques au niveau de la charnière dorso-
lombaire (T11 - T12 - L1).
3 - C’est seulement un examen clinique attentif et systématique qui permet le diagnostic par la mise en
évidence d’un segment vertébral douloureux à ce niveau.
La cause habituelle est un “Dérangement Intervertébral Mineur” (R. Maigne - Painful intervertebral
dysfunction) portant, le plus souvent, sur T12 - L1. Il peut exceptionnellement s’agir d’une hernie discale.
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Ces manifestations peuvent être isolées ou associées.
Les manifestations douloureuses coïncident avec la distribution des nerfs rachidiens correspondants (T12,
L1). Elles sont liées à des perturbations tissulaires réflexes, conséquences d’un “Syndrome
cellulopériostomyalgique d’origine vertébrale” (R. Maigne) qui sont mises en évidence par l’examen
(Fig. 1).
Figure 1:
A) Distribution schématique des nerfs rachidiens T12 et L1
1. Branche antérieure
2. Branche postérieure
3. Rameau perforant latéral cutané
B) Les douleurs projetées à partir de la charnière dorso-lombaire occupent le territoire cutané de ces
nerfs qui est le siège d’une cellulalgie réflexe. Mais ces douleurs sont ressenties comme des douleurs
profondes.
1. Lombalgie (branche postérieure)
2. douleur pseudo-viscérale et de l’aine (branche antérieure)
3. douleur pseudo-trochanterienne (rameau perforant)
La cause habituelle est un dérangement intervertébral mineur d’un segment de la charnière dorso-
lombaire.
Le diagnostic de ce syndrome est purement clinique.
Rappel anatomo-physiologique
Biomécanique
La charnière dorso-lombaire présente des caractères biomécaniques particuliers. Elle fait transition entre
la colonne lombaire où le mouvement de rotation est presque inexistant et la colonne dorsale où ce
mouvement de rotation est libre.
Ceci est dû essentiellement à l’orientation des articulations interapophysaires. Elles sont sensiblement
dans un plan frontal au niveau du rachis dorsal. Elles sont au contraire dans un plan sagittal au niveau du
rachis lombaire. Cette disposition fait que le rachis dorsal devrait avoir une mobilité particulièrement
libre, surtout en rotation si les côtes ne le gênaient. Par contre, le mouvement de rotation est pratiquement
nul au niveau du rachis lombaire, sauf quand il est en légère flexion. Mais il est tout-à-fait impossible
quand le rachis lombaire est en extension.
Anatomiquement et physiologiquement, T12 est une vertèbre intermédiaire, transitionnelle, tant chez
l’homme que chez la plupart des quadrupèdes. Il peut s’agir de T11 pour certains individus. Cette
vertèbre transitionnelle sépare le segment cervico-dorsal du segment lombo-sacré.
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Les articulations supérieures de T12 ont la forme de celles des vertèbres dorsales et les inférieures ont
celle des vertèbres lombaires. Il y a donc là une certaine rupture de l’harmonie du mouvement qui
favorise les contraintes subies par cette région. T12 est en quelque sorte une vertèbre charnière autour de
laquelle s’effectue les changements de position des deux segments rachidiens en inflexion latérale, en
flexion, en extension (Fig. 2).
Figure 2: Orientation des articulations postérieures (A.P.) dorsales et lombaires. Elle est :
- frontale pour le rachis dorsale bloquant la rotation
- sagittale pour le rachis lombaire ce qui bloque la rotation
T12 est transitionnelle, dorsale pour ses A.P. supérieures, lombaire pour les inférieures.
On sait que la 11ème, la 12ème dorsale et la 1ère lombaire sont avec une particulière fréquence le siège
de fractures-tassements en cas de traumatisme. Il est d’ailleurs remarquable que cette zone charnière
dorso-lombaire, soumise à des contraintes considérables, présente assez peu de lésions dégénératives,
contrairement à la charnière lombo-sacrée.
Lésions dégénératives
Les lésions radiologiques dégénératives de la charnière dorso-lombaire ne sont pas très fréquentes sur les
radiographies standard. Elles le sont un peu plus sur les examens CT-scanner. Sur une étude faite sur des
cadavres en Finlande, Malmivara a pu constater que T11 est plus souvent transitionnelle que T12. Mais il
a surtout pu noter que le segment sus-jacent (T10 - T11) présente surtout des lésions dégénératives
discales, et que le segment sous-jacent (T12 - L1) présente surtout des lésions dégénératives articulaires
postérieures.
Ces lésions dégénératives ne nous ont pas semblé beaucoup plus fréquentes chez des sujets présentant un
Syndrome de la jonction dorso-lombaire que chez un groupe témoin de sujets d’âge comparable qui n’en
présentaient pas.
Toutefois, les sujets qui présentent des lésions marquées de séquelle de maladie de Scheuerman, ou des
nodules de Schmorl au niveau de la charnière dorso-lombaire, semblent beaucoup plus vulnérables.
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Figure 3: Territoires cutanés innervés par T12 et L1.
les plans cutanés de la région abdominale inférieure, la face interne des cuisses à leur partie
supérieure, les grandes lèvres ou le scrotum.
la partie inférieure des muscles “grand droit de l’abdomen” (rectus abdominis), et “transverse”
(transversus abdominis).
le pubis
Par les rameaux cutanés de leur branche postérieure (posterior ramus) ils innervent les plans cutanés de la
région lombaire inférieure et de la partie supérieure des fesses, avec accessoirement ceux de T11 et de L2.
Les anastomoses sont fréquentes et il y a de nombreuses variations individuelles.
Depuis notre première description de ce syndrome (1972), nous avons pratiqué plusieurs séries de
dissections pour étudier l’innervation cutanée de cette région. La dernière série a été réalisée par J.Y.
Maigne (1988). Il a constaté trois différentes dispositions du rameau cutané de ces branches postérieures
(Fig. 4).
Figure 4: Rameaux cutanés des branches postérieures innervant la région fessière. La branche
postérieure la plus interne croise toujours la crête iliaque à 7 ou 8 cm de la ligne des épineuses. Noter
que celle de T11 innerve une zone de peau située à cheval sur la crête iliaque, et que celle de L3,
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lorsqu’elle existe, s’anastomose avec celle de L2. Il existe entre ces branches des anastomoses près de
leur origine vertébrale.
- dans 60% des cas, L1 croise la crête iliaque à 7 cm de la ligne médiane, T12 étant légèrement plus
latéral.
- dans 40% des cas, c’est L2 qui croise la crête iliaque à 7 cm de la ligne médiane, L1 étant légèrement
plus latéral.
- Il a noté, en outre que le rameau le plus médial passe dans un espace ostéo-aponévrotique dans lequel il
est peu à l’aise, et où il peut être fortement comprimé (2 cas sur 37 dissections).
L’examen se fait sur le patient couché à plat ventre en travers de la table, avec un coussin sous le ventre.
Il doit être attentif et minutieux.
Examen segmentaire
On examine segment par segment avec des manoeuvres qui sollicitent directement les vertèbres dans le
but de provoquer une douleur et de mettre en évidence une souffrance segmentaire. Ces manoeuvres sont
indolores sur un segment normal. Deux sont particulièrement utiles à ce niveau :
De D9 à L3, on va procéder avec le pouce ou mieux avec les deux pouces superposés à des pressions
lentes et appuyées sur chaque épineuse, tangentiellement à la peau. La manoeuvre sera faite de gauche à
droite. Dans le cas d’un D.I.M., elle est généralement douloureuse dans un seul sens : de droite à gauche
pour une lombalgie droite, exceptionnellement l’inverse (Fig. 5).
Figure 5: Recherche de l’étage dorso-lombaire en cause : pression latérale sur les épineuses faite
lentement de D10 à L2 à droite puis à gauche. Cette manoeuvre va provoquer une douleur sur la vertèbre
responsable et généralement dans un seul sens (droite-gauche ou gauche-droite). Noter la position du
patient pour l’examen.
2. Pression-friction sur les articulations postérieures :
Avec la pulpe du médius (renforcé par l’index qui vient s’appuyer sur le dos du médius), on exerce une
pression-friction appuyée et lente qui parcourt une ligne parallèle à celle des épineuses de chaque côté, à
1 cm de la ligne médiane. Cette manoeuvre doit être ferme et de pression constante avec de petits
mouvements de va-et-vient verticaux. Elle est non douloureuse sur les étages normaux, par contre, elle
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réveille une douleur précise au niveau de l’articulation postérieure de l’étage responsable d’un seul côté,
celui dont souffre le patient (Fig. 6).
Cet examen segmentaire met en évidence la douleur d’un segment de la charnière dorso-lombaire, parfois
de deux segments adjacents (Fig. 7).
Figure 7: C’est le plus souvent le segment T12-L1 qui se révèle douloureux à l’examen, mais ce peut-être
T11-T12 ou L1-L2.
Examen radiologique
Dans la plupart des cas il est normal ou ne montre que des lésions dégénératives mineures non
significatives. Mais il n’est pas rare de constater l’existence d’une ancienne fracture-tassement de T12 ou
de L1 souvent ignorée. Exceptionnellement, on mettra en évidence une hernie discale ou une pathologie
organique grave : spondylodiscite, myélome, etc. ou les premiers signes d’une spondylarthrite
ankylosante. Nous avons étudié (radiographies, C.T. scan) cette région sur deux groupes d’âge indentique
l’un présentant un syndrome de la jonction dorso-lombaire, l’autre étant un groupe témoin. Nous n’avons
pas constaté de différences sensibles entre les deux groupes.
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La deuxième étape de l’examen sera de rechercher les manifestations du “syndrome segmentaire cellulo-
périosto-myalgique” (R. Maigne).
- la “Cellulalgie” : le pli cutané est plus ou moins épaissi mais toujours douloureux à la manoeuvre du
pincé-roulé dans tout ou partie du territoire cutané du nerf rachidien correspondant.
- les “Cordons myalgiques” : la palpation révèle des cordons indurés et douloureux à la palpation dans
certains muscles innervés par le même nerf.
Ces cordons peuvent présenter des “Trigger-points” (points gâchettes) responsable de douleurs à distance.
La pression du doigt sur eux reproduit ces irradiations.
Toutes ces manifestations réflexes sont retrouvées d’un seul côté, celui de la douleur articulaire
postérieure du segment vertébral présentant le “Dérangement intervertébral Mineur”.
Toutes ces manifestations réflexes ne sont pas systématiquement “actives”, c’est-à-dire responsables de
douleurs dont se plaint le patient. Certaines sont “inactives” et sont de simples découvertes d’examen.
Mais elles peuvent devenir “actives” à tout moment.
Il est par exemple fréquent chez le patient qui souffre seulement de lombalgie, de trouver en plus de la
cellulalgie fessière “active”, une zone cellulalgique abdominale très douloureuse au “pincé-roulè” alors
que spontanément, il ne souffre pas de cette région.
Il y a donc :
Un point important : cette sémiologie est retrouvée même en dehors des périodes douloureuses.
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La lombalgie basse est le symptôme le plus fréquent. Elle peut s’associer à un ou plusieurs des autres
symptômes : douleur abdominale pseudo-viscérale, douleur de hanche, ou douleur pubienne. Elle peut
passer au second plan si un autre symptôme domine.
Partant du constat, que certaines douleurs vertébrales communes sont soulagées d’une manière parfois
immédiate par manipulation, R. Maigne s’est attaché à pratiquer dans ces cas un examen sollicitant
chaque segment vertébral par des pressions spécifiques. Il a constaté que soumis à ces manoeuvres, il
existe toujours un segment responsable douloureux, alors que le patient n’a pas forcément mal
spontanément à ce niveau. Ce segment devient indolore après manipulation réussie.
C’est à cette dysfonction douloureuse reversible, habituellement ignorée du patient, qu’il a donné le nom
de “Dérangement intervertébral mineur” ou D.I.M., terme qui est rentré dans l’usage des milieux de
Médecine Physique et de Rhumatologie.
Ces D.I.M. ont tendance à être auto-entretenus, sans doute à cause du fonctionnement particulier de la
colonne vertébrale qui se fait sous le signe exclusif de l’automatisme.
Ces D.I.M. peuvent être “actifs” et responsables de douleurs locales ou à distance par l’intermédiaire
des manifestations réflexes qu’ils déterminent dans le métamère correspondant et qui constituent le
“Syndrome cellulopériosto-myalgique vertébral segmentaire” (R. Maigne).
Les D.I.M. peuvent être “inactifs”, simple découverte d’examen. On les rencontre sur des segments
radiologiquement normaux ou sur des segments présentant des lésions dégénératives. Ils n’ont aucune
traduction à l’imagerie. Ils sont responsables de la plupart des douleurs communes d’origine vertébrale.
La manipulation n’en est pas le seul traitement, elle peut-être insuffisante ou contre-indiquée.
la douleur, généralement unilatérale, est toujours perçue dans la région sacro-iliaque, lombaire
basse avec parfois des irradiations postérieures, parfois latérales vers la cuisse. Elle est semblable
en tous points à celle de la lombalgie d’origine lombo-sacrée ou sacro-iliaque avec laquelle elle est
toujours confondue.
le patient ne se plaint jamais au niveau de la charnière dorso-lombaire.
Dans la forme chronique, la plus habituelle, c’est une douleur de type mécanique, augmentée par les
efforts et par certaines positions. Dans tous les cas elle est perçue comme une douleur profonde et non
comme une douleur superficielle. Elle touche plus les sujets de plus de 50 ans que les jeunes mais elle est
rencontrée à tous les âges. Elle peut être isolée ou s’associer à une lombalgie d’origine lombo-sacrée.
Dans la forme aiguë, elle prend l’aspect d’un lumbago aigu survenant après effort ou faux-mouvement le
plus souvent en rotation. Le rachis est alors raide et douloureux, très bloqué, mais il n’y a généralement
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pas d’attitude antalgique comme cela est habituel dans les lumbagos d’origine L4-L5 ou L5-S1. Cette
forme de lumbago est plus fréquente chez les sujets de plus de 50 ans.
1. Signes d’examen :
Comme nous l’avons vu, l’examen segmentaire de la charnière dorso-lombaire met en évidence un D.I.M.
qui porte le plus souvent sur T12-L1. Il s’agit parfois de T11-T12 ou de L1-L2, et même dans certains cas
de T10-T11 si T11 est la vertèbre transitionnelle.
Les signes décrits ci-dessous se situent en règle du côté de la douleur articulaire postérieure du D.I.M.. Ils
sont donc unilatéraux, même si parfois le patient a l’impression d’une douleur médiane ou bilatérale.
L’index du médecin parcourt la crête de dedans en dehors, en la frottant au travers de la peau par des
petits mouvements de va-et-vient transversaux et verticaux (Fig. 8a-8 b).
Figure 8:
a) Recherche du “point de crête”. L’index du médecin parcourt la crête iliaque en la frottant avec des
petits mouvements de va et vient verticaux et horizontaux. Lorsqu’il comprimera contre l’os le rameau
nerveux sensible, il réveillera une vive douleur en un point précis, le “point de crête” dont la pression
reproduit fréquemment la douleur habituelle du patient.
b) Le “point de crête” le plus souvent situé à 7 ou 8 centimètres de la ligne médiane, il peut être plus
externe parfois légèrement plus interne.
En un point précis - la plus souvent à 7 ou 8 cm de la ligne médiane - il réveille un point très douloureux,
qui rappelle souvent au patient sa douleur habituelle. Ce point correspondant à la compression du
rameau cutané irrité provenant de D11, D12 et L1. C’est le “point de crête postérieur”. Ce point est
souvent attribué à tort à une douleur du ligament iliolombaire. En fait, ce ligament qui s’attache sur le
versant interne de la crête iliaque ne peut être palpé.
Un fait intéressant est à noter. Même si le point de crête peut se situer plus latéralement dans certain cas,
il est le plus souvent à 7 ou 8 cm de la ligne médiane, quelque soit le niveau concerné, T11-T12, T12-L1
ou L1-L2. Il disparaît avec l’infiltration anesthésique de l’articulation du segment concerné.
Comme nous l’avons vu cela correspond au point de passage du rameau cutané le plus medial qui est le
plus souvent L1, mais parfois L2.
Cela s’explique :
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1) par le fait que les articulations postérieures reçoivent leur innervation de plusieurs niveaux. Trois pour
la plupart des auteurs, et même cinq pour Wyke.
2) par le fait que ce rameau le plus médian est le seul à passer dans un défilé ostéo-aponévrotique où il
peut subir une irritation supplémentaire et même une véritable compression.
Cela crée ce que les américains ont appelé un “double cross syndrome”, facilitant l’éclosion d’une
symptomatologie.
Mais c’est très exceptionnellement que nous avons dû avoir recours à la chirurgie dans ces cas.
b. La “cellulalgie fessière”
Le “pincé-roulé”
On examine des plans cutanés de la région lombaire inférieure et de la partie supérieure de la fesse par la
manoeuvre du “pincé-roulé”. Cette manoeuvre consiste à pincer fermement entre pouce et index un pli de
peau, et, tout en maintenant le pincement à rouler comme on ferait d’une cigarette.
Cette manoeuvre est indolore ou très peu sensible sur une zone normale. Elle est au contraire très
douloureuse sur la zone cellulalgique. De plus, sur cette zone limitée, le pli cutané est souvent épaissi,
parfois même très épaissi.
Cette manoeuvre doit être dosée, adaptée, mais surtout comparative avec le côté opposé et avec les zones
voisines.
La surface concernée varie selon les cas, occupant soit la quasi-totalité de la région fessière supérieure,
soit une partie de celle-ci au voisinage du point de crête (Fig. 9-10-11).
Figure 9: Le “pincé-roulé” : cette manoeuvre met en évidence une zone plus ou moins étendue, adjacente
au “point de crête” où le pli cutané est infiltré, épaissi et douloureux au “pincé-roulé” (à comparer avec
les zones voisines et le côté opposé où cette même manoeuvre est indolore). Il faut pincer un pli de peau,
le tirer et tout en le maintenant tiré, le rouler entre pouce et index.
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Figure 10: Zone cellulalgique et “point de crête”. La zone peut-être plus ou moins étendue selon les cas.
Figure 11: Noter la différence de niveau entre le niveau d’origine (jamais douloureux spontanément) et
la région où est resentie la douleur.
2. Preuve de l’origine dorso-lombaire de la lombalgie
Elle est apportée par le soulagement obtenu par l’infiltration anesthésique faite au niveau du point
articulaire postérieur, douloureux à l’examen. L’aiguille est enfoncée perpendiculairement à 1cm environ
de la ligne médiane au contact osseux. On injecte, après vérification par aspiration, 2 à 3 ml de xylocaïne.
On constate presque aussitôt :
Une dysfonction douloureuse du segment vertébral peut déterminer des perturbations réflexes dans les
tissus du métamère correspondant, elles constituent le “Syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique
segmentaire” (Robert Maigne).
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- une cellulalgie dans tout ou partie du territoire cutané innervé par le nerf rachidien correspondant.
Cela est pratiquement constant en ce qui concerne les nerfs du tronc, particulièrement les branches
postérieures dont c’est la seule sémiologie
Cette dermo-cellulalgie localisée, généralement unilatérale, est mise en évidence par la manoeuvre du
“pincé-roulé” qui montre un pli de peau plus ou moins épaissi, parfois très épaissi, mais toujours
douloureux à la manoeuvre.
Ces cellulalgies localisées sont le plus souvent inactives, mais peuvent être responsables de douleurs
toujours ressenties comme profondes et mal localisées par le patient.
- les muscles du myotome peuvent présenter des “cordons indurés” douloureux à la palpation, avec
parfois un point central particulièrement sensible dont la pression détermine ou réveille des douleurs à
distance trompeuses. Ces points sont analogues aux “trigger points” décrits par J Travell, mais cet
auteur les attribue à la fatigue d’un muscle trop sollicité, le plus souvent pour des raisons posturales.
Cela est exact mais l’origine vertébrale méconnue par cet auteur est fréquente. Par exemple : un point
myalgique du petit fessier provoque des irradiations sciatiques très trompeuses.
- enfin les insertions ténopériostées correspondant aux mêmes circuits d’innervation se montrent très
sensibles à la palpation, et présentent même parfois des douleurs spontanées (certains épicondylite ou
epitrochlealgie reconnaissent une origine cervicale (C6 - C7 ou C8).
Pour cette infiltration qui concerne aussi bien la branche postérieure que l’articulation interapophysaire,
nous conseillons de laisser l’aiguille en place, et d’attendre une quinzaine de secondes la disparition de la
douleur au pincé-roulé, et de celle du “point de crête” à la pression (Fig. 12-13). S’il n’y a pas de
modification, c’est que l’infiltration n’a pas concerné le bon étage ou qu’il faut modifier légèrement la
place de l’aiguille. Le même résultat est obtenu par manipulation si celle-ci rend indolore l’articulation
postérieure dorso-lombaire responsable.
Figure 12: L’infiltration est faite au contact de l’articulation postérieure douloureuse. Ce peut-être un
test (xylocaïne ou un traitement dérivé cortisoné).
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Figure 13: L’infiltration anesthésique de l’articulation postérieure dorso-lombaire douloureuse supprime
en quelques secondes le “point de crête” et la cellulalgie. La vérification se fait en laissant l’aiguille en
place. L’infiltration se fait habituellement sans contrôle radiologique mais celui-ci devient nécessaire si
le tableau clinique est typique et non amélioré par l’injection
A l’inverse, si l’on pratique une injection “placebo” avec du sérum physiologique ou si l’on injecte la
xylocaïne à un autre niveau ou plus latéralement par rapport au massif articulaire postérieur, il n’y a
aucun soulagement pour le patient et aucun effet sur le “point de crête”, ni sur la zone cellulalgique au
“pincé-roulé”.
3. Fréquence
La fréquence de cette forme de lombalgie isolée est d’environ 30% du total des lombalgies dans nos
statistiques. Elle est plus fréquente chez les sujets de plus de 50 ans. Elle peut être aussi associée à une
lombalgie d’origine basse lombo-sacrée : “forme mixte”. Dans cette dernière forme, chacune des deux
origines joue un rôle variable selon les périodes.
Un élément très trompeur dans le diagnostic de cette lombalgie d’origine dorso-lombaire, consiste dans la
fréquence des lésions radiologiques lombaires basses (L4-L5-S1) : discopathie, arthrose articulaire
postérieure, spondylolisthésis, etc. qui attirent et focalisent l’attention et peuvent ne jouer aucun rôle dans
la douleur lombaire.
La lombalgie qui persiste après une intervention réussie pour une sciatique discale est souvent d’origine
dorso-lombaire (Fig. 14).
Figure 14: Patient opéré d’une sciatique discale avec un très bon résultat sur la douleur de jambe, mais
persistance d’une lombalgie rebelle d’origine dorso-lombaire.
Douleurs pseudo-viscérales
Le patient peut présenter des douleurs de la région abdominale inférieure, inguinales ou testiculaires. La
douleur est ressentie comme une douleur profonde tensive simulant parfaitement une douleur viscérale.
Il peut s’agir de douleurs modérées ou épisodiques qui peuvent survenir en même temps que la lombalgie.
Le plus souvent, le patient ne fait aucun lien entre les deux douleurs qui : par exemple, telle patiente est
suivie en gynécologie d’une part, et en rhumatologie d’autre part, pour sa lombalgie.
Ces douleurs pseudoviscérales peuvent aussi être isolées. Elles peuvent prendre tous les caractères :
légères, sévères, parfois très aiguës. Elles peuvent être quotidiennes ou épisodiques. Le déclenchement
mécanique de la douleur (efforts, positions) est rarement noté par le patient.
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Ces douleurs, lorsqu’elles sont tenaces, conduisent à des examens multiples, à des investigations parfois
lourdes. Et pour peu qu’une anomalie soit retrouvée, il y a souvent intervention chirurgicale inutile,
particulièrement dans le domaine de la gynécologie.
Le signe essentiel de l’examen local est là encore une cellulalgie localisée que révèlera la manoeuvre du
pincé-roulé dans une zone précise de la partie inférieure de l’abdomen et de la partie supéro-interne de la
cuisse. Cette cellulalgie est méconnue du patient. La douleur est unilatérale comme la sémiologie.
Fausses-douleurs de hanche
Le patient qui présente un Syndrome de la charnière dorso-lombaire peut consulter pour une douleur de la
région trochantérienne augmentée par la marche, et parfois pour une douleur de l’aine. Cela simule alors
une douleur de hanche d’autant qu’à l’examen, les mouvements de flexion-adduction de la hanche et
parfois d’abduction peuvent être douloureux. Le plus souvent seule la palpation du trochanter est
douloureuse et le diagnostic de ténobursite trochantérienne est généralement posé. Mais les infiltrations
locales sont sans effet. En fait, ce n’est pas le tendon ou le trochanter qui sont douloureux dans ce cas,
mais les plans cutanés cellulalgiques qui le recouvrent. Leur compression contre l’os, lors de l’examen,
simule parfaitement la douleur trochantérienne.
Il s’agit parfois dans certains cas d’une douleur irradiant à la face externe de la cuisse et même à la face
externe de la jambe, simulant une douleur sciatique.
L’examen montrera :
1. Un “point de crête iliaque latéral” : ce point de crête se situe sur la crête iliaque à la verticale du
trochanter. Il correspond au point de croisement du ramus cutaneus lateralis. Il existe fréquemment une
petite encoche, palpable à ce niveau sur la crête iliaque (Fig. 15).
F
igure 15: Zone cellulalgique et “point de crête” latéral chez une patiente présentant une douleur pseudo-
trochanterienne avec irradiations pseudo-sciatiques.
2. Une “zone cellulalgique” douloureuse au “pincé-roulé” s’étendant sur une bande verticale au-dessous
de ce point. Elle correspond au territoire d’une des deux branches perforantes cutanées (ramus cutaneus
lateralis) issues de la branche antérieure de T12 ou de L1, une bande verticale étroite.
L’infiltration anesthésique du rameau nerveux cutané au “point de crête latéral” fait disparaître la douleur
au “pincé-roulé” et la douleur à la pression du trochanter. Il existe des formes plus ou moins
handicapantes de ces fausses douleurs de la hanche. On peut les rencontrer aussi chez des sujets porteurs
de prothèses totales de hanche, qui souffrent alors que leur prothèse est parfaite.
Selon les traités d’anatomie, ces rameaux cutanés latéraux ne descendent pas au-dessous du trochanter.
Ayant constaté que la bande douloureuse au “pincé-roulé” s’étendait souvent plus bas, jusqu’à mi-cuisse,
nous avons recherché une vérification anatomique par une série de dissections. Jean Yves Maigne qui les
a réalisées a pu constater sur 40 dissections, l’existence de trois types de rameaux cutanés : les courts, les
moyens, et les longs, ces derniers pouvant être suivis jusqu’à mi-cuisse. Cela corrobore parfaitement nos
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constatations cliniques, et montre l’intérêt de la recherche de ces zones cellulalgiques localisés et
unilatérales.
Il a pu noter aussi au cours de ces dissections, la possibilité pour le rameau nerveux d’être fortement
comprimé et sténosé lors de son croisement avec la crête iliaque (1 fois sur 40 dissections).
Il semble bien que dans certains cas ce facteur canalaire joue un rôle additionnel plus ou moins important
réalisant comme pour la lombalgie un “double cross syndrome”. Le traitement médical suffit le plus
souvent, mais dans quelques cas rebelles et invalidants nous avons avec succès eu recours à la chirurgie
libérant le rameau sténosé (Pr. Touzard, Pr. Doursounian).
Douleurs pubiennes
Lorsqu’on examine un patient présentant un Syndrome de la charnière dorso-lombaire, on constate que
l’hémipubis est très douloureux à la palpation friction dans 1/3 des cas. Elle ne l’est pas sur l’autre
hémipubis.
Il est relativement rare que le patient se plaigne spontanément d’une douleur pubienne. Cela est plus
fréquent lorsqu’il s’agit de sportifs pratiquant des sports où les muscles abdominaux et adducteurs
s’insérant sur ce pubis sensibilisé sont très sollicités (football, tennis,...).
Il nous paraît que ce mécanisme joue un rôle important dans le déclenchement de certaines pubalgies et
nous avons pu guérir des pubalgies qui n’étaient pas trop anciennes (3 à 6 mois) par le seul traitement
vertébral.
Avec l’évolution, les traumatismes répétés, les phénomènes réactionnels d’inflammation locale des tissus
s’accentuent, s’installent et le même résultat ne peut être obtenu. Il est bien évident qu’il existe d’autres
mécanismes dans la genèse de pubalgies. On peut néanmoins se demander si certaines interventions
proposées dans cette affection, ne constituent pas aussi une dénervation de la région.
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Tableau récapitulatif des motifs de consultation chez 100 sujets présentant un Syndrome de la charnière
dorsolombaire
Traitement
Le traitement est avant tout vertébral.
- Il consiste le plus souvent en manipulations portant sur le segment thoraco-lombaire responsable (Fig.
16 ).
Figure 16: Traitement par manipulations portant sur le segment thoraco-lombaire responsable.
- l’infiltration avec un dérivé cortisoné de l’articulation articulaire postérieure douloureuse peut compléter
l’action de la manipulation si celle-ci apporte un résultat insuffisant. Elle peut remplacer la manipulation
si celle-ci est impossible ou contre-indiquée.
- Dans les cas très chroniques, le traitement local des manifestations cellulalgiques (injections, massages,
physiothérapie) est parfois nécessaire.
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- Dans les rares cas où un syndrome canalaire du rameau cutané postérieur, ou du rameau cutané
perforant latéral est suspecté et ne répond pas au traitement médical, une chirurgie libératrice est justifiée.
Il peut être exceptionnellement chrirurgical.
Il y a 20 ans, Henri Judet avait bien voulu essayer de trouver avec nous une solution pour des patients
présentant une lombalgie d’origine dorso-lombaire invalidante, soulagés mais trop brièvement par le
traitement médical. Il avait ainsi opéré une quinzaine de patients par capsulectomie postérieure, avec un
bon résultat qui s’est maintenu pour ceux dont la lombalgie était seulement d’origine dorso-lombaire, sans
association même légère avec une origine basse.
Par la suite nous avons utilisé l’électrocoagulation percutanée pour les rares cas le nécessitant.
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